:
Merci beaucoup, monsieur le président et honorables membres du comité.
Je suis ravi de m'adresser à vous aujourd'hui au nom de la Chambre de commerce du Canada. Je vous présente mon collègue, Lee Webster, associé chez Osler et, ce qui est important pour nous à la Chambre, président de notre Comité de la propriété intellectuelle.
[Français]
En tant que porte-parole des entreprises canadiennes, la Chambre de commerce du Canada est l'organisation de gens d'affaires la plus représentative au Canada.
Nous nous exprimons aujourd'hui au nom d'un réseau de 350 chambres de commerce et autres associations de gens d'affaires comptant plus de 170 000 entreprises membres.
[Traduction]
La Chambre est très heureuse de pouvoir contribuer à votre étude de la contrefaçon et du piratage. Nous travaillons étroitement avec le Réseau anti-contrefaçon canadien, l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement et d'autres organisations nationales, comme le Conseil canadien du commerce de détail, pour proposer des solutions concrètes aux problèmes.
Le RACC vous parlera dans un instant d'un rapport exhaustif que la Chambre de commerce appuie sans réserve.
Très franchement, le Canada est en train de perdre la guerre contre la contrefaçon — c'est le fondement de notre position. Autrefois, la contrefaçon portait essentiellement sur des T-shirts, des montres ou d'autres articles de luxe mais, aujourd'hui, le faible risque et les grosses marges bénéficiaires amènent les criminels — dont le crime organisé — à être très actifs dans la contrefaçon de toutes sortes de choses, comme des médicaments, des patins de freins, des pièces automobiles, des produits électriques et des produits de soins personnels. Pratiquement aucun secteur industriel n'échappe à cette activité illégale qui pose de graves dangers sur le plan de la santé et de la sécurité à cause de la mauvaise qualité des produits contrefaits et de leur nature potentiellement dangereuse
Selon un rapport du Service canadien de renseignements criminels, organisme présidé par la GRC, aucun pays n'échappe aux médicaments contrefaits. En fait, selon des estimations de l'Organisation mondiale de la santé, 10 p. 100 de tous les médicaments en vente sont contrefaits. Bien qu'il soit clairement prouvé que le contrôle des médicaments et l'application des lois pertinentes sont beaucoup plus difficiles dans les pays développés, on trouve 50 p. 100 ou plus de médicaments contrefaits dans certaines régions, comme l'Asie et l'Afrique, et le Canada n'échappe certainement pas au problème.
Hélas, les criminels se moquent bien du fait que les produits contrefaits puissent être dangereux pour les consommateurs. Seul le profit les intéresse. On a ainsi constaté que certaines piles contrefaites importées au Canada contiennent du mercure et risquent d'exploser si elles ne sont pas correctement ventilées. On a aussi trouvé au Canada du shampooing contrefait importé des États-Unis qui était contaminé par des bactéries pouvant causer des infections.
La contrefaçon et le piratage connaissent une croissance exponentielle et ne font quasiment l'objet d'aucune répression au Canada. À notre avis, cette activité représente des milliards de dollars par an et le problème ne cesse de s'aggraver. Son incidence économique — et c'est le véritable point de départ de notre discussion, monsieur le président — est que les revenus perdus par les entreprises et par le gouvernement sont très élevés.
Dans une économie du savoir, la propriété intellectuelle est essentielle pour promouvoir l'investissement en recherche et développement, en innovation, en commerce et investissement international et en protection du consommateur, et pour stimuler la croissance économique. Dans une économie changeant rapidement, protéger la propriété intellectuelle est crucial pour assurer la compétitivité — c'est notre point de départ.
Je laisse maintenant avec plaisir la parole à Lee Webster qui va vous communiquer nos recommandations.
Bonjour, honorables membres du comité. Comme l'a dit Mike, je suis associé chez Osler et j'exerce le droit de la propriété intellectuelle depuis plus de 25 ans. Mon rôle pour la Chambre est de donner des conseils sur les questions de propriété intellectuelle.
D'aucuns croient peut-être que ceci ne concerne que l'industrie du divertissement soucieuse de protéger sa propriété intellectuelle contre les copies illégales. Bien que ce problème soit très réel, la question est de portée beaucoup plus large. Les problèmes de l'industrie du divertissement ne sont qu'un aspect du problème plus général de vol de la propriété intellectuelle.
Voler la propriété intellectuelle d'autrui ne fait pas que priver le détenteur des droits des bénéfices économiques reconnus depuis longtemps par notre droit civil traditionnel par le truchement des brevets, des marques commerciales et des droits d'auteur. Cela nuit également à la réputation de notre pays à l'étranger, trompe le consommateur et, franchement, met sérieusement en danger sa santé et sa sécurité.
Nous avons tous eu connaissance du malheureux décès ce mois-ci d'une femme de la Colombie-Britannique qui avait acheté des médicaments par Internet. Ces médicaments, croyez-le ou non, contenaient un additif composé de d'uranium et de plomb. Je me suis demandé pourquoi on avait utilisé de l'uranium et du plomb comme additif mais j'ai appris que c'était peut-être un moyen pour les fabricants de se débarrasser d'uranium et de plomb.
Prévenir la distribution de marchandises contrefaites ne vise pas simplement à protéger les droits légitimes des concepteurs de montres et de sacs de luxe. En qualité de président du Comité de la propriété intellectuelle de la Chambre, j'implore le gouvernement de prendre immédiatement des mesures vigoureuses et sévères à ce sujet. Notre coalition réclame des mesures concrètes et nous sommes très encouragés de voir que votre comité et le Comité de l'industrie se penchent sérieusement sur le problème.
Je précise que ce problème ne passe pas inaperçu chez nos principaux partenaires commerciaux. Pour la 12e année de suite, le représentant au Commerce des États-Unis a inscrit le Canada sur une liste spéciale de surveillance, la liste 301, après un examen annuel des pays jugés déficients dans leur protection de la propriété intellectuelle. En outre, la International Intellectual Property Alliance vient de recommander que le Canada soit inscrit sur ce qu'elle appelle une « liste de surveillance prioritaire » en 2007. Je vous encourage vivement à lire ces rapports.
La Chambre de commerce internationale a récemment publié les résultats d'une enquête classant le Canada au 13e rang des pays les pires sur le plan de la protection de la propriété intellectuelle. Croyez-le ou non, nous sommes jugés pires que le Nigéria, le Bangladesh, le Sri Lanka et la Bulgarie. Selon les auteurs de l'enquête, le Canada a la plus faible législation du G-8 au sujet de la propriété intellectuelle. En tant que Canadien et avocat pratiquant le droit de la propriété intellectuelle depuis plus de 25 ans, je trouve cette situation très embarrassante.
Les agences d'exécution des lois ont besoin de meilleurs outils pour combattre efficacement l'importation, la fabrication, la distribution et la vente de marchandises contrefaites au Canada. En particulier, nos agents de douanes ont besoin de nouveaux pouvoirs et de ressources additionnelles pour fouiller et saisir les expéditions que l'on soupçonne contenir des marchandises contrefaites.
Il y a cependant beaucoup plus à faire. Nos lois sur la propriété intellectuelle n'accordent pas de protection efficace et efficiente contre la contrefaçon. Nous recommandons une révision approfondie de ces lois, telles que la Loi sur le droit d'auteur et la Loi sur les marques de commerce, et des dispositions pertinentes d'autres lois, comme le Code criminel. Cette révision est urgente afin de donner aux détenteurs de droits et aux pouvoirs publics les outils nécessaires pour mettre fin de manière efficace et efficiente au commerce des marchandises contrefaites.
Il faut absolument bloquer les faussaires en portant notre appareil de protection de la propriété intellectuelle au même niveau que ceux de nos partenaires commerciaux. Voici donc ce que la Chambre juge nécessaire pour s'attaquer adéquatement au problème.
Premièrement, faire de la lutte contre la contrefaçon et le piratage une priorité de tout le gouvernement et entreprendre sans tarder une réforme adéquate.
