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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des finances


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 4 février 2003




Á 1105
V         La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.))
V         Dr Douglas Peters (économiste, À titre individuel)

Á 1110
V         Dr Arthur Donner (Économiste et consultant, À titre individuel)

Á 1115
V         La présidente
V         M. Jean Roy (professeur titulaire de finance, Université de Montréal, À titre individuel)

Á 1120

Á 1125

Á 1130
V         La présidente
V         M. Joseph Oliver (Président et directeur général, Association canadienne des courtiers en valeur mobilière)

Á 1135

Á 1140
V         La présidente
V         M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne)

Á 1145
V         Dr Douglas Peters

Á 1150
V         La présidente
V         M. Richard Harris
V         La présidente
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         M. Joseph Oliver
V         M. Pierre Paquette
V         M. Joseph Oliver
V         M. Pierre Paquette
V         M. Joseph Oliver
V         M. Pierre Paquette
V         La présidente
V         M. Jean Roy

Á 1155
V         M. Pierre Paquette
V         Dr Douglas Peters

 1200
V         La présidente
V         Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.)
V         Dr Douglas Peters
V         Mme Maria Minna
V         La présidente
V         Dr Arthur Donner

 1205
V         La présidente
V         M. Joseph Oliver
V         La présidente
V         M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.)
V         Dr Douglas Peters

 1210
V         M. Bryon Wilfert
V         Dr Douglas Peters
V         M. Bryon Wilfert
V         Dr Douglas Peters
V         La présidente
V         M. Bryon Wilfert
V         Dr Douglas Peters
V         La présidente
V         M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD)

 1215
V         Dr Douglas Peters
V         M. Lorne Nystrom
V         Dr Douglas Peters

 1220
V         M. Lorne Nystrom
V         Dr Douglas Peters
V         M. Lorne Nystrom
V         La présidente
V         M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)
V         Dr Douglas Peters

 1225
V         M. Roy Cullen
V         M. Jean Roy

 1230
V         M. Roy Cullen
V         M. Jean Roy
V         La présidente
V         M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)
V         La présidente
V         M. Jean Roy

 1235
V         M. Nick Discepola
V         M. Jean Roy
V         M. Nick Discepola
V         M. Jean Roy
V         M. Nick Discepola
V         Dr Douglas Peters
V         M. Nick Discepola
V         Dr Douglas Peters

 1240
V         M. Nick Discepola
V         Dr Douglas Peters
V         La présidente
V         M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne)
V         M. Joseph Oliver

 1245
V         M. Richard Harris
V         La présidente
V         M. Joseph Oliver
V         La présidente
V         M. Roy Cullen
V         Dr Douglas Peters
V         M. Roy Cullen
V         Dr Douglas Peters

 1250
V         La présidente
V         M. Jean Roy
V         La présidente
V         M. Pierre Paquette
V         M. Jean Roy

 1255
V         M. Pierre Paquette
V         M. Jean Roy
V         La présidente
V         M. Nick Discepola
V         M. Jean Roy
V         M. Nick Discepola
V         M. Jean Roy
V         M. Nick Discepola
V         La présidente










CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 037 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 février 2003

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Bonjour, tout le monde. Bienvenue à tous.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur les répercussions en matière d'intérêt public de la fusion des grandes banques.

    Pour cette séance, nous avons quatre témoins: M. Douglas Peters, économiste, M. Arthur Donner, économiste et consultant, qui présenteront un exposé commun, puis M. Jean Roy, professeur titulaire de finance à l'Université de Montréal, et M. Joseph Oliver, président-directeur général de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. M. Oliver est accompagné de M. Jon Cockerline.

    Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui participeront à l'exposé de M. Oliver.

    Je crois que la meilleure façon de commencer consiste à suivre l'ordre du jour.

    Je suppose, monsieur Peters, que vous prendrez la parole en premier.

+-

    Dr Douglas Peters (économiste, À titre individuel): Merci, madame la présidente. Bonjour, mesdames et messieurs.

    Nous présentons ce mémoire au comité dans l'espoir que vous examinerez les fusions de grandes banques d'une manière globale. Les auteurs du mémoire sont des économistes d'expérience qui connaissent bien les domaines de la politique publique et des finances et qui ont abordé la question des fusions bancaires du point de vue de la politique publique et de l'intérêt public.

    Nous craignons beaucoup que le fait de permettre aux grandes banques du Canada de fusionner n'ait des effets préjudiciables aux intérêts des clients, du personnel et des actionnaires de ces banques. Des fusions entre les grandes banques canadiennes provoqueraient des problèmes dans les marchés canadiens de capitaux et pourraient occasionner des difficultés aux sociétés et aux gouvernements canadiens qui souhaitent trouver du financement au Canada. Si la gestion de la monnaie canadienne n'est pas assurée par un marché de capitaux adéquat et compétitif, il pourrait devenir très difficile d'accéder à des capitaux.

    Votre comité devrait se poser les questions suivantes:

    Des fusions entre grandes banques canadiennes peuvent-elles réduire le coût des services bancaires pour les particuliers?

    Des fusions entre grandes banques canadiennes peuvent-elles améliorer le niveau et la qualité des services que les Canadiens reçoivent de leurs banques?

    Des fusions entre grandes banques canadiennes peuvent-elles offrir aux Canadiens un plus grand choix de services bancaires?

    Des fusions entre grandes banques canadiennes peuvent-elles améliorer l'accès au crédit et en réduire le coût pour les petites et moyennes entreprises du Canada?

    Des fusions entre grandes banques canadiennes peuvent-elles réduire le coût du crédit pour les grandes entreprises du Canada?

    Des fusions entre grandes banques canadiennes peuvent-elles permettre aux banques canadiennes de tirer de plus grands bénéfices de leurs opérations internationales?

    Enfin, des fusions entre grandes banques canadiennes peuvent-elles renforcer l'économie canadienne en augmentant l'emploi et la croissance économique?

    À notre avis, la réponse à toutes ces questions est non. En fait, dans presque tous les cas, c'est l'inverse qui se produirait.

    Les fusions bancaires entraînent des hausses de prix et des réductions des services offerts au public et concentrent le pouvoir économique entre les mains d'une poignée de personnes. Elles peuvent aussi servir à glorifier des présidents-directeurs généraux et à accélérer l'exercice des options d'achat d'actions. Nous estimons qu'aucun de ces résultats n'est favorable à l'intérêt public ou à l'intérêt du Canadien moyen. Les Canadiens se sont constamment opposés aux fusions envisagées par les grandes banques.

    Nous avions écrit ce qui suit dans un document produit en 1998:

Le fait de se montrer en faveur d'un modèle axé sur deux banques gigantesques correspond nécessairement à dire que les avantages d'une taille gigantesque sur les marchés internationaux sont si grands qu'ils l'emportent sur les effets négatifs, pour le public canadien, de la perte d'emplois, de la fermeture de divisions, d'un service réduit et d'une concurrence moindre.

    Il est intéressant de noter que les banques n'ont fourni aucune preuve confirmant d'une façon quelconque cette hypothèse. En fait, tout semble indiquer que c'est le contraire qui est vrai.

    Une importante étude sur les fusions bancaires de la Réserve fédérale américaine a conclu que les données historiques réunies ne montrent aucune amélioration durable de l'efficacité, de la rentabilité ou de l'avoir des actionnaires.

    Ces observations revêtent un intérêt particulier parce qu'elles réfutent les principaux arguments en faveur des fusions de grandes banques.

    Au Canada, nous venons d'assister à la plus importante fusion dans l'histoire de nos banques, entre la Banque Toronto-Dominion et la société Canada Trust. Quel en a été le résultat? Exactement ce que les études avaient prédit: hausse du prix des services et réduction du service offert au public. De plus, l'institution issue de la fusion a le pire rendement parmi les cinq grandes banques.

    Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, M. Donner.

Á  +-(1110)  

+-

    Dr Arthur Donner (Économiste et consultant, À titre individuel): Dr Arthur Donner (économiste et consultant, À titre individuel)Merci beaucoup, madame la présidente.

    Comme nous n'aurons pas beaucoup de temps, je voudrais commencer par insister sur quatre points. Le premier, c'est que la fusion des grandes banques, qui réduirait leur nombre à deux ou trois, entraînerait une concentration indue des marchés financiers. Le deuxième, c'est qu'un système bancaire ne comprenant que deux ou trois grandes banques aurait des effets sur la politique monétaire, la gestion des taux d'intérêt et le dollar canadien. Troisièmement, en l'absence d'un marché financier adéquat et compétitif, les sociétés canadiennes auraient de la difficulté à émettre des obligations au Canada pour réunir des capitaux et iraient probablement aux États-Unis pour le faire. Enfin, la fusion des grandes banques aurait pour conséquence logique d'accélérer la dollarisation, ou transition de l'économie canadienne vers le dollar américain.

    Je vais rapidement passer en revue chacun de ces points.

    Nous croyons que des fusions entre les grandes banques aggraveraient la concentration dans le processus d'adjudication des obligations d'État et des bons du Trésor. Les organismes provinciaux de réglementation du commerce des valeurs mobilières devraient alors s'inquiéter de l'entrée sur le marché des grandes banques ainsi regroupées. Sans commission nationale des valeurs mobilières, il serait difficile pour les organismes provinciaux de réglementation du commerce des valeurs mobilières de superviser adéquatement ces géants sur le marché canadien relativement restreint. De plus, la souscription de valeurs tomberait dans les mains d'une poignée de sociétés. Le marché serait alors dominé par deux ou trois entreprises appartenant aux banques. Les possibilités de conflits d'intérêts augmenteraient, tandis qu'un petit nombre de sociétés d'investissement appartenant aux banques s'occuperaient des prêts, des placements et des souscriptions de valeurs mobilières de la plupart des grandes sociétés canadiennes. Il est fort probable, dans ces conditions, que l'accès des sociétés canadiennes au capital deviendrait beaucoup moins facile.

    La Banque du Canada et le ministère des Finances devraient s'inquiéter de la concentration des pouvoirs sur le marché des valeurs mobilières de l'État et de l'efficacité du processus d'adjudication des bons du Trésor et des obligations d'épargne du Canada.

    Un certain nombre de Canadiens mal informés pourraient se réjouir de la «dollarisation» croissante de l'économie, mais ce ne serait pas notre cas. Permettre la fusion des grandes banques aurait pour effet de donner plus de poids à leurs arguments. Les événements récents nous ont donné encore plus de raisons de nous inquiéter. Le nombre de grandes maisons de courtage spécialisées dans la négociation des obligations en gros est passé de 17 il y a quelques années à 7 à l'heure actuelle. Quelques grandes sociétés américaines ont tenté sans succès leur chance sur le marché canadien. Elles comprenaient notamment Goldman Saks, Lehman Brothers et Salomon Smith Barney. Ces sociétés semblent avoir toutes abouti à la conclusion que le marché canadien n'est pas rentable. Si le Canada devait perdre deux joueurs ou plus par suite de la fusion de grandes banques, nous n'aurions plus un marché obligataire efficace et concurrentiel.

    Si le marché des actions et des obligations devient trop concentré au Canada par suite de la fusion de grandes banques, les entreprises canadiennes seront de plus en plus tentées de chercher du financement sur le marché financier américain. Si le marché financier canadien perd de sa pertinence à cause des fusions bancaires, alors les pressions politiques en faveur de la «dollarisation» – c'est-à-dire l'abandon pur et simple du dollar canadien et la disparition d'une politique monétaire canadienne distincte – prendront de plus en plus d'ampleur.

    L'adoption de la devise américaine comme monnaie légale aurait des répercussions négatives importantes sur l'économie canadienne et sur notre souveraineté.

    Bref, le nombre des grandes banques canadiennes ne doit pas être réduit par des fusions. Les conséquences de ces fusions et de la plus grande concentration du système bancaire et d'investissement qui en découlerait seraient préjudiciables au marché financier canadien et, en définitive, à la souveraineté du Canada.

Á  +-(1115)  

+-

    La présidente: Merci.

    Nous passons maintenant à M. Roy.

[Français]

+-

    M. Jean Roy (professeur titulaire de finance, Université de Montréal, À titre individuel): Merci beaucoup, madame la présidente.

    Pr Jean Roy (professeur titulaire de finance, Université de Montréal, À titre individuel)Je suis très honoré d'avoir l'occasion d'exprimer mon opinion sur cette très importante question. Je vais lire mon texte sans toutefois lire l'introduction, puisque celle-ci ne constitue qu'une mise en contexte. Le but de mon mémoire sera d'abord de présenter quelques informations statistiques ainsi que des opinions personnelles visant à contribuer à l'avancement de ce débat très important.

