SECU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
CANADA
Comité permanent de la sécurité publique et nationale
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 8 mai 2007
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte. C'est la 43e séance du Comité perman ent de la sécurité publique et nationale. Nous examinons aujourd'hui le programme de protection des témoins.
Nous aimerions souhaiter la bienvenue aux trois témoins qui sont ici. Nous avons Mike McDonell, commissaire-adjoint et président du Comité des enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale de l'Association canadienne des chefs de police, M. Gordon B. Schumacher, surintendant, Services de soutien du Service de police de Winnipeg, et Steve Izzett, inspecteur d'état-major du Service de police de Toronto.
Messieurs, bienvenue. Nous avons hâte de prendre connaissance de l'information que vous allez nous fournir.
Je crois, monsieur Schumacher, que vous avez accepté de faire une déclaration d'ouverture. Les deux autres témoins pourront ajouter ce qu'ils souhaitent lorsque vous aurez terminé.
Allez-y, monsieur.
Au nom de l'Association canadienne des chefs de police, j'aimerais remercier les membres du comité de nous avoir invités à venir aujourd'hui. Nous sommes conscients du fait que vous jouez un rôle important et nous sommes très heureux que vous nous ayez invités à y participer.
Avant d'aller trop loin, j'aimerais vous préciser qui nous sommes. L'Association canadienne des chefs de police est une organisation sans but lucratif. Elle a été fondée en 1905 et elle a pour objectif d'appuyer et de promouvoir les activités d'application de la loi ainsi que d'assurer la protection et la sécurité de la population du Canada.
Notre association est d'envergure nationale. Ses intérêts et ses préoccupations sont importantes pour les services de police de tous les niveaux, qu'ils soient municipaux, régionaux, provinciaux ou fédéraux. Le conseil d'administration est composé des chefs, des commissaires et des directeurs de services de police qui représentent la plupart des régions du Canada.
Par l'intermédiaire de ses membres, qui sont chefs de police et dirigeants des services de police, l'ACCP représente plus de 90 p. 100 des milieux policiers au Canada.
Je vous explique qui nous sommes pour mieux faire ressortir les raisons pour lesquelles nous sommes ici. Nous représentons les services de police au sens large, cela va des services de police de taille très modeste que l'on trouve dans un bon nombre de provinces jusqu'aux grandes organisations de nos grandes villes. Un de mes principaux objectifs ce matin est de vous parler franchement de nos capacités en matière de protection des témoins et de vous exposer comment un bon nombre de services municipaux, régionaux et provinciaux abordent les questions que soulève la protection des témoins.
J'aimerais commencer mes commentaires en vous disant que je reconnais que le fonctionnement du programme national de protection des témoins sous sa forme actuelle est satisfaisant et qu'il est approprié qu'il soit administré et coordonné par la GRC.
Les aspects qui me préoccupent concernent principalement les coûts et le processus. Il est évident que, lorsque l'on veut changer la vie de quelqu'un, et dans certains cas celle de tous les membres de sa famille, cela coûte extrêmement cher. Il faut donc trouver la façon de donner accès à ce programme aux services de police locaux, en étant conscients de son coût.
Au Canada, les activités du crime organisé continuent de s'étendre et il faut donc, lorsque cela est nécessaire, s'occuper de la protection des témoins de la poursuite. Le programme de protection des témoins donne aux témoins la possibilité de fournir des renseignements, tout en sachant qu'ils sont à l'abri de toute forme de représailles.
La protection des témoins est un outil extrêmement important pour l'application de la loi puisqu'il nous permet d'obtenir des renseignements et de l'aide pour lutter contre les criminels très dangereux. Pour assurer cette protection, les services policiers sont obligés d'avoir recours à diverses formes de protection des témoins. Une de ces formes, le programme fédéral — le Programme national de protection des témoins, créé aux termes de la Loi sur le programme de protection des témoins — a un mandat ou un objectif qui est exposé à l'article 3 :
... promouvoir le respect de la loi en facilitant la protection des personnes qui, directement ou indirectement, contribuent à la faire appliquer dans le cadre, selon le cas
et vient ensuite l'alinéa 3b)
des activités d'un organisme chargé de l'application de la loi... avec lequel un accord ou un arrangement a été conclu en vertu de l'article 14.
L'article 14 traite essentiellement de la récupération des coûts, un aspect dont je vous parlerai dans quelques minutes.
Lorsque les services de police envisagent de recourir au programme national pour faciliter la réinstallation et la protection d'un témoin, ils constatent qu'ils doivent surmonter des difficultés importantes, dont la moindre n'est pas le coût. Le coût associé à la participation d'un individu au programme national peut être important et dépasse souvent les moyens de la plupart des services de police canadiens.
La Loi sur le programme national de protection des témoins a reçu une interprétation qui attribue aux seuls services de police le pouvoir de demander à la GRC de faire admettre un témoin dans le programme national. C'est l'alinéa 6(1)a), à titre de référence, où il est dit que, pour pouvoir bénéficier du programme, un témoin doit faire l'objet d'une recommandation de la part d'un organisme chargé de l'application de la loi.
L'article 14 traite expressément des accords. Sur le plan de la logistique, les articles 6 et 14 sont à l'origine de certaines difficultés parce que l'accord visant à financer la protection d'un témoin doit être conclu avec un autre service de police. Dans la plupart des cas, les services de police n'en ont pas les moyens et avant de conclure ce genre d'accord, ils doivent conclure une entente supplémentaire avec la province concernée, qui se chargera d'assumer le coût de la participation du témoin en question au programme.
La Loi sur le programme de protection des témoins n'autorise pas les provinces à conclure directement des contrats avec la GRC au sujet des coûts associés aux témoins.
Une fois ces accords conclus, la GRC facilite, approuve et contrôle le fonctionnement du programme. Elle récupère ensuite ces coûts sur l'organisme à l'origine de la demande de protection. Je ne saurais trop insister sur ce point puisque c'est un des principaux problèmes que soulève la loi fédérale. Son utilisation est tout simplement beaucoup trop coûteuse.
Dans certaines provinces comme le Manitoba, l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique — où les choses semblent avoir un peu changé —, il existe des protocoles provinciaux qui facilitent la participation au programme national ou qui, du moins, offrent des solutions de rechange. Ces solutions ont été mises sur pied par nécessité, à cause des difficultés d'accès au programme national et de ses répercussions financières.
Dans d'autres provinces, il n'y a rien, et les services de police locaux sont ainsi obligés de prendre des décisions difficiles au sujet de l'orientation de certaines enquêtes. Ces services peuvent être amenés à choisir entre protéger un témoin et payer les factures du programme national à l'aide de leur budget opérationnel, demander l'aide d'un autre service en l'invitant à poursuivre seul ou en collaboration avec lui l'enquête, ou encore arrêter ou modifier l'enquête de façon à éviter d'avoir à protéger un témoin. Cela peut vouloir dire ne pas consacrer à une enquête particulière autant de ressources qu'elle le ferait autrement.
Même dans les provinces qui accordent une certaine aide financière, il y a encore parfois des cas pour lesquels aucune aide n'est prévue lorsque l'accusé est uniquement inculpé d'une infraction fédérale comme le trafic de drogues. En général, les programmes provinciaux n'accordent aucune aide financière si, dans une affaire de ce genre, un témoin a besoin d'être protégé, la seule solution étant alors le programme fédéral pour les témoins. Comme je l'ai mentionné et je continuerai à le faire, c'est un programme beaucoup trop onéreux. L'acceptation d'un témoin dans le programme national occasionne des coûts importants à toutes les parties concernées qui ne peuvent être assumés sans une certaine forme d'aide financière de la part du gouvernement fédéral.
Depuis quelques années, le nombre des demandes de protection de témoin augmente, et rien n'indique que cette tendance va diminuer. Cette question est devenue depuis quelques temps une question de portée nationale. En 2005, l'Association canadienne des chefs de police et l'Association des chefs de police du Manitoba ont présenté des résolutions aux ministres provincial et fédéral de la Justice pour demander un mécanisme de financement du Programme national de protection des témoins compatible avec une réponse intégrée au crime organisé et aux crimes graves et avec le désir de fournir un accès égal aux programmes de protection des témoins à tous les services de police au Canada.
Un rapport a également été présenté au solliciteur général en 2005, après que la province de Québec ait préparé une étude importante. Les régimes de protection des témoins du monde entier ont été examinés. Cette étude recommandait également d'élargir la portée du programme et d'en renforcer le financement. Je sais également que cette question a été abordée au cours d'une réunion FPT en 2004. Un groupe de travail issu du Comité national de coordination sur le crime organisé a été chargé d'examiner cette question. Je sais qu'il s'est fait certaines choses, mais à ma connaissance, aucune solution concrète n'a été présentée.
Le message que souhaite vous transmettre l'ACCP est qu'il faut que le programme de protection des témoins soit restructuré, qu'il ait une portée plus large, qu'il soit alimenté par des fonds fédéraux et auquel tous les services de police du Canada, quelle que soit leur taille, puissent participer.
Le crime organisé et les crimes graves ne font pas de distinction entre les frontières géographiques. On retrouve ces activités dans toutes les provinces, toutes les villes du Canada. Si l'on s'abstient de lutter contre ces groupes dans les petites collectivités, on les transforme en refuges pour les criminels; il faut donc faciliter la participation aux programmes de protection des témoins si l'on veut contenir les organisations criminelles et ceux qui commettent des crimes graves contre la population canadienne.
