FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 23 octobre 2002
º | 1625 |
La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)) |
M. David Dodge (gouverneur, Banque du Canada) |
º | 1630 |
La présidente |
M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne) |
M. David Dodge |
M. Charlie Penson |
M. David Dodge |
M. Charlie Penson |
º | 1635 |
M. David Dodge |
M. Malcolm Knight (premier sous-gouverneur, chef de l'exploitation et membre du conseil d'administration, Banque du Canada) |
M. Charlie Penson |
º | 1640 |
M. David Dodge |
La présidente |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
M. David Dodge |
º | 1645 |
M. Pierre Paquette |
M. David Dodge |
º | 1650 |
M. Malcolm Knight |
M. Pierre Paquette |
La présidente |
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.) |
M. David Dodge |
º | 1655 |
M. Malcolm Knight |
» | 1700 |
M. Roy Cullen |
La présidente |
M. Roy Cullen |
M. David Dodge |
» | 1705 |
La présidente |
M. David Dodge |
La présidente |
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC) |
M. David Dodge |
M. Scott Brison |
» | 1710 |
M. David Dodge |
M. Scott Brison |
M. David Dodge |
M. Malcolm Knight |
» | 1715 |
La présidente |
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.) |
M. David Dodge |
» | 1720 |
M. Tony Valeri |
M. David Dodge |
M. Tony Valeri |
La présidente |
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.) |
» | 1725 |
M. David Dodge |
» | 1730 |
M. Bryon Wilfert |
M. David Dodge |
M. Bryon Wilfert |
La présidente |
M. Bryon Wilfert |
M. Malcolm Knight |
» | 1735 |
M. Bryon Wilfert |
M. Malcolm Knight |
La présidente |
M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne) |
M. David Dodge |
» | 1740 |
La présidente |
» | 1745 |
M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.) |
M. David Dodge |
» | 1750 |
M. Malcolm Knight |
La présidente |
M. Pierre Paquette |
» | 1755 |
M. Malcolm Knight |
M. Pierre Paquette |
M. David Dodge |
M. Pierre Paquette |
M. David Dodge |
M. Pierre Paquette |
La présidente |
Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.) |
¼ | 1800 |
M. David Dodge |
¼ | 1805 |
Mme Maria Minna |
M. David Dodge |
La présidente |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
¼ | 1810 |
M. David Dodge |
M. Pat Martin |
M. Malcolm knight |
M. Pat Martin |
M. Malcolm Knight |
M. Pat Martin |
M. Malcolm Knight |
¼ | 1815 |
M. Pat Martin |
M. Malcolm Knight |
M. Pat Martin |
M. David Dodge |
M. Pat Martin |
M. David Dodge |
M. Pat Martin |
La présidente |
M. David Dodge |
La présidente |
CANADA
Comité permanent des finances |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 23 octobre 2002
[Enregistrement électronique]
º (1625)
[Traduction]
La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Avant de passer à l'ordre du jour, permettez-moi de vous présenter des excuses au nom de tous les membres du comité. La Chambre a parfois des procédures étranges et mystérieuses qui sont acceptables sur le plan technique, mais je suis désolée que vous ayez été obligés d'attendre aussi longtemps. Nous sommes venus ici aussi vite que possible après le vote.
La question à l'ordre du jour est l'examen du rapport de la Banque du Canada sur la politique monétaire, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement.
Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui le gouverneur de la Banque du Canada, M. David Dodge. Il est accompagné de Malcolm Knight.
Bienvenue à tous les deux. Vous avez la parole.
M. David Dodge (gouverneur, Banque du Canada): Bonjour, madame la présidente. Merci beaucoup.
Pour commencer, je dirai quelques mots au sujet du rapport. Mais, auparavant, je voudrais dire jusqu'à quel point nous vous savons gré de nous donner l'occasion de venir vous rencontrer deux fois par an, au moment de la publication de notre rapport. Nous sommes tout à fait conscients de la nécessité de s'assurer que les Canadiens et les Canadiennes, par l'intermédiaire de leurs députés, savent ce que nous faisons et tentent de comprendre ce que nous faisons, de sorte qu'il s'agit là d'une occasion très importante pour nous. Je vous remercie donc tous de prendre le temps de nous écouter.
Comme vous le savez, nous avons publié ce matin notre rapport sur la politique monétaire dans laquelle la Banque examine les tendances économiques et financières dans l'optique de la stratégie qu'elle poursuit pour la maîtrise de l'inflation au Canada.
[Français]
L'économie canadienne a connu une croissance robuste depuis le début de l'année et fonctionne maintenant assez près des limites de sa capacité. La hausse des prix à la consommation a dépassé la cible de 2 p. 100 et devrait s'accentuer encore d'ici la fin de l'année en raison de l'augmentation des prix du pétrole et d'autres variations des prix relatifs. Du point de vue de la politique monétaire, il est important que ces effets ponctuels et limités à certains prix ne provoquent pas une montée généralisée des prix et des salaires.
Au cours de la dernière année, l'économie canadienne a progressé plus rapidement que celle de tous les autres pays du G-7. Son rythme d'expansion a dépassé 5 p. 100 en chiffres annuels au premier semestre de 2002, rythme qui est bien supérieur à celui de la production potentielle. Nous estimons que l'activité s'est accrue d'environ 4 p. 100 en taux annualisé au troisième trimestre. Il y a donc eu une diminution appréciable de la marge de capacité inutilisée depuis le début de l'année.
[Traduction]
En ce qui concerne l'avenir, la croissance devrait se modérer au Canada au cours des trois prochains trimestres, sous l'effet de l'incertitude qui règne sur la scène économique, financière et géopolitique. Nous pensons maintenant qu'elle se situera aux alentours ou légèrement en deçà de la limite inférieure de la plage de 3 à 4 p. 100 que nous avancions dans notre dernière mise à jour. Il ne faut pas oublier que l'écart de production est très petit. En supposant que les incertitudes qui assombrissent les perspectives se dissipent au second semestre de l'an prochain, le rythme d'expansion de l'activité devrait alors s'accélérer et dépasser celui de la production potentielle, absorbant ainsi le reste de la faible marge de capacités inutilisées.
L'inflation mesurée par l'indice de référence de la Banque est plus élevée que nous l'avions projeté. Cette situation tient en bonne partie aux fortes augmentations des primes d'assurance habitation et d'assurance automobile et au bond des prix de l'électricité en Ontario. La demande vigoureuse de logements exerce également des pressions à la hausse sur l'inflation mesurée par l'indice de référence.
Tout compte fait, on s'attend à ce que l'inflation mesurée par l'indice de référence culmine à près de 3 p. 100 d'ici la fin de l'année. Mais, à mesure que l'influence des facteurs ponctuels que je viens de mentionner s'estompera, et à la condition que ces facteurs n'alimentent pas une montée généralisée des prix et des salaires, l'inflation mesurée par l'indice de référence devrait reculer au second semestre de 2003.
Il faut se rappeler que l'économie canadienne fonctionne maintenant non loin des limites de sa capacité. Pour soutenir une croissance non inflationniste, nous devrons continuer de réduire le degré de détente monétaire avant que les capacités inutilisées soient complètement absorbées. Le rythme et l'ampleur des mesures prises en ce sens dépendront de l'équilibre des forces internes et externes à l'oeuvre au sein de l'économie et de ses implications pour les pressions s'exerçant sur l'appareil de production et l'inflation au pays.
Madame la présidente, Malcolm et moi nous ferons maintenant un plaisir de tenter de répondre à vos questions sur tous les sujets qui sont soulevés ici, ou toute autre question économique que vous pourriez souhaiter aborder.
º (1630)
La présidente: Avant de passer aux questions, j'aimerais tout simplement dire que nous prendrons deux heures complètes et que nous prolongerons la séance. J'espère que tout le monde pourra rester le plus longtemps possible afin de pouvoir poser toutes les questions souhaitées.
Nous allons commencer par un premier tour de table de 10 minutes par intervenant, et M. Penson a la parole.
M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Oui, merci, madame la présidente.
Je voudrais souhaiter la bienvenue à notre comité à M. Dodge et à M. Knight. Je sais que nous avons commencé un peu tard, mais il y avait plusieurs choses qui se passaient à la Chambre aujourd'hui.
Je suis heureux que vous ayez présenté votre mise à jour économique. Je voudrais vous poser une question cependant. Compte tenu de votre préoccupation relativement à la maîtrise de l'inflation et du fait que vous soyez à la limite supérieure à l'heure actuelle, vous devez tenir compte d'un certain nombre de facteurs relativement à l'inflation mesurée par l'indice de référence. Qu'en est-il des dépenses gouvernementales comme telles? De quelle façon est-ce que ces dépenses se reflètent? À votre avis, ces dépenses sont-elles inflationnistes? Je sais que les chiffres indiquent une augmentation d'environ 6 à 7 % des dépenses du gouvernement fédéral cette année par rapport à l'an dernier, et d'environ 10 % par rapport à l'année précédente. Quelle est l'incidence de cette augmentation sur le taux d'inflation total?
M. David Dodge: Il est difficile de donner une réponse précise à cette question. Ce qui est vraiment important, c'est le solde de l'État, car naturellement c'est la demande additionnelle provenant du gouvernement qui affecte réellement de façon générale les pressions sur l'économie. En ce moment, la situation financière est assez équilibrée au niveau fédéral, avec un petit excédent. Donc, en général, elle n'exerce pas de pressions.
Au niveau provincial, la situation est un peu plus différente d'une province à l'autre. Des provinces comme la Colombie-Britannique, qui ont le plus gros déficit, sont également celles où l'économie est la plus faible.
Dans l'ensemble, je dirais donc qu'ici au Canada, les gouvernements fédéral et provinciaux ne contribuent pas à ces pressions. Ce n'est pas la même chose aux États-Unis.
M. Charlie Penson: Si j'ai bien compris ce que vous nous dites, c'est parce qu'ils n'empruntent pas de l'argent sur le marché pour assurer leur fonctionnement. Est-ce bien ce que vous dites?
M. David Dodge: Non. C'est vrai, mais nous éliminons les demandes des ménages canadiens et des sociétés canadiennes, avec leurs impôts à peu près au même rythme que le gouvernement dépense et crée une demande. Donc, tout compte fait, collectivement, les gouvernements, et le gouvernement fédéral en particulier, n'ajoutent pas de pressions additionnelles sur l'économie et, dans le cas où nous avons des excédents importants, ne réduisent pas non plus les pressions de la demande sur l'économie.
M. Charlie Penson: Monsieur Dodge, l'économie américaine est en difficulté. Beaucoup de gens craignent que certains facteurs, notamment l'investissement des entreprises, soient assez négatifs ces jours-ci. En fait, l'investissement des entreprises n'a sans doute jamais été aussi peu élevé au cours des 40 à 50 dernières années. Les entreprises doivent se tourner un peu vers l'avenir et essayer de voir à quoi leurs marchés ressembleront.