    La question de la fusion des grandes banques canadiennes peut être posée dans les termes suivants: les bénéfices potentiels de l'expansion internationale accrue liée à une ou des fusions de banques excéderaient-ils les coûts possibles liés aux impacts sur le marché national?

    Nous proposons donc d'examiner tour à tour la question de la position internationale des banques canadiennes, puis celle des impacts nationaux de fusions potentielles et enfin, celle du mode d'intervention approprié du gouvernement face à ces impacts.

[Traduction]

    Au sujet de la position internationale des banques canadiennes, je voudrais noter qu'en juin de chaque année, la revue économique Euromoney publie une section intitulée «Bank Atlas» où elle présente un classement des 250 plus grandes banques du monde selon le critère de l'avoir au livre des actionnaires, ce qui est la meilleure mesure de la taille d'une banque. Le classement de juin 2002 présenté au tableau 1 montre les 51 plus grandes banques à la fin de 2002.

    Selon nous, le groupe des 50 plus grandes banques forme vraiment le groupe dominant des grandes banques internationales. Nous avons porté le groupe à 51 parce que la Banque de la Nouvelle-Écosse s'est classée au 51e rang, ce qui rendra notre analyse plus conservatrice. Ce groupe correspond aussi approximativement aux banques qui ont un capital de plus de 10 milliards de dollars US. On constate donc que le Canada compte deux banques dans ce groupe, soit la Banque Royale en 41e position et la Banque de la Nouvelle-Écosse, en 51e position.

    Nous avons ensuite regroupé les banques selon leur pays d'origine, comme le montre le tableau 2, puis avons additionné le capital des banques d'un même pays pour obtenir une mesure de la participation du pays en cause au groupe des 51 plus grandes banques. Ensuite, nous avons mesuré la taille de l'économie d'après le produit intérieur brut, selon les statistiques de la Banque mondiale d'août 2002 pour l'année comparable 2001.

    Il est ainsi possible de mettre en relation la participation d'un pays au groupe des 51 plus grandes banques avec la taille de son économie. Le tableau 3, qui est le plus important parmi les tableaux qui figurent à la fin de mon document, présente différent ratios calculé dans ce but. Comme on peut le voir, le PIB du Canada représente 2,81 p. 100 du PIB global des 14 pays du groupe, tandis que l'avoir des deux banques canadiennes du groupe ne représente que 1,77 p. 100 de l'avoir total des 51 banques.

    De même, on constate qu'en moyenne, l'avoir des grandes banques d'un pays dans ce groupe de 14 pays représente 4,87 p. 100 du PIB national, tandis que le chiffre correspondant n'est que de 3,07 p. 100 dans le cas du Canada.

    Ces statistiques montrent donc clairement que le Canada est sous-représenté dans le groupe des 51 plus grandes banques, compte tenu de la taille de son économie. Cette conclusion est très importante puisqu'elle indique à la fois le retard du Canada et aussi, d'une certaine manière, son potentiel d'expansion.

    On note également que la taille moyenne des banques appartenant au groupe des 51 plus grandes banques est d'environ 22,9 milliards de dollars US , tandis que la taille moyenne des deux banques canadiennes de ce groupe n'est que de 10,4 milliards, soit approximativement la moitié de la moyenne. Cela montre que ces banques sont relativement petites.

    Au cours du week-end, mon adjoint de recherche m'a fourni un peu plus de données. J'ai donc un autre tableau, qui ne figure pas dans le document, sur lequel j'aimerais présenter quelques observations.

    Nous avons pris un échantillon de 11 grandes banques comprenant Citigroup, HSBC, Bank of America, Deutsche Bank, UBS, Parisbas, Barclay's, Crédit Suisse, Société Générale, ING, et Santander. Nous avons obtenu les recettes totales de ces institutions et le nombre de leurs employés pour calculer les recettes par employé. En moyenne, le résultat est de 280 000 $ US, à comparer à 149 000 $ par employé pour les banques canadiennes. Cela indique que nos banques ont également du retard sur le plan de la productivité des employés, par rapport aux grandes banques des autres pays.

    Il est intéressant d'examiner un autre chiffre dans le cas de ces grandes banques internationales: c'est la proportion des recettes provenant des opérations intérieures par rapport aux recettes produites à l'étranger. En moyenne, cette proportion est de 50 p. 100 pour le groupe des 51 plus grandes banques. Dans le cas des deux banques canadiennes, 68 p. 100 des recettes viennent du Canada et 32 p. 100 de l'étranger. Encore une fois, ces chiffres montrent que nos banques n'ont pas autant d'activités internationales que les autres institutions du groupe.

Á  +-(1120)  

[Français]

    Au tableau 4, nous présentons l'analyse d'un scénario de rattrapage qui consisterait à donner au Canada un poids correspondant à celui de la taille de son économie, c'est-à-dire 2,81 p. 100 du total de 14 pays de référence.

    Cet objectif exigerait d'accepter la fusion des deux plus petites des cinq grandes banques canadiennes. Le Canada aurait alors un poids de 2,96 p. 100 dans le groupe des 51 plus grandes banques.

    Enfin, le tableau 5 montre les résultats d'une stratégie agressive d'expansion internationale qui consisterait à fusionner en trois banques les cinq grandes banques actuelles. Le Canada aurait alors 43,5 milliards de dollars US d'équité dans le groupe des grandes banques, ce qui lui donnerait une taille internationale presque aussi grande que celle de l' Espagne, qui a 48,7 milliards de dollars d'équité dans le club des grandes banques, ou de la Hollande, qui a 48 milliards de dollars d'équité dans ce groupe. Ces pays ont des PIB significativement inférieurs à celui du Canada. Le Canada a un PIB de 677 milliards de dollars US, alors que l'Espagne est à 577 milliards de dollars et la Hollande, à 374 milliards de dollars.

    Le tableau 5 montre également que le capital agrégé des trois banques canadiennes, après fusion, représenterait 6,43 p. 100 du PIB canadien. On constate que ces statistiques n'auraient rien d'extraordinaire à l'échelle internationale puisque, selon cette statistique, le Canada serait au huitième rang. À titre d'exemples, ce ratio est de 21 p. 100 pour la Suisse, 13 p. 100 pour la Hollande, 12 p. 100 pour le Royaume-Uni et 8,44 p. 100 pour l'Espagne. D'une certaine façon, ces chiffres montrent que la stratégie agressive d'expansion internationale considérée ici serait tout à fait raisonnable par rapport à celles des pays à haute intensité bancaire.

    Maintenant que nous avons identifié le potentiel de participation du Canada à l'activité des plus grandes banques internationales, la question qui se pose est celle-ci: les banques canadiennes sont-elles capables de réussir les fusions envisagées?

    Il est clair que toute fusion représente un risque. Un rapport du Comité du Sénat des banques et du commerce souligne avec à-propos la nécessité d'évaluer ce risque avant de procéder à toute fusion. D'autre part, il me semble que l'historique des banques canadiennes à intégrer de nouvelles organisations, que ce soit lors de l'acquisition de maisons de courtage, de compagnies de fiducie, de compagnies d'assurance ou de filiales étrangères, montre que dans la grande majorité des cas, le processus d'intégration a été réalisé avec succès. Donc, sur cette base, je suis très optimiste quant à la perspective de succès d'éventuelles fusions de banques canadiennes.

    Dans quelle mesure une taille accrue permettrait-elle aux banques canadiennes d'accélérer leur croissance internationale? Personnellement, comme M. Godsoe de la Banque Scotia, je ne crois pas que le phénomène d'économies d'échelles soit très significatif. Ce qui est important, c'est la base de capital plus grande qui permet d'effectuer de plus grandes transactions de financement et éventuellement de procéder à de plus grosses acquisitions à l'étranger. Ces deux facteurs, à mon avis, permettent de croire que la fusion de banques serait un accélérateur important de la croissance des banques canadiennes sur la scène internationale.

    Il me semble aussi évident qu'une présence internationale accrue des banques canadiennes serait bénéfique pour plusieurs: employés, fournisseurs, grands clients, et pour le gouvernement canadien lui-même, qui jouirait d'un prestige encore plus grand auprès des organismes financiers internationaux, en particulier auprès de la Banque des règlements internationaux.

    Parlons maintenant des impacts potentiels de fusions bancaires sur le marché national. Quel pourrait être l'impact de fusions bancaires sur l'accès aux services financiers pour les clientèles vulnérables et sur le financement des PME? À vrai dire, ces impacts sont très difficiles à évaluer lorsque l'on tient pleinement compte de toute la complexité de la situation. D'une part, il faut noter qu'il y a déjà en place plusieurs mesures de protection dans la loi C-8 concernant l'accès aux services financiers et la fermeture de succursales.

    D'autre part, advenant le cas où les plus grandes banques délaisseraient certaines activités, il est clair qu'il y aurait une réaction de la part de leurs concurrents, qui verraient là une occasion d'affaires. Les assureurs-vie, les banques étrangères et le mouvement coopératif sont de plus en plus significatifs sur le marché canadien et limiteront sans doute les effets négatifs d'une plus grande concentration du secteur bancaire. En particulier, le mouvement coopératif a déjà montré sa volonté et sa capacité à combler certains segments de marché. En conséquence, il ne serait pas impossible que certaines clientèles voient leur sort amélioré par la croissance de fournisseurs de services financiers mieux adaptés à leurs besoins.

Á  +-(1125)  

    En somme, les fusions bancaires pourraient être l'occasion d'une certaine réorganisation des institutions financières canadiennes, où chacune pourrait mieux exploiter ses avantages comparatifs, rendant ainsi au total le système plus performant.

    En fin de compte, nous voulons souligner le fait que la réaction des concurrents à tout virage stratégique adopté par des banques fusionnées rend les impacts nets très difficiles à évaluer.

[Traduction]

    Je passe maintenant à l'intervention du gouvernement pour protéger l'intérêt public. Selon la théorie économique, le gouvernement est justifié d'intervenir chaque fois que les actions d'un agent économique créent des externalités, c'est-à-dire des effets positifs ou négatifs sur des tiers. C'est ainsi que le gouvernement pénalise ou réglemente les pollueurs et subventionne la création d'emplois. La mesure gouvernementale correctrice présuppose que le dommage ou l'avantage créé peut être estimé.

    Dans le cas des fusions bancaires, il nous semble clair que l'estimation préalable des impacts est très difficile. Dans cette situation, le gouvernement devrait-il s'abstenir d'intervenir? Comme nous l'avons déjà mentionné, il est probable que toute modification stratégique de la part des banques amènera une réaction de la part de concurrents. De plus, comme la restructuration du marché peut prendre un certain temps, il peut être opportun de protéger les clientèles vulnérables à court terme après tout changement structurel majeur.

    Alors, comment faut-il procéder? Selon nous, devant la difficulté d'évaluer les impacts, la meilleure approche consiste à demander aux banques de prendre des engagements vis-à-vis des questions d'intérêt public. En ce sens, il nous semble que le document qu'avaient produit la Banque Royale et la Banque de Montréal lors de leur projet de fusion constituait une approche très pragmatique pour résoudre la question des impacts publics.

    Dans ce sens, nous croyons que le volet actuel du processus d'examen des projets de fusion de grandes institutions devrait être conservé pour maintenir une certaine pression sur les banques et les inciter à prendre des engagements raisonnables pour minimiser les effets potentiellement négatifs à court terme de leur projet de fusion.

    D'autre part, il faudrait renoncer à tenter d'évaluer les impacts, compte tenu de la difficulté, et considérer plutôt cette étape du processus comme une occasion de vérifier que les banques offrent des garanties suffisantes en matière d'intérêt public. Selon non, ce changement réduirait le fardeau des banques intéressées à une fusion.

    Par ailleurs, telles que formulées, les expressions «engagements raisonnables» et «garanties suffisantes» demeurent ambiguës et exigeraient une certaine clarification de la part du gouvernement. Celui-ci pourrait déclarer, par exemple, que toute opération acceptable pour le Bureau du surintendant des institutions financières et le Bureau de la concurrence serait acceptée, à condition que des engagements raisonnables soient pris au sujet des questions d'intérêt public.

Á  +-(1130)  

[Français]

    Pour conclure, précisons que notre analyse de statistiques internationales montre que le Canada n'occupe pas une place proportionnelle à la taille de son économie dans le groupe des grandes banques mondiales. Selon nous, les banques canadiennes pourraient réaliser avec succès des projets de fusion, et cela leur permettrait sans doute d'accélérer leur expansion internationale, ce qui serait bénéfique, à plusieurs points de vue, pour le pays.

    D'autre part, les impacts de telles fusions sur le marché national sont difficiles à estimer, compte tenu de la dynamique complexe des réactions des concurrents. Dans ce contexte, le gouvernement conserve la responsabilité de contrôler les impacts négatifs que ces transactions pourraient avoir, à court terme, sur les clientèles vulnérables.

