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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais vous présenter mon collègue, Robert Desjardins, directeur général de notre bureau des affaires consulaires au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Avec un peu de chance, nous arriverons tous deux à répondre à vos questions en temps et lieu. Par ailleurs, monsieur le président, je suis reconnaissant au comité de me fournir l'occasion de faire certaines observations.
Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les autres membres du comité, de me donner l'occasion de vous faire part des points de vue du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international au sujet du rapport de la commission d'enquête sur l'affaire Arar. Permettez-moi de dire d'emblée, au nom de mes collègues des Affaires étrangères qui ont travaillé avec diligence à la libération de M. Arar, à quel point nous regrettons ce qu'il a enduré.
J'ai cru utile de présenter au comité un bref aperçu des faits et gestes du ministère dans cette affaire.
Les fonctionnaires du ministère ont été pleinement engagés dans la cause de M. Arar dès que nous avons appris son arrestation à New York le 26 septembre 2002. Le personnel du consulat général à New York s'est rapidement occupé de repérer M. Arar, de lui trouver un avocat et de communiquer avec sa famille. Le juge O'Connor a lui-même reconnu dans son rapport que les responsables du ministère à New York « ont pris des mesures raisonnables pour fournir des services consulaires à M. Arar et ont notamment envisagé la possibilité qu'il soit envoyé en Syrie ».
Pour leur part, les fonctionnaires canadiens à Damas, toujours de l'avis du juge O'Connor, ont fait tout ce qu'il était raisonnablement possible de faire pour obtenir l'accès consulaire à M. Arar durant l'année qu'a duré son incarcération et ils ont fait preuve de jugement en cherchant à obtenir l'accès le plus souvent possible. L'ambassadeur Franco Pillarella et le consul Léo Martel ont géré avec énergie et persistance le dossier de M. Arar en dépit de difficultés considérables. Il est important de signaler que M. Arar a la double citoyenneté syrienne et canadienne, ce qui a imposé des limites à notre action, car les autorités syriennes considéraient M. Arar comme un citoyen de leur pays et, de ce fait, n'auraient pas normalement accordé l'accès consulaire. Dans ces circonstances, le fait d'avoir obtenu et maintenu cet accès est un exploit probablement sans précédent.
Peu après le retour de M. Arar au Canada en octobre 2003, et pour éviter la répétition des événements malheureux qu'il a vécus, les responsables du ministère ont demandé et obtenu l'accord des États-Unis au sujet d'un processus de notification et de consultation pour les cas où les États-Unis renverront un citoyen canadien dans un pays tiers contre son gré, et vice versa. Cette convention, appelée le Protocole de Monterrey, a été conclue le 13 janvier 2004. Je crois bon de signaler que c'est la seule convention de cette nature que les États-Unis ont conclue avec un autre pays, que je sache.
Monsieur le président, vous vous rappellerez que le commissaire O'Connor a chargé le professeur Stephen Toope de rédiger un rapport sur les allégations de torture en Syrie. L'achèvement du rapport a permis au ministère d'en signaler les conclusions aux autorités syriennes, et un exemplaire du rapport leur a été communiqué le 27 octobre 2005. Nous avons exprimé de sérieuses réserves à propos des constatations du professeur Toope et avons demandé aux autorités syriennes de procéder à une enquête approfondie. Il faudrait faire remarquer que nous n'avons pas encore reçu de réponse vraiment adéquate à cette demande.
Comme l'a signalé le commissaire O'Connor, les responsables du ministère se sont employés avec diligence, dans des circonstances difficiles, à aider M. Arar tout au long de cette épreuve. Tous ceux et celles qui se sont occupés de cette affaire extrêmement difficile ont été soulagés et contents que les efforts accomplis pour obtenir sa libération aient été couronnés de succès. Comme l'a recommandé le juge O'Connor, le gouvernement a signifié des objections fermes aux gouvernements des États-Unis et de la Syrie pour la façon dont ils ont traité M. Arar, et ce, au niveau le plus élevé.
Dans une conversation téléphonique avec le président Bush, le 6 octobre, le premier ministre a parlé de l'affaire Arar et a protesté au nom du Canada contre les actions des fonctionnaires américains. Le même jour, le ministre McKay, ministre des Affaires étrangères, a écrit à la secrétaire d'État des États-Unis et au ministre syrien des Affaires étrangères pour signifier les objections du Canada concernant la manière dont leurs gouvernements ont traité M. Arar.
Le ministre a rappelé à la secrétaire d'État Rice que les responsables américains n'ont pas informé le consulat du Canada à New York qu'ils avaient l'intention d'expulser M. Arar vers la Syrie, alors que cette action allait mener à son incarcération prolongée. Leur conduite a été une entorse au respect de la primauté du droit qui caractérise normalement la coopération canado-américaine dans les activités judiciaires et policières.
J'ai le plaisir de rappeler que, sur les instances du ministre MacKay, la secrétaire d'État Rice a promis de veiller à ce que tous les organismes américains soient mis au courant des dispositions du Protocole de Monterrey et elle a reconnu la légitimité des préoccupations du Canada concernant le fait que les autorités américaines n'ont pas notifié au consulat général le renvoi de M. Arar de New York vers Damas.
Dans sa lettre au ministre des Affaires étrangères de la Syrie, M. Moallem, le ministre MacKay a informé celui-ci de l'observation du juge O'Connor selon laquelle les autorités syriennes ont détenu M. Arar au secret durant près de deux semaines en octobre 2002. Le juge O'Connor a conclu qu'au cours de cette période, M. Arar avait été interrogé et torturé. Le ministre a exhorté les autorités syriennes à traiter la question d'une importance vitale qu'est la torture et les questions de droits humains connexes sous l'angle de leurs obligations internationales et des normes internationales reconnues. Notre ambassade à Damas reste en communication avec les autorités syriennes dans ce dossier.
