Bonjour à tous. Je vous remercie d'être venus à Toronto un vendredi matin. Bien sûr, il fait beau, et nous espérons qu'après avoir terminé vos travaux ici, vous bénéficierez d'un temps idéal pour le week-end.
Je suis directrice générale de la Writers Guild. Notre organisation est heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant le Comité permanent du patrimoine canadien dans le contexte de son étude du rôle de la CBC en tant que diffuseur public au XXIe siècle.
Je suis accompagnée de mes collègues de la Writers Guild, Rebecca Schechter, présidente, et Kelly Lynn Ashton, directrice, recherche, industrie et politique.
Pour ceux d'entre vous qui ne nous connaissent pas, la WGC est une association nationale qui représente plus de 1 800 scénaristes professionnels oeuvrant dans le domaine de la production télévisuelle, radiophonique et numérique de langue anglaise. La série dramatique typiquement canadienne Little Mosque on the Prairie, tout comme le film primé Human Cargo, présenté dans le cadre de Movies of the Week, ont été créés par des membres de la WGC.
Permettez-moi d'apporter une précision car il est possible qu'il y ait confusion. Notre association diffère de la Writers' Union, dont les porte-parole sont assises à côté de nous, car celles-ci représentent les auteurs de livres alors que nous représentons les auteurs de scénarios portés à l'écran.
Dans la liste des thèmes et des questions soumises par le comité, vous soulevez de nombreux enjeux dont nous pourrions discuter toute la journée ou même plus. Toutefois, nous souhaitons nous attacher à quelques thèmes seulement: premièrement, l'instabilité financière de la CBC et son incidence sur sa capacité de s'acquitter de son mandat, y compris, plus précisément, les répercussions sur les séries dramatiques; deuxièmement, les défis et les possibilités des plateformes numériques; et, troisièmement, comment des changements à la structure de gouvernance pourraient avoir des répercussions positives pour la CBC.
La CBC s'acquitte-t-elle de son mandat et dispose-t-elle d'un financement suffisant pour le faire? La Writers Guild ne voit aucune raison de modifier le mandat proprement dit de la CBC, tel qu'il est établi dans la Loi sur la radiodiffusion. Cette dernière définit clairement les objectifs de la CBC en tant que diffuseur public du Canada. Toutefois, la capacité de la CBC de s'acquitter de son mandat a été sérieusement affaiblie par un financement anémique.
Au fil des ans, le crédit parlementaire de la CBC a fait l'objet d'importantes compressions budgétaires. Pour contrer cette baisse de financement, la CBC s'est vue accorder une enveloppe garantie du Fonds canadien de télévision (FCT), mais il convient de garder à l'esprit que le FCT est un fonds destiné aux producteurs. Il permet à la CBC de produire sous licence des émissions, à l'instar des autres diffuseurs, au lieu de financer la totalité de ses coûts de production, car la société n'a manifestement pas l'argent pour le faire. Toute réduction de l'enveloppe du FCT empêcherait les producteurs de financer leurs productions par l'entremise de la CBC, et la CBC serait incapable d'absorber ce manque à gagner.
La CBC est l'un des diffuseurs publics qui reçoit le moins de financement par habitant dans le monde industrialisé. L'an dernier, la CBC a reçu du gouvernement 33 $ par habitant; la BBC en a reçu 116 $. La BBC reçoit non seulement beaucoup plus que la CBC, mais elle bénéficie aussi d'un financement stable pour une période de six ans, alors que la CBC dépend de crédits approuvés tous les ans. Nous utilisons la BBC comme étalon de comparaison car cette société britannique est reconnue internationalement comme le meilleur diffuseur public du monde aux plans de la qualité et de la quantité.
Becky.
La CBC a besoin d'un financement suffisant, stable et permanent si elle veut avoir le moindre espoir de remplir son mandat, c'est-à-dire d'être un réseau distinctement canadien, de refléter les régions, de contribuer à l'expression culturelle, à l'identité et à la conscience nationale, et de représenter la nature multiculturelle et multiraciale du Canada.
Seul un budget de base permanent peut permettre à la CBC de planifier l'avenir sur le plan du développement, de la production et de l'infrastructure, sans même parler de la nécessité de saisir les nouvelles possibilités lorsqu'elles se présentent. Par exemple, il faut habituellement plusieurs années pour élaborer et produire une série de dramatiques diffusée par épisode. L'émission pilote de Little Mosque on the Prairie a été commandée en juin 2004, produite en juin 2006 et diffusée en janvier 2007.
L'incertitude financière empêche la CBC de donner suite à de nombreux projets de séries télévisées parce que la société ignore si elle aura l'argent nécessaire pour produire les émissions quand elles seront prêtes. Elle n'a pas non plus les fonds nécessaires pour mener de front de nombreux projets. Les radiodiffuseurs américains dotés de gros moyens financiers savent qu'ils doivent élaborer de nombreux projets pour, en bout de ligne, produire seulement les meilleurs, s'assurant ainsi de plus grandes chances de séduire l'auditoire. Au Canada, les radiodiffuseurs, et en particulier la CBC, n'ont pas un ratio projet/production très élevé au chapitre des séries dramatiques.
Un financement suffisant pourrait avoir de nombreuses répercussions positives sur les émissions de la CBC et sa santé globale. Si elle avait suffisamment d'argent, la CBC pourrait retourner à son niveau antérieur à 1999 quant à la production de dramatiques d'une heure, qui était autrefois la pierre angulaire de la grille horaire. En 1999, la CBC a commandé six dramatiques d'une heure pour un total de 79 épisodes, soit 79 heures de télévision. En 2006, la CBC ne produisait plus que deux dramatiques d'une heure, pour un total de seulement 26 épisodes. Cela représente une baisse assez renversante de 66 p. 100 sur sept ans.
Les Canadiens ont démontré à maintes reprises que leur format d'émission favori est la dramatique d'une heure. Dans une récente liste BBM des 30 émissions les plus regardées au Canada, 19 étaient des dramatiques d'une heure, en dépit du fait que l'émission culte American Idol et plusieurs parties de hockey très palpitantes ont été diffusées durant cette période. Il y aura toujours place pour des émissions de variétés et sportives, mais les dramatiques d'une heure, comme les émissions américaines Grey's Anatomy ou House, constituent pour la plupart des gens le principal attrait de la télévision.
Si l'on veut que des dramatiques canadiennes d'une heure fassent partie des 30 émissions les plus suivies, il faut absolument qu'un nombre suffisant de séries soient produites avec des budgets convenables, qu'elles soient diffusées dans un créneau horaire constant et privilégié et qu'elles bénéficient d'une promotion suffisante.
La série Intelligence, réalisée par la CBC, a été acclamée par la critique, mais elle n'a pas pu rejoindre un auditoire important parce qu'elle devait concurrencer l'émission House, qui a une très forte réputation, qui bénéficie d'un budget de production énorme et qui, comme toutes les émissions de télévision américaines, fait l'objet d'une promotion forcenée et sans relâche. De plus, Intelligence n'a pas eu de résonnance parce que l'émission n'a eu que 13 épisodes pour fidéliser son auditoire. Les séries américaines ont entre 20 et 24 épisodes chaque saison, ce qui leur donne amplement le temps d'augmenter et de fidéliser leur auditoire.
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Durant l'étude faite par le comité, certains se sont demandés s'il faut modifier la Loi sur la radiodiffusion pour ajouter au mandat de la CBC le contenu et la diffusion numériques, ou même si la société devrait être présente dans ce secteur d'activités. Comme M. Rabinovitch l'a dit au comité, « En fin de compte, c'est le contenu qui compte », et non pas le mode de diffusion; autrement dit, le mandat de la CBC est de créer un contenu qui répond aux besoins des régions et reflète le Canada. Le mandat ne comporte aucune limite quant à la manière dont le contenu doit être diffusé ou quant au format dans lequel il doit être produit.
La CBC doit être compétitive face aux autres radiodiffuseurs qui lui font concurrence et elle a l'obligation, à titre de radiodiffuseur public, d'explorer les limites du contenu et de la diffusion numériques dans le cadre de l'expression et des échanges culturels. Cela veut dire distribuer des signaux de télévision en utilisant toutes les plateformes disponibles, y compris le numérique, et donner accès au catalogue des émissions archivées au moyen de la distribution numérique. Bien que le ministère du Patrimoine soutient le coût de la numérisation du contenu ancien, il subsiste le problème des droits d'utilisation du talent et la CBC a besoin d'un budget pour absorber ce coût.
Pour entrer dans l'ère numérique, il faut aussi rejoindre l'auditoire en offrant un contenu additionnel pour conserver l'adhésion des téléspectateurs entre les épisodes ou les saisons, leur offrir une information supplémentaire, des histoires complémentaires ou de nouveaux personnages, et leur donner le moyen d'interagir avec le monde que l'émission a créé. On sait qu'il existe une nouvelle terminologie qui s'enrichit sans cesse: webisodes, mobisodes, mangasodes, télévision interactive, histoires interactives, ITV, etc.
Il est rare que la CBC paye pour du contenu numérique additionnel en augmentant le montant des droits de licence payés aux producteurs qui commandent les oeuvres aux scénaristes. Il est absolument répréhensible de demander aux scénaristes et autres artistes de subventionner la CBC en travaillant gratuitement, et il est scandaleux que notre radiodiffuseur public adopte une telle position en tentant de la faire paraître raisonnable. Pour rester dans la course dans l'univers numérique, la solution ne consiste pas à arracher du travail gratuit aux artistes, comme les scénaristes, ou à refuser de payer des droits d'utilisation du talent. Au lieu de cela, la CBC a besoin d'un budget suffisant pour tirer parti des nouveaux débouchés qu'offrent les plateformes numériques, faute de quoi la société verra son auditoire rétrécir encore davantage et cessera d'être pertinente.
La CBC doit aussi mettre à niveau son infrastructure pour la diffusion numérique et en haute définition. Aux États-Unis, la FCC a ordonné le passage du signal analogique au signal numérique en février 2009, ce qui veut dire que les radiodiffuseurs américains diffuseront seulement des signaux numériques après cette date. Cela englobe la capacité de diffuser en haute définition, qui aura un taux de pénétration plus élevé à mesure que les ménages se convertiront au numérique.
À l'inverse, la CBC a déclaré qu'il lui faut encore dix ans avant d'être compétitive pour la production et la radiodiffusion numériques et en haute définition. Cela coûte cher de produire en HD, d'obtenir les droits d'émissions en format HD et de diffuser en HD. Inévitablement, les consommateurs qui auront acheté des téléviseurs HD passeront aux canaux américains qui diffusent des émissions en HD s'ils ne peuvent pas obtenir ce qu'ils veulent de la CBC. Il faut un budget supplémentaire pour la HD et le numérique si l'on veut que la CBC demeure concurrentielle.
À titre de radiodiffuseur public, la CBC doit refléter la diversité des voix canadiennes. Nous croyons que la CBC atteint le mieux cet objectif quand elle offre au public un grand éventail de choix: émissions historiques, émissions des arts de la scène, comédies, dramatiques régionales, sports professionnels et bulletins de nouvelles locales. Tout cela intéresse les Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Si ces émissions ne sont pas diffusées à la CBC, dans bien des cas, elles ne seront diffusées nulle part ailleurs. C'est pourquoi nous avons choisi d'avoir un radiodiffuseur public, mais à cause de l'insuffisance de son budget, la CBC doit compter trop fortement sur les revenus publicitaires et sacrifier de nombreuses émissions valables sur l'autel des cotes d'écoute.