Merci.
Merci.
Nous aimerions beaucoup que vous nous en disiez davantage à propos de votre recommandation consistant à restructurer ce programme et à en élargir la portée. Nous aimerions savoir à quoi vous faites références lorsque vous dites cela.
Monsieur McDonell, aimeriez-vous présenter quelques remarques?
Bonjour, monsieur le président et honorables membres du comité. Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui.
Je suis heureux d'être ici. J'ai le titre de commissaire adjoint des enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale et je suis responsable à l'heure actuelle de tous les aspects des enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale, y compris les besoins en matière d'enquêtes, les besoins en formation, les politiques, la sécurité nationale, les affaires législatives et la mise en oeuvre des recommandations de l'enquête O'Connor.
Je suis ici aujourd'hui en qualité de représentant de l'Association canadienne des chefs de police. Je préside actuellement le comité de la lutte contre le terrorisme et de la sécurité nationale. J'étais auparavant membre du comité des modifications législatives.
Si vous le permettez, j'aimerais commencer par faire quelques commentaires généraux sur les problèmes de sécurité auxquels fait face à l'heure actuelle le Canada. Voici les menaces auxquelles il fait face: le Canada est le seul des cinq pays qui ont été désignés comme cibles par al-Qaïda qui n'ait pas encore été attaqué et pour cette raison, nous faisons face à une menace terroriste réelle et importante. Je ne vois aucune raison de ne pas souscrire à l'opinion générale exprimée par des gens comme l'ancienne chef du MI-5, Mme Eliza Manningham-Buller, qui a affirmé qu'il s'agissait d'une menace qui s'étendrait sur une génération et qui continuera à planer sur nous bien longtemps après qu'un des cadets d'aujourd'hui soit devenu commissaire.
[Français]
Permettez-moi de reprendre un cliché. La question n'est plus de savoir si l'attaque va survenir mais quand elle va se produire. La menace est là, tapie au coeur de notre société. La radicalisation locale existe bel et bien au Canada. On l'a observée chez les 18 individus arrêtés à Toronto en juin dernier. On l'avait aussi observée chez l'individu arrêté à Ottawa en 2004.
[Traduction]
Ces deux affaires ont été soumises aux tribunaux.
Comme c'était le cas avec les attentats à la bombe du 7/7 à Londres, c'était des personnes qui vivaient, travaillaient et étaient membres de la société qu'ils ont ciblée — notre société. Il ne faut jamais oublier que le terrorisme consiste essentiellement à exercer des activités criminelles, à viser l'État à travers ses citoyens, que ce soit en infligeant des pertes massives ou en suscitant la crainte dans la population. Il faut neutraliser les personnes qui veulent nuire à nos citoyens et à notre pays et il faut le faire en utilisant des méthodes qui respectent nos valeurs essentielles. Ce genre de travail a toujours été confié aux services d'application de la loi et nous modifions notre fonctionnement pour pouvoir faire ce travail de façon efficace.
Le comité de la lutte contre le terrorisme et de la sécurité nationale de l'Association canadienne des chefs de police, comité que je préside, a récemment élaboré et adopté huit principes clés en matière de sécurité nationale qui précisent clairement les rôles et les responsabilités qui appartiennent à tous les services d'application de la loi dans les enquêtes nationales criminelles et de sécurité. Notre comité n'a pas encore abordé directement la question de la protection des témoins, mais il y a un thème que l'on retrouve dans ces principes clés: la nécessité d'utiliser tous les outils disponibles, y compris le programme de protection des témoins, pour lutter contre le terrorisme.
Comme Raf Souccar, le commissaire adjoint des opérations fédérales et internationales, vous l'a expliqué, le programme de protection des témoins est un outil extrêmement important pour les services de police. Au Canada, comme dans de nombreux autres pays au monde, les programmes de protection de la loi efficaces ont montré leur utilité dans la lutte contre le crime, en particulier contre le crime organisé et le terrorisme. Les informateurs reconnus et les témoins essentiels sont davantage disposés à témoigner lorsqu'ils savent qu'il existe un programme qui les protégera contre les représailles. Il convient toutefois de noter que le programme de protection des témoins ne confère pas à ces personnes une immunité à l'égard des actes criminels qu'elles peuvent avoir commis avant ou après avoir été acceptées par le programme de protection des témoins. Comme c'est le cas pour tous les citoyens de notre pays, les personnes qui participent au programme de protection des témoins doivent rendre compte de leurs actes.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir permis de vous présenter ces commentaires liminaires et je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci.
Bonjour, monsieur le président et honorables membres du comité. Je vous remercie de prendre le temps d'écouter le point de vue de l'ACCP sur cette question très importante.
Je représente ici le chef de police William Blair, qui copréside le comité de la lutte contre le crime organisé de l'ACCP mais qui n'a pu se libérer aujourd'hui.
Je m'appelle Steve Izzett et je suis membre du Service de police de Toronto. J'occupe le grade d'inspecteur d'état-major et je suis affecté à l'heure actuelle au poste de commandant d'unité responsable des services de renseignement. Mes responsabilités consistent en partie à exercer le pouvoir délégué du chef de police dans l'application du programme de protection des témoins pour le Service de police de Toronto.
Un des éléments essentiels de l'application de la loi et une des conditions essentielles à l'existence d'une collectivité saine, dynamique et sûre est la participation des membres de la communauté à la lutte contre le crime et le désordre. Cette participation doit bénéficier de l'appui de l'ensemble de la collectivité, y compris celui de la police, des procureurs de la Couronne et de tous les paliers de gouvernement. Il faut que les individus se sentent libres de contacter et d'aider la police sans craindre des représailles ni de faire l'objet de tentatives d'intimidation.
Malheureusement, l'expérience montre que ce n'est pas toujours le cas; il y a des groupes et des individus qui insultent, intimident ou battent les témoins qui aident la police, ce qui crée une atmosphère de crainte et décourage la collaboration avec la police. Cela nuit à notre capacité de constater et de prévenir les infractions et facilite la perpétration d'actes de violence par les individus qui ont échappé à la justice, et qui suscitent cette crainte chez les témoins potentiels et les intimident.
Vous examinez actuellement la Loi sur le programme de protection des témoins et je souhaite vous brosser, dans mon témoignage, un large portrait de l'application de la loi au palier municipal. Pour ce faire, je vais vous parler du programme que nous connaissons le mieux, le programme de protection des témoins qui est intégralement financé et administré par le ministère du Procureur général de la province de l'Ontario. Par la suite, vous souhaiterez peut-être retenir certains aspects que je vais soulever ici et les replacer dans le contexte approprié du programme fédéral actuel de protection des témoins. Je vais vous donner le point de vue des agents de première ligne; tous les policiers qui administrent ce programme dans la ville de Toronto relèvent directement de moi et tous les documents concernant ce programme sont examinés et approuvés par moi.
La distinction la plus importante que j'aimerais faire aujourd'hui est de dire que la protection des témoins ne se limite pas au témoin stéréotypé qui fournit un témoignage clé pour obtenir la condamnation d'une grande figure du crime organisé et qui doit déménager, adopter une nouvelle identité et changer de vie. Au niveau municipal, cette protection est de nature beaucoup plus locale, mais elle peut avoir un effet tout aussi dévastateur sur la collectivité si cet aspect n'est pas correctement résolu par la police. Un programme de protection des témoins viable et efficace doit pouvoir s'adapter aux différents niveaux de criminalité.
Il est également important de mentionner que tous les témoins ne souhaitent pas déménager, recevoir une protection complète et changer d'identité. Certains ne souhaitent même pas participer au programme mais veulent simplement pouvoir déménager pour assurer leur propre protection. Il faut donc disposer d'une certaine souplesse pour répondre aux besoins des témoins, et les suivre jusqu'à ce qu'ils estiment être à l'abri de tout danger. Cette souplesse renforce la confiance qu'ont ces personnes dans la police, les incite à collaborer avec elle et renforce également leur confiance dans le système judiciaire. Ce sont des mesures dont les effets bénéfiques se font sentir bien longtemps après la fin des poursuites.
Au milieu des années 1990, le Service de police de Toronto a commencé à effectuer régulièrement des enquêtes sur les fusillades survenues dans un endroit public, avec quelque 300 personnes autour, avec une victime gisant par terre et des enquêteurs d'homicide faisant face à quelque 300 témoins qui affirment tous s'être trouvés dans une toilette, une pièce de trois pieds par trois pieds. Je n'exagère pas et je dois également reconnaître que ce n'est pas seulement arrivé une fois ou deux; malheureusement, c'est un problème auquel nous faisons face de temps en temps. Il reflète l'état d'esprit des personnes qui se demandent si elles doivent participer au processus judiciaire. Il y a eu et il y a toujours ce mur du silence.
Notre objectif a été, et sera toujours, de gagner la confiance des membres de ces collectivités en leur garantissant qu'ils seront protégés s'ils communiquent avec la police et acceptent de témoigner. Nous avons fait des progrès dans ce domaine, mais nous avons encore beaucoup à faire. Nous ne pouvons pas y parvenir seuls; nous n'avons pas les moyens financiers ni l'infrastructure qui nous permettraient de nous acquitter seuls de ce rôle.