Je me demande, puisque l'économie au Canada est si étroitement liée à celle des États-Unis, pendant combien de temps encore nous pourrons les devancer. Je sais que nous n'avons pas une grande avance, mais nous avons tout un point de pourcentage de plus au niveau de nos taux d'intérêt. Si nous avons l'intention de les augmenter encore davantage alors qu'aux États-Unis ils restent les mêmes ou sont réduits, n'est-ce pas une chose dont vous devez tenir compte également?
º (1635)
M. David Dodge: Nous devons certainement en tenir compte. La demande pour les produits et services canadiens comprend la demande intérieure et la demande étrangère. La demande intérieure a été vraiment forte, pour des raisons dont nous pourrons parler au cours de l'après-midi. La demande américaine ne l'a pas été autant, mais je crois qu'il est très important de se rappeler pourquoi.
D'abord, les ménages américains ont continué de pas mal consommer et, effectivement, ils ont consommé beaucoup de choses que nous produisons ici au pays, notamment les automobiles. Pour ce qui est du logement, non seulement nous fournissons le bois d'oeuvre, mais toutes sortes d'autres éléments, l'ameublement, etc., et la demande des consommateurs, des acheteurs, est effectivement demeurée assez forte. Ce qui a été très faible, comme vous l'avez dit, c'est la demande d'investissement aux États-Unis, et elle est particulièrement faible en ce qui concerne les grandes entreprises. Du côté des petites et moyennes entreprises, la demande a été plutôt soutenue. Il y a de nombreuses raisons à cela, et je devrais peut-être demander à mon collègue M. Knight de vous en parler.
De façon générale cependant, avant d'examiner cette question critique, il est vrai que la demande américaine a été plus faible. Il est probable qu'elle soit plus faible que nous l'avions prévu lorsque nous étions ici au printemps dernier, et c'est en grande partie la raison pour laquelle nous croyons que la croissance de l'économie canadienne sera un tout petit peu plus lente au cours des trois prochains trimestres que nous l'avions prévu au printemps dernier.
Malcolm, vous pourriez peut-être parler un peu de la demande d'investissement.
M. Malcolm Knight (premier sous-gouverneur, chef de l'exploitation et membre du conseil d'administration, Banque du Canada): J'ajouterai peut-être quelques observations à ce que le gouverneur a dit.
Tout d'abord, notre principale projection pour les États-Unis c'est qu'il y aura une croissance d'environ 2,5 p. 100 cette année et d'un peu plus de 3 p. 100 l'an prochain. Ce n'est pas un mauvais rendement, mais comme vous l'avez laissé entendre, ce n'est pas un rendement suffisamment fort pour que l'on s'attende à ce que les États-Unis puissent dépasser cette capacité avant la fin de l'année prochaine. Ce sont vraiment les pressions sur la capacité, ajoutées à une forte croissance des gains, qui mènent à une forte formation de capital fixe.
À l'heure actuelle, comme le gouverneur l'a dit, le principal moteur de la croissance de la demande dans l'économie américaine a été la demande pour les biens durables. Initialement, au début de l'année, on est passé d'une diminution des inventaires à leur stabilisation et à leur augmentation, et il y a eu une petite reprise au niveau de l'investissement dans l'équipement et le matériel.
Pour le moment, ce sont surtout ces investissements qui contribuent au taux de croissance dont on parle, mais à mesure que les difficultés qui existent dans l'économie américaine et dans l'économie mondiale commenceront à se dissiper--nous pensons qu'elles finiront par se dissiper--cela réduira les primes sur les taux d'intérêt que les entreprises doivent payer relativement aux taux d'intérêt sur les titres d'État. Cela réduira le coût du capital. En même temps, la rentabilité devrait être renforcée et il devrait y avoir une amélioration de la formation de capital fixe. Tout cela est cependant loin sur la ligne d'horizon en ce moment.
M. Charlie Penson: Je n'ai qu'une autre question, madame la présidente.
Étant donné que la croissance au Canada et aux États-Unis est déterminée par la demande des consommateurs dans le secteur de l'automobile et du logement, et de toutes ces choses qu'il faut pour meubler une nouvelle maison, il doit être possible d'évaluer à quel moment on aura répondu à cette demande. Je sais qu'il y a eu une demande comprimée, particulièrement au Canada, mais étant donné que notre industrie forestière a un rôle important à jouer à cet égard et que dans le secteur de l'automobile, 80 % de notre production est exportée vers les États-Unis, je m'attendrais à ce que quelqu'un évalue la situation et détermine à quel moment il n'y aura plus de demande. La demande ne peut être maintenue indéfiniment. À un moment donné, les gens auront leur nouvelle maison et on aura répondu à la demande.
º (1640)
M. David Dodge: Permettez-moi tout d'abord de parler de la situation au Canada. Nous avons connu une période à partir d'environ 1991 jusqu'à environ 1997 où, en fait, nous ne pouvions satisfaire à la demande à long terme de maisons au Canada. Donc, même si 220 000 mises en chantier est un nombre très élevé, nous pouvons cependant prévoir un léger ralentissement. En effet, à moins qu'il y ait un léger ralentissement, le marché subira des pressions réelles. Nous pouvons cependant prévoir un certain nombre d'années au cours desquelles la demande de logement au Canada sera au-dessus de la moyenne, au-dessus de la demande de remplacement.
La situation aux États-Unis est assez intéressante. Je me base ici sur l'analyse effectuée par la Réserve fédérale américaine qui a passé beaucoup de temps à examiner cette question en particulier. Cette analyse révèle qu'aux États-Unis la demande comprimée est assez importante, en grande partie en raison de l'immigration totale qui a été assez élevée, et vers la fin des années 80 et au début des années 90, on n'a pas réussi à répondre à une bonne partie de cette demande engendrée par les immigrants. Il y a donc une demande assez forte au bas de l'échelle, si vous voulez, pour les gens qui sont au bas de l'échelle au niveau du logement. Ils ne croient peut-être pas que nous sommes dans une sorte de bulle qui va éclater. Naturellement, en même temps, il faut dire que cette demande est facilitée par les taux d'intérêt à long terme très peu élevés aux États-Unis, et que si ces taux commencent à augmenter, la demande serait plus modérée. Elle ne va cependant pas s'évaporer.
Dans le secteur de l'automobile, c'est une autre histoire. J'imagine que nous avons tous de la difficulté à imaginer que les Américains puissent acheter 17 ou 17,5 millions d'automobiles par an, année après année.
La présidente: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Paquette, s'il vous plaît, vous avez 10 minutes.
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, madame la présidente.
Je vous remercie de votre présentation. Je pense que le portrait que vous tracez est relativement optimiste, puisque vous nous dites en gros que les pressions inflationnistes qu'on sent ces temps-ci sont davantage ponctuelles que structurelles et que normalement, dès l'année prochaine, on devrait se retrouver dans la fourchette d'inflation cible de la Banque du Canada, c'est-à-dire entre 1 et 3 p. 100. Donc, on ne devrait pas s'attendre à ce qu'il y ait une hausse de taux d'intérêt substantielle au cours des prochains mois.
Je voudrais savoir si cette interprétation de vos propos est valable.
M. David Dodge: Ce qu'on voit en ce moment, ce sont des ajustements à quelques prix relatifs, comme celui de l'assurance. Cependant, selon nos prévisions et celles de beaucoup d'économistes, à l'automne prochain ou au début de 2004, nous atteindrons certainement la capacité de notre économie et il y aura des pressions beaucoup plus généralisées sur les prix. Il est donc important de prendre des mesures modérées pour réduire le montant de liquidités dans le système avant que ces pressions ne se matérialisent. Aujourd'hui, nous ne considérons pas l'inflation comme un véritable problème, parce qu'il y a des choses très spéciales en ce moment, mais cela pourrait devenir un véritable problème à l'avenir, problème qu'il faudra éviter.
º (1645)
M. Pierre Paquette: Vous introduisez ma deuxième question en disant--et c'est présent dans l'ensemble de votre présentation--que pour soutenir une croissance non inflationniste, nous devons continuer de réduire le degré de détente monétaire avant que les capacités inutilisées ne soient complètement absorbées, c'est-à-dire avant que notre potentiel de production ne soit atteint. Cependant, dans votre présentation, vous ne nous parlez jamais de la possibilité d'augmenter ce potentiel de production. Évidemment, si on maintient la capacité de production au niveau où elle est actuellement, il est clair qu'au fur et à mesure de la croissance, on va utiliser de plus en plus de cette capacité et les pressions inflationnistes vont apparaître. Mais si on augmente la capacité de production en même temps que la croissance s'effectue, cette pression n'existe pas. Si on augmente les taux d'intérêt, on décourage l'investissement et donc on décourage l'augmentation de cette capacité de production, créant indirectement des pressions inflationnistes.
Comment arrivez-vous à gérer ce genre de dilemme qui fait en sorte que si l'inflation se fait menaçante, on est tenté d'augmenter les taux d'intérêt, ce qui fait qu'on ne favorise pas l'augmentation de la capacité de production? En agissant ainsi, on crée indirectement un effet pervers, d'autant plus--et je voudrais que vous nous éclairiez là-dessus--qu'on est dans un contexte où, me semble-t-il, au plan du financement par la vente d'actions, il sera extrêmement difficile, au cours des prochains mois, de convaincre les épargnants canadiens et québécois de se lancer dans des achats massifs d'actions pour financer de futurs investissements, étant donné l'état actuel de la Bourse. À mon avis, le recours à des emprunts sera probablement plus important qu'au cours de la période précédente, alors qu'avec la montée des cours boursiers, tout le monde voulait tenter sa chance sur le marché des valeurs mobilières.
Donc, j'aimerais que dans votre réponse, en toile de fond, vous nous parliez aussi du problème que représente actuellement la baisse des cours boursiers.
M. David Dodge: C'est une excellente question, mais à laquelle il serait difficile de répondre en 25 mots ou moins. Je vais commencer et je céderai ensuite la parole à mon collègue.
Je veux d'abord dire, comme je l'ai dit la semaine passée à Québec, que la productivité est essentielle à l'avenir des Canadiens. Il y a plusieurs moyens d'augmenter la productivité. On peut avoir plus de machinerie et d'équipement. On peut utiliser de l'équipement neuf et de la technologie de pointe. On peut gérer nos entreprises d'une meilleure façon. Finalement, ce qui est très important, on peut augmenter la capacité de la main-d'oeuvre. La plupart des politiques qui encouragent ces quatre facteurs ne sont pas les nôtres. Nous devons avoir un climat macroéconomique qui soit favorable à l'investissement et, ce qui est plus important à long terme, maintenir un taux d'inflation bas et stable. Mais c'est à long terme, et vous avez parfaitement raison de dire qu'en ce moment, ce que nous appelons les financial headwinds, qui existent partout au monde, empêchent l'investissement et créent une situation un peu difficile.
