Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale tient aujourd'hui sa 18e séance. Conformément à l'article 81(4) du Règlement, nous traitons aujourd'hui du Budget principal des dépenses de 2006-2007, et plus précisément du crédit 25 sous la rubrique Conseil privé, renvoyé au comité le mardi 25 avril 2006.
Nous accueillons des représentants du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité que le président, Gary Filmon, nous présentera après sa déclaration liminaire.
Nous traiterons aussi de l'ordre de renvoi du jeudi 26 octobre 2006 concernant une étude sur le rapport annuel du CSARS de 2005-2006 et, conformément à l'article 108(2) du Règlement, d'une étude sur le rapport de la Commission d'enquête sur les événements concernant Maher Arar.
Nous allons traiter de ces trois sujets pendant les deux heures dont nous disposons.
M. Filmon, si vous voulez, vous pouvez aborder les trois sujets dans vos remarques liminaires. À vous de décider. Vous avez la parole.
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Merci, monsieur le président, de nous avoir invités à comparaître devant le comité. La dernière comparution du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité remonte à il y a trois ans, je crois, et nous sommes donc heureux d'avoir une nouvelle occasion de répondre à vos questions.
J'ai le plaisir de vous présenter mes quatre collègues, qui sont tous présents aujourd'hui. Ce sont Roy Romanow, que vous connaissez bien, ex-premier ministre de la Saskatchewan; Baljit Chadha, un homme d'affaires de renom de Montréal; Ray Speaker, un ancien député que beaucoup d'entre vous connaissez sans doute aussi; et Aldéa Landry, ex-première ministre du Nouveau-Brunswick.
Nous avons également quelques membres de notre personnel, notamment Susan Pollak, directrice exécutive; Tim Farr, directeur exécutif associé; Marian McGrath, jurisconseil; et Sacha Richard, recherchiste.
Je vais d'abord établir le contexte de cette comparution. J'ai été nommé membre du Comité trois semaines après les événements du 11 septembre et j'en suis devenu le président il y a un peu plus d'un an. Je m'occupe donc activement des questions de renseignement de sécurité depuis un certain temps. Au cours des cinq dernières années, la situation a beaucoup changé dans les services de renseignement canadiens mais le cadre définissant les pouvoirs du SCRS et du CSARS a fort bien résisté à l'épreuve du temps, selon nous.
Je vais vous donner un bref aperçu du mandat du CASRS et de ses activités. Notre rôle est relativement facile à décrire mais difficile à exécuter. Nous avons deux grandes fonctions : effectuer des examens et enquêter sur des plaintes. En droit, le CASRS détient le pouvoir absolu d'examiner toutes les activités du Service et jouit d'un accès total à tous ces dossiers, quel que soit leur degré de sécurité. La seule exception concerne les documents secrets du Cabinet.
Les examens du SCRS sont destinés à évaluer toute la gamme de ses activités. Nous examinons donc tous ses programmes clés, tout en sachant cependant que le contre-terrorisme est sa priorité absolue. Nous examinons aussi ses arrangements avec les agences étrangères et les autres organismes nationaux, ainsi que les avis et analyses qu'il communique régulièrement au gouvernement du Canada.
Tous les examens du SCRS se font en analysant ses activités à l'aune de quatre éléments constituant son cadre législatif et politique : la Loi sur le SCRS, les instructions ministérielles, les exigences nationales sur le renseignement de sécurité, et ses politiques opérationnelles. Chaque rapport d'examen contient nos constatations et recommandations, adressées au directeur du Service et à l'Inspecteur général. Il arrive aussi que nous adressions directement au ministre de la Sécurité publique des rapports spéciaux en vertu de l'article 54 de la Loi sur le SCRS, le plus récent ayant été consacré à l'affaire Maher Arar.
Le CASRS fait également enquête sur les plaintes portées contre le SCRS par des particuliers ou des organismes et concernant, par exemple, ses activités, les cotes de sécurité, la citoyenneté ou les droits humains. Nous adressons alors des rapports et des recommandations au directeur et au ministre et nous communiquons le résultat de nos investigations au plaignant.
Je ne décrirai pas ces deux responsabilités de manière plus détaillée car je suis sûr que vous êtes déjà parfaitement au courant et je répondrai plutôt à vos questions à ce sujet. Je vous invite aussi à consulter notre site Web à www.sirc-csars.gc.ca pour obtenir plus d'informations.