Le Service de police de Toronto a constitué sa première unité de protection des témoins en 1980. Ce programme a évolué et s'est développé grâce au partenariat que nous avons forgé avec le ministère du Procureur général de la province de l'Ontario, qui a eu la prévoyance et la volonté de mettre sur pied et de financer ce programme, en collaborant étroitement avec les services de police locaux pour son élaboration. Ce programme a évolué et est continuellement amélioré grâce au désir et aux efforts de tous ceux qui participent à sa mise en oeuvre et à son administration.
Ce programme s'applique uniquement aux affaires provinciales qui relèvent des compétences du ministère du Procureur général de la province de l'Ontario en matière de poursuites. Il ne s'applique pas aux poursuites fédérales.
Le processus est très simple et rationnel. L'infrastructure et les services de soutien en matière de protection des témoins contre tous les niveaux de criminalité, qui vont des homicides à la violence familiale et au crime organisé, sont en place. Il n'y a pas de décideur intermédiaire dans ce processus, pas de bureaucratie, pas de paperasse et pas de longs délais d'approbation. Les agents affectés à la protection des témoins parlent directement aux décideurs du ministère.
Pour qu'un candidat soit admis dans ce programme, il doit d'abord accepter un certain nombre de conditions. Tous les candidats ne les acceptent pas et il arrive qu'ils décident de ne pas participer au programme, tout en acceptant quand même de témoigner.
Les agents affectés à la protection des témoins sont en contact constant avec le personnel du ministère et examinent chaque cas pour déterminer si les personnes en question pourraient bénéficier de ce programme. Cette période d'évaluation est très courte et n'empêche pas la prise de mesures temporaires de protection pendant que l'on vérifie si le candidat au programme répond à toutes les conditions d'admission. Malgré ce processus d'examen, il est entendu que, si les agents décident de relocaliser temporairement et immédiatement un témoin pour des raisons de sécurité, toutes les dépenses associées à cette réinstallation seront couvertes, même si l'individu en question n'est finalement pas accepté par le programme, pourvu que les policiers aient agi de bonne foi.
C'est cette souplesse, cette indépendance et cette capacité de prendre des décisions à deux heures du matin qui renforcent la crédibilité de ce programme et inspirent la confiance parmi les membres de la collectivité. Toutes les dépenses reliées à la réinstallation, y compris les frais de voyage éventuels, sont payées par le ministère, et tous les salaires des policiers et du personnel administratif sont assumés par le Service de police de Toronto.
Les éléments qui ont fait du programme ontarien de protection des témoins un succès sont les suivants: accès direct à des fonds d'urgence pour les placements, pouvoir de prendre des décisions et absence d'intermédiaire dans le processus décisionnel. D'un autre côté, il y a peu de cas où nous ayons appliqué la loi fédérale de 1996 sur le programme de protection de témoins et où Toronto ait assumé la responsabilité de protéger un témoin dans une poursuite fédérale.
Le Service de police de Toronto jouit d'excellentes relations de travail avec la Gendarmerie royale du Canada, avec qui il a mené des enquêtes conjointes qui ont donné d'excellents résultats et a aussi participé à des projets tout aussi intéressants. C'est dans le cadre de ces enquêtes conjointes où est apparue la nécessité de protéger un témoin dans le cas d'une poursuite fédérale que la GRC en a accepté la responsabilité, à titre de partenaire d'enquête. Sans ce parrainage ou cette prise de responsabilité par la GRC, il aurait fallu que chaque service de police individuel assume toutes les dépenses reliées à la protection d'un témoin pour une poursuite fédérale. Selon les circonstances, ces coûts peuvent être très lourds pour les services de police locaux et c'est la raison pour laquelle le Service de police de Toronto n'a utilisé le programme de protection des témoins que pour un très petit nombre de témoins fédéraux. Les relations que nous entretenons avec la GRC sont très importantes pour nous mais il nous est impossible d'agir à titre de partenaire dans toutes les enquêtes que nous entreprenons, étant donné que dans la plupart des cas, c'est nous qui devons assumer seuls tous les coûts associés à la protection des témoins et à la réinstallation pour les poursuites fédérales.
La majorité de ces opérations conjointes portent sur des enquêtes relatives à l'importation de drogues. Les principaux défis auxquels fait face la Ville de Toronto sont les marchés de drogue en plein air de vente au détail ou en mi-gros, qui font régulièrement l'objet d'opérations d'application de la loi et de confiscation conformément à notre stratégie d'intervention contre la violence en vigueur actuellement à Toronto. Pouvez-vous imaginer la dimension supplémentaire que prendraient ces activités si nous pouvions accorder une protection adéquate aux témoins impliqués dans les poursuites fédérales? Cela renforcerait grandement notre capacité de démanteler certaines organisations criminelles qui créent le chaos dans nos collectivités.
Pour terminer, la notion de protection des témoins facilite la libre circulation de l'information entre la police et les témoins, qui sont à la base de notre système judiciaire. Les gens devraient se sentir libres de rapporter les crimes à la police et de témoigner. Le succès qu'a rencontré le programme provincial de protection des témoins en Ontario a donné au Service de police de Toronto la possibilité d'obtenir la confiance de collectivités qui se sentent aliénées par rapport à la police et au système judiciaire. Ce programme a renforcé l'intégrité de notre appareil judiciaire.
Le système en place actuellement en Ontario est un modèle qui mériterait d'être reproduit. La province de l'Ontario accepte toute la responsabilité à l'égard des témoins selon un processus qui facilite la collaboration et permet aux policiers d'accorder une protection très efficace aux différents témoins, lorsque cela est nécessaire. Il conviendrait d'envisager d'élargir le programme provincial actuel pour que les poursuites fédérales puissent être coordonnées en utilisant l'infrastructure du modèle déjà en place.
Voilà quels sont mes commentaires.
Je vous remercie.
Merci, monsieur Izzett.
Vous nous avez donné un excellent aperçu général.
Selon la formule qu'utilise le comité, nous allons maintenant passer aux questions et aux commentaires. Nous allons commencer par l'opposition officielle, le Parti libéral.
Nous allons donner la parole à Mme Barnes pour sept minutes.
Avant de commencer, nous avons demandé aux témoins que nous avons entendus il y a quelques semaines un certain nombre de protocoles. Nous n'en avons reçu aucun.
Nous n'avons rien reçu. Très bien.
Si vous avez des protocoles concernant ces programmes, je vous invite à nous les transmettre. Ils seront distribués à tous les membres du comité parce qu'ils sont peut-être différents de ceux des programmes de la GRC. Je parle plus précisément de la Ville de Toronto.
Je vais peut-être commencer par vous, monsieur Izzett.
Vous avez mentionné le cas des personnes qui ont assisté à une fusillade et qui ne souhaitent pas témoigner. Le programme de protection des témoins aurait pour effet de retirer façon permanente cette personne de la situation actuelle. Pensez-vous vraiment que...?
Permettez-moi de présenter les choses ainsi. Je pense que le témoin qui risque le plus de contacter la police est celui qui connaît bien une organisation criminelle ou qui en est membre et qui demande à être protégé. Mais les gens qui se trouvent tout simplement au mauvais endroit au mauvais moment et qui sont témoins de quelque chose, ne vont pas, cela me paraît logique, demander d'être protégés pour le reste de leur vie et changer d'identité. Est-ce bien cela qui devrait se produire d'après vous?
Ce n'est pas seulement une affirmation, je vous dis ce qui se passe. Cela se passe à l'heure actuelle. C'est grâce à eux que nous avons réussi à obtenir des condamnations. Cela nous permet d'obtenir la confiance de certaines collectivités où les gens se connaissent très bien et qui réprouvent le fait de parler aux policiers.
Oui, je peux ajouter que l'inspecteur d'état-major Izzett a tout à fait raison. Dans les provinces qui ont adopté des protocoles, qui ont presque mis sur pied un deuxième niveau de protection des témoins, cela comprendrait les personnes que vous avez mentionnées.
Ce n'est pas quelque chose que la GRC envisagerait au niveau national, parce que c'est tout à fait différent de ce que nous ont dit les témoins précédents.
Très bien.
Monsieur Izzett, à votre connaissance, ce modèle a-t-il été reproduit dans d'autres villes canadiennes?
Très bien, merci.
Monsieur Schumacher, vous dites que le principal problème que pose la loi fédérale est un problème de coût et vous demandez un financement fédéral. Votre demande prévoit-elle également une certaine contribution provinciale? Pensez-vous que le fédéral devrait tout financer?
Eh bien, nous pensons que le gouvernement fédéral devrait assumer la responsabilité d'un processus qui est utile à tout le monde. La réalité est qu'il faut combler les vides que laisse le programme national. Ces vides ont été comblés par les provinces; l'Ontario, le Québec et, comme je l'ai mentionné, la Colombie-Britannique ont décidé d'intervenir et elles ont dit « nous devons régler cette question et nous allons en assumer le coût ». Le gouvernement du Manitoba ne pense pas qu'il s'agit là d'une responsabilité provinciale, mais il assume tout de même ces coûts, parce qu'il y a un vide.
Vous avez dit que les articles 6 et 14 étaient pour vous une source de préoccupations et de difficultés. Avez-vous des recommandations à faire au comité sur la façon dont ils devraient être modifiés?