En outre, c'est seulement en étant un réseau distinctif que la CBC peut espérer soutirer des téléspectateurs aux autres radiodiffuseurs. Quel que soit l'angle sous lequel on envisage la question, la CBC rivalise avec tous les autres radiodiffuseurs pour capter l'attention des téléspectateurs. L'auditoire de la CBC diminue constamment depuis 1993. Si cette baisse s'explique en partie par la croissance des canaux spécialisés, il n'en demeure pas moins que la CBC a perdu la moitié de sa clientèle depuis 1993, tandis que les réseaux conventionnels privés n'en ont perdu qu'un sixième. Quand un auditoire migre vers un autre canal, il faut du temps et beaucoup d'émissions pour recouvrer la confiance et la loyauté de ces téléspectateurs. La CBC s'oriente graduellement dans la bonne direction avec des émissions comme Little Mosque on the Prairie, mais cette dramatique représente seulement une série d'épisodes d'une demi-heure dans toute la grille horaire. Il faut déployer davantage d'efforts pour attirer et conserver un auditoire.
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La CBC devrait offrir des émissions distinctives s'insérant dans un créneau particulier afin d'attirer cet auditoire, mais il est irréaliste de dire que la CBC devrait se retirer complètement du secteur de la publicité et des cotes d'écoute et laisser ce domaine entièrement aux radiodiffuseurs privés. Nous sommes convaincus qu'il y a place à la CBC pour des annonces publicitaires et pour des émissions ayant de bonnes cotes d'écoute, mais ni les unes ni les autres ne devraient être le principal motif des décisions en matière de programmation.
Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, nous craignons que la CBC ait accordé trop d'importance aux émissions de variétés et à la diffusion de galas à cause de sa trop grande dépendance envers les revenus publicitaires. La société a été obligée de le faire à cause de l'érosion du financement gouvernemental au fil des années. L'un des risques de cette stratégie dans un marché de plus en plus compétitif, c'est que la CBC peut perdre la diffusion de grands événements, comme elle a perdu les Jeux olympiques de Vancouver, au profit des radiodiffuseurs privés ayant de plus gros moyens financiers. Le secteur de la radiodiffusion tout entier s'inquiétait des conséquences pour la CBC et la télévision canadienne si le réseau CBC ne réussissait pas à renouveler son entente avec la LNH. Si nous pouvons maintenant pousser un soupir de soulagement, nous ne devrions pas relâcher notre vigilance. La dépendance extrême envers un seul contrat privé rend la situation intrinsèquement instable.
La CBC doit être en mesure de poursuivre sa marche, peu importe quels grands événements elle réussit à obtenir ou auxquels elle doit renoncer. Cela ne peut arriver que si les revenus publicitaires sont le glaçage sur le gâteau, le gâteau étant la partie du budget de la CBC correspondant à un financement gouvernemental stable et prévisible.
Les sports peuvent et doivent être un élément d'une grille horaire intégrée. En fait, nous croyons que l'émission Hockey Night in Canada doit appartenir à la CBC à tout prix, parce qu'elle attire un auditoire vers notre radiodiffuseur public, elle attire des revenus publicitaires considérables et, très franchement, parce que le hockey est notre obsession nationale. Les sports professionnels, les bulletins de nouvelles locales et nationales, les séries dramatiques faisant l'objet d'une bonne promotion, les comédies, les émissions spéciales — tout cela attire des téléspectateurs vers la CBC et draine un auditoire vers d'autres émissions de la grille horaire s'adressant à un moins vaste public.
L'émission Little Mosque On the Prairie est encore un exemple de ce que la CBC serait en mesure de faire sur une plus grande échelle si elle avait plus d'argent. Cette émission a fait l'objet d'un battage publicitaire intense à la CBC avant sa diffusion, notamment par des annonces insérées dans l'émission Hockey Night In Canada, garantissant ainsi que l'on rejoignait un vaste auditoire. La CBC a aussi consacré un montant considérable de son budget de publicité à Little Mosque, placardant des affiches partout dans les grandes villes et réussissant un mémorable coup publicitaire en faisant défiler des chameaux et en distribuant gratuitement des falafels au centre-ville de Toronto.
Résultat: Le premier épisode a été regardé par un nombre record de 2,1 millions de téléspectateurs. En moyenne, la série a attiré un auditoire de 1,2 million de téléspectateurs durant ses huit épisodes, ce qui la place sur un pied d'égalité avec des séries américaines comme Lost et Criminal Minds. Malheureusement, à cause des compressions budgétaires à la CBC, la priorité accordée à l'émission Little Mosque a eu aussi un autre résultat: l'absence de promotion pour d'autres séries valables.
Oui, nous voulons de davantage de dramatiques à la CBC. Est-ce à dire que ce volet devrait être le seul foyer du contenu canadien? Nous ne le pensons pas. Cette idée a déjà été avancée dans le passé et, plus récemment, devant votre comité. En ce qui nous concerne, c'est une idée mort-née. La population canadienne ne serait pas bien servie si la CBC devenait le seul foyer de la programmation canadienne. Déjà, dans la foulée de la consolidation survenue dans le secteur privé, notamment l'acquisition récente de CHUM par CTVglobemedia, les Canadiens ont vu la diversité des voix dans le secteur de la radiodiffusion diminuer sensiblement. Si la CBC était le seul foyer du contenu canadien, nous n'aurions plus trois véhicules pour exprimer nos voix, mais un seul. Il y aurait moins de maisons de programmation à courtiser, l'éventail des idées diffusées serait réduit et on développerait un bassin de talents beaucoup plus petit. Cela n'est pas dans l'intérêt public. De plus, on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde un modèle analogue qui soit un succès.
En outre, les radiodiffuseurs privés doivent s'acquitter de leurs obligations en matière de contenu canadien en contrepartie de leurs privilèges de diffusion simultanée, de la distribution prioritaire et d'une foule d'autres mesures de protection que leur accorde le CRTC pour les soustraire à la concurrence des diffuseurs américains. Les diffuseurs privés ont un rôle à jouer à l'égard d'un système de radiodiffusion public car ils se servent des émissions américaines diffusées en simultané pour attirer les auditoires vers les émissions canadiennes. Les Canadiens ont appris l'existence de Little Mosque en regardant Hockey Night In Canada. Ils ont aussi fait la connaissance de Corner Gas, Degrassi et Robson Arms lorsque chacune de ces émissions s'est méritée le créneau horaire convoité qui suit l'émission American Idol à CTV.
Pour être dynamique, le système de radiodiffusion canadien doit pouvoir compter sur un équilibre entre les radiodiffuseurs privés ayant des obligations de contenu canadien mais en quête des meilleures cotes d'écoute, et un radiodiffuseur public doté d'un financement suffisant dont le principal objectif est la réalisation du mandat que lui confère la Loi sur la radiodiffusion. Ces deux volets ont besoin d'intervention et de soutien pour que le système de radiodiffusion canadien s'épanouisse face au marché américain, beaucoup plus gros et mieux financé.
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Il est difficile de parler du mandat sans aborder la question du budget de la CBC. La CBC soutient avoir un contrat avec le Parlement, soit la liste de ses obligations en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Le Parlement doit fournir à la CBC les ressources suffisantes pour s'acquitter de son travail, et c'est au conseil d'administration de la CBC et à l'équipe de gestion de s'occuper des dossiers spécifiques.
Voilà qui nous amène à la gouvernance. Nous ne nous attendons pas à ce que le Parlement autorise une hausse du crédit de la CBC en l'absence d'une gouvernance et d'une responsabilisation financière améliorées. Votre comité a reçu de nombreuses suggestions valables sur les moyens à prendre pour améliorer la structure de gouvernance de la CBC. Quels que soient les changements apportés, le conseil d'administration doit être un instrument de gestion plus efficace.
Les gestionnaires de la CBC, et particulièrement le président, doivent rendre des comptes au conseil d'administration plutôt qu'au ministère du Patrimoine canadien. C'est le modèle standard de gouvernance pour tout conseil d'administration, et c'est d'ailleurs celui qu'utilise le BBC Trust. Les membres du conseil d'administration devraient posséder les compétences et la disponibilité nécessaires pour assurer la surveillance des décisions de gestion de la CBC. Patrimoine Canada n'est pas outillé pour s'acquitter de cette tâche. Le conseil peut agir pour s'assurer que les plans de gestion, d'une part, correspondent au mandat et, d'autre part, constituent l'utilisation la plus judicieuse du financement disponible. Il lui incombe ensuite de faire rapport à Patrimoine Canada et au Parlement.
Cependant, pour ce faire, le conseil d'administration doit être composé de personnes ayant une expérience pertinente du domaine de la radiodiffusion, de la distribution, du développement et de la production. Ce n'est pas tout le monde qui possède les qualités requises pour siéger au conseil d'administration de la CBC.
Le BBC Trust exige de ses candidats qu'ils fassent la preuve de leur compréhension du système de radiodiffusion publique. À l'heure actuelle, le conseil d'administration de la CBC fonctionne en vase clos car il n'existe aucun mécanisme formel qui permette aux téléspectateurs ou aux autres intervenants de se faire entendre. En nous inspirant d'une autre leçon de la BBC, nous proposons que la CBC crée des conseils formels composés de représentants des régions et des divers intervenants, comme les écrivains, qui fourniraient régulièrement au conseil d'administration leurs impressions et leurs perspectives sur l'incidence de la CBC. S'il dispose des bons outils, le conseil d'administration de la CBC peut s'assurer que son financement, quel qu'en soit le niveau, soit au service de son mandat.
Nous sommes reconnaissants au comité permanent de son intérêt pour la CBC et sa capacité de s'acquitter de son mandat. Encore une fois, je vous remercie de nous avoir permis de vous communiquer notre perspective.
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Mon nom est Deborah Windsor, et je suis directrice générale de la Writers' Union of Canada. Je suis ravie d'être ici.
[Français]
Bonjour. Merci de me donner l'occasion de participer
[Traduction]
et de prendre part à l'étude qu'effectue le Comité permanent du patrimoine canadien au sujet du rôle de la CBC en tant que diffuseur public au XXIe siècle.
La Writers' Union of Canada est un syndicat qui a été fondé par les écrivains et pour les écrivains, en 1973. Il est devenu la voix nationale de près de 1 600 auteurs de livres de tous les genres littéraires. Il a pour mandat de promouvoir et de défendre les intérêts de ses membres créateurs et la liberté qu'ont tous les Canadiens d'écrire et de publier.
Afin de s'assurer que les Canadiens et Canadiennes puissent jouir de la programmation d'un radiodiffuseur viable et distinct sur le plan culturel en ce XXIe siècle, la Writers' Union of Canada exhorte le gouvernement du Canada à mettre en place une formule visant à fournir un financement accru et stable à la Société Radio-Canada/CBC de manière à ce qu'elle puisse offrir une programmation conforme à son mandat actuel, tel qu'il est énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion de 1991.
Nous encourageons le gouvernement à prendre les mesures appropriées pour stabiliser la politique en matière de radiodiffusion au Canada afin de garantir un financement stable, le respect de la diversité culturelle inhérente à notre souveraineté culturelle et l'existence continue d'une radiodiffusion publique sous toutes les formes comme option viable pour le public canadien.
Nous encourageons le gouvernement à fournir à la Société Radio-Canada/CBC un financement qui permette au radiodiffuseur public de notre pays de tirer parti des possibilités technologiques du XXIe siècle. Nous souhaitons qu'il multiplie ses efforts en vue de protéger les Canadiens de l'homogénéisation, de la détérioration et des options d'information étriquées qui découlent de la convergence des médias et de la propriété étrangère des médias.
