:
Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous.
[Français]
Merci de m'avoir invité ici pour m'adresser à vous.
Je suis heureux de me joindre à vous avec mon collègue le surintendant Derek Ogden, qui est directeur général, Drogues et crime organisé. À ce titre, il est directement responsable, entre autres, du Programme de protection des témoins et il se rapporte à moi directement.
[Traduction]
Je suis également accompagné de M. David Bird, des services juridiques de la GRC, et de M. Bill Bartlett, de la section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice.
Pour ma part, j'occupe le poste de commissaire adjoint des opérations fédérales et internationales. À ce titre, je suis responsable des programmes touchant les drogues et le crime organisé, l'intégrité des frontières, la criminalité financière et la police internationale. Je suis aussi l'officier auquel le commissaire de la GRC a délégué le pouvoir d'admettre des personnes au programme de protection des témoins, et de les en exclure.
[Français]
Si vous me le permettez, j'aimerais d'abord vous exposer quelques principes généraux du Programme de protection des témoins.
[Traduction]
Le programme de protection des témoins est un outil très prisé des organismes d'application de la loi et de l'appareil judiciaire. On y a recours principalement pour les enquêtes sur les crimes les plus graves. Dans bon nombre de pays, on le voit comme un élément essentiel d'un appareil judiciaire efficace.
Au Canada, le programme de protection des témoins procure la confiance nécessaire aux témoins à charge pour dénoncer les auteurs de crimes très graves. Si les tribunaux protègent jusqu'à un certain point l'information fournie à la police par des informateurs, en revanche, celle fournie par les personnes qui agissent pour le compte de la police, ceux que l'on appelle des agents-sources, n'est pas protégée et est divulguée dans sa totalité aux accusés.
Il existe une distinction très nette entre les informateurs et les agents. J'accepterai volontiers d'en discuter, si vous voulez, au cours de mon témoignage.
Prêts à témoigner contre les accusés, ces témoins s'exposent, ainsi que leurs familles, au risque réel de la vengeance. Lorsque la menace est réelle, ces personnes n'envisageront souvent d'aider la police que si elles sont absolument sûres que la police pourra les protéger. On doit pouvoir assurer à ces témoins qu'ils pourront parler sans crainte de représailles, que le programme de protection des témoins leur procurera une nouvelle identité et un nouveau milieu de vie.
Si les gens du milieu perdaient confiance en notre programme de protection des témoins, l'effet d'enchaînement serait dévastateur pour la police. Les témoins hésiteraient à se manifester et les agents-sources refuseraient d'éclairer la police sur les enquêtes les plus complexes sur le crime organisé et sur la sécurité nationale.
[Français]
La Loi sur le programme de protection des témoins est entrée en vigueur le 20 juin 1996. Bien que la loi confère au commissaire de la GRC la responsabilité d'administrer le programme, comme je l'ai dit plus tôt, le commissaire m'a délégué la responsabilité de décider des admissions et des exclusions.
[Traduction]
La Loi prévoit diverses mesures de protection, notamment le déménagement, le changement d'identité, l'assistance psychologique et le soutien financier nécessaire pour assurer la sécurité du bénéficiaire, ou à en faciliter la réinstallation ou l'autonomie. Tous les bénéficiaires du programme de protection des témoins ont accès à un psychologue pour les aider à s'adapter à leur nouvelle vie. Quand un témoin est admis au programme de protection, on présume qu'il y sera à vie. On l'encourage à subvenir à ses besoins et à s'intégrer à la société aussitôt que possible.
L'admission au programme de protection des témoins se fait en fonction de critères très précis, énoncés aux articles 6 et 7 de la Loi. Quand il est établi qu'un témoin est admissible au programme, celui-ci doit signer un accord de protection. Tous les accords de protection comportent des obligations pour les deux parties.
Par exemple, conformément à la Loi, la GRC a l'obligation de prendre toutes les mesures raisonnables pour assurer au bénéficiaire la protection visée à l'accord. Le bénéficiaire, pour sa part, a l'obligation, par exemple, de témoigner, de s'acquitter de toutes ses obligations financières avant de changer d'identité, de s'acquitter de toutes ses obligations juridiques, notamment celles qui concernent la garde des enfants et le versement d'une pension alimentaire à leur égard, et de s'abstenir de participer à une activité illégale.