Le CASRS emploie plusieurs mécanismes pour garantir aux Canadiens que le SCRS respecte les règles du jeu. Nous entretenons un site Web exhaustif, nous participons à des conférences et colloques, et nous allons dans les universités, mais notre mécanisme le plus visible est sans doute notre rapport annuel, qui est aussi notre principal outil de reddition de comptes au parlement. C'est une version publique édulcorée des rapports beaucoup plus détaillés et hautement confidentiels que nous consacrons à nos examens et aux plaintes.
Notre rapport annuel de 2005-2006 a été déposé devant le parlement le 26 octobre. On y trouve les constatations dominantes de sept examens ainsi que quatre décisions rendues au sujet de plaintes. Parmi les examens les plus notables, mentionnons l'examen des relations du SCRS avec les agences de quatre pays soupçonnés d'infractions aux droits humains, ainsi que l'examen des techniques de surveillance électronique et de collecte de renseignements du SCRS, cet examen ayant été fait pour mieux comprendre comment les technologies modernes, qui changent très rapidement, sont utilisées par le Service et sont exploitées par les terroristes et les agences de renseignement étrangères. Vous trouverez dans notre rapport annuel 14 recommandations découlant de ces examens.
En 2005-2006, le CASRS s'est aussi penché sur 63 plaintes -- ce qui représente une augmentation importante par rapport aux dernières années -- et a rendu quatre décisions. Outre son rapport annuel, le CASRS publie aussi, comme tous les autres ministères et organismes fédéraux, un rapport annuel sur ses plans et priorités, le dernier ayant été déposé devant le parlement en septembre. Vous constaterez à sa lecture que, même si nous sommes un petit organisme -- avec 20 employés seulement et un budget de 2,9 millions de dollars -- notre programme de travail est ambitieux.
Je sais que votre comité a déployé beaucoup d'efforts au cours du mois dernier pour discuter des résultats de l'enquête factuelle du juge O'Connor concernant Maher Arar. Comme vous le savez, le CASRS a mené son propre examen de cette question, en se limitant toutefois uniquement au rôle du SCRS, conformément à son mandat. Nous avons préparé à ce sujet un rapport au titre de l'article 54 de la loi sur le SCRS, ce qui veut dire qu'il a été communiqué directement au ministre de la Sécurité publique.
Peu après avoir reçu notre rapport, le 19 mai 2004, le ministre en a adressé la version confidentielle exhaustive au juge O'Connor. Nous sommes heureux qu'il ait pu en prendre connaissance et espérons que notre travail lui a été utile dans l'achèvement de ses propres investigations. Je précise aussi que le comité, après avoir examiné les constatations que nous avons formulées dans ce rapport, les a jugées conformes à l'enquête actuelle du juge O'Connor.
Il va sans dire que le CASRS ne manque pas de travail. À notre époque troublée, plusieurs initiatives le concernent directement, comme la réponse du gouvernement aux recommandations éventuelles du juge O'Connor sur l'instauration d'un mécanisme d'examen indépendant des activités de sécurité nationale de la GRC et la proposition de mettre sur pied un comité parlementaire pour examiner les activités de tous les organismes de sécurité et de renseignement du Canada.
Entre-temps, nous continuerons notre travail pour nous assurer que le Canada possède un service de sécurité et de renseignement agissant conformément à la loi et respectant nos valeurs démocratiques et les droits humains. Cet objectif est encore plus important depuis le 11 septembre alors que nous nous efforçons de trouver l'équilibre canadien traditionnel entre la protection de la sécurité publique et le respect des libertés civiles.
Merci à nouveau de nous avoir invités à comparaître devant vous. Mes collègues et moi-même sommes à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence.
Comme vous le savez, le comité a entendu hier le directeur actuel du SCRS et son prédécesseur au sujet de l'affaire Maher Arar.
Ma première question concerne la demande de Maher Arar que le CASRS reprenne son enquête du SCRS pour déterminer si l'on a essayé de camoufler des rapports de renseignement.
Vous savez peut-être -- ou plutôt, très certainement -- que le gouvernement syrien a déclaré à trois reprises qu'on lui avait dit que le SCRS ne souhaitait pas que Maher Arar soit renvoyé au Canada.