    Nous pensons donc que le volet des examens d'impact sur l'intérêt public doit être conservé dans le but d'exiger des engagements raisonnables de la part des banques candidates à une fusion et pour voir à la protection de l'intérêt public.

    Selon nous, cette approche, qui respecterait les stratégies de croissance, tout à fait légitimes, des grandes banques canadiennes aussi bien qu'elle garantirait de façon acceptable les intérêts des clientèles vulnérables, devrait aboutir à une restructuration du secteur financier canadien qui soit profitable pour tous.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci beaucoup de votre exposé.

    Nous passons maintenant à l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. À vous, monsieur Oliver.

+-

    M. Joseph Oliver (Président et directeur général, Association canadienne des courtiers en valeur mobilière): Bonjour, mesdames et messieurs. Bonjour, madame la présidente. Je vous remercie de cette occasion qui nous est offerte de présenter notre point de vue sur les fusions bancaires à un comité de la Chambre des communes.

    Partout dans le monde, le secteur bancaire traverse une période de consolidation à grande échelle. L'une des conséquences de cette consolidation est que les banques canadiennes, jadis considérées comme des banques de premier rang, sont passées ces dernières années au second rang. Ces chiffres sont significatifs puisque la taille a de l'importance pour les activités bancaires internationales, notamment pour attirer et conserver les meilleurs clients des secteurs publics et privés mondiaux. De plus, une portée mondiale est souvent essentielle pour permettre à nos banques de servir leurs clients canadiens, qui sont eux-mêmes de plus en plus actifs sur les marchés mondiaux.

    Cela étant dit, un certain nombre de questions générales entourant les fusions doivent être examinées, notamment la solvabilité des entités fusionnées, l'accès aux services bancaires régionaux et les emplois locaux.

    Mon intention aujourd'hui n'est pas de prendre position sur l'opportunité des fusions bancaires au Canada. Je me propose plutôt d'examiner un aspect précis mais important des fusions bancaires: leurs effets possibles sur la compétitivité et l'efficacité de nos marchés de capitaux, en particulier pour les utilisateurs et les fournisseurs de capital.

    Les marchés de capitaux canadiens sont concentrés entre les mains de six sociétés de courtage détenues par des banques, qui contrôlent 60 p. 100 du marché des nouvelles émissions, 60 p. 100 du marché de la gestion du patrimoine et environ les trois quarts des opérations sur les titres à revenus fixes et des opérations en actions sur le marché secondaire. Ces six sociétés de courtage représentent 59 p. 100 du capital total des sociétés de courtage et 54 p. 100 des emplois dans le secteur des valeurs mobilières.

    La part des banques dans les secteurs des nouvelles émissions et de la gestion du patrimoine est considérable. Il serait difficile de nier la position dominante des sociétés de courtage détenues par des banques dans le secteur de la négociation des valeurs mobilières. La part de marché constitue un critère important pour évaluer la concentration et la domination du marché. Toutefois, il faut également reconnaître que les fusions peuvent enclencher une dynamique susceptible d'intensifier la concurrence et, avec le temps, de réduire la part de marché des banques et la concentration dans le secteur. En examinant un à un ces secteurs d'activité, nous pouvons tirer des conclusions quant à l'incidence possible des fusions bancaires sur les marchés de capitaux canadiens.

    Les services de banque d'investissement au Canada englobent les mandats de fusions et d'acquisitions, de prises fermes et de nouvelles émissions et donc, la mobilisation de capital pour les entreprises et les gouvernements. Pour le segment représenté par la clientèle à capitalisation élevée, le marché est concurrentiel et mondial. En 2001, par exemple, les 20 plus grandes sociétés de courtage ont compté pour 95 p. 100 des activités de fusion et d'acquisition, évaluées en dollars, et environ 72 p. 100 des mandats. Les sociétés de courtage détenues par des banques se sont occupées du tiers des activités de ce secteur, les deux tiers restants étant allés aux sociétés étrangères et aux sociétés de courtage non détenues par des banques.

    Même constat pour les gros contrats de prise ferme d'actions, dont les deux tiers, représentant 98 p. 100 de la valeur au marché, ont été confiés aux 20 plus grandes sociétés de courtage canadiennes et étrangères en 2001. Les six grandes banques ont compté pour 78 p. 100 de cette part de marché en dollars, le reste étant réparti entre un certain nombre de sociétés de courtage canadiennes intermédiaires et quelques sociétés de courtage étrangères. Par conséquent, même avec une ou deux fusions bancaires, les clients pourraient encore choisir parmi un nombre suffisamment important de sociétés canadiennes et étrangères pour constituer leur syndicat financier.

    Beaucoup de sociétés canadiennes à grande capitalisation sont aussi inscrites à la cote des bourses américaines et peuvent accéder facilement à du capital-actions à bon prix sur ce marché. Pour ce qui est des opérations de moindre envergure, on constate que pratiquement toutes les petites émissions de sociétés, c'est-à-dire les financements de moins de 10 millions de dollars, sont monopolisées par des sociétés de courtage indépendantes de taille moyenne. Les banques et les sociétés de courtage qu'elles détiennent représentent une faible part du marché du capital de risque. Par conséquent, les fusions bancaires n'auraient à peu près aucune incidence négative sur les petites émissions d'obligations et d'actions.

    On peut penser que la fusion des banques créerait une dynamique favorisant la croissance des sociétés de courtage indépendante de niveau intermédiaire et intensifierait la concurrence en permettant à de nouvelles entreprises de pénétrer ce marché pour mieux répondre aux besoins de financement des PME.

Á  +-(1135)  

    En conséquence, nous sommes d'avis qu'une ou deux fusions parmi les six grandes banques n'augmenteraient pas la part de marché des fusions et acquisitions et des nouvelles émissions d'actions des sociétés de courtage canadiennes détenues par des banques. Cette part pourrait même baisser si une partie de ce marché est récupérée par les sociétés de courtage concurrentes non détenues par des banques.

    Habituellement, les sociétés fusionnées sont incapables de retenir tous leurs clients et employés. Les clients ne souhaitent pas réduire la taille de leur syndicat financier et les institutions veulent diversifier leurs activités. De plus, plutôt que de continuer à travailler pour une nouvelle entité plus grande, les professionnels de talent sont souvent tentés de fonder leur propre entreprise ou encore de joindre les rangs de petites sociétés moins bureaucratiques offrant plus d'avantages financiers. Ces facteurs offriraient aux sociétés de taille intermédiaire de nouvelles possibilités de prendre de l'expansion et de pénétrer ce marché.

    Dans le domaine de la gestion du patrimoine, l'ACCOVAM ne pense pas non plus que les fusions bancaires nuiraient à la concurrence. Aujourd'hui, les banques et les sociétés de courtage qu'elles détiennent sont des participants importants, détenant 60 p. 100 du marché de détail de la gestion du patrimoine, selon l'actif. Elles dominent au chapitre des réseaux de succursales, des services de courtage au détail et de la clientèle privée. Il existe cependant d'autres fournisseurs, notamment les petits conseillers financiers indépendants, les représentants directs et les équipes de ventes attitrées des sociétés de fonds de placement et des compagnies d'assurance, qui disposent d'importantes ressources en matière de services et de marketing.

    Le nombre de représentants inscrits, autant dans les banques que dans les autres établissements, a beaucoup augmenté ces dernières années. Entre 1996 et 2001, le nombre de représentants au détail détenant un permis est passé de 125 000 à 181 000, soit une hausse de 7,7 p. 100. Les représentants en organismes de placement collectif, les planificateurs financiers et les agents et courtiers d'assurance représentent 60 p. 100 de l'ensemble des représentants inscrits, et les banques, les sociétés de fiducie et les sociétés de courtage, les 40 p. 100 restants.

    De nouvelles banques étrangères très dynamiques, comme ING et HSBC, font également leur entrée sur le marché canadien des services de gestion du patrimoine au détail, où elles font concurrence aux banques canadiennes. Les grandes banques américaines mondiales, comme Goldman Sachs Private Client Service, cherchent à attirer les clients fortunés, tandis que du côté des services bancaires aux particuliers, les coopératives de crédit et les caisses populaires exercent aussi une concurrence active.

    Dans le secteur des services de courtage au détail, le nombre de sociétés continue d'augmenter. En 2001 et 2002, deux années difficiles pour ce secteur, l'ACCOVAM a accueilli plus de 20 nouvelles sociétés indépendantes par an. En soustrayant les sociétés qui se sont retirées, il y a actuellement 136 sociétés de courtage au détail indépendantes, contre 114 en 2000.

    De toute évidence, le secteur de la gestion du patrimoine est étendu, diversifié, dynamique et en expansion, et compte un grand nombre de joueurs. Si jamais le niveau de service ou le choix des produits devait se détériorer ou si les frais devaient augmenter par suite d'une fusion bancaire, il y aura de nombreux autres fournisseurs prêts à offrir des produits et des services spécialisés à des prix concurrentiels.

    Le troisième grand secteur des marchés de capitaux qui pourrait être touché par les fusions bancaires est celui des opérations sur titres des clients institutionnels, c'est-à-dire l'achat et la vente d'important blocs d'obligations ou d'actions par des investisseurs institutionnels, comme les sociétés de fonds de placement et les caisses de retraite.

    Sur le marché des titres à revenu fixe, les sociétés de courtage détenues par des banques mobilisent environ les trois quarts des opérations actuelles sur le marché secondaire. Cette position est certes dominante, mais il y a seulement cinq ans, les sociétés étrangères et ne relevant pas des banques détenaient la moitié de ce marché. Par suite de la facilité d'accès au marché, nous pourrions assister à un retour des banques mondiales dans ce secteur si la concentration devait augmenter à cause de la fusion de participants actuels.

    Une situation où le nombre de négociateurs de titres à revenu fixe est restreint ne saurait durer très longtemps. Les sociétés feraient rapidement appel aux banques mondiales et à d'autres intervenants pour satisfaire leurs besoins à ce chapitre.

    Sur le marché secondaire des actions, une réduction de la concurrence est encore moins à craindre. Les banques mondiales non canadiennes vont continuer d'être très actives, peu importe les conditions du marché. L'accès facile pour les entreprises américaines et l'établissement de systèmes de négociation parallèles pour les investisseurs institutionnels canadiens garantiront la compétitivité du marché.

Á  +-(1140)  

    D'ailleurs les investisseurs institutionnels ont appuyé activement l'établissement et la croissance de nouveaux services spécialisés à l'intention des grands investisseurs pour créer d'autres sources de conseils et de produits de placement. Par conséquent, pour les services de banque d'investissement et de gestion du patrimoine, les fusions bancaires ne devraient pas entraîner à long terme une érosion de la concurrence sur les marchés de capitaux.

    En somme, nous sommes d'avis que d'éventuelles fusions de grandes banques canadiennes n'auraient pas d'incidences négatives sur l'efficacité et le fonctionnement de nos marchés de capitaux.

    Je vous remercie.

+-

    La présidente: Merci beaucoup à tous, pour vos exposés.

    Nous allons maintenant passer aux questions, avec sept minutes pour chacun au premier tour de table.

    À vous, monsieur Harris.

+-

    M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente. Je remercie aussi nos témoins pour leurs excellents exposés.

    Je vais poser ma première question à M. Peters.

    M. Oliver vient de signaler que, dans l'ensemble du secteur des services financiers, la concurrence a en fait augmenté plutôt que diminué au fil des ans. Nous pouvons tous convenir, je crois, que l'exclusivité dont jouissent les cinq grandes banques canadiennes est limitée à une zone très étroite du secteur des services financiers, comprenant par exemple l'acceptation des dépôts au détail et la compensation des chèques, qui est maintenant ouverte aux autres intervenants qui souhaitent s'en occuper. De plus, il semble que la tendance à une concurrence accrue dans les domaines de l'investissement, de l'assurance, des hypothèques, des prêts-auto, etc. se maintiendra, qu'il y ait ou non des fusions bancaires. Malgré les menaces ou la crainte que la concurrence diminue, nous avons assisté dans les vingt dernières années à une augmentation considérable de la concurrence dans le secteur des services financiers.

    Compte tenu de votre expérience du secteur bancaire, vous conviendrez, j'en suis sûr, que les banques ne jouissent plus de si grands avantages exclusifs... Il est devenu impossible de fonctionner à cette échelle en bénéficiant de l'exclusivité. Je voudrais donc vous demander tout d'abord si vous convenez que la concurrence a en fait augmenté dans beaucoup de domaine des services financiers.

