:
Je vous remercie, monsieur le président. Je pense qu'un exposé préliminaire de dix minutes, peut-être un peu moins, devrait faire l'affaire. J'en ai préparé un.
Je tiens avant tout à vous remercier, mesdames et messieurs, pour cette occasion que vous me donnez de témoigner.
Comme je l'ai signalé devant la commission d'enquête, au cours de mon mandat comme solliciteur général du Canada, j'ai participé à plusieurs initiatives que le juge O'Connor a mentionnées dans son rapport, la plus importante étant un code de conduite plus sûr et mutuellement accepté en ce qui concerne l'échange de renseignements avec des gouvernements et organismes étrangers, et surtout américains.
En ce qui concerne les témoignages devant le comité, la raison spécifique de l'invitation à témoigner que j'ai reçue de votre comité s'inscrit dans le cadre des témoignages présentés par le commissaire de la GRC le 28 septembre. Les commentaires qui suivent porteront directement là-dessus.
Le commissaire a rendu le témoignage suivant, et je citerai les passages correspondants des Témoignages du comité. Voici la déclaration du commissaire mentionnée à la page 3 des Témoignages:
Je me suis intéressé personnellement au dossier après que M. Arar ait été détenu et envoyé en Syrie.
Toujours à la même page, il est écrit ceci:
... j'ai découvert que les enquêteurs avaient communiqué avec les autorités américaines pendant que M. Arar était en détention. J'ai appris que, dans le cadre de cette discussion ou de cette correspondance, les agents de la GRC avaient essayé de corriger les renseignements faux ou inexacts concernant M. Arar.
De toute apparence, d'après le commissaire, la GRC avait tenté de corriger les renseignements avant l'expulsion de M. Arar, c'est-à-dire entre la fin de septembre et le tout début du mois d'octobre.
D'après ce qui est écrit à la page 4 des Témoignages du comité, le commissaire a fait en outre le commentaire suivant:
À la suite de ce qu'on a appris, on a entamé des discussions pour le mettre au courant de la situation...
Je dois présumer que le commissaire faisait allusion à la découverte de ce qui avait été décrit comme la communication de faux renseignements aux autorités américaines.
J'aimerais faire des commentaires sur ce dernier point en ce qui me concerne, à titre de solliciteur général à l'époque. Étant donné que le commissaire, dans le cadre de ses témoignages devant le comité, n'a pas spécifié, pour autant que je sache, la période au cours de laquelle cette information m'a été transmise, je me baserai sur les renseignements que j'ai recueillis après avoir examiné le dossier et après les entretiens que j'ai eus avec des personnes qui avaient assisté à ce type de rencontres.
Cependant, j'aimerais tout d'abord citer un passage du rapport du juge O'Connor pour situer le contexte de mes commentaires. À la page 31 du rapport intitulé «Analyse et recommandations», le juge O'Connor écrit ceci, à propos du projet A-O Canada:
... bien qu'il ait souligné qu'il ne pouvait indiquer si M. Arar avait des liens avec Al-Qaïda, le Projet n'est pas allé jusqu'à corriger l'information inexacte à son sujet qui avait déjà été fournie aux organismes américains, y compris l'étiquette d'extrémiste islamiste utilisée à son endroit.
Je signale au comité que pas plus tard qu'hier, j'ai eu l'occasion d'examiner à nouveau la documentation qui avait été mise à ma disposition lorsque j'étais solliciteur général. J'ai examiné les documents d'information pertinents qui avaient été préparés à mon intention, incluant des notes d'information et des fiches parlementaires aide-mémoire.
Alors que je n'ai pas le droit de révéler le contenu spécifique des documents en question, je signale que ces derniers avaient été mis à la disposition du juge O'Connor et que j'ai présenté devant la commission des témoignages sur leur contenu, le plus souvent dans le cadre d'audiences à huis clos.
À ce propos, monsieur le président, je pense que le dilemme dans lequel se trouvent les membres de ce comité est un argument en faveur de l'instauration d'un comité parlementaire de surveillance ayant le pouvoir d'avoir accès à des documents sur la sécurité nationale, à des documents du Cabinet et à d'autres documents analogues, à certaines conditions, tel que recommandé au gouvernement par un comité dont j'ai fait partie, et dont ont fait partie également plusieurs d'entre vous.