Une fois le témoin admis au programme, l'article 11 de la Loi prévoit que son identité sera protégée en permanence. Plus précisément, cet article prévoit l'interdiction de communiquer sciemment, directement ou indirectement, des renseignements au sujet du lieu où se trouve un bénéficiaire ou de son changement d'identité. Il est aussi interdit de communiquer de tels renseignements au sujet d'un ancien bénéficiaire qui n'est plus protégé. Dans un cas comme dans l'autre, pareille communication constitue une infraction.
Toutefois, avec le consentement du bénéficiaire, actuel ou ancien, le commissaire peut communiquer des renseignements sur le lieu où il se trouve, ou sur son changement d'identité, dans certaines circonstances — si, par exemple, le bénéficiaire les a déjà communiqués ou a provoqué leur communication par ses actes, ou si l'intérêt public l'exige, pour établir l'innocence d'une personne dans le cadre d'une poursuite criminelle.
[Français]
Le Programme de protection des témoins est géré par des coordonnateurs de la protection des témoins, membres de la GRC, partout au Canada.
Les coordonnateurs de la protection des témoins et les agents contrôleurs font partie intégrante de toutes les enquêtes d'envergure, afin de traiter avec les sources humaines. Ils ont tous reçu une formation spécialisée dans ce domaine.
[Traduction]
On étudie habituellement l'éventuelle protection du témoin avant même d'utiliser une source humaine comme agent-source. Par exemple, lors d'une enquête sur du trafic de drogues, dès que l'on propose d'utiliser une source humaine comme agent-source, le contrôleur de la source présente au coordonnateur divisionnaire de la protection des témoins une proposition à approuver. Le coordonnateur évalue si la source proposée se prêterait bien au programme, et si nous serions en mesure ou non de lui fournir la protection qui garantirait sa sécurité.
L'admission au programme de protection des témoins change toute une vie. Le bénéficiaire et sa famille sont habituellement réinstallés ailleurs et doivent rompre tout lien avec la famille et les amis. Les coordonnateurs de la protection des témoins l'expliquent clairement aux éventuels bénéficiaires avant qu'ils ne commencent à aider la GRC. Une fois réinstallés, le bénéficiaire et sa famille doivent entreprendre une nouvelle vie, dans tous les sens du mot.
Pour bon nombre de bénéficiaires, c'est l'occasion de commencer une nouvelle vie loin de toute activité criminelle. Pour les aider à faire la transition à leur nouvelle vie, les bénéficiaires et leurs proches ont accès aux services de psychologues. Ils peuvent aussi communiquer en tout temps avec un coordonnateur de la protection des témoins pour régler toute difficulté à laquelle ils se buteraient en période de transition. Toutefois, le but du programme est d'atteindre l'autonomie aussi rapidement que possible. Les bénéficiaires sont bien avertis, oralement et par écrit dans l'accord de protection, que s'ils ne respectent pas toutes les conditions de leur protection, ils peuvent se voir exclure du programme.
Je tiens aussi à préciser qu'on avise les bénéficiaires oralement et par écrit, dans l'accord de protection, que leur admission au programme ne leur procure pas l'immunité contre une poursuite. Toutes les personnes admises au programme de protection des témoins sont tenues d'observer les lois du Canada. En cela, elles n'ont aucun traitement de faveur par rapport à la population en général.
Bénéficier du programme de protection des témoins ne confère pas l'immunité pour tout acte criminel dont la personne se serait rendue responsable avant ou après son admission au programme. Tous sont assujettis aux lois du Parlement, au même titre que tout autre citoyen canadien. En outre, on leur explique clairement que leur passé criminel les suit, même s'ils adoptent une nouvelle identité. Leur passé criminel ne disparaît pas avec l'ancienne identité.
Autre point important : la seule protection que confère le programme, c'est celle contre des individus qui voudraient s'en prendre physiquement au témoin, pour l'empêcher de témoigner contre eux.