    Par ailleurs, à la page 3 de votre mémoire, vous posez une question que je juge hypothétique: la fusion des grandes banques du Canada aurait-elle pour effet de réduire le coût des services bancaires? Je dis que la question est hypothétique parce qu'on peut la poser de deux façons. Oui, on peut la poser d'une façon différente. Par exemple, en l'absence de fusions entre les grandes banques canadiennes, aurions-nous nécessairement une réduction du coût des services bancaires ou une amélioration de leur qualité? En d'autres termes, si la situation reste la même, on peut aussi poser la question, et recevoir peut-être des réponses surprenantes.

    Également à la page 3, vous affirmez: «Les fusions bancaires provoqueront une hausse des prix et une réduction des services offerts au public en plus de concentrer le pouvoir économique entre les mains d'une poignée de personnes.» Ma foi, il a fallu que je regarde bien pour m'assurer que c'était bien Doug Peters que je voyais là plutôt que Duff Conacher.

    Avez-vous jamais posé ces questions à des banquiers? J'aurais vraiment voulu que nous ayons ici des représentants des banques pour essayer de répondre à ces questions. Avez-vous jamais transmis ces questions à l'un des responsables des grandes banques et obtenu des réponses?

Á  +-(1145)  

+-

    Dr Douglas Peters: Non, mais permettez-moi de répondre à votre question.

    Vous m'avez d'abord demandé si je suis d'accord avec votre déclaration concernant la position dominante des banques. Monsieur Harris, je crois que vous confondez deux choses. Nous avons eu, ces dernières années, une importante augmentation du nombre et de la variété des services financiers. Mon expérience du secteur bancaire s'étend sur plus d'un demi-siècle. Pendant cette période, l'augmentation a été considérable, mais la position dominante des banques n'a pas beaucoup changé. La position dominante se situe maintenant au niveau des services de courtage de détail, des prêts personnels, des prêts-auto. Ce n'était pas le cas quand j'ai entrepris ma carrière.

    Les banques ont une position dominante dans les prêts aux petites et moyennes entreprises comme dans les prêts aux grandes entreprises. Ce ne sont pas là de petits segments du secteur des services financiers. Ils sont plutôt très importants. Les banques ont également une position dominante—mais peut-être pas autant—dans le domaine des fonds communs de placement. Ce n'est pas non plus un petit segment du secteur des services financiers. Ce sont tous de très importants domaines.

    Vous avez également signalé que nous avons posé quelques questions dans notre mémoire. Toutefois, la question qui se pose est de savoir si les fusions bancaires proposées vont modifier la situation. Où se trouve l'intérêt public? Nous sommes d'avis que l'intérêt public réside dans la réponse à ces sept questions. Mais il vous appartient de décider. Si vous comptez proposer une fusion de banques, vous devriez répondre à ces questions. À mon avis, la question de savoir si les coûts augmenteront en l'absence de fusions est hors de propos. Ce que nous cherchons à savoir, c'est si les fusions elles-mêmes favorisent l'intérêt public.

    Votre troisième point concernait la hausse des prix, la réduction des services et la concentration du pouvoir économique qui découlent des fusions. C'est ce que révèlent des dizaines d'études faisant partie de documents universitaires, de rapports revus par les pairs et d'autres documents parus au fil des ans. Nous avons examiné cette question dans notre étude de 1998. Il en découlait que les fusions occasionnent une hausse des prix et une réduction du service offert au public. Ce sont clairement les résultats qui se dégagent d'un grand nombre d'études universitaires. Ce n'est pas seulement notre point de vue. Nous ne reprenons pas simplement l'opinion de Duff Conacher. C'est une opinion générale.

Á  +-(1150)  

+-

    La présidente: C'est tout. Vos sept minutes sont écoulées.

+-

    M. Richard Harris: Vraiment?

+-

    La présidente: En fait, il vous reste dix secondes, mais cela ne vous laisse pas le temps de poser une question et d'obtenir une réponse.

[Français]

    C'est maintenant votre tour, monsieur Paquette. Commencez, s'il vous plaît.

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, madame la présidente.

    Merci pour vos présentations. J'ai trois questions à poser et je vais essayer de le faire rapidement pour que vous ayez la chance d'intervenir.

    D'abord, monsieur Oliver, vous nous dites que l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières surveille plus de 200 sociétés de courtage. Je voudrais savoir combien d'entre elles appartiennent à des banques.

+-

    M. Joseph Oliver: Nos six plus grandes banques ont chacune une succursale qui fait partie de notre industrie d'abord à titre de courtier .

+-

    M. Pierre Paquette: Les valeurs mobilières représentent approximativement quel pourcentage du chiffre d'affaires global?

+-

    M. Joseph Oliver: Sur le marché canadien?

+-

    M. Pierre Paquette: Je parle des sociétés de courtage qui sont contrôlées par les banques.

+-

    M. Joseph Oliver: Sur le marché canadien?

    M. Pierre Paquette: Oui.

    M. Joseph Oliver: En général, cela représente environ 64 p. 100 des revenus de l'industrie.

+-

    M. Pierre Paquette: Merci.

    Monsieur Roy, je pense que vous avez mis le doigt sur quelque chose de très important, c'est-à-dire ce qui incite les banques à fusionner. Vous nous l'avez dit très clairement: elles veulent d'abord rationaliser leur gestion, et cela a évidemment des effets sur les effectifs. Elles veulent augmenter leurs bénéfices, en particulier les bénéfices non répartis, pour être capables d'acquérir d'autres institutions dans le cadre du marché mondial afin d'être plus autonomes au plan financier.

    Vous nous avez dit qu'au plan de la concurrence interne, vous n'étiez pas trop inquiet parce que si les banques, les grandes banques en particulier, délaissent les marchés locaux, les marchés de consommateurs, il y aura probablement des substituts.

    Ce qui m'inquiète autant, c'est le risque de contagion des difficultés au plan international. Plus les banques sont grandes et grosses, plus elles sont internationalisées et plus elles sont fragiles à l'échelle internationale. On a vu, au cours des dernières décennies, des grandes banques qui semblaient inattaquables faire faillite. Que pourrait faire la Banque du Canada ou le gouvernement canadien pour venir en aide à une mégabanque canadienne qui aurait des difficultés financières majeures? Dans ce contexte-là, est-ce qu'en créant une mégabanque canadienne ou des mégabanques canadiennes, on ne favorise pas la prise de contrôle de ces banques par des intérêts étrangers? Est-ce qu'on n'amène pas les contribuables canadiens à assumer le risque de ces joueurs au plan international?

    C'est un peu la thèse de M. Parizeau. C'est ce qu'il aurait dit au comité si ce dernier avait voulu l'entendre. Dans le fond, il dit que lorsque les banques canadiennes sont allées sur le terrain, sur « la patinoire » des grandes banques internationales, ce sont toujours les contribuables et les consommateurs qui ont fini par payer pour les gaffes qu'elles ont faites. D'abord, est-ce qu'on aurait la capacité d'aider ces mégabanques? Et ensuite, est-ce qu'il y a un moyen de séparer les opérations nationales des opérations internationales pour qu'une banque canadienne qui serait en difficulté se débrouille avec ses difficultés, puisque ce sont ses choix de gestion, afin qu'il n'y ait pas d'impact sur les contribuables canadiens et les consommateurs?

    Si j'en ai le temps, je poserai une dernière question.

[Traduction]

+-

    La présidente: Monsieur Roy.

[Français]

+-

    M. Jean Roy: Monsieur Paquette, vos questions sont vraiment très pertinentes. Personnellement, je crois que, premièrement, les dispositions de la loi C-8 qui permettent la formation de holdings financiers devraient être pleinement utilisées pour séparer au maximum les activités nationales et internationales.

    Déjà on sait une chose. Évidemment, ce qui préoccupe le plus, c'est la protection des petits épargnants, en particulier par la Société d'assurance-dépôts. On sait très bien que la Société d'assurance-dépôts ne protège que les dépôts en dollars canadiens faits au Canada. Donc, de ce côté-là, le risque pourrait être limité.

    Est-ce qu'il n'y aurait pas quand même un certain risque résiduel? Probablement. Ma vision de ces choses est que je crois qu'il y a des modèles de pays de taille intermédiaire, comme l'Espagne ou la Hollande, qui ont accepté qu'il y ait une certaine concentration de leur secteur bancaire pour avoir les bénéfices de l'activité internationale. Personnellement, je crois que le Canada aurait le même potentiel et que ce serait à notre avantage, mais en même temps, certains risques devraient être pris.

    Pour ce qui est de favoriser les acquisitions de banques canadiennes, à mon avis, plus on permettra aux banques canadiennes d'être grosses, plus le nombre d'acquéreurs potentiels sera petit. Ces banques seront moins susceptibles d'être acquises. Voilà ma réponse à vos questions.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Pierre Paquette: J'aimerais maintenant m'adresser à MM. Donner et Peters. Le seul argument qui me semble tenir en ce qui concerne la fusion des banques, c'est celui de la concurrence au plan international. On nous dit que la plus grande banque canadienne se trouve au 48e rang, mais on oublie de rappeler que parmi les 15 plus grandes banques nord-américaines, il y a cinq banques canadiennes.

    Dans votre argumentation, vous dites que les fusions ne semblent pas nécessaires et ne servent pas l'intérêt public, parce qu'elles ne seront pas susceptibles d'accroître de manière appréciable la compétitivité des banques canadiennes sur les marchés internationaux. J'aimerais que vous étayiez un peu cet argument. Selon moi, c'est le seul argument que les banques sont actuellement en mesure de faire valoir comme étant valable au plan de l'intérêt canadien.

[Traduction]

+-

    Dr Douglas Peters: Vous demandez si la taille d'une banque lui permet d'améliorer ses résultats à l'échelle internationale. En fait, la taille n'est pas un facteur clé sur le marché international.

    Pendant un certain nombre d'années, les banques japonaises étaient les plus grandes banques du monde. Comme nous l'avons dit dans notre document, la banque n'est pas semblable à la lutte sumo. Si cela avait été le cas, les banques japonaises auraient dominé le marché international, mais elles ne le font pas. Elles ont en fait de graves difficultés. La question de savoir si une importante augmentation de taille permettrait aux banques canadienne de mieux soutenir la concurrence internationale est très discutable.

    En réalité, rien ne les empêche de s'allier dans leurs activités internationales. Si elles visent une plus grande taille, elles peuvent y accéder tout de suite. Il est tout à fait possible pour la Banque Royale, la Banque de commerce, la Banque de Montréal et la TD de former une grande société internationale pour livrer concurrence à l'étranger. Pourquoi ne le font-elles pas? Si cela avait été vraiment rentable, elles l'auraient sûrement fait. Pour moi, là n'est pas vraiment la question.

    Nous n'avons pas à être des géants pour faire la concurrence aux banques étrangères. Il nous suffit d'être bons. Certaines des grandes banques internationales sont très bonnes, mais n'ont pas une taille beaucoup plus importante que celle de la Banque Royale, de la Banque de commerce ou de la TD.

    En fait, chacune des banques canadiennes a bien réussi dans le domaine international, La Banque de la Nouvelle-Écosse a d'énormes opérations internationales dans les Antilles et en Amérique du Sud. La TD s'est lancée dans le secteur du courtage à commissions réduites et se classe maintenant deuxième du monde dans ce domaine. Nos banques ont pris de l'expansion dans plusieurs directions différentes. La Banque de Montréal a racheté la Harris Bank et occupe une place de choix sur le marché de Chicago. Chacune des banques canadiennes a un style différent.

    La question de savoir si elles seraient plus compétitives à l'échelle internationale est intéressante quand on les compare à certaines très grandes banques, comme la HSBC, qui est le produit de la fusion de la Midland Bank de Grande-Bretagne et de la HongHong and Shanghai Banking Corporation de Hong Kong. Laquelle des parties de cette institution constitue l'élément national? Est-ce la partie de Hong Kong ou bien la Midland? Je ne le sais pas, mais quand on a une combinaison de ce genre, on y ajoute automatiquement un énorme secteur international.

    La HSBC est en fait constituée d'une demi-douzaine ou d'une douzaine d'institutions nationales regroupées ensemble dans une institution internationale. La taille internationale ne représente pas l'élément le plus important. La partie de Hong Kong représente un élément national. Au Moyen-Orient, la British Bank était auparavant la Midland. Il y a aussi la Marine Midland Bank de Buffalo et la Banque Hongkong du Canada. Il y aussi une institution en Australie. C'est donc un ensemble d'éléments nationaux, mais leurs opérations ne se limitent certainement pas à cela.

  +-(1200)  

+-

    La présidente: Je vous remercie tous les deux.

    C'est maintenant au tour de Mme Minna, pour sept minutes, puis M. Wilfert, également pour sept minutes.

