AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le vendredi 22 février 2002
¾ | 0850 |
Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)) |
¾ | 0855 |
Le président |
¿ | 0900 |
M. Howard Hilstrom (Selkirk--Interlake, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Odina Desrochers (Lotbinière--L'Érable, BQ) |
Le président |
M. Dick Proctor (Palliser, NPD) |
Le président |
M. Steckle |
Le président |
M. Calder |
Le président |
¿ | 0905 |
M. Brewster Kneen (témoignage à titre personnel) |
¿ | 0910 |
Le président |
M. Peter Murray (témoignage à titre personnel) |
¿ | 0915 |
Le président |
M. Peter Phillip (témoignage à titre personnel) |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Bruce Newton (témoignage à titre personnel) |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
Le président |
Mme Cathleen Kneen (témoignage à titre) |
¿ | 0940 |
Le président |
M. Peter Phillip |
Le président |
M. Peter Phillip |
Le président |
M. Peter Phillip |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Howard Hilstrom |
Le président |
M. Howard Hilstrom |
M. Peter Phillip |
M. Howard Hilstrom |
M. Bruce Newton |
M. Howard Hilstrom |
M. Bruce Newton |
¿ | 0950 |
M. Howard Hilstrom |
M. Peter Phillip |
M. Howard Hilstrom |
M. Brewster Kneen |
M. Howard Hilstrom |
M. Brewster Kneen |
¿ | 0955 |
M. Howard Hilstrom |
M. Brewster Kneen |
M. Howard Hilstrom |
M. Brewster Kneen |
Le président |
M. Desrochers |
M. Brewster Kneen |
À | 1000 |
M. Desrochers |
Mme Cathleen Kneen |
M. Desrochers |
M. Peter Murray |
M. Peter Phillip |
Le président |
À | 1005 |
M. Steckle |
M. Brewster Kneen |
À | 1010 |
Le président |
M. Proctor |
M. Peter Murray |
M. Proctor |
M. Peter Murray |
M. Proctor |
M. Peter Phillip |
M. Proctor |
À | 1015 |
Le président |
M. Murray Calder |
M. Brewster Kneen |
M. Murray Calder |
M. Brewster Kneen |
M. Murray Calder |
À | 1020 |
M. Brewster Kneen |
M. Murray Calder |
Le président |
M. Murray Calder |
Le président |
Mme Hinton |
M. Peter Phillip |
Mme Hinton |
M. Peter Phillip |
Mme Hinton |
M. Peter Phillip |
À | 1025 |
Mme Betty Hinton |
M. Bruce Newton |
À | 1030 |
Le président |
M. Proctor |
Mme Cathleen Kneen |
M. Proctor |
M. Brewster Kneen |
Le président |
M. Steckle |
À | 1035 |
M. Peter Phillip |
Le président |
M. Howard Hilstrom |
M. Hilstrom |
À | 1040 |
M. Brewster Kneen |
Le président |
M. Murray Calder |
M. Calder |
À | 1045 |
M. Brewster Kneen |
M. Murray Calder |
M. Brewster Kneen |
Mme Cathleen Kneen |
Le président |
À | 1050 |
M. Bruce Newton |
Le président |
Mme Betty Hinton |
CANADA
Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le vendredi 22 février 2002
[Enregistrement électronique]
¾ (0850)
[Traduction]
Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): Bonjour à tous. Nous accusons un léger retard ce matin mais, de toute façon, nous sommes heureux d'être aujourd'hui à Kamloops. La semaine dernière, nous avons fait deux arrêts au Manitoba et deux autres en Saskatchewan. Nous en sommes à notre deuxième arrêt ici en Colombie-Britannique.
Nous sommes un comité permanent de la Chambre des communes au sein duquel tous les partis sont représentés. Nous nous sommes fixé comme objectif de parcourir le pays afin de rencontrer des groupes d'agriculteurs et des agriculteurs et de produire à l'issue du processus un rapport qui sera déposé à la Chambre des communes.
Nos délibérations seront bien sûr enregistrées et nos interprètes assureront la traduction simultanée. Si vous le désirez, vous pouvez prendre de petits écouteurs. En fait, vous en aurez probablement besoin plus tard ce matin.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre comité procède à l'étude sur le futur rôle du gouvernement en agriculture. Comme quelqu'un l'a dit l'autre jour, c'est presque comme si une partie de la Chambre des communes s'était déplacée ici à Kamloops, étant donné que nous représentons la Chambre et que nous lui sommes comptables.
J'aimerais tout d'abord ce matin donner la parole à Mme Hinton, la députée qui vous représente au Parlement. Nous sommes heureux que vous vous soyez joints à notre groupe ici. Aimeriez-vous dire quelques mots au nom de vos électeurs?
¾ (0855)
Le président: Merci beaucoup, Betty.
Howard, qui est aussi membre de l'Alliance canadienne, est le vice-président de notre comité.
Howard.
¿ (0900)
M. Howard Hilstrom (Selkirk--Interlake, Alliance canadienne): Oui. J'aimerais vous souhaiter à tous la bienvenue.
Je m'appelle Howard Hilstrom. Je représente la circonscription de Selkirk--Interlake qui se trouve plus ou moins entre deux grands lacs, le lac Winnipeg et le lac Manitoba. Je suis porte-parole principal de mon parti en matière d'agriculture depuis 1998. Je suis propriétaire d'une exploitation bovine. Il s'agit d'une exploitation de naissage et de semi-finition au Manitoba.
J'ai hâte d'entendre vos exposés.
Le président: Du Bloc québécois et de la belle province, Odina.
M. Odina Desrochers (Lotbinière--L'Érable, BQ): Je vais me présenter en anglais. Si j'ai des questions à vous poser après votre exposé, je m'exprimerai alors dans ma langue maternelle.
Je m'appelle Odina Desrochers. Je suis député à la Chambre des communes. Je représente Lotbinière—L'Érable, une circonscription qui n'est pas située très loin de la ville de Québec. Il s'agit de la circonscription la plus rurale de la province.
Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. Il y a trois ans, j'ai visité Kamloops en été, sous un soleil radieux. alors que le mercure atteignait 35 degrés centigrades. C'est différent aujourd'hui.
Je suis ici pour vous écouter, comprendre vos préoccupations et vous souhaiter de passer une bonne matinée avec nous.
Le président: Du Nouveau Parti démocratique, Dick Proctor de la Saskatchewan.
Dick.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci, Charles.
Je représente la circonscription de Pallister en Saskatchewan. Elle englobe Moose Jaw, la partie sud-ouest de Regina de même que certaines exploitations agricoles dans la région. J'ai été élu à la Chambre des communes en 1997 et je siège depuis lors au comité de l'agriculture.
Paul Steckle et moi-même sommes ravis de voir autant de conférenciers barbus. Nous avons presque l'égalité des voix et cela nous plaît.
Merci
Le président: Paul.
M. Paul Steckle (Huron--Bruce, Lib.): Bonjour à ceux qui feront des exposés,et à vous tous, mesdames et messieurs. C'est un honneur pour mois d'être ici aujourd'hui. C'est toujours avec plaisir que je viens en Colombie-Britannique et j'y ai séjourné à plusieurs reprises au cours de ma vie.
Je représente à la Chambre des communes la circonscription de Huron--Bruce qui se trouve dans le sud-ouest de l'Ontario. On l'appelle souvent la côte ouest de l'Ontario. Notre région est très diversifiée. Nous y pratiquons certes l'agriculture au sens le plus propre du terme, à partir de la culture fruitière jusqu'aux cultures commerciales en passant par l'élevage du bétail. Nous sommes le berceau du sel Sifto et des niveleuses Champion. Notre région est très diversifiée.
Je suis agriculteur et éleveur de porcins.
Vos exposés de ce matin m'intéressent et, bien sûr, les conseils que vous nous donnerez et qui nous serviront pour notre rapport qui, nous l'espérons, aura une incidence sur l'avenir de l'agriculture dans notre pays.
Merci beaucoup.
Le président: L'autre vice-président du comité est Murray Calder.
Murray.
M. Murray Calder (Dufferin--Peel--Wellington--Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Murray Calder. Je représente la circonscription de Dufferin--Peel-Wellington--Grey. Elle est située dans le centre de l'Ontario aux confins de la région du Grand Toronto. Je suis président du caucus national du Canada rural et vice-président de ce comité.
Il y a pour ainsi dire de tout dans ma circonscription, de la soupe jusqu'aux aux noix. J'ai commercialisé le jardinage, les fruits fragiles, des produits à offre réglementée et le boeuf. Nous prétendons aussi avoir la plus grande ferme d'élevage de moutons en Ontario. Des industries sont aussi installées dans ma circonscription.
Dans l'autre partie qu'est ma vie, j'exploite activement une ferme avicole du nom de Calderwood Farms. Nous vendons 360 000 poulets par année.
Le président: Merci, Murray.
Je m'appelle Charles Hubbard. Je viens de Miramichi, au Nouveau-Brunswick, qui est probablement mieux connu pour son saumon. On y trouve aussi quelques exploitations agricoles et forestières, un peu comme à Kamloops. Nous exploitons des mines qui ont été fermées.
De toute façon, je vous souhaite la bienvenue à notre séance de comité.
Est-ce-vous Cathleen ou Brewster qui allez prendre la parole en premier?
Nous essayons de donner au moins cinq minutes à chacun d'entre vous. Comme nous n'avons que cinq personnes à entendre ce matin, vous pourriez prendre un peu plus de temps. Je vais essayer de vous avertir lorsque vos cinq minutes seront sur le point d'être écoulées. Je vous ferai un petit signal qui vous indiquera la fin du temps qui vous était imparti.
Nous allons tout d'abord écouter ce que chacun d'entre vous a à nous dire. Nous vous poseront ensuite des questions à tour de rôle, à raison d'environ cinq minutes chacun. Vous aurez l'occasion de répondre aux questions.
Monsieur Brewster Kneen, nous vous souhaitons la bienvenue.
¿ (0905)
M. Brewster Kneen (témoignage à titre personnel): Je suis très heureux de vous rencontrer et d'avoir l'occasion de témoigner. J'ai un vieil ami qui a le même nom à Amherst. Il était producteur agricole comme moi depuis de années quand je vivais en Nouvelle-Écosse. Je peux maintenant faire la différence.
Je suis vraiment heureux d'être ici, comme je l'ai dit, parce que, depuis que j'ai commencé à faire de la production agricole en 1971, en Nouvelle-Écosse—et le temps passe vite—j'ai le sentiment que la politique agricole devrait vraiment être d'intérêt public au Canada. Je crains que cela n'ait pas vraiment été le cas, et je suis heureux qu'on en discute maintenant dans cette optique. Je vais m'arrêter là.
J'ai une certaine expérience du milieu agricole étant donné que nous avons exploité pendant 15 ans la plus grande ferme ovine—enfin, Murray, je ne sais pas si c'était la plus grande—dans l'Est, qui comptait 400 brebis d'élevage. Je dois dire que j'en ai vraiment appris sur la reproduction du bétail, et il n'était pas question de biotechnologie. Pour notre programme de sélection des moutons et des agneaux pour la reproduction et la viande, nous n'avions pas recours au génie génétique ou à la biotechnologie. Nous utilisions des méthodes conventionnelles très différentes de gestion et de développement des productions animales adaptées à notre situation.
Depuis 1986, je suis passé à autre chose. Je fais de la recherche dans le domaine de l'agriculture et j'ai écrit cinq ouvrages. Je suis en train de terminer la révision de mon livre sur Cargill intitulé Invisible Giant: Cargill and its Transnational Strategies.
Cela m'amène au premier sujet dont je veux vous parler, et c'est la question très importante du contrôle et de la concentration des entreprises dans le domaine de l'industrie alimentaire à l'échelle internationale. Croyez-moi, je pensais connaître le dossier mais, quand j'ai commencé à rassembler tous les éléments que j'avais réunis au cours des dernières années sur Cargill pour mettre mon livre à jour, j'ai moi-même été renversé de constater jusqu'à quel point un nombre de plus en plus restreint de sociétés détiennent le contrôle. J'ai été aussi consterné par l'ampleur avec laquelle les grandes sociétés, comme Continental, Cargill, Archer Daniels Midland...qui sont des acteurs influants sur la scène canadienne. En effet, IVP et Cargill dirigent l'industrie du boeuf, ADM celle de la mouture, et le reste.
C'est alarmant de se rendre compte du nombre de partenariats, d'entreprises en participation et d'alliances stratégiques qu'ont ces présumés concurrents. Je pense que ceux qui parlent de concurrence sur le marché ne veulent surtout pas l'appliquer à ces multinationales. C'est la dernière chose qu'elles veulent. Elles diversifient les marchés et différencient les produits pour éviter la concurrence, et elles ont de multiples façons voilées de coopérer. Mon livre, qui sortira à l'automne, explique tout cela, du moins dans le cas de cette entreprise.
Je pense que c'est un problème qui doit beaucoup nous préoccuper. Quand j'ai visité la forteresse historique de Louisbourg en Nouvelle-Écosse, alors que je vivais dans cette région il y a longtemps, je me rappelle avoir appris que les Français avaient connu la défaite simplement parce que les Britanniques leur avaient coupé les vivres. C'était facile, parce qu'ils ne cultivaient rien. J'ai fait un voyage en Suisse l'autome dernier, et on m'a expliqué que la Suisse a survécu à la Seconde Guerre mondiale seulement parce qu'elle pouvait subvenir à ses besoins alimentaires. Et nous, au Canada, nous avons une économie agricole presque entièrement dominée par les multinationales étrangères qui ne s'intéressent pas à nourrir les Canadiens, mais à approvisionner leur industrie agricole en matières premières et à offrir à leurs actionnaires des rendements croissants, si possible.