J'ai répondu à la partie la plus simple de votre question. Maintenant, je passe la parole à mon collègue, car c'est un vrai problème que de traiter de cette situation financière assez difficile, pas seulement pour nous au Canada, mais partout dans le monde.
º (1650)
M. Malcolm Knight: Au sujet des investissements des entreprises, comme le gouverneur l'a dit, les assises de l'économie, compte tenu de l'équilibre budgétaire aux niveaux fédéral et provincial ainsi que des taux d'intérêt qui sont assez bas en ce moment--même que nous avons majoré les taux directeurs à trois reprises--, cela représente une très bonne base pour l'économie. La croissance est forte et ce qui incite les entreprises à investir, c'est la marge. Elles le feront s'il n'y a pas de marge excédentaire de capacité et si la rentabilité est forte. En ce moment, ce qu'on constate, c'est qu'en termes de rentabilité, puisque la croissance de la demande est forte, surtout dans des secteurs qui produisent les biens à la consommation et le logement, il y a des incitatifs pour l'investissement dans ces secteurs-là et aussi dans le secteur énergétique. Alors au Canada, je pense qu'on a déjà remarqué une légère reprise des investissements dans la machinerie et l'équipement, et on va voir, au cours des prochains mois, plus d'investissements dans le capital fixe.
Lorsqu'on parle des financial headwinds, de la volatilité des marchés financiers, il est vrai que la chute récente des valeurs mobilières a des effets sur la richesse des ménages. Comme le gouverneur l'a dit, c'est moins important ici qu'aux États-Unis parce que le ratio de la valeur des actions détenues par les ménages par rapport à leurs actifs totaux est de quelque 16 p. 100, et c'est beaucoup plus petit ici qu'aux États-Unis. Alors, si on est détenteur de beaucoup d'actions, ce n'est pas une situation confortable, mais pour la plupart des ménages au Canada, c'est la croissance de l'emploi et la croissance du revenu disponible qui sont les aspects les plus importants.
M. Pierre Paquette: Est-ce que j'ai encore un peu de temps? À ce comité, le temps est beaucoup trop court. Ce n'était pas comme ça au Comité des affaires étrangères.
Merci pour vos réponses.
[Traduction]
La présidente: Il ne vous reste plus de temps.
Monsieur Cullen, dix minutes.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente.
Si on regarde l'économie ailleurs dans le monde, il y a certains points chauds, certains qui sont plus évidents que d'autres, notamment le Brésil, l'Argentine, le Japon. Quelques-uns d'entre nous étaient récemment à Taïwan, et il y a un problème là-bas relativement à certains prêts qui laisseraient à désirer, et il y a d'autres régions en Extrême-Orient et d'autres régions ailleurs dans le monde où cela est un problème. Je me demande si vous pourriez nous donner votre pronostic actuel en ce qui concerne ces points chauds--et peut-être d'autres également--et nous dire si nous devrions nous en préoccuper, ou si le pronostic est bon, ou meilleur ou pire que ce à quoi nous pourrions nous attendre à la lecture des journaux.
J'aimerais que vous nous parliez, en ce qui concerne l'économie américaine, de l'étendue de la dette à la consommation--on nous dit constamment que la dette à la consommation augmente aux États-Unis--et que vous nous disiez si cela pose un risque additionnel, ou ce qui risque de se passer à l'avenir.
M. David Dodge: Je commencerai par répondre à la deuxième question puis je céderai la parole à mon collègue qui vous renseignera sur la situation qui existe à l'échelle mondiale.
Il est tout à fait vrai que surtout aux États-Unis, bien que la situation existe au Canada aussi, l'endettement des ménages relativement à leur revenu annuel est plus élevé qu'il ne l'était depuis de nombreuses années. En fait, il a probablement atteint des niveaux records. Il est également vrai que la capacité d'assurer le service de la dette est également assez importante en raison de la faiblesse relative des taux d'intérêt, surtout des taux hypothécaires. Je crois que c'est un aspect important.
Si vous examinez la situation au Canada, le niveau est assez faible si on tient compte de la proportion du revenu des ménages nécessaire pour assurer le service de la dette, qu'il s'agisse d'une hypothèque ou d'une dette normale à la consommation. Aux États-Unis, ce niveau ne semble pas aussi faible comparativement à la situation qui existait par le passé, mais en partie c'est parce qu'aux États-Unis une proportion de plus en plus importante des ménages sont propriétaires de leur propre maison. Donc, si vous divisez simplement la population en deux parties, les propriétaires et les non-propriétaires, les propriétaires assument une dette plus importante que les non-propriétaires, mais si vous examinez le ratio de la dette par rapport au revenu des propriétaires, il n'a pas augmenté autant que pour la population en général, pas plus que chez les non-propriétaires, en raison des déplacements de la catégorie des non-propriétaires vers celle des propriétaires.
Compte tenu de ce que je viens de vous dire, vous pourriez avoir l'impression que nous n'avons absolument aucune préoccupation. Je ne crois pas que c'est l'interprétation que vous devriez en faire. De toute évidence, à un certain moment, les ménages vont ralentir leur rythme d'endettement --et cela sera particulièrement vrai de la dette à la consommation, de la dette attribuable aux cartes de crédit et ainsi de suite-- qui est influencé de façon assez marquée au cours du cycle économique par l'augmentation des taux. Donc, à un certain stade, il est vrai que cela restreindra la croissance de la consommation, mais aux États-Unis, qui connaîtront les premiers cette situation, il est probable que cela ne se produira qu'une fois que les taux augmenteront, et les taux augmenteront au fur et à mesure que les États-Unis atteindront presque cette capacité.
Donc, la situation est préoccupante. Elle n'est certainement pas urgente mais tout n'est pas rose non plus. Je dirais qu'aux États-Unis c'est une situation qu'il faut surveiller. Au Canada, en fait, les taux d'épargne se maintiennent assez bien. Nous sommes peut-être dans une situation qui comporte certains aspects positifs et certains aspects préoccupants, mais elle n'est pas aussi grave ici qu'elle l'est au sud de la frontière.
Nous allons maintenant passer à votre autre question extrêmement intéressante et je vais céder la parole à Malcolm.
º (1655)
M. Malcolm Knight: En ce qui concerne la situation mondiale, il existe bien sûr un grand nombre d'incertitudes à l'heure actuelle. De toute évidence, les incertitudes géopolitiques, surtout au Moyen-Orient, représentent un facteur important. Les incertitudes et l'instabilité des marchés financiers représentent aussi un important facteur connexe qui influe sur la situation mondiale. Le FMI, dans ses plus récentes perspectives de l'économie mondiale, a indiqué sa projection en ce qui concerne la croissance de la production mondiale pour l'année prochaine. Si vous l'examinez, toutefois--et le FMI n'est pas une organisation réputée pour son optimisme--la projection en ce qui concerne la croissance mondiale au cours de l'année prochaine est en fait supérieure à 3 p. 100. Donc cela correspond d'assez près à la capacité de croissance. Cette situation est attribuable en partie au solide rendement économique de la République populaire de Chine qui se poursuit, mais de toute évidence il y a des risques importants qui se profilent à l'horizon et vous avez mis le doigt sur certains des secteurs névralgiques.
Dans le cas du Brésil, nous devrons attendre de voir les résultats des élections, mais il existe un programme bien établi des mesures que doit prendre le gouvernement du Brésil pour améliorer sa situation financière, et nous espérons que la nouvelle administration continuera à suivre ce programme. Si elle le suit, elle obtiendra un financement de 6 milliards de dollars de la part de la communauté internationale au cours du reste de cette année et 24 milliards de dollars supplémentaires l'année suivante, ce qui devrait nettement contribuer à améliorer la situation.
L'Argentine est de toute évidence dans une situation difficile, en raison du moratoire sur les paiements, mais la situation s'est légèrement stabilisée. La valeur du peso par rapport au dollar est d'environ 3,8 à 4. Étant donné que l'Argentine a un compte courant, un excédent exportable et qu'elle ne paie pas sa dette, le marché des changes affiche un équilibre légèrement meilleur, mais de toute évidence il sera très important pour ce pays de s'entendre avec le FMI sur un programme qui rassurera les créanciers internationaux à l'avenir.
Au Japon, le principal problème--comme on peut d'ailleurs le lire dans les journaux depuis plusieurs semaines--c'est celui des prêts irrécouvrables. C'est un problème qui existe depuis une dizaine d'années, mais il est difficile de déterminer comment remettre sur pied cette économie plus rapidement sans un plan clairement établi pour régler ce problème. Vous avez signalé l'existence du même problème à Taïwan aussi, mais même en Chine, qui affiche un très bon rendement et qui a commencé à s'occuper du problème des prêts non productifs et de la restructuration du secteur public, ce sera un problème qui se posera.
Par contre, la Russie, avec les prix du pétrole, s'en tire mieux que prévu, et le reste de l'Asie du Sud-Est se débrouille probablement un peu mieux que nous l'avions du moins prévu au début de l'année.
C'est un résumé très général. J'ignore si cela vous est utile.
» (1700)
M. Roy Cullen: C'est très utile. Ai-je le temps de poser une brève question?
La présidente: Une très brève question.
M. Roy Cullen: Je vous remercie.
J'aimerais vous poser une question à propos des marchés de capitaux sous un certain nombre d'angles différents. Il y a entre autres la crise de confiance dans les marchés et dans le gouvernement d'entreprise. Vous n'êtes sûrement pas ici pour formuler des recommandations sur ces aspects, mais si vous examinez la situation aux États-Unis, qui semble être un gouvernement de type non interventionniste, il est possible que des considérations politiques motivent certaines des solutions législatives qu'ils envisagent. Il me semble qu'au Canada nous devons tâcher de trouver le juste équilibre. Le secteur privé et les instances de réglementation tâchent de réagir d'une façon que je considère raisonnable, mais quant à savoir si cela sera suffisant, il est probable que non. Il me semble qu'il faut faire preuve d'un délicat dosage de façon à ne pas intervenir à un tel point sur les marchés que l'on se trouve à utiliser des moyens disproportionnés par rapport au problème. Vous voudrez peut-être commenter là-dessus.
Deuxièmement, si nous avons l'intention de subventionner cette économie innovatrice, par le passé la difficulté a été de s'assurer que l'on dispose de fonds communs de capital de risque pour nous permettre de le faire et qu'il existe un certain nombre de mesures financières qui encouragent ce genre de chose. Avez-vous des moyens de suivre la situation, de déterminer si elle s'est améliorée ou si elle s'est dégradée, ou avez-vous des idées qui pourraient aider le comité à faire progresser les choses?