Deuxièmement, dégager les crédits nécessaires pour l'adoption et la mise en oeuvre des réformes. Cela permettra notamment aux autorités de fouiller et de saisir les chargements soupçonnés de contenir des marchandises contrefaites dans les principaux ports et points d'accès du Canada. Un client me demandait il y a deux jours de faire ça mais j'ai dû lui répondre que ce n'est pas possible, ce qui était très gênant.
Troisièmement, renforcer des lois telles que le Code criminel, la Loi sur le droit d'auteur et la Loi sur les marques de commerce, individuellement ou au moyen d'une loi omnibus portant explicitement sur la contrefaçon. Les mesures à prendre dans ce contexte consistent à modifier le Code criminel pour faire de la contrefaçon une infraction pénale explicite; à définir la fabrication, la reproduction, la distribution, l'importation et la vente de produits contrefaits comme étant une infraction pénale; et à modifier la Loi sur la Cour fédérale et tous les règlements et politiques correspondants pour instaurer une procédure judiciaire civile accélérée dans les affaires de contrefaçon et d'infraction à la propriété intellectuelle.
Nous recommandons d'ajouter les produits contrefaits et piratés au régime de répression des produits de la criminalité de façon à permettre aux agents d'exécution des lois de saisir les biens illicites des faussaires.
Nous recommandons de ratifier les deux traités pendants de l'OMPI — l'Organisation mondiale sur la propriété intellectuelle — traitant explicitement de l'application à l'Internet du droit de la propriété intellectuelle.
Nous recommandons aussi de modifier la Loi sur les douanes pour autoriser la fouille et la saisie des marchandises contrefaites et piratées et pour donner aux agents des douanes et d'exécution des lois la possibilité de partager des informations avec les détenteurs de droits et de licences.
Finalement, il faut éduquer le public sur ce problème. La GRC doit avoir du matériel d'information efficace, comme des affiches, mais il faut faire plus encore.
En conclusion, des produits contrefaits sont vendus et distribués partout au Canada et ils peuvent nous causer du tort de nombreuses manières — et de manière parfois extrême comme nous l'avons vu en Colombie-Britannique. La Chambre implore le gouvernement d'envisager cette question avec le plus grand sérieux et d'agir immédiatement.
Je vous remercie d'avoir permis à la Chambre de présenter son point de vue et je serai très heureux de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président et honorables députés.
Je suis très heureux de pouvoir m'adresser à vous ce matin et je vous en remercie.
Je suis directeur des vérifications et des enquêtes de la CSA, organisme de normalisation et d'essais de certification. L'apposition de notre sigle sur un produit indique qu'il répond aux normes de sécurité des consommateurs et de l'industrie du Canada.
Je suis par ailleurs président du Réseau anti-contrefaçon canadien.
Nous sommes tous venus ici pour vous dire que la contrefaçon est un problème de plus en plus inquiétant, d'abord du point de vue de la santé et de la sécurité mais aussi du point de vue de l'économie.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples de la gravité du problème constaté à l'occasion d'inspections effectuées dans le monde entier et de l'examen des produits offerts à la vente.
Nous menons des enquêtes sur les produits déficients et j'en ai apporté quelques exemples. J'aurais pu en choisir d'autres parce qu'il y en a une pléthore. En effet, j'ai trouvé des produits contrefaits dans tous les domaines de l'industrie pharmaceutique, des pièces automobiles, des produits électriques, des casques de hockey — ce qui est vraiment lamentable pour des Canadiens — et d'autres choses de cette nature.
Permettez-moi de distribuer ces échantillons aux membres du comité pour qu'ils voient de quoi il s'agit.
Le premier exemple est un cordon d'alimentation avec un réceptacle à trois conducteurs mis à la terre pour assurer la sécurité en cas de choc électrique. Hélas, pour économiser sur le cuivre, il n'y a que deux conducteurs, ce qui rend ce produit inutile. En outre, les interrupteurs de surtension n'ont pas été testés, ne sont pas certifiés et posent tous un danger. Dans ce cas, le danger vient du fait qu'il n'y a pas de mise à la terre. Je les distribue pour vous les montrer.
L'exemple suivant est une rallonge électrique qui a pris feu, ce qui présente un risque d'incendie et de choc électrique. S'il y a fonte de l'isolant, on se retrouve avec un conducteur nu. Quiconque prendrait par inadvertance cette rallonge dans la main pourrait être électrocuté. Si le feu de la rallonge couvait au-dessous d'un tapis à proximité de produits combustibles d'ordinateurs, on aurait un risque d'incendie.
La raison pour laquelle nous voyons de tels produits sur le marché est que les fabricants — qui semblent se trouver dans de nombreux pays en développement — veulent économiser sur le cuivre.
Pour l'isolant noir, vous constaterez que le fil est de la bonne taille. Comme ils utilisent de l'isolant blanc, ils en mettent plus. La différence est un fil de type téléphonique de diamètre 26 au lieu du fil adéquat, ce qui augmente considérablement la résistance et provoque de la surchauffe et un risque de choc électrique.
Voilà donc les quelques exemples que je voulais vous montrer.
Je dois ajouter qu'il ne s'agit pas là de cas isolés. En fait, tout cela est fort bien orchestré et organisé. Certaines des expéditions sont reliés au crime organisé parce qu'elles empruntent les mêmes circuits détournés que la drogue et qu'elles sont souvent dissimulées avec des drogues. Les faussaires sont les mêmes personnes, avec les mêmes réseaux. Ils entrent dans nos chaînes d'approvisionnement et nous devons y mettre fin.
Nos enquêtes sont destinées à les dévoiler afin de les signaler aux autorités pour qu'elles puissent prendre les mesures qui s'imposent. Ma pire crainte est d'être un jour obligé de faire enquête sur une perte de vie, ce qui sera inévitable avec ces produits contrefaits.
Le problème est énorme et je vous implore d'adopter les recommandations que nous avons proposées avec le Réseau anti-contrefaçon canadien.
Je serai très heureux de répondre à vos questions, de vous donner d'autres détails ou de vous fournir des précisions sur d'autres enquêtes, pendant la période des questions ou à n'importe quel autre moment.
Je vous remercie de m'avoir permis de m'exprimer devant vous.
Je laisse maintenant la parole à Brian Isaac.
:
Bonjour, monsieur le président.
Je m'appelle Brian Isaac et je suis un autre avocat en droit de la propriété intellectuelle. Je suis associé chez Smart et Biggar et je pratique le droit dans ce domaine depuis une vingtaine d'années. Je préside également le comité de la législation du RACC, le Réseau anti-contrefaçon canadien, et je fais partie de plusieurs autres comités de lutte contre la contrefaçon : ABC, Institut de la propriété intellectuelle du Canada, International Trademark Association, etc.
Il est incontestable que chacun convient aujourd'hui, même les agents du gouvernement qui se sont penchés sur le problème, que les politiques et les lois du Canada touchant la lutte contre les infractions à la propriété intellectuelle sont désuètes et inefficaces. Bien que personne ne conteste la nécessité de les réformer, comme l'ont fait beaucoup de nos pairs, nous n'avons pas actualisé nos lois pour réagir à l'explosion actuelle des produits contrefaits et piratés, en variété et en volume, résultant de la mondialisation, de la sous-traitance internationale avec le transfert technologique correspondant, et des progrès des technologies numériques et autres qui facilitent la réalisation de copies de tout et n'importe quoi.
M. Webster et mes amis de la Chambre canadienne vous ont déjà donné une idée de l'ampleur du problème. Nous n'avons aucun contrôle efficace aux frontières et, comme M. Webster, je dois souvent répondre aux personnes qui m'appellent qu'elles peuvent écrire à la GRC mais que, contrairement à la plupart des pays développés, le Canada n'a pas de contrôle frontalier. Il n'existe aucune disposition législative efficace sur les marques de commerce — même dans le Code criminel dont les dispositions posent trop de problèmes.
Nous ne consacrons pas de ressources suffisantes à la lutte contre la contrefaçon. Nous n'avons pas assez de personnel chevronné se consacrant uniquement aux poursuites contre les faussaires, même dans les rangs des procureurs fédéraux. Nous n'avons pas assez de procédures et de recours civils pour permettre aux détenteurs de droits de se protéger efficacement.