La relation entre les écrivains de ce pays et son radiodiffuseur public, la CBC, existe pratiquement depuis la naissance de la radiodiffusion ici, en 1906. Au fil du temps, les écrivains canadiens et la CBC ont partagé une responsabilité inspirée et appréciée quant à l'expression du merveilleux, de la magie, de la diversité et de l'intégrité qui caractérisent la diversité culturelle de notre pays et son imposante géographie.
Ce mariage heureux entre les mondes de la radiodiffusion et de l'écriture a non seulement contribué à rendre célèbres de nombreux auteurs, notamment Pierre Berton, Morley Callahan, Margaret Atwood, Mavis Gallant, Gabrielle Roy et plusieurs autres, trop nombreux pour les mentionner tous, mais l'intégration de pièces de théâtre pour la radio, d'essais, de commentaires, de fiction et de poésie à la programmation quotidienne de la CBC a permis d'élargir les assises culturelles et artistiques des Canadiens et Canadiennes pendant plusieurs décennies.
La Writers' Union of Canada appuie le mandat de la CBC énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion de 1991. Nous sommes d'avis que les huit exigences figurant dans la loi représentent notre perspective collective quant à la meilleure façon de refléter avec succès les exigences en matière d'information et de culture dans notre pays. Toutefois, depuis quelques années, la Writers' Union of Canada s'inquiète des changements apportés à la programmation de la CBC qui ont pour effet de la détourner de son mandat.
Nous avons écrit des lettres aux dirigeants de la CBC et nous avons rencontré ses représentants pour leur faire part de notre inquiétude à l'égard de certains changements précis. Parmi ces changements, notons ce qui semble être une tendance générale à infuser à la programmation de la CBC des influences en matière de radiodiffusion provenant d'Internet, de diverses sources de radiodiffusion privées nationales et internationales et des avancées numériques en matière de télédiffusion, qui se traduisent par le dédoublement d'une programmation qui correspond mieux à ce que peuvent offrir les radiodiffuseurs du secteur privé.
Cette renonciation graduelle à l'égard du mandat de la CBC s'est traduite par une diminution considérable du contenu littéraire dans sa programmation. Cette réduction marquée dans la programmation d'émissions mettant en vedette des livres et des écrivains a eu des répercussions négatives sur l'industrie de l'édition au Canada. En tant qu'écrivains, nous ne croyons pas qu'un public plus jeune n'a aucun intérêt pour la culture ou la littérature. À notre avis, dans sa conquête d'un auditoire plus jeune, la CBC doit inclure dans sa programmation une dose équilibrée de culture littéraire.
Cette détérioration générale en matière de programmation peut être attribuée au manque de financement stable et adéquat, à une gestion de plus en plus floue qui repose sur l'incapacité d'harmoniser ou de clarifier les mandats de la radiodiffusion et les politiques en général. Sans oublier un engagement vacillant à l'égard des principes directeurs se rapportant à la propriété étrangère, à la convergence des médias et à la souveraineté culturelle, principes que le Canada défend depuis toujours afin de promouvoir la diversité culturelle et artistique du pays.
Nous vous avons soumis un mémoire dans lequel nous examinons ces éléments interdépendants de la politique et de la programmation actuelle et future de la CBC, tout en présentant une série de recommandations.
La Writers' Union of Canada estime que Radio Canada/CBC a un rôle vital à jouer dans la communauté culturelle du Canada à l'aube du XXIe siècle, un rôle clairement défini par le mandat qu'elle a reçu dans la Loi sur la radiodiffusion de 1991.
Typiquement canadienne par nature, tant sur le plan culturel, historique et artistique, la programmation de Radio-Canada/CBC s'est détériorée au cours des dernières années en raison d'un manque de financement stable et approprié. En conséquence, le mandat de cette institution qui nous est chère a été victime de mesures d'austérité irréalistes et à courte vue, et des approches ambivalentes du gouvernement à l'égard d'enjeux comme la convergence des médias. Pour renverser cette détérioration, la Writers' Union of Canada présente respectueusement les recommandations suivantes:
Que le gouvernement du Canada mette immédiatement en place une formule visant à fournir un financement accru et stable à la Société Radio-Canada/CBC de manière à ce qu'elle puisse offrir une programmation conforme à son mandat actuel afin que les auditeurs de radio canadiens aient le choix d'écouter un radiodiffuseur public spécifiquement canadien.
Deuxièmement, que le gouvernement du Canada prenne les mesures appropriées pour stabiliser la politique en matière de radiodiffusion au Canada afin de garantir un financement stable et l'adhésion à une diversité culturelle inhérente à notre souveraineté culturelle.
Troisièmement, que le gouvernement du Canada fournisse un financement supplémentaire à la Société Radio-Canada/CBC pour s'assurer que le radiodiffuseur public puisse tirer parti de débouchés liés aux avancées technologiques du XXIe siècle.
Quatrièmement, que le gouvernement du Canada redouble d'effort afin de protéger les Canadiens et Canadiennes de l'homogénéisation, de la détérioration et des options d'information étriquées qui découlent de la convergence des médias et de la propriété étrangère des médias.
C'est en toute déférence que je vous présente ce court exposé. Vous avez le mémoire long.
Merci beaucoup.
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Bien sûr, c'est vrai. Je suis de la Nouvelle-Écosse, et ma famille est acadienne.
[Traduction]
C'est seulement très récemment que l'on a vraiment reconnu l'expulsion des Acadiens. Ce sont nos histoires à nous — les histoires des Acadiens, les histoires des franco-ontariens et les histoires qui se passent à Whitehorse, au Yukon. C'est ce que nous sommes. Cela fait partie de notre identité.
Nous sommes aussi un pays multiculturel où viennent vivre des gens qui amènent avec eux de merveilleuses histoires de leur pays d'origine, et cela fait également partie de ce que nous sommes.
Malheureusement, nous sommes un pays immense. Notre territoire est immense, mais nous avons à notre frontière une population extrêmement nombreuse et dense qui parle aussi l'anglais. Cela place le Canada dans une situation unique au monde, en ce sens que nous avons un très important producteur de contenu en langue anglaise, qui est également la principale langue du Canada, producteur avec lequel nous sommes constamment en lutte, alors même que si vous allez aux États-Unis et rencontrez des gens dans les divers festivals, vous constaterez que les livres canadiens, d'auteurs francophones comme Antonine Maillet ou Gabrielle Roy ou encore de Margaret Atwood, sont très en demande. Le caractère unique de notre culture est reconnu, mais la présence juste au sud de notre frontière de cet immense pays constitue pour nous un défi extrêmement difficile.
En plus de cela, nous avons gagné de très nombreux prix internationaux. Nous avons actuellement trois écrivains en lice pour le prix Man Booker. Nous sommes reconnus à l'étranger et nous devons continuer d'investir dans notre réputation à l'étranger, ce qui générera de nouveaux revenus pour le Canada tout en nous permettant de nous tremper dans notre propre culture.
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Pour répondre à votre première question, je trouve qu'il est absurde de supposer que la CBC pourra se passer de revenus publicitaires; le radiodiffuseur public ne peut absolument pas survivre sans revenus publicitaires. Dans un monde idéal, oui, ce serait une excellente idée, mais ce n'est pas réaliste. Je pense que ce que nous essayons de faire, c'est de rendre la CBC meilleure en tenant compte des limites du possible et le revenu publicitaire est donc essentiel.
Hockey Night in Canada est absolument essentielle. Je viens d'une petite ville du nord. J'y suis allée pour visiter ma famille, et devinez ce que l'on fait le samedi soir? On regarde le match de hockey. Cela dirige les gens vers la CBC, où ils peuvent voir une bande annonce de l'émission Little Mosque on the Prairie diffusée le mardi soir, et ils se disent alors: je pourrais peut-être regarder cette émission. J'ai été vraiment été très inquiète quand on a évoqué la possibilité que la CBC ne soit peut-être plus en mesure de se permettre Hockey Night in Canada, parce que j'ai pensé que ce serait la fin du radiodiffuseur public.
Nous devons donc faire en sorte que le radiodiffuseur public ait assez d'argent pour arracher à ses concurrents des éléments clés de la grille horaire. Il doit être compétitif et pour qu'il le soit, nous devons veiller à ce que les crédits parlementaires soient suffisants.
Pour ce qui est de se retirer du domaine de l'Internet et de tout le reste, je dirais non. Une telle décision décimerait purement et simplement toute la base régionale du radiodiffuseur public et ce ne serait pas une bonne idée. Nous comprenons le point de vue des diffuseurs privés, mais ils servent un auditoire très différent, un auditoire pour lequel nos membres aiment écrire également. Je ne comprends pas qu'ils aient la mesquinerie de vouloir empêcher la CBC d'avoir des revenus publicitaires. Vous savez, les privés s'en tirent très bien; le réseau CTV est maintenant le diffuseur des Olympiques. Il y en a assez à partager pour tout le monde. À notre avis, il est essentiel que la CBC diffuse un éventail d'émissions diversifiées pour attirer et conserver un auditoire.
Pour ce qui est des obligations des diffuseurs privés, je tiens à réitérer aujourd'hui un argument que nous avons entendu tellement de fois dans la bouche de M. Manera quand il était à la CBC. Nous avons évidemment suivi son intervention et nous avons épluché son mémoire. Cette idée voulant que la CBC soit le seul foyer de contenu canadien, ce serait le pire scénario possible pour la communauté des créateurs et aussi, je pense, pour les auditoires canadiens et pour toute notre industrie. Je ne saurais trop insister là-dessus. Je pourrais vous donner des arguments d'ordre financier et nous allons d'ailleurs le faire, mais pas aujourd'hui.
Charlie, vous avez donné des chiffres.
Mais pour ce qui est du potentiel de création, dont Rebecca a déjà touché un mot, il est impossible d'avoir un secteur viable s'il n'y a qu'un seul radiodiffuseur, un seul canal vers lequel convergent tous les créateurs. Si vous savez comment fonctionne la CBC, vous savez qu'on y trouve des cadres chargés de la production et d'autres du développement. Ils ne sont pas nombreux; il y a à peu près quatre personnes à la CBC qui prennent toutes les décisions en matière de création. Cela veut dire que quatre personnes au Canada décident du contenu canadien qui sera diffusé. C'est inacceptable pour moi, à titre de citoyenne, et je ne peux pas croire que ce soit acceptable pour quiconque.
Par ailleurs, les radiodiffuseurs privés ont autre chose à apporter. Comme les gens de CTV nous l'ont dit bien souvent, ce qu'ils recherchent, c'est l'approche du grand chapiteau. Nos membres veulent travailler pour CTV; ils veulent travailler pour Global. Ce sont des émissions d'un type différent. Les dames de chez Global nous ont dit qu'elles veulent faire des émissions pour les jeunes. Falcon Beach est écrite par nos membres.
Cela permet aux créateurs de talent d'écrire des textes différents, à des voix différentes de s'exprimer, et cela garantit qu'il y a suffisamment de débouchés pour faire croître un bassin limité de gens de talent. Le bassin n'est pas immense; nous ne sommes pas très nombreux, mais il nous faut de la diversité. Et, à l'heure actuelle, il n'y a vraiment que trois radiodiffuseurs auxquels nous pouvons nous adresser. Si l'acquisition de CHUM par CTVglobemedia va de l'avant, nous aurons perdu un autre radiodiffuseur. Le réseau Space a fait beaucoup d'émissions originales, faisant appel à des scénaristes, des réalisateurs, des acteurs et des producteurs. Ce n'est peut-être pas à votre goût, mais cela existe, c'est disponible.
