Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale se réunit, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, pour étudier le rapport de la Commission d'enquête sur les événements concernant Maher Arar. Il s'agit de la 17e séance du comité.
Nous accueillons aujourd'hui du Service canadien du renseignement de sécurité, Jim Judd, qui en est le directeur, et Ward Elcock, qui en est l'ancien directeur. Nous vous souhaitons la bienvenue tous deux à notre comité. Nous nous faisons un plaisir d'entendre l'information que vous allez nous transmettre.
Selon l'usage au comité, vous avez habituellement une dizaine de minutes pour une déclaration. Si vous avez besoin d'un peu plus de temps, ce n'est pas pas un problème. Puis nous passerons aux questions tout d'abord de la part de l'opposition officielle et ensuite du gouvernement.
Merci beaucoup, vous avez la parole.
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Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à vous présenter aujourd'hui le point de vue du Service canadien du renseignement de sécurité au sujet du rapport de la Commission O'Connor dans l'affaire Maher Arar.
Comme vous le savez, M. le juge O'Connor n'a pas découvert de preuves que le SCRS, ou des représentants du Canada, avait participé ou acquiescé à la décision d'appréhender M. Arar ou de l'expulser vers la Syrie. De façon plus spécifique, M. O'Connor n'a pas découvert de preuves que le SCRS a communiqué aux États-Unis des informations sur M. Arar avant sa détention à New York, puis son expulsion vers la Syrie. Ses conclusions correspondent à celles de l'étude du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité sur le rôle du SCRS dans l'affaire Arar.
Je tiens également à souligner que certaines recommandations de M. O'Connor visent le SCRS, ses politiques et ses pratiques, mais elles s'inscrivent dans le contexte général des ministères et organisations chargés de la sécurité nationale. En fait, son rapport comporte plusieurs remarques très positives au sujet des politiques et des pratiques du SCRS. Malgré les grandes conclusions du juge O'Connor au sujet du rôle du SCRS dans cette affaire, le Service a été la cible de critiques. Je souhaite en parler et soulever d'autres points ici ce matin.
Même s'il y a très peu de choses à ajouter au sujet des conclusions du rapport, je crois qu'il importe que le comité comprenne comment nous donnons suite au rapport et que nous vous situions le contexte de nos activités dans cette affaire. Auparavant, je tiens à dire combien je regrette l'épreuve que M. Arar et sa famille ont subie en raison de son expulsion vers la Syrie.
Tout d'abord, M. O'Connor a découvert que le SCRS n'avait pas évalué correctement les informations reçues de Syrie pour déterminer si elles avaient été obtenues sous la torture.
M. O'Connor a clairement indiqué dans son rapport que l'échange de renseignements avec des partenaires étrangers est une façon essentielle pour le SCRS de recueillir des informations qui se rapportent à la menace qui pèse sur le Canada. Le Service sait parfaitement que cette façon d'agir représente un problème dans les cas des pays qui ont de mauvais antécédents en matière de respect des droits de la personne. Il est aujourd'hui malheureux de constater que beaucoup de menaces terroristes qui pèsent sur la sécurité du Canada ont leur origine dans des pays qui ont de mauvais antécédents en matière de respect des droits de la personne, ou y sont liées. C'est là une des raisons pour lesquelles la Loi sur le SCRS prévoit que deux ministres approuvent les ententes de liaison avec un service étranger que nous proposons.
Ainsi, selon les instructions du ministre au SCRS et sa propre politique, le SCRS est tenu d'évaluer « les antécédents du pays en matière de droits de la personne, notamment tout cas d'abus par les organismes de sécurité ou les services de renseignement ». En outre, une entente de ce genre est envisagée seulement lorsque la sécurité du Canada est en jeu. Nous avons l'obligation de tout faire pour repérer la menace avant qu'elle ne se concrétise au pays et devons donc avoir recours à toutes les sources de renseignements à notre disposition, toujours dans le cadre de garanties raisonnables.