Il est intéressant de constater que certaines personnes semblent croire que ce sont les détenteurs de droits qui devraient assumer la responsabilité principale de la répression du piratage et de la contrefaçon mais force est bien de reconnaître que les procédures civiles ne sont pas efficaces contre les criminels. Nous en avons des exemples innombrables et je le constate continuellement. Les recours civils ne sont généralement pas efficaces contre les criminels car ceux-ci organisent leurs affaires de façon à éviter toute sanction civile sérieuse.
Le résultat est que les détenteurs de droits sont victimes quand ils agissent en gens d'affaires honnêtes. Je ne voudrais pas exagérer mais j'affirme qu'il serait naïf d'espérer que les détenteurs de droits prennent à eux seuls des mesures efficaces contre les faussaires alors qu'un des principes fondamentaux des affaires est de ne pas gaspiller son argent dans des activités futiles, c'est-à-dire en essayant d'intenter des poursuites dispendieuses contre les faussaires et les pirates sans espoir réel d'obtenir un jugement valable — ou, même si on l'obtient, d'obtenir le paiement imposé étant donné la manière dont les criminels organisent leurs affaires.
Les problèmes des poursuites civiles, conjugués à la politique de la GRC consistant à laisser aux détenteurs de droits le soin de poursuivre les détaillants, ont engendré au Canada un environnement dans lequel la vente de produits contrefaits et piratés est parfaitement libre. Je ne parle pas seulement ici de marchés aux puces mais aussi de magasins ayant pignon sur rue, y compris de détaillants vendant des produits numériques piratés qu'ils ont copiés eux-mêmes, sans compter tous les autres produits de consommation contrefaits qui sont importés de Chine et d'ailleurs.
Cela dit, les poursuites pénales ne sont pas plus efficaces en la matière. Les peines imposées dans les rares cas ayant fait l'objet de poursuites sont trop faibles pour avoir un effet réellement dissuasif à cause des négociations de plaidoyer et de la difficulté à obtenir des condamnations à cause de dispositions pénales inadéquates, notamment en ce qui concerne les marques de commerce.
La situation est telle que les coupables risquent peu de se faire prendre, risquent peu d'être accusés s'ils sont pris, et risquent peu, s'ils sont accusés, de se voir infliger une peine représentant plus qu'une dépense d'exploitation mineure.
En outre, il est peu probable qu'on puisse rendre la contrefaçon moins rentable parce que les infractions aux droits d'auteurs ont été exclues de la législation sur les produits de la criminalité et que les dispositions légales concernant les marques de commerce sont tellement faibles que la GRC et les procureurs fédéraux préfèrent invoquer la Loi sur le droit d'auteur et refusent souvent d'invoquer la Loi sur les marques de commerce, même dans les cas évidents d'infraction aux marques de commerce.
Je pourrais vous donner quelques exemples concrets mais je ne le ferai pas parce que le temps risque de me manquer.
Le fait est que le Canada est passé d'une situation où il était considéré, lorsque j'ai commencé à exercer, comme un pays de pointe et un chef de file à une situation où la répression est aujourd'hui considérée — à juste titre, selon moi — comme une cause perdue par beaucoup de nos détenteurs de droits internationaux et nationaux.
Il nous faut absolument renforcer nos lois sans attendre. Les solutions sont simples, à mon avis, et c'est maintenant qu'il faut agir en adoptant une démarche cohérente sous l'impulsion de Sécurité publique Canada et d'Industrie Canada. Le ministère de la Sécurité publique devrait se pencher sur les problèmes de ressources, et le ministère de l'Industrie, sur la législation relative à la propriété intellectuelle puisque c'est lui qui assume la responsabilité première de sa mise en application.
Je laisse maintenant la parole à M. Lipkus.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant votre comité. J'apprécie grandement que vous m'ayez invité à donner mon point de vue sur le problème de la contrefaçon et du piratage.
[Traduction]
Je suis avocat depuis 1981. Je suis associé à un cabinet et, depuis 1999, je m'occupe uniquement de la répression de la contrefaçon au Canada. Je m'occupe de plusieurs centaines de cas de contrefaçon par an au nom de plus de 75 propriétaires de marques de commerce. De ce fait, il est rare que je ne puisse pas trouver de produits contrefaits dans n'importe quelle région du pays, et c'est ce que j'espère vous expliquer aujourd'hui. Je trouve continuellement des produits contrefaits dans pratiquement tous les grands centres commerciaux du Canada.
J'ai trouvé des produits contrefaits dans de nombreux établissements de détail du Canada — et je parle ici de centaines. J'ai observé des descentes de police dans des établissements de contrefaçon du Canada où l'on fabriquait aussi bien des vêtements que des piles pour téléphones cellulaires. Je me suis trouvé dans un centre de distribution qui importait pour des centaines de milliers de dollars de cartouches à jet d'encre contrefaites qui étaient ensuite placées dans des emballages séparés et distincts. Nous avons récemment saisi de grandes quantités d'écouteurs Bluetooth contrefaits, comme ceux que nous accrochons à nos oreilles pour écouter nos téléphones cellulaires. L'importateur les importait séparément des emballages.
Depuis fin novembre 2006, je me suis occupé de plus de 50 dossiers différents d'écouteurs contrefaits. Je ne voudrais pas placer près de mon cerveau un écouteur n'ayant pas fait l'objet de tests adéquats. Qui peut savoir ce qu'il y a dedans? Je sais qu'il y a beaucoup de faussaires ou de pirates qui payent uniquement en espèces et je suis certain qu'ils ne déclarent pas leurs revenus à l'Agence du revenu du Canada.
Les faussaires deviennent de plus en plus malins. J'ai vu des douzaines de magasins au Canada — à Vancouver, à Toronto à Montréal — qui paraissent parfaitement légitimes mais qui vendent en arrière des produits contrefaits. On y trouve plus de produits contrefaits à l'arrière qu'à l'avant. Il est souvent arrivé que la GRC m'informe par le truchement de la CBSA qu'elle a repéré une expédition de produits contrefaits mais qu'elle la laissera quand même entrer au Canada bien qu'elle sache qu'il s'agit de produits contrefaits. Il n'y aura pas de saisie, pas de poursuites et pas d'informations envoyées au détenteur des droits pour lui permettre d'agir. Si nous avons de la chance, nous trouverons la marchandise dans les magasins avant que quelqu'un en souffre.
J'ai très souvent été informé par la police ou par des procureurs de la Couronne qu'aucune poursuite ne sera intentée après l'identification d'un produit contrefait. Comme c'est La loi sur les marques de commerce et non pas la Loi sur le droit d'auteur qui protège les marchandises, les autorités estiment ne rien pouvoir faire. Il arrive souvent que des conteneurs entrent au Canada et que les marchandises soient dégroupées et puis réexportées vers d'autres pays, surtout les États-Unis. Nous avons fait des descentes dans plusieurs établissements du Canada livrant des produits dans le monde entier par le truchement de leur site Web.
La GRC refuse très souvent d'agir s'il n'y a pas une question de santé et de sécurité. Il n'y a pas de lien avec le crime organisé. Elle ouvre parfois un dossier d'enquête mais ça ne va pas plus loin. S'il n'y a pas d'enquête, comment le propriétaire de la marque est-il censé savoir qui était impliqué, dans le crime organisé? Je peux vous dire que je me suis occupé personnellement de plus d'une douzaine de cas où un agent de la police locale ou de la GRC m'a dit : « Fais attention, le crime organisé est là-dedans » — ce qui peut vouloir dire beaucoup de choses.
J'ai vu des faussaires dans des établissements de détail avec des panneaux indiquant « Paiement en espèces seulement ». Nos enquêteurs essayent de donner une carte de crédit ou une carte de débit mais on les refuse. Nous demandons un reçu et on refuse. Ça m'est encore arrivé personnellement la semaine dernière.
J'organise des sessions d'information pour les agences de police du Canada depuis 11 ans. Des représentants de l'Agence du revenu du Canada assistent régulièrement aux conférences que j'organise et me disent de leur communiquer les dossiers. Je suppose que c'est parce qu'ils ont du succès avec eux. Bien qu'ils ne nous disent rien, je suppose qu'ils aiment bien ces dossiers parce que les faussaires traitent uniquement en liquide. Pourquoi n'y a-t-il pas plus de procureurs de la Couronne à ces conférences?