+-

    Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Je vous remercie. J'ai quelques questions à poser. J'espère que je pourrai les poser toutes, mais ce sera difficile.

    Quoi qu'il en soit, ma première question s'adresse à M. Peters. J'ai posé hier aux représentants des banques une question concernant le système actuel de réglementation. On m'a dit que si nous avions des fusions qui ne nous laisseraient que deux ou trois très grandes banques, le système de réglementation actuel suffirait. Autrement dit, le BSIF et le Bureau de la concurrence s'en occupent déjà, et nous n'aurions pas à nous en soucier.

    Je voudrais donc vous demander ou demander à M. Donner si, à votre avis, je vois des difficultés là où il n'y en a pas. En d'autres termes, si nous avions des mégabanques, aurions-nous besoin de renforcer le système réglementation actuel pour protéger les Canadiens contre une éventuelle faillite? Si une grande banque s'effondre, les répercussions économiques sur le pays seraient énormes. Oui, nous pouvons séparer les opérations internationales des opérations intérieures, mais nous aurions des difficultés. Comment donc en arriver au point où le risque est presque nul? On me dit qu'il ne faudrait pas que je m'inquiète de cela.

+-

    Dr Douglas Peters: C'est une très bonne question. Si nous avions deux fusions, il nous resterait deux énormes banques et une de taille moyenne. Je crois qu'il faudrait songer à ce qui arriverait si l'une des deux banques géantes venait à faire faillite. Aujourd'hui, avec cinq ou six grandes banques, on pourrait imaginer une faillite dont le choc serait absorbé par le système financier. Si nous n'avions que deux banques géantes, cela ne serait plus possible. Ces institutions seraient trop grandes pour qu'on puisse envisager une faillite.

    Du point de vue de la réglementation, il faudrait se poser la question suivante: quels règlements seraient nécessaires pour une telle institution? Pour moi, la réglementation devrait être beaucoup plus étendue, beaucoup plus détaillée et beaucoup plus intrusive que nous ne pourrions l'imaginer aujourd'hui.

    Si les banques devenaient trop grandes pour qu'une faillite soit envisageable, le surintendant des institutions financières serait obligé de rester à demeure à leur porte. Un examen annuel ne suffirait pas, il faudrait un contrôle quasi constant pour s'assurer que les risques pris par de telles institutions sont tellement petits qu'ils ne mettent jamais en danger la viabilité de la banque, car les effets possibles d'une faillite sur l'économie canadienne seraient simplement désastreux.

+-

    Mme Maria Minna: Je vous remercie.

    Je voudrais maintenant passer à un autre sujet, les marchés de capitaux. Monsieur Donner, vous avez parlé des problèmes concernant les fusions, les marchés de capitaux et la concentration. M. Oliver semblait dire que c'est tout à fait le contraire et que les fusions sont avantageuses parce qu'à long terme, d'autres participants vont arriver dans le secteur et que la concurrence ne posera pas de problème. Ce sont là deux points de vue diamétralement opposés. J'aimerais que vous nous en disiez plus à ce sujet.

+-

    La présidente: M. Donner d'abord, puis M. Oliver.

+-

    Dr Arthur Donner: Je dois admettre que je ne partage pas l'enthousiasme de M. Oliver. Je ne crois pas que la concentration dans le secteur bancaire puisse être avantageuse pour les marchés financiers.

    Je suis en rapport avec une entreprise qui s'occupe de la négociation d'obligations. On me dit qu'il y a très peu de bons négociants en obligations et que certains des grands négociants américains sont partis. Pouvez-vous imaginer où nous en serions si nous n'avions plus que trois banques? Cela aurait des incidences sur le coût de l'émission d'obligations non seulement par le gouvernement, mais aussi par les sociétés privées. Pour moi, il y aurait partout des conflits d'intérêts, partiellement parce que nous avons déjà une forte concentration dans le système bancaire intérieur et aussi parce que les banques ont étendu leurs activités à tant de domaines financiers connexes qui sont clairement importants. Nous avons mentionné dans notre mémoire le fait que les banques s'occupent de prêts aux grandes entreprises et, par l'intermédiaire de leurs courtiers, du marché obligataire. Je ne vois pas du tout comment une plus forte concentration va engendrer plus de concurrence. Tous mes regrets, je ne vois pas les choses ainsi.

  +-(1205)  

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    À vous, monsieur Olivier.

+-

    M. Joseph Oliver: Ce sont les acheteurs et non les distributeurs qui déterminent en définitive l'évolution des marchés de capitaux. Même s'il y a aujourd'hui une importante concentration, comme je l'ai mentionné dans mon témoignage, nous n'avions pas le même degré de concentration il y a cinq ans. Nous avions 53 p. 100 dans le secteur de la négociation d'obligations canadiennes, et nous en avons 74 p. 100 aujourd'hui. Cela signifie que le marché est d'un accès facile et que de nouveaux concurrents peuvent y entrer s'il devient moins concurrentiel à un moment donné. Par nature, c'est un secteur extrêmement concurrentiel dans lequel les gens et les entreprises vont et viennent constamment.

    En gros, mon argument est qu'il est peu probable que la part du secteur bancaire dans les marchés de capitaux augmente d'une façon générale par suite de fusions. Bien sûr, des banques particulières peuvent augmenter leur part de marché si deux d'entre elles fusionnent. Cela est tout à fait évident.

    En fait, la question se ramène à ce qui suit: est-ce que cette augmentation de la part de marché d'une banque, disons de 15 à 25 p. 100, selon le secteur, réduirait la concurrence ou si cette part de 25 p. 100 diminuerait automatiquement. Dans le secteur des banques d'investissement, nous admettons facilement que deux plus deux n'égalent pas quatre. Ordinairement, la somme est plutôt de trois. En effet, l'entreprise issue de la fusion perd habituellement une partie des deux parts de marché combinées parce que ses clients, tant du côté achat que du côté vente, cherchent d'autres sources de capital, de distribution et d'information.

+-

    La présidente: Merci. La période de temps allouée est maintenant expirée.

    À vous, monsieur Wilfert.

+-

    M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, madame la présidente, et merci à nos témoins.

    Monsieur Peters, comme vous le savez, le BSIF et le Bureau de la concurrence ont un rôle strictement défini dans l'évaluation des projets de fusion. L'objet de notre étude est de déterminer ce qui sert ou ne sert pas l'intérêt public. Nous devons examiner certaines préoccupations relatives à l'intérêt public. L'une de mes préoccupations à cet égard concerne la souveraineté financière. Hier, le président de la Banque de commerce nous a dit que si les banques canadiennes n'étaient pas autorisées à fusionner, notre souveraineté financière serait en danger parce que nos banques pourraient plus facilement être rachetées.

    Aux pages 14 et 15 de votre document, vous parlez de la dollarisation. Vous dites que si les fusions nous faisaient perdre deux joueurs ou plus, nous n'aurions plus un marché financier efficace pour la négociation d'obligations. Vous ajoutez ensuite: «En l'absence de marché financier sain et concurrentiel, les entreprises canadiennes auraient de la difficulté au niveau des emprunts obligataires au Canada...»

    Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Comme je l'ai dit, je ne crois pas qu'il serait avantageux pour l'intérêt public que nos banques finissent par appartenir à des non-Canadiens. Pourtant, c'est le même argument qui est avancé pour expliquer qu'il faut aller de l'avant dans l'intérêt public, d'après ce que j'ai entendu hier. Ou bien, c'est tout à fait le contraire.

+-

    Dr Douglas Peters: À l'heure actuelle, il est impossible que les banques canadiennes tombent dans des mains étrangères. il y a quelque temps, nous avions la règle des 10 p. 100, devenue maintenant la règle des 20 p. 100. Une prise de contrôle d'une banque canadienne n'est donc pas possible. Je ne crois pas d'ailleurs que le ministre des Finances et le gouvernement le permettent. Par conséquent, la question de la souveraineté des institutions existantes ne se pose pas pour moi.

    Par ailleurs, si le Canada perd son marché financier, il perd en même temps la possibilité d'émettre des obligations au Canada. Cela signifie qu'un nombre de plus en plus important de sociétés s'adressent à un marché fonctionnant en dollars US, et se soucient peu de la politique monétaire ou de la politique économique canadienne. Dans cette situation, on recourt de moins en moins au dollar canadien dans le pays. Il y a alors un risque réel pour notre souveraineté. C'est donc ainsi que nous voyons le risque que les fusions bancaires font courir à notre souveraineté.

  +-(1210)  

+-

    M. Bryon Wilfert: La Banque de commerce nous a également dit hier que nous serions soumis à d'énormes pressions pour permettre les prises de contrôle par des banques étrangères parce que d'autres pays le font. Je suis bien conscient du fait que la réglementation actuelle ne permet pas une prise de contrôle. Toutefois, comme vous le savez, nous sommes en train de réviser différents aspects. Cette règle pourrait en faire partie.

+-

    Dr Douglas Peters: Si vous voulez modifier la loi de façon qu'il ne reste aucune banque canadienne, c'est votre prérogative. Personnellement, je m'opposerais à une telle politique.

+-

    M. Bryon Wilfert: Et moi aussi, mais c'est un point à examiner.

    Vous parlez dans votre document du Japon et de la théorie du tuyau bouché de Paul Krugman. Je connais bien la situation au Japon et les difficultés des banques japonaises. Vous parlez de leur faiblesse.

    Vous notez que la taille n'est pas nécessairement un avantage. Pourtant, cette question a de nombreux aspects sur lesquels j'aimerais connaître votre point de vue. À votre avis, à part la taille, qu'est-ce qui renforce la compétitivité internationale d'une banque? Qu'est-ce qui permettrait donc aux banques canadiennes de ne pas avoir à emprunter la voie que certains préconisent?

+-

    Dr Douglas Peters: La compétitivité internationale d'une banque dépend de la qualité des responsables des opérations internationales, ainsi que de leur capacité de pénétrer les marchés internationaux et de prendre des décisions tournées vers l'avenir.

    J'ai mentionné le fait que les initiatives prises par la Banque de la Nouvelle-Écosse dans les Antilles et en Amérique du Sud ont eu beaucoup de succès. Vous devriez interroger les responsables de la banque à ce sujet. Ils vous diront que les décisions prises ont été couronnées de succès.

    La décision de la Banque TD d'acquérir PriceWaterhouse, d'établir une maison de courtage à rabais de portée mondiale et de racheter Greenline au Canada était une initiative stratégique extrêmement bien gérée.

    Le rachat de la Harris Bank par la Banque de Montréal est un autre exemple d'initiative stratégique. Je ne crois pas qu'elle a été exploitée autant qu'elle aurait pu l'être, mais elle a permis d'établir la Banque de Montréal dans un marché très particulier.

    Par conséquent, oui, il vous faut des gens compétents, une bonne gestion et une bonne connaissance des marchés internationaux. Il faut aussi faire des efforts pour apprendre à connaître ces marchés et y trouver son créneau.

+-

    La présidente: Il vous reste une minute et demie.

+-

    M. Bryon Wilfert: Pour ce qui est de l'évaluation des incidences sur l'intérêt public, il est évident que le comité ne souhaite pas créer des chevauchements avec ce que font actuellement le BSIF et le Bureau de la concurrence. Toutefois, en ce qui a trait au marché de second rang, il y a une question qui est constamment évoquée ici: c'est le fait que les banques étrangères qui sont venues au Canada ont cherché des créneaux plutôt que d'offrir des services complets, ce qui explique qu'elles n'aient pas réussi à remplir le vide. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que n'importe lequel de ces messieurs peut nous en dire plus à ce sujet?

+-

    Dr Douglas Peters: À mon avis, l'une des raisons pour lesquels les banques étrangères n'ont pas eu beaucoup de succès au Canada, c'est que nous avons un système bancaire qui est concurrentiel et très bon. Nous avons un système bancaire qui fait payer à sa clientèle des frais de service n'atteignant, je crois, que 60 p. 100 ou environ les deux tiers des frais de service imposés aux États-Unis. Nous avons un système bancaire dont le différentiel de taux d'intérêt est sensiblement moins élevé qu'aux États-Unis. Dans ces conditions, pourquoi voudriez-vous qu'une banque américaine vienne s'établir au Canada si elle ne peut y trouver qu'une fraction des frais de service et du différentiel de taux d'intérêt qu'elle peut obtenir dans son propre pays?

    Voilà donc la principale raison pour laquelle nous n'avons pas beaucoup de banques internationales qui viennent chercher des créneaux chez nous. Nous avons un système bancaire hautement concurrentiel avec une demi-douzaine de grandes banques. C'est aussi la raison pour laquelle il est important pour nous de garder cette demi-douzaine de grandes banques qui se font la concurrence.