Je ne dis rien de nouveau ici, mais je pense que nous avons tendance à ignorer ces réalités. Nous ne sommes pas censés parler du secteur des entreprises. Nous sommes censés dire que les producteurs agricoles sont concurrentiels, efficaces et le reste. Nous n'examinons donc pas le problème, mais je pense que nous devrions le faire.
La situation ne peut pas être plus évidente que dans le domaine du génie génétique, qui est l'autre sujet dont je veux parler. C'est alarmant de penser au rôle de Monsanto—et je crois qu'il faut donner des noms—et au contrôle que cette entreprise exerce sur la production du soja dans le monde, et à son intention de contrôler, si possible, l'approvisionnement en semences de pratiquement tous les agriculteurs du monde entier.
Hier, j'ai ouvert le Western Producer et le Ontario Farmer, je pense, et je n'en suis pas revenu de voir toutes les annonces de Monsanto. Cela indique que Monsanto doit faire beaucoup d'argent auprès des producteurs agricoles canadiens pour s'offrir autant de publicité. Évidemment, la publicité de ce genre influence la politique éditoriale de la presse agricole, parce que si vous avez besoin de la publicité de ces entreprises pour vous assurer des revenus, vous n'allez pas les critiquer.
La recherche universitaire fait face maintenant au même problème. Industrie Canada et le gouvernement tiennent à ce qu'il y ait des partenariats, et chaque chercheur doit s'associer à une entreprise. On peut se demander qui mène la barque.
Je pense que nous nous sommes placés dans une situation très dangereuse. Il y a une très bonne raison qui explique pourquoi les agriculteurs n'arrivent pas à gagner leur vie. S'ils ne produisent pas à des coûts assez bas, Cargill et les autres entreprises s'approvisionneront au Brésil, en Inde, ou en Chine, très bientôt. C'est le jeu de la concurrence mondiale, à la base, mais sûrement pas au sommet.
Je vais poursuivre et sauter quelques passages.
Je m'intéresse à la politique sur la biotechnologie—et c'est la raison pour laquelle je suis vraiment heureux que le comité tienne ces audiences. Je participe aux discussions sur le sujet depuis environ 1986. J'ai été parmi les premiers à m'y intéresser, au moment où la biotechnologie occupait encore un coin obscur de la direction des pesticides à Agriculture Canada, et que Jean Hollebon essayait d'élaborer une politique de réglementation. On a alors décidé qu'il n'y avait rien de nouveau là-dedans, et que les lois en vigueur suffisaient, ce qui a été l'erreur numéro un, parce que le génie génétique ne ressemble à rien de ce qu'on connaissait jusqu'ici. C'est comme dire que breveter des semences équivaut à breveter des lacets. Ce n'est pas le cas. Le brevetage de formes de vie et le génie génétique font partie d'une catégorie à part. Nous devons le reconnaître et agir en conséquence, de façon honnête.
À cause de cette première décision, prise au début des années 80 par Industrie Canada, le Conseil privé, le bureau du premier ministre et quelques gros entrepreneurs qui font partie d'un petit cercle depuis... Nous allons bientôt publier un document de recherche, intitulé The Real Board of Directors, qui donne les noms de personnes et d'organismes qui dirigent, qui font partie du véritable conseil d'administration de l'industrie de la biotechnologie depuis environ 1980. C'est inquiétant parce que très peu de gens gravitent dans ce milieu, et ils défendent leurs propres intérêts.
Je crains que le gouvernement, dirigé par différents partis au cours des années, c'est tellement intéressé au génie génétique—et on peut se demander pourquoi—qu'il a fait peu de cas de l'intérêt public, comme pour l'étiquetage, en disant non, vous n'avez pas le droit de savoir. Il faut se poser des questions.
Je me suis toujours demandé très simplement pourquoi l'industrie et le gouvernement veulent nous cacher des choses, si la biotechnologie est si formidable et si elle offre autant d'avantages. Pourquoi n'a-t-on pas insister sur l'étiquetage des produits génétiquement modifiés pour nous permettre d'en profiter? Cela soulève des questions très fondamentales. Pourquoi est-ce caché?
Il faut aussi examiner les rôles contradictoires des organismes de réglementation que sont Agriculture Canada et l'ACIA qui sont chargées, premièrement, de la promotion et, deuxièmement, de la réglementation.
C'est vraiment inquiétant de voir ce qui a été publié, les sommes d'argent que le gouvernement, surtout par l'entremise d'Industrie Canada, a accordé au lobby de la biotechnologie. Quand Industrie Canada verse à BIOTECanada, qui est un important organisme de défense des intérêts de l'industrie, 5 millions de dollars pour promouvoir la biotechnologie, personne ne peut me dire que le gouvernement ne poursuit pas certains objectifs. Ce sont les mêmes groupes qui ne veulent pas plus de réglementation.
Il y a deux ans et demi le ministre de l'Agriculture, en collaboration avec un très étranger partenaire des Fabricants de produits alimentaires et de consommation, a établi, conformément à l'Office des normes générales du Canada, une norme d'étiquetage pour les aliments du génie génétique. Tout de suite, le comité responsable a voulu changer son appellation pour qu'il soit question de l'étiquetage des aliments ne provenant pas du génie génétique. C'est révélateur. Et c'est ce qu'il a fait.
Deux ans et demi plus tard, le comité a présenté une prétendue norme d'étiquetage, qui est absolument ridicule. Quand les membres du comité se sont prononcés sur son adoption, il y a presque eu égalité des voix. C'est intéressant de voir que c'est très vague. Pourquoi? Parce qu'on n'a jamais eu l'intention d'adopter une norme convenable. Je ne mâcherai pas mes mots.
Je veux revenir sur la question des objectifs cachés.
Si vous me le permettez, je vais rapidement parler des éléments que j'aimerais qu'on retienne.
¿ (0910)
Le président: Monsieur Keen, je vais devoir vous interrompre, parce que vous avez dépassé la période qui vous est allouée. Je vous ai donné pas mal de temps, parce que vous présentez des arguments très intéressants. Je ne doute pas que les membres du comité voudront en ressortir quelques-uns pour vous poser des questions.
Peter, êtes-vous prêt à prendre la parole? Monsieur Murray.
M. Peter Murray (témoignage à titre personnel): Bonjour.
J'aimerais remercier le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de me donner cette occasion de m'adresser à lui.
Je m'appelle Peter Murray. Je suis agriculteur à temps plein juste en dehors de Chase, en Colombie-Britannique. Nous cultivons et vendons des légumes, et nous élevons des moutons pour le marché aux viandes. Notre ferme a 22 ans.
Comme nous évoluons vers une économie mondiale, il faut faire tout en notre pouvoir pour rendre les règles du jeu aussi équitables que possible dans le domaine de l'agriculture. Si les produits agricoles viennent au Canada de pays très subventionnés, il est très difficile à nos cultivateurs de soutenir la concurrence. D'après ce que j'entends et je lis, nos partenaires de commerce, aux États-Unis, n'hésitent pas à soutenir des groupes, agricoles et autres, contre les produits canadiens, en imposant des tarifs et des droits antidumping.
Je voudrais encourager nos gouvernements fédéral et provinciaux à se concerter pour protéger nos producteurs contre le dumping qui a lieu, au moins pour les produits que nos saison nous permettent de récolter. Si cela continue encore longtemps, nous allons nous mettre à dépendre d'aliments importés alors que notre pays est tout à fait capable de se nourrir lui-même.
Nous devons encourager la consommation de produits cultivés localement. Pour cela, les prix doivent être compétitifs entre les produits importés et ceux qui sont cultivés localement.
Sur un plan plus personnel, j'ai eu la chance d'avoir créé une entreprise de vente directe qui me permet de garder ma ferme. Malheureusement, les coûts de production continuent d'augmenter, tandis que même au niveau de la vente au détail, le rendement des produits reste largement inchangé.
Ceci me ramène au sujet des produits. Par exemple, le maïs doux entre dans notre province des États-Unis à la moitié, ou moins, de mes prix au détail pendant notre saison de production. L'idée d'entrer sur le marché de gros, par conséquent, est plutôt effrayante.
Depuis plus de 20 ans, j'ai tout fait pour fournir à mes clients un produit de qualité, et j'ai acquis une clientèle loyale, qui me permet de conserver mon entreprise. À mon avis, l'encouragement des petites et moyennes entreprises agricoles permettra à beaucoup plus de gens de rester dans le domaine agricole, réduira, nous l'espérons, le nombre d'agriculteurs qui prennent des emplois à l'extérieur de la ferme et laissera les opportunités d'emploi à ceux qui en ont besoin comme principale source de revenu.
Pour terminer, on peut comprendre pourquoi les agriculteurs, de nos jours, n'encouragent pas la génération suivante à rester dans le domaine agricole, ce qui nous amène à nous demander qui prendra la relève.
C'était court, alors nous avons rattrapé notre retard.
¿ (0915)
Le président: Merci, Peter.
Nous avons deux Peter, aujourd'hui. M. Philip, vous avez la parole.
M. Peter Phillip (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je m'appelle Peter Phillip. J'ai grandi sur une ferme familiale productrice de céréales mélangées et de boeuf, juste au sud de Kamploops. Je dépends, avec ma famille, entièrement du revenu que rapporte cette ferme.
Je suis actuellement le président de la Kamploops Stockmen's Association, qui représente quelque 200 membres de la région de Kamloops, et ce que j'ai à dire touche à votre question au sujet de l'industrie du boeuf dans la région.
Vous avez demandé ce que nous envisageons comme rôle futur du gouvernement dans l'agriculture et je vous remercie de me donner cette occasion de vous répondre.
L'élevage de bétail se fait dans beaucoup d'adversité, notamment les températures extrêmes, les invasions de parasites, des marchés parfois très fluctuants et les actes de Dieu, si on veut les appeler ainsi, qu'il faut pouvoir accepter lorsqu'on fait ce métier. Cependant, les enjeux dont je vais parler sont très influencés par le gouvernement, et ils nécessitent une intervention maintenant et dans le futur.
Les revendications territoriales des Autochtones suscitent beaucoup d'incertitude chez les éleveurs, de même que dans d'autres industries qui dépendent des terres publiques. La plupart des éleveurs de cette région ont besoin de terres de pâturage et de permis d'utilisation de terres de l'État pour que leurs entreprises soient viables. Une bonne part de ces terres font l'objet de revendications territoriales. Le processus des traités doit commencer à donner bientôt des signes de progrès, parce que le potentiel de violence croît avec la frustration que crée l'inaction.
Le développement de Tod Mountain par Sun Peaks a suscité de l'hostilité dans la région. Les éleveurs qui ont besoin des terres touchées s'inquiètent non seulement de la validité de leurs droits de pâturage maintenant et dans le futur, mais aussi de la sécurité des gens qui déplacent le bétail dans le secteur.
Nous savons tous très bien que c'est un sujet très difficile, mais tous ceux qui sont participent à ces négociations doivent comprendre que les projets d'avenir de beaucoup de gens, Autochtones et non-Autochtones, sont en suspens tant que ces revendications ne seront pas réglées.
Je vous remets, avec mon mémoire, un exemplaire de la brochure de la B.C. Cattlemen's Association, intitulée Interests in the Treaty Land Selection Process.
Notre industrie du boeuf, au Canada, exporte plus de 50 p. 100 de sa production, et plus de 70 p. 100 de cette portion va aux États-Unis. Il est par conséquent essentiel que le gouvernement fédéral nous défende vigoureusement, en vertu de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, lorsque les intérêts américains nous menacent injustement de mesures commerciales, ce qui s'est avéré être un problème constant.
L'industrie canadienne du boeuf ne dispose pas de fonds, comme nos homologues américains, pour se défendre dans les conflits commerciaux. Il n'est clairement pas à notre avantage de dépendre si lourdement d'un partenaire commercial aussi puissant. Nous devons aussi tenter d'étendre notre marché dans d'autres pays.
Le consommateur doit continuer d'avoir confiance que les aliments qu'il achète sont sécuritaires. L'Agence canadienne d'inspection des aliments a la responsabilité de veiller à ce que les viandes produites au Canada soient conformes à la Loi sur la santé des animaux. En tant que producteurs de boeuf, nous nous préoccupons des risques potentiels pour la santé. Je vous dis que nous nous en préoccupons, et le gouvernement devrait aussi s'en préoccuper parce que nous prenons à coeur la qualité de notre produit et non pas en raison de pressions qu'exercent McDonald ou Burger King dans leurs stratégies de marketing.
Le public doit être assuré que l'Agence canadienne d'inspection des aliments est dotée et financée de façon adéquate pour pouvoir continuer la réalisation d'inspections et de procédures d'analyse rigoureuses pour assurer la sécurité des aliments.
La Loi sur la santé des aliments devrait être strictement appliquée et les fabricants et les fournisseurs d'aliments du bétail devraient être tenus responsables du respect des règlements liés à cette loi. Les produits agricoles importés resteront une source potentielle de préoccupations pour la santé, tant pour le public que pour nous, du secteur agricole, et continueront par conséquent d'exiger la vigilance du gouvernement.
Il est important actuellement, et ce le sera de plus en plus, qu'Agriculture Canada ait une équipe de recherche qui soit indépendante des influences politiques et commerciales pour réagir à l'assaut des nouvelles technologies du domaine de la production des aliments. Celles-ci doivent continuer d'être analysées et évaluées pour assurer la sécurité des consommateurs, et pour prévenir toute répercussion négative qu'elles pourraient avoir dans le futur. Ceci fera que notre industrie reste compétitive tout en conservant la confiance des consommateurs.