Il s'agit certes d'un problème délicat. Le SCRS a conclu des ententes avec des organisations de pays soupçonnés d'avoir recours à la torture, et certaines restrictions sont parfois appliquées aux relations avec ces organisations. Comme l'a signalé le juge O'Connor dans son rapport,
Les décisions relatives aux relations que l'on entretient avec un pays qui a de mauvais antécédents en matière de respect des droits de la personne peuvent être très difficiles et ne pas se prêter à des règles simples et normatives.
Il n'est jamais facile de déterminer si l'information reçue d'un gouvernement étranger qui a de mauvais antécédents en matière de respect des droits de la personne a été obtenue sous la torture. Et il ne s'ensuit pas nécessairement que l'information reçue d'un pays de ce genre a été forcément obtenue sous la torture. En outre, il est d'usage au Service de chercher à corroborer l'information reçue, quelle que soit sa nature, au moyen d'autres sources avant de se prononcer sur sa fiabilité.
Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité examine annuellement notre échange d'informations avec des organisations étrangères pour s'assurer que nous respectons les instructions dans le cadre de nos propres politiques. Dans certains cas, le Comité a formulé des recommandations. Certaines d'entre elles ont été mises en oeuvre par le Service.
À titre d'exemple, dans son rapport sur M. Arar, le CSARS a formulé plusieurs recommandations, réitérées par le juge O'Connor, sur la nécessité de modifier la politique opérationnelle du SCRS relative à l'échange d'informations et à la collaboration afin de tenir compte des antécédents en matière de respect des droits de la personne des pays. Ces recommandations ont déjà été mises en oeuvre par le Service.
Comme l'a signalé le ministre Day lors de sa comparution devant le comité, nous avons aussi préparé une mise en garde qui accompagne les informations que nous communiquons aux services étrangers. Ainsi, le Service cherche à obtenir la garantie que tout Canadien détenu par un gouvernement étranger
... soit jugé avec impartialité, dans le respect des normes énoncées dans les conventions internationales, qu'il bénéficie d'une procédure équitable et qu'il puisse rencontrer les membres du personnel diplomatique canadien s'il le souhaite.
Le juge O'Connor a également recommandé que le ministère des Affaires étrangères communique son évaluation des antécédents d'autres pays en matière de respect des droits de la personne pour obtenir une évaluation uniforme de la situation dans ces pays. Nous approuvons cette recommandation et nous collaborerons avec le ministère des Affaires étrangères pour en assurer la mise en oeuvre.
Deuxièmement, le juge O'Connor a signalé que le SCRS et la GRC n'étaient pas favorables à l'idée du ministère des Affaires étrangères d'écrire aux autorités syriennes pour leur souligner que le Canada réclame d'une seule voix la libération de M. Arar.
Vous savez peut-être que des représentants de mon organisation ont été longuement interrogés sur cette question, à huis clos et en public. Le SCRS a été réticent à envoyer la lettre proposée — qui devait être approuvée par le solliciteur général de l'époque — et parmi les réserves soulevées à cet égard, un point important dominait: le Service n'a jamais eu pour politique de déclarer si une personne fait l'objet ou non d'une enquête. Comme vous le savez, le solliciteur général de l'époque avait formulé ses propres réserves au sujet de la signature de cette lettre.
Le juge O'Connor a recommandé que le gouvernement adopte une démarche unique, cohérente et coordonnée pour s'occuper des Canadiens détenus à l'étranger. Nous acceptons cette recommandation et oeuvrera avec Affaires étrangères et d'autres ministères pour l'appliquer.
Troisièmement, le juge O'Connor a critiqué à la fois le processus et l'incidence des déclarations faites par le gouvernement pour protéger les confidences liées à la sécurité nationale. Bien qu'il ait exprimé des critiques, le juge O'Connor a toutefois reconnu que le processus fonctionne bien dans l'ensemble et ne l'a pas empêché de tirer des conclusions à ce sujet.