Les entreprises légitimes me donnent régulièrement des informations, comme à d'autres, sur la présence de produits contrefaits ici ou là. Ces entreprises sont frustrées parce qu'elles ne peuvent faire concurrence aux faussaires puisqu'elles sont tenues d'acquitter les taxes et de respecter les lois. C'est tout simplement impossible.
Tout le monde s'attend à ce qu'il y ait des produits contrefaits dans les marchés aux puces et, croyez-moi, il y en a, en grosses quantités.
Toutefois, la GRC ne veut pas s'embêter avec les marchés aux puces. Et la police locale non plus. Ce qui se passe, c'est que nous avons des truands et des faussaires très malins. Ils ont compris ce qui se passait et il y a maintenant de nombreux marchés aux puces où l'on trouve plus de produits en vente que dans la plupart des centres de distribution ou d'entreposage.
Il y a même des grands magasins à rayons qui se sont faits prendre à acheter des produits contrefaits. Le problème n'existe pas que dans les marchés aux puces.
Les faussaires ne sont pas spécialisés dans un produit donné. Ils font passer des médicaments dans un lot de sacs à main de luxe. Ils font passer des cigarettes contrefaites dans un lot de vêtements. Quand un conteneur arrive, il contient bien des choses différentes. La seule spécialité des faussaires, c'est la cupidité, pas les produits.
Quand quelqu'un me demande où trouver des produits contrefaits au Canada, j'ai une réponse très simple : partout. Quand on me demande ce qu'on fait à ce sujet, je réponds : pas assez.
Je vous remercie de m'avoir permis de m'adresser à vous et je répondrai volontiers à vos questions.
Merci.
:
Je m'appelle Graham Henderson et je fais partie du comité directeur du Réseau anti-contrefaçon canadien. Je suis aussi président de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement.
J'aimerais résumer les documents que le RACC a remis à la greffière.
Vous devriez avoir sous les yeux un imprimé en couleurs représentant un large éventail de produits contrefaits et piratés disponibles au Canada.
Vous devriez aussi avoir une étude de cas concernant un film piraté en DVD à Vancouver donnant un exemple des problèmes de répression existant au Canada.
Vous avez aussi reçu un communiqué de presse du Réseau anti-contrefaçon canadien annonçant les résultats d'un récent sondage de Pollara qui montre combien le marché de la contrefaçon est omniprésent au Canada. On trouve aussi dans ce document les questions qui étaient posées aux répondants.
Finalement, vous avez reçu le sommaire du document du Réseau anti-contrefaçon canadien que nous préparons actuellement. J'y reviendrai dans un instant. On y trouve une liste de recommandations. Je pense que c'est un document en couleurs... Je n'ai pas sous les yeux de copie de ce qui vous a été remis mais on vous le distribue actuellement.
On vous a donné un très bref aperçu de l'énormité du problème et il m'appartient maintenant de parler de solutions. Elles ne sont pas compliquées et elles ne devraient pas nécessairement coûter cher. D'autres pays les ont déjà adoptées et nous ne sommes donc pas dans l'inconnu. Nous sommes à bien des égards très en retard par rapport à nos partenaires commerciaux et nous pouvons donc nous inspirer des politiques adoptées en Europe, au Japon, aux États-Unis et même dans certains pays en développement, sur l'exécution des lois touchant la propriété intellectuelle. Nous pouvons aussi nous pencher sur un modèle de loi proposé par l'Organisation mondiale des douanes, dont le Canada fait partie.
Concrètement, que devons-nous faire?
Dans le peu de temps qui m'est accordé, je ne saurais présenter toutes les recommandations figurant dans ce long document en couleurs et je n'en mentionnerai donc que quelques-unes.
Pour corriger l'absence de ressources policières et judiciaires consacrées à la contrefaçon, ainsi que le caractère insuffisant des sanctions pénales, nous devons d'abord donner à la GRC et au ministère de la Justice les ressources financières et humaines nécessaires pour mener une action efficace; deuxièmement, nous devons financer adéquatement le groupe de travail sur les infractions à la propriété intellectuelle, composé d'agents de police, d'agents des douanes et de procureurs fédéraux, afin de guider et de coordonner l'exécution des lois pénales sur la propriété intellectuelle. Des groupes de travail de ce genre existent dans plusieurs pays, le Brésil en étant un bon exemple.
Afin d'actualiser notre législation désuète et inefficace sur la propriété intellectuelle, nous devons adopter une loi définissant clairement la contrefaçon des marques commerciales comme une infraction particulière au titre de la Loi sur les marques de commerce. Ce serait facile à faire.
Pour donner du pouvoir aux agents des douanes, nous devons d'abord adopter une loi interdisant clairement l'importation de marchandises contrefaites. En outre, nous devons donner à l'Agence des services frontaliers du Canada le pouvoir explicite de détenir, de cibler, de saisir et de détruire les marchandises contrefaites, sans autre forme de procès. Ce pouvoir existe déjà dans plusieurs pays.
Finalement, pour rehausser le statut de la propriété intellectuelle au Canada et rendre notre pays plus prospère et plus concurrentiel, nous devons suivre l'exemple des autres pays et mettre sur pied des conseils fédéraux et provinciaux de coordination de la propriété intellectuelle au palier ministériel.
Vous avez entendu hier des agents ministériels parler uniquement de la complexité des solutions. À notre avis, elles ne seraient pas si difficiles que ça à mettre en oeuvre.
Il y a cinq mois, le RACC a lancé une étude pionnière sur les questions suivantes : l'incidence économique de la contrefaçon; les faiblesses législatives et réglementaires qui sont à l'origine du problème; le lien étroit entre les économies prospères et innovatrices et une protection solide de la propriété intellectuelle; et une analyse détaillée des meilleures méthodes internationales.
Ce document de 50 pages que j'ai avec moi est en cours de traduction. On vient juste d'en finir la rédaction et nous ne sommes malheureusement pas en mesure de vous le remettre aujourd'hui mais nous vous l'enverrons dès qu'il sera prêt.
Je le mentionne parce qu'il ne nous a pas fallu des années pour le préparer, seulement quelques mois. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de désaccords sur les mesures à prendre — sauf, apparemment, de la part des fonctionnaires. Il ne sagit pas de réinventer le fil à couper le beurre; il suffirait — et d'aucuns diront que c'est consternant parce que ça révèle le retard désolant que nous avons par rapport au reste du monde — d'importer les mesures de l'étranger.
À cet égard, je vais conclure en parlant d'une chose que nous avons constatée ensemble lors du congrès mondial sur la lutte contre la contrefaçon et le piratage qui s'est tenu à Genève en janvier. Le procureur général du Kenya a prononcé avec passion une allocution demandant l'aide des autres pays dans sa lutte contre le piratage. Il a parlé de l'effet du piratage contre les entrepreneurs locaux. Il a parlé de l'effet négatif sur l'investissement étranger. Il a parlé d'une perte de 85 millions de dollars de taxes. En survolant l'assemblée d'un coup d'oeil, il a dit que cette somme était certes une goutte d'eau dans l'océan pour les pays développés mais représenterait beaucoup de services d'éducation, d'adduction d'eau et de santé pour le Kenya.
Il a ensuite expliqué comment le Kenya a entrepris de réformer ses lois en 1999 en consultant les parties prenantes, les autorités judiciaires, etc., pour s'assurer que son cadre législatif se conformerait à une norme optimale. Plusieurs lois différentes ont donc été adoptées mais, a-t-il ajouté, il y avait encore malgré cela un manque de coordination et de capacités et le Kenya est donc allé plus loin. Il a décidé d'adopter une loi-cadre et il procède donc actuellement à l'adoption d'une loi exhaustive sur la contrefaçon. D'autres pays ont adopté la même solution et c'est celle que recommande le RACC pour le Canada. Le Kenya nous montre la voie à suivre.