L'expansion des villes continue de s'accélérer, recouvrant certaines des terres les plus productives du pays et déversant des quantités toujours croissantes d'effluents dans nos lacs et nos cours d'eau. Nous autres, qui avons moins de répercussions sur l'environnement, nous demandons pourquoi c'est à nous qu'il incombe de payer le prix pour toutes ces espèces qui ont été mises en danger par l'empiètement des hommes. Il n'y a pas beaucoup d'entre nous, des régions urbaines ou rurales, qui veulent voir les espèces indigènes mises en danger par l'empiètement humain, mais le fait reste que lorsqu'une espèce est en croissance, une autre doit lui faire la place.
¿ (0920)
Le président: Je dois laisser la parole à d'autres, mais j'espère que nous aurons la chance de vous revenir avec des questions.
M. Peter Phillip: Je l'espère bien.
Le président: Monsieur Newton.
M. Bruce Newton (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.
Vous avez une copie de ma présentation. Il me faut dix minutes, alors nous verrons si je peux la résumer en cinq minutes.
Je dirais que ma présentation se divise en trois parties principales. Je mets en doute le processus, et aussi les intérêts dans l'agriculture et, parallèlement, les intérêts pour le Canada rural. En guise de contexte, je ferai une observation générale. En dépit de tous les grands mots, les rapports et les affirmations de soutien, les agriculteurs ruraux, du moins dans cette région-ci, se sentent pressés et marginalisés. Le processus peut partir de bonnes intentions et même être bien financé, mais il ne semble pas être le bon.
Pour citer le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, qui a assisté à l'une de vos réunions, le 27 novembre:
Nous savons tous que l'agriculture et l'agroalimentaire demeurent un des principaux moteurs de notre économie. Il est toujours exposé à de nombreuses difficultés et à de nombreuses opportunité à cause des marchés internationaux et de la concurrence internationale et ce, pour diverses raisons. Nous travaillons avec dame nature, autrement dit avec une ressource naturelle, et nous sommes tributaires de nombreux faits très difficiles à contrôler. L'agriculture et l'agroalimentaire est une des trois principales industries du pays. C'est une immense source de richesses et de prospérité. |
Maintenant, le ministre a évidemment exposé, du moins dans un sens très général, un éventail des problèmes que connaît l'agriculture. Dans son message, aussi, le ministre Vanclief, dans le rapport 2000-2001 du Secrétariat rural canadien, a dit:
Mon ministère, soit celui d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, sert les intérêts des régions rurales et éloignées en élargissant la portée traditionnelle de la politique agricole de sorte qu'elle soit plus exhaustive et mieux intégrée. |
D'après la déclaration du ministre, examinez tous programmes, les demandes de renseignement et les activités de soutien apparent qui sont axés sur les fermes des régions rurales du Canada. Il y a justement cette réunion-ci et ce processus, par exemple. Il y a eu le Groupe de travail libéral du Premier ministre sur les voies de l’avenir dans l’agriculture, qui a voyagé dans tout le pays et a reçu 106 mémoires. Je crois que ce rapport n'a pas encore été remis.
M. Murray Calder: En fait, c'est plus de 400. Je fais partie de ce groupe de travail.
M. Bruce Newton: Très bien, je devrai vérifier avec mon attaché de recherche.
Il y a le rapport annuel que publie le Secrétariat rural et les efforts apparents de soutien et de promotion des régions rurales du Canada. À voir tous ces efforts et les activités, programmes et projets connexes qui sont en cours, l'on a l'impression que les choses bougent en faveur des agriculteurs et, plus précisément, des fermes familiales.
¿ (0930)
D'un autre côté, lorsqu'on entend les débats de l'Organisation mondiale du commerce et les accords liés aux pratiques agricoles qui semblent menacer le mode de vie rural; lorsque l'on voit la croissance des grandes exploitations agricoles et l'intégration verticale à laquelle procèdent les multinationales des deux côtés de la frontière canadienne, comme Cargill, Monsanto et Archer Daniels Midland; lorsque l'on voit nos gouvernements provinciaux prendre, en toute connaissance de cause, la décision de marginaliser les régions rurales en réduisant l'infrastructure, en retirant leur soutien et en excluant les leaders ruraux des réunions; lorsque le financement de la recherche est fondé uniquement sur le financement de contrepartie, ce qui fait que seuls ceux qui ont les sous ont le droit d'être de la partie; lorsqu'on constate l'absence complète, et même le refus flagrant de concevoir des formules d'indemnisation pour le déplacement des propriétés ou la restriction de leur utilisation, par exemple, par la loi qui est proposée pour la protection des espèces en péril et par les revendications territoriales des Autochtones, pour n'en nommer que deux; lorsque l'on voit les ONG puissantes et très influentes, comme Sierra Club et le Fonds mondial pour la nature, et les activistes qui défendent les droits des animaux, influencer et façonner les politiques dont la responsabilité, en fin de compte, n'incombera pas aux ONG et aux activistes, mais aux propriétaires terriens; lorsque les normes de qualité et de sécurité des animaux, de protection des animaux et de l'environnement sont renforcées, puis carrément posées sur les épaules des producteurs et des propriétaires, avec peu ou pas d'indemnisation pour neutraliser les répercussions économiques; lorsque l'on voit les négociateurs des traités se comporter comme s'il y a un vaste périmètre de terres inutilisées de l'État à donner aux Autochtones, sans aucune pensée ou préoccupation pour les gens qui ont acquis le droit légitime de les utiliser et qu'il n'y a absolument aucune considération pour les droits de ces gens, alors, on devient un peu circonspect et cynique.
Pourquoi? Parce que l'atmosphère dans laquelle nous vivons suscite de sérieuses questions et préoccupations sur la sincérité, l'engagement et l'efficacité de tous les rapports, les activités de cueillette des données, les projets pilotes et programmes censés être conçus pour protéger le mode de vie rural et, par ricochet, la ferme familiale, qui est partie intégrante de la communauté rurale.
La Pinantan Remberton Livestock Association a plus de 20 membres. En fait de bétail, nos membres ont près de 3 000 têtes. Pour vous donner un tableau d'ensemble, notre président est Peter Murray; je suis le vice-président. Nos membres ont aussi des terres à bois, des moutons, des chevaux et de la volaille.
Si nous faisons une estimation conservatrice, la contribution de nos membres à l'économie locale est d'environ 60 années-personne par année, sans parler de l'économie de soutien de notre secteur comme les fournisseurs de grains, de soins vétérinaires, de carburant et d'équipement. Je souligne le terme «conservatrice», parce que s'il y a jamais eu un exemple pour illustrer l'expression 24/7, certains membres du comité le savent certainement, un fermier travaille 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
Si je voulais vous présenter un projet d'entreprise pour obtenir une subvention du gouvernement, avec un prêt sans intérêt pour protéger 60 années-personne, et si cette proposition devait soutenir une entreprise pendant plusieurs années, vous savez que cela se chiffrerait dans les millions de dollars. Mais quel que soit l'effort que je fournis pour mettre en valeur le profil d'entreprise des membres de la Pinantan Pemberton Livestock Association individuellement, il n'ont pas l'envergure de ce qu'on peut considérer comme une entité sociale.
Ensemble, cependant, dans tout le Canada, selon les statistiques publiées par le Secrétariat rural, ces exploitations font partie de la statistique de 17 p. 100 de l'emploi total du pays. Ils sont, pour citer ce même rapport, «Les petites entreprises sont l'épine dorsale de la nation, plus de 80 p. 100 d'entre elles employant moins de dix personnes».
Pour ce qui est des fermes familiales du pays, nos membres et leurs familles sont plus que des entreprises. Ils représentent, très souvent, les fermes familiales héritées de génération en génération. Nous avons des membres dont la famille vit depuis plusieurs générations du travail sur la ferme. Ces gens représentent un mode de vie énorme indépendant, honnête, et travailleur qui a créé, construit et nourrit ce pays. C'est le genre de citoyens qui donnent beaucoup plus au pays qu'ils ne prennent. Personne, dans l'organisation, ne devrait pouvoir avoir préséance sur leur héritage et, si cela leur est permis, leur contribution future au tissu économique et culturel du Canada.
Autrement dit, monsieur le président, pour terminer et revenir à votre mandat, pour cette réunion, si le gouvernement du Canada veut vraiment élargir et améliorer son partenariat avec les agriculteurs du pays, il devra s'intéresser bien plus qu'au modèle d'entreprise et songer à l'importance culturelle du Canada rural. Il devra, en une époque de modération, déterminer le processus le plus efficace pour assurer la protection réelle de ce bien précieux et de cette richesse culturelle.
Nous voudrions vous lancer le défi, en tant que nos représentants, celui de démontrer par le biais de l'analyse que vous allez faire, du rapport et des recommandations que vous formulerez relativement à cette démarche, que tous ces propos, toutes les études et ces rapports, tous les programmes se traduisent par des mesures positives et réelles et des résultats mesurables.
Je vous remercie, monsieur le président.
¿ (0935)
Le président: Merci, Bruce.
Cathleen, vous avez la parole.
Mme Cathleen Kneen (témoignage à titre): Je vous remercie.
Ce qu'il y a de bien, avec le fait de passer en dernier, c'est que j'ai la chance de pouvoir faire un lien entre moi et les intervenants précédents, à l'exception du sujet des revendications territoriales des Autochtones. Comme vous le savez tous, vivre, comme le dit notre hymne national, sur la terre de nos aïeux, est très litigieux pour beaucoup d'entre nous.
J'avais l'impression qu'un représentant de Certified Organic Associations of British Columbia devait venir aujourd'hui. En son absence, j'aimerais dire deux choses au nom de cette organisation avant de passer à ce que je suis venue dire.
La première chose, c'est que l'agriculture biologique, qui, comme vous le savez, est la lueur d'espoir de l'agriculture dans tout le pays, particulièrement en Ontario et en Colombie-Britannique, où la production et les marchés ont connu une croissance pouvant aller jusqu'à 20 p. 100 par année, sans qu'on puisse en voir la fin, exige deux choses du gouvernement fédéral.
D'abord, le terme «organique», qui est maintenant réglementé, doit être imposé pour nous protéger contre l'importation de produits soi-disant organiques provenant de pays où les normes ne sont pas aussi élevées que les nôtres. La réglementation est déjà en place, mais elle doit être mise en application.
La deuxième exigence est une idée dont j'aimerais vous faire part. Puisque le pays fait face à une dégradation de son environnement et que le marché ne semble pas vouloir payer un juste prix pour les produits agricoles—et c'est ce que nous avons entendu ce matin—nous pourrions considérer la production alimentaire en tant qu'activité secondaire de la protection environnementale. De plus, nous pourrions reconnaître que les agriculteurs qui respectent les normes environnementales protègent en réalité la terre, l'air et l'eau pour les générations futures et que cela équivaut à un bien public qui doit être payé comme tel. Les aliments produits seraient donc des retombées, et on accorderait une moins grande importance au prix des aliments.
Je crois que cette idée vaut la peine d'être examinée. C'est très innovateur, mais c'est ainsi que les changements surviennent.
Au cours des cinq dernières années, j'ai travaillé avec des organismes communautaires de la Colombie-Britannique dans le domaine des aliments et de la production alimentaire, en particulier en ce qui concerne la sécurité alimentaire et la politique alimentaire. Je vous ai remis des exemplaires du dépliant de la B. C. Food Systems Network que je ne vous lirai donc pas. J'aimerais toutefois ajouter quelques commentaires au nom de ce réseau qui opère dans toute la Colombie-Britannique.
Premièrement, en tant qu'agriculteurs, consommateurs et citoyens, nous tenons à souligner que la sécurité alimentaire doit être la pierre angulaire de la politique agricole. Nous avons tendance à croire que la sécurité doit nous protéger contre une menace extérieure, surtout après les événements du 11 septembre. Nous avons tous entendu d'innombrables histoires de terroristes depuis cette date. Nous avons même reçu un appel d'un journaliste qui voulait savoir si nous craignions que des terroristes puissent contaminer les ressources alimentaires du Canada. Nous lui avons répondu que c'était trop tard, que c'était déjà chose faite.
Au cours des quatre ou cinq dernières décennies, notre société a systématiquement empoisonné nos aliments avec des produits chimiques agricoles conçus pour éliminer les insectes ou les champignons. Nous avons aussi empoisonné notre eau avec les eaux de ruissellement qui sont inévitablement produites par les prisons de porcins et les camps de concentration de volaille, et nous sommes en train de contaminer toute la chaîne alimentaire avec des organismes transgéniques dont nous ne connaissons pas les effets et que nous ne pouvons pas identifier parce qu'ils ne sont pas étiquetés. Donc, en termes de sécurité alimentaire, nous avons pris beaucoup de retard.
Je sais que parmi vous se trouvent des éleveurs d'animaux à grande échelle. Ce n'est pas vous que je vise en utilisant ces expressions, mais je crois que vous savez de qui je veux parler.
Si nous désirons assurer la sécurité alimentaire, nous devons faire en sorte que tous les Canadiens aient accès à la quantité et à la qualité d'aliments dont ils ont besoin pour mener une vie active et être en bonne santé. C'est ce que recommande la politique de sécurité alimentaire de l'Organisation mondiale de la santé. Nous allons encore plus loin, parce qu'aucune sécurité alimentaire n'est possible si les agriculteurs et tous les intervenants de la chaîne d'approvisionnement alimentaire ne peuvent pas réaliser un revenu décent. Aucune sécurité alimentaire n'est non plus possible si le système n'est pas durable, en d'autres mots, si la qualité de la terre, de l'air et de l'eau n'est pas protégée et qu'elle est endommagée par le processus de production ou de distribution alimentaire.