S'il y a un cas dans lequel il est essentiel que les députés aient accès, à certaines conditions, à ce type de documents, c'est bien celui-ci. Nous sommes tous désavantagés lorsque nous avons affaire à des documents que certains d'entre nous ont examinés alors que d'autres n'y ont pas eu accès.
Cependant, si le comité est capable d'avoir accès à la documentation mentionnée ci-après, la réponse à la question de savoir si, en ma qualité de solliciteur général, j'avais été informé des erreurs — et du fait que de faux renseignements avaient été communiqués aux autorités américaines et qu'un effort concerté avait été fait pour les corriger — serait d'une grande limpidité pour vous. Je n'en avais pas été informé. Je le répète: je n'en avais pas été informé.
J'ai établi qu'avant d'entrer en fonction, le 22 octobre, deux notes d'information avaient été préparées pour le commissaire de la GRC. Le juge O'Connor a mentionné celle du 9 octobre 2002 à la page 177 du volume I du document d'information contextuel et factuel. Le juge O'Connor n'y fait pas mention d'erreurs ni de mesures correctives.
Dans la note d'information du 18 octobre 2002, dont le juge O'Connor a également fait mention à la page 498 du volume II du document d'information contextuel et factuel, il n'est pas mentionné non plus que le commissaire avait été informé des erreurs commises ni des mesures correctives prises.
Par conséquent, lorsque je suis entré en fonction, les dossiers, dans la mesure où j'ai examiné les notes d'information préparées pour le commissaire, ne contiennent absolument aucune mention du fait que l'information communiquée aux autorités américaines était inexacte.
Après mon entrée en fonction à titre de solliciteur général, la première occasion à laquelle j'ai appris l'existence du dossier Arar est lorsqu'il m'a été présenté dans une fiche aide-mémoire parlementaire. Cette fiche aide-mémoire est préparée pour les ministres par les fonctionnaires du ministère ou organisme concerné en prévision des questions susceptibles d'être posées à la Chambre. C'est la GRC qui avait préparé cette fiche aide-mémoire. Elle est datée du 25 octobre 2002. J'ai reçu en outre une fiche aide-mémoire datée du 15 novembre 2002. Il n'y était fait aucune mention d'erreurs dans les renseignements communiqués ni de faux renseignements, ni d'efforts correctifs déployés par la GRC concernant l'un ou l'autre des renseignements communiqués.
Le 26 juin 2003, mon bureau a demandé à la GRC une note d'information sur le dossier Arar. Dans la note d'information préparée par la GRC pour le solliciteur général, datée du 27 juin 2003, il n'est pas mentionné que la GRC était consciente d'avoir fourni des renseignements erronés ou inexacts aux autorités américaines ni qu'elle avait voulu prendre des mesures correctives concernant toute information communiquée à ces autorités.
Dans une note d'information préparée pour mon bureau, datée du 10 juillet 2003, en préparation d'une rencontre que j'ai eue avec le procureur général américain, John Ashcroft, il n'est pas fait mention non plus de renseignements inexacts ni de mesures correctives que la GRC aurait prises en ce qui concerne des renseignements communiqués aux autorités américaines.
On pourrait présumer que le solliciteur général en aurait été informé si des cadres de la GRC avaient appris que des renseignements erronés avaient été communiqués aux autorités américaines ou alors que celles-ci, en répondant au procureur général, l'auraient mis au courant des erreurs qui auraient eu pour conséquence la détention et l'expulsion de M. Arar. Si c'eût été le cas, le procureur général Ashcroft aurait certainement abordé la question avec moi, étant donné qu'un des objets de ma rencontre avec lui était de manifester mon mécontentement au sujet des agissements des autorités américaines à l'égard de M. Arar.