Eh bien, certainement. Cette loi ne permet pas à la GRC de conclure une entente de financement avec un gouvernement provincial. De sorte qu'au Manitoba, par exemple, si Winnipeg a un candidat pour le programme fédéral de protection des témoins, il faut s'adresser à la GRC et en parler avec elle. Avant de conclure une entente, il faut ensuite nous adresser à la province pour être sûr qu'elle est disposée à la financer. En deux mots, la GRC propose un contrat au Service de police de Winnipeg en lui disant: « à vous d'en assumer le coût ». Ce n'est pas la faute de la GRC, bien sûr; c'est la façon dont la loi est rédigée: c'est à vous de payer pour qu'un témoin participe à ce programme, et ce coût peut être largement supérieur à 100 000 $. Le Service de police de Winnipeg ne peut pas assumer ce coût, de sorte qu'il est obligé de demander l'aide de la province. La province lui répond: « Très bien, nous acceptons que cette personne participe à ce programme. Nous acceptons de conclure une entente supplémentaire avec vous, Winnipeg, et de payer toutes les factures que vous serez obligé de payer en raison de l'entente que vous avez conclue avec la GRC. » Il faut suivre un processus très compliqué pour conclure une entente concernant les frais reliés à certains témoins.
Si l'on pouvait modifier ces dispositions, il est évident qu'une modification qui autoriserait la GRC à conclure directement des contrats avec des représentants provinciaux serait fort utile. Ainsi, l'article 14, qui traite des ententes, faciliterait les transferts de fonds en autorisant la GRC à conclure des ententes avec la province.
Il y a souvent un conjoint ou d'autres personnes à charge qui sont concernés par ce programme de protection des témoins. Nous avons parlé des conditions qu'il fallait accepter. Que faites-vous? Avez-vous un protocole relatif aux conditions ou un accord complémentaire avec ces conjoints ou personnes à charge? Il est évident qu'une personne ne peut pas s'engager pour les autres membres de sa famille. Que se passe-t-il dans ce cas?
Eh bien, cela arrive très souvent. Les membres de la famille sont très souvent impliqués dans le programme de protection des témoins. Évidemment, ils sont également obligés de signer un contrat. Ils reçoivent une protection. Il est extrêmement difficile d'essayer de se créer une nouvelle vie dans une autre région du Canada, et ces personnes doivent donc participer elles-mêmes au programme. Il s'agit là du palier national.
Au palier provincial, les choses sont légèrement différentes, dans le sens que les programmes provinciaux — je pense que la situation est la même en Ontario et l'inspecteur d'état-major Izzett pourra me corriger si je me trompe — sont davantage des programmes de gestion des témoins, dans le sens qu'ils visent bien sûr à protéger les témoins mais qu'ils ne prévoient pas d'avoir à assurer cette protection pendant des années.
Mon temps de parole est limité.
Monsieur McDonell, vous nous dites que vous n'avez pas abordé directement la question de la protection des témoins au cours de vos réunions. Ce point figure-t-il à l'ordre du jour de vos futures réunions? Avez-vous projeté d'aborder ce sujet?
Pas dans un avenir immédiat. Nous essayons de faire adopter une résolution qui définirait les rôles et les responsabilités de tous les services de police en matière de sécurité nationale. Notre autre grand projet est la formation des agents de première ligne. Cette question n'est donc pas une de nos principales priorités.
Très bien.
Y a-t-il un organisme qui recueille des statistiques sur l'employabilité des personnes qui participent au programme de protection des témoins ou sont-ce les contribuables qui les financent? Des représentants de la GRC nous ont dit que ces personnes avaient du mal à trouver du travail dans leur nouvelle vie. Est-ce que nous avons des statistiques sur cet aspect ou est-ce que nous sommes prêts à financer à perpétuité ces personnes dans leur nouvelle vie?
Nous n'avons pas de statistiques mais notre objectif est d'amener ces personnes à gagner leur vie, ce qui veut dire les former et essayer d'améliorer leur employabilité.
[Français]
Je suis parfaitement convaincu de la nécessité du genre de programme que vous administrez. Nous avons été témoins, au Québec, de situations où il a été nécessaire d'avoir recours à un programme de ce genre pour pénétrer des organisations criminelles, les piéger et les faire condamner.
Ce sont cependant des procédures extrêmement coûteuses, et on comprend pourquoi. Il s'agit d'un domaine qui ne sera jamais du ressort de l'entreprise privée, et, contrairement à celle-ci, nous ne pourrons jamais mesurer de façon précise le succès de nos opérations.
Je me suis demandé si au cours des années, vous aviez trouvé une façon d'évaluer après coup le succès relié à l'utilisation des témoins, de façon à déterminer d'autres choix pour l'avenir. Il est très difficile de déterminer si on a pris la bonne décision lorsqu'on a entrepris ce processus très coûteux auprès d'un délinquant. Vous avez des idées là-dessus. Honnêtement, je dois avouer pour ma part ne pas en avoir beaucoup.
[Traduction]
Je peux vous fournir quelques éclaircissements.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut savoir quels sont les avantages que nous retirons de la protection des témoins. Si je peux utiliser un exemple qui remonte au week-end dernier à Winnipeg... Nous avons participé à un procès d'un membre de la direction de Hells Angels, qui durait déjà depuis un mois et demi. Nous avons utilisé un agent qui a joué un rôle essentiel dans ce procès et qui a bénéficié d'une protection. La réalité est qu'il était inculpé de neuf chefs d'accusation, y compris des accusations de crime organisé reliées aux drogues. Le jury a rendu son verdict cette fin de semaine et l'a déclaré coupable de huit chefs d'accusation sur les neuf.
Je peux vous dire que je suis pratiquement certain que nous n'aurions pas pu le traduire devant les tribunaux si nous n'avions pas utilisé cet agent et le programme de protection des témoins. Cet agent va continuer à témoigner contre de nombreux membres des Hells Angels et des associés que nous avons arrêtés dans le cadre du projet Défense, auquel nous avons mis un terme l'année dernière.
Ce n'est qu'un exemple. Évidemment, nous n'avons pas toujours le même succès avec tous les témoins qui participent au programme de protection. Il y a des fois où nous n'obtenons pas les résultats escomptés. Cela nous est effectivement arrivé au Manitoba. Mais on peut mesurer la réussite de ce programme en se basant sur les condamnations obtenues par la suite.
[Français]
Il est certain qu'on pourrait donner des exemples de réussite, mais j'imagine que vous avez aussi à l'esprit des exemples d'échec. À ce sujet, dois-je comprendre qu'en termes de mesure du succès du programme, les condamnations sont des facteurs positifs? J'imagine que l'importance de l'organisation criminelle à laquelle vous vous attaquez et le tort que vous causez à cette dernière est aussi un facteur. Le fait que l'organisation soit violente ou simplement une organisation de fraude est-il aussi un facteur que vous considérez pour juger du succès des opérations que vous entreprenez dans le cadre de ce programme?
[Traduction]
Oui. Absolument.
Il est clair que l'effet que cela a sur l'organisation est un indice important qui montre si le recours à un agent, à un informateur ou à un témoin protégé a eu un effet bénéfique . Je peux utiliser cet exemple récent pour montrer qu'effectivement, l'organisation des Hells Angels à Winnipeg a lourdement ressenti les effets du témoignage de cette personne, qui participe maintenant à un programme de protection des témoins.
Je pourrais vous donner d'autres exemples. Vous avez parlé des échecs et il est vrai que cela arrive, et cela continuera à arriver quoi que nous fassions. Mais il est clair que les suites qu'ont ces affaires pour l'organisation en cause montrent si l'opération a été un succès.
[Français]
Je veux tout simplement signaler, avant de passer à un autre sujet, qu'il y a quand même dans les journaux deux exemples d'utilisation de témoins. Il s'agit sans doute d'organisations violentes, mais aussi d'organisations qui ne le sont pas. En effet, il y a eu des condamnations dans l'affaire Enron. Ce procès est publicisé à l'extrême, et nous ne devrions pas porter de jugement à son sujet.
Les mesures prises pendant que vous contrôlez le délinquant sont un sujet que je considère très difficile. Il constitue une de nos plus grandes préoccupations. En fin de compte, un bon nombre des individus auxquels on a recours sont d'anciens délinquants. Ils ont gardé leur caractère, même s'ils ont changé d'idée.
J'aimerais que vous nous expliquiez sommairement comment vous vous assurez que ces gens ne vont pas chercher à vous manipuler et à reprendre une vie de criminel, qu'ils vont véritablement continuer à mener une vie honnête et ne pas profiter des circonstances pour commettre d'autres actes criminels. Mettez-vous en pratique une certaine psychologie? Y a-t-il des psychologues qui vous aident?
[Traduction]
Merci.
Eh bien, il est clair que le genre de personnes qui participent à ce programme ne sont pas des personnes qui jouissent d'une bonne réputation dans notre société et ne sont pas des citoyens respectueux des lois. Pas toutes, mais la plupart de ces personnes pourraient fort bien être déclarées coupables. Nous les étudions, nous espérons les amener à s'affranchir de leur lourd passé... au palier national, il y a des responsables des témoins qui s'occupent constamment d'eux, et il y a aussi des psychologues qui participent au processus et qui passent du temps avec les personnes du programme de protection des témoins pour les aider à régler les problèmes anciens dans l'espoir qu'elles pourront progresser.