    M. Bryon Wilfert: Je vous remercie.

+-

    La présidente: Je vous remercie beaucoup, tous les deux.

    Monsieur Nystrom, vous avez sept minutes.

+-

    M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue à tout le monde au comité, et particulièrement à M. Peters, qui est l'un de nos anciens collègues de la Chambre des communes.

    Je suis très heureux de vous revoir au comité des finances. J'ai toujours eu beaucoup de respect pour vos compétences d'économiste. C'est donc un plaisir pour moi de vous voir ici avec vos collègues.

    Je voudrais poser une question générale. Hier, nous avons reçu quelques banquiers, et notamment les PDG de la Banque Royale, de la Banque de commerce et de la Banque Nationale, qui nous ont dit clairement que la règle limitant l'intérêt qu'on peut détenir dans une banque devrait un jour être abandonnée ou modifiée.

    Il y a aussi, dans le Toronto Star d'aujourd'hui, un article citant Les Whittington qui aurait dit que d'après certains responsables à qui il a parlé, les accords commerciaux pourraient nous imposer de renoncer à la règle de 20 p. 100. Je ne sais pas comment les accords commerciaux pourraient le faire, puisque la règle s'applique également à tout le monde. Personne ne peut acquérir plus qu'un intérêt de 20 p. 100 dans une banque. Une personne aux États-Unis ne peut pas détenir plus de 20 p. 100 des actions d'une banque. Je ne suis donc pas sûr du lien entre les règles commerciales et ce plafond. Je me trompe peut-être, mais, monsieur Peters, vous serez peut-être en mesure de répondre à cette question et de nous dire aussi ce qui arriverait si la règle des 20 p. 100 était abolie. Comment pensez-vous que cela évoluera à l'avenir?

    Comme vous avez parlé de dollarisation, de la menace qu'elle constitue et de la perte possible de notre souveraineté monétaire, vous voudrez peut-être présenter aussi des observations sur un autre point: si nous n'avions plus la règle des 20 p. 100, est-ce que notre souveraineté monétaire et notre souveraineté bancaire risquent d'être compromises?

    Toute cette question inquiète les gens dans ma circonscription. Ils veulent être sûrs que nous avons des banques qui desservent nos collectivités, qui sont essentiellement canadiennes, qui sont principalement contrôlées par des Canadiens et qui ont à coeur les intérêts ou le bien commun de l'ensemble de notre population.

  +-(1215)  

+-

    Dr Douglas Peters: Je suis très en faveur d'une propriété largement répartie dans le cas des banques canadiennes. Il y a quelque temps, on avait demandé à l'une des banques combien de temps il lui faudrait pour engager son capital dans une affaire hautement risquée si elle n'avait eu qu'un propriétaire unique. Je crois que l'un des cadres supérieurs de la banque a calculé que deux jours suffiraient et que les transactions nécessaires pouvaient se faire en limitant à deux ou trois le nombre des personnes au courant de l'affaire.

    La forme de propriété pour laquelle on opte dépend du degré de risque qu'on veut permettre à l'institution. Si une grande banque du Canada avait un propriétaire unique, il aurait la possibilité de changer en deux jours le profil de risque de la banque. Je crois que ce fait avait été mentionné il y quelques années dans des observations présentées à l'un des comités du Sénat. Il est possible de modifier en deux jours le profil de risque d'une banque, en limitant à deux ou trois le nombre de personnes au courant de l'affaire.

    La règle relative à la propriété largement répartie permet d'éviter la possibilité d'un propriétaire unique. Ainsi, aucune personne seule n'aurait intérêt à modifier le profil de risque. Dans une institution financière à propriété largement répartie, la direction s'intéresse à la continuité de l'institution. Par contre, un propriétaire unique peut s'intéresser à sa propre fortune et à ses compétences personnelles et peut également avoir d'autres intérêts d'affaires.

    La dollarisation est une question qui relève de la souveraineté et que mon collègue, M. Donner, a étudiée plus que moi. Nous avons intérêt à avoir une devise forte et un marché financier solide au Canada. Cela est essentiel pour établir un marché financier fort. Nous l'avons fait dans les 50 dernières années. Il y a 50 ans, notre marché financier se résumait à bien peu de choses et notre marché de capital était pratiquement inexistant. Les choses ont beaucoup évolué depuis. Nous avons besoin d'un certain nombre d'institutions financières – une demi-douzaine de grandes banques et quelques autres grandes institutions – pour garder un marché financier et un dollar canadien viables.

+-

    M. Lorne Nystrom: La troisième partie de ma question porte sur l'article de Les Whittington dans le journal de ce matin, selon lequel les accords commerciaux pourraient nous obliger à renoncer à la règle des 20 p. 100. Je ne me rappelle pas s'il exprimait sa propre opinion ou bien s'il citait un responsable du ministère des Finances. Je ne comprends pas vraiment comment cela pourrait se faire. En avez-vous une idée?

+-

    Dr Douglas Peters: Je ne vois pas comment cela pourrait faire partie d'un accord commercial, mais je ne suis pas un expert en matière de commerce. Vous devriez peut-être demander au ministère des Finances ou au ministre des Affaires étrangères ou du Commerce international. Je ne crois pas que les accords commerciaux puissent modifier la règle imposant une propriété largement répartie.

  +-(1220)  

+-

    M. Lorne Nystrom: Je voudrais vous poser une question qu'on me demande souvent dans ma circonscription. Vous avez déjà parlé de la situation dans laquelle on aurait deux banques trop grosses pour qu'on puisse envisager leur faillite à cause des incidences sur l'économie. J'aimerais ramener cela au niveau de la personne ordinaire qui se soucie des frais de service, etc.

    Qu'adviendra-t-il au Canada si nous avions des fusions bancaires qui nous laisseraient encore moins de contrôle sur les frais de service et les guichets automatiques? J'ai été approché ce matin par un membre du syndicat des Teamsters qui représente beaucoup de travailleurs ordinaires gagnant entre 30 000 $ et 35 000 $ par an. Ces travailleurs craignent que des fusions bancaires fassent grimper les frais de service imposés pour l'utilisation des guichets automatiques.

+-

    Dr Douglas Peters: Les études réalisées ont prouvé à maintes reprises que les frais de service et le différentiel de taux d'intérêt augmentent après une fusion. Nous en avons eu une en Californie. Je ne crois pas qu'elle soit très comparable à une éventuelle fusion de banques canadiennes, mais elle portait sur deux grandes banques californiennes.

    L'étude que nous avons examinée il y a quelque temps révélait qu'après la fusion, le différentiel de taux d'intérêt, c'est-à-dire l'écart entre le coût des fonds à la banque et le taux des prêts accordés, a monté de 30 à 35 centièmes de point. Je peux vous dire que 30 à 35 centièmes de point représentent une énorme hausse quand on parle de centaines de milliards de dollars. En effet, le marché californien est plus important que l'ensemble du marché canadien.

    Les études ont également montré que les fusions entraînent une hausse des frais de service. C'est presque une nécessité. Nous l'avons vu dans le cas de la fusion TD-Canada Trust: en effet, les frais de service supérieurs de Canada Trust ont été appliqués à tous les clients de l'entité fusionnée.

+-

    M. Lorne Nystrom: C'est ma dernière question.

+-

    La présidente: Non, votre temps de parole est écoulé.

    C'est maintenant à M. Cullen.

+-

    M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Je remercie également nos témoins.

    M. Peters et M. Donner, dans votre document, vous posez la question suivante: «La fusion des grandes banques du Canada aurait-elle pour effet de réduire le coût des services bancaires, de hausser la qualité et la quantité des services et d'offrir aux Canadiens davantage d'options?» J'estime que ce sont là des résultats très légitimes et très positifs à rechercher.

    Je me demande juste si vous pouvez imaginer des circonstances dans lesquelles... Cet ensemble de questions constitue un critère d'intérêt public, un critère qui est peut-être important ou même le plus important de tous. Toutefois, il pourrait y avoir d'autres critères d'intérêt public. Supposons qu'un projet de fusion ait satisfait aux autres critères d'intérêt public, mais qu'il soit neutre en ce qui concerne vos trois critères. Autrement dit, il ne réduirait pas le service, mais ne l'améliorerait pas non plus sur les plans du coût et de l'accès. À votre avis, un tel projet serait-il acceptable?

    Je vous propose ce scénario car lorsque deux banques présentent un projet de fusion, elles soumettent en même temps différents moyens... Par exemple, si le Bureau de la concurrence demandait qu'un certain nombre de succursales soient vendues, il serait possible que la Banque Nationale ou des coopératives de crédit les reprennent et les maintiennent au moins en activité. La Banque Nationale soutiendrait probablement qu'elle se montrerait dynamique dans ces marchés, etc.

    Que penseriez-vous d'un tel scénario?

+-

    Dr Douglas Peters: Vous soulevez un excellent point. Voici les difficultés que ce scénario susciterait.

    Supposons, comme vous le dites, qu'un projet de fusion soit proposé et que les banques en cause présentent toutes ces garanties. Elles promettent de ne pas augmenter les frais de service. Que se passerait-il, à votre avis, si elles les augmentent quand même par la suite? Qu'arrivera-t-il si elles ne satisfont pas aux critères? Qu'allez-vous faire? Allez-vous défaire la fusion?

    Une fusion est une rue à sens unique. Vous devez vous souvenir qu'une fusion ne se défait pas. Vous avez donc intérêt à vous assurer que tout va bien avant de l'approuver. Je vous pose donc la question: êtes-vous absolument sûr que les banques en cause tiendront leurs engagements? Personnellement, je n'aurais pas de certitude absolue.

    Supposez que les banques se présentent devant le gouvernement un an plus tard pour dire: «Tous nos regrets, mais nous ne pouvons pas honorer ces engagements. Nous allons devoir faire telle ou telle chose.» Qu'allez-vous faire? Voulez-vous que je vous le dise? Eh bien, vous direz: «Très bien, nous acceptons parce qu'il est impossible de revenir en arrière.» Une fois la fusion approuvée, tout est dit et vous ne pouvez plus faire marche arrière.

  +-(1225)  

+-

    M. Roy Cullen: Je vous remercie.

    Monsieur Roy, j'ai l'impression, en lisant votre exposé, que vous partez du principe que plus une banque est grande, mieux cela vaut. Je me trompe peut-être, mais vous utilisez comme variable indirecte l'avoir propre en proportion du PIB.

    J'ai essentiellement deux questions à vous poser. Je ne trouve pas très convaincant votre argument selon lequel la taille est critique. En fait, compte tenu d'autres témoignages, dont certains que nous avons reçu aujourd'hui, la taille ne joue pas un rôle si critique que cela. Qu'en pensez-vous?

    Ensuite, votre thèse semble unidimensionnelle puisque vous n'envisagez pas d'autres facteurs, comme la domination du marché ou le pouvoir sur le marché. La dernière fois que nous avons examiné ces fusions, en 1998, si nous avions approuvé les deux projets envisagés, 63 p. 100 de tous les dépôts auraient été concentrés dans deux banques. À ce moment, on s'inquiétait du fait que cette concentration et cette domination du marché ne seraient pas nécessairement à l'avantage des consommateurs. On craignait en fait qu'elles jouent au désavantage des consommateurs.

    Pourriez-vous-nous expliquer pourquoi, à votre avis, la taille est tellement importante ou critique? Que pensez-vous d'autres aspects tels que la domination du marché et l'intérêt des consommateurs?

+-

    M. Jean Roy: Je suis très heureux d'avoir l'occasion de répondre à vos questions. De toute évidence, la taille en soi ne rend pas une institution meilleure. Je soutiens cependant que la taille offre plus de possibilités. Comme M. Peters l'a dit, nous avons la chance d'avoir de bonnes banques au Canada. J'ai l'impression qu'à cause de ce facteur, elles pourraient fonctionner à un niveau supérieur. En ce moment, par suite de leur taille limitée, elles n'ont pas cette possibilité. C'est mon premier point. La taille représente simplement le moyen d'accéder à d'autres débouchés.

    Mon second point porte sur la relation entre la concentration et la concurrence dans un marché. J'aimerais vous parler ici de ce que je considère comme un concept théorique extrêmement important énoncé par un économiste américain, William Baumol, qui a créé la notion de «marché contestable». Selon Baumol, il est possible qu'un marché soit dominé par une poignée de participants, mais que ceux-ci respectent la concurrence s'ils se sentent menacés, c'est-à-dire s'ils ont l'impression que d'autres joueurs vont venir leur enlever une part du marché s'ils ne se comportent pas eux-mêmes d'une façon acceptable. Autrement dit, si vous permettez une certaine concentration, vous devez en même temps veiller à ce que le marché reste «contestable» en éliminant les obstacles à l'entrée et, bien sûr, à la sortie.