Par conséquent, je pense bien et je suis même convaincu, qu'étant donné le type de contact que j'avais avec le procureur général Ashcroft, quand je suis allé aux États-Unis dans le but essentiel de manifester mon mécontentement au sujet de la façon dont M. Arar avait été traité et de son expulsion en Syrie, il aurait répliqué en termes très clairs que nous lui avions fourni de l'information erronée, mais il ne l'a jamais fait, monsieur le président.
Les dispositions que j'ai prises à titre de solliciteur général en ce qui concerne le cas de M. Arar étaient fondées sur les avis que m'avaient donnés des cadres de la GRC et du SCRS. Si des erreurs avaient été commises et si des mesures correctives étaient nécessaires ou avaient été prises, un ministre peut s'attendre à en être informé.
Monsieur le président, je pense que tous les membres de ce comité admettent, comme je l'admets moi-même, que des problèmes de diffusion de l'information se posent en ce qui concerne le solliciteur général et la GRC, car nos procédures ne sont pas les mêmes que les procédures américaines. Les solliciteurs généraux ne sont pas informés des opérations de la GRC. C'est la nature du travail. Cependant, en ce qui concerne les questions de sécurité relevant du SCRS, on est en fait informé. Par conséquent, le solliciteur général n'intervient pas dans les affaires opérationnelles comme telles.
En ma qualité de solliciteur général, je me basais sur le fait que M. Arar était et demeurait une personne d'intérêt. Je suis entièrement d'accord avec le commentaire suivant qui se trouve à la page 75 du rapport du juge O'Connor:
Je n'ai aucune raison de croire qu'il était déplacé, pendant la période visée, que la GRC, un organisme d'application de la loi, poursuive son enquête où M. Arar a de temps à autre attiré l'attention des enquêteurs.
À la page 19, le juge O'Connor mentionne que l'on «a eu raison de considérer M. Arar comme une personne d'intérêt», dans deux autres contextes.
Je ferai un dernier commentaire, concernant l'information que possédaient les autorités américaines sur M. Arar. À la page 168 du rapport du juge O'Connor, il est mentionné ceci:
Il s'agit de savoir si les autorités américaines se sont fiées à l'information fournie par la GRC lorsqu'elles ont rendu l'ordonnance de renvoi. Sans le témoignage des autorités américaines et la possibilité d'examiner l'annexe classifiée de l'ordonnance de renvoi, je ne puis savoir exactement quelle information elles ont utilisée.
À la page 14 des Témoignages du 28 septembre 2006, il est mentionné que le commissaire de la GRC, témoignant devant le comité, a déclaré ceci:
on ne peut pas être sûr à 100 p. 100 des raisons pour lesquelles les Américains ont pris la décision d'envoyer M. Arar en Syrie. Le fait de dire qu'ils ont agi seulement sur la foi d'informations canadiennes n'est pas exact, selon le rapport de M. O'Connor.
En conclusion, monsieur le président, en ce qui concerne le rapport du juge O'Connor et ses recommandations, je suis convaincu qu'il s'agit d'un excellent rapport. Je conseille aux gens de lire non seulement les passages du rapport qui ont été largement médiatisés par les journalistes en quête de sensationnalisme, mais aussi de le lire intégralement. Ce rapport est une mine de renseignements.
Comme je l'ai signalé publiquement, j'approuve les recommandations du juge O'Connor. Nous verrons ce qu'il recommandera dans son deuxième rapport mais, d'après mon expérience, je suis convaincu que la création d'un organisme de surveillance différent pour la GRC est essentielle.
La Commission McDonald avait recommandé que la GRC ne se charge plus des questions de sécurité nationale. À la suite des événements du 11 septembre, elle s'est remise à s'occuper de ces questions. Par conséquent, j'estime qu'un organisme de surveillance distinct est essentiel. En fait, nous avons étudié la question au cours de mon mandat à titre de solliciteur général, mais le travail n'a jamais été terminé. Je suis toutefois certain qu'il est essentiel de mettre en place une procédure de surveillance d'un type différent, se rapprochant quelque peu de la surveillance assurée par le SCRS, mais peut-être plutôt entre les deux. C'est sur cette note que je termine mon exposé.
Je vous remercie pour votre attention et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.