J'ai personnellement connu des situations au palier national, où tous les efforts n'ont servi à rien. Mais je sais que nous avons également eu des réussites au palier national.
Du côté provincial, les programmes provinciaux, comme je l'ai mentionné, visent davantage le court terme, de sorte que ces personnes sont retirées du milieu qu'elles connaissent, mais pour des périodes plus courtes. Nous les envoyons, par exemple, à Vancouver, et nous essayons de les installer de façon à ce qu'elles se sentent à l'aise et reprennent le droit chemin. La réalité est qu'après trois ou quatre mois, le financement provincial s'arrête dans l'espoir que ces personnes vont se débrouiller seules.
Nous leur fournissons un soutien. Même au palier provincial, nous pouvons leur offrir les services d'un psychologue. Nous faisons ce que nous pouvons, mais il est clair que le succès n'est jamais garanti.
Les autres témoins souhaitent-ils faire des commentaires?
Monsieur Izzett, vouliez-vous faire un commentaire?
Lorsque l'on parle de succès, il est évident que l'objectif est de terminer l'enquête et d'obtenir ensuite des condamnations. Je ne sais pas si nous recueillons des statistiques ou mesurons cela. Je vais essayer de vérifier, mais je ne suis pas sûr qu'il en existe.
Le programme de protection des témoins est bien souvent considéré comme une panacée. C'est une personne qui déménage et commence une nouvelle vie alors qu'en fait, elle vit la même vie dans un autre endroit, elle connaît les mêmes problèmes, elle a les mêmes réactions bizarres et les mêmes tendances à être impliquée dans des activités criminelles. Dans le cas du programme provincial, les témoins peuvent se retirer du programme lorsqu'ils le souhaitent. En fait, ils sont réputés abandonner le programme lorsqu'ils reprennent leur style de vie criminel et ils perdent leur soutien.
Ils sont donc surveillés, mais il n'y a pas de garantie — il n'y a absolument aucune garantie. Nous avons toutefois constaté dans l'ensemble que, lorsque nous réinstallons ces personnes, elles découvrent que leur vie n'a pas vraiment changé, qu'elles vivent la même vie, et qu'elles sont peut-être plus isolées et elles ont tendance à retourner à l'endroit d'où elles viennent.
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être ici.
Je tiens à préciser, même si je pense que vous le savez, que la principale raison à l'origine de cet examen est l'affaire célèbre d'un témoin qui participait à un programme fédéral et qui a été par la suite accusé et déclaré coupable de meurtre pendant qu'il participait encore au programme. Nous pensons qu'il existe une affaire semblable au Québec.
Ce qui nous intéresse — et Mme Barnes a parlé de protocoles — et ce qui m'intéresse particulièrement, ce sont les programmes auxquels vous participez au niveau provincial ou local. Je m'intéresse aux critères d'admissibilité et aux critères utilisés pour mettre fin à la participation à ce programme. Lorsque vous allez nous envoyer les documents, pourriez-vous veiller à ce qu'ils traitent de ces deux aspects?
J'ai parlé au responsable du programme du ministère du Procureur général et il m'a dit qu'il était réticent à publier ce document. C'est un document qui contient les règles d'engagement que le témoin doit accepter pour pouvoir participer au programme. Je peux fournir au comité le nom d'une personne contact et vous pourriez lui poser la question directement, mais pour le moment, je ne suis pas autorisé à vous transmettre ce document.
Inspecteur d'état-major Izzett, je vais continuer sur ce sujet et j'aimerais savoir si c'est le ministère qui, en Ontario, fixe lui-même les critères d'admissibilité et d'exclusion. Le Service de police de Toronto n'a pas son mot à dire?
Nous avons en fait un partenariat et nous avons un mot à dire dans le processus, mais la décision finale appartient au ministère du Procureur général, le bureau de la Couronne.
Pour être un peu plus précis, vous avez parlé de ces décisions qu'il faut parfois prendre sur-le-champ. Vous êtes dans la rue, il y a un problème et il faut prendre une décision. Qui prend ces décisions?
Supposons qu'il y ait un agent dans la rue qui pense qu'un témoin a besoin d'aide et cet agent doit appeler quelqu'un qui est responsable de ce genre de décision et ils prennent cette décision ensemble?
Non. Comme je l'ai mentionné, nous avons une entente selon laquelle lorsqu'un témoin est en danger et qu'il a besoin d'une assistance immédiate, nous pouvons le réinstaller temporairement dans un hôtel ou dans un autre endroit sûr, d'après nous, et le ministère du Procureur général va assumer cette dépense, même si par la suite l'individu en question n'est pas admis dans le programme.
Savez-vous combien la province verse au programme de protection des témoins en Ontario? Je ne parle pas du coût des agents au niveau municipal ni même au niveau de la PPO.
En Ontario, ce coût s'établit entre 500 000 $ et 800 000 $ par an pour l'administration de ce programme. Cela concerne l'ensemble de la province.
Inspecteur d'état-major Izzett, lorsque vous entendez ces deux chiffres et vous savez que la population de l'Ontario représente 11 ou 12 fois celle du Manitoba, peut-être un peu plus, vous vous dites que les chiffres ne semblent pas correspondre. Comment expliquer que le Manitoba dépense autant et l'Ontario si peu, si je peux m'exprimer de cette façon?
Je ne peux pas répondre à cette question au sujet de cette comparaison parce que je ne sais pas quel est le genre de protection qui est fournie et quelles sont les mesures qui sont prises. J'aimerais pouvoir dire que cela reflète simplement la nature frugale de...
Je ne sais pas quelle est la différence entre les deux programmes. Je peux vous dire que le coût moyen par témoin va de 20 000 $ à 40 000 $ pour ce qui est du ministère du Procureur général.
Pour revenir à la question d'exclure quelqu'un du programme, vous avez parlé de participation ultérieure, après le témoignage, à des activités criminelles... vous nous avez laissé l'impression que ces gens étaient automatiquement exclus du programme. Est-ce automatique ou faut-il prendre une décision? Qui prend la décision, le cas échéant?
Oui, ce sont les règles que ne peux pas vous montrer. Elles comprennent un certain nombre de critères. Une de ces règles dit que le témoin doit suivre toutes les mesures de sécurité et doit toujours agir de cette façon tant que le service de police ne lui a pas dit que cela n'était plus nécessaire.
Inspecteur d'état-major Izzett, pourriez-vous nous dire comment cela se fait? Prenez-vous cette décision?
Non. C'est une décision qui est prise après consultation. Évidemment, si un témoin exerce des activités criminelles, nous consultons le ministère et cette décision est prise par le ministère en tenant compte de notre avis. Mais je peux vous dire qu'au cours des 10 dernières années, parce que j'ai vérifié avant de venir ici, le Service de police de Toronto n'a été obligé d'exclure que cinq personnes.
Je ne peux pas vous dire exactement pour quelles raisons cela a été fait. Mais je dirais que, dans l'ensemble, oui, ce serait pour cette raison.
Surintendant Schumacher, je vais vous poser les mêmes questions. Quelles sont les règles en matière d'exclusion? Est-ce le service de police municipal ou provincial qui prend cette décision?
Notre situation est très semblable à celle de l'Ontario, dans le sens où il est difficile pour moi de vous fournir ce genre de renseignements aujourd'hui. L'exclusion est une décision qui est envisagée fréquemment lorsque la personne qui participe à un programme inquiète par son comportement les agents chargés de l'enquête ou la province. En particulier, si les agents chargés de l'enquête constatent qu'il y a un problème, ils en informent la province et l'exclusion peut être décidée très rapidement.
Oui, c'est la province qui paie les factures. C'est le programme de gestion des témoins à risque élevé qui conclut un contrat avec la personne en question.
Monsieur Comartin, je n'ai pas surveillé la pendule et vous avez dépassé votre temps de parole. Pourriez-vous terminer?
J'aimerais aborder un autre secteur, monsieur le président. Je vais donc voir si je peux le faire la prochaine fois.
Très bien, ou vous pouvez obtenir la permission du comité de le faire.
Nous allons maintenant passer au côté du gouvernement.
Monsieur Hawn, allez-y.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être ici.
J'aimerais parler un peu des coûts. Nous avons entendu plusieurs chiffres. Peut-être que le surintendant Schumacher serait le plus mieux placé pour répondre à cette question, en se plaçant du point de vue de votre association fédérale.
Nous avons entendu un chiffre de 800 000 $ pour l'Ontario et de 400 000 $ pour le Manitoba. Selon certains renseignements, ces coûts, qui étaient de 2,5 millions de dollars pour 2004-2005, sont passés à 1,9 million de dollars pour 2005-2006.
Avez-vous un chiffre pour toutes les provinces? Avons-nous une répartition par province? Je ne demande pas cette répartition, mais...
Non. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les seules provinces qui comblent le vide par des programmes provinciaux sont l'Ontario, le Manitoba, le Québec et je crois que la Colombie-Britannique s'est engagée dans cette voie. Je n'ai pas de renseignements concernant les coûts que cela entraîne pour les autres provinces, je n'ai pas non plus l'information se rapportant directement au programme fédéral.