À mon avis, on n'insistera jamais assez sur le rôle clé que jouent les aliments comme étant un rôle central dans notre culture et dans nos collectivités.
J'ai fait un exposé en Saskatchewan il y a quelques semaines, et nous avons essayé de définir quels étaient les éléments de la sécurité alimentaire: j'ai alors fait mention des pérogies parce qu'il est illégal de les fabriquer seul. La collectivité est aussi un élément central de la sécurité alimentaire et un élément très important de la sauvegarde et du développement de nos collectivités rurales.
Les politiques agroalimentaires du Canada s'éloignent de la sécurité alimentaire à une vitesse alarmante. Des milliards de dollars de fonds publics, comme l'a mentionné Brewster, sont consacrés à la recherche biotechnologique, et probablement rien—mais je serai prudente et je dirai presque rien—n'est prévu pour l'agriculture organique. La politique fédérale ne reconnaît pas la contribution apportée par les agriculteurs et les jardiniers organiques au soutien et à l'amélioration de l'environnement. Elle ne reconnaît pas non plus leur contribution économique parce que, très souvent, elle ne paraît pas dans le PNB.
Surtout, la politique agroalimentaire du Canada repose sur l'hypothèse que notre tâche consiste à cultiver des produits comestibles à des fins d'exportation et non par nourrir la population canadienne.
Je n'ai rien contre le commerce. Je crois que c'est un élément très important de notre système alimentaire. Je suis moi-même grande consommatrice de café, d'agrumes et de chocolat. Mais, comme l'explique Brewster dans son premier livre, From Land to Mouth, on doit d'abord nourrir les familles et ensuite vendre le surplus.
Je conclurai en vous disant que vous en avez le pouvoir et que vous devrez insister sur une politique agroalimentaire qui permettra de renouveler nos collectivités rurales, de nourrir ceux qui ont faim et de protéger l'environnement. Cela signifie que vous devrez rejeter les soi-disant progrès réalisés en matière d'agriculture à ce jour, que vous devrez faire confiance à votre bon sens et à la capacité des collectivités rurales non seulement de nourrir la population de manière adéquate mais aussi de bâtir une économie durable si les politiques de soutien requises sont mises en place.
Le Canada a instauré une politique de soutien de la sécurité alimentaire pour les collectivités des pays en voie de développement. Pourquoi ne pas en faire autant dans notre propre pays?
Merci.
¿ (0940)
Le président: Merci, Cathleen.
Est-ce que quelqu'un dans la salle désire faire une courte déclaration ou apporter des commentaires avant la ronde de questions?
Oui, Peter.
M. Peter Phillip: Il reste deux minutes à mon exposé. Pouvez-vous m'accorder ce temps?
Le président: Je crois que oui car nous entendons deux sons de cloche.
M. Peter Phillip: Vous avez fait beaucoup de chemin, et il serait dommage que vous n'entendiez pas le reste de mon exposé.
Le président: En effet, mais nous rappelons toujours aux témoins que les mémoires sont toujours inclus dans l'étude du dossier. Quoi qu'il en soit, il vaut mieux vous écouter de vivre voix.
M. Peter Phillip: Merci beaucoup.
J'aimerais terminer en vous parlant des espèces en péril et du fait que les grands éleveurs ou la plupart des agriculteurs semblent faire les frais d'un problème qui est causé par la population canadienne en général. Or, nous produisons les aliments pour ces centres urbains.
Tout ce que nous demandons, c'est que ce projet de loi soit fondé sur le bon sens. Le fait que des espèces en péril se trouvent sur nos terres signifie qu'il y a du bon dans ce que nous faisons. Il faudrait peut-être nous donner des fonds pour protéger ces espèces ou pour continuer de le faire plutôt que de nous menacer d'expropriation. Si des terres agricoles sont retirés du cycle de la production par suite de l'adoption de mesures législatives sur les espèces en péril, il faudrait alors nous dédommager comme il se doit.
L'eau est une autre question importante pour le sud de la Colombie-Britannique . L'eau utilisée pour l'irrigation et pour le bétail est essentielle à la survie de l'agriculture dans les terres intérieures du sud de la Colombie-Britannique. Le ministère des Pêches et des Océans et ceux qui utilisent l'eau pour l'agriculture doivent coopérer afin d'assurer la durabilité de la pêche et de l'agriculture. Si le gouvernement fédéral continue d'avoir des postes de coordonnateur, de la gérance des bassins hydrographiques, cela ne pourra qu'atténuer les conflits et accéléré l'obtention de résultats positifs.
La hausse et la baisse du marché à bestiaux est un événement régulier que la plupart des grands éleveurs peuvent tolérer, mais l'effondrement occasionnel de ce marché peut être dévastateur. Dans le passé, les gouvernements fédéral et provinciaux ont financé des programmes de soutien du revenu. En vertu de la politique commerciale actuelle, cela n'est plus acceptable. Toutefois, le soutien gouvernemental des fonds de développement de l'industrie permet et permettra à notre industrie de faire face à ces baisses. Une solution simple et pratique nous permettrait de contrer les fluctuations des marges de profit: le Canada devrait rétablir une fois de plus l'étalement sur les années suivantes ou prévoir des politiques fiscales plus souples.
En bref, nous demandons au gouvernement fédéral d'appuyer le secteur des bovins en réglant les revendications territoriales des Autochtones; en fournissant son soutien à la lutte contre les mesures commerciales injustes; en maintenant une agence d'inspection des aliments efficace et constamment vigilante; en améliorant l'équipe de recherche d'Agriculture Canada; en adoptant des approches fondées sur le bon sens face aux pressions environnementales relativement au saumon et aux espèces en péril, par exemple; et en collaborant avec notre industrie afin de trouver des solutions vertes, novatrices et conformes au GATT en cas de catastrophes commerciales.
Étant donné que nous avons de moins en moins de poids dans cette grande démocratie, la chose la plus importante que le gouvernement fédéral peut probablement faire pour notre industrie, c'est de nous l'assurer que les gouvernements qui servent les intérêts de la majorité urbaine et des grandes sociétés ne négligeront pas nos préoccupations pour autant.
En conclusion, ceux d'entre nous qui vivent de la terre sont très fiers de leur indépendance. Toutefois, les temps ont changé et nous devons travailler en étroite collaboration avec le gouvernement et avec les autres utilisateurs de la terre pour assurer la durabilité de l'agriculture. Les éleveurs de bovins ont déjà connu des temps difficiles. La plupart d'entre eux ont persévéré parce qu'ils aiment la terre et parce qu'ils croient que la valeur réelle des producteurs alimentaires du Canada sera un jour reconnue.
Merci beaucoup.
¿ (0945)
Le président: Merci, Peter.
En ce qui concerne l'économie du secteur agricole, plusieurs d'entre vous ont indiqué que les terres à bois et le bois d'oeuvre constituaient une partie de leurs revenus. Aujourd'hui, dans de nombreuses régions rurales, en plus de cultiver le maïs, le blé et divers légumes, les agriculteurs font aussi pousser des arbres sur des terres à bois. Parfois, les gens à Ottawa ne sont pas vraiment au courant des activités de la population rurale. Ils essaient de classer les agriculteurs dans un groupe qui fait ceci ou qui fait cela.
Dans la région de l'Atlantique, un grand nombre d'agriculteurs font aussi de la pêche, activité qui fait partie de l'économie globale. Dans le passé, le comité a aussi eu à étudier l'industrie du sirop d'érable au Québec. Mais, pour les conifères, qui font partie des activités d'exploitation de Weyerhaeuser au Canada, il faudra peut-être penser un peu différemment à ce que représente l'agriculture dans le milieu rural au Canada.
Howard ou Betty.
M. Howard Hilstrom: Je vais poser les premières questions et après,ce sera le tour de Betty.
Le président: D'accord.
M. Howard Hilstrom: D'abord, Peter, en ce qui concerne les revendications territoriales des Premières nations, est-ce que votre organisme ou les gens de la région participent régulièrement à des consultations à ce sujet ou reçoivent de l'information sur l'état actuel des revendications concernant les terres publiques de la région?
M. Peter Phillip: Non, ce n'est pas le cas de notre association. Je cède la parole à Bruce, puisque son association joue un rôle important dans ce domaine.
M. Howard Hilstrom: Ce sont seulement ces questions que je voulais poser.
M. Bruce Newton: En bref, nous ne recevons aucun appui alors que nous essayons depuis six ans d'en obtenir sous une forme ou une autre. J'ai trouvé par hasard le Secrétariat rural, et je vois que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en fait partie.
Notre organisme entretient des relations étroites avec au moins une des bandes autochtones de la région. Nous nous considérons comme de bons voisins et nous les avons invités à faire partie de notre association. Nous ne craignons pas de collaborer avec eux et nous leur avons même fait une proposition.
Nous avons demandé l'aide des sénateurs, des députés—Betty et le député avant elle—des bureaucrates, des gens de la province, mais cela ne nous mène nulle part. Nous n'avons pas l'argent qu'il faut, et nous devons nous débrouiller seuls.
M. Howard Hilstrom: Merci beaucoup.
Bien entendu, lorsque ces revendications territoriales sont réglées, il est possible en bout de ligne de louer ces terres des nouveaux propriétaires, même si cela cause parfois des problèmes.
Toutefois, la situation financière de l'exploitation agricole individuelle est l'élément clé. Cette incertitude fait-elle hésiter les banques à vous accorder les prêts que vous désirez? L'incertitude en ce qui concerne les terres restreint-elle l'accès au crédit?
M. Bruce Newton: Je ne peux vous faire de commentaires sur les problèmes que connaissent les agriculteurs, mais les gens d'Adams Lake n'ont plus accès à leur route et doivent prendre le traversier. Ils avaient de la difficulté à obtenir des prêts hypothécaires, et ainsi de suite. Je crois que si cela se poursuit, des problèmes de ce genre feront surface. Le grand éleveur ne peut pas faire de plans d'avenir. Ce n'est pas possible.
Laissez-moi faire de l'esprit de clocher. Il y a un groupe de gens dans l'Est et à Victoria qui croient qu'en remettant les terres aux Autochtones, tout ira bien. Ce n'est pas comme cela que les choses se passent.
¿ (0950)
M. Howard Hilstrom: Merci beaucoup.
En ce qui concerne la Loi sur les espèces en péril et les modifications à apporter au Code criminel en matière de cruauté envers les animaux, recommandez-vous que nous n'adoptions pas ces mesures sous leur forme actuelle?
Lundi, il y aura bien entendu un débat à la Chambre sur ces modifications et j'y participerai.
Ne voulez-vous pas que nous adoptions ces modifications sous leur forme actuelle?
M. Bruce Newton: Non.
M. Howard Hilstrom: Non. D'accord.
Pouvez-vous me donner un exemple des problèmes causés par le MPO? Je suis au courant de ceux qu'il pose dans les Prairies en ce qui concerne l'habitat. C'est principalement une question de drainage. Quels sont les problèmes causés par le MPO en ce qui a trait à l'application de l'article 35 de la Loi sur les pêches, qui confère le droit à ce ministère d'intervenir dans toutes les questions qui touchent l'habitat du poisson? Avez-vous des problèmes? Quelles en sont les causes? Faudrait-il créer de bonnes relations de travail?
M. Peter Phillip: C'est probablement l'élément principal. Personne ne veut que le stock de poissons et de saumons disparaisse.
Nous avons embauché un coordonnateur qui travaille avec les grands éleveurs et avec le MPO. Les choses vont bien. Si on veut faire quelque chose pour protéger l'habitat du poisson, il est beaucoup plus rapide et efficace d'avoir recours à une personne intermédiaire que de faire appel au MPO.
M. Howard Hilstrom: C'est une bonne recommandation.
Brewster, il n'y a aucun agriculteur conventionnel qui croit que les agriculteurs organiques ne devraient pas pouvoir exploiter leur ferme comme bon leur semble. Il semble que ce soit les agriculteurs organiques et ceux qui s'opposent aux modifications génétiques de toute sorte qui croient que les agriculteurs conventionnels ne devraient pas avoir le droit d'exploiter leur ferme.
Est-ce que vous dites que l'agriculture conventionnelle ne devrait pas être autorisée lorsque les agriculteurs choisissent des semences génétiquement modifiées? Ils peuvent se procurer des semences non génétiquement modifiées et des semences génétiquement modifiées. Est-ce que vous dites qu'ils ne devraient pas être autorisés à utiliser des semences génétiquement modifiées?
M. Brewster Kneen: Je crois que nous faisons face à un grave problème à cet égard, mais ce n'est pas ce que je dis.
Je dis que le matériel génétique n'est pas statique. Si les gens introduisent un organisme, ils doivent en assumer la responsabilité et ne pas se contenter de dire à l'agriculteur organique d'ériger un mur pour s'en protéger. C'est très étrange.
Si mon chien se retrouve dans votre troupeau de moutons, c'est ma responsabilité. Il n'y a aucune différence.
M. Howard Hilstrom: C'est une question légale qui, dans un certain sens, sera réglée par les tribunaux. Des contestations judiciaires ont déjà été déposées.
M. Brewster Kneen: Non. Cela va encore plus loin. C'est une question de science. Il est très intéressant de constater comment l'ACIA, qui a approuvé des demandes en faisant preuve d'une grande nonchalance, nous a assurés que ces organismes ne se répandraient pas et qu'il n'y aurait pas de problème.