On vous a dit que ce serait compliqué et difficile; nous vous disons que non. Ce qui est compliqué, c'est qu'il n'y a pas de volonté politique et c'est précisément ce que nous attendons de vous aujourd'hui.
Merci.
:
Merci, monsieur le président. Je remercie tous les témoins. Je souhaite particulièrement la bienvenue à M. Geralde, de la Canadian Standards Association, qui est dans ma circonscription.
Je dois admettre que je n'avais aucune idée de la gravité du problème avant que la Canadian Standards Association vienne m'en parler et me fasse connaître le Réseau anti-contrefaçon canadien. Le problème est très grave. Je ne suis pas en mesure de vous dire exactement où nous en étions lorsque nous formions le gouvernement mais je peux vous dire que nous avions les solutions à portée de main juste avant les dernières élections. Je conviens avec M. Henderson que ce n'est pas si compliqué que ça. Nous savons quelles sont les solutions et beaucoup d'entre elles, voire la totalité, sont exposées dans le résumé de vos recommandations.
Je crois que le problème est qu'il y a trop de ministères en cause et que c'est donc un projet sans pilote. Sous notre gouvernement, c'était le ministre de la Sécurité publique qui en assumait la responsabilité. Nous avions tenté de coordonner les différents ministères mais cela ne faisait qu'accroître la complexité. Je crois aussi qu'on essaye trop souvent de chercher la solution parfaite alors que le mieux est l'ennemi du bien. Il y a certaines mesures provisoires — concernant par exemple le partage d'informations avec les détenteurs de droits — qui auraient pu être adoptées. Certes, il y avait des questions de protection des renseignements personnels mais ils n'étaient pas insurmontables, et ils ne sont pas insurmontables, tout au moins dans le cadre d'une solution provisoire. Il y avait aussi des solutions provisoires concernant par exemple la création de sanctions dans le Code criminel, ou l'adoption d'une loi disant simplement, comme l'indiquait M. Henderson, que la contrefaçon est illégale et sera réprimée par des sanctions et des amendes.
Je pense que le gouvernement doit présenter un projet exhaustif. Je pense que c'est aussi question de priorités. Nous savons que le gouvernement se dit résolu à lutter contre la criminalité et nous avons ici un exemple de criminalité commise avec la participation flagrante du crime organisé, comme vous l'avez dit, et le gouvernement se propose de dépenser près d'un milliard de dollars sur plusieurs années pour armer nos douaniers. Songez à ce qu'on pourrait faire avec un milliard de dollars pour lutter contre la contrefaçon et le piratage. En tant que pays du G-8, nous devrions avoir honte de notre situation.
Je vais m'adresser à M. Geralde et peut-être aussi à M. Murphy. Croyez-vous qu'armer les douaniers nous aidera à lutter contre la contrefaçon et le piratage, étant entendu que, comme le disait M. Lipkus, des marchandises contrefaites sont fabriquées ici même, au Canada, mais qu'il y a aussi une quantité énorme de marchandises contrefaites et piratées qui vient de l'étranger?
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Merci de cette question.
Je pense qu'il est très important, pour les raisons que nous avons déjà indiquées, d'envisager ce problème du point de vue de son incidence sur notre économie. Je crois que c'est ça que nous apprenons tous peu à peu dans le monde des affaires.
Il y a beaucoup de questions à régler mais il y en a manifestement trois qui sont prioritaires, notamment l'exécution des lois. Le gouffre législatif est manifestement quelque chose qu'il faut combler. En ce qui concerne l'éducation, très franchement, je pense que des audiences comme celle-ci sont extrêmement utiles.
Nous estimons tous que l'action aux frontières est l'une de nos principales défaillances. Nous vous avons donné des exemples de ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire. Plus tôt cette semaine, vous avez entendu des représentants des agences concernées et il est assez clair que nous ne sommes pas à la hauteur de la tâche.
L'exécution des lois doit manifestement être une priorité. Si c'est une partie de la solution, comme nous le pensons, il va falloir y consacrer des ressources. Il va falloir modifier des lois pour permettre aux gens de l'ASFC de faire leur travail et il va falloir aussi leur donner les ressources nécessaires.
Je suis d'accord avec la prémisse de votre question et je pense que c'est l'une des choses les plus importantes à régler.
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Permettez-moi d'ajouter que ce n'est pas le seul domaine dans lequel nous devons agir. Il y en a plusieurs autres.
Comme vous l'avez dit, pour le crime organisé et les faussaires, c'est une question d'argent. Or, en matière d'exécution des lois au palier international, l'un des outils les plus efficaces est la saisie des produits de la criminalité, et je pense que c'était l'une des choses dont nous nous occupions. La saisie des produits de la criminalité est un outil efficace pour réprimer le trafic de drogue, plus efficace que l'imposition d'amendes. Les amendes, dans ce secteur, sont considérées comme de simples dépenses d'exploitation.
Ces gens-là ne payent pas de taxes, ils ne payent pas de salaires légitimes, ils ne payent pas de dépenses de recherche et de développement. Leurs trafics leur rapportent tellement d'argent qu'ils se moquent complètement des amendes. Il faut donc les attaquer au coeur de leurs opérations.
Évidemment, nous aurons besoin de ressources à tous les niveaux pour être efficaces. Dans les enquêtes, plus on obtient rapidement l'information et plus on peut remonter rapidement la filière, mieux ça vaut. C'est l'information la plus importante. Si la police ne peut pas partager l'information avec nous ou avec les détenteurs de brevets, la piste sera brouillée avant qu'on puisse agir.
Voilà les éléments sur lesquels nous devons tous travailler ensemble.
Je voudrais dire tout d'abord que vous n'avez pas réellement répondu à ma question mais que nous pourrons y revenir.
Je ne veux pas aller trop dans les détails en commençant à parler du recours à l'armée et aux douaniers mais je pense que nous avons la réponse. La GRC dit que n'importe quel type d'interdiction ne serait pas vraiment dissuasif.
Je crois que vous avez raison au sujet des ressources. L'Agence des services frontaliers du Canada est réticente à agir parce qu'il lui faudrait des ressources pour faire des fouilles et saisir les produits contrefaits. Et où les entreposerait-on? Quelles ressources a-t-elle à sa disposition pour ça? La GRC a aussi des problèmes de ressources. Il est triste de voir que c'est ça qui ralentit le processus.
Nous pensons que d'autres choses sont plus prioritaires, comme armer les douaniers, alors que le président de l'Agence des services frontaliers du Canada nous a dit qu'on demandera avec raison aux douaniers de ne pas sortir leur arme à feu.
M. Henderson, en quoi cela dissuadera-t-il les faussaires voulant faire passer des marchandises piratées et contrefaites à la frontière?
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La dissuasion est évidemment une question importante pour ce que nous voulons faire. L'étude de cas que nous vous avons en remise montre combien elle est faible actuellement.
Laissons de côté les douaniers pour le moment. Parlons plutôt, et c'est tout à fait typique, de l'effet de dissuasion sur la GRC ou la police. Quand une poursuite est intentée, que se passe-t-il? Très souvent, il y a une négociation de plaidoyer.
Dans ce cas particulier, si vous allez au bout de l'étude de cas, vous verrez ce que le juge a dit en s'adressant à l'accusé :
Vous (M. Lough) avait beaucoup de chance que votre avocat ait réussi à obtenir une soumission conjointe [entre la Couronne et la défense] concernant l'imposition de votre condamnation. Si tel n'était pas le cas, j'aurais songé à vous imposer une sanction beaucoup plus sérieuse.
Il lui a infligé une tape sur la main.
Le juge a dit ensuite ceci :
Il s'agit d'une pratique très répandue. Vous vous êtes fait prendre. Mais c'est exactement le genre de situation qui exige une dissuasion générale. Il faut envoyer un message quelconque à la collectivité pour lui dire qu'il s'agit d'une infraction grave.
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L'une des suggestions que je ferai serait de retirer le mot « sciemment » de la Loi sur le droit d'auteur afin que la fabrication ou la mise en vente, sciemment ou non, de biens contrefaits soit un crime. Cela inciterait les commerçants à faire très attention à la source de leurs produits.