Commissaire adjoint McDonell, avez-vous d'autres chiffres pour le côté fédéral? Parlons-nous de 5 millions de dollars, de 10 millions de dollars...?
Je peux reprendre, si vous le souhaitez, les chiffres qui ont été fournis par le commissaire adjoint Souccar, ces chiffres étaient de 2,5 millions de dollars et de 1,9 million de dollar. C'est l'information que je possède.
Est-ce que cela représente le coût de tous les programmes de protection des témoins au Canada, y compris les coûts des provinces?
Nous pourrions extrapoler à partir de ces deux provinces pour en arriver à un chiffre approximatif.
Comment le programme de protection des témoins s'applique-t-il aux personnes qui sont détenues mais qui font l'objet d'une protection? Je pense qu'il doit y avoir des détenus qui participent à un programme de protection des témoins. Est-ce que ces coûts sont compris?
Je ne connais pas de détenus qui participent au programme de protection des témoins. C'est ce que je sais de mon point de vue.
Voilà qui me surprend un peu, parce que vous dites qu'ils sont responsables de leurs actes. Il doit bien y avoir des gens qui ont été déclarés coupables mais qui sont également utiles comme témoins et qu'ils devraient être protégés dans le système carcéral. Cela ne serait-il pas logique?
La réalité est que si quelqu'un est en prison, il n'a pas droit à la protection accordée aux témoins. Si la personne est libérée, participe à ce programme et commet des infractions pour lesquelles elle doit être envoyée en prison, je dirais que cette personne serait exclue du programme, si c'est le cas.
Je parle ici en général. Cela concerne le régime fédéral et je ne peux pas vraiment en parler avec certitude. Je peux par contre vous dire que le témoin qui participe au programme provincial et qui est déclaré coupable d'une infraction pour laquelle il est envoyé en prison est exclu du programme provincial.
Avez-vous une idée du nombre des personnes et des familles qui participent au programme de protection des témoins à l'heure actuelle au palier national, ou est-ce que ces chiffres sont là encore fragmentés?
Oui, nous avons ces chiffres, et c'est encore une fois le commissaire adjoint Souccar qui les a fournis. Je peux vous les répéter: il y en a 700 qui relèvent de la GRC et nous nous occupons de 300 autres pour d'autres services de police.
Quel pourcentage de ces cas concernent des familles? Est-ce que cela représente la moitié ou un tiers?
Il y en a donc un certain nombre.
Pour ce qui est du financement, tout le monde voudrait que le gouvernement fédéral participe bien sûr au financement des mécanismes provinciaux, bien que certaines provinces ne le souhaitent pas. Personne n'a cité de chiffres au sujet du financement que le gouvernement fédéral devrait affecter à la protection des témoins dans l'ensemble du Canada. Est-ce que quelqu'un a un chiffre?
Pour ce qui est du Service de police de Toronto, nous ne sommes pas ici pour demander de l'argent. Notre position est que, lorsqu'un témoin devient un témoin, ce témoin est pris en charge par le procureur de la Couronne. Dans le cas de l'Ontario, le ministère du Procureur général a accepté cette responsabilité ainsi que les obligations financières qui y sont associées.
Si vous parlez du niveau fédéral, sans préciser le ministère qui disposerait d'un mécanisme permettant de faire cela, l'argent n'est pas un problème pour nous; c'est la capacité d'admettre quelqu'un dans un programme qui est financé par quelqu'un d'autre. Nous ne somme pas intéressés à administrer d'autres fonds que ceux qui nous sont attribués.
Très bien. Nous ne vous ferons pas de chèque.
La confiance, bien évidemment, est au coeur des programmes de protection des témoins. Ces gens-là doivent avoir confiance en vous.
J'aimerais parler de terrorisme pendant un instant. Commissaire adjoint McDonell, vous êtes peut-être le mieux placé pour le faire. Vous ne serez peut-être pas en mesure de me donner un chiffre, mais y a-t-il beaucoup de gens qui participent au programme de protection des témoins pour ce qui est du terrorisme?
Est-ce que ces gens viennent de plusieurs... Je veux dire qu'il n'y a pas que les Canadiens. Là encore, vous ne pourrez peut-être pas me répondre, mais est-ce que nous protégeons un certain nombre de Canadiens et de ressortissants étrangers qui se trouvent au Canada?
Ils viennent sans doute de divers pays, mais vous ne pouvez pas non plus répondre à cela, et je le comprends. Un refus de répondre est parfois aussi éclairant qu'une réponse, mais cela est très bien.
Nous n'avons peut-être pas ces chiffres, mais j'aimerais savoir combien nous avons perdu de témoins qui étaient protégés par ces programmes. Quand je dis « perdu », je veux dire que la protection a échoué au point où ils ont été tués. Avons-nous un chiffre?
Je ne connais pas de cas où le témoin ait été tué, mais il y a eu un échec dans le système de la GRC parce que l'identité a été dévoilée.
D'après les renseignements dont nous disposons, il y a un certain nombre de cas où le témoin a été exclu du programme de protection contre son gré. Je pense que cela veut dire que le témoin voulait être protégé, avait bénéficié d'une protection, mais qu'on lui a dit par la suite qu'il n'en avait plus besoin. Sur quoi repose ce genre de décision, monsieur Izzett?
Eh bien, le rapport annuel 2005-2006 montre qu'il y a eu sept cas où il y a eu exclusion du programme de protection contre le gré du témoin. Je pense que cela veut dire que la personne en question voulait être protégée mais que quelqu'un a décidé qu'elle n'en avait pas besoin.
Il s'agit dans certains cas d'une personne qui est retournée, contre les directives de son responsable, dans le secteur qu'elle avait quitté. D'autres témoins avaient repris leurs activités criminelles. Dans ce cas-là, ils sont immédiatement...
Pour ce qui est de l'objectif de rendre ces personnes employables et de leur supprimer leur aide sociale pour qu'elles deviennent des citoyens raisonnablement productifs, quel est le taux de succès que vous avez eu dans ce domaine, au palier fédéral? Avez-vous des chiffres à ce sujet?
Je peux répondre à cela.
Je n'ai pas un chiffre précis, mais je sais que nous dépensons pas mal d'argent pour recycler ces personnes. Il y a des psychologues et d'autres. Nous déployons pas mal d'efforts pour les réintégrer dans la société et pour qu'elles deviennent des citoyens productifs. Je pourrais essayer d'obtenir le nombre de ceux qui occupent un emploi et de ceux qui touchent encore des indemnités.
Cela montrerait si nous avons réussi dans ce domaine ou s'il s'agit d'un programme d'aide sociale permanente, ce qui, dans certains cas, est sans doute, bien évidemment ce qu'il est.
Vouliez-vous me couper la parole, monsieur le président?
Oui, vous avez épuisé votre temps de parole. Merci.
Voilà qui termine le premier tour. Nous allons maintenant commencer le second tour.
Allez-y, monsieur Cullen.
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être ici.
Inspecteur d'état-major Izzett, j'aimerais revenir à un commentaire que le surintendant Schumacher a fait en réponse à une question de M. Ménard. Il a laissé entendre plus ou moins directement que la plupart des personnes qui participaient à ce programme, sinon toutes, avaient exercé certaines activités criminelles.
Je me demande si, dans l'expérience du Service de police de Toronto, il y a des gens, qui sont de simples citoyens honnêtes, qui viennent voir des policiers et leur disent: « Je sais qui a fait cela, j'aimerais collaborer mais je risque d'avoir de graves problèmes ». Je pense à ma circonscription d'Etobicoke Nord, le Rexdale-Jamestown Crescent, où il y a eu une série de fusillades de ce genre. Y a-t-il dans le programme du Service de police de Toronto des gens qui sont tout simplement d'honnêtes citoyens qui demandent à être protégés ou exercent-ils tous des activités criminelles?
Absolument. Cela a été mentionné ici à quelques reprises, et dans mes commentaires d'ouverture, j'ai essayé de dire qu'il ne s'agissait pas uniquement de crime organisé; il s'agit de la criminalité qui règne dans les collectivités et qui nuit grandement à ces collectivités.
Nous avons effectivement des témoins auxquels nous avons accordé une protection parce qu'ils se trouvaient, pour des raisons socioéconomiques, au mauvais endroit au mauvais moment et qui ont été témoins d'une infraction et qui avaient besoin d'être protégés. Oui, vous avez tout à fait raison.
Très bien.
Je me souviens d'avoir eu une conversation avec le chef Blair au sujet de la protection des témoins, et il m'a dit que oui, nous avons besoin de ces programmes qui permettent de changer l'identité des personnes et de les envoyer ailleurs, mais qu'il y avait des choses tout aussi efficaces que l'on pouvait faire dans le cadre du processus judiciaire, de l'appareil judiciaire. Je ne suis pas avocat, mais j'en ai déduit qu'il parlait de choses qui pouvaient être faites pour les gens qui témoignent au procès, peut-être à huis clos. Je ne sais pas exactement à quoi il faisait référence.
Peut-on prendre des mesures, en plus des programmes de changement d'identité de ce genre dont nous avons parlé, dans le cadre du processus judiciaire, qui protégeront les témoins qui sont disposés à témoigner?