Je ne dirai jamais trop catégoriquement à quel point c'est une idée stupide et j'espère vraiment nous ne gaspillerons pas d'énergie à poursuivre cette chimère.
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Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Pamela Brand. Je suis directrice générale et chef de la direction de la Guilde canadienne des réalisateurs.
Je suis accompagnée aujourd'hui de Monique Lafontaine, qui est avocate générale et directrice aux affaires réglementaires de la Guilde.
Nous sommes très heureuses d'être ici aujourd'hui pour discuter du mandat de CBC/Radio-Canada. C'est une question très importante pour les Canadiens d'un bout à l'autre du pays et surtout pour nos membres.
Depuis sa création, la CBC a joué un rôle essentiel en présentant aux Canadiens des histoires canadiennes. Le réseau contribue à notre sentiment d'appartenance et permet la tenue d'un dialogue national sur les questions qui sont pertinentes pour tous les Canadiens. Beaucoup de nos membres ont travaillé et continuent de travailler à des productions diffusées par la CBC. Cela comprend des émissions comme Little Mosque on the Prairie, Intelligence, Prairie Giant: The Tommy Douglas Story, Da Vinci's Inquest et beaucoup d'autres. Sans aucun doute, la CBC est la première institution culturelle de notre pays.
Dans notre intervention d'aujourd'hui, nous voulons aborder les recommandations clés formulées dans notre mémoire écrit. Nous allons commencer par traiter du rôle essentiel que joue la CBC dans le paysage de la radiodiffusion au Canada.
La CBC est un élément essentiel du réseau canadien de radiodiffusion. CBC est le champion du contenu canadien et constitue une fenêtre importante pour la diffusion d'émissions canadiennes aux heures de grande écoute. C'est grâce à l'innovation de la CBC que nous avons eu l'occasion de voir des émissions canadiennes de grande qualité comme The Beachcombers, Da Vinci's Inquest, The Newsroom, This Hour Has 22 Minutes, les deux mini-séries sur Trudeau, Canada Russia '72 et Shania: A Life in Eight Albums, pour n'en nommer que quelques-unes. Plusieurs de ces émissions ont fait de longues carrières à la télévision et des contrats de licence ont été conclus pour leur diffusion dans de nombreux pays du monde.
Appuyer la création et la diffusion d'émissions canadiennes est un élément clé du plan d'activité de la CBC. Nulle part ailleurs dans l'univers de la télévision, on accorde un soutien aussi solide aux émissions canadiennes. Cela a été confirmé le mois dernier quand le CRTC a publié les renseignements financiers les plus récents sur les radiodiffuseurs conventionnels privés. Ces chiffres montrent que ces derniers ont réduit de 25 p. 100 leurs dépenses consacrées aux dramatiques canadiennes, qui sont passées de 48 millions de dollars par année à la maigre somme de 36 millions de dollars, alors que ces mêmes radiodiffuseurs ont augmenté leurs dépenses consacrées au contenu étranger de 69 millions de dollars, soit près du double du budget total consacré aux dramatiques canadiennes.
Compte tenu de cette réalité et de la valeur monétaire du marché télévisuel canadien, il est essentiel, si nous voulons pouvoir raconter des histoires canadiennes à la télévision, de bénéficier dans notre pays d'un solide service de radiodiffusion publique. À l'époque où l'on assiste à la consolidation des compagnies médiatiques, à la prolifération des services de radiodiffusion et au lancement de nombreuses nouvelles plateformes, il est plus important que jamais que le Canada dispose d'un solide radiodiffuseur public. Cela permettra aux Canadiens de continuer d'avoir accès à des émissions canadiennes dans lesquelles ils se reconnaissent dans ce nouvel environnement télévisuel.
Monique Lafontaine va maintenant vous parler du financement de la CBC.
Bonjour.
[Traduction]
Comme vous l'avez sûrement entendu dire souvent durant vos travaux — en fait, deux fois déjà ce matin —, le plus grave problème qui se pose à la CBC est le niveau de financement que la société reçoit. Si cette question revient constamment, c'est que c'est vraiment crucial pour la CBC.
Au cours des 12 dernières années, notre radiodiffuseur public a subi des réductions draconiennes de son budget. Au milieu des années 1990, les crédits budgétaires du gouvernement ont diminué de près de 400 millions de dollars. Bien qu'il y ait eu depuis de petites augmentations, le budget n'a pas encore été rétabli entièrement.
À l'heure actuelle, CBC/Radio-Canada reçoit environ 930 millions de dollars du gouvernement fédéral. Cela peut sembler beaucoup d'argent. Cependant, quand on considère le mandat très étendu de la Société, probablement le plus vaste de tous les radiodiffuseurs publics du monde entier, et compte tenu de l'immensité du territoire à servir — CBC/Radio-Canada couvre cinq fuseaux horaires et demi — et du nombre de services de radiodiffusion offerts, dix services de radio ou d'audio, huit chaînes de télévision diffusées sur diverses plateformes en anglais et en français, ainsi que deux sites Web complets, quand on considère tout cela, il devient clair que le niveau de financement n'est pas suffisant.
De plus, le financement gouvernemental accordé à CBC/Radio-Canada est très limité en comparaison de celui d'autres radiodiffuseurs publics ailleurs dans le monde. Une étude récente montre que le Canada se place tout près du bas de la liste de 18 pays, la CBC recevant 33 $ par habitant. La Suisse et la Norvège sont en tête de liste avec 154 $ et 147 $, respectivement. La BBC, l'un des plus grands radiodiffuseurs publics du monde, reçoit environ 124 $ par habitant et a un budget d'environ sept milliards de dollars.
Il faut noter qu'il n'en coûte pas moins cher de produire une heure d'émissions canadiennes de grande qualité au Canada qu'ailleurs dans le monde, notamment en Grande-Bretagne. Pour que la CBC puisse remplir son mandat et être un chef de file en matière d'émissions, il est essentiel que la Société reçoive le plus tôt possible un financement accru et stable du gouvernement fédéral.
Ces dernières années, à cause du déclin du financement public, CBC/Radio-Canada a dû compter davantage sur d'autres sources de revenu, en particulier la vente de publicité. En 2005-2006, plus de 50 p. 100 des revenus du réseau de télévision en langue anglaise de la CBC provenaient de sources commerciales. M. Rabinovitch lui-même a demandé si ce service peut prétendre au titre de radiodiffuseur public alors que plus de 50 p. 100 de ses revenus viennent de sources commerciales.
La dépendance envers les revenus commerciaux a inévitablement des conséquences sur les émissions. Les cadres supérieurs de la CBC cherchent à diffuser un contenu plus populaire. Ils accordent aussi une grande importance aux cotes d'écoute au moment de prendre leurs décisions. Il est vrai que les cotes d'écoute sont pertinentes pour n'importe quel radiodiffuseur, mais elles ne devraient pas être la préoccupation primordiale d'un radiodiffuseur public. La CBC devrait s'efforcer de mettre au point une image de marque reconnaissable et d'engager les Canadiens dans un dialogue national. Elle ne devrait pas être obnubilée par les cotes d'écoute.
Pour que la CBC puisse mieux remplir son mandat de service public et se concentrer davantage sur des émissions canadiennes novatrices, elle devrait se défaire de sa dépendance envers les revenus commerciaux. Bien sûr, nous disons que cela ne doit se faire que dans un scénario où les crédits du gouvernement sont augmentés.
Je passe maintenant au mandat. Du point de vue de la Guilde, CBC/Radio-Canada remplit à plusieurs égards son mandat de service public. Les services de radio sont supérieurs pour ce qui est de rejoindre leurs auditoires, le réseau de télévision en langue française de Radio-Canada s'est repositionné avec succès et le radiodiffuseur public a une solide présence sur l'Internet en anglais et en français. Il s'aventure également dans de nouveaux domaines, comme la baladodiffusion et la radio numérique.
Bien que CBC/Radio-Canada réussisse à faire un travail remarquable pour remplir son mandat de service public compte tenu des ressources limitées dont elle dispose, il y a néanmoins place à l'amélioration. Plus précisément, le service qui est le plus en difficulté est la télévision en langue anglaise. Voici nos recommandations pour ce service.
Le premier problème est celui des dramatiques canadiennes. On devrait aider CBC/Radio-Canada à mettre en oeuvre son projet consistant à devenir un chef de file dans la diffusion de dramatiques canadiennes originales. Le radiodiffuseur public a l'obligation de produire et d'acquérir des émissions et des séries dramatiques canadiennes qui sont audacieuses, divertissantes et à l'avant-garde.
Deuxièmement, les sources de financement de rechange. La SRC devrait continuer de former des alliances stratégiques avec d'autres diffuseurs pour aider à la création et à la diffusion d'émissions canadiennes de qualité, en particulier des dramatiques.
La SRC devrait être tenue de diffuser 100 p. 100 de contenu canadien au cours des heures de grande écoute. À l'heure actuelle, ce niveau se situe à environ 80 p. 100. La grille horaire en soirée est canadienne.
Quant aux longs métrages canadiens, CBC/Radio-Canada devrait être tenue de diffuser un plus grand nombre de nouveaux longs métrages canadiens afin de donner aux Canadiens d'un bout à l'autre du pays l'occasion de voir les longs métrages réalisés chez nous.
Vient ensuite l'engagement à diffuser des émissions canadiennes. Pour que la SRC devienne un chef de file en matière de programmation, il est essentiel qu'elle soit entièrement engagée envers les émissions canadiennes qu'elle diffuse. Cela peut se faire au moyen des activités de promotion, de publicité, d'autopublicité intermédia, et par la grille horaire.
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Je suis le président du Canadian Media Directors Council. À titre d'information, pour ceux d'entre vous qui ne le sauraient pas, le Canadian Media Directors Council représente la plupart des acheteurs commerciaux de temps d'antenne au Canada, ce qui comprend l'achat de temps d'antenne à la télévision de la CBC et de Radio-Canada. Nous représentons entre 80 et 90 p. 100 de tous les achats au Canada, soit environ sept à huit milliards de dollars d'achat dans les médias. Je témoigne ici aujourd'hui pour défendre les intérêts de mes collègues avec lesquels je travaille pour mettre au point notre point de vue sur ce que devrait être à notre avis le mandat de la SRC.
J'ai six ou sept points à aborder, dont la plupart ne sont pas incompatibles avec des déclarations que j'ai entendues ici même. Je vais mettre l'accent sur la télévision, parce que la radio n'est pas commerciale. Nous ne nous intéressons pas vraiment à ce média en particulier, nous n'avons pas vraiment de rôle à y jouer et nous n'avons rien à ajouter à ce sujet.
Le Canadian Media Directors Council croit qu'un réseau de télévision de la SRC solide et en bonne santé est manifestement extrêmement précieux pour les annonceurs télévisuels canadiens. Dans le contexte de ce qui se passe aujourd'hui, compte tenu de la concentration croissante et de la fusion des entreprises médiatiques dans notre pays, veiller à préserver un environnement concurrentiel offrant de nombreuses voies et possibilités présente un intérêt extraordinaire pour nous à titre d'acheteurs. Par conséquent, nous sommes catégoriquement et sans réserve en faveur d'une télévision de la SRC en bonne santé.
Nous croyons aussi que la télévision de la SRC représente un précieux débouché commercial pour les annonceurs et contribue à la santé générale du marché télévisuel commercial au Canada. Je suppose que mes propos confirment que nous croyons assurément que le volet publicitaire et, je le suppose, les revenus qui en découlent, ont certainement une grande importance pour la télévision de la SRC, mais c'est également important pour nous à titre de débouché nous permettant de rejoindre les Canadiens.