Deuxièmement, des préoccupations ont été exprimées sur le fait que l'analyse des données provenant du gouvernement syrien a été faite par une personne n'ayant aucune expérience de la torture, ce qui l'a amenée à conclure qu'elles n'avaient probablement pas été obtenues par la torture. Selon le juge O'Connor, une personne ayant une connaissance adéquate de la torture n'aurait pas tiré cette conclusion.
Donc, premièrement, avez-vous l'intention de rouvrir l'enquête sur ces questions?
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Merci, monsieur le président.
Depuis que j'étudie l'affaire Arar, une chose m'interpelle énormément. Je suis convaincu que le travail du Service canadien du renseignement de sécurité est absolument essentiel si nous voulons véritablement nous protéger contre les menaces terroristes qui ont frappé d'autres pays démocratiques comme le nôtre. D'ailleurs, ce travail est vraiment beaucoup plus important que la modification de nos lois. Par conséquent, il faut donner au Service canadien du renseignement de sécurité la liberté de travailler dans le cadre de certaines limites. Aussi, il doit pouvoir être en communication étroite avec d'autres services équivalents dans d'autres pays.
Si, dans un pays démocratique, on a des raisons de croire qu'un ressortissant d'un pays étranger a des relations terroristes, avant que cette personne ne rentre dans son pays d'adoption, dont elle est citoyenne, il me semble normal que les services de sécurité du pays démocratique en question informent les services de sécurité de son pays d'adoption.
En d'autres mots, si les Américains avaient leurs propres raisons de croire que M. Arar était relié à des organisations terroristes, il me semble tout à fait naturel, et même inévitable, qu'ils auraient dû en informer le Service canadien du renseignement de sécurité.
Est-ce que je rêve? Puisque vous avez fait de nombreux examens des ALS dans d'autres pays et des relations qu'ils ont entre eux, avez-vous observé, justement, cette pratique, cette procédure, cette façon d'agir?
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Je pense que toutes les études qui ont été consacrées à des attentats ces dernières années, depuis le 11 septembre jusqu'au juge O'Connor, ont souligné la nécessité d'un meilleur partage de renseignements entre les organismes de sécurité et de renseignements de tous les pays parce que c'est absolument fondamental si l'on veut rendre ce monde plus sûr et offrir un environnement sûr à nos concitoyens.
Dans ce contexte, ce qui est important, c'est que nous ayons des protocoles et des ententes entre les organismes de sécurité et de renseignements pour fixer des limites, comme je l'ai dit plus tôt, à la manière dont les informations peuvent être utilisées, avec une évaluation de leur fiabilité, des mises en garde et des assurances pour en empêcher le mauvais usage.
Dans le cas dont vous parlez... Je suppose que vous parlez de l'affaire Arar et du fait que le SCRS n'avait pas été informé de certaines actions du début, lorsqu'il avait été détenu puis finalement expédié en Syrie en passant par la Jordanie. Il est troublant d'apprendre que cela a pu se produire sans contact direct ni information mais, selon nos investigations, c'est ce qui s'est passé.
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Oui, et je donnerai ensuite la parole à M. McKenzie.
Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité.
La raison pour laquelle j'interviens tout de suite est que je souhaite revenir sur une question de Mme Chow. J'ai interrogé beaucoup de groupes, dont le SCRS et l'ex-ministre Easter, sur l'idée d'un comité parlementaire de surveillance de la sécurité nationale. Comment un tel comité pourrait-il fonctionner, d'après vous?
Vous dites que notre comité fait partie du dispositif de surveillance mais la manière dont il est constitué ne nous donne pas la possibilité de faire tout ce que peut faire votre propre Comité. Si le Parlement décidait de créer un comité parlementaire de surveillance de la sécurité nationale, quel effet cela pourrait-il avoir sur votre groupe?
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Je ne sais pas. Pour être tout à fait franc, il nous faudrait d'abord connaître ses pouvoirs et son mandat.
Je peux vous dire que, quand nous rencontrons nos homologues d'autres pays, nous constatons que les comités parlementaires ou les comités du Congrès ne possèdent pas les pouvoirs que nous détenons. Étant donné le principe de l'accès sélectif et le besoin de protéger la sécurité nationale, ils ne bénéficient pas du même accès que nous à toutes les informations, à toutes les communications, etc., quand nous menons une enquête concernant le SCRS.