Sans parler de cas précis, j'ai trois détectives qui travaillent à temps plein au programme de protection des témoins du Service de police de Toronto. Ils font preuve de créativité dans chaque cas et cette créativité s'exerce au sujet des questions dont nous avons parlé: employabilité, déménagement, autres possibilités et options visant à renforcer la sécurité des personnes en question. Il ne s'agit pas uniquement de déménagement et de changement d'identité; il y a toutes sortes de facteurs qui peuvent assurer la sécurité d'un témoin.
Quant au fait de témoigner à huis clos, je ne peux pas faire de commentaires à ce sujet. Je ne connais pas très bien cette question.
C'est peut-être moi qui ai tiré cette conclusion à partir de ce qu'il m'avait dit et il parlait peut-être seulement des choses que vous venez de mentionner.
Je vais maintenant en revenir aux commentaires qu'a faits ma collègue, Mme Barnes. Si vous prenez ma circonscription, Rexdale, vous savez qu'il y a eu beaucoup de fusillades, que des gens innocents ont été en danger, mais que très, très souvent, il n'y a pas beaucoup de gens qui sont prêts à parler aux policiers. Et nous avons le programme Échec au crime, des numéros 1-800, des lignes confidentielles. Si les gens ne se présentent pas à la police dans ces circonstances, comment se fait-il qu'ils parlent aux policiers si on leur offre de participer à un programme de protection des témoins? Est-ce parce qu'ils n'ont pas confiance dans le caractère confidentiel de la ligne d'Échec au crime, par exemple? Que se passe-t-il?
Eh bien, le programme d'Échec au crime est un excellent programme et il a donné d'excellents résultats, il a permis de résoudre de nombreux homicides, ainsi que d'autres crimes très graves. Nous sommes très fiers de ce programme.
Pour ce qui est du fait que les gens hésitent à utiliser ce programme, je dirais qu'ils ont plusieurs possibilités. Ils peuvent intervenir comme informateur confidentiel. Ils peuvent nous fournir des renseignements par l'intermédiaire du programme Échec au crime ou nous donner des renseignements en étant un témoin.
Nous avons constaté dans les collectivités dont vous avez parlé, dans les collectivités les plus vulnérables, que les gens sont très soupçonneux des personnes qui parlent aux policiers. Lorsque la police arrive avec un mandat d'arrestation, tout le monde se demande qui a parlé aux policiers. C'est donc un défi auquel nous faisons face tous les jours.
Je peux vous dire qu'il y a eu des cas récents, sans vous donner trop de détails encore une fois, où plusieurs témoins se sont rapportés à la police et à qui nous avons accordé une certaine protection pour des cas d'homicide et qui sont venus parler aux policiers lorsqu'ils ont su qu'il existait un moyen, une façon d'obtenir de la protection, et que nous n'allions pas simplement les laisser à leur sort une fois qu'ils auraient fait leur déclaration, et que nous nous occuperions d'eux.
C'est ce dont j'ai parlé dans mes remarques d'ouverture: cela fait partie de l'aspect confiance. Lorsque les gens entendront parler du succès de ce programme, cela les incitera, nous l'espérons, à l'utiliser davantage.
Inspecteur d'état-major Izzett, vous avez parlé d'une sorte de réticence à utiliser le programme fédéral. Bien sûr, la plupart des poursuites relèvent de la province. Vous avez parlé de poursuite fédérale dans le cas d'importation de drogues et il y a d'autres cas. Le terrorisme en est un, je pense. J'ai oublié cette liste. Cela fait un moment que je ne l'ai pas examinée. Vous avez laissé entendre qu'il pourrait y avoir des cas où vous aimeriez utiliser ce programme mais qu'à l'heure actuelle, il est trop complexe, tant sur le plan financier que sur celui de la procédure.
Que pourrait-on faire pour rendre le programme fédéral plus accessible et l'utiliseriez-vous dans ce cas?
J'aimerais préciser une chose; nous avons accès au programme fédéral à volonté. Nous pouvons l'utiliser mais il fonctionne selon le principe de la récupération des coûts. Si nous utilisons ce programme, c'est nous qui assumons tous les frais. C'est la récupération intégrale des coûts, puisque la GRC nous facture tous les frais. Nous y avons donc accès.
Qu'aimerions-nous? Nous aimons à l'heure actuelle la flexibilité et la souplesse avec laquelle nous pouvons placer des gens en lieu sûr. Si nous devions réfléchir à un système concernant le programme fédéral de protection des témoins, nous penserions à un système où le processus décisionnel serait très simple, et dans lequel le financement, comme je l'ai dit, ne serait pas fourni par notre organisation, mais peut-être par la GRC ou par le ministère de la Justice. Je ne veux pas lancer un débat entre les deux organismes, mais ce financement pourrait être fourni pour mettre sur pied un système... vous savez, il y a un témoin, il a besoin d'être protégé et les mécanismes sont déjà en place.
À l'heure actuelle, cela n'existe que du côté provincial.
[Français]
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Ménard.
J'aimerais poursuivre la question qu'a posée M. Cullen, et peut-être que, surintendant Schumacher, vous voudrez peut-être intervenir. S'agit-il d'une situation où il serait préférable que les fonds soient remis à la province — ils ne seront jamais remis aux municipalités, au moins de notre vivant — de façon à préserver ce genre de souplesse et de rapidité? Serait-ce la meilleure façon de procéder, en supposant que nous puissions amener le gouvernement fédéral à signer le chèque?
Je ne suis pas venu ici pour parler d'où va cet argent; je voulais plutôt parler de souplesse, d'autonomie, de nos réussites. Mais si vous voulez parler au ministère du Procureur général, c'est certainement un sujet qui l'intéresserait, parce que l'infrastructure existe déjà, les mécanismes existent déjà, et tout cela faciliterait grandement l'administration du programme fédéral et du programme provincial en matière de protection des témoins. Le ministère m'a fait savoir, avant que je ne vienne aujourd'hui, qu'il serait prêt à s'engager dans cette voie.
Si je peux faire un commentaire, qui touche les provinces qui ont mis sur pied ces programmes provinciaux, je dirais que oui, il serait tout à fait approprié que ces fonds soient remis aux agences provinciales. Malheureusement, il y a plusieurs provinces qui n'ont pas mis sur pied de programme de ce genre. Je dirais que, pourvu qu'il y ait de l'argent, par exemple, s'il fallait, à Halifax, placer une personne dans le programme de protection des témoins, s'il y avait de l'argent quelque part qui pourrait être utilisé pour ce programme, alors ce serait approprié.
Surintendant Schumacher, si j'ai bien compris la situation au Manitoba, il y a au moins la moitié de la province, peut-être un peu plus, où les services de police sont fournis par la GRC. Est-ce à peu près exact?
Sur le plan géographique, le territoire couvert par la GRC est plus vaste. Sur le plan du personnel, il y a plus de policiers municipaux au Manitoba qu'il n'y a de membres de la GRC.
Si un meurtre est commis, si un témoin a vu le crime et si cela s'est produit dans une région couverte par la GRC, ce témoin peut bénéficier des fonds fédéraux. Si le même crime est commis de l'autre côté à Winnipeg, le gouvernement fédéral ne s'en occupe pas.
Oui, mais ce serait à vous d'en assumer les coûts.
J'aimerais revenir aux cas dans lesquels ces programmes n'ont pas donné de bons résultats. J'aimerais parler de la surveillance dont font l'objet les personnes qui participent à ces programmes.
Lorsque le commissaire adjoint Souccar était ici, si j'ai bien compris ce qu'il a dit, il a déclaré qu'ils ne s'occupaient pas à l'heure actuelle de ces 300 cas — de sorte que, si c'est un service de police municipal ou exclusivement provincial — c'est le service provincial ou municipal qui surveille ces personnes. Est-ce bien exact?
Excusez-moi, pouvez-vous dire oui?
On se croirait dans une salle d'audience.
Si c'est bien le cas — je vais d'abord poser la question à l'Ontario — qui fixe les normes concernant le genre de surveillance dont fait l'objet la personne qui participe au programme en Ontario?
Encore une fois, c'est un programme qui est administré et mis en oeuvre par le ministère du Procureur général. C'est le programme du ministère et c'est ce ministère qui fixe toutes les normes associées à ce programme.
Oh, j'avais pensé que j'avais bien précisé ce point. J'avais compris, d'après ce que m'avait dit le commissaire adjoint Souccar, que la GRC s'occupait — c'est du moins ce que j'avais compris — d'un bon nombre d'entre eux, en fait.
Sur le plan de la surveillance, ce sont des agents de police qui s'en occupent et non pas des travailleurs sociaux, des psychologues ou des personnes qui font partie des services sociaux.
Ce ne sont pas toujours des agents de police. Il s'agit d'un programme provincial et il y a des employés provinciaux qui ont déjà été policiers et qui font ce genre de travail. À Winnipeg, nous avons deux personnes à temps plein qui s'occupent de la protection des témoins. La division « D » de la GRC a confié cette tâche à une personne, je crois, qui le fait à temps plein. La GRC collabore étroitement avec la province lorsqu'elle a besoin d'aide, mais la province a affecté certains employés à la protection des témoins.
Dans cette situation, lorsqu'on envisage d'exclure un témoin du programme, ce serait donc ces personnes, que ce soit des agents de police, à la retraite ou non, qui formuleraient ces recommandations. Est-ce bien exact?