Le CMDC croit fermement que la télévision de la SRC doit mettre l'accent sur la création et la diffusion d'émissions de qualité qui présentent un intérêt pour un vaste éventail de Canadiens. Ma collègue Pamela a fait observer que les revenus de la télévision constituent une portion considérable du budget global de la SRC. Si l'on veille à ce que la SRC diffuse des émissions de qualité, son auditoire va demeurer nombreux et peut-être même augmenter. Il y a une corrélation directe entre la croissance de l'auditoire et les revenus. Pour vous en donner une idée, si l'auditoire moyen de la télévision de la SRC augmentait de seulement 25 p. 100, cela ajouterait près de 100 millions de dollars au budget global de la SRC. Nous préconisons fortement la création et l'acquisition d'émissions de qualité, qu'il s'agisse d'émissions canadiennes ou d'autres types d'émissions. Nous n'avons pas de point de vue à ce sujet; ce qui importe, c'est que les émissions soient de qualité et rejoignent un vaste éventail de Canadiens.
Le CMDC est profondément convaincu que la télévision de la SRC doit demeurer active dans la présentation d'épreuves sportives de grande qualité au Canada. Les Canadiens sont extrêmement forts dans beaucoup de sports qui présentent peut-être plus ou moins d'intérêt pour nos voisins américains. Je pense que la SRC a fait du travail louable à cet égard. On peut donner l'exemple du curling. Nous croyons que la SRC doit maintenir sa position à titre de diffuseur réputé d'épreuves sportives. Il est clair que cela intéresse les Canadiens et reflète assurément les sports dans lesquels le Canada a une solide présence et réputation.
Le CMDC croit fermement que la SRC a l'occasion de rejoindre des auditoires particuliers, des gens qui regardent habituellement très peu la télévision, en offrant des émissions de qualité qui ne sont pas disponibles ailleurs au Canada. En disant cela, je rejoins probablement les propos de la Guilde des réalisateurs. Il existe des émissions qui sont uniques au Canada et des émissions qui rejoignent uniquement l'auditoire spécifiquement attiré vers la télévision de la SRC. Ces auditoires ont une certaine valeur pour les annonceurs de notre pays. Nous exhortons la SRC à continuer de prendre des initiatives dans ce créneau de programmation.
Le CMDC croit fermement que la télévision de la SRC doit également accorder une grande valeur à la création et à la diffusion d'émissions de grande qualité. Nous voulons dire par là que la valeur d'une émission doit se mesurer d'après sa qualité et pas nécessairement ou exclusivement d'après sa provenance. Quand je parle de provenance, je ne veux pas dire les États-Unis contre le Canada. Je veux dire qu'il n'est pas absolument nécessaire que les émissions soient produites par la SRC. Elles peuvent l'être par des producteurs indépendants. Elles peuvent être produites dans d'autres pays du monde. Il faut essentiellement mettre l'accent sur la qualité des émissions par opposition à leur origine.
Enfin, et non le moindre, et peut-être cela ne vous étonnera-t-il pas, le CMDC croit fermement qu'il faut maintenir le statut commercial de la télévision de la SRC.
Et c'est tout pour moi.
Je suis par ailleurs productrice de télévision à la SRC et je sais à quoi ressemble une horloge; je vais donc limiter la durée de mon allocution en fonction de vos besoins.
Je m'appelle Lise Lareau. Je suis présidente nationale de la Guilde canadienne des médias. Je suis accompagnée de Marc-Philippe Laurin, qui est le président de notre section à la SRC, et de Benoit Cantin, qui est l'animateur d'une émission de radio régionale de l'Ontario appelée L'Ontario aujourd'hui.
Nous représentons les gens qui sont en première ligne à la SRC, ceux qui font les émissions dont nous parlons, ceux qui vendent des annonces, tous ceux grâce à qui cette radiodiffusion existe: les animateurs, les producteurs, les vedettes, les non-vedettes, enfin tout le monde.
Ces dernières semaines, vous avez entendu dire beaucoup de bien et aussi un peu de mal au sujet de notre radiodiffuseur public national. En bout de ligne, ce que nous espérons vraiment de votre part, je veux dire les quatre partis représentées au comité, c'est que vous retiendrez l'idée que la SRC est une importante institution culturelle que nous aimons tous, et que vous tomberez d'accord ne serait-ce que sur quelques éléments.
Nous sommes nombreux autour de cette table — je vois deux ou trois visages connus — à être des vétérans de ces multiples processus d'audience visant à examiner l'orientation de la SRC. Si je pouvais vous amener à vous mettre tous d'accord sur un petit nombre d'éléments et si cela pouvait survivre à la politique en cette ère de gouvernement minoritaire, nous tous qui travaillons à la SRC vous serions vraiment reconnaissants.
J'espère que vous avez lu notre mémoire, intitulé Un appel à l'aide. Si vous l'avez fait, vous avez une petite idée de notre position. Aujourd'hui, nous nous concentrons sur les recommandations et non pas sur les lamentations, sur les aspects positifs et non pas négatifs.
En dépit des temps difficiles que nos membres ont vécus ces dernières années, nous sommes encore, à une majorité écrasante, passionnés par notre travail qui consiste à donner tous les jours aux Canadiens des nouvelles, des analyses, des rires et des pleurs, une présence amie et matière à réflexion. Nous travaillons pour rejoindre tous les Canadiens, peu importe où se trouve notre auditoire, peu importe où ils habitent, quel âge ils peuvent avoir ni comment ils choisissent de se brancher sur la SRC.
Il importe de souligner que la SRC n'est plus celle qu'ont connue nos grands-parents. Elle a changé. Depuis que les représentants de la SRC ont comparu devant vous, les cotes d'écoute radiophonique nationale ont été publiées. Dans quatre marchés urbains, l'émission radio du matin est numéro un. Cela en dit long.
La SRC est plus urbaine et attire un auditoire plus jeune qu'on a parfois tendance à le croire. Des émissions de télévision comme The Rick Mercer Report, The Hour et Tout le monde en parle intéressent les Canadiens de tous les groupes d'âge — c'est rare à la radio et à la télévision — qui veulent suivre avec sérieux et humour l'actualité politique, sociale et culturelle de notre pays.
L'aspect peut-être le plus important à l'aube du XXIe siècle, c'est que ces émissions sont de plus en plus suivies et souvent disponibles seulement sur de nouvelles plateformes médiatiques. Je sais que les gens de la SRC vous l'ont redit tout à l'heure, mais je rappelle que le site Web de CBC et de la SRC est devenu l'un des plus populaires auprès des internautes canadiens.
Les services de nouvelles de CBC/Radio-Canada demeurent les sources d'information auxquelles on fait le plus confiance. Nous le savons. Depuis les reportages d'enquête de l'émission The Fifth Estate, qui vient tout juste de faire éclater le scandale des loteries en Ontario, et de Zone libre, jusqu'à la couverture journalistique quotidienne assurée par ses nombreuses équipes de reporters radio et télé, les Canadiens comptent vraiment sur CBC et Radio-Canada pour les informer. C'est devenue partie intégrante de notre patrimoine. Et il y a beaucoup de vie dans la boîte, en dépit des apparences, parfois.
En même temps, il faut noter que je ne représenterais pas nos membres si je ne disais pas que pour beaucoup d'entre nous, la SRC n'est pas un simple gagne-pain. C'est vraiment le travail de toute une vie, c'est une vocation. Cet engagement transparaît dans presque toutes les tâches que nous accomplissons. Et c'est pourquoi, après de longues années d'incertitude financière, de débat et diverses luttes, les Canadiens continuent d'appuyer la SRC et sont scandalisés quand on veut la leur enlever.
Qu'est-ce qui résoudrait certains problèmes avec lesquels nous avons été aux prises et dont vous avez entendu parler? Eh bien, pour commencer, un mandat positif et à long terme de la part du Parlement. Vous avez entendu bien des gens le dire. Si nous n'avons pas une idée claire de ce que fait la SRC, c'est difficile de fonctionner. Nous souscrivons donc aux propos des dirigeants de la CBC et de Radio-Canada en réclamant un mandat de dix ans qui énonce les attentes des Canadiens envers leur radiodiffuseur public. C'est vraiment le point de départ.
Deuxièmement, et tout aussi fondamental, il y a un financement accru et stable. Vous avez entendu beaucoup d'intervenants vous parler de l'étude de Nordicity montrant où se situe la SRC dans le monde en termes de financement. Nous savons qu'elle est tout en bas. La Nouvelle-Zélande et un autre pays sont derrière nous. Il n'importe pas vraiment de savoir où nous nous situons en termes de financement par habitant par année, compte tenu de l'identité de notre plus proche voisin. La moyenne est de 80 $ par année pour tous les pays industrialisés. Aujourd'hui, la CBC se situe à 33 $ par année par habitant, comme on vous l'a dit. Nous recommandons que ce montant soit porté à 45 $ par habitant, graduellement au cours des dix prochaines années, et qu'il soit indexé à l'inflation, ce qui est essentiel. Les représentants de la SRC et d'autres intervenants vous l'ont dit: c'est bien beau d'avoir un chiffre donné, mais si le montant n'est pas indexé à l'inflation, on perd de l'argent d'année en année.
Je sais que vous êtes fatigués de l'entendre, mais je ne ferais pas mon travail si je ne réitérais pas cet argument.
Si votre comité ou d'autres arrivaient avec une proposition consistant à remplacer une partie de ce financement ou à éliminer la publicité à la SRC, mon ami ici présent ne serait pas heureux. J'en parlerai dans un instant, mais il nous faudrait évidemment envisager 45 $ par habitant. Ce ne serait probablement pas suffisant dans ce contexte.
Pourquoi la SRC a-t-elle besoin de plus d'argent? Il lui faut plus d'argent pour rejoindre les Canadiens où qu'ils se trouvent avec la radio, la télévision et les nouveaux médias. Vous avez entendu des appels désespérés en ce sens et nous y reviendrons un peu plus tard. De plus, si je pouvais changer ne serait-ce qu'un seul élément à la SRC, ce serait la structure de gouvernance, de manière à lui permettre de fonctionner librement, sans crainte d'ingérence politique, et d'être vraiment comptable devant les Canadiens. Nous en discuterons un peu plus tard.
Je voudrais d'abord céder la parole à mon collègue Marc-Philippe Laurin.
Bonjour. Je m'appelle Marc-Philippe Laurin et je suis le président de la sous-section SRC/CBC de la Guilde canadienne des médias. Je représente les employés de la CBC à l'extérieur de la province du Québec. Je suis aussi, dans mon travail quotidien, réalisateur associé technicien à la radio locale de Radio-Canada à Ottawa.
J'aimerais vous parler un peu de ce qui se passe quant à l'infrastructure de notre diffuseur public. La guilde se préoccupe beaucoup du fait que la société n'a évidemment pas les moyens financiers de protéger ses atouts culturels et technologiques, atouts qui lui permettent de fournir de la programmation à toutes ses plateformes afin de la diffuser à tous les Canadiens, y compris aux minorités linguistiques partout au pays.