Par exemple, pour la culture des semences enregistrées, les zones tampons posent un problème croissant non seulement aux agriculteurs organiques, mais aussi à tous ceux qui font la culture de semences certifiées. On doit savoir ce à quoi on a affaire.
Pour des semences comme le colza, on a d'abord recommandé une zone tampon de 200 verges, puis de 600 verges, et maintenant, cette zone doit être d'environ six milles. On vient de se rendre compte que les oies vont là où elles le veulent et que le vent souffle. Par exemple, une tornade au Manitoba peut transporter une javelle de canola transgénique 20 kilomètres plus loin.
Je suis content que vous ayez soulevé la question de la traçabilité, c'est-à-dire d'où vient le problème, et de la responsabilité. Je trouve alarmant que les promoteurs du génie génétique ne veuillent pas être responsables de ce qu'ils font. Ils insistent—et cela pour l'étiquetage dans tout tout le système—que ce sont les agriculteurs ou les producteurs de semences organiques qui doivent en assumer la responsabilité.
¿ (0955)
M. Howard Hilstrom: Que recommandez-vous au gouvernement de faire à ce sujet? L'étiquetage seulement, ce n'est pas la solution. Quelle est votre solution?
M. Brewster Kneen: Mon mémoire comporte quelques suggestions. Vous les trouverez à la dernière page, que je n'ai pas pu lire, mais...
M. Howard Hilstrom: Mon temps est presque écoulé, mais j'aimerais que vous nous disiez quelles sont les mesures spécifiques que le gouvernement pourrait mettre en place en ce qui concerne les OGM...
M. Brewster Kneen: D'abord, il faut imposer un moratoire immédiat sur la dissémination de tout nouvel organisme. Il ne faut pas amplifier le problème, mais plutôt identifier ce qui existe et exiger l'étiquetage tout au long du système de distribution pour savoir où les produits sont expédiés. Si les semences brevetées de Monsanto se retrouvent sur mes terres, c'est Monsanto qui est responsable, pas moi. C'est l'approche que devrait adopter le gouvernement, et il devrait stipuler que la responsabilité doit être assumée par les promoteurs dès que la demande est présentée à l'ACIA, laquelle ne devrait pas avoir à prouver que des dommages ont été causés; c'est le promoteur qui devrait prouver que ses produits sont sécuritaires. Il devrait aussi présenter des données exhaustives sur la capacité de déplacement d'un produit, sur les études qu'il a faites, sur les meilleurs...
Vous savez, nous avons pris tellement de retard dans ce domaine. Nous n'avons pas effectué les tests requis. Maintenant, cela nous rattrape. L'ACIA indique qu'elle va lancer un projet de surveillance en biotechnologie. C'est un peu trop tard. Sans étiquetage, c'est inutile. C'est une farce.
Le président: Merci, Howard.
Maintenant, chacun de nous a un petit appareil qu'Odina voudra peut-être utiliser. Je l'espère, parce qu'il parle dans une langue et nous pouvons l'entendre dans l'autre. Donc, si vous voulez bien... C'est un de ses sujets.
[Français]
M. Odina Desrochers: Je suis très heureux de me retrouver à Kamloops aujourd'hui. Depuis le début de la tournée, on entend beaucoup parler de la culture biologique et de toute la question des organismes génétiquement modifiés. Vous savez qu'une mesure législative a été rejetée à la Chambre des communes où un député demandait, par la voie d'un projet de loi privé, que l'étiquetage soit obligatoire.
Ma formation politique a approuvé ce projet de loi puisque nous considérions que c'était un début. Pourquoi? À cause des dangers que représente la présence des OGM à proximité de cultures biologiques ou de cultures conventionnelles. Selon nous, il est urgent de régler cela.
Plusieurs députés disent qu'ils se sont prononcés contre l'étiquetage parce qu'ils ne savent pas véritablement où sont les OGM. Au moment où on fait cette tournée et au moment où on doit indiquer clairement les priorités que le gouvernement fédéral doit avoir, ne croyez-vous pas qu'il serait important qu'on mette sur pied rapidement un mécanisme pour identifier les OGM afin de sauver nos cultures biologiques?
Il ne faut pas oublier les consommateurs dans toute la question des OGM. Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait faire de cela une priorité, étant donné l'urgence qui existe, comme vous le disiez tout à l'heure? Une tornade peut prendre des OGM et les transporter 50 milles plus loin. Compte tenu que le consommateur est impliqué directement dans ce débat, qu'est-ce que vous verriez? Un mécanisme? Beaucoup plus d'argent pour la recherche et le développement? Beaucoup plus d'objectivité à l'Agence canadienne d'inspection des aliments?
J'aimerais vous entendre, monsieur et madame Kneen, ainsi que les autres participants qui sont ici aujourd'hui.
[Traduction]
M. Brewster Kneen: J'essaie de comprendre la technologie qui s'applique à moi. Je ne suis pas contre la technologie, j'en suis plutôt tributaire.
Nous avons créé un problème, et il est beaucoup plus difficile de le régler après coup. C'est ce qui se passe avec l'étiquetage, parce que des produits circulent et nous ne savons pas où ils sont. Mais je crois que vous avez raison et les sondages... C'est très intéressant. Au début, l'industrie affirmait qu'il fallait simplement renseigner la population, mais elle a découvert à sa grande consternation que plus la population est renseignée, moins elle veut d'aliments GM et plus elle veut d'étiquetage. Je parle ici de l'industrie même.
Je crois que le Parlement devrait prendre les choses en main et faire preuve de leadership. Il doit dire à l'ACIA de mettre en place des contrôles adéquats dans ce domaine, en commençant par la délivrance de brevets, ce qui est approuvé et ce qui ne l'est pas. Les produits approuvés devraient répondre à des exigences beaucoup plus élevées pour que l'on puisse en connaître les impacts. En ce moment, nous n'avons pas ce genre d'assurance.
Entre temps, je crois que vous avez raison de donner en exemple le projet de loi C-287, qui a été très bien conçu. Je suis très impressionné par les recherches approfondies qui ont été faites à cet égard, et ce projet de loi a presque été adopté. S'il était déposé une fois de plus, je crois que beaucoup plus de gens se rendraient compte que la population veut être renseignée. Pourquoi ne pas lui dire ce qu'elle veut savoir? C'est aussi simple que cela.
Je crois que le Parlement et le comité devraient exiger un étiquetage obligatoire dès maintenant sur les produits et les procédés. On ne peut pas faire de distinction entre les deux. Nous devons savoir ce qui se passe et accorder une certaine légitimité au projet de surveillance en biotechnologie qu'a proposé l'ACIA, 10 ans trop tard.
On ne doit pas oublier la responsabilité des promoteurs de ces produits pour qu'ils se rendent compte qu'ils ne peuvent plus simplement dire: «Désolé, ce n'est pas notre problème, mais le vôtre».
Est-ce que j'ai bien répondu à votre question?
À (1000)
M. Odina Desrochers: Oui.
Madame Kneen.
Mme Cathleen Kneen: J'aimerais aussi répondre à la question précédente parce que je représente les agriculteurs organiques.
Ce n'est pas que nous nous opposons aux agriculteurs conventionnels. Les agriculteurs font confiance à l'industrie des semences certifiées. Ils font confiance à l'ACIA qui garantit la commercialisation de produits sécuritaires et appropriés. En tant qu'agriculteurs organiques, nous travaillons en étroite collaboration avec nos voisins qui sont des agriculteurs conventionnels. Nous ne sommes pas opposés à eux; nous voulons simplement que le gouvernement nous assure que les produits vendus sont sécuritaires. Mais, présentement, nous ne pouvons pas obtenir cette certitude. C'est là que nous en sommes.
J'aimerais aussi vous dire que je passe la moitié de mon temps à discuter avec des agriculteurs et l'autre moitié de mon temps à discuter avec des gens de la collectivité qui se soucient de leur santé. Je travaille beaucoup avec les gens qui ont un revenu marginal, et je suis toujours stupéfaite de voir que les préoccupations sont soulevées partout où je vais. Les professionnels de la santé observent une hausse des déficiences du système immunitaire, de l'asthme, des allergies, et ils sont incapables de savoir ce qui en est la cause. Des gens, toutes sortes de gens, des gens qui ont un revenu limité, craignent qu'en essayant de réduire le coût des aliments pour qu'ils soient abordables, on les contamine. C'est ce qu'ils craignent vraiment. Je travaille avec beaucoup de femmes enceintes et de mères de jeunes enfants. Elles sont vraiment inquiètes. On a beau leur assurer que nous avons le système alimentaire le plus sécuritaire au monde, cela ne suffit pas.
M. Odina Desrochers: J'aimerais obtenir l'avis des autres personnes, et ce sera tout, monsieur le président.
M. Peter Murray: Ce que vous aviez à dire plus tôt à propos du transfert de matériel était plutôt intéressant.
Ma résidence est située à environ 35 milles à l'extérieur de la ville, et j'ai récemment eu des problèmes avec une espèce de mauvaise herbe non indigène. Je ne sais pas si c'est du canola ou quelque chose du genre. Ça lui ressemble beaucoup. On me dit que ce n'est pas de la moutarde sauvage. Bien entendu, je suis près de la voie ferrée et une tornade peut transporter des espèces sur 50 milles. Toutefois, cette espèce a été transportée sur des centaines et même des milliers de milles. Maintenant, je dois régler ce problème. Je ne suis pas un agriculteur organique, mais je ne fais pas de pulvérisation des cultures. C'est un choix personnel. Maintenant, je me retrouve avec un problème qui me cause bien des soucis.
Donc, pour ce qui est du transfert des espèces... Je ne peux pas dire que c'est une culture GM ou ce que c'est en réalité, mais cette espèces n'est pas indigène; elle vient d'ailleurs.
M. Peter Phillip: Je crois que le gouvernement a un rôle à jouer dans le maintien de la sécurité des aliments, et ce rôle doit être prédominant. Pour nous, les producteurs, si une pratique ou une pratique future est définie comme étant non sécuritaire... Nous voulons que les aliments que nous produisons soient sains. S'ils ne le sont pas, nous n'avons plus de travail. Le rôle du gouvernement consiste à faire faire des recherches efficaces sur les nouvelles technologies pour nous assurer que ces technologies sont sécuritaires et pour que nous en connaissions les conséquences.
Le président: Merci, Odina.
Paul, avez-vous quelque chose à demander?
À (1005)
M. Paul Steckle: Oui, dans bien des domaines.
Je suis très impressionné par les exposés de ce matin. D'abord, je pense que Brewster a soulevé une question très importante, celle de la collusion qui existe dans le réseau de la distribution alimentaire, dans les industries de pointe, et dans tellement d'autres industries. Mais ce n'est pas unique au Canada; c'est la même chose partout dans le monde. Comment renversez la vapeur? Je pense que c'est la grande question qui se pose à nous.
Pour ce qui est de toute la question de la sécurité alimentaire, je pense que le Canada est reconnu probablement pour être le fournisseur le plus sûr dans le monde. Nous voulons conserver cette réputation, et il ne faudrait pas relâcher notre vigilance à ce sujet. Je pense cependant que, d'une certaine façon, notre problème a trait à toute la question de l'interprétation de ce qui est génétiquement modifié et de ce qui est transgénique. Il faut s'entendre sur le sens du mot «génétique».
Ce n'est pas moi qui ait apporté cette pomme, mais voici ce à quoi j'ai pensé en arrivant ici. Cette pomme vient de la Colombie-Britannique, c'est une Spartan. En fait, elle est génétiquement modifiée...mais, voyez-vous, les gens pensent qu'elle l'est. Elle n'est pas transgénique. Je me rends compte qu'il y a des mutations et des choses du genre normalement dans les systèmes de reproduction. Le gouvernement devrait se demander qui est responsable et jusqu'à quel point? Jusqu'où pouvons-nous aller avant de ne plus être responsables de nos gestes? Quand quelqu'un d'autre devient-il responsable de ce qui est arrivé? Voilà la grande question. L'étiquetage devrait-il être facultatif ou obligatoire? Quand devrait-on exiger qu'il n'y ait aucune trace d'OGM? Même l'Europe ne va pas si loin, mais le projet de loi qui a été déposé à la Chambre, oui.
Vous voyez, il fallait songer non seulement... Le projet de loi, s'il avait été renvoyé au comité, aurait imposé au Canada des règles rigoureuses qui auraient pu nous faire perdre tout notre commerce d'exportation. Je ne pense pas que c'est ce que nous voulons. Nous allons examiner cela. C'est une question que n'avons pas fini d'explorer.
Le comité ne sait pas trop ce que le public veut vraiment. Des aliments sécuritaires? Oui. Dans le monde tel que nous le connaissons, je pense qu'on peut dire que personne n'est jamais mort d'avoir mangé un produit génétiquement modifié. Mais qu'en savons-nous?
Nous savons une chose, que les sociétés Pfizer, Monsanto et autres qui fabriquent des produits pharmaceutiques font vendre dans nos pharmacies des médicaments—et les médecins les prescrivent tous les jours en toute légalité dans tout le pays—qui à la longue tuent des centaines de milliers de personnes en Amérique du Nord chaque année. Pourtant, nous croyons tous que nous devons consommer ces produits pour rester en vie.
Nous avons tous entendu parler de ce problème, mais on n'a jamais prouvé que cela faisait du tort à quelqu'un. Nous ne savons pas, mais...
Quoi faire à ce sujet. C'est monstrueux. Je ne m'attends pas à ce que vous me répondiez. Si vous le faites, nous allons vite vous engager.