M. David Dodge: Oh la la!
» (1705)
La présidente: Rapidement.
M. David Dodge: Commençons par le début. Ce qui est crucial pour l'entreprise canadienne, qu'elle soit petite ou grosse, qu'il s'agisse d'une industrie à la fine pointe de son domaine ou en pleine maturité, c'est que les marchés financiers fonctionnent de façon efficace et leur fournissent suffisamment de crédit à des modalités qui leur conviennent. Plus particulièrement, à la Banque, nous sommes préoccupés par les crédits bancaires et les autres crédits de type à taux fixe, puisque nous ne nous occupons pas vraiment des actions. Mais vous comprenez qu'il existe toute une gamme d'éléments.
Vous avez raison de vous sentir préoccupé par la problématique du point de vue de l'efficacité des marchés. Assurément, les craintes entourant la qualité de l'information qui se trouve sur les bilans et sur les résultats des entreprises ont pour conséquence que les marchés financiers ont beaucoup plus de difficulté à être efficaces. Il est donc d'autant plus important de prendre les mesures voulues pour redonner confiance dans les chiffres fournis par les entreprises dans leurs bilans. Sachez que nous souscrivons sans réserve aux principes qui se trouvent dans le projet Sarbanes-Oxley des États-Unis. L'astuce, c'est de faire en sorte que ces principes soient mis en oeuvre de façon convenable, et c'est justement ce autour de quoi tourne le débat et autour de quoi il devra continuer à tourner.
Je rappelle au comité que nous nous heurtons à une petite difficulté ici. L'un dans l'autre, les Canadiens seraient plus enclins à opter pour le Conseil des normes comptables internationales, fondé dans une plus grande mesure sur des principes et dans une moins grande mesure sur des règlements, que pour le Financial Accounting Standards Board et la méthode américaine. Mais rappelons-nous que nos entreprises doivent avoir accès aux marchés financiers mondiaux, et que celui des marchés financiers qui compte le plus pour le Canada, c'est celui de New York. Par conséquent, même si nous ne sommes pas parfaitement à l'aise avec la voie que suivent les Américains, nous devons nous rappeler que c'est l'accès au marché américain qui importe toujours, et qui devrait influer sur la façon dont nous cernons la problématique.
La présidente: Merci.
Nous passons à M. Brison, qui sera suivi de MM. Valeri et Wilfert.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci.
Au dernier trimestre, la dette extérieure des États-Unis représentait un quart du PIB, et le déficit courant actuel, 5 %, ce qui correspond au niveau le plus élevé depuis la Guerre civile. On prévoit même que le dollar américain s'affaiblira considérablement. Cela fait déjà quelque temps qu'on entend dire cela, mais cela ne s'est pas vraiment concrétisé au point où nous devrions nous en préoccuper. Croyez-vous que le dollar américain s'affaiblira de façon ordonnée ou plutôt de façon désordonnée? Quelle en sera la conséquence pour le taux de change canadien? La Banque mondiale prédit maintenant que d'ici la fin de l'année, le dollar canadien sera rendu à 70 ¢, par rapport au dollar américain, et le Conference Board prédit qu'il sera encore plus faible. Il ne semble pas qu'il y ait un lien entre les deux. Même lorsque le dollar américain s'affaiblit, le dollar canadien ne semble pas s'apprécier en retour. Pourquoi?
M. David Dodge: Aux États-Unis, le déséquilibre des transactions courantes est très élevé. Comment redresser la situation? Nous espérons que la situation se corrigera en douceur, et il n'y a pas de raison de croire que cela ne pourra pas se produire. Il existe évidemment un risque qu'il n'en soit pas ainsi, et ce risque augmente avec le temps et peut faire en sorte que la correction éventuelle se fera de façon abrupte et entraînera des perturbations. Dans la mesure où les marchés fonctionnent comme il faut--ce qui nous ramène à la question précédente--au fur et à mesure qu'il y aura relance en Europe, que le Japon se ressaisira et que certaines des incertitudes disparaîtront en Amérique du Sud, nous pourrions assister à une recrudescence de la demande, ce qui entraînera une amélioration de la conjoncture et le début de la correction. Cette correction aura notamment comme conséquence que le dollar américain se dépréciera quelque peu par rapport aux autres devises. Elle ne peut se faire d'une autre façon. Parallèlement à ce phénomène, étant donné que les États-Unis connaissent un déficit considérable des transactions courantes avec le Canada, on pourrait s'attendre à ce que le dollar américain se déprécie également par rapport au dollar canadien. Mais je suis incapable de vous dire à quelle vitesse cela se fera et quand.
M. Scott Brison: On ne peut pas dire que les marchés financiers canadiens se sont bien comportés, mais ils se sont mieux comportés que les marchés financiers américains. D'une façon générale, l'économie canadienne se porte mieux que celle des États-Unis, et pourtant, le dollar canadien est à peine plus élevé que lorsqu'il était au plus bas. Comment expliquer cette absence de lien entre l'économie canadienne et les marchés financiers canadiens par rapport à ceux des États-Unis et la performance du dollar canadien par rapport au dollar américain? D'aucuns pourraient prétendre que le dollar canadien est ce que l'on appelle une devise marginale, et qu'en ce moment, les devises profitent des incertitudes actuelles, qu'il s'agisse de l'euro ou du dollar américain. Mais à quoi peut-on s'attendre pour le dollar canadien?
» (1710)
M. David Dodge: Vous avez posé plusieurs questions, et je ne suis pas sûr de pouvoir y répondre en leur faisant justice, étant donné leur complexité.
D'abord, le marché des devises est un marché comme n'importe quel autre. On fixe quotidiennement un prix qui équilibre plus ou moins les mouvements de capitaux et le mouvement des comptes courants. C'est ainsi que cela se passe, le marché se redresse et nous n'intervenons pas dans ce marché en manipulant les capitaux. Nous avons observé que, traditionnellement, les institutions financières et les investisseurs qui détiennent des positions considérables interviennent, dès que la devise s'éloigne de ce qu'ils considèrent être la norme, ce qui entraîne une stabilisation. Or, nous avons observé que sur les marchés des devises, tout comme nous l'avons observé sur les marchés des instruments à taux fixe et sur les marchés boursiers, on a une aversion marquée pour le risque, de sorte que les investisseurs ou les banques, par exemple, n'interviennent pas et ne font pas intervenir leurs positions, ce qui a pour conséquence que nous assistons actuellement à une instabilité quotidienne des marchés des devises de même que de tous les autres marchés financiers. Toutefois, cela devrait se corriger quelque peu avec le temps.
Par conséquent, ce sont les mouvements quotidiens qui dominent aujourd'hui. Je crois donc que l'on peut s'attendre à une plus grande instabilité à court terme que ce que nous avons pu constater jusqu'à maintenant.
M. Scott Brison: Mais comme je l'ai déjà dit, le fait que notre dollar canadien ne reflète pas l'embellie qui existe actuellement dans notre économie et dans nos marchés de capitaux n'est-il pas de mauvais augure pour son avenir? Quand les bonnes nouvelles ne se traduisent par rien et que le dollar canadien continue à refléter une certaine ambivalence sur les marchés, cela n'est-il pas de mauvais augure pour la viabilité du dollar canadien?
M. David Dodge: Non, je ne le crois pas. Le marché réagit comme il le doit, il équilibre les mouvements, mais les positions ne sont pas décidées de la même façon pour l'avenir. Il ne faut pas oublier qu'au Canada--et cela correspond à une question précédente--les Canadiens continuent d'épargner et que les économies nationales suffisent à la demande en investissement national, si je puis m'exprimer ainsi. Nous ne devons pas compter autant que les Américains sur les étrangers pour financer cet investissement net. Pour revenir à votre première observation, il est exact que la devise américaine est demeurée relativement forte, mais la position du compte courant américain n'a pas encore été beaucoup corrigée.
M. Malcolm Knight: Puis-je ajouter quelque chose, puisque c'est une question très importante? Ce que nous voulons, en fin de compte, c'est une croissance forte mais non inflationniste du PIB par habitant au Canada. De 1997 jusqu'à la fin de l'an dernier, le PIB brut par habitant au Canada a connu une croissance un peu plus forte qu'aux États-Unis, dans l'ensemble, si l'on examine les chiffres révisés sur le PIB aux États-Unis. Ces gains en revenu s'expliquent en partie par une augmentation plus lente des prix par rapport aux salaires de la population et en partie par les modifications au taux de change. Mais comme le gouverneur l'a dit, le taux de change réagit également à de nombreux autres facteurs.
Sur une longue période, il est probable qu'un déficit de 5 % du PIB au compte courant soit suffisamment élevé pour ne pas pouvoir être maintenu au taux de change actuel de la devise américaine, par rapport aux autres devises, mais les ajustements qui seront apportés dépendront d'un grand nombre de facteurs. Le taux très élevé de croissance dans la productivité de la main-d'oeuvre est l'un des facteurs qui jouent un rôle important, comme cela a été le cas au cours des dernières années. Cette croissance permet d'améliorer les bénéfices, d'attirer les investissements et d'attirer de l'argent de l'étranger. À l'heure actuelle, nous constatons que la croissance de notre productivité se renforce dans une certaine mesure et cela devrait être de bon augure pour la devise canadienne, par rapport aux autres devises, pour l'avenir.
» (1715)
La présidente: Merci.
Monsieur Valeri, vous avez 10 minutes.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci.
Merci à tous les deux d'être venus nous rencontrer cet après-midi. Vous faites valoir des arguments très valables et cela nous aidera certainement dans notre réflexion dans le cadre de nos consultations prébudgétaires et de la rédaction de notre rapport.
Je ne puis m'empêcher de parler de l'axe nord-sud qui existe dans les investissements et dans le commerce des produits et des services. Je pense également au rapport Canada 2010 du Conference Board of Canada, dans lequel on disait que le Canada devra continuer de composer avec une intégration accrue de l'Amérique du Nord—du moins c'est ce qu'en dit le Conference Board—et que le plus grand risque pour nous, en fait, c'est de laisser la situation évoluer sans y réfléchir bien à l'avance et sans dresser des plans. Le Conference Board semble dire qu'il est essentiel de réduire au minimum les obstacles au commerce et de libéraliser encore davantage les échanges. Il dit aussi qu'il faudrait peut-être envisager une union douanière nord-américaine ou du moins discuter de cette idée. Je ne propose pas aujourd'hui que nous adoptions l'une ou l'autre approche, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
L'un des objectifs qu'énonce le Conference Board consiste à réduire le risque que des investissements soient retirés du Canada pour être transférés aux États-Unis ou au Mexique. D'après le Conference Board, les flux d'investissement influent davantage sur la valeur du dollar que les obstacles au commerce ou le prix des denrées. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, si vous êtes d'accord ou non avec cela et que vous nous fassiez peut-être quelques propositions dans ce domaine quant à ce que nous devrions faire ou ce à quoi nous devrions réfléchir dans le cadre de ce débat.