[Traduction]
Nous croyons que l'infrastructure de CBC/Radio-Canada est en déclin. Cela nous préoccupe. Beaucoup des décisions auxquelles la Société est aujourd'hui confrontée pour ce qui est de changer des éléments importants de son infrastructure sont causées à notre avis en partie par le fait qu'elle ne peut pas justifier les dépenses quand une part tellement importante de sa programmation est maintenant achetée à des producteurs indépendants. Je tiens à être clair là-dessus. Nous appuyons assurément le rôle que jouent les producteurs indépendants en fournissant du contenu canadien, mais nous croyons aussi que CBC et Radio-Canada doivent pouvoir continuer à produire des émissions originales que l'on ne peut trouver nulle part ailleurs.
Comme vous le savez, CBC/Radio-Canada propose aussi de réduire grandement sa diffusion d'émissions gratuites par ondes hertziennes, en opérant la transition au numérique. C'est à cause du fait que la Société, encore une fois, n'a pas les ressources voulues pour mettre à niveau tous ses émetteurs de télévision. Nous savons que vous avez déjà entendu cet argument et nous partageons les préoccupations des petites localités comme Kamloops, en Colombie-Britannique, qui risquent de perdre l'accès libre et gratuit aux émissions de leur radiodiffuseur public. Nous trouvons que c'est inacceptable. Non seulement cela prive de leurs droits les Canadiens qui habitent dans les petites villes et les régions rurales, mais de plus, cela changerait fondamentalement le rôle du radiodiffuseur public qui deviendrait un service spécialisé coincé et perdu dans un univers de 200 canaux, au lieu d'être un service public accessible à tous.
Les dirigeants du radiodiffuseur public ont déclaré que c'est une affaire de politique publique et nous sommes entièrement d'accord avec eux. Même en Allemagne, où seulement 5 p. 100 de la population reçoit les signaux de télévision par ondes hertziennes, les radiodiffuseurs publics ont été forcés de remplacer complètement la transmission analogique par un réseau numérique sans perdre un seul auditeur. Pour eux, c'était une affaire de politique publique et nous croyons qu'il devrait en aller de même au Canada. C'est pourquoi nous exhortons le Parlement à donner un budget ponctuel à CBC/Radio-Canada pour lui permettre de mettre à niveau son infrastructure actuelle de transmission pour passer de l'analogique au numérique.
Le radiodiffuseur public doit continuer à offrir un accès généralisé aux émissions de CBC/Radio-Canada par ondes hertziennes à tous les Canadiens dans toutes les régions du Canada, sans en priver un seul téléspectateur.
Je voudrais maintenant céder la parole à mon ami Benoit.
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Bonjour, mon nom est Benoît Cantin. Je suis journaliste-animateur à Radio-Canada depuis maintenant sept ou huit ans. Grâce à la société et à mon travail, j'ai eu la chance de parcourir une bonne partie du Canada. J'ai travaillé à Ottawa, à Toronto et à Vancouver. Mes affectations m'ont mené un peu partout, de Winnipeg à Saskatoon, en passant par Edmonton et Whitehorse.
Que la Société Radio-Canada est importante pour les francophones! Radio-Canada représente un diffuseur exceptionnel, par la qualité et la variété de sa programmation partout au Canada. Peu importe où vous vous trouvez, vous pouvez goûter à la saveur locale en écoutant, par exemple, l'émission du matin de la radio de Radio-Canada à Moncton. Vous pouvez découvrir les enjeux sociaux qui touchent les Albertains simplement en regardant Le Téléjournal de l'Alberta et savourer le charmant accent franco-manitobain en écoutant CKSB.
Ce qui est frappant, chaque fois qu'on visite les régions d'une province canadienne, c'est justement de constater non seulement la présence de francophones, mais leur vivacité, la vitalité et la fougue avec lesquelles ils défendent leur langue et leur culture. Peu importe leur nombre, qu'ils soient concentrés en un lieu ou encore dispersés sur un vaste territoire, ces francophones grandissent, étudient et vivent en français.
Une grande partie de ce qui ressemble, à mon avis, à un tour de force va justement au crédit de Radio-Canada qui, depuis 50 ans, joue un rôle crucial pour toutes ces communautés. Elle joue un rôle de rassembleur, mais aussi d'instrument catalyseur pour la langue française. Le diffuseur public doit maintenir, même renforcer sa présence dans les régions canadiennes, qui représentent la couleur de la francophonie canadienne. Radio-Canada rend d'immenses services aux francophones, qui lui rendent d'ailleurs très bien la pareille en étant de fidèles auditeurs, de fidèles téléspectateurs.
Je vous donne un exemple. Il y a à peine deux ans, lors du lancement du signal de la télévision de Radio-Canada Colombie-Britannique à Whitehorse, au Yukon, les francophones de l'endroit n'ont pas cessé de répéter à quel point ils étaient heureux. Ils m'ont dit qu'ils allaient enfin pouvoir se voir. Il existe donc un lien très privilégié entre les francophones qui vivent en milieu minoritaire et Radio-Canada.
Les préoccupations des Torontois francophones ne sont pas nécessairement les mêmes que celles des francophones de Victoria. La réalité des francophones de Sudbury diffère de celle des Réginois, par exemple. Il est essentiel que cette diversité régionale puisse resplendir à l'antenne de la radio et de la télévision de Radio-Canada. C'est ce qui fait sa richesse, sa force, sa raison d'exister aussi.
En un mot, Radio-Canada doit demeurer présente en région, et ce, plus que jamais en cette époque de multiplication des canaux, de radio satellite, d'Internet, etc. La Société Radio-Canada agit pour les francophones comme un phare dans une mer anglophone.
Merci.
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Vous avez probablement beaucoup entendu parler ces dernières semaines des progrès technologiques, de l'Internet, des nouveaux médias, et d'aucuns soutiennent que nous n'avons pas besoin de tout cela. La diversité s'accroît énormément dans notre univers. À mon avis, il y a une idée fausse selon laquelle chacun a ainsi accès à davantage d'information. Je soutiens qu'il y a peut-être beaucoup d'opinions, d'interactions, de blogues — il n'y a pas de doute là-dessus —, mais qu'en fait, il est devenu plus difficile d'obtenir des nouvelles et de savoir ce qui se passe dans nos collectivités locales. Vous n'avez qu'à le demander à n'importe qui parmi ceux qui font les événements. Aujourd'hui, c'est plus difficile que jamais d'avoir des nouvelles locales. C'est probablement surtout à cause de l'amalgamation. Il faudrait probablement confier l'étude de cette question à tout un groupe de gens. Mais les nouvelles locales sont en difficulté. On n'en fait plus. On ne s'en occupe plus dans les grands marchés, ni dans les petits marchés ni dans les marchés moyens. C'est l'une des raisons pour lesquelles votre comité a je crois exhorté la SRC à élaborer un plan pour revitaliser ses services locaux et régionaux.
Eh bien, la bonne nouvelle est que la SRC a justement commencé à le faire. Elle augmente sa programmation de nouvelles locales à la télévision, passant d'une demi-heure à une heure, et ajoute à sa grille horaire des émissions sur le mode de vie régional. C'est une excellente décision. Nous nous en félicitons, parce qu'à titre de journalistes et de consommateurs de nouvelles canadiennes, nous avons été témoins en première ligne de ce déclin de la programmation locale. Mais tout cela se fait sans injection d'argent neuf, et cela se fait un peu de bric et de broc. Nos gens travaillent fort pour faire ces émissions, mais ils n'ont aucun argent neuf et il y aura inévitablement des anicroches et ce ne sera pas aussi bien que ce pourrait l'être si c'était bien financé. C'est donc une autre raison pour laquelle il faut augmenter le financement.
Je sais que , dans un discours qu'elle a prononcé ici à Toronto durant l'hiver, il y a à peu près huit semaines, a évoqué le besoin d'émissions locales et le déclin de la programmation locale depuis cinq ou six ans.
Par conséquent, pour pouvoir financer cette initiative locale, la SRC est obligée de couper dans d'autres secteurs importants ou de mettre davantage l'accent sur des émissions plus commerciales aux heures de grande écoute. Nous n'aimons ni l'une ni l'autre de ces éventualités. Vous avez entendu ce matin un groupe qui dénonçait le fait que la SRC ne fait plus d'émissions littéraires, par exemple. Je sais que vous avez entendu les... Je ne me rappelle plus du nom de l'organisation. Je crois que cela résulte directement du fait que le radiodiffuseur a été récemment forcé de réaménager sa grille horaire pour augmenter les revenus publicitaires et qu'il ne peut plus faire les émissions qu'il devrait diffuser à titre de radiodiffuseur public.
Nous vous exhortons donc non seulement à recommander l'augmentation que j'ai évoquée tout à l'heure — le crédit de 45 $ par année par Canadien —, mais aussi à recommander explicitement qu'une partie de cet argent neuf soit consacrée à la fourniture d'émissions, d'information et autres, locales.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je vous implore d'être à l'écoute des nombreux appels que vous avez entendus de la part d'autres groupes, pas seulement nous, qui réclament un changement du modèle de gouvernance de la SRC. Je sais bien que la gouvernance, ce n'est pas très jojo et que personne n'aime être obligé de s'en occuper. J'ai compris le message. Mais nous en subissons le contrecoup tous les jours et il faut absolument apporter un changement. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cela fait dix ans que je fais mon travail et je peux dire que nous devons trouver un nouveau modèle de gouvernance à la SRC. Je vous en prie, si vous faisiez cela et si c'était votre seul accomplissement comme groupe coordonné, nous vous en serions grandement reconnaissants.
Savez-vous qu'à l'heure actuelle, le président-directeur général de la SRC est nommé à titre amovible par le cabinet du premier ministre? Par conséquent, on ne sait pas très clairement qui a le dernier mot à la SRC. Les gouvernements en place hésitent beaucoup, et c'est compréhensible, à s'ingérer dans les affaires de la SRC, et nous ne voulons pas qu'ils le fassent, mais quand le président est nommé à titre amovible par le gouvernement, cela devient très flou. Ce n'est certainement pas le meilleur cadre pour assurer de bonnes décisions, peu importe qui occupe le poste. Par conséquent, le conseil de la SRC doit pouvoir nommer et congédier le président. C'est fondamental en matière de gouvernance.
D'où devraient venir les membres du conseil? Nous recommandons que le conseil soit nommé par un comité parlementaire multipartite, que ce soit le vôtre ou un autre, en fonction d'une série de compétences exigées. Je sais que d'autres qui ont témoigné devant vous ont recommandé que l'on continue de procéder aux nominations par décret, mais que celles-ci soient ensuite confirmées par le Parlement. Ce modèle comporte diverses variantes. En fin de compte, ce qui est important, c'est que, quelle que soit la méthode que vous recommanderez, le processus soit ouvert et transparent. Comme d'autres l'ont dit, il doit y avoir deux postes distincts de président du conseil et de président.
Ce sont nos recommandations, parce que la SRC ne deviendra meilleure que si elle est véritablement indépendante du gouvernement, si elle est perçue comme étant indépendante du gouvernement, et si elle fonctionne de telle manière que les responsables soient comptables de leurs décisions.
Je ne veux pas dénigrer les gens qui occupent actuellement les postes de direction. Cela dit, je dirais que le lockout était probablement le meilleur exemple, l'exemple le plus frappant. À ce jour, on ne sait toujours pas clairement qui allait mettre fin à ce lockout. Les Canadiens? Le cabinet du premier ministre donnant des ordres au président?
À l'époque, on nous a dit au CPM: « Vous savez, nous ne pouvons pas donner des ordres au président. Il est nommé à titre amovible et nous ne voulons pas nous ingérer dans les affaires de la SRC. » Donc, le gouvernement ne veut pas s'ingérer dans les affaires de la SRC, mais le gouvernement nomme le président. Vous voyez où je veux en venir: personne ne pouvait mettre fin à ce lockout.