M. Brewster Kneen: Me demandez-vous de répondre?
M. Paul Steckle:Oui.
M. Brewster Kneen: Nous aurions dû en discuter il y a dix ans, ou commencer à le faire vers 1986, quand l'hormone de croissance bovine a fait son horrible apparition. Ce qui m'a particulièrement intéressé—et il en est beaucoup question dans mon ouvrage sur la biotechnologie Farmageddon: Food and the Culture of Biotechnology—c'est l'obstruction systématique des discussions publiques. Ce sont les Diary Farmers of Ontario qui ont commencé. En fait, l'ancienne Commission ontarienne de commercialisation du lait ne permettait pas aux producteurs de soulever la question de l'hormone de croissance bovine au cours de ses assemblées annuelles sur les politiques. J'ai toutes les bandes, les entrevues et le reste.
On a donc empêché la discussion. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il faut maintenant lancer le débat. Il faut chercher à savoir s'il n'est pas possible de réparer un peu la négligence dont on a fait preuve au cours des années et l'insulte qui a été faite à la population quand on a dit aux gens: «Oh non, vous n'êtes pas en mesure de savoir ce qu'il en est. Nous ne pouvons pas vous faire confiance. Nous allons vous dire si c'est bon ou non.»
Il est vrai, comme vous dites, que les gens disent «ne pas avoir la preuve que cela a tué qui que ce soit», mais nous n'avons aucune idée de ce que ces produits font ou ne font pas parce que nous n'avons aucun moyen de savoir ce qui les composent. Pour moi...
Vous avez parlé de l'industrie pharmaceutique. On se préoccupe aujourd'hui de plus en plus des effets indésirables des médicaments. Je ne parle pas des effets secondaires accidentels. Dans le cas de l'insuline, ces effets sont ressentis par 20 p. 100 des consommateurs d'insuline génétiquement modifiée. On n'en a pas tenu compte mais, maintenant, tout à coup, Santé Canada et les autres sont forcés de reconnaître qu'il y a de graves problèmes, et que peut-être nous devrions repenser notre attitude à l'égard des médicaments génétiquement modifiés. Nous avons été incroyablement négligents à ce sujet, et nous avons protégé l'industrie, les vendeurs de drogues—et j'inclus Monsanto—depuis le tout début.
Je poserais la question autrement pour changer la perspective: Pourquoi le gouvernement du Canada s'est-il engagé à protéger l'industrie pharmaceutique et l'industrie des produits agricoles contenant des toxines plutôt que la population du Canada, ses citoyens? J'aimerais vraiment que le Parlement discute à fond de la question, et n'essaie pas de dominer le débat et d'écarter le problème, pour laisser la petite clique d'Industrie Canada et du cabinet du premier ministre mener le bal avec les SMA, alors que les ministres sont exclus de la discussion, d'après ce que je vois.
J'ai été alarmé de voir l'ampleur du problème quand j'ai lu l'ébauche du document de recherche que nous avons commandé. Je n'étais pas conscient de ce qui se passait, même après quinze ans de travail dans le domaine. Nous avons un énorme problème, mais je pense qu'il y a assez de données scientifiques pour démontrer que le génie génétique est bien différent du développement traditionnel des cultures et, en fait, le débat n'est pas vraiment là.
À (1010)
Le président: Merci, Paul. Je reviendrai à vous, mais je dois céder la parole à Dick, pour cinq minutes.
M. Dick Proctor: Merci beaucoup, Charles, et merci à tous les témoins.
J'aimerais poser ma première question à Peter Murray. Monsieur Murray, dans votre exposé qui a été bref mais instructif, vous avez parlé rapidement du dumping de légumes et de produits pratiqué par les États-Unis dans notre pays. Nous en avons beaucoup entendu parler cette semaine au cours de notre traversée du pays. Je me demande si vous pourriez nous en dire davantage à ce sujet.
M. Peter Murray: Pour être bien honnête avec vous, je ne connais pas grand-chose là-dedans. Je sais ce que je cultive l'été et je vois d'où viennent les produits vendus dans les supermarchés. Comme je l'ai dit, je survis grâce au petit créneau que j'ai développé, mais nous vendons beaucoup de maïs provenant des États-Unis au Canada alors que nous en produisons. Je donne l'exemple du maïs, mais c'est la même chose pour beaucoup d'autres produits. Et on pourrait peut-être faire en sorte qu'il y ait des produits locaux, je veux dire canadiens, provenant d'autres provinces, sans problème...
M. Dick Proctor: Oui.
M. Peter Murray: ...si seulement les conditions étaient les mêmes pour nous aussi.
M. Dick Proctor: Vendez-vous certains de vos produits aux supermarchés locaux?
M. Peter Murray: En très petite quantité. Je vends surtout ma récolte directement sur le bord de la route. Comme j'ai dit, je ne suis pas directement touché, mais je constate que cela touche plus de gens qui, par exemple, se lancent dans ce que je fais. Oui, c'est à peu près cela.
M. Dick Proctor: Merci.
Peter Phillip, vous n'avez pas parlé dans votre exposé de la démarche entreprise récemment par le Département de l'agriculture des États-Unis qui veut faire étiqueter le boeuf par pays d'origine, mais vous avez dit que vous exportiez beaucoup vers le Sud. Pourriez-vous nous dire si vous avez pensé—vous l'avez sûrement fait en groupe—à l'impact que cette mesure aura si elle devait s'appliquer?
M. Peter Phillip: Ce serait désastreux. Je crois qu'il y a seulement 2 p. 100 du boeuf sur le marché américain qui vient du Canada. Si l'étiquetage par pays d'origine est exigé aux États-Unis, je pense que le coût de cette mesure pour l'industrie du boeuf ou ceux qui y sont associés aux États-Unis sera prohibitif et que les Américains n'importeront plus notre boeuf. Ce ne serait rien pour eux mais, pour nous, qui comptons tellement sur le marché américain, ce serait désastreux.
M. Dick Proctor: Au fait, des membres de notre comité se sont rendus à Washington, il y a trois ans, et il en était question. On en parlait alors. La menace s'est dissipée pour le moment, mais elle semble se préciser de nouveau. Je pense que l'industrie tient beaucoup à ce que cela ne se fasse pas.
Monsieur le président, comme nous n'avons pas beaucoup de monde, je me demandais si, à la fin, ou à un autre moment opportun, Brewster ne pourrait pas formuler ses recommandations pour les fins du compte rendu, étant donné qu'il ne l'a pas fait et que nous avons laissé M. Phillip le faire. Je vais m'arrêter ici.
Merci.
À (1015)
Le président: Murray, avez-vous une question?
M. Murray Calder: Oui, merci.
Brewster, je suis un de ceux...quand j'ai été élu la première fois, je croyais que je ne m'abstiendrais jamais de voter à la Chambre des communes. Je suis élu pour voter, d'une façon ou d'une autre. J'ai donc voté contre le projet de loi C-285 sur l'étiquetage obligatoire.
J'ai voté contre, parce que dans les années 80, je faisais partie d'un comité de la Commission ontarienne de la commercialisation du poulet, qui a constaté qu'il n'y avait aucun moyen fiable de connaître la composition des produits pour faciliter l'étiquetage obligatoire. L'étiquetage serait par conséquent trompeur.
Les industries du poulet, du porc et du bétail appliquent tous le système de l'analyse des risques et du point critique pour leur maîtrise. Dans l'industrie à laquelle j'appartiens, le système est en vigueur depuis trois ans. Il faudra probablement encore deux autres années avant que la majorité de nos producteurs l'aient adopté.
Je suis tout à fait d'accord avec un étiquetage facultatif, et je sais que, dès qu'il commencera à apparaître dans les magasins, il se répandra probablement dans l'industrie. Il finira par s'imposer à la demande du consommateur.
Maintenant, ce qui se passe...j'ai certaines craintes au sujet du système de contrôle. Il pourrait devenir coûteux pour les petits producteurs, parce que le système de l'analyse des risques et du point critique pour leur maîtrise suppose nécessairement l'assainissement des installations agricoles. Je n'ai pas d'objection à cela. J'ai une de ces grosses entreprises agricoles dont tout le monde parle—une ferme industrielle—et je suis donc passé par là il y a des années.
Qu'envisagez-vous pour la transition? Par exemple, une fois que le processus est engagé, que va-t-il se passer pour eux?
M. Brewster Kneen: Quand j'avais ma ferme, nous marquions tous les agneaux à la naissance. Et comme la coopérative de commercialisation était détenue et exploitée par les agriculteurs, nous n'avions aucun problème à vérifier de quelle ferme venait une carcasse, de la naissance de la bête jusqu'au comptoir de vente au détail, vraiment aucun problème.
Cela devient un problème quand les multinationales expédient leurs produits partout dans le monde, parce qu'elles cherchent les fournisseurs les moins chers. Le problème réside peut-être là. Ce n'est pas un problème d'identification; c'est le système que nous avons créé qui nous en empêche. Il devrait peut-être nous permettre de le faire, parce que je ne pense pas que, quand j'avais mon exploitation, Canada Packers pouvait identifier ce qu'elle expédiait, et elle ne pouvait pas offrir la même qualité que nous, ce qui nous avantageait.
M. Murray Calder: C'est une des raisons pour lesquelles l'industrie du bétail, par exemple, a informatisé ses étiquettes d'oreille, pour retracer les bêtes.
M. Brewster Kneen: Oui. Je vais citer, ce qui est assez intéressant, l'exemple de Cargill. Cargill a élaboré un système très complexe qu'elle appelle InnovaSure pour commercialiser le maïs, sans OGM, et elle garantit, pour le marché mondial, de produire exactement ce que le consommateur veut, selon ses spécifications précises.
Si Cargill peut le faire à l'échelle mondiale, pourquoi ne pouvons-nous pas le faire au Canada? Elle a de toute évidence trouvé un moyen de le faire. Elle sait—comme les Américains aussi maintenant—qu'elle peut tout vérifier à 0,1 p. 100 près.
Je vais donc poser la question autrement, Murray, pour demander ce que le Canada va faire. Allons-nous dire comme les États-Unis que c'est un obstacle commercial déloyal si les gens ne veulent pas acheter d'aliments génétiquement modifiés, et qu'ils devront en manger parce que nous n'allons pas identifier ces aliments? Pour l'Europe, la traçabilité est essentielle, à 0,1 p. 100, près, ainsi que l'étiquetage, et nous allons devoir y faire face. Qu'est-ce que le Canada va faire? Dire que ce n'est pas possible? Je ne pense pas que cet argument sera bien accepté. Les gens diront que, si Cargill peut le faire, on peut le faire.
M. Murray Calder: Oui, mais on croit, dans l'industrie de la volaille, que c'est peut-être possible, mais pas nécessairement fiable parce que l'ACIA, par exemple, a indiqué que, si l'industrie de la volaille faisait cela... Elle n'a pas d'objection, et pense que c'est une bonne chose.
Mais, inévitablement, à un moment donné, s'il y a des problèmes, c'est l'ACIA qui est responsable, pas l'industrie de la volaille. En ce sens, elle veut exercer le contrôle sur l'exécution du programme. Je n'ai pas d'objection, parce que je peux toujours dire aux consommateurs que c'est un organisme neutre et impartial qui s'occupe du système de contrôle, et non l'industrie. Je pense que c'est le moyen le plus fiable de procéder.
À (1020)
M. Brewster Kneen: Pour moi, ce n'est pas la direction à suivre. L'agriculture est poussée à suivre celle de l'autoréglementation, comme tous les autres secteurs. C'est seulement une invitation à l'abus, pour moi.
M. Murray Calder: Non, non.
M. Brewster Kneen: Je suis d'accord avec vous pour dire que la responsabilité de l'ACIA est beaucoup importante que celle qu'elle assume actuellement. Je crois que le gouvernement est responsable envers la population du Canada dans son ensemble, et pas seulement à l'égard d'un certain secteur.
M. Murray Calder: J'en conviens. Mais nous ne sommes pas nécessairement poussés à agir de cette façon. En fait, nous réagissons au besoin du consommateur, parce que le consommateur a toujours raison. Nous avons procédé à toute une série de changements au cours des dernières... Je suis producteur depuis 1985 et c'est incroyable de voir le nombre de changements qui se sont produits dans l'industrie.
Le président: Très rapidement. Merci, Murray.
M. Murray Calder: Je vais y revenir.
Le président: Nous avons encore du temps, mais j'aimerais céder la parole à Betty, avant de donner du temps à d'autres.
Mme Betty Hinton: Merci.
Un des inconvénients, quand on prend la parole au deuxième tour, c'est que la plupart de ses questions ont déjà été posées. Mais je peux régler cela assez facilement.
J'aimerais d'abord dire que j'ai voté en faveur de l'étiquetage des aliments contenant des OGM. J'ai toujours voulu privilégier le bien. Je ne suis pas la seule de mon caucus à l'avoir fait, mais d'autres membres ont voté autrement pour diverses raisons.
J'aimerais discuter, et il en a déjà été question cet après-midi, de l'impact du projet de loi C-5 sur certaines des personnes présentes aujourd'hui. Le fait qu'aucune indemnisation ne soit garantie doit avoir une incidence. J'aimerais entendre votre point de vue là-dessus.
J'aimerais aussi savoir si vous êtes d'accord avec la théorie d'un de mes collègues, qu'il appelle le syndrome du «tire, enterre et tais-toi». Il prétend qu'en maintenant nos méthodes actuelles, nous allons mettre encore plus en péril les espèces en voie de disparition.
Un autre aspect qui a été négligé, et dont j'ai parlé à la Chambre hier durant le débat, est la vie végétale, et je pense que la loi est fondée sur la race, parce qu'elle s'applique aux non-Autochtones, mais pas aux Autochtones.