M. David Dodge: Oui, c'est une question extrêmement importante. Depuis bon nombre d'années, je fais valoir qu'il est important d'ouvrir les frontières du Canada et d'obtenir que les autres pays ouvrent les leurs. Je ne vais pas essayer de répondre à toute votre question. Le Conference Board a soulevé des questions importantes, même si j'ai noté dans ce rapport certaines choses qui ne me semblent pas exactes. Mais il est vrai qu'il demeure néanmoins un risque frontalier important.
Nous avons signé l'ALENA de bonne foi. Le Canada a pour politique de continuer d'ouvrir ses frontières, non seulement à l'échelle de l'Amérique du Nord mais aussi à l'échelle du monde. Cela nous est très utile. Mais il demeure toujours le risque que le Congrès des États-Unis, que l'administration américaine, applique ses lois antidumping et ses lois sur le droit compensateur lorsque la concurrence exercée contre leurs industries devient très forte. Vous avez tout à fait raison de dire que nous devrions prendre des mesures pour essayer de réduire les possibilités de réaction négative car ce faisant, nous éliminerions le risque frontalier relatif à l'établissement d'usines au Canada ou aux États-Unis; la concurrence s'effectuerait de façon équitable.
Oui, vous avez raison, nous devrions certainement continuer à essayer de réduire ce risque frontalier.
» (1720)
M. Tony Valeri: Si dans le cours de ces discussions on envisage d'adopter des politiques qui visent une intégration plus poussée, pourriez-vous nous dire si cette décision influerait sur le fait que nous conservions ou non au Canada une devise à taux de change flottant? Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez et mentionner également certains des écueils ou des considérations auxquels nous devrions faire attention si nous envisageons d'adopter une telle politique?
M. David Dodge: En fait, j'ai prononcé un discours à ce sujet à Sherbrooke, il y a deux semaines. Je vous enverrai volontiers une copie du texte.
Tout d'abord, si nous voulons réduire le risque que le marché américain soit fermé à nos producteurs, nous devons négocier une entente beaucoup plus rigoureuse pour éviter les caprices du Congrès. Nous devons également ouvrir davantage nos frontières aux produits et aux services pour lesquels cette ouverture n'est pas encore complète. Nous devrions continuer de réduire les obstacles au commerce interprovincial, puisque nous ne sommes pas encore débarrassés de nos propres obstacles internes. C'est extrêmement important. Dans une certaine mesure, c'est le problème principal.
Pour ce qui est d'une intégration plus poussée, il existe un marché auquel nous ne nous sommes pas encore attaqués, et c'est celui de la main-d'oeuvre. Pour les travailleurs hautement qualifiés, la mobilité est peut-être un peu coûteuse, mais elle ne pose pas de difficulté majeure. C'est plus difficile pour la plupart des gens de passer d'un côté à l'autre de la frontière pour aller travailler. En fait, nous savons qu'il y a des problèmes bien réels de temps à autre parce que la structure de notre économie est différente de celle de l'économie américaine. Il peut y avoir des difficultés, périodiquement, lorsque nous avons de grands surplus de main-d'oeuvre ou lorsqu'il y a une pénurie dans certains métiers. Si l'on suit une progression logique, ce serait l'un des domaines où l'ouverture serait souhaitable.
Lorsqu'il y aura suffisamment de mobilité dans tous les marchés—et il existe à l'heure actuelle une bonne mobilité dans les marchés des investissements—on pourra alors logiquement réfléchir à la question de savoir s'il est encore intelligent que le Canada conserve sa propre devise et un taux de change flottant ou s'il vaudrait mieux adopter une devise commune. Mais avant cela, logiquement, il faut mettre en place un marché unique véritable pour les produits et les services, un marché unique véritable pour les investissements et un marché unique véritable pour la main-d'oeuvre.
M. Tony Valeri: D'accord.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Il vous reste encore deux minutes.
M. Tony Valeri: J'ai terminé.
La présidente: Monsieur Wilfert, voulez-vous commencer votre période de 10 minutes?
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Oui, merci, madame la présidente. Vous m'excuserez d'être aussi bref, mais j'ai un projet de loi qui vient d'être redéposé en Chambre.
Madame la présidente, permettez-moi de remercier le gouverneur d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. Je vais aborder la question sous un angle un peu différent de mon collègue. La même question, mais sous un angle différent.
M. Tony Valeri: C'est pourquoi j'ai pensé vous laisser deux minutes supplémentaires.
M. Bryon Wilfert: Bel enchaînement.
Mais avant de commencer—je ne partage pas son enthousiasme—permettez-moi de vous poser deux questions.
Le FMI et l'OCDE prévoient tous deux que le Canada aura une croissance économique supérieure aux autres pays du G-7 cette année et l'an prochain. Compte tenu de la situation actuelle et de ce qui pourrait se produire, quels facteurs susceptibles d'influer sur ces prévisions très positives de l'OCDE et du FMI devrions-nous surveiller plus particulièrement?
Deuxièmement, d'après le rapport de 2002 de l'OCDE, on peut mesurer des améliorations importantes à la compétitivité du régime fiscal du Canada par le niveau total d'impôts calculé sous forme de pourcentage du PIB. Et en 2000, l'écart entre le fardeau fiscal au Canada et aux États-Unis était plus mince qu'il ne l'avait été depuis bon nombre d'années. Vous pourriez peut-être nous parler de l'importance de continuer dans cette voie afin de promouvoir les investissements commerciaux au Canada. Évidemment, la productivité et la compétitivité sont des questions qui nous viennent à l'esprit.
Enfin, je m'inquiète beaucoup du degré de propriété par des intérêts étrangers au Canada, surtout compte tenu de la faiblesse du dollar canadien, c'est-à-dire du nombre d'entreprises de secteurs clés qui sont achetées par des étrangers. Personnellement, je me demande de plus en plus avec inquiétude où tout cela mènera notre pays si nous ne sommes pas en mesure de contrôler nos leviers économiques. À mon avis, l'intégration économique a toujours par le passé mené à l'intégration politique.
Je suis préoccupé par les tribunaux de l'ALENA et les décisions de l'OMC, entre autres. Nous semblons respecter les règles, mais d'autres, y compris les États-Unis, accroissent leurs activités protectionnistes. Ensuite, on peut craindre l'adoption d'une devise commune. Si nous adoptons cette orientation, nous pouvons tout aussi bien déclarer forfait. Je suis donc préoccupé par le degré de propriété par des intérêts étrangers et par les conséquences que cela peut avoir, tant pour ce qui est de la capacité des banques d'appliquer une politique économique et de s'orienter en fonction de la politique monétaire du Canada que pour ce qui est de la capacité du gouvernement de prendre les mesures dont les Canadiens ont besoin pour demeurer compétitifs sur les marchés internationaux. Cela ne signifie pas que nous ne pourrions pas être concurrentiels sur les marchés internationaux si les règles du jeu étaient équitables, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle d'après moi. Enfin, c'est une observation personnelle.
Si vous réussissez à répondre à ces trois questions en cinq minutes ou moins, ce sera très bien.
» (1725)
M. David Dodge: Je laisserai le soin à mon collègue de répondre à la première question. Je tenterai, en moins de 25 mots, de répondre aux deux autres.
Au cours de la prochaine décennie, il faudra que les gouvernements fédéral et provinciaux maintiennent l'équilibre financier ou un petit surplus. Ainsi, nous pourrons d'ici 10 ans réduire de façon importante la dette par rapport au PIB. Cela aura pour effet de réduire les intérêts que nous payons sur la dette, ce qui aidera les deux paliers de gouvernement à composer avec les besoins créés par le vieillissement des baby-boomers.
Cette approche est donc très importante pour la politique sociale à long terme, elle est très importante pour des raisons structurelles et très importante pour les raisons que nous avons mentionnées plus tôt, c'est-à-dire que cette approche contribuera à créer un climat propice à l'investissement.
C'est à vous de décider des impôts et des dépenses, et non à nous. Cette décision incombe au Parlement et aux assemblées législatives, pas à moi. Mais je vous encourage à chercher un équilibre.
Ensuite, pour ce qui est de la fiscalité, nous devons privilégier une approche à deux volets, soit l'efficacité et la distribution. Ce n'est pas chose facile, car ces deux volets sont un peu en contradiction l'un avec l'autre. Mais si nous voulons favoriser la croissance, nous devons gérer nos finances publiques avec le maximum d'efficacité en composant avec les décisions qui seront prises par les parlements en matière de dépenses et de fiscalité.
La question de la propriété étrangère est très importante. Nous avons commencé à y travailler en collaboration avec d'autres intervenants, tels des chercheurs universitaires et le secteur privé. Selon The Economist, peu importe qui est le propriétaire d'une entreprise; ce qui compte, c'est l'efficacité du rendement de cette entreprise. De façon générale, le rendement des multinationales étrangères au Canada est comparable ou supérieur à celui des sociétés canadiennes.
Par contre, vous avez raison de dire que les gens estiment qu'il faut garder les sièges sociaux des entreprises, car celles-ci attirent d'autres secteurs, comme les services comptables, financiers et juridiques, pour ne nommer que ceux-là. Ce sont des secteurs hautement productifs qui contribuent à hausser les revenus.
Bref, il existe peu d'études concluantes sur le sujet. À l'heure actuelle, nous tentons de les dénicher. Il y a des cas où un niveau élevé de propriété étrangère a été accompagné d'une croissance économique importante—l'Irlande en est un bon exemple—et il y en a d'autres où la présence des sièges sociaux assurait une vive croissance économique. Des exemples des deux cas abondent à travers le monde. Nous sommes dans une situation unique, car nous sommes le voisin du pays qui a le plus grand nombre de sièges sociaux de multinationales. C'est pourquoi nous travaillons fort à la question.
» (1730)
Je ne peux donc pas vous donner une réponse. Je n'ai pas de preuve qui me pousserait à favoriser l'une ou l'autre option. Tout ce que je peux vous dire, par contre, c'est qu'au niveau de l'investissement direct au cours des trois ou quatre dernières années, les investissements canadiens à l'étranger et les investissements américains au Canada sont plus ou moins comparables. Il y a un équilibre. Il reste donc à déterminer non seulement l'importance relative des sièges sociaux, mais si le fait d'avoir un siège social d'une grande entreprise rapporte plus que le fait d'avoir plusieurs sièges sociaux de petites entreprises. Je n'ai pas la réponse, mais c'est un sujet intéressant sur lequel nous nous penchons.