    Je crois donc que, dans une certaine mesure, nous avons un peu trop protégé notre marché dans le passé. Comme les banquiers vous l'ont déjà dit, je crois, il n'y a pas lieu de maintenir cette protection. Il faut en fait l'éliminer car elle ne représente pas une bonne approche du monde moderne. Il est préférable d'être ouvert et de permettre aux concurrents de l'extérieur de venir. Cela vous donne également la possibilité de vous étendre, si vous êtes bon, pour récolter les avantages.

    Je répète donc qu'il est important d'éliminer cette protection. En fait, à mon avis, la dernière «protection» qui restait aux banques était leur contrôle du système des paiements. Toutefois, grâce au projet de loi C-8, le système sera ouvert à toutes sortes d'autres institutions.

  +-(1230)  

+-

    M. Roy Cullen: Oui, l'un des objectifs du projet de loi C-8 était de susciter plus de concurrence, même s'il est probable que la majorité des gens conviendraient que les résultats ont été plutôt lents. Ces choses prennent du temps. Toutefois, quand vous parlez des obstacles à l'entrée, au niveau du détail, avec tout ce qu'on dit du nombre de succursales et de la position dominante des banques à charte canadiennes, qu'arriverait-il si les obstacles à l'entrée étaient réduits? Ou bien dites-vous qu'il faut régler cette question? Je pense aussi qu'il est nécessaire de s'en occuper, mais j'estime en même temps que les obstacles sont assez imposants quand on considère ce qui importe vraiment pour les Canadiens, c'est-à-dire les services bancaires de détail.

    Qu'est-ce que vous en pensez?

+-

    M. Jean Roy: Les obstacles ne sont sûrement pas aussi importants qu'ils l'ont déjà été. Tous les banquiers vous diront qu'à leur avis, il y a bien trop de succursales. Les nouveaux venus, comme HSBC, ING et tous les autres, tentent de distribuer autrement leurs services financiers. Je crois que les compagnies d'assurances qui entrent dans le secteur des services financiers adoptent également la même stratégie. Il arrive, pour beaucoup de services, qu'il soit moins coûteux d'envoyer un représentant chez le client, à la maison, plutôt que de créer une succursale. En définitive, le client est mieux servi.

    M. Roy Cullen: Me reste-t-il encore du temps?

+-

    La présidente: Pas vraiment, mais vous pourrez en avoir plus tard, si nous faisons un second tour de table. Je vais faire une liste pour cela.

    Monsieur Discepola, vous avez sept minutes.

[Français]

+-

    M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Je voudrais poursuivre dans le même sens que mon collègue M. Cullen. Vous semblez dire que la taille d'une entreprise ou d'une fusion est très importante dans la mesure où elle peut, à l'étranger, mener à des occasions d'affaires qui n'existent pas au Canada.

    En répondant à une question posée par M. Paquette, je crois, vous avez fait allusion aux risques inhérents à une telle transaction. En faisant une analyse basée sur vos chiffres, on voit que même en procédant à la fusion de deux grandes banques, les entités fusionnées bénéficient d'une capitalisation d'une valeur de 20 millions de dollars, ce qui les place loin du dixième rang.

    Le Dr Peters a répondu à M. Paquette que les banques avaient déjà l'occasion de créer une alliance stratégique afin de créer des occasions d'affaires à l'étranger, mais qu'elles ne le faisaient pas.

    Selon vous, est-il nécessaire de permettre plus de deux fusions? Je pourrais poser la question à M. Peters également.

    Si on se fie à vos chiffres, on peut dire que le fait de permettre deux fusions risque de ne pas être suffisant pour que les entités fusionnées soient concurrentielles à l'étranger.

[Traduction]

    Pendant que j'ai la parole, je vais peut-être poser une question connexe à M. Peters.

    Je considère que les banques sont très semblables, non à de petites entreprises, mais à des entreprises de taille moyenne qui recherchent des occasions de croissance et d'expansion. Nous assistons à des regroupements dans différents secteurs et différentes industries. Qu'y a-t-il de mal à ce que des banques fusionnent?

    Si j'examine votre liste de six ou sept préoccupations, je me demande si vous vous opposez à toute forme de fusion ou si vous voulez que le comité envisage peut-être de limiter le nombre de fusions bancaires à un maximum de deux? Si vous vous opposez à toutes les fusions, comment pourriez-vous répondre à la question que certains cadres supérieurs des banques se posent sur leur capacité de croître?

    Si l'on examine le marché canadien, on constate que les parts de marché restent toujours les mêmes. Il n'y a que de petites fluctuations d'année en année. Par conséquent, si les banques n'ont pas cette possibilité d'expansion au Canada avec une population de 30 millions d'habitants, où peuvent-elles espérer étendre leurs activités et augmenter leurs bénéfices?

+-

    La présidente: Qui veut répondre en premier?

    Monsieur Roy, puis monsieur Peters.

[Français]

+-

    M. Jean Roy: Premièrement, j'aimerais mentionner que si on permettait à deux banques canadiennes de fusionner, le gain de taille, à mon avis, serait assez significatif. Cela pourrait les amener, à l'échelle mondiale, à la vingtième ou à la trentième position. Il s'agit là d'un changement important.

  +-(1235)  

+-

    M. Nick Discepola: En termes de rang, mais non pas en termes d'actif, puisque ce dernier se situerait entre 20 et 25 milliards de dollars.

+-

    M. Jean Roy: Oui, c'est cela, mais leur actif est actuellement de 10 milliards de dollars ou moins. Leur actif sera presque doublé, tout de même.

    Il faut mentionner une autre chose qui est très importante: c'est toute la question de la gestion des risques. Je voudrais mentionner deux choses. Premièrement, une banque canadienne fusionnée qui s'attaquerait au marché international pourrait probablement aller sur trois continents, c'est-à-dire l'Amérique, l'Europe et l'Asie, et donc pleinement bénéficier de la diversification qui peut exister, alors qu'actuellement, les banques ont plutôt tendance à se concentrer sur un seul continent. Donc, il y aurait là une potentielle réduction des risques.

    Deuxièmement, il y a la question de la surveillance des banques. Il faut noter que depuis le début des années 90, les grands pays du G-8 ont constaté que les institutions financières devenaient globales et qu'il était très difficile pour un pays de les bien superviser, d'où tout le mouvement qui s'est fait autour de la Banque des règlements internationaux et de l'uniformisation de la réglementation.

    Il est sûr que la surveillance des banques, en termes d'opérations quotidiennes, demeure la responsabilité du pays d'origine, mais il se fait toute une réflexion sur les méthodes et sur l'uniformisation des règles de la gestion du risque, autant la gestion du risque de marché, c'est-à-dire le risque que les banques prennent quand elles font des transactions de valeurs mobilières, que la gestion du risque de crédit. Il y a aussi maintenant des normes de capitalisation très fortes. Enfin, depuis le 11 septembre, des normes sont en train d'être mises en place concernant ce qui est appelé le risque d'opération.

    Donc, personnellement, je crois qu'on va toujours vivre dans un monde risqué, mais de grands pas ont été faits au cours de la dernière décennie pour renforcer les contrôles.

+-

    M. Nick Discepola: M. Peters a demandé comment il se faisait que les banques n'avaient pas participé à des projets communs.

+-

    M. Jean Roy: C'est une bonne question. Tout ce que je peux dire, c'est que cela ne me semble pas être une forme d'organisation économique viable parce qu'on ne la voit pas ailleurs non plus. Il est difficile, sinon impossible pour une banque de concurrencer dans un marché local. En termes d'infrastructures opérationnelles, cela exigerait qu'on ait des systèmes informatiques pour les opérations nationales et d'autres systèmes informatiques pour les opérations internationales. Tous les gains qui pourraient être obtenus seraient effacés par des coûts d'opérations attribuables à cette séparation artificielle. C'est pour cela qu'on ne voit cela ni au Canada ni dans les pays étrangers.

[Traduction]

+-

    M. Nick Discepola: Monsieur Peters.

+-

    Dr Douglas Peters: Vous avez posé une question très intéressante au sujet des banques qui cherchent à croître: où peuvent-elles trouver des occasions de croissance si elles ne sont pas autorisées à fusionner? La question est assez singulière parce que la fusion de deux banques n'entraîne pas leur croissance. Elles gardent la même taille, mais ne forment qu'une seule institution au lieu de deux. Une banque fusionnée n'est pas une institution en croissance. D'après ce que nous ont dit les courtiers en valeurs mobilières, elle a plutôt tendance à rétrécir parce qu'elle perd un certain nombre de clients.

    Une fusion n'est donc pas une occasion de croissance. Pour les banques, c'est seulement une occasion d'intensifier leur pouvoir de monopole pour mieux servir leurs propres intérêts. Ce n'est pas de la croissance. Il est donc très intéressant d'entendre les banques se demander comment elles vont croître si elles ne sont pas autorisées à fusionner.

+-

    M. Nick Discepola: Vous dites donc, monsieur Peters, que lorsque Daimler Chrysler et je ne sais plus quelle autre entreprise ont fusionné, dans l'industrie automobile, ce n'était pas une stratégie de croissance. Qu'était-ce alors?

+-

    Dr Douglas Peters: Ce n'était pas une stratégie de croissance pour Chrysler. Et ce n'était sûrement pas une stratégie de croissance pour Daimler-Benz. Les deux sociétés ont fusionné pour profiter de certains effets synergiques qu'on retrouve dans le secteur de la fabrication.

  +-(1240)  

+-

    M. Nick Discepola: À mon avis, elles peuvent également réaliser des économies d'échelle, élargir leur part de marché et trouver des débouchés à l'étranger. Ne craignez-vous pas, à l'inverse, qu'à défaut d'agir, les banques pourraient s'exposer, par exemple, à des prises de contrôle par des concurrents étrangers? À 1,50 $ ou 1,65 $, il pourrait être très attrayant de racheter l'une de ces banques.

+-

    Dr Douglas Peters: Cela pourrait être le cas si de tels rachats sont permis. Si vous éliminez la règle relative à la propriété largement répartie, oui, vous aurez des prises de contrôle. Rien ne peut les empêcher, même si les institutions sont plus grandes.

+-

    La présidente: Comme il nous reste un peu de temps, nous ferons un second tour de table à cinq minutes par personne. Je vais noter le nom de ceux qui souhaitent poser des questions.

    À vous, monsieur Harris.

+-

    M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

    J'aimerais revenir à ce que nous disions un peu plus tôt au sujet de la taille des institutions financières et du fait, selon certains, que la taille rend pas nécessairement meilleur. Il y a peut-être des arguments raisonnables en faveur de cette assertion.

    Monsieur Oliver, je crois—dites-moi si je me trompe à ce sujet—que si deux banques combinent leurs actifs, leur technologie et leurs ressources intellectuelles, elles peuvent envisager des débouchés beaucoup plus nombreux que si chacune agit seule. Comme M. Roy l'a signalé, je crois que cela leur permettrait de réduire leurs risques grâce à la diversification. En même temps, si nous parlons d'intérêt public, leur fusion devrait avoir des effets positifs sur leurs bénéfices et sur le rendement de l'investissement des actionnaires.

    En parlant d'intérêt public, il ne faut pas perdre de vue qu'environ 10 millions de Canadiens ont des intérêts dans les banques par l'entremise de leur régime de pension ou de leur REER. On peut facilement soutenir qu'en accroissant l'investissement dans les pensions et les REER des Canadiens, on sert pour une grande part l'intérêt public.

    Que pensez-vous donc de la déclaration selon laquelle une plus grande taille ne rend pas nécessairement meilleur ou ne peut pas avoir des effets bénéfiques? C'est du moins l'avis de M. Peters et de M. Donner.

+-

    M. Joseph Oliver: M. Roy a souligné que la taille ouvre de nouvelles possibilités. Je reviendrai à cela dans un instant.

    À mon avis, la taille permet aussi d'éviter des effets négatifs, comme l'érosion de la clientèle due à la concurrence mondiale. Un article récemment paru dans la revue Report on Business parlait de la menace que représente pour les courtiers canadiens en valeurs mobilières les grandes banques mondiales d'investissement. C'est donc un problème important à considérer dans le cadre des observations que j'ai présentées plus tôt. À mesure que les sociétés canadiennes grandissent et développent leur présence internationale, elles ont besoin d'entreprises pouvant leur offrir du capital à l'échelle mondiale.

    Le marché canadien de capitaux ne représente que 2 p. 100 du marché mondial. Par conséquent, pour les participants du marché canadien, la croissance doit aussi venir de l'étranger, pas seulement du Canada.