Il y a deux façons de mettre fin à la protection du programme, soit volontairement, soit involontairement. On dit de la fin de la protection qu'elle est volontaire lorsque le bénéficiaire décide de lui-même de quitter le programme. Ce serait le cas si le bénéficiaire jugeait ne plus être en mesure de respecter les conditions de son accord de protection. Le plus souvent, le bénéficiaire décide de retourner dans le secteur où il est à risque pour diverses raisons.
Il y a fin involontaire de la protection lorsque le bénéficiaire a contrevenu à une condition de son accord. Le plus souvent, c'est que le bénéficiaire a trempé dans une activité criminelle ou que, contrairement à ce que prévoit l'accord de protection, il est retourné dans le secteur où il est à risque ou a révélé sa nouvelle identité ou son nouveau lieu de vie.
Avant de mettre fin à la protection d'un bénéficiaire, on prend les mesures nécessaires pour l'en informer et lui donner la possibilité de présenter des observations.
Merci de m'avoir permis de faire ces commentaires.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir permis de faire ces quelques commentaires.
[Traduction]
Mes collègues et moi répondront volontiers à vos questions.
:
C'est là où il importe de comprendre la différence entre un informateur et un agent-source, dont j'ai parlé durant ma déclaration préliminaire. Un informateur est une source humaine qui fournit de l'information à la police. La personne fournit simplement des renseignements. Nous les acceptons — merci beaucoup — et nous prenons les mesures qui s'imposent.
Dès que nous demandons à une source humaine de faire certaines choses pour nous, comme acheter de la drogue auprès d'un objectif — toutes sortes d'activités que nous pouvons demander à une source humaine de faire — alors cette personne devient un agent-source parce qu'elle agit désormais sous notre direction.
Les agents-souces finissent par nous appartenir, dans la mesure où ils doivent témoigner en cour. Ils deviennent contraignables et, dès cet instant, avant que l'informateur acquiert le statut d'agent-source, nous devons faire une bonne évaluation pour déterminer si nous avons les moyens de posséder cette personne. Quand j'utilise cette expression, je fais référence à ce que j'ai dit lorsque M. Ménard m'a demandé quels étaient les coûts. Je lui ai dit que les coûts variaient passablement, selon les biens que la personne possède, le nombre de membres dans sa famille, les coûts éventuels de sa réinstallation, ses dettes — car ses dettes doivent être remboursées avant que la personne ne soit admise dans le programme — les choses de cette nature. Nous devons faire une évaluation complète pour déterminer si nous pouvons posséder cette personne, c'est-à-dire l'admettre dans le programme et assumer ses dépenses. L'évaluation faite par les coordonnateurs de la protection des témoins permet de déterminer cela.
Tout n'est pas fixe et, selon l'importance de l'organisation criminelle que nous visons, nous pouvons engager des coûts plus élevés. À la lumière de cette évaluation, on décide d'admettre cette personne. On rencontre le témoin. On lui explique très clairement le programme de protection des témoins. On détermine s'il peut vivre dans le cadre très rigoureux de ce programme. Il faut, tout d'abord, une certaine discipline, parce que les témoins doivent rompre les liens avec le milieu d'où ils viennent.
Nous examinons tous ces facteurs, qui sont énoncés à l'article 7. On détermine les torts faits à la communauté. Il existe sept ou huit facteurs, y compris le risque encouru par le témoin et sa sécurité, le danger pour la collectivité, la nature de l'enquête, la valeur des renseignements ou des éléments de preuve, la capacité du témoin à s'adapter au programme, les coûts de la protection du témoin dans le cadre du programme, les autres méthodes possibles — à savoir si on peut traiter avec cette personne sans avoir à l'admettre dans le programme de protection des témoins — et tout autre facteur pertinent.
Une fois cette évaluation faite, une décision est prise. On l'explique au témoin, qui signe un accord de protection qui établit très clairement que le témoin ne va pas vivre dans une bulle. Il sera assujetti à toutes les lois du pays. Puis on procède à sa réinstallation.