M. Bryon Wilfert: Monsieur le gouverneur, je me réjouis à l'idée que vous vous penchez sur la question, mais j'aimerais ajouter que les décisions qui seront prises auront un impact sur l'emploi. Je me préoccupe également de l'équilibre, mais quant à l'ordre de grandeur, nous sommes évidemment... Si le gouvernement décide d'abolir les obstacles à la propriété étrangère dans certains secteurs, je crains que nous deviendrons plus vulnérables que nous ne le sommes actuellement.
M. David Dodge: C'est possible. Tout ce que je dis, c'est que nous n'avons pas de preuve.
M. Bryon Wilfert: On pourra en discuter une autre fois.
Madame la présidente, M. Knight pourrait répondre brièvement à la première question.
La présidente: Soyez bref, monsieur Knight.
M. Bryon Wilfert: Merci. Je dois m'en aller ensuite.
M. Malcolm Knight: Je tenterai d'être aussi bref que possible.
D'abord, pour revenir à la croissance de cette année, il ne fait aucun doute que le Canada figurera en tête du peloton du G-7 avec un taux de croissance de 3,5 p. 100. Les États-Unis arrivent en deuxième place avec un taux de croissance de 2,5 p. 100. Ces chiffres sont plus ou moins confirmés, puisque l'année tire à sa fin.
Les projections de l'OCDE et du FMI pour l'an prochain sur le taux de croissance américain nous semblent quelque peu pessimistes. Le FMI prévoit une croissance de 2,6 p. 100 du marché américain en 2003. Si c'était effectivement le cas, cela se traduirait par un écart de capacité excédentaire. Cette projection est inférieure à celle qui a fait l'objet d'un consensus et je crois que c'est un peu pessimiste. En fait, nous estimons que le taux de croissance au Canada et aux États-Unis pour 2003 sera aux alentours de 3 p. 100, ce qui est quand même impressionnant.
Ensuite, je tenais à vous dire que, bon temps, mauvais temps, un banquier travaillant pour la banque centrale a toujours des inquiétudes.
» (1735)
M. Bryon Wilfert: Cela ressemble à la situation des politiciens.
M. Malcolm Knight: Je sais.
Vous m'avez posé une question sur les risques. Il ne fait aucun doute que l'économie canadienne est vulnérable à cause du climat d'incertitude qui règne sur l'économie mondiale. Mais en dépit de ces risques auxquels nous faisons face actuellement, l'économie canadienne ne s'en tire quand même pas mal.
En revanche, si notre croissance économique est forte, même si nous prévoyons un ralentissement, il y a un risque qui découle du fait que nous avons très peu de capacité économique excédentaire. À notre avis, le récent mouvement des prix ne reflète pas une tendance inflationniste, sauf pour quelques secteurs, comme celui de la construction, mais si la croissance se poursuit, cela pourrait créer des pressions inflationnistes. Puisque nos décisions stratégiques ne se font sentir que beaucoup plus tard dans l'économie, il nous faudra peut-être agir maintenant si nous voulons maintenir le taux d'inflation en deçà de notre cible de 2 p. 100 pour les prochains 18 à 24 mois.
Voilà donc les risques que nous examinons et qui jouent des deux côtés.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous avons achevé le premier tour. Nous allons maintenant passer au tour de cinq minutes.
Vous avez la parole.
M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne): Je suis sûr que nous serions tous d'accord pour dire qu'il est plus amusant de s'inquiéter lorsque les choses vont bien que lorsqu'elles vont mal.
Gouverneur, monsieur Knight, je vous remercie pour ce que vous nous avez dit aujourd'hui.
Si vous voulez bien, j'aimerais vous interroger un peu au sujet du déficit de productivité qui existe entre le Canada et les États-Unis. Il y a environ un an, je pense que nous parlions de quelque chose de l'ordre de 30 p. 100. D'ailleurs, le comité a produit un rapport à ce sujet il y a quelques années de cela. On nous avait demandé de suggérer comment le gouvernement pourrait parvenir à accroître la productivité nationale. Au moment où nous nous parlons, deux ans plus tard, je ne pense pas que nous ayons pu constater une augmentation notable de notre productivité.
Je voudrais également vous poser une question au sujet du taux de change entre nos deux dollars. Ce déficit de productivité, comment influe-t-il sur la valeur de notre dollar par rapport à celle du dollar américain? Voilà ma première question.
Ensuite, d'aucuns ont laissé entendre qu'il y avait eu des mesures prises pour favoriser la faiblesse de notre dollar, non seulement pour rendre nos produits manufacturés et nos ressources naturelles plus compétitives sur le marché américain, mais également pour compenser ce déficit de productivité et, partant, pour brader le Canada, nos produits et nos services grâce à notre dollar délibérément faible.
Auriez-vous quelque chose à dire à ce sujet et que pensez-vous de cette affirmation?
M. David Dodge: Certainement, mais je voudrais commencer par citer certains chiffres parce qu'il est toujours utile de le faire.
Si nous prenons les quatre dernières années, de 1997 à 2001, la croissance réelle de la productivité de la main-d'oeuvre au Canada a été de 2 p. 100 par an contre 2,3 p. 100 aux États-Unis. En fait, il y a eu relativement peu de différence pendant cette période toute récente. Les choses étaient tout autres au début des années 90 puisqu'à l'époque, nous l'avons déjà dit, nous faisions beaucoup d'interventionnisme au Canada pour rectifier les problèmes que nous avions hérités des années 80, voire des années 70.
Si nous prenons le premier semestre de cette année-ci, nous avons enregistré une croissance étonnamment forte de la productivité, de l'ordre de 3 p. 100 par an, contre un peu plus de 4 p. 100 aux États-Unis. Ce sont là des chiffres étonnants, mais je vous avertis, ils vont changer sept fois avant que les statisticiens nous donnent les chiffres définitifs dans sept ans environ. Il faut donc être très prudent lorsqu'on mentionne des chiffres de ce genre. C'est là la chose la plus difficile à extraire de ces données.
Par contre, ce qui est tout à fait vrai, c'est que pendant le début des années 90, alors même que nous nous employions à remédier à notre situation financière, alors même que nous nous bagarrions pour juguler l'inflation, et que nous nous adaptions à la libéralisation des échanges, nos résultats n'ont certainement pas été aussi bons que ceux des États-Unis.
Nous escomptons que progressivement, au cours des cinq ou six prochaines années, nous devrions probablement nous en tirer un petit peu mieux que les États-Unis. Cela ne veut pas dire que l'affaire est dans le sac, car il nous faudra assurément travailler pour y arriver, mais nous n'allons pas devoir porter le fardeau des ajustements difficiles que nous avons dû faire jusqu'ici et, d'ailleurs, ces ajustements vont commencer à nous apporter des dividendes.
Si je regarde ce qui se passe un peu partout au Canada, je constate que la restructuration des moyennes entreprises en particulier qui s'effectue actuellement pour profiter des nouvelles potentialités produit des résultats incroyablement encourageants. À mesure que les marchés du travail se resserrent, à mesure que nous absorbons une partie de la main-d'oeuvre excédentaire qui avait été mise sur la touche lorsque nous avions apporté ces ajustements au début des années 90, la croissance de la productivité au Canada devrait par le fait même encore augmenter.
Je ne suis donc pas pessimiste. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne devons pas travailler, travailler d'arrache-pied même pour y arriver—vous les parlementaires et nous tous qui gérons les entreprises du secteur privé et du secteur public—afin de faire vraiment tout ce que nous pouvons pour tirer parti des nouvelles technologies afin d'en retirer des gains de productivité qui permettront aux Canadiens de profiter d'une augmentation des revenus réels qui en sont la résultante. Je ne prétends pas qu'il faille se décourager et jeter l'éponge. En fait, il aurait été tout à fait étonnant, étant donné les ajustements macro-économiques et les ajustements commerciaux auxquels nous avons dû procéder au début des années 90; il aurait été donc extrêmement étonnant d'arriver à d'aussi bons résultats que les Américains sur le front de la productivité.
Je ne préconise donc pas de se la couler douce, mais je demeure relativement optimiste parce qu'à mon avis, il y a de véritables potentialités à exploiter et j'escompte bien que nous obtiendrons des résultats légèrement meilleurs, relativement parlant, pendant cette décennie.
» (1740)
Puis il y a votre question sur le dollar. Je reviens à ce que j'ai déjà dit en répondant à la question de M. Brison. Le dollar est un mécanisme équilibrant. Au début des années 90, on empruntait de tous les coins du globe. Le déficit du compte courant était à peu près de 4 p. 100 du PIB. Maintenant, le compte courant a un surplus de 1 à 2 p. 100 du PIB. Il y a eu beaucoup de mouvement pendant ces ajustements.
Les taux de change ont aidé à faciliter ces ajustements. J'estime que c'est pour cela qu'une organisation comme la Banque Royale étudie ces facteurs à moyen terme qui influencent les taux de change. Ils disent qu'étant donné les flux que nous voyons, la valeur du dollar canadien à moyen terme va augmenter en comparaison avec le dollar américain. Il n'y a là aucun mystère; quand les ajustements se font, les prix changent de façon prévisible. Le taux de change n'est qu'un prix parmi les autres.
La présidente: Merci beaucoup.
J'aimerais rappeler aux députés que tout le monde a cinq minutes.
Monsieur Murphy, allez-y.
» (1745)
M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Merci, madame la présidente.
Monsieur Dodge, nous vous remercions d'être venu aujourd'hui.
Ma question porte sur la baisse des marchés financiers au Canada, et sur l'impact que cela pourrait avoir sur notre économie. Premièrement, il y a ce qu'on appelle l'effet de richesse quand nos marchés financiers sont à la baisse. Si je comprends bien les données sur la confiance des consommateurs, cet effet n'existe pas vraiment. J'aimerais avoir vos commentaires.
De même, si les bourses montent et l'effet de richesse cesse de décroître, est-ce que cela va renforcer la confiance des consommateurs et stimuler l'économie, et donc augmenter le revenu disponible? Pensez-vous aussi qu'il faudrait s'inquiéter des déficits des régimes de pension? Pensez-vous qu'il y a un risque avec les rendements décroissants de nos régimes de pension publics et privés?
De plus, d'après moi c'est la première fois qu'on voit une dissociation totale entre la croissance économique et nos marchés financiers. Je ne connais pas d'autre exemple d'une telle situation. Notre croissance économique est assez robuste, mais nos marchés financiers sont en décroissance. Normalement, quand il y a décroissance des marchés financiers, comme il n'y en a pas vraiment eu ici dernièrement, on assiste à une croissance négative de l'économie. Pourriez-vous faire quelques commentaires sur la situation actuelle?
J'aimerais bien avoir vos commentaires sur ces trois questions.
M. David Dodge: Je vais essayer. Je vais demander à mon collègue de vous parler de l'effet de richesse sur les ménages. J'aimerais quand même en parler parce que la question a souvent été soulevée. M. Paquette y a fait allusion dans sa question et M. Penson aussi dans la sienne.