Voilà donc les questions auxquelles j'aimerais que vous répondiez, de la façon que vous voulez.
M. Peter Phillip: Les Américains ont choisi l'aspect punitif dans le cas des espèces en péril. C'est ce que nous disent les éleveurs de bovins américains. S'ils ont une espèce en péril sur leurs terres, ils s'en débarrassent. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faudrait agir autrement, en accordant peut-être du financement.
Mme Betty Hinton: Une indemnisation.
M. Peter Phillip: Il y a des conséquences. Pour produire davantage, il faut cultiver plus de terres. Il y a des choix à faire. Nous devons adopter une attitude raisonnable pour régler ces problèmes d'environnement.
Vous avez posé toute une série de questions.
Mme Betty Hinton: Oui, c'est vrai.
Sur le plan de l'équité, j'ai des objections à ce qu'une loi fondée sur la race prévoit des règles pour les non-Autochtones et d'autres règles pour les Autochtones. Si une plante est menacée de disparaître, elle l'est autant sur une terre autochtone que sur une terre non autochtone.
On en revient encore à l'indemnisation. Je veux simplement savoir ce que vous en pensez, parce qu'il pourrait y avoir une ligne invisible entre une terre autochtone et une terre non autochtone. Il y a des règles pour vous, et il y en a d'autres pour quelqu'un d'autre. Je veux simplement avoir votre avis.
M. Peter Phillip: C'est ainsi dans tous les domaines, l'environnement, Pêches et océans, les mauvaises herbes nuisibles. Vous devez surveiller les mauvaises herbes sur votre terre mais, si vous avez une réserve indienne comme voisin, des problèmes peuvent survenir parce que la loi sur les mauvaises herbes nuisibles ne s'applique pas aux terres indiennes.
Dans le cas du saumon, les Indiens qui vivent sur la réserve à côté de chez vous peuvent pêcher dans la rivière avec de l'équipement, ce que vous n'êtes pas autorisé à faire, et le ministère des Pêches et Océans ne surveille pas ou ne fait pas appliquer la loi à partir des limites de la réserve.
C'est la même chose sur le plan de l'environnement pour ce qui est du rejet des déchets agricoles dans les plans d'eau. Les éleveurs ou les autres producteurs doivent respecter les règlements en la matière, mais le gouvernement ferme les yeux sur ce qui se passe chez leurs voisins autochtones.
Il y a beaucoup d'autres exemples. Les éleveurs de bétail sont aussi touchés. Nous sommes tous dans la même situation, ou bien on assouplit certaines règles si tout le monde n'est pas tenu de les respecter.
À (1025)
Mme Betty Hinton: J'écoute attentivement mes électeurs, et j'aimerais que vous me confirmiez ce que j'entends.
J'ai négocié beaucoup de contrats dans ma carrière, et je sais qu'il y a une énorme différence entre les mots «peut» et «doit». Dans la loi actuelle, une indemnité peut être versée, et nous voudrions qu'elle doive l'être.
J'aimerais donc avoir le point de vue de Bruce à ce sujet et le vôtre, Peter.
M. Bruce Newton: Je pense qu'il y a deux aspects.
Monsieur Hilstrom, vous avez posé une question sur l'aide financière accordée aux producteurs par les banques. Nous avons deux contraintes: les espèces en péril, ce qui est nouveau, et les revendications territoriales.
Dans le cas des revendications territoriales, vous devez comprendre qu'il n'y a pas de procédure de conclusion de traité en cours. C'est la revendication Douglas. Notre situation est donc bien différente de ce que vous entendez habituellement dans les médias au sujet du règlement des traités, et c'est un problème en soi.
Mais vous savez, quand on y pense, c'est insensé que notre gouvernement n'ait pas prévu de formule d'indemnisation ou d'aide à la population rurale. Il y a des gens dans les régions rurales qui pensent que, parce qu'ils n'ont pas d'espèces en péril, ils n'ont pas à s'inquiéter.
L'été dernier, j'ai vu un camion aller et venir devant chez nous, et notre route est un cul-de-sac. Je viens de Toronto mais, aujourd'hui quand je vois un camion, comme je l'ai dit à ma fille, c'est un événement. Le chauffeur portait un casque d'écoute; par curiosité, je l'ai arrêté et j'ai appris qu'il surveillait un blaireau. On a transplanté un blaireau dans notre milieu parce que nous n'en avons pas vu depuis très longtemps.
Le blaireau ne sait pas que c'est ma terre. J'imagine qu'on l'a d'abord installé sur une terre fédérale, juste à côté de chez moi. Ils font une étude avec des souris et ils ont installé de petits drapeaux pour vérifier où le blaireau mange. Je sais où il se terre, mais je ne vais pas leur dire.
Je n'ai pas adopté le blaireau, mais s'il décide qu'il aime ma terre... Nous avons peu de mauvaises herbes et de quoi nourrir les animaux; les chevaux broutent sur ma terre. Je ne sais pas où le blaireau mange, mais il peut bien venir sur ma terre. Je suis donc menacé maintenant. Personne ne m'a donné le choix.
C'est la même chose dans le cas des Autochtones. Nous avons d'excellents voisins autochtones. Ils ne nous veulent pas de mal à nous personnellement, mais ils croient honnêtement que c'est leur terre. Si c'est leur terre, il y a sûrement un moyen de nous aider à agir en bons voisins à leur égard pour ne pas que nous nous sentions menacés. Le gouvernement fait en sorte que la population rurale se retourne non seulement contre ses voisins, mais contre lui.
Je m'excuse, je me suis un peu écarté du sujet. C'est simplement insensé que notre gouvernement n'envisage pas une formule d'indemnisation, selon la valeur marchande, pas la moitié de cette valeur.
Mme Betty Hinton: La juste valeur marchande.
À (1030)
Le président: Merci, Betty.
Dick, avez-vous d'autres questions à poser?
M. Dick Proctor: J'ai une ou deux autres questions à poser.
Cathleen, vous avez dit que, pour vous, la sécurité alimentaire doit être le principe fondamental de l'agriculture. Environ 71 p. 100 du budget actuel du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire est consacré à la sécurité alimentaire. C'est à cela que sert la plus grande partie des fonds du ministère. Comme il est nécessaire d'accroître encore plus la sécurité, je me demande qui devrait en payer le prix. Devrait-on l'imputer au budget de l'agriculture ou, comme il s'agit des intérêts des consommateurs, au budget d'un autre ministère?
Mme Cathleen Kneen: C'est une question très intéressante. Certes, nous sommes d'avis, au réseau de production alimentaire de la Colombie-Britannique, que c'est une responsabilité interministérielle. Je ne vois pas comment on peut parler de sécurité alimentaire en faisant intervenir seulement le domaine de l'agriculture et pas ceux de la santé, de l'industrie et de l'éducation. Tous ces aspects sont touchés.
Il me semble que c'est davantage une question de changement de priorités qu'une question de budget. Je ne crois pas que cela coûterait beaucoup plus cher. Le Secrétariat rural a pris des mesures en ce sens pour favoriser la production locale de cultures vivrières, même dans le Grand Nord, et pour accroître l'autonomie alimentaire au niveau local, en raison de ses retombées économiques, sans compter ses avantages sur le plan écologique et social.
Je pense que cette responsabilité incombe à plusieurs ministères, mais que le ministère de l'Agriculture joue le rôle central.
M. Dick Proctor: Je pense qu'on s'entend là-dessus.
J'ai une autre question à poser à Brewster. Vous nous avez donné une très bonne idée de l'intégration verticale et de la collusion, si vous voulez, entre les multinationales.
Notre gouvernement s'occupe toujours de l'inspection des aliments, comme nous le savons, mais on s'oriente vers l'autoréglementation et l'autoévaluation. J'aimerais savoir si vous pensez que c'est la bonne voie à suivre.
M. Brewster Kneen: On dit qu'aucune entreprise responsable ne va offrir un mauvais produit parce que ce n'est pas bon pour les affaires, ce qui est bien vrai. Hier, on m'a envoyé par courrier électronique un article indiquant que Cargill venait de se faire condamner à payer une amende de plusieurs millions de dollars parce qu'une de ses installations de production porcine a gravement pollué une des rivières du Missouri. Il y a deux côtés à la médaille. Je suis content que quelqu'un ait découvert ce qu'elle faisait. La haute direction n'était peut-être pas au courant de ce qui se passait, mais quelqu'un devait être jugé responsable de la dégradation du milieu.
Je pense que c'est la raison pour laquelle nous avons besoin d'un organisme de réglementation rigoureux capable d'intervenir. Je suis frappé de voir que les États-Unis sont en quelque sorte plus en mesure que nous de donner suite aux plaintes. Cela m'inquiète que le Canada semble être plus idéologiquement que concrètement favorable à l'autoréglementation, et dise que ces sociétés font preuve de civisme et ne feraient rien de mal. J'aimerais, je le crains, qu'il y ait certains mécanismes pour faire contrepoids.
Je pense qu'il y a beaucoup de questions d'ordre technique dont nous pourrions discuter, si nous en avions le temps, au sujet du système de l'analyse des risques et du point critique pour leur maîtrise, pour savoir si c'est un bon moyen de transférer la responsabilité publique au secteur des entreprises qui peuvent le manipuler à volonté. Je suis très sceptique à ce sujet. Les publications spécialisées exposent certains des problèmes que nous avons.
Je pense que nous faisons fausse route à ce sujet. Nous avons besoin d'un système d'inspection qui repose non pas sur la surveillance interne de l'entreprise mais sur des méthodes plus conventionnelles appliquées par des inspecteurs indépendants.
Le président: Merci, Dick et Brewster.
Paul, avez-vous une question à poser?
M. Paul Steckle: Oui. Ma question s'adresse à Peter Philip, puisque nous avons deux Peter.
À Ottawa, je suis vice-président du comité des pêches et des océans. Beaucoup de députés font partie d'un certain nombre de comités. Vous avez parlé de l'intervention de Pêches et Océans en matière de drainage agricole. Je comprends bien cette question.
Pensez-vous que le MPO est trop exigeant pour les producteurs agricoles pour ce qui est des travaux à faire sur le réseau de drainage? Y a-t-il des retards injustifiés dans l'exécution des travaux exigés parce qu'il y aurait un habitat, quand vous et la plupart des gens savez qu'il y a une espèce qui vit dans le cours d'eau? Trouvez-vous qu'il y a des retards injustifiés? Le travail est-il bien fait ou sommes-nous trop vigilants? En Ontario, je sais que les gens pensent que nous exagérons.
À (1035)
M. Peter Phillip: Je vous donne un exemple. L'an dernier, on a mis en oeuvre un projet de cours d'eau délicat, faute d'une meilleure expression. On a cherché en Colombie-Britannique les rivières à saumon traditionnelles, mais on a peut-être fait preuve d'un peu trop de zèle.
Ils ont retenu la rivière Bonaparte, qui passe par Cache Creek. Il y avait des chutes près de l'endroit où elle se jette dans la rivière Thompson. Il n'y a jamais eu de poisson ou de saumon dans cette rivière. Quand ils l'ont choisie, quelqu'un a introduit du saumon dans la rivière et a prétendu qu'il y en avait toujours eu.
Le projet ou la loi qui y était associée empêchait l'octroi de tout nouveau permis d'irrigation. Si le niveau d'eau était faible une année, le règlement pour l'irrigation était encore plus sévère. Ces mesures s'appliquaient à un cours d'eau considéré comme une rivière à saumon traditionnelle, ce qu'il n'était pas.
C'est une façon de montrer Pêches et Océans sous un mauvais jour. Il y a d'autres exemples où notre industrie a eu beaucoup de fil à retordre avec les responsables de Pêches et Océans. Je ne sais pas pourquoi il en est ainsi. Nous avons de bons rapports avec les organismes provinciaux, par exemple, dans le domaine de l'environnement, pour ce qui est des règlements sur les déchets agricoles. Pour une raison ou une autre, la collaboration avec Pêches et Océans est difficile.
Je ne dis pas que nous ne nuisons pas au poisson. Il y a eu beaucoup d'erreurs commises par le passé. Il faut du temps pour les corriger. C'est la raison pour laquelle je félicite Pêches et Océans d'avoir recruté un coordonnateur de la gérance dans la région. Je pense que c'est une mesure utile qui devrait être financée dans l'avenir.
Le président: Merci, Paul.
Y a-t-il d'autres questions?
Howard.
M. Howard Hilstrom: J'ai une brève question à poser.
Brewster, vous avez parlé de l'industrie du canola. Bien sûr, je connais assez bien la question. On nous a présenté un bon nombre d'exposés sur le canola.
Je ne veux pas déformer les propos de qui que ce soit, mais je pense que c'est le vieux Will Rogers qui a dit de ne pas croire tout ce qu'on lisait dans les journaux. Toute la question du canola en Chine ne correspond pas à ce que les journaux en ont dit. Je vous renvoie aux porte-parole de l'industrie qui étaient en Chine et sont au courant de ce qui s'est passé. N'utilisez pas cela comme exemple d'un pays qui s'oppose aux produits génétiquement modifiés.
La Chine a investi énormément dans la technologie des OGM, tout comme l'Europe. Actuellement, le Canada et les États-Unis sont des chefs de file dans le domaine et les autres pays essaient de les rattraper. Évidemment, il y a plus à ce sujet.
Le Japon est un autre pays auquel on reproche de refuser le canola génétiquement modifié. En fait, il importe des centaines de milliers de tonnes de canola génétiquement modifié. Les Japonais sont très prudents au sujet de leur alimentation. Je pense que nous devons veiller à citer des faits plutôt qu'à essayer de promouvoir un point de vue qui ne repose pas sur des faits ou des données scientifiques.