Il faudrait donc savoir si ce comité parlementaire serait doté de tous ces pouvoirs mais je suppose qu'il ne le serait probablement pas. En conséquence, nous devrions établir une relation de travail en vertu de laquelle notre groupe, du fait de son accès aux informations les plus secrètes, pourrait travailler de manière complémentaire avec le comité parlementaire. Je pense que ce serait possible, ce serait une question d'arrangements.
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Depuis quelques semaines, notre comité étudie comment améliorer notre service de sécurité pour protéger les Canadiens, surtout les Canadiens innocents dont la réputation a été été ternie dans ce pays.
Une chose me préoccupe vraiment depuis le début de l'affaire Arar, et c'est le comportement du gouvernement américain et l'incapacité de notre gouvernement non seulement à protéger ou à défendre nos concitoyens mais même à obtenir des renseignements du gouvernement américain sur ce qu'il fait. Je ne sais pas si ça relève de votre mandat mais je tiens à vous communiquer cette préoccupation pour voir comment nous pouvons protéger les Canadiens à l'étranger.
On obtient de plus en plus d'informations sur ce que fait le gouvernement américain avec ses centres de détention secrets un peu partout dans le monde. Ce ne sont pas seulement des innocents des États-Unis qui sont ciblés, c'est n'importe qui. N'importe qui au monde pourrait être détenu de cette manière et être torturé.
Sur l'affaire Arar, je ne veux pas être sectaire mais, quand M. Harper, notre premier ministre, a dit qu'il voulait que les Américains disent la vérité à ce sujet et que la réponse qu'ils lui ont donnée était une lettre disant qu'ils ne recommenceraient pas, ce n'est pas rassurant. Quand l'ex-directeur du SCRS était ici, nous lui avons demandé s'il avait demandé aux services de sécurité américains ce qui les avait incités à déporter M. Arar en Syrie et ils n'ont pas donné cette information. On leur a posé la question mais ils s'en moquent, n'est-ce pas?
En fin de compte, comment le gouvernement canadien peut-il protéger nos concitoyens? Comment pouvons-nous obtenir justice pour M. Arar pour les mauvais traitements que lui a infligés le gouvernement américain? Pouvez-vous répondre à cela?
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Comme l'a dit mon collègue, M. Romanow, le SCRS mène actuellement une campagne de sensibilisation. De fait, nous avons eu récemment une discussion avec lui au sujet de ce qu'il fait dans des villes comme Toronto auprès des diverses communautés susceptibles d'être la source d'actes terroristes ou d'en être affectées et pouvant être un centre d'intérêt au sujet des terroristes, réels ou soupçonnés.
Cette campagne comprend des séances d'information pour informer les communautés sur ce que fait le SCRS et pour les inviter à collaborer avec lui car, comme il nous l'a dit, les membres de ces communautés ne veulent pas être considérés comme des sources de terrorisme ou d'insécurité au Canada.
Nous avons récemment publié sur notre site Web un document, avec traduction en arabe, sur notre processus de plaintes et d'examen afin de nous adresser à une communauté qui a parfois le sentiment, je pense, de faire l'objet d'une attention négative.
Le SCRS fait la même chose en s'efforçant d'être linguistiquement et culturellement sensible aux autres communautés. Nous l'y encourageons dans nos discussions avec lui.
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Merci, monsieur le président.
Je voudrais aborder une question précise concernant la commission O'Connor, Maher Arar, la GRC et le SCRS.
La commission O'Connor a conclu que la GRC avait communiqué une information fausse et trompeuse indiquant que Maher Arar était un extrémiste islamique associé à al-Qaeda et que cette information avait probablement contribué au transfert de M. Arar en Syrie. Lors de sa comparution devant notre comité, le commissaire Zaccardelli a dit que la GRC avait corrigé cette information fausse et trompeuse le 22 octobre environ à l'occasion de la détention de M. Arar.
Lorsqu'ils ont comparu devant nous, l'ex-directeur du SCRS, Ward Elcok, et son directeur actuel, James Judd, ont dit qu'ils ne savaient pas que cette information fausse et trompeuse avait été transmise aux autorités américaines et qu'ils ne savaient pas que cette information fausse et trompeuse avait été corrigée jusqu'à ce que le commissaire Zaccardelli vienne devant notre comité, quatre ans plus tard.