À titre de précision à l'intention des membres du comité, notre organisation a toujours cherché à garder le secret dans plusieurs domaines qui relèvent de la sécurité nationale. Citons entre autres qu'il refuse de mentionner si une personne fait l'objet ou non d'une enquête de la part du Service; de révéler les services étrangers avec lesquels nous entretenons des relations; de divulguer l'identité des sources humaines utilisées dans les enquêtes du SCRS; de divulguer l'identité des employés du SCRS qui mènent des opérations clandestines; et de mentionner des techniques d'enquête particulières utilisées par le Service dans ses enquêtes.
Plusieurs raisons président à cette façon de procéder: les dispositions de notre propre loi, la Loi sur la protection des renseignements personnels, la sécurité et l'efficacité des opérations, la sécurité personnelle des employés, entre autres. Comme vous le savez, les tribunaux ont été saisis de la question du sceau du secret en ce qui a trait à la sécurité nationale.
Quatrièmement, le juge O'Connor a condamné très sévèrement les fuites anonymes et préjudiciables qui ont eu lieu pendant les travaux de la Commission. Lorsque des informations gouvernementales classifiées ont été divulguées au public, le SCRS a mené sa propre enquête interne et a participé aux enquêtes lancées par le Bureau du Conseil privé à plusieurs occasions. Le juge O'Connor a été incapable de découvrir l'identité des coupables, et je crois comprendre que la GRC poursuit son enquête criminelle. Aucune des enquêtes menées jusqu'à présent n'a laissé entendre que des employés du SCRS sont à l'origine des fuites.
En terminant, je tiens à signaler que nous prenons les conclusions et recommandations du juge O'Connor très au sérieux. Nous sommes en train de modifier et nous modifierons nos politiques dans certains domaines pour tenir compte du rapport et nous travaillerons en collaboration avec d'autres organisations fédérales pour prendre des mesures efficaces en réponse aux autres recommandations du rapport.
Je vous remercie, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions des membres du comité.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Joe Comartin, mon collègue qui siège régulièrement au comité, est désolé de ne pas pouvoir être ici aujourd'hui. Il a dû retourner dans sa circonscription à cause d'une urgence familiale.
Je n'ai pas pu assister à une grande partie de votre témoignage, mais je dois dire qu'il y a deux choses qui m'ont grandement inquiétée ce matin, monsieur Judd. D'une part, il y a le fait que vous refusez de présenter des excuses appropriées et humaines à M. Arar pour votre rôle... Je reconnais que les conclusions du juge O'Connor au sujet du SCRS montrent que son implication n'était pas aussi importante que celle d'autres acteurs, mais je suis très déçue que vous refusiez de présenter des excuses. Vous devez comprendre que la vie de M. Arar doit continuer et je pense qu'aucun d'entre nous ne pourrait reprendre une vie normale sans que soient présentées des excuses de la part de tous ceux qui ont contribué à cette terrible épreuve.
L'autre chose qui me dérange, c'est que je crois comprendre que le juge O'Connor a indiqué qu'à son avis, le SCRS n'avait pas fait une évaluation adéquate de la fiabilité pour déterminer si les renseignements au sujet de M. Arar, qui l'ont certainement condamné aux yeux du public et l'ont mis dans cette terrible situation, avaient pu être obtenus par la torture. Le juge O'Connor a ajouté que selon cette évaluation du SCRS, tout semblait indiquer que ce n'était probablement pas le cas.
J'ai deux questions: pouvez-vous expliquer au comité ce qui vous a permis de déterminer que ces renseignements n'avaient pas été obtenus par la torture, bien qu'à mon avis, tout le monde sait et reconnaît que c'est sans doute ce qui s'est passé?