Je ne vais pas faire une leçon d'histoire, mais l'affaire a pris fin à la fois parce que le gouvernement de l'époque a manifesté sa volonté politique et parce que les Canadiens ont parlé haut et fort et ont exigé qu'on y mette fin. Mais ce n'est pas une personne en particulier qui a dénoué l'impasse. C'est un bon exemple.
Il y en a d'autres, dans des décisions clés en matière de politiques, où le conseil n'a pas été suffisamment informé, essentiellement parce que beaucoup de ses membres sont nommés sans avoir nécessairement de l'expérience en radiodiffusion. Nous suivons les travaux du conseil et nous savons que, souvent, des décisions vraiment fondamentales ne font pas l'objet d'un débat approfondi.
Je dirais que les responsables accueilleraient à bras ouverts un changement à la structure de gouvernance. Aujourd'hui, une fois de plus, c'est le président qui est président du conseil, car ce dernier poste était vacant, et n'oubliez pas que nous étions dans la même situation juste avant le lockout. Le président et le président du conseil étaient la même personne, parce que Carole Taylor venait juste de démissionner. Quand cela arrive, il y a convergence d'intérêts. Le président du conseil doit avoir à l'esprit l'intérêt public. Quand ce président du conseil est le même que celui qui dirige l'équipe de gestion, nous avons convergence des pouvoirs et des intérêts dans la même personne, ce qui est très mauvais.
Je me ferai un plaisir de vous en parler ailleurs. Il y a beaucoup d'autres exemples. Je ne veux pas m'attarder non plus aux personnes en cause. Ce n'est pas un problème de personnalités. Le président en place pourrait être la meilleure personne de l'humanité et ces problèmes persisteraient quand même.
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Je vais commencer par dire ceci.
Quand vous irez visiter les locaux de la CBC cet après-midi, j'espère que vous demanderez à voir l'atelier où se trouvent tous les costumes, les accessoires et les immenses décors. Tout cela va fermer le 31 mai, mais tant que vous ne l'aurez pas vu de vos propres yeux, vous ne vous rendrez pas compte de ce que la CBC va bientôt perdre. Je vous invite donc à demander que cela fasse partie de votre visite.
Pourquoi ferme-t-on le département de la conception? Pour trois raisons principales. La première tient aux règles du Fonds canadien de télévision. La CBC a pris la décision de ne pas produire ses propres émissions, sauf les bulletins de nouvelles et les émissions d'affaires publiques. Elle pourrait le faire, mais cela coûte cher en application des règles actuelles du Fonds canadien de télévision. L'équipe de direction en place veut se concentrer sur l'achat d'émissions de l'extérieur, et les dirigeants croient que cela va régler la crise du financement. Ils s'imaginent qu'à cause du manque d'argent, ils doivent faire de la télévision très commerciale pour attirer les annonceurs.
À cause du manque d'argent, l'immobilier devient très attrayant à Toronto; les services en question nécessitent beaucoup d'espace et ils vont — ils vous le diraient eux-mêmes s'ils étaient devant vous — « monétariser » leurs actifs immobiliers et utiliser les locaux où se trouvent maintenant les ateliers de conception pour les offrir à bail à des magasins, des banques ou quoi que ce soit. Notre centre de radiodiffusion regroupant tout sous un même toit n'existera plus tel que nous le connaissons. C'est très triste.
Nous avons essayé d'intéresser la ville de Toronto pour qu'elle préserve une partie de ce patrimoine culturel, mais en fin de compte, je ne crois pas que ce soit à la ville d'en décider. Je félicite le maire Miller de s'être montré intéressé, mais en dernière analyse, c'est une décision canadienne.
À Montréal, l'atelier de conception de Radio-Canada est florissant et les dirigeants là-bas ont décidé qu'il fallait continuer de le faire marcher parce que c'est le centre de l'industrie de la production à Montréal. On pourrait en dire autant de notre centre de conception, mais l'on manque cruellement d'argent et les responsables voient une porte de sortie; ils croient que le temps est venu de vendre des actifs et ceci est un actif clé. C'est vraiment très triste.
Voilà l'histoire de la conception en cinq minutes ou moins. Il y aurait bien d'autres choses à dire. Je vous exhorte à essayer d'y jeter un coup d'oeil; c'est très triste que l'on doive perdre cela bientôt.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais faire l'exposé au nom de Hamilton et Sonja est ici pour m'appuyer; nous allons prendre 10 minutes.
Bonjour à tous les membres du comité. Je m'appelle Brian McHattie et je suis conseiller municipal de la partie ouest de Hamilton. C'est mon deuxième mandat au conseil et je m'y plais beaucoup.
Je tiens à vous remercier de m'avoir permis de prendre la parole aujourd'hui. En ce moment même se déroule à Hamilton une séance tumultueuse du conseil au sujet du budget et je suis donc content d'éviter cela grâce à ma présence ici à Toronto ce matin. Je suppose que je devrai retourner là-bas pour attraper la fin du débat cet après-midi.
Je suis accompagné aujourd'hui de Sonja Macdonald du Centre for Community Study. C'est un organisme de recherche communautaire à but non lucratif qui travaille avec la ville de Hamilton pour accroître la diversité des médias dans notre communauté, à la fois dans le domaine de la radio et de la télévision.
Nous remercions le comité de nous donner l'occasion d'exprimer notre point de vue sur le mandat de la SRC. Comme tous les autres exposés que vous avez entendus ce matin, le nôtre mettra l'accent sur l'importance cruciale des éléments locaux et régionaux dans le mandat actuel du radiodiffuseur national.
Notre comparution d'aujourd'hui s'inscrit dans la ligne des efforts déployés sans relâche par la ville pour créer un environnement médiatique local diversifié à Hamilton. Nous croyons que la SRC doit être un acteur central dans notre communauté pour aider à refléter fidèlement notre diversité pour les citoyens de Hamilton et, bien sûr, pour l'ensemble du pays.
J'ignore la teneur des exposés que vous avez entendus dans d'autres villes, mais ce que nous aimerions vous offrir aujourd'hui, c'est ce que j'appellerais une étude de cas sur les difficultés de l'expansion régionale du point de vue absolument local, du point de vue de la municipalité, en comparaison des niveaux provincial et national que vous êtes peut-être plus habitués à entendre de la part des témoins.
Pour commencer, je voudrais faire à l'intention des membres du comité un très bref survol de notre collectivité. Comme vous le savez peut-être, Hamilton est la neuvième région métropolitaine de recensement en importance au Canada, ayant une population de presque 700 000 habitants. La RMR a une taille comparable à celle de Québec et de Winnipeg et elle a toujours compté parmi les dix premières villes du Canada quant au nombre d'habitants. Hamilton est située à environ 60 kilomètres au sud-ouest de Toronto, où nous sommes aujourd'hui. Nous sommes situés à la pointe occidentale du lac Ontario.
L'environnement médiatique de Hamilton est tout à fait particulier. En dépit de sa taille, Hamilton est mal servie dans les médias locaux, ne comptant qu'une seule station de télévision locale et une seule station de radio diffusant des émissions locales. Comparez cette situation avec celle de Québec et de Winnipeg. Chacune de ces deux villes compte quatre stations locales de télévision et trois postes de radio diffusant des émissions locales; il y a une énorme différence.
L'une des principales raisons, et je suppose que cela vous est venu immédiatement à l'esprit, c'est que le secteur privé n'a pas investi dans la radiodiffusion traditionnelle dans notre région à cause de la proximité de Toronto, où nous sommes aujourd'hui. Ce problème est exacerbé par l'hypothèse voulant que le contenu local de Toronto réponde aux besoins de l'auditoire de Hamilton. Pourtant, les faits démentent cette assertion. On peut en donner comme exemple que l'émission de radio matinale qui a la plus forte cote d'écoute à Toronto, l'émission Metro Morning de CBC, rejoint seulement 4,7 p. 100 de l'auditoire de Hamilton. C'est juste à côté, à 60 kilomètres le long du lac, mais la réaction des gens est très différente à Hamilton.
En dépit de ces faits, le CRTC a rejeté dans de récentes décisions des demandes visant à créer des stations de télévision locales supplémentaires pour servir la région de Niagara et de Hamilton. Il en résulte que plus d'un million de Canadiens de notre région ne sont pas bien servis par la programmation locale, que ce soit à la télévision ou à la radio. Cela démontre qu'il existe un besoin flagrant auquel devrait répondre la SRC pour remplir son engagement de servir les régions du Canada.
Le problème des barrières dues au marché dans notre région a été aggravé par deux changements importants survenus dans l'environnement médiatique canadien depuis la dernière révision du mandat de la SRC. Ce sont la concentration accrue de la propriété des médias dans notre pays et l'assouplissement par le CRTC des exigences quantitatives de programmation locale pour les radiodiffuseurs privés.
Comme vous le savez bien, la SRC a suivi le mouvement amorcé par les radiodiffuseurs privés à la fin des années 1990 quand ces derniers se sont retirés de la programmation locale et régionale. Dans notre cas, le bureau local de la SRC a été fermé en 1992. Cela a laissé notre communauté sans aucun lien local avec les stations affiliées régionales ou le réseau national de la SRC. En conséquence, le radiodiffuseur national a perdu de sa pertinence dans notre région, laquelle n'est plus aussi bien représentée dans le réseau national.
Nous comprenons que la SRC a subi des contraintes financières, surtout depuis le milieu des années 1990, mais de nombreuses décisions prises par la direction de la SRC dans le but d'améliorer la situation financière du radiodiffuseur national ont été prises aux dépens des régions du Canada. Les régions ont perdu le service local et le lien avec le réseau national, en dépit du fait que les Canadiens de ces régions continuent de contribuer au budget de la SRC au moyen de leurs impôts. Pour les Hamiltoniens, cela veut dire qu'ils ne reçoivent aucun service local contre les 22,5 millions de dollars qu'ils versent dans le cadre des crédits budgétaires annuels du radiodiffuseur national.
Dans son exposé devant vous en mars dernier, M. Rabinovitch a reconnu les lacunes géographiques de la couverture de la SRC, principalement à la radio. Dans le plan d'expansion régionale de la SRC qui a été présenté au comité en février 2005, le diffuseur précisait que trois millions de Canadiens dans des villes de plus de 50 000 habitants ne reçoivent pas de service local de la SRC. Hamilton représente le quart de ce total applicable à l'ensemble du pays. Hamilton est par ailleurs la plus grande ville identifiée dans ce plan qui n'ait aucun service local de la SRC.
Je dois dire que Hamilton est certainement en faveur de l'augmentation du budget régional consacré à la radio de la SRC, parce que c'est à la radio, peut-être plus qu'à la télévision, que le succès d'un diffuseur est lié à sa capacité de demeurer pertinent localement. C'est une idée que la direction de la SRC a d'ailleurs admise, mais elle n'a pas encore pris de mesures concrètes pour remédier à cette lacune pourtant reconnue. Il faut s'y attaquer et le plus tôt possible, car la SRC pourrait perdre l'accès aux fréquences voulues dans ces marchés où elle ne sert pas actuellement les Canadiens, par exemple dans le sud-ouest de l'Ontario et dans le grand Toronto, deux marchés très encombrés du point de vue des fréquences radio. Il reste très peu de fréquences viables toujours disponibles, surtout dans la région de Hamilton. Par conséquent, l'intention de la SRC de s'attaquer à cette lacune dans sa couverture géographique pourrait être sévèrement compromise si la Société n'agit pas dès maintenant pour réserver les fréquences nécessaires en prévision de ses besoins futurs.