Monsieur le président, je passe maintenant brièvement aux autres recommandations du juge O'Connor qui touchent aux activités du ministère et à sa coopération avec d'autres ministères et organismes. Nous avons réagi rapidement et de manière décisive. En effet, ces recommandations sont déjà appliquées ou sur le point de l'être.
Dans le domaine des droits humains, par exemple, le ministère a entrepris dès avant la parution du rapport de la commission d'afficher les rapports de nos ambassades sur les droits humains dans le site Web protégé des Affaires étrangères, auquel tous les membres de la communauté canadienne de la sécurité et du renseignement ont accès.
La formation régulière du personnel consulaire comprend depuis deux ans un atelier d'une journée sur la torture qui a été conçu avec la collaboration du Centre canadien pour victimes de torture. Nous sommes d'ailleurs en train d'en enrichir le contenu et de l'offrir à un plus grand nombre d'employés de première ligne.
Nous souscrivons de tout coeur à la recommandation 16 du juge O'Connor. Pour améliorer la coordination et la cohérence des interventions, les Affaires étrangères et le SCRS ont discuté d'un projet de protocole énonçant les responsabilités de chaque partie dans les affaires consulaires qui touchent au terrorisme ou à la sécurité nationale. Lorsque ce protocole aura été arrêté, il nous servira de modèle pour conclure un protocole avec la GRC.
Dans le domaine de la gestion des affaires consulaires, nous étudions la difficile question des doubles nationalités, des situations où un individu se trouve dans le pays de son autre nationalité alors que ce pays ne reconnaît pas la citoyenneté canadienne de son ressortissant. C'est un facteur qui compliquera toujours la prestation des services consulaires aux Canadiens et Canadiennes qui ont une autre nationalité. Les dispositions du droit international à ce sujet sont vagues et faibles; la question n'est même pas mentionnée dans la Convention de Vienne sur les relations consulaires.
Permettez-moi de conclure en disant que la commission d'enquête sur l'affaire Arar a mené une enquête approfondie sur les circonstances de l'épreuve qu'a vécue M. Arar. Le ministère a coopéré pleinement et rapidement avec la commission, et nous mettons en oeuvre les recommandations qui nous concernent. Nous regardons vers l'avenir et nous veillons à ce que les recommandations soient appliquées avec vigueur et dans un esprit de coopération.
Monsieur le président, voilà qui met fin à ma déclaration.
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C'est l'autre question sur laquelle je pense que le juge O'Connor a été très clair. Il a dit que c'était une zone floue en droit international. C'est tout nouveau. Le monde a beaucoup changé depuis 30, 40, 50 ans. Nous assistons à des mouvements massifs de personnes autour du monde. Le Canada, comme beaucoup d'autres pays, a une loi qui permet à ses citoyens de conserver la citoyenneté de leur ancien pays. Même si nous la leur retirions, certains diraient qu'il y a des pays qui les considéreraient tout de même comme leurs citoyens selon leurs lois.
La coercition que le gouvernement du Canada peut exercer est donc limitée. Supposons que vous êtes un Canadien qui vit au Canada, mais qui se trouve à être aussi Irlandais et a avoir des démêlés avec la justice pour une raison ou une autre. Nous vous traiterions alors comme n'importe quel Canadien dans l'appareil judiciaire. Les Irlandais pourraient peut-être nous dire: « Attendez un instant, ce gars est irlandais et nous allons insister sur le fait qu'il est irlandais. » Nous leur répondrions: « C'est très bien, il est irlandais, mais son cas sera tout de même examiné par le système judiciaire. » Ce n'est qu'un exemple.
Le fait est qu'il y a beaucoup de pays qui se battent avec le concept de la double nationalité, du lieu de résidence prédominant (qui êtes-vous?) et où il y a des citoyennetés moitié-moitié. Le fait est que ce n'est pas le régime que nous avons choisi. La communauté internationale va devoir l'accepter.
La Convention de Vienne sur les relations consulaires a été adoptée à une époque où la double nationalité était peu répandue. Il faudrait peut-être maintenant nous demander si ce traité ou d'autres traités internationaux devraient tenir compte de la réalité de la double nationalité dans le nouveau contexte mondial, où la migration fait partie de la vie.
Je m'excuse de ne pas pouvoir être plus précis. C'est un sujet très peu précis.
Selon la Convention de Viennes, un pays qui détient un étranger a l'obligation d'informer cette personne de son droit d'accès à un représentant consulaire, et ce droit lui est habituellement accordé ou devrait l'être. L'objet de cette visite consulaire n'est pas de mener enquête, mais plutôt d'évaluer le bien-être de la personne, de bien comprendre les accusations qui pèsent contre elle, de veiller à l'application régulière de la loi et de prendre des dispositions pour qu'elle ait un avocat. Habituellement, les fonctionnaires consulaires ne mènent donc aucune forme d'enquête.
Cependant, il est possible que l'information portée à leur attention ait des incidences particulière, par exemple, sur la sécurité nationale. Alors, bien entendu, il est de la responsabilité du fonctionnaire consulaire de la déclarer, après quoi on discute ici, à l'administration centrale, de la façon dont cette information pourrait ou devrait être communiquée à d'autres organismes.
Les fonctionnaires consulaires sont toutefois là pour offrir aux Canadiens détenus des services consulaires de base, ce qui ne comprend aucune technique d'enquête.