Évidemment, lorsqu'il s'agit de simple possession, doit-on considérer que la femme qui achète un sac à main contrefait dans un marché aux puces est une criminelle? Ça peut se discuter mais, si l'on bloque la source et qu'on éduque le public, on mettra fin à la contrefaçon.
Ce que je veux dire en réponse à cela, cependant, c'est que c'est du vol, à mon avis, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire. Il faut se demander pourquoi le crime organisé est actif dans la contrefaçon. On peut gagner beaucoup d'argent en vendant des drogues dans notre pays mais, quiconque se fait prendre à vendre de l'héroïne à des enfants dans une école sera traduit en justice et passera beaucoup de temps en prison. Pourquoi prendre ce risque quand on peut gagner encore plus en vendant des produits contrefaits?
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J'aimerais répondre à cette question.
Il y a plusieurs choses à prendre en considération. Ce que vous dites est très fréquent pour les piles électriques, et c'est aussi un moyen d'échapper à nos normes et à nos systèmes de vérification. Donc, si on ne fait pas l'emballage final avec apposition des informations dans le pays où se font les inspections, ou dans le pays d'où viennent les importations, il y a des problèmes.
Il est certain que les tentacules de ce problème sont maintenant bien implantées dans tous les autres domaines et dans les réseaux de distribution. Nous voyons des activités sur ce front aussi. Il y a des problèmes intérieurs. Il y a des problèmes à régler au Canada même. Cela a certainement une incidence sur la sécurité des citoyens dans les autres pays et, à terme, cela aura une incidence sur notre commerce international.
On parle de sanctions aux États-Unis et dans d'autres pays. Quand vous parlez de la France et des mesures qu'elle a prises... Si nous ne faisons pas le nécessaire et nous devenons pas un chef de file, au moins au niveau où en sont les autres, nous aurons de plus en plus de difficultés. Même en Chine — nous y parlerons le mois prochain, ou en mai —, les fabricants légitimes réclament que les autorités règlent le problème car cela nuit à leurs ventes internationales. Il y a des questions de responsabilité civile qui commencent à apparaître et je crois que la préoccupation numéro un de n'importe quel fabricant ou entrepreneur est la sécurité.
Vous avez donc raison de dire que tout cela peut nuire à notre commerce, à notre réputation. Prenez le dernier cas qui vient d'éclater, les aliments pour chiens. On a trouvé différents types de contaminants qu'on ne trouverait pas en Amérique du Nord. Cela risque même de mettre l'entreprise en faillite. Si nous perdons confiance dans le système de sécurité que nous avons mis en place avec tellement d'efforts, tout s'effondrera très rapidement. Les conséquences dépassent l'imagination.
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Je vais vous donner un exemple.
Je suis président du comité d'éducation et de formation du Réseau anti-contrefaçon canadien et je vais dans une école publique depuis quatre ans. Il y a quatre ans, une enseignante de l'élémentaire m'a demandé de venir expliquer ce que je fais à ses élèves. Elle leur avait dit que j'étais le « protecteur des jouets ».
Je m'adresse donc à des enfants de 6, 7 ou 8 ans et je peux vous dire que la pratique du droit ne m'a jamais donné autant de satisfaction. Vous savez quoi? Ils comprennent.
Par exemple, je leur ai montré un jour un jouet en peluche qu'ils appellent en anglais un « stuffie » et je leur ai dit: « Celui-là, je suis sûr qu'il ne contient aucune pièce de métal car il porte une étiquette et, selon notre Loi, il doit obligatoirement avoir été fabriqué avec du matériel neuf ».
Je leur ai demandé — 22 enfants assis en cercle, quatre années de suite — : « Que contient ce jouet? »
« Du matériel neuf seulement. »
« Je ne vous entends pas. »
« Du matériel neuf seulement. »
Un soir, après une séance de 30 minutes, ces merveilleux enfants sont rentrés chez eux, ont parlé à leurs parents et l'un d'entre eux m'a téléphoné. Sa fille de six ans était allée dans sa Chambre, avait vérifié tous ses « stuffies » — elle en avait des douzaines — et avait trouvé tous ceux qu'elle pensait être contrefaits. Elle les avait mis dans le couloir, avait fermé sa porte et avait appelé sa mère.
La mère m'a téléphoné pour demander ce que j'avais dit à sa fille. Nous lui avons demandé de décrire les jouets et aucun d'entre eux ne portait d'étiquette indiquant qu'il s'agissait de « matériel neuf ». Certains d'entre eux portaient simplement la mention « Made in China ». Nous lui avons dit qu'il s'agissait de jouets contrefaits.
L'enfant avait donc compris et la mère était furieuse car, bien qu'elle doive protéger son enfant, elle ne savait pas que les jouets ne doivent contenir que du matériel neuf. Elle n'en savait rien alors que c'est la loi.
Je crois donc qu'il est possible d'éduquer la population et que le gouvernement pourrait mettre sur pied un programme à ce sujet. De cette manière, les gens cesseraient d'acheter ces produits parce qu'ils sauraient qu'il y a des questions de santé et de sécurité, qu'il y a un lien avec le crime organisé et que ces usines de pays étrangers — comme celles qui fabriquent des cartouches à jet d'encre et des sacs à main — font parfois faire le mélange des produits chimiques par des enfants de quatre ans.
C'est de l'exploitation de main-d'oeuvre enfantine et je n'accepte pas qu'on exploite les enfants de cette manière. On ne peut pas tolérer ça.
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Je voulais simplement dire qu'on joue continuellement au chat et à la souris avec les faussaires. Dans l'exemple du fil électrique que je vous ai montré, les faussaires ont déjà réalisé que c'est ce que nous surveillons et que nous éduquons le public et les détaillants à ce sujet. Donc, ce qu'ils font maintenant, c'est qu'ils mettent la même quantité de cuivre mais en y mélangeant de l'aluminium et de l'acier. Cela ne donne pas les caractéristiques attendues mais... Ensuite, ils étament le produit pour donner l'impression qu'il a la bonne taille. Ce ne sont pas des imbéciles.
Ils exploitent aussi des situations telles que les inondations au Manitoba ou l'ouragan Katrina. Avec la fabrication juste-à-temps, ils savent que les fabricants ne pourront pas s'approvisionner suffisamment et ils en profitent donc pour inonder le marché d'articles contrefaits. Comme ce sont également des situations où les infrastructures sont en panne et qu'on essaye de rétablir les services publics, ils peuvent en profiter. Nous nous attendons donc à voir apparaître à teme des incendies et divers autres problèmes avec ces produits.
En plus, sans contrôle de la qualité, comme nous l'avons vu avec les jouets et d'autres articles, ils utilisent des métaux lourds, et des BPC dans l'huile des transformateurs. Toutes les choses dont nous pensions nous être définitivement débarrassés avec nos exigences de pays développé commencent maintenant à réapparaître sur le marché et à poser des dangers. Ça peut aller des pyjamas d'enfants qui ne sont plus « difficilement combustibles » à des BPC dans la bourre.
Il y a donc des conséquences dans des secteurs qu'on n'aurait normalement pas prévus. Je pense que nous pouvons éduquer les consommateurs mais il faut aussi que nous ayons des lois sévères et que les agents d'exécution comprennent la situation. Il faut s'attaquer au problème de nombreuses manières, sur de nombreux fronts.
Tout d'abord, vos témoignages ont été extrêmement utiles et je vous remercie du temps et de l'expertise que vous avez donnés pendant de nombreuses années.
J'ai vu dans le communiqué de presse du Réseau anti-contrefaçon canadien le lien entre la propriété intellectuelle et l'innovation, la productivité et la prospérité de notre pays. Je crois qu'il est criminel de ne pas s'attaquer à ce crime avec autant de vigueur qu'on le fait pour d'autres crimes. Le gouvernement actuel semble avoir mis le problème de côté pour faire d'autres choses.
Il y va de l'avenir de notre pays et je veux que quelqu'un parle de ça.
J'ai une très brève question à poser. En France, ces publicités efficaces étaient-elles payées par le gouvernement, par les entreprises, ou par les deux?