Voici donc mes questions. N'est-il pas étonnant, voire troublant, qu'une fonction importante et même cruciale reliée au renseignement conformément au mandat du SCRS : a) n'ait pas été connue du SCRS; b) que le SCRS n'ait pas su qu'elle avait été communiquée aux autorités américaines; c) que le SCRS n'ait pas eu de discussions à ce sujet avec les autorités américaines; d) que le SCRS n'en ait pris connaissance que quatre ans plus tard, non pas suite à des discussions avec la GRC et non pas parce que la GRC en avait fait rapport au gouvernement mais simplement parce que le commissaire Zaccardelli est venu faire rapport devant notre comité et que, sans la commission d'enquête, il ne serait jamais venu devant ce comité et rien de cela n'aurait jamais été connu; et, finalement, qu'en l'absence de cette information, ou en l'absence de cette information communiquée par la GRC aux autorités américaines, qui était fausse et trompeuse, le SCRS ait continué d'être actif dans l'affaire Maher Arar, y compris en ne se joignant pas à la lettre commune, en maintenant ses contacts avec les agences de renseignement syriennes pendant la détention d'Arar, et n'ait pas corrigé les informations publiques quand des fuites dommageables et préjudiciables ont été faites, à la fois pendant et après le retour de Maher Arar suite à son emprisonnement?
N'y a-t-il pas là un manquement grave au mandat de renseignement du SCRS? N'y a-t-il pas là un manquement grave à son obligation de reddition de comptes sur sa fonction de renseignement? N'est-ce pas là quelque chose que votre comité d'examen du renseignement devrait en fait examiner?
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La question n'est pas de savoir si des gens ont commis une faute ou non. Nous n'avons trouvé aucune preuve qu'ils aient été impliqués dans l'arrestation et la déportation, c'est certain. Nous savons qu'ils sont allés interroger des représentants syriens à la demande d'agents de renseignement syriens. Si je comprends bien, non seulement le MAECI mais aussi le juge O'Connor ont confirmé qu'ils avaient eu raison de ce faire.
Quant à savoir si leurs actions ont prolongé sa détention, je ne pense pas que le juge O'Connor ait tiré cette conclusion dans son rapport et nous ne l'avons pas tirée non plus des enquêtes que nous avons menées. Il me reste donc à comprendre ce que vous voulez exactement. A-t-on commis des fautes dans cette opération ou le SCRS y a-t-il contribué? Nous n'avons rien dit dans notre rapport qui aille à l'encontre de la conclusion du juge O'Connor. La question est de savoir à qui vous attribuez le blâme.
Je peux vous dire que le SCRS a changé certaines de ses méthodes à la suite de nos investigations. Il s'agit par exemple de ce qu'il fait des renseignements qu'il obtient des pays soupçonnés d'enfreindre les droits humains et de la manière dont il se comporte lorsqu'il a des réunions avec des représentants de pays ou d'organismes soupçonnés d'enfreindre les droits humains. Ces changements sont déjà en vigueur pour essayer d'éviter ce genre de difficultés à l'avenir.
En ce qui concerne la question de savoir s'il lui est possible de déterminer que l'information a été obtenue par la torture, je ne pense pas que nous l'ayons su avant le rapport de Stephen Toope, nie que quiconque le savait avant. Il y a eu des rapports de membres du MAECI ayant eu des contacts face à face. Le SCRS n'a jamais eu de contacts face à face avec M. Arar. Deux députés, Mme Catterall et M. Assadourian, sont allés le rencontrer sur place et n'ont pas déclaré, à leur retour, qu'ils soupçonnaient que l'information avait été obtenue par la torture.
Il y a donc là beaucoup d'éléments qui rendent la situation très difficile. Essayons d'être justes à ce sujet. Sur le reste, il n'a certainement rien dans le rapport du juge O'Connor qui aille à l'encontre du nôtre et de notre enquête.
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Je pense que ce sont les Canadiens qui gagnent.
Nous avons un travail à faire. La relation doit être professionnelle car il a lui aussi un travail à faire et je suis sûr qu'il le fait sérieusement.
Notre travail est de lui demander des comptes sur l'exercice de ses fonctions et sur le respect de la Loi sur le SCRS, des instructions ministérielles et, évidemment, des politiques de son organisme. Nous lui demandons des comptes sur le respect de toutes ces choses.