Nous appuyons une augmentation du budget régional pour la radio de la SRC, mais nous craignons que la direction de la Société éparpille trop ses ressources limitées, au lieu de fournir les services essentiels aux Canadiens exigés par son mandat. C'est difficile pour nos concitoyens de comprendre que les dirigeants du diffuseur national puissent décider arbitrairement d'investir des millions de dollars pour acheter des émissions de téléréalité américaines, ou pour investir dans la radio satellite, qui est un service par abonnement rejoignant peut-être seulement 1 p. 100 des Canadiens, alors que pour une fraction de ce coût, ils pourraient donner à plus d'un million de Canadiens dans les régions de Hamilton, St. Catherines et Niagara un service régional que nous subventionnons déjà par nos impôts.
Nous sommes venus ici aujourd'hui pour faire connaître au comité nos vives préoccupations quant aux priorités et aux décisions de la direction de la SRC relativement à son engagement envers le service local et régional. Notre ville a adopté une approche proactive pour s'attaquer au manque de diversité médiatique dans notre communauté. Nous avons présenté des instances au CRTC et aux radiodiffuseurs privés, notamment Sun TV tout récemment, et nous sommes en pourparlers avec CBC depuis près de trois ans. Durant ces discussions, nous avons dépensé de notre propre argent et consacré de notre temps pour identifier les possibilités qui s'offrent à la SRC pour qu'elle vienne desservir notre communauté. Nous avons décroché des appuis dans l'ensemble de la région et nous avons obtenu le soutien de nos députés fédéraux de tous les partis politiques nationaux.
En dépit de tous nos efforts, nous nous présentons devant vous aujourd'hui dans un état de frustration et de confusion. M. Rabinovitch a parlé avec éloquence de son engagement de revenir aux services local et régional. Il a dit également qu'il ne ferait pas double emploi avec le secteur privé. Hamilton est une communauté sans aucune présence de la SRC. Nous sommes la plus grande ville à n'être aucunement servie par la SRC, et le secteur privé refuse d'offrir des services locaux dans notre communauté à cause de l'obstacle du marché. Nous sommes vraiment l'endroit idéal pour faire la preuve de l'engagement de la SRC envers le service régional, et pourtant, année après année, on continue de laisser passer toutes les occasions d'investir dans la région de Hamilton. Ils n'ont même pas ouvert un bureau qui donnerait à Hamilton un service de l'ampleur de celui dont jouissent des villes ayant un sixième de notre population. C'est tout simplement injuste et cette situation doit prendre fin dès maintenant.
Dans notre mémoire écrit, nous avons présenté au comité cinq recommandations que nous vous invitons à prendre en compte durant vos délibérations.
Premièrement, il faut élargir la définition des besoins spéciaux des régions pour y inclure des villes comme Hamilton, qui sont mal servies dans les médias locaux.
Deuxièmement, la SRC doit réinvestir dans les régions du Canada en raison des changements survenus dans le milieu médiatique national.
Troisièmement, le comité doit établir un mécanisme d'évaluation de la direction de la SRC qui soit fondé sur le mérite et les besoins et qui puisse guider, de manière ouverte et transparente, la répartition des investissements régionaux.
Quatrièmement, la SRC doit prendre immédiatement les mesures voulues pour combler les trous dans la couverture géographique en matière de services. Plus précisément, il faut établir une présence locale dans la région de Hamilton, la plus importante communauté mal desservie parmi toutes celles dans la même situation. Je crois que j'ai maintenant dit cela quatre fois et j'espère donc m'être fait comprendre.
Et cinquièmement, la SRC devrait utiliser les nouveaux médias et les nouvelles technologies seulement lorsque cela appuie et facilite les principes de son mandat.
Le Comité permanent du patrimoine canadien a une tâche importante à accomplir en examinant le mandat du diffuseur public au XXIe siècle. Nous avons essayé de vous présenter les véritables défis, l'étude de cas de notre situation à Hamilton, et l'absence de justice dans la manière dont la SRC remplit son mandat.
Nous espérons que vous tirerez les leçons de l'expérience de Hamilton. Chose certaine, il faut augmenter le budget consacré à l'expansion régionale. Nous nous intéressons en particulier à la radio de la SRC qui nous semble importante pour les régions partout au Canada. Nous avons le sentiment que notre expérience à Hamilton n'a pas été très satisfaisante pour ce qui est des dirigeants de la SRC et que des changements peuvent également être apportés au système existant, c'est-à-dire qu'il faudrait jouer sur les deux tableaux.
Merci.
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Pendant sept décennies, les Canadiens ont investi dans le développement de leur radiodiffuseur public national, ce qui a rendu possible de mettre en liaison les Canadiens d'un océan à l'autre.
Il y a eu d'abord la radio, avec des émissions comme The Happy Gang; Un homme et son péché; La Soirée du hockey, bien sûr; Radio-Collège; Matthew Halton et Marcel Ouimet qui décrivaient la guerre en Europe pendant la Deuxième Guerre mondiale; et Les Joyeux Troubadours, Just Married, Tante Lucille et tellement d'autres émissions que les Canadiens ont adorées.
Puis la télévision est arrivée. Nous avons eu La Famille Plouffe, Génies en herbe, Mr. Dressup, Les Beaux Dimanches, The Juliette Show, La Soirée du hockey, Hockey Night in Canada — un incontournable, bien sûr, puisque nous sommes au Canada — Point de mire, This Hour Has Seven Days, Friendly Giant, Appelez-moi Lise, La Boîte à lunch et The Tommy Hunter Show. Une foule d'émissions diverses sont devenues des événements mémorables pour les familles canadiennes.
Au fil des années, la SRC a accumulé un véritable trésor de mémoires. Des milliers d'émissions, des millions de photographies, des interviews, du matériel, qu'il s'agisse d'objets de création comme les émissions elles-mêmes ou encore les costumes, les décors et les accessoires utilisés pour leur création par les gens de talent qui ont fait ces émissions, ou qu'il s'agisse des bâtiments, tout cela a été créé par CBC/Radio-Canada afin d'assumer les responsabilités qui lui sont confiées par mandat à l'avantage de toute la population du Canada.
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Cette année, les 938 employés de l'Institut national de l'audiovisuel vont dépenser l'équivalent de 170 millions de dollars canadiens, fournis à 100 p. 100 par le gouvernement national, pour recueillir et préserver les émissions de radio et de télévision de la France, y compris les émissions diffusées par câble et par satellite, tâche à laquelle l'institut travaille depuis 1975. La France est un cas particulier puisque c'est le seul pays du monde occidental où l'on reconnaît que la préservation du patrimoine de la radiodiffusion est une responsabilité exclusivement publique.
Comme vous le voyez, il existe un certain nombre de modèles et de variantes dont le Canada pourrait s'inspirer, et il y en a d'autres dans le document que nous avons remis au greffier. La Société CBC/Radio-Canada, notre radiodiffuseur public national, qui est une importante source d'émissions locales, régionales et nationales, doit être positionnée quelque part dans cet éventail de possibilités, et les ressources jouent un rôle majeur.
Nous croyons que l'importance de cette responsabilité doit être mentionnée dans le mandat de la Société et que des fonds doivent être consacrés explicitement à la préservation du véritable trésor historique que la Société détient actuellement. Pour ce faire, il sera nécessaire que CBC/Radio-Canada élabore des préceptes stratégiques qui guideront la mise en oeuvre de ses responsabilités patrimoniales à l'échelle nationale. À l'avenir, cela permettra aussi à la Société de participer activement, de concert avec des institutions ayant des intérêts complémentaires comme Bibliothèque et Archives Canada, l'Office national du film, les radiodiffuseurs privés et nous-mêmes, de manière à pouvoir jouer le rôle qui lui revient dans la préservation et la célébration de la collection nationale du Canada en matière de radiodiffusion.
Pour toutes ces raisons, nous proposons donc que le mandat légiféré de la SRC actuellement énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion, qui date je crois de 1991, soit légèrement modifié, en particulier au sous-alinéa (vi), de manière à se lire comme suit:
contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales par sa programmation et en préservant ses archives et collections qui racontent l'histoire sociale, économique, culturelle et politique du Canada.
Je vous remercie pour votre attention. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Je pense que vous avez bien décrit la situation, parce que ce problème ne figure tout simplement pas sur l'écran radar des gens qui ont bien d'autres chats à fouetter. C'est très peu prioritaire et je pense que c'est assez naturel. Pour quelqu'un qui est assis dans son bureau et qui s'occupe de nouvelles émissions et des nouveaux médias, le patrimoine n'est pas au sommet de la pile.
Si l'on songe à tout ce qui a été mis de côté au fil des années dans les divers départements, à tout ce que les gens ont dans leurs dossiers... Bien des gens ont dit: « Je dois préserver cela, parce que c'est trop important pour le laisser aller », et tout à coup, on constate que, d'un bout à l'autre du pays, la CBC et d'autres organisations renferment plein de petits trésors qu'il faut aller dénicher. C'est pourquoi nous disons qu'il faut une stratégie pour permettre à la CBC de retrouver tout cela, de le mettre au jour et peut-être de l'utiliser et de le rendre accessible.
Au sujet du musée, on nous a dit qu'il fermerait ses portes. Si vous allez sur place, vous verrez le musée lui-même, qui est ouvert au public, mais vous verrez aussi deux chambres fortes qui abritent un certain nombre d'objets, représentant seulement une petite partie de tout ce qui est éparpillé dans le réseau.
Je pense que le message n'est pas clair, mais le message est que nous, la CBC, espérons pouvoir utiliser certains de ces objets dans de nouveaux locaux que nous allons peut-être créer, mais la route à suivre pour y parvenir n'est pas claire et quant à savoir qui va s'occuper des collections, les administrer, les cataloguer et veiller à leur préservation, c'est loin d'être clair.
Je dois dire que cette discussion m'a immensément plu. Les musées me tiennent à coeur, de même que les événements communautaires.
Je pense que les médias doivent refléter la communauté. C'est ce que nous avons entendu à Yellowknife et d'un bout à l'autre du pays. Les médias locaux sont relégués au second plan, non seulement dans l'univers de l'audio, mais aussi dans les journaux. Je l'ai vu dans ma propre ville.
J'ai déjà été livreur de journaux pendant cinq ans.
Une voix: Et il a été élu.
Le président: Et j'ai été élu.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Il y avait beaucoup plus de journalistes dans la communauté. Quand on s'adresse au monde ordinaire aujourd'hui, on dirait que nos journaux et nos émissions audiovisuelles sont remplies d'actualités nationales et internationales et que nous oublions les gens de la communauté.
Comme je viens de Stratford, quand on évoque les costumes et les objets — c'était le 50e anniversaire du Festival de Stratford il y a deux ans et je sais que les archives du festival ont une grande importance.
De plus, j'ai vu dans votre mémoire que vous évoquez la Famille Plouffe et cela m'a rappelé que je suivais cette émission quand j'étais jeune. On m'a dit que l'on a perdu toutes ces émissions, qu'il n'en reste que trois.
Je sais que quand je suis devenu membre de ce comité, on était en train de fusionner la bibliothèque et les archives. Il y avait tout un débat là-dessus. Je sais à quel point nos locaux d'archivage étaient dégradés et je sais que l'on a perdu certains de nos trésors nationaux.
Je vous félicite donc pour vos initiatives dans ce domaine et j'espère que nous pourrons proposer quelque chose pour les gens de Hamilton et de la région.
Je vous remercie beaucoup pour votre témoignage.
Nous allons faire une pause jusqu'à 14 heures.