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L'un des éléments clés du rapport que nous avons préparé est un effort — comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire — pour établir le lien entre le droit de la propriété intellectuelle et les questions de contrefaçon du point de vue de l'innovation.
Je suis comme vous, je ne comprends pas. Mais ce n'est pas apparu il y a un an ou deux, ça existe depuis très longtemps.
C'est quelque chose qui, quand on en parle aux gens et qu'on le mentionne, « Pourquoi n'est-ce pas relié? », c'est comme si une lumière s'allumait. C'est l'une des choses pour lesquelles il est le plus facile de faire du prosélytisme, pour certaines des raisons dont vous, monsieur, parliez un peu plus tôt. Il ne faut pas beaucoup de temps aux gens pour comprendre : économie du savoir, propriété intellectuelle — important.
J'allais juste ajouter un mot à ce que M. Webster vient d'ajouter. Il s'agit du contexte de croissance économique et de l'importance que revêt pour nous le commerce international du point de vue du commerce et de l'investissement au niveau mondial.
Ce qu'il faut, quand nous nous exprimons au nom de notre pays, c'est le faire en position de force. Nous avons des défis avec d'autres économies en ce qui concerne la propriété intellectuelle, et certains d'entre eux sont très importants.
Il est bien préférable, et de loin, quand on essaye de régler ces questions à l'extérieur de savoir que nous le faisons en position de force à l'intérieur. C'est donc un élément de ce que nous faisons ici, parce que ça concorde. Je suis d'accord avec vous, il y a un élément culturel et c'est pourquoi l'élément éducatif a tant d'importance. Mais je pense aussi que, du point de vue du commerce et de l'investissement, c'est un gros facteur.
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Je comprends le problème que vous nous avez exposé et les demandes d'application. Vous réalisez sans doute que lorsque nous allons retourner devant nos électeurs, la chose la plus importante qu'on nous demandera sera d'abaisser les taxes. Or, vous nous demandez de dépenser plus.
Je suis d'accord sur le fait qu'il faille dépenser plus. Je crois que si l'on saisissait les produits de la criminalité, comme on le fait pour les drogues, on pourrait compenser, quoique les gouvernements soient ainsi organisés que ce sont le ministère des Finances et le Conseil du Trésor qui empochent, de sorte que même quand on dirige un ministère, on ne reçoit pas nécessairement l'argent d'une saisie.
Néanmoins, dans un domaine comme le vôtre, les profits de l'activité intellectuelle peuvent varier énormément. Vous représentez des gens qui ont sans doute fait une quantité considérable de travail intellectuel pour obtenir un brevet, et ils ont donc droit aux profits qui en découlent pour vivre, mais vous représentez également d'autres personnes qui font une fortune avec les brevets qu'elles obtiennent.
Ne croyez-vous pas qu'il devrait y avoir un partage des responsabilités? Je reconnais que l'application de la loi, la poursuite devant les tribunaux et les saisies qui doivent être faites relèvent de l'État. Cependant, l'industrie devrait assumer une part importante des frais en vue de sensibiliser le public, car il est vraiment dans son intérêt de changer les mentalités.
Je voudrais savoir comment vous êtes organisés. Pourquoi ne menez-vous pas des campagnes plus grandes pour expliquer que l'achat de biens contrefaits est un crime et qu'une contrefaçon est un vol? Des campagnes semblables ont été menées pour dire aux gens que conduire leur voiture avec des facultés affaiblies était un crime. On a obtenu des résultats, il y a eu des diminutions.
Qu'êtes-vous prêts à faire pour changer les mentalités? Combien d'argent êtes-vous prêts à investir? Êtes-vous organisés pour répartir honnêtement ce coût entre les gens qui font beaucoup de profits dans l'industrie grâce à l'utilisation des brevets?
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Tout d'abord, je suis d'accord avec vous, et je fais autant preuve de compassion quand je m'adresse au public que quand je m'adresse à vous ou aux fabricants et aux détenteurs de droits. Je conviens que chacun doit contribuer à la solution.
Comme l'a dit M. Lipkus, nous essayons de faire de l'éducation. Le RACC est un consortium de toutes les parties intéressées, allant de cabinets d'avocats à des fabricants et à des organismes de normalisation. Chacun essaye d'éduquer les parties concernées, allant des détaillants au public. Je crois que les entreprises légitimes essayent aussi de le faire. Ce n'est peut-être pas très structuré mais chacun essaye de le faire.
Il y a un problème quand une entreprise essaye de faire de l'éducation car le public a tendance, si on lui dit qu'il y a un problème avec un sac Gucci, à rejeter d'office tous les sacs Gucci. C'est peut-être un mauvais exemple mais si on lui dit qu'il y a un problème avec cette barre multiprises, il va rejeter tous les produits de ce fabricant. C'est lorsqu'elle est effectuée par les associations que l'éducation est le plus efficace, et quand elle porte sur des aspects généraux.
Le RACC a beaucoup fait pour éduquer les organismes d'exécution des lois et pour parler de la sécurité du public. Nous avons collaboré avec le gouvernement et avec la CSA pour faire de l'éducation sur la contrefaçon. Aujourd'hui, je consacre la majeure partie de mon temps, lors des enquêtes, à faire de l'éducation et de la formation à tous les niveaux, et tout le monde en a besoin. On croit parfois en avoir fini mais on rencontre toujours des gens qui ne comprennent pas que c'est un problème.
Je suis donc totalement d'accord avec vous. Tout le monde doit faire sa part et, en fait, beaucoup de gens le font. Nous ne sommes pas reliés pour le faire de manière exhaustive, tout comme nous ne sommes pas reliés dans nos efforts pour faire ce travail de manière uniforme, et c'est certainement l'une des choses qu'il faudrait changer.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, je vais éviter de faire le genre de déclarations condescendantes et moralisatrices que nous avons entendues de l'autre côté de la table, sauf pour dire ceci. Je crois que nous nous devons, par égard pour les gens que nous représentons et pour les témoins, de réserver la politique à nos débats en Chambre. Essayons plutôt au sein de ce comité de produire un rapport utile sur le sujet dont nous sommes saisis.
Lors de la dernière réunion consacrée à ce sujet, il y a quelques jours, j'ai admis que je suis un nouveau parlementaire et que je suis tout à fait prêt à entendre les représentants des divers ministères sur les problèmes qu'ils ont à répondre au besoin de faire quelque chose sur ce que j'estime être un problème de sécurité publique menaçant la vie et le bien-être des Canadiens. Notre rôle ici est d'écouter les témoins, de prendre note de leurs recommandations et d'essayer de produire un rapport qui nous fera avancer.
Cela dit, j'aimerais vous demander de nous dire brièvement quelles sont à votre avis les étapes à suivre pour passer à l'action dans un délai raisonnable. Je commence avec M. Webster. Si vous pensez que le comité aurait avantage à aller visiter l'un de ces marchés pour obtenir une session de formation concrète, et M. Lipkus pourrait peut-être nous y aider...
La première chose que je veux vous dire est qu'il s'agit d'un problème mondial. Je m'en occupe depuis longtemps mais, depuis deux ou trois ans, les autres pays y consacrent beaucoup plus d'attention. Un bon exemple en est la récente conférence de Genève. L'an dernier, il y avait 300 participants; cette année, 1 200. C'est un problème grave partout et nous devons y faire face.
J'ai le sentiment qu'on insiste peut-être un peu trop sur l'appui du gouvernement. La solution ne consistera pas seulement à attendre du gouvernement qu'il prenne l'initiative en dépensant beaucoup d'argent. Ce que demandent les détenteurs de droits, ce sont des outils qu'ils pourront utiliser efficacement pour mettre fin à cette pratique. Vous trouverez dans nos recommandations beaucoup de choses qui permettraient précisément de leur donner ces outils.
Ce n'est pas une question de financement gouvernemental; c'est plutôt une question d'action collective. Les détenteurs de droits civils doivent collaborer avec le gouvernement à ce sujet. Il ne s'agit pas de demander au gouvernement d'investir des sommes énormes dans de grosses campagnes publicitaires, même si des campagnes sont nécessaires. Nous devons agir ensemble pour faire en sorte que le système fonctionne de manière plus efficiente et plus efficace. Certes, la sécurité publique est très importante mais il n'y a pas que ça. Il y a aussi toute l'économie de l'innovation et de l'information. La sécurité publique est un élément mais le problème est plus vaste.