Il peut arriver, de temps à autre, que nous constations que certaines choses n'ont pas été totalement respectées et nous n'avons alors aucune hésitation à le dire. Il nous est déjà arrivé de conclure que certaines plaintes contre le SCRS étaient justifiées. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas un organisme professionnel qui il ne prend pas ses responsabilités au sérieux. Cela veut simplement dire qu'il peut lui arriver de temps en temps de faire un faux-pas et notre rôle est de le lui signaler pour donner aux Canadiens l'assurance qu'ils sont servis de la meilleure manière possible.
Je pense que nous avons une relation de tension créatrice. Ils font leur travail et nous faisons le nôtre. Il nous arrive de ne pas être d'accord et nous l'indiquons dans nos rapports.
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Merci, monsieur le président.
En ce qui concerne la torture de Maher Arar durant son emprisonnement, je veux seulement dire qu'au moment de son extradition vers la Syrie par les États-Unis, c'était une information publique, c'était dans le rapport annuel du département d'État à l'époque, que la Syrie était un pays où les détenus étaient couramment torturés -- sans compter que c'était également un pays figurant sur la liste de ceux qui aident les terroristes.
Je dis cela car ce fait aurait dû alerter nos propres services de renseignement sur le genre de traitement que Maher Arar pouvait subir durant son emprisonnement en Syrie.
Permettez-moi maintenant de revenir sur certaines des questions précédentes, c'est-à-dire ce que savait le SCRS, quand il le savait ou quand il ne le savait pas. Je sais que le SCRS est un organisme sérieux et professionnel, comme vous l'avez dit, monsieur le président, et qu'il prend son rôle au sérieux sur la sécurité et le renseignement. Je sais que, dans le cadre de ces responsabilités qu'il prend au sérieux, il est régulièrement en contact, comme il l'a admis, avec des organismes de renseignement étrangers, dont ceux des États-Unis.
Je dois donc supposer qu'il était -- et qu'il est d'ailleurs encore -- continuellement en contact avec les services de renseignement américains et que, par conséquent, les allégations concernant Maher Arar, ou les allégations fausses et trompeuses concernant Maher Arar, ont dû faire l'objet de discussions entre les agences de renseignement américaines et le SCRS à un certain moment avant sa détention, pendant sa détention, après son extradition ou durant son emprisonnement.
Par conséquent, n'est-il pas étonnant que le SCRS ait pu ne rien savoir des fausses informations, des informations trompeuses qui avaient été communiquées, surtout quand elles étaient reliées à des questions de renseignement, alors qu'il y avait des discussions continuelles avec les agences de renseignement américaines durant toute cette période? N'est-il pas troublant qu'il ait dû admettre avoir appris cela seulement quatre ans plus tard, quand le commissaire Zaccardelli a comparu devant ce comité?
Voici donc ma question : comment a-t-il pu s'acquitter de son mandat touchant la sécurité et le renseignement -- au sujet duquel vous exercez une supervision -- en relation avec le gouvernement syrien, en relation avec le gouvernement américain, en relation avec le gouvernement canadien, et en relation avec la GRC, en l'absence de cette information cruciale concernant Maher Arar?
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C'est à l'évidence une question qu'il faudrait poser au SCRS mais, si vous me le permettez, je vais revenir sur votre affirmation que tout le monde aurait dû être au courant au sujet de la Syrie et de sa réputation en matière de torture.
Certes, c'était connu dans le monde entier, et c'était connu au Département d'État mais, pourtant... Personne du SCRS n'a eu de contact face à face avec M. Arar pendant toute cette période. Le SCRS n'était pas le chef de file dans ce dossier au sujet duquel, si je comprends bien, il y avait eu des échanges d'informations -- c'était le projet A-O Canada -- où c'était la GRC qui était le chef de file.
Cela dit, vous savez que des représentants du MAECI l'avaient rencontré face à face. Deux députés l'avaient aussi rencontré face à face. Pourtant, cette information n'a pas été confirmée de manière concluante avant l'enquête du Dr Toope. Nous avons évidemment tous étés choqués de l'apprendre, comme beaucoup de gens, mais il y avait beaucoup de choses qui se passaient à ce moment-là. C'est très regrettable.
Pourquoi? Je ne peux que formuler une hypothèse, puisque c'est la position dans laquelle vous me placez, sur la raison pour laquelle le SCRS n'a jamais été mis au courant, et je dirai simplement que c'est parce qu'il n'était pas le chef de file dans ce dossier constitué à son sujet. C'est la GRC qui était le chef de file du projet A-O Canada et c'était elle, si je comprends bien, qui était en relation directe avec les Américains dans cette affaire.