À l'heure actuelle, on constate des conditions très différentes d'un élément à l'autre du marché du crédit. Les PME ont actuellement très facilement accès au crédit vu l'inquiétude généralisée qui règne. Si vous comparez 2001-2002 à 1991-1992 ou 1981-1982, on s'aperçoit que le marché du crédit fonctionne très bien pour les PME qui n'appartiennent pas au secteur de la haute technologie, là où le risque est le plus élevé. En général, le marché du crédit est excellent.
En revanche, pour les grandes entreprises, l'écart entre les taux d'intérêt n'a jamais été aussi grand aujourd'hui qu'entre, par exemple, les entreprises cotées double A et les entreprises cotées B. L'écart est immense et il y a beaucoup d'anges déchus, de sorte que beaucoup de grandes entreprises sont actuellement aux prises avec des taux d'intérêt extraordinairement élevés et ne peuvent donc guère investir tandis que celles qui ont été un peu plus prudentes et ont protégé leur cote de crédit y ont facilement accès.
Nous avons donc quelque chose que nous n'avons pas vu très souvent sur les marchés du crédit. Je pense effectivement, Malcolm, que les écarts pour les emprunts d'entreprise entre les compagnies bien cotées et les compagnies cotées B ou double B sont les plus grands qui soient depuis les années 30.
Voilà donc un problème. C'est pareil pour les marchés des actions. Si on se sert des moyennes, on s'aperçoit qu'elles masquent d'immenses différences. L'évaluation boursière de certaines entreprises est passée de sommets à néant pendant cette période et il est certain que cela influe sur les moyennes. Lorsqu'on parle de cas comme celui de Nortel, qui représentait près de 30 p. 100 du TSX—dont le titre est passé de 120 $ au plus fort à 1 $—la moyenne s'en ressent durement.
C'est donc très mitigé et comme les taux que nous fixons sont des taux bas et des taux élevés pour les banques, ceux dont le risque est peu élevé pour les délais les plus courts, nous devons être très prudents et veiller à ce qu'il n'y ait pas trop de liquidités dans cette partie du marché au point où cela déborde et crée des difficultés ailleurs. C'est pourquoi nous allons réduire les liquidités dans ce secteur de façon graduelle et opportune, avant d'atteindre la surchauffe de l'économie.
Je vais maintenant m'adresser à Malcolm et parler de l'effet de richesse. Comme je ne suis pas très riche, je ne peux pas en parler.
» (1750)
M. Malcolm Knight: Il est indiscutable que si un ménage possède des actions, comme le gouverneur l'a dit, il y a eu une dépréciation très importante de la richesse en actions, et cela se poursuit encore cette année. Le TSX, même avec les gains des dernières semaines, est quand même 18 p. 100 en deçà de ce qu'il était au début de janvier.
Lorsque l'on examine cela du point de vue de la politique monétaire, toutefois, il faut examiner tous les facteurs qui influencent la consommation. Deux des plus importants sont la croissance du revenu disponible, qui a été très forte au Canada, à cause des progrès vigoureux de l'emploi ainsi que des taux d'intérêt. Les bas taux d'intérêt que nous avons connus en 2001 à cause de la faiblesse de l'économie et des grandes incertitudes consécutives au 11 septembre ont considérablement stimulé la consommation de biens de consommation durables et de beaucoup d'articles reliés à la propriété d'une maison.
Cela nous mène à l'effet de richesse et il est incontestable que dans le cas de la richesse en actions, celle-ci a eu un effet négatif sur la consommation. Par contre, la richesse des ménages au Canada dépend également de la possession de maisons et de la valeur du parc immobilier. Au Canada, la proportion de richesse des ménages que représente le logement par rapport aux actions est plus élevée qu'aux États-Unis.
Il est très difficile de dire comment ces effets de richesse feront sentir leurs effets, pour être honnête. C'est une des choses que nous allons examiner de très près. Nous nous attendons à ce que la croissance de la consommation ralentisse, cela fait partie de nos prévisions de base, mais le degré de ralentissement dépendra de ces effets de richesse et on comprend mal leur fonctionnement.
[Français]
La présidente: Monsieur Paquette.
M. Pierre Paquette: Merci, madame la présidente.
J'ai deux courtes questions. Premièrement, on a invoqué le fait que l'inflation, à court terme, ne serait pas vraiment un problème, mais que ce serait peut-être le cas vers 2004. Vous avez parlé aussi d'attentes que vous avez d'ici cinq ou six ans.
Je voudrais savoir si la Banque du Canada procède à des études sur des périodes plus longues que deux ou trois ans, en tenant compte ou en cherchant à tenir compte de changements structuraux. Je pense, par exemple, au Protocole de Kyoto, qui pourrait avoir des effets à la fois sur le comportement des prix, mais aussi sur la politique monétaire.
Est-ce que, par exemple, vous avez fait des études à plus long terme sur le vieillissement de la population qui pourrait aussi entraîner des modifications sur le comportement des consommateurs, le panier de biens n'étant pas le même selon l'âge? Évidemment, la structure de la population pourrait avoir des impacts sur le comportement des prix et, donc, sur la politique monétaire aussi.
Je voudrais donc savoir si vous faites des études sur des périodes de cinq à dix ans, peut-être plus.
» (1755)
M. Malcolm Knight: C'est une question très, très importante, mais très difficile aussi. Tout d'abord, il faut se rappeler que les changements climatiques auront des effets très importants sur l'évolution de l'économie à long terme. Alors, c'est un aspect dont on doit tenir compte à long terme.
En ce qui concerne les effets du Protocole de Kyoto, certes, s'il y a des effets sur les différents prix, les prix de l'énergie par rapport aux autres biens et services, nous, à la Banque, devrons en tenir compte, parce que nous avons une cible pour le taux d'inflation et que nous devons atteindre cette cible à moyen et à long terme. Mais pour le moment, il est très difficile d'essayer d'analyser les effets possibles des politiques qui seront adoptées pour respecter les engagements de Kyoto. C'est une période à plus long terme que l'horizon de la politique monétaire.
Alors, lorsque les politiques et le processus visant à atteindre les engagements Kyoto seront un peu plus clairs, on va les inclure dans nos analyses.
M. Pierre Paquette: J'aurais une dernière question pour M. Dodge. Je me souviens que lorsque vous étiez sous-ministre, vous aviez évoqué votre opposition à la terminaison des conventions fiscales avec des paradis fiscaux comme la Barbade ou les Bermudes. J'aimerais savoir, maintenant que vous êtes le gouverneur de la Banque du Canada, si, sachant que 35 milliards de dollars quittent le Canada pour ces paradis fiscaux, vous avez changé de position sur cette question.
M. David Dodge: Je crois que la meilleure chose serait de poser la question au nouveau sous-ministre des Finances.
M. Pierre Paquette: Alors, comme gouverneur de la Banque du Canada, vous n'avez pas de position. C'est ce que je comprends.
M. David Dodge: Ce qui est extrêmement important, c'est que les impôts n'interrompent pas l'investissement efficace et le flux efficace des capitaux. Il y avait toujours des problèmes à ce niveau et on continue, avec l'OCDE et avec les autres pays, à trouver des moyens d'éviter ces problèmes. Maintenant, même les Américains, pour d'autres raisons peut-être, sont intéressés à s'attaquer à ce problème.
M. Pierre Paquette: C'est sûrement à cause du blanchiment d'argent. On dit qu'un cinquième de l'argent qui se retrouve dans les paradis fiscaux serait de l'argent blanchi.
Je vous remercie beaucoup pour vos réponses.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Madame Minna, vous avez la parole.
Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, madame la présidente.
Il y a un sujet qui m'intéresse particulièrement. Je sais qu'aux États-Unis, par exemple, on a adopté une politique de plein emploi qui se définit, je crois, comme un taux de chômage de 4 ou de 3 p. 100. J'ignore quel est le taux de chômage aux États-Unis actuellement, mais au Canada, il est d'environ 7 p. 100. Il y a aussi eu deux augmentations des taux d'intérêt cette année. Or, nous assistons à un ralentissement de l'économie américaine. Je ne vois donc pas l'avantage d'augmenter les taux d'intérêt ni en quoi cela contribuerait à réduire le chômage.
J'aimerais savoir quelle est votre politique. La Banque du Canada applique-t-elle dans ses politiques monétaires le concept du taux de chômage à inflation stationnaire qui, comme vous le savez, veut que, au-delà d'un certain point, la réduction du taux de chômage entraîne une augmentation de l'inflation? Votre estimation du TCIS a-t-elle évolué avec le temps, et quelle est votre estimation? Dans les années 90, pendant que les taux d'intérêt grimpaient, le taux de chômage... J'ai écouté les arguments de mes collègues qui affirment que, dès que l'inflation atteint un certain niveau, il faut augmenter les taux d'intérêt, mais il ne faut pas oublier que cela a aussi une incidence sur le chômage et les investissements.
¼ (1800)
M. David Dodge: Nous nous fondons sur un concept de la capacité, la capacité en matière de main-d'oeuvre et d'équipement. Il est vrai que, quand nous faisons nos prévisions, nous tentons d'évaluer cette capacité avec le plus de précision possible et d'ajuster les taux de façon à ce que l'inflation reste stationnaire, car nous n'avons pas atteint la pleine capacité. Pour répondre à votre question, je dirais que nous nous fondons sur le concept de la capacité qui tient compte de la main-d'oeuvre.
Je suis certain que la capacité en matière de main-d'oeuvre implique davantage que les taux de chômage tels que nous les concevons. Les niveaux ou les taux d'emploi nous révèlent beaucoup de choses. Au début des années 90, il y a eu une hausse du chômage, qui n'a toutefois pas été aussi prononcée qu'elle aurait pu l'être parce que le taux d'activité a baissé. L'an dernier, nous avons connu une forte croissance de l'emploi, une croissance qui a presque atteint un niveau record. Les taux d'activité ont recommencé à augmenter et ont presque atteint leurs niveaux de 1989. Voilà pourquoi le conseil de direction de la Banque estime que nous disposons probablement d'encore un peu plus de temps avant d'atteindre la pleine capacité que ce que les simples estimations économétriques prévoient. Bien sûr, nous en tenons compte.
Il est aussi vrai que l'on peut améliorer la capacité en matière de main-d'oeuvre si les marchés de la main-d'oeuvre fonctionnent mieux et s'il est plus facile pour les travailleurs de faire la transition d'un emploi à l'autre, d'un secteur en déclin à un secteur en croissance. Nous insistons donc sur les politiques qui encouragent la souplesse du marché de la main-d'oeuvre, y compris la formation théorique et la formation pratique, qui, elle, doit se faire au sein de l'entreprise. Il est évident que si nous réussissons à supprimer les obstacles qui existent au sein du marché de la main-d'oeuvre, nous pourrons réduire le taux de chômage davantage avant d'en arriver à la pleine capacité. Aux États-Unis, la situation n'est pas encore parfaite, mais on a mieux réussi qu'à peu près tout autre pays à assurer la souplesse des marchés de la main-d'oeuvre. On peut critiquer les entreprises américaines pour bien des choses, mais il ne fait aucun doute qu'elles ont su mieux que les entreprises canadiennes assurer la formation en cours d'emploi, le recyclage de la main-d'oeuvre, etc.