Deuxièmement, vous avez dit ce matin que le SCRS ne considère pas aujourd'hui qu'il s'agisse d'un problème très grave et vous avez fourni—sans vouloir être injuste—des justifications plutôt légères plusieurs fois ce matin en disant qu'on ne peut pas sauter aux conclusions et que peut-être que ce cas n'aurait pas été... Je ne suis pas du tout rassurée par votre témoignage.
En fait, je me demande si vous procéderiez différemment aujourd'hui dans la même situation. En plus d'attendre des excuses appropriées auprès de M. Arar, les Canadiens veulent aussi être assurés que ce genre de situation ne se reproduira pas. Or, vous ne semblez pas vouloir reconnaître que ces preuves, obtenues de M. Arar par la torture, exigent de la part du SCRS énormément de prudence.
J'aimerais que vous répondiez à mes deux questions.
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Je pense que le juge O'Connor a couvert la question de l'évaluation de la fiabilité et a rendu ses conclusions. Il a déterminé qu'à son avis, la personne responsable de cette question à l'époque n'avait pas reçu la formation appropriée ou n'avait pas l'expérience nécessaire pour reconnaître qu'il s'agissait d'aveux obtenus par la torture.
Dans mes remarques liminaires, j'ai essayé de montrer que depuis, notre organisme a pris de nombreuses mesures pour s'assurer que ce genre de cas ne se reproduirait pas. Nos pratiques et politiques ont été modifiées, en partie suite à des examens antérieurs de l'affaire Arar par le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité.
Je pense que l'on peut dire que cet organisme est extrêmement prudent avec les renseignements qui viennent de pays qui ont de mauvais bilans en matière de droits de la personne. En outre, c'est une pratique et un principe de toujours chercher à corroborer l'information, quelle que soit son origine, avant de tirer des conclusions ou de prendre des décisions.
Je pense que le juge O'Connor a expliqué la situation pour l'affaire Arar. C'est très regrettable, mais depuis, nous avons pris les mesures nécessaires pour nous assurer que cela ne se reproduirait pas.
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J'ai une question supplémentaire.
J'ai posé des questions sans relâche à la Chambre des communes et à l'extérieur sur cette affaire et ce qui m'a beaucoup choquée, et ce qui me choque encore, c'est qu'un ministre du Cabinet m'a dit: « Tout ce que j'entends, c'est que cet homme est vraiment un sale type alors faites attention à ne pas vous associer à cette affaire ». Cela indique bien qu'il n'y a pas de justice. En outre, à cause des fuites délibérées et de ce genre de traitement peu professionnel de l'affaire Arar, même les journalistes disaient « Je n'en sais rien, d'après ce que j'entends, il a l'air d'un sale type, alors pourquoi vous entêtez-vous? » Il y a même deux membres du personnel de l'ambassade — en tout cas des gens qui se sont présentés comme travaillant à l'ambassade de Syrie — qui sont venus me voir après une réunion au cours de laquelle je demandais une enquête complète sur l'affaire Arar pour me dire, « Vous devriez faire attention, c'est vraiment un sale type ».
Avec ce genre de discussions, j'aimerais comprendre — parce que je suis sûre que c'est arrivé aux oreilles du SCRS, puisqu'il s'agit d'un service de renseignement — pourquoi, compte tenu de tout cela, les responsables concernés n'ont pas dit d'une seule voix qu'ils n'avaient aucune chance que justice soit faite dans cette affaire à moins, comme Monia Mazigh, la femme de Maher Arar, l'a dit publiquement sans relâche qu'on le ramène au Canada et qu'il y ait un procès.
Qu'est-ce qui explique la position du SCRS qui, plutôt que de permettre à cette personne d'avoir son procès au Canada, n'a rien fait, sachant bien qu'il était fort possible que cette information ait été obtenue par la torture?