    Or il faut une grande taille et beaucoup de prestige pour faire partie du marché international. En pratique, les grandes sociétés canadiennes et américaines s'adressent à une banque d'investissement pouvant répondre à leurs besoins, plutôt qu'à une autre qui va peut-être pouvoir s'associer à un organisme ou un autre à titre exceptionnel pour pouvoir les servir. Il y a de nombreux exemples de banques d'investissement américaines qui ont réussi à réduire la part de marché de courtiers canadiens très compétents, qui n'avaient tout simplement pas le réseau de distribution au détail, le capital et le prestige nécessaires pour concurrencer les sociétés américaines et d'autres concurrents internationaux.

  +-(1245)  

+-

    M. Richard Harris: Pourriez-vous parler brièvement, du point de vue de l'intérêt public, de l'avantage d'une plus grande rentabilité des institutions financières pour les Canadiens qui détiennent des actions des banques dans leur régime de pension ou leur REER?

+-

    La présidente: C'est votre dernière question.

    À vous, monsieur Oliver.

+-

    M. Joseph Oliver: Cela va un peu au-delà de mon témoignage. Votre question porte en fait sur les incidences des banques elles-mêmes et de leur capitalisation. Je ne crois pas devoir m'aventurer sur ce terrain.

+-

    La présidente: Monsieur Cullen, cinq minutes, suivi de M. Paquette et M. Discepola. Nous essaierons de nous en tenir à cela pour respecter notre programme.

    À vous.

+-

    M. Roy Cullen: Merci, madame la présidente.

    Je voudrais revenir à cette question de taille. Je vais poser deux questions à celui qui voudra bien y répondre.

    Si nous décidons, au Canada, d'autoriser deux fusions, peut-être notre secteur bancaire sera-t-il plus compétitif pendant un certain temps. Mais si les regroupements se poursuivent, n'allons-nous pas atteindre une limite au-delà de laquelle il ne nous restera plus beaucoup de choix, à moins que nous puissions nous satisfaire d'une seule banque? C'est la première question.

    En second lieu, pensez-vous qu'il serait utile que le comité établisse un critère d'intérêt public spécifiant qu'on ne peut pas dépasser un niveau de concentration des dépôts de x p. 100 ou encore de 30 ou 40 p. 100? Peut-être y aurait-il un meilleur indicateur, je ne le sais pas. Autrement dit, si une fusion portait la concentration des dépôts à plus de 30 p. 100 ou 40 p. 100—je ne sais pas à combien devrait s'élever le chiffre magique—, on la considérerait comme contraire à l'intérêt public.

    Je pose cette question pour deux raisons. D'abord, il me semble que nous devrions pouvoir nous appuyer sur un critère ou des repères, comme les lignes directrices du Bureau de la concurrence. Personnellement, je crois que deux fusions nous occasionneraient énormément de difficultés. C'est mon point de vue, que les autres ne partagent pas nécessairement.

    S'il ne s'agit que d'une seule fusion, on pourrait peut-être y penser. Je ne suis pas sûr, mais j'accepterais peut-être d'y réfléchir. Toutefois, en présence de deux projets de fusion, nous devons les examiner simultanément. Pour moi, cela complique les choses et rend la concentration beaucoup plus difficile à accepter.

    Je me demande si quelqu'un a des commentaires. Voulez-vous commencer, monsieur Peters?

+-

    Dr Douglas Peters: À mon avis, si vous autorisez une fusion, vous en aurez automatiquement une deuxième. Et si vous en autorisez une deuxième, combien de temps pensez-vous que vous aurez à attendre avant d'en avoir une troisième? Si vous en acceptez une, comment rejeter les autres...?

    S'il existe une bonne raison d'accepter une ou deux fusions, pourquoi ne pas admettre la possibilité d'une seule grande banque? Nous pourrions l'appeler le «bureau de poste». Est-ce vraiment là l'orientation que nos institutions financières devraient prendre selon vous, de façon à ne laisser aucun choix aux Canadiens?

    Comment allez-vous refuser? Si vous acceptez une fusion, comment pouvez-vous refuser une seconde? Et si vous acceptez une seconde, comment pourrez-vous, dans quelques années, refuser aux deux banques qui restent de fusionner?

+-

    M. Roy Cullen: Je parlais de fixer un plafond de concentration qui permettrait peut-être, disons, une seule fusion.

+-

    Dr Douglas Peters: Je crois que ce plafond devrait être de 20 p. 100 dans toutes les catégories, qu'il s'agisse des dépôts, des prêts personnels, des hypothèques, des prêts aux grandes entreprises, des prêts commerciaux ou des opérations de courtage. À mon avis, 20 p. 100 serait un excellent plafond.

    Nous avons vu ce qu'a donné la concentration dans d'autres secteurs. Souvenez-vous des compagnies aériennes. Si le marché se partage entre deux grands participants, on aboutit à une concurrence destructive et à un duopole. Dans un duopole, les deux participants peuvent être en collusion, ce qui est interdit par la loi, ou alors ils vont chercher à se détruire l'un l'autre. Ce niveau de concentration entraîne donc des problèmes économiques réels.

  +-(1250)  

+-

    La présidente: Monsieur Roy, je crois que vous voulez présenter un bref commentaire.

+-

    M. Jean Roy: Je voudrais juste signaler que les plafonds dont vous parlez existent déjà dans l'étude du Bureau de la concurrence. À ma connaissance, le maximum pour l'entité fusionnée est de 25 p. 100. Il y a cependant une autre règle selon laquelle les quatre plus grands participants, après une fusion, ne doivent pas détenir plus de 65 p. 100 du marché. Par conséquent, ces plafonds existent déjà.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Monsieur Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Monsieur Roy, on a abordé plus tôt les risques que pouvaient représenter, au plan international, les fusions bancaires. J'aimerais revenir sur les conséquences pour le marché interne. Dans votre document, vous dites que dans le cas où des banques abandonneraient un certain nombre de services de base, d'autres secteurs seraient en mesure de prendre en charge ces derniers.

    J'ai de sérieux doutes à ce sujet. D'abord, on peut constater que la priorité des banques étrangères qui viennent ici n'est pas de répondre aux besoins des consommateurs, mais de répondre en premier lieu à ceux des investisseurs, particulièrement les plus importants. Compte tenu de cela, je pense qu'il n'y a pas beaucoup d'espoir.

    Pour ce qui est des coopératives, on peut prendre comme exemple le Mouvement Desjardins qui, bien qu'il soit en phase de restructuration, a annoncé qu'il réduirait à 800--si je ne fais pas erreur--le nombre de ses succursales au cours des prochaines années.

    Il est possible que dans le reste du Canada, le mouvement coopératif, ou les credit unions, ne soit pas très développé, mais au Québec, la situation est différente. Le danger est réel. Ainsi, on constate qu'aux endroits où les clientèles sont les plus vulnérables, les succursales sont fermées et il apparaît des substituts comme les guichets automatiques privés, qui imposent des frais exorbitants.

    En termes de services aux consommateurs, particulièrement ceux qui sont les plus vulnérables au plan social et à l'échelle régionale, j'aimerais connaître les raisons qui vous amènent à être optimiste à l'égard de cette substitution. Certaines régions, on le sait, ont déjà des difficultés.

    Vous présentez un scénario selon lequel les banques seraient tenues de prendre des engagements en matière de protection de l'intérêt public. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails à ce sujet.

    Dans le contexte actuel, je me demande si on ne devrait pas attendre un peu et voir dans quelle mesure les banques feront preuve de bonne foi. La modification législative de 2001 permet l'ouverture de comptes à frais modiques; les banques se sont engagées à répondre à ce genre de besoin.

    Présentement, un processus de négociation qui, je l'imagine, implique le ministère des Finances et les banques est en cours, mais on ne dispose pas de résultats tangibles qui nous permettent de déterminer si ces engagements constituent pour les banques une obligation réelle ou s'ils ne sont qu'une façon d'obtenir ce qu'elles désirent sans avoir à offrir quoi que ce soit en contrepartie.

+-

    M. Jean Roy: J'aimerais commencer par la question de la restructuration du Mouvement Desjardins au Québec. Selon ce que je sais, le mouvement a eu jusqu'à 1 200 caisses populaires distinctes à un moment donné; il en a à peu près 800 à l'heure actuelle et il vise à réduire ce nombre à 600.

    Maintenant, cela ne signifie pas nécessairement que les caisses offriront moins de services à leurs membres et sociétaires. C'est une restructuration. Il y a maintenant des caisses populaires qui ont un plus grand territoire et de nouveaux points de service naissent. Il est possible qu'en ayant moins de caisses populaires, on ait plus de points de service. Les points de service pour les petits services de transactions peuvent être de plus petites entités et être mieux distribués.

    C'est le même principe . Les services financiers restructurent leur distribution. Donc, il ne faut pas nécessairement arriver à la conclusion que les fusions de caisses vont résulter en une diminution de services aux gens.

  -(1255)  

+-

    M. Pierre Paquette: Croyez-vous que les banques peuvent respecter les engagements qu'elles prennent? Est-ce que la pression est suffisamment forte? Est-ce qu'on ne devrait pas attendre de voir les effets de la loi de 2001 pour déterminer si les banques sont de bonne foi dans ce processus d'engagements?

+-

    M. Jean Roy: Il serait peut-être bon de vérifier comment fonctionne la nouvelle Agence de la consommation en matière financière du Canada. On pourrait faire des études à cet égard. On aurait ainsi de l'information intéressante.

    En ce qui concerne les engagements, il y en a un qui me vient à l'esprit. Quand la Banque de Montréal et la Banque Royale avaient envisagé leur projet de fusion, une des grandes questions était celle du financement des PME. Si ma mémoire est bonne, elles avaient pris l'engagement de consacrer 40 milliards de dollars aux PME et d'instaurer une opération distincte et très importante pour cela.

    Dans la loi C-8, il est mentionné que lorsque des dirigeants de banques prennent des engagements, ils seront tenus légalement responsables de l'exécution de ces engagements. Donc, il y a moyen, par le processus législatif, d'exercer beaucoup de pressions sur les banques afin qu'elles respectent leurs engagements.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Discepola, pour une dernière période de cinq minutes.

[Français]

+-

    M. Nick Discepola: Merci, madame la présidente.

    Je voudrais poser une question au professeur Roy concernant la protection de l'intérêt public.

    Dans votre document, vous dites que si les banques intéressées à fusionner étaient tenues de prendre des engagements fermes ou de donner des garanties suffisantes, le Bureau du surintendant des institutions financières et le Bureau de la concurrence pourraient prendre la décision en ce qui concerne la concurrence ou l'opportunité d'une fusion. La loi C-8 exige qu'une révision soit faite par un groupe de parlementaires du Sénat et du Parlement, par le ministre des Finances et, éventuellement, par le Bureau du premier ministre. Croyez-vous qu'il faut faire cette révision ou si vous croyez que nous devrions enlever tout aspect politique, faire notre travail comme comité, élaborer des critères très précis et laisser la décision aux deux organismes? Avez-vous d'autres suggestions?

+-

    M. Jean Roy: Je crois que les banques préféreraient que les critères soient énoncés et que des gens, probablement au ministère des Finances, soient chargés de la vérification du respect des critères. C'est une possibilité.

    Personnellement, je n'ai pas de préférence précise à énoncer sur ce que vous dites. Cependant, comme je le disais dans mon texte, pour faire un pas vers la clarification, si les critères du Bureau de la concurrence étaient respectés, s'il y avait suffisamment de concurrence, si les questions de solvabilité étaient satisfaites, pour ce qui est de la question des engagements en vue de la protection de l'intérêt public, il faudrait partir de l'hypothèse qu'il y aura moyen de trouver un terrain d'entente.

+-

    M. Nick Discepola: Croyez-vous qu'il y a une échéance raisonnable? Les banques demandent 100 jours, je crois, mais dans la pratique, cela dure des mois et des mois. Croyez-vous qu'il y a une échéance raisonnable qu'on devrait respecter?

+-

    M. Jean Roy: Je crois que l'objectif de 100 jours devrait être visé pour respecter la dynamique commerciale. Selon ce que je comprends de la loi C-8, à l'heure actuelle, il faudrait faire une évaluation ex ante des impacts, et c'est très difficile. C'est pour cela que je dis qu'il serait beaucoup plus rapide de prendre des engagements. Cela permettrait d'accélérer le processus et de respecter ce genre de délai.

+-

    M. Nick Discepola: Merci, madame la présidente.

[Traduction]

-

    La présidente: Je vous remercie.

    Au nom de tous mes collègues, je tiens à vous dire que nous apprécions beaucoup le temps que vous avez pris pour rédiger vos mémoires, assister à cette séance et répondre aux questions. À la fin de ces audiences, nous irons de l'avant pour produire notre rapport. Merci beaucoup.

    La séance est levée jusqu'à cet après-midi.