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Vous n'avez apparemment pas trouvé de trace écrite que le SCRS aurait autorisé la GRC à divulguer à une tierce partie des informations du SCRS sur M. Arar.
En vertu de l'article 19 de la Loi sur le SCRS, il lui est interdit -- je pense que c'est dans votre rapport -- de divulguer des informations sans en garder une trace écrite. Cet article dispose que « dans les plus brefs délais possibles après la communication... le directeur en fait rapport au comité de surveillance ».
Dans le passé, semblez-vous avoir dit, vous ne receviez rien par écrit même si c'était une exigence de la Loi. Comme rien ne se faisait par écrit, quelque chose a dû mal se passer -- c'est à la partie « Communication d'informations » dans votre rapport.
Si je lis le paragraphe précédent, à la page précédente, je constate que, si un employé du SCRS a commis un acte illicite, le directeur du SCRS doit faire rapport au ministre, etc. -- c'est en vertu de l'article 20 de la Loi -- et celui-ci doit transmettre ce rapport au procureur général du Canada et au CASRS. Il n'y a pas eu de rapport de cette nature.
Il me semble -- et je vous demande si vous êtes d'accord avec moi -- qu'il n'y a pas eu de trace écrite d'une communication d'informations.
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Il y en a aussi une dans le rapport du juge O'Connor, présentée après une analyse des sept recommandations que nous avons formulées après notre étude de l'affaire Arar : « Que le SCRS examine ses ententes et politiques touchant la GRC pour déterminer s'ils (
sic) assurent la protection nécessaire contre la divulgation à des tiers ». C'est précisément la question que vous avez soulevée.
« Que le SCRS modifie sa politique opérationnelle concernant les projets de voyage à l'étranger pour tenir compte des préoccupations en matière de droits de la personne », ce qui répond à la question de M. Cotler. Comme je l'ai dit plus tôt, « Que le SCRS modifie sa politique opérationnelle pour exiger la prise en considération des questions de droits de la personne lorsqu'il veut utiliser de l'information aux fins d'approbation de ciblage ».
il y en a encore une autre, la cinquième, disant « Que les ALS conservent des dossiers écrits lorsqu'ils transmettent des demandes d'information à des organismes de renseignement étrangers » et que « des lettres officielles soient envoyées pour confirmer les demandes verbales ».
Il s'agit de la période dont parlait M. Holland, lorsque le SCRS tentait d'obtenir des renseignements de la CIA sur la détention de M. Arar.
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Je crois que c'est encore plus compliqué dans la mesure où le SCRS savait clairement qu'il avait partagé beaucoup d'informations avec la GRC en ce qui concerne un projet qui allait devenir le fondement de son information pour le projet A-O Canada.
Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'on avait ajouté l'assertion que M. Arar était soupçonné d'être un terroriste, si j'ai bien compris. J'aborde peut-être un sujet que je ne devrais pas mentionner. Je l'ai probablement lu dans quelque chose dont je ne devrais pas parler.
Quoi qu'il en soit, il a pu supposer qu'il savait quelles étaient les informations en cause mais a découvert plus tard qu'il y en avait d'autres émanant peut-être d'une autre source qu'il ne connaissait pas.
Le partage des informations doit se faire dans les deux sens mais, dans ce cas précis, des informations ont été ajoutées sans le dire à l'organisme qui en était à l'origine. Cela fait qu'il a été placé dans une situation très difficile. C'est mon interprétation.
Il y a une question que je ne voulais pas soulever mais, d'après vous, puisque des gens nous suivent à la télévision et qu'ils se disent peut-être que vous essayez simplement de protéger votre emploi, ce qui n'est pas mon avis... Même si j'ai une sainte horreur de la création de nouvelles bureaucraties, ce que vous venez de dire ne justifierait-il pas la mise en place d'un mécanisme de surveillance parlementaire, en plus de votre Comité? Ce mécanisme chapeauterait votre Comité ainsi que les autres agences, ce qui permettrait d'assurer une coordination dans le cadre d'un processus parlementaire.
Autrement dit, les législateurs -- après avoir juré de garder le secret, bien sûr -- exerceraient une surveillance. Voyez-vous un intérêt à cela, considérant les pratiques exemplaires dont vous venez de parler?