Nous nous fondons donc sur cette notion de capacité qui évolue avec le temps. C'est un concept qui subit l'influence de la politique publique et des politiques du secteur privé, des changements sociaux et structurels, et de tous les autres facteurs qui ont une incidence sur les taux d'activité. C'est assez compliqué, et il n'est pas très utile de ramener tout cela à un simple nombre que produira Statistique Canada chaque mois.
¼ (1805)
Mme Maria Minna: Merci. Je veux tout simplement comprendre. Je sais que le concept n'est pas simple. Je ferai une dernière observation. Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que les entreprises auraient pu mieux former et recycler leurs travailleurs. Je crois qu'en tant que nation, nous devons faire bien davantage, encore bien plus que les entreprises. C'est une question de relations patronales-ouvrières, de recyclage professionnel, de perfectionnement professionnel et ainsi de suite. Je crois que cela est primordial.
Si le Canada décidait d'adopter une politique de plein emploi et qu'il estimait que le chômage ne devrait pas dépasser les 4 p. 100, ou en tout cas pas plus de 5 p. 100, que devrait-il mettre en place, à part assurer la mobilité de la main-d'oeuvre, etc.? Quels genres de variables devrions-nous contrôler pour juguler l'inflation? Étant donné qu'elle est une importante...
M. David Dodge: Aucune politique à elle seule ne vous permettra d'atteindre vos objectifs. Vous le savez sans doute mieux que quiconque. Il nous faudrait des politiques qui permettent une plus grande mobilité de la main-d'oeuvre tant sur le plan physique que des compétences étant donné que ce n'est pas le cas pour le moment. Il nous faudrait des politiques qui favorisent l'accès de la population au marché du travail, des politiques qui encouragent le perfectionnement continuel des compétences, à la fois pour l'individu et pour l'entreprise. Toute une gamme d'éléments entrent en jeu. Plus nos politiques seront efficaces, plus le taux de chômage sera faible en comparaison avec son niveau en situation de pleine capacité. Toutefois, je vous lance un avertissement. Cela dépend également de la conjoncture. Si d'importants changements structuraux ont lieu et qu'ils ont des répercussions importantes sur certaines industries, le taux de chômage augmentera même si tout marche comme sur des roulettes.
Mme Maria Minna: Je vous remercie beaucoup.
La présidente: La dernière question de la soirée sera posée par M. Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, madame la présidente. Je suis désolé d'être arrivé en retard. Je prononçais un discours en Chambre et ne pouvait partir, et je vous remercie de votre indulgence.
Monsieur Dodge, j'ai entendu votre discours lors de la réunion du conseil exécutif du Congrès du travail du Canada; je crois que c'était en janvier dernier. On vous y a interrogé sensiblement sur les mêmes questions que celles que Mme Minna vous a posées au sujet du taux de chômage à inflation stationnaire et sur votre conception du plein emploi. Comme Mme Minna vient tout juste de nous le rappeler, les États-Unis visent clairement le plein emploi dans le cadre de leur politique. En réalité, cela représente un taux de chômage de 3 ou 4 p. 100 puisqu'il y aura toujours certaines personnes qui ne pourront ou ne voudront pas faire partie de la population active. Le caucus du NPD a certaines inquiétudes, et je sais que nos collègues du mouvement ouvrier partagent les mêmes préoccupations—à l'effet que le taux de chômage à inflation stationnaire qui semble dicter les politiques publiques se chiffre à environ 8 p. 100 ou plus et ne tient pas compte du chômage déguisé. Étant donné que le système d'assurance-emploi a rendu la tâche beaucoup plus difficile aux chômeurs de s'inscrire comme demandeurs d'emploi, de moins en moins de gens sont considérés chômeurs inscrits. Si le taux de chômage national est officiellement de 8 p. 100, il est probablement de 12 p. 100 ou 13 p. 100 en réalité. Lorsqu'il atteint les 8 p. 100, on fait à nouveau grimper les taux d'intérêt et, de fait, on coupe l'herbe sous le pied des gens qui tentent de réintégrer le marché du travail.
Ma question se rattache à celle de Mme Minna. Le taux de chômage à inflation stationnaire est-il un facteur déterminant dans le processus de prise de décisions qui mène à une augmentation des taux d'intérêt? Le cas échéant, tenez-vous compte du chômage déguisé, des gens qui ne sont pas inscrits aux centres de ressources humaines du Canada parce qu'ils n'ont plus droit aux prestations de toute façon?
¼ (1810)
M. David Dodge: Je croyais avoir tenté de répondre à cette question dans mes réponses précédentes. Je cède la parole à mon collègue.
M. Pat Martin: Je ne vous ai pas entendu apporter de réponse à cette question lorsque vous avez répondu à Mme Minna.
M. Malcolm knight: Permettez-moi d'aborder la question d'un point de vue légèrement différent. Comme vous le savez, notre politique consiste à poursuivre un taux d'inflation faible et stable s'établissant à 2 p. 100. Au début de l'année dernière, nous craignions un ralentissement économique s'accompagnant d'un fléchissement de l'emploi, une augmentation du taux de chômage, et le taux d'inflation, à terme, chuterait sous notre niveau cible. Nous avons une approche symétrique par rapport à cette cible, de sorte que, l'an dernier, nous avons réduit les taux d'intérêt de façon à raffermir la demande, stimuler l'emploi par rapport à ce qu'il aurait été sans intervention, et nous avons ainsi maintenu le taux cible.
M. Pat Martin: C'était une excellente idée.
M. Malcolm Knight: Je crois qu'une telle approche atténue les cycles de production et d'emploi dans l'économie. L'an dernier, nous avons réduit le taux d'intérêt de 475 points de base. La conséquence: non seulement l'économie canadienne n'a pas connu de récession, mais elle a affiché un rendement relativement bon en matière d'emploi dans des circonstances difficiles. Cette année, bien que nous ayons haussé les taux d'intérêt à trois reprises, ces taux demeurent bas. Comment cela affecte-t-il l'emploi? Jusqu'ici, l'économie a enregistré cette année 427 000 nouveaux emplois, soit un taux de croissance annuel d'environ 3,8 p. 100. C'est assez vigoureux. Comme l'a dit le gouverneur, les débouchés plus nombreux ont incité les travailleurs qui étaient peut-être découragés par des conditions économiques faibles à réintégrer le marché de travail de sorte que, en dépit d'une forte croissance de l'emploi, le taux de chômage que l'on mesure a en fait grimpé d'un dixième de un pour cent le mois dernier.
M. Pat Martin: Parce qu'il y a plus de gens qui cherchent de l'emploi.
M. Malcolm Knight: Mais notre politique monétaire se veut, je crois, une force stabilisatrice, une politique offrant les meilleures perspectives possible de croissance à long terme de l'emploi et de conditions non inflationnistes.
M. Pat Martin: Êtes-vous d'accord pour dire qu'il existe suffisamment d'exemples pour réfuter la notion de taux de chômage à inflation stationnaire? Aux États-Unis, lorsqu'ils enregistrent des taux de chômage de 3 ou 4 p. 100, cela ne provoque pas de poussée inflationniste. Alors pourquoi nous laissons-nous encore guider par ce principe?
M. Malcolm Knight: Eh bien, je crois, que si l'on atteignait les 3 p. 100 aux États...
¼ (1815)
M. Pat Martin: Nous avons un taux de 4 p. 100 au Manitoba, et nous ne constatons pas de montée soudaine de l'inflation, ni à l'échelle locale, ni à l'échelle nationale. En fait, c'est une situation fantastique. Il serait déplorable que l'on hausse les taux d'intérêt parce que nous avons atteint les 3 ou 4 p. 100 de chômage. Nous devrions plutôt célébrer une telle réalisation. Si l'inflation n'augmente pas, peut-être faut-il conclure que le TCIS n'est qu'un mythe et que ce mythe vient d'être détruit.
M. Malcolm Knight: Il est très important de faire tout en notre pouvoir pour améliorer la structure des marchés du travail de façon à réduire le chômage de frottement et les autres formes de chômage. Mais étant donné la structure actuelle du marché du travail, des pressions inflationnistes peuvent s'exercer. Il nous faut donc gérer notre politique de façon à atteindre un point d'équilibre dans le marché du travail, qui n'engendrera ni augmentation des coûts, ni augmentation des prix. Étant donné cet objectif, qui est très important dans la définition d'une politique macro-économique, les facteurs structurels dont vous parlez visant à améliorer le rendement du marché du travail sont de la plus haute importance.
M. Pat Martin: J'ai une dernière question. Jusqu'à très récemment, Arthur Andersen assurait la vérification des états de la Banque du Canada. Lorsque nous avons demandé au ministre des Finances s'il était disposé à changer cela, étant donné que bien des gens et de nombreuses grandes entreprises se sont débarrassés d'Arthur Andersen comme vérificateurs aux États-Unis, il a répondu qu'il n'avait pas l'intention de le faire, en raison d'un contrat de cinq ans signé avec cette entreprise. Arthur Andersen et Deloitte & Touche ont fusionné, si je ne m'abuse, en tout cas au Canada. Pourriez-vous nous dire qui fait la vérification des états de la Banque du Canada?
M. David Dodge: Comme vous le savez, nous faisons affaire avec deux vérificateurs. Deloitte est le deuxième vérificateur, ayant remplacé Arthur Andersen.
M. Pat Martin: Est-ce que vous faites affaire avec les mêmes personnes? Les mêmes acteurs? Est-ce que, à la suite de la fusion, vos dossiers ont été confiés à différentes personnes?
M. David Dodge: Oui.
M. Pat Martin: Je vous remercie.
La présidente: Merci beaucoup.
Encore une fois, je m'excuse du retard. La Chambre procède ainsi parfois. C'est pourquoi je vous suis reconnaissante d'avoir réorganisé votre agenda pour rester avec nous plus tard dans la soirée que vous ne l'aviez prévu au départ, et, ainsi, permettre aux membres du comité de se joindre à nous.
Je veux également remercier les membres du comité d'être restés et d'avoir essayé de réorganiser leur calendrier en fonction de celui de la Chambre et des autres réunions.
Alors, merci infiniment, et au plaisir de vous revoir au printemps.
M. David Dodge: Je vous remercie, madame la présidente.
La présidente: La séance est levée.