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs, et merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
On peut sans doute à juste titre qualifier l'affaire Maher Arar de l'un des échecs les plus retentissants, sinon le plus retentissant, des services de renseignement de notre pays: on a ciblé un innocent dans une enquête, on a communiqué des renseignements en franchissant des limites des protocoles normaux, il y a eu des fuites, on a trompé des fonctionnaires fédéraux. Tout cela est très sérieux et suscite la nervosité de la majorité des Canadiens. Ils ont perdu une bonne partie de leur confiance envers le milieu canadien du renseignement.
Je crois que ce qui aggrave encore leur inquiétude, c'est qu'après les conclusions du rapport du juge O'Connor, au-delà des assurances et des engagements verbaux, les services de renseignement n'ont toujours pris aucune mesure concrète et tangible pour nous garantir que ces erreurs ne se reproduiront jamais plus.
Pouvez-vous nous parler, monsieur Judd, au-delà des bonnes paroles, des mesures opérationnelles tangibles prises par le SCRS, que tout le monde attend et qui sont indispensables?
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre présence, messieurs. Comme c'est l'halloween, certains pourraient être tentés de se livrer à la chasse aux sorcières, mais ce n'est pas mon cas.
Je dois cependant dire, monsieur Elcock, que je m'étonne de voir que le chef du SCRS ne manifeste pas davantage de curiosité sur la période d'octobre 2003 à septembre 2006. M. Zaccardelli nous a parlé ici de différentes choses qui commençaient à se dire en public, ainsi que dans le monde du SCRS, de la GRC et du renseignement.
Monsieur Judd, vous avez dit que le SCRS était le service du renseignement le plus contrôlé au monde et que les Canadiens avaient tendance à se regarder le nombril, etc. J'en conviens, mais à votre avis, est-ce une bonne ou une mauvaise chose?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à vous, messieurs Elcock et Judd, de votre comparution. J'aimerais vous faire part de mes sentiments sur cette question et peut-être que nous pouvons travailler ensemble pour régler certains problèmes.
Le Canada est un pays d'immigrants. Un grand nombre d'entre nous venons d'États durs où nous avons été témoins d'atteintes aux droits fondamentaux de nos parents ou d'autres membres de notre famille. C'est pourquoi c'est si important pour nous qui sommes venus au Canada de comprendre ce qui se passe, parce qu'ici, les droits de la personne sont protégés.
Premièrement, depuis que je suis au Canada, j'apprécie vraiment le travail que fait le SCRS. Lorsque j'étais un défenseur des droits de la personne, le SCRS était tout à fait au courant des choses auxquelles nous faisions face. Le SCRS a contribué à nous donner, à mes collègues et à moi, confiance dans ce pays.
Je reviens maintenant aux questions.
Nous nous attendons à ce que le SCRS protège les citoyens canadiens. Nous parlons de partager l'information avec les États, cette question s'adresse donc surtout à M. Elcock. Après la déportation de M. Arar vers la Syrie par le gouvernement des États-Unis, j'aurais cru que les Américains auraient volontairement fourni au SCRS les renseignements supplémentaires qu'ils avaient au sujet de M. Arar et qui les ont incités à le déporter. S'ils ne l'ont pas fait volontairement, j'aurais cru que le SCRS aurait demandé cette information afin de protéger nos citoyens. Avez-vous, ou avons-nous, demandé cette information?
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Monsieur le président, normalement je résiste à la tentation d'ajouter des observations à mes questions, mais cette fois je vais succomber, car je suis sidéré.
Premièrement, vous commencez par vous cacher derrière la position du gouvernement pour refuser de présenter des excuses puis vous allez même plus loin en disant, en contradiction directe au rapport du juge O'Connor, que le SCRS n'a joué aucun rôle dans ce qui est arrivé à Maher Arar et dans les événements qui ont abouti à sa déportation en Syrie, où il a été torturé. C'est incroyable.
Et ensuite, monsieur Elcock, que vous nous disiez que vous n'avez pas lu le rapport du juge O'Connor... Que vous, un ancien directeur, quelqu'un qui a comparu devant ce comité, vous n'ayez pas eu la moindre curiosité de lire ce rapport avant de comparaître aujourd'hui est très troublant.