Si le gouvernement ne s'inquiétait pas des répercussions commerciales de l'étiquetage obligatoire, un pays qui ne l'oblige pas pourrait-il le considérer comme une barrière commerciale non tarifaire? Plus précisément, pensez-vous que, concernant l'étiquetage, nous devrions agir en harmonie avec notre principal partenaire commercial, les États-Unis? S'ils rendent l'étiquetage obligatoire, devrions-nous faire la même chose? S'ils optent pour l'étiquetage facultatif, devrions-nous le laisser facultatif? Pensez-vous que nous devons agir de façon indépendante sans nous préoccuper de nos recettes en devises étrangères? Pourriez-vous me donner votre avis là-dessus?
C'était ma dernière question.
À (1040)
M. Brewster Kneen: Je ne sais pas ce que vous avez pu m'entendre dire sur la Chine, parce que je n'ai pas parlé de la Chine, ni du Japon. Lorsque j'ai mentionné l'élargissement du marché du canola, je parlais d'une tornade au Manitoba. Je n'ai rien dit de la Chine. Je fais très attention. J'aurais été poursuivi pour libelle il y a des années si je ne faisais pas très attention à ce que je dis. J'ai souvent pris des risques.
À propos de ce que vous disiez, je ne vois pas la protection de la santé publique et de l'environnement comme des problèmes de commerce. Si le Canada pense que tout est à vendre, c'est là que nous avons un problème. Si la moindre compagnie qui veut faire quelque chose n'a qu'à invoquer des problèmes de commerce pour que nous laissions tomber—et c'est ce qui semble être le cas jusqu'à maintenant—quel pouvoir avons-nous? Aucun. Pourquoi ne pas tout simplement devenir un autre État, tant qu'à y être?
En fait, d'après les chiffres que j'ai vu hier, quelque chose comme 28 pays ont des lois d'étiquetage obligatoire relativement bien établies, et 38 sont mêmes plus avancés. Alors, quand nous craignons que le Canada perde pied, je pense que nous régressons en refusant d'aller de l'avant avec l'étiquetage et de resserrer ces règles-là, sans savoir ce que nous faisons. Si les États-Unis y voient un problème, c'est leur problème.
Je me souviens de l'époque où nous avons commencé à entendre parler de l'hormone de croissance bovine. J'ai dit à la Commission ontarienne de commercialisation du lait que si j'étais producteur de lait, j'insisterais pour que nous l'interdisions immédiatement parce que ce serait pour nous un avantage commercial de refuser d'utiliser l'hormone de croissance bovine. Rien n'a été découvert jusqu'à ce qu'on se rende compte que Guelph mettait du lait de son troupeau d'essai, sans que personne ne le sache, dans le reste de la production de lait, et les gens ont commencé à s'en alarmer.
Pour ce qui est du blé GM pour l'instant, si le Canada ne dit pas que nous n'y toucherons pas, nous allons absolument nous ridiculiser du point de vue du marché. Nous allons mettre en péril un important bien d'exportation du pays si nous laissons Mosanto aller de l'avant. Je pense que ce serait absolument ridicule.
Je m'inquiète aussi de l'avenir du canola. Je pense que l'industrie du canola s'est fait tromper quand ont lui a affirmé que tout le monde allait adorer le canola GM. Je crains que les producteurs de canola se retrouvent sans marché très bientôt.
Le président: Merci, Howard.
Murray, vous pouvez reprendre la parole, alors.
M. Murray Calder: Oui, merci beaucoup.
En fait, Brewster, au sujet dont vous parliez, ce n'était pas forcément les hormones de croissance, mais la SBTR. J'ai mené la charge, à ce propos. Pour m'assurer qu'il y aurait un moratoire là-dessus, je me suis appuyé sur un exposé de principe du Dr Elliott Block, qui avait été retenu par Mosanto, sur des analyses prénatales effectuées sur des primates, parce qu'il n'y avait pas encore eu de tests à ce sujet. Ça a été le coup de grâce, et le moratoire est encore en vigueur.
Bruce parlait du groupe de travail. L'une des choses que nous avons examinées et continuons d'examiner, et que nous avons exposées dans le rapport préliminaire envoyé au premier ministre, est en fait le contrôle qu'exercent de grands détaillants en alimentation. En venant ici, aujourd'hui, nous sommes passés devant Wal-Mart, qui sera très bientôt la plus grande compagnie du monde. Il semble que les consommateurs préfèrent maintenant les grandes surfaces.
La question que j'ai à poser s'adresse, en fait, à vous deux. Lorsque ces grandes sociétés imposent une espèce de disposition, concluent un marché, ou ce que vous voulez, comment est-ce que nous, en tant que gouvernement, pouvons établir une espèce de système pour qu'elles laissent aux consommateurs le choix d'acheter des produits locaux qu'elles proposeraient sur leurs étalages? Nous avons entendu dans tout le pays que, tandis que ces grandes surfaces continuent de se regrouper, elles renoncent petit à petit aux produits locaux pour s'approvisionner ailleurs. Comment pourrions-nous faire?
À (1045)
M. Brewster Kneen: Merci, pour votre commentaire historique, Murray.
Tout d'abord, il faut vraiment vouloir le faire avant d'agir. Je crois que vous posez une question tout à fait cruciale. Comment composer avec ces choses-là?
Nous le voyons bien en Colombie-Britannique, avec l'écart entre les supermarchés et la croissance rapide de marchés agricoles et des programmes de livraison hebdomadaire d'aliments, toutes ces choses. C'est tout simplement effarant. Le nombre de gens, à Vancouver, qui adhèrent à ce genre de programmes, est vraiment effarant. Ils ont de bons supermarchés, mais ils préfèrent y renoncer, en général, parce qu'ils veulent des produits locaux en saison. C'est toute une histoire à propos de l'alimentation saine, des produits locaux, et de la communauté. Ce n'est pas simplement une question d'aliments sains. La sécurité est vraiment...
M. Murray Calder: Est-ce que c'est un processus d'éducation, alors? L'une des choses que j'ai découvertes, c'est que 96 p. 100 de la population, ici, au Canada, ne sait pas ce qui est en saison.
M. Brewster Kneen: Cela nous ramène à la question du commerce. Nous avons incité la population à croire que nous avons de tout, tous les jours, en tout temps. Voilà 50 ans, ou ce que vous direz, que nous y travaillons. Alors, oui, nous avons un programme d'éducation pour dire, un petit moment, qu'est-ce qui est raisonnable, là-dedans?
Quelqu'un a fait un commentaire sur les pommes biologiques et leur mauvaise apparence, et j'ai dit, «Dites-moi ce que vous pensez de celle-ci. Elle vient d'un cultivateur de Similkameen. C'est un fruit biologique, absolument sans défaut, l'orgueil du marché. Il se vend à gros prix». Cela fait donc partie du processus d'éducation, pour surmonter ce problème.
Permettez-moi de laisser la parole à Cathleen, parce qu'elle connaît vraiment le fond de cette question-là, justement.
Mme Cathleen Kneen: Il me semble que c'est quelque chose pour quoi nous pourrions envisager la collaboration entre divers niveaux de gouvernement. Par exemple, il y a des municipalités, ailleurs, qui ont adopté des règlements pour interdire des commerces de détail qui dépassent une certaine superficie. Il n'y a pas de raison qu'une municipalité ne puisse le faire. Je préfère penser aux aspects positifs plutôt que négatifs.
Vous avez tout à fait raison au sujet du manque de compréhension sur ce qui est en saison et ce qui est local. C'est ce qui me fait revenir à la question que posait Dick, tout à l'heure, sur le moyen de progresser et qui doit en assumer la responsabilité. Il me semble que nous devons faire tout ce que nous pouvons, du point de vue réglementaire. Par exemple, nous devons formuler des règlements qui augmenteraient la capacité des petits abattoirs locaux de desservir le marché local. Ce n'est qu'un exemple, mais il y a toute une série de règlements qui pourraient être mis en place au niveau fédéral pour accroître les capacités des provinces et des municipalités d'appuyer l'agriculture locale pour les marchés locaux.
Nous faisons notre part, au niveau de la communauté, et du point de vue de la santé, en appuyant les aliments de production locale. Je dis souvent que les «légumes ne devraient pas avoir de points Aéroplan». C'est un mouvement très fort dans le pays, qui part de la base. Il concerne la qualité et la santé.
Je le répète, je crois qu'il nous faut une démarche concertée. Il y a certainement moyen d'avoir un règlement qui donne la possibilité, particulièrement au plan du traitement, de faire de la place aux installations de traitement du marché local. Je ne pense pas que nous puissions freiner l'avancement de Wal-Mart avec un mur.
Le président: Merci.
À (1050)
M. Bruce Newton: Est-ce que je peux dire une chose seulement, pour répondre à votre question? Si un McDonald, disons, imposait une norme—et il ne s'agit pas seulement d'aliments; il y a aussi leur traitement—en tant qu'instrument de marketing, pour pouvoir se retourner et dire à ses clients «voyez ce que nous faisons», cela ne lui coûte rien. C'est au producteur que cela coûte. Nous revenons à la question: dans quelle mesure le gouvernement va-t-il appuyer ces producteurs et leurs associations?
Je sais que notre économie a connu des temps difficiles. Je sais que nous ne pouvons pas distribuer l'argent à la volée. La dame, là-bas, a parlé d'autres lois. L'une des grandes revendications du gouvernement provincial, dans sa stratégie récente pour l'industrie agricole, est qu'il va réduire le nombre de textes législatifs de 4 025 à 3 000. Je me trompe peut-être de quelques centaines. Je défie quiconque d'adhérer pleinement à la loi. S'il y a 3 000 textes de loi, nous n'en avons pas besoin d'autres. Il nous faut plus de soutien, et il nous faut accepter un fait: nous sommes en compétition avec les compagnies américaines. Ou nous nous retirons de la compétition et laissons le marché libre, ou nous obtenons un soutien.
Le président: Merci, Bruce. Probablement Paul et Murray se souviennent-ils d'une question que j'ai posée à des représentants du ministère de la Justice, lors d'une réunion il n'y a pas très longtemps: pourquoi avons-nous des lois?
Y a-t-il des représentants de la presse ici, aujourd'hui? C'est l'un des problèmes que nous avons reconnus. Nous avons une industrie importante pour le pays, et nous avons entendu d'excellentes présentations, aujourd'hui. Il est décevant qu'aucun représentant de la presse locale, pour une raison ou une autre, n'ait jugé que l'agriculture vaille quelques lignes, quelque part, ne serait-ce qu'à la page 14.
M. Peter Murray: Nous ne faisons pas de publicité.
Le président: C'est justementoù je veux en venir. Nous avons entendu certaines... Peut-être n'est-ce pas entièrement juste, Brewster, mais je pense que beaucoup de ce que nous avons entendu, selon votre point de vue, est juste. Je trouve assez regrettable que dans notre pays, nos gens qui contrôlent l'information que le public reçoit ne considèrent pas que c'est une opportunité à saisir de venir et d'entendre vos points de vue. J'espère que vous irez voir vos rédacteurs en chef dans votre petite communauté de Kamloops pour leur demander «que pensez-vous de l'agriculture?»,
Ils écriront certainement pour dire quel goujat c'est, ce Hubbard, de se permettre d'enguirlander quelqu'un pour n'avoir pas participé, mais c'est décevant. J'ai reçu un appel de Calgary, de l'une de leurs stations radiophoniques.
En Colombie-Britannique, John Duncan, votre collègue... Nous avions affaire aux Américains, l'été dernier. Bien sûr, ici, en Colombie-Britannique, il y a beaucoup de cultivateurs de tomates, qui essaient vraiment d'exporter leurs tomates vers les États-Unis. Il y a beaucoup d'enjeux, dont il faut parler.
Quoi qu'il en soit, je ne veux pas me faire critique. C'est comme l'église. Le curé ne peut pas demander pourquoi les bancs sont vides et enguirlander les paroissiens qui viennent à l'église.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie d'être venus. La prochaine fois, quel que soit le comité qui vienne ici pour parler d'agriculture, lorsque vous aurez vos réunions, nous espérons que les journaux, les stations radiophoniques, la télévision, etc., jugeront que c'est un élément important de cette communauté, de l'économie de la Colombie-Britannique, et de l'économie du Canada.
En tant que comité, nous voulons nous assurer de ramener vos points de vue à Ottawa. Nous ferons de notre mieux pour les analyser et dresser un rapport, que nous vous transmettrons aussi. Nous espérons que vous tirerez orgueil d'avoir participé à cette démarche.
Merci d'être venus et de nous avoir accordé de votre temps. Cela dit, nous allons lever la séance.
Mme Betty Hinton: Je voudrais seulement faire une observation. Je tiens à vous remercier d'être venus. Je voudrais aussi vous dire que nous avons effectivement averti les médias de la tenue de ces audiences. Alors, peut-être les participants venus ici aujourd'hui voudront-ils appeler les médias locaux pour leur dire combien ils sont mécontents de leur manque de participation. C'est à eux de le faire.
J'aimerais aussi signaler à tout le monde qui est venu ici aujourd'hui que le comité n'a siégé que dans deux villes de la Colombie-Britannique. La première était Kamloops et la deuxième Kelowna. Je tiens à vous remercier de nous avoir permis de participer à vos audiences et d'avoir écouté ce que nous avions à dire. Je vous avais promis que vous entendriez un point de vue différent, et je pense que nous avons tenu promesse.
Le président: La séance est levée.