Je crois que je n'ai pas bien répondu à votre question mais...
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Il est difficile de vous donner un chiffre global. Je sais que la GRC dit que c'est une activité d'un milliard de dollars.
En ce qui concerne l'effet sur les Canadiens, nous avons une foule d'exemples à vous donner. Par exemple, l'industrie du logiciel estime que le piratage a causé en 2005 des pertes de plus de 730 millions de dollars et 32 000 emplois, ainsi que des pertes fiscales de 345 millions de dollars. Elle dit que le piratage de logiciels se situe entre 33 p. 100 et 35 p. 100 au Canada, contre 21 p. 100 ou 22 p. 100 aux États-Unis, ce qui fait une différence énorme.
Nous avons à Ottawa l'exemple d'une société de logiciels appelée Autodesk. Son dirigeant vous dira que, pour chaque logiciel qu'il vend, cinq sont piratés. À son avis, ce piratage l'empêche directement de recruter d'autres développeurs et, par conséquent, de produire d'autres logiciels.
Bayly Communications, une société d'Ajax en Ontario, a une trentaine d'employés. C'est un fabricant de pointe de produits d'accès aux réseaux et de transmission pour les marchés de télécommunications du monde entier. À l'automne de 2002, elle a estimé qu'elle perdait 25 p. 100 de chiffre d'affaires à cause de contrefaçons chinoises.
Art in Motion est une société de Coquitlam qui a environ 400 employés. C'est un éditeur de pointe d'oeuvres d'art qui lutte continuellement contre la contrefaçon de ses oeuvres à l'échelle internationale et qui a intenté des poursuites en Amérique du Nord, en Asie et en Europe.
Cela vous montre que la contrefaçon a des conséquences partout au pays, dans toutes vos circonscriptions. Tout le monde essaie d'agir par le truchement du Réseau anti-contrefaçon canadien. L'incidence économique est évidente et peut être démontrée. Il est difficile de la mesurer exactement mais on sait qu'elle est énorme.
Doug, voulez-vous ajouter quelque chose?
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Oui. En fait, c'était l'un des exemples que j'allais donner mais j'ai manqué de temps. Je parle toujours trop.
C'était un pharmacien qui vendait ce qui s'est avéré être des médicaments contrefaits contre l'hypertension qu'un coroner avait reiés à... Je ne pense pas qu'il ait pu le prouver au-delà de tout doute raisonnable mais il ne pouvait pas négliger le fait qu'ils avaient causé quatre morts. En fait, il y avait eu 11 morts suspectes dans ce cas.
L'affaire est passée en justice et la décision a été rendue le mois dernier : le pharmacien a été acquitté. Le juge a considéré que le procureur n'avait pas prouvé l'intention délictueuse au-delà de tout doute. Son argument ultime fut le suivant : « Vous n'avez pas prouvé qu'il savait qu'ils étaient contrefaits ». Les poursuites avaient été intentées en vertu des dispositions du Code criminel concernant les marques de commerce, qui contiennent quasiment une double obligation pour prouver l'intention délictueuse, ce qui oblige en fait à prouver qu'il y a eu fraude.
Voilà un exemple d'un mauvais arrêt, à mon avis, car la preuve déposée, au sujet de laquelle le juge a conclu qu'il y avait un doute raisonnable, confirmait que le pharmacien avait acheté les produits à l'arrière d'une camionnette blanche à un type qui disait être le distributeur. Comme si ça ne suffisait pas, les clients du pharmacien étaient revenus lui dire : « Ces médicaments ne ressemblent pas à nos médicaments habituels. Y'a-t-il un problème? », et le pharmacien leur avait assuré que non.
Ce bonhomme est libre aujourd'hui.
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Je tenais à préciser que j'ai remis la mienne en premier mais que celle de Mme Barnes est similaire. Nous en avons d'ailleurs discuté. Nous ne pouvons pas proposer de motion commune mais c'était notre intention. Nous considérons tous les deux que c'est un effort commun.
Pour ceux qui n'ont pas suivi ce qui s'est passé ces derniers jours, monsieur le président, le Globe and Mail vient de publier une série d'articles concernant une affaire de la Colombie- Britannique relative au programme de protection des témoins, à la Loi et au comportement de la GRC dont on peut dire, sans parler de la notoriété suscitée, qu'il remet en question la manière dont le programme a été utilisé. En bref, il s'agit d'un individu qui a manipulé la GRC pour lui faire croire qu'il était un informateur. La GRC a relevé son statut d'informateur à agent rémunéré et l'a fait bénéficier du programme de protection des témoins alors qu'il était devenu évident au même moment, ou peu après, qu'il l'avait grossièrement trompée.
Cela seul nous aurait déjà sérieusement inquiétés mais il se trouve que cet individu, alors qu'il bénéficiait du programme de protection des témoins, a ensuite commis au moins un meurtre, si ce n'est plus. Cela n'a pas encore été éclairci. Quoi qu'il en soit, ce cas remet en cause la manière dont on utilise le programme.
Il y a eu un deuxième cas au Québec, il y a un an ou deux, ou peut-être plus, concernant un informateur impliqué dans la guerre des motards. C'était une situation similaire où l'individu, après avoir été placé dans le programme, encore de manière douteuse, dirais-je, avait commis des crimes avec violence.
Par cette motion, je demande au comité de se pencher sur le problème, c'est-à-dire sur l'abus éventuel du programme mais aussi — et c'est peut-être le plus important en ce qui nous concerne — sur la question de savoir s'il faut apporter des modifications à la Loi pour assurer une utilisation plus adéquate du programme.
En conséquence, je propose que le comité entreprenne une révision de la Loi et un examen du rôle joué par la GRC.
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Pouvons-nous parler d'un échéancier à ce sujet?
Monsieur le président, je vous signale que nous avons le problème d'un autre projet de loi d'initiative privée qui a été renvoyé devant notre comité avec un délai très court. Hier, l'auteur de ce projet de loi m'a demandé en Chambre : « Pourquoi ne réduisez-vous pas le délai de 30 jours? ». Nous avons toujours les mêmes problèmes de procédure puisque le Règlement de la Chambre dit que c'est présumé, et nous ne pouvons donc pas faire ça.
J'aimerais connaître l'avis de M. MacKenzie car je souhaite que cette enquête se fasse rapidement. J'aimerais aussi que nous puissions produire un rapport très rapidement sur ce que nous venons d'entendre ces deux derniers jours. Je pense que nous avons suffisamment d'informations, sur une base unanime, pour faire avancer ce dossier, et il y a de très bonnes recommandations dans ce que nous avons reçu aujourd'hui. Nous pourrions tenir une réunion à ce sujet mais, en dernière analyse, si nous devons examiner ce projet de loi d'initiative privée et éviter qu'il soit réputé avoir été approuvé, nous devrons déterminer comment nous allons faire ça parce qu'il y a très peu de temps.
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Monsieur le président, mon collègue et moi-même avons déjà commencé à dresser une liste pour la protection des témoins et il s'agirait — nous lisons les journaux — de la GRC, c'est évident, du ministère de la Justice et du ministère de la Sécurité publique.
Il y a aussi un universitaire de l'université d'Ottawa, Thomas Gabor, qui est criminologue. Il a publié quelque chose sur les programmes de protection des témoins d'autres pays.
Puisque j'ai la parole, puis-je également demander aux membres du comité d'envoyer à la greffière, Louise Hayes, les noms des autres témoins qu'ils voudraient proposer? Par exemple, il y a un avocat, Barry Swadron, qui a défendu plusieurs personnes ayant profité du programme de protection des témoins et qui en étaient très mécontentes. C'est quelqu'un qu'il faudrait entendre.
Évidemment, la difficulté sera d'entendre des gens qui ont bénéficié de la protection. Ce serait un sérieux problème et je ne suis pas sûr que la GRC voudra aller beaucoup dans les détails, étant donné la nature du programme et les protections dont il s'agit.