Je passe maintenant aux questions que je veux vous poser, la première concernant les fonctionnaires syriens. Les fonctionnaires syriens ont déclaré qu'à trois reprises, le SCRS leur a dit qu'il ne souhaitait pas le retour de M. Arar. Je pense que cela s'est produit à la rencontre qui a eu lieu en novembre 2002. Pouvez-vous me dire ce que le SCRS a pu faire pour que le gouvernement syrien ait cette impression et, en outre, qu'avez-vous fait pour éviter cette interprétation?
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Donnez-moi au moins deux minutes, car j'ai quelques commentaires à formuler.
Monsieur Judd, je comprends parfaitement la position que vous avez expliquée à M. et je saisis à quel point il est délicat de travailler pour une organisation secrète, mais je sais aussi à quel point c'est nécessaire. D'ailleurs, je partage entièrement l'opinion exprimée par le juge Dennis O'Connor à ce sujet.
Je remarque cependant qu'à défaut d'information, en général, la rumeur court et elle est toujours pire que la vérité.
Je pense aussi que notre sécurité dépend beaucoup plus du travail de vos organisations que des lois que nous amendons ici.
Je comprends donc la position ingrate dans laquelle vous vous trouvez, d'autant plus que nous cherchons à sauver la vie de nombreux innocents qui pourraient être victimes des terroristes. Je ne perds pas mes vieux réflexes de juriste et je pense qu'en agissant ainsi, il faut aussi éviter que des innocents aient un sort inacceptable.
Pouvez-vous me dire précisément pourquoi les États-Unis ont envoyé M. Arar en Syrie? Avez-vous posé cette question? Dans l'affirmative, avez-vous eu une réponse, ou pas? Si vous avez eu une réponse, a-t-elle influencé votre façon de traiter le dossier?
Je vous pose toutes ces questions parce que j'ai peu de temps à ma disposition. Cela m'apparaît naturel qu'un individu qui a été envoyé en Syrie par les États-Unis et qui y revient soit nécessairement un sujet d'intérêt pour vous. Or, il me semble que vous n'avez pas traité la question comme si c'était le cas.
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Je ne vous blâme pas, je vous comprends.
Je me demande si certains de mes amis de l'autre côté de la table ont eux-mêmes lu le rapport. S'ils ont lu les pages 174 et 175 de l'analyse et des recommandations, ils auraient vu que le juge O'Connor n'est pas si sévère à l'égard du SCRS et du rôle qu'il a joué dans cette affaire. Je me demande pourquoi un si grand nombre d'entre eux exigent des excuses du SCRS pour le rôle qu'il a joué. Lorsque j'ai lu l'analyse et les recommandations de M. O'Connor, je n'ai pas trouvé qu'il blâmait beaucoup le SCRS pour ce qui est arrivé.
Je pense que si on cherche qui blâmer, il ne manque pas de candidats, notamment les politiciens, la presse, peut-être la GRC et peut-être un peu le SCRS. Mais je ne pense pas qu'il soit juste de notre part de trop critiquer le SCRS, lorsque je vois ce que M. O'Connor a écrit après avoir entendu beaucoup de témoignages.
Il est juste que nous posions des questions sur certains éléments de l'affaire. Notre intention n'est pas de refaire le travail de M. O'Connor. Nous voulons apprendre ce que les politiciens savaient, ce qu'ils auraient dû savoir et peut-être ce qu'ils ont fait pour obtenir que la Syrie libère M. Arar.
Je pense que cela m'amène à ma question. Pendant cette période où il y avait des discussions sur une lettre consensuelle et sur ce qui se passait en Syrie, pouvez-vous nous dire quel rôle le SCRS a-t-il joué pour ce qui est de renseigner les politiciens qui travaillaient à la préparation de cette lettre, sans nous révéler la teneur de ces échanges?