Je vous remercie d'être venus aujourd'hui et de nous fournir un complément d'information sur le programme de protection des témoins.
Je crois que nous avons déjà rapidement abordé cet aspect, mais pour que ce soit clair, les gens qui participent à ce programme peuvent faire l'objet de poursuites pénales. Ils ne bénéficient d'aucune protection ou immunité à l'égard des poursuites pénales et s'ils commettent des infractions, ils sont automatiquement exclus du programme. Est-ce exact?
Mais cela ne comprend pas les infractions provinciales parce que ce sont des infractions mineures? Ou est-ce que cela les comprend quand même?
Notre programme n'accorde aucune immunité pour quelque infraction que ce soit, provinciale ou autre.
Ils agissent de façon indépendante. Cela ne justifie pas toujours leur exclusion du programme, mais ils doivent rendre compte de leurs actes.
Par conséquent, s'ils reçoivent une contravention pour excès de vitesse, ils paient la contravention, etc.
Merci.
Est-il également exact de dire que, puisqu'il s'agit d'êtres humains avec toutes leurs particularités, le programme, même s'il est encadré par des règles, des critères et des protocoles précis...? La façon de traiter les êtres humains n'est pas une science exacte. D'après l'expérience que vous avez eue avec ce programme, est-ce qu'il arrive que ces protocoles et ces règles soient modifiés ou changés en fonction de circonstances qui sont apparues parce qu'on a mis en oeuvre... ou pour une personne qui participe au programme ou en cas d'événement imprévu?
Je ne suis pas très sûr de bien vous comprendre. Ce programme n'est pas souple au point où il peut être adapté aux besoins de chaque individu.
Non, je dis que, si vous avez eu certaines expériences, si l'application pratique du programme montre qu'il faut le modifier légèrement, a-t-on effectivement apporté des changements à la façon dont le programme est mis en oeuvre ou à la protection offerte à cause de certaines choses qui se sont produites, qui montrent qu'il y a lieu d'introduire de nouvelles pratiques parce que cela pourrait se reproduire?
Je dirais que notre politique évolue constamment de façon à refléter l'évolution de la société dans laquelle nous travaillons ainsi que chaque nouvelle affaire. C'est comme toutes les leçons de la vie: plus on sait de choses, plus on s'aperçoit qu'on ignore beaucoup de choses. De sorte qu'avec chaque personne qui participe au programme, nous apprenons quelque chose et cela influence notre politique.
Oui, je suis d'accord avec vous. C'est évidemment un processus fluide. Si je remonte à il y a quelques années, avant que le programme provincial n'existe, si nous avons mis sur pied un programme provincial, c'est à cause de la fluidité du programme national.
Nous y avons participé. Il y avait des choses qui donnaient de bons résultats et d'autres qui en donnaient de moins bons, et pour combler les lacunes qui venaient des choses qui ne fonctionnaient pas, nous avons adopté un programme provincial. Bien sûr, il a fallu un peu de temps pour apprendre certaines choses et nous avons connu certaines difficultés, mais petit à petit, nous avons réglé tout cela et il y aura sans doute d'autres choses à faire, nous continuerons à changer et à améliorer notre système.
La flexibilité et la rapidité qui sont à la base de notre programme ont évolué. Elles ont évolué par nécessité. Le programme de l'Ontario continue donc à s'améliorer, nous cherchons toujours des façons de l'améliorer, et c'est la raison pour laquelle nous avons le pouvoir de décider à deux heures du matin si quelqu'un a besoin de protection et nous savons que le ministère du Procureur général nous appuiera totalement, même si l'individu en question n'est finalement pas admis dans le programme. Il y a donc eu des changements qui visaient à faciliter certaines choses. L'essentiel est d'assurer la sécurité des témoins.
Les règles sont donc suffisamment souples pour tenir compte des aspects particuliers de la situation. C'est là-dessus que vous vous basez.
Merci.
J'aimerais avoir un commentaire de chacun des témoins, juste une opinion, sur la note que vous donneriez au programme en termes de réussite sur le plan, premièrement, de la répression de la criminalité et, deuxièmement, sur celui de la préservation de l'anonymat de la personne qui participe au programme. Vous pouvez utiliser un pourcentage ou une note de 1 à 10, 10 étant la note la plus haute.
Nous allons commencer par la GRC.
Pour ce qui est des poursuites, je dirais que l'efficacité et le succès du programme méritent une note de 9. Pour ce qui est de l'anonymat et d'assurer la sécurité des témoins, nous avons connu un échec parmi les quelques milliers de cas dont nous nous sommes occupés, c'est pourquoi je nous donnerais un 8,9.
Si nous parlons du programme national, de la façon dont il fonctionne actuellement, en mettant de côté les questions de coût et d'accessibilité, si nous tenons compte uniquement de ce groupe de témoins, je dirais que le programme fonctionne bien. Je donnerais également un chiffre élevé, 8 ou 9, si vous voulez.
Pour ce qui est de la préservation de l'anonymat, des renseignements confidentiels... c'est bien ce que vous vouliez savoir?
Je donnerais également une bonne note, compte tenu du fait qu'il s'agit de personnes qui occupent des échelons supérieurs de la hiérarchie et qu'il y a tout un groupe qui n'est pas visé par ce programme. Le pourcentage serait bon également pour ce groupe, mais il ne participe pas à ce programme.
Monsieur Schumacher — et inspecteur d'état-major Izzett, et j'attendrai que vous puissiez répondre —, je m'intéresse beaucoup au fait que vous insistez sur l'aspect financement, parce que cela ne semble pas être un aspect aussi important en Ontario mais malheureusement, nous n'avons pas de représentants des autres provinces. Mais diriez-vous que le succès de ce programme est déterminé par le fait que le programme de la province du Manitoba est peu coûteux et que la question de savoir s'il y a lieu d'assurer la protection d'un témoin ou d'accuser quelqu'un, c'est une décision qui se prend uniquement en fonction de considérations financières et non pas en fonction de la sécurité de la population?
Absolument pas. Lorsqu'on veut utiliser le programme national, c'est une décision en grande partie financière, parce que quelqu'un doit payer la facture. Pour un service de police local, d'un bout à l'autre du pays, c'est une préoccupation. Mais en dehors du programme national, il y a différentes mesures qui sont moins complètes mais le coût n'est vraiment pas un facteur. La principale considération est la sécurité du témoin, cela est sûr.
Merci.
Nous allons passer à Mme Barnes.
Je voulais préciser quelque chose dont a parlé M. Norlock. Ils ne bénéficient d'aucune immunité à l'égard des poursuites, mais que se passe-t-il si l'on découvre qu'ils ont fait quelque chose dans le passé — avant qu'ils ne soient admis dans le programme de protection, s'ils ont commis un meurtre? Est-ce qu'ils bénéficient d'une immunité pour le crime qu'ils ont commis dans le passé avant qu'ils ne soient admis dans le programme de protection?
Je crois que je vais continuer un peu sur ce thème.
Vous connaissez bien l'article 25 du Code criminel. Est-il déjà arrivé que quelqu'un qui aurait reçu une autorisation ou une protection en vertu de l'article 25 soit admis dans un programme de protection des témoins?
Parlez-vous du paragraphe 25.1(9), la disposition qui autorise les services d'application de la loi à commettre des actes ou des omissions qui constitueraient autrement...
Je voulais savoir s'il était déjà arrivé que quelqu'un soit visé par cette exception — disons un informateur, peut-être un trafiquant de drogues — qui aurait été réinstallé, à cause du crime organisé... Ces gens-là participent-ils à ce programme? Avez-vous dans ce programme des gens qui ont invoqué l'article 25?
Oui, nous avons eu recours à un agent en particulier... mais tous les agents ne sont pas visés par le paragraphe 25.1(9). Je dois reconnaître que oui.
Merci.
Il y a une chose qui est apparue aujourd'hui, c'est que le programme municipal à Toronto a presque... et je ne sais pas si l'on devrait parler de directive ou de surveillance... mais le Procureur général de l'Ontario s'occupe de ce programme. Est-ce bien exact?
Par opposition au programme de la GRC, auquel le procureur général du Canada ne participe aucunement... Cela relève uniquement de la GRC et aucune surveillance n'est exercée de l'extérieur.
Oui, eh bien, c'est de l'information. Ce n'est pas vraiment de la surveillance, mais ce n'est pas du tout comparable à ce qui se passe en Ontario.
J'aimerais vous parler des mineurs, parce que je pense à notre situation où des témoins ont assisté à des fusillades ou à des batailles de gang à Toronto. Il pourrait fort bien arriver que le témoin soit mineur. Est-ce que les mineurs peuvent participer au programme de protection des témoins?
Je sais que nous y avons réfléchi il y a quelques années. Je ne me souviens plus très bien si l'individu en cause a effectivement été admis dans le programme. À part ce cas où cela a effectivement été envisagé, je ne suis pas sûr que nous en ayons eu d'autres.
Pourriez-vous également répondre à la question de savoir s'il y a des témoins qui participent au programme de protection de témoins dans les affaires de terrorisme récentes au Canada?
Très bien, merci.
Vous avez mentionné dans vos remarques d'ouverture que la deuxième étape du rapport de la GRC... Non, laissez cela. Je ne vais pas aborder cette question maintenant.
Merci, monsieur le président.
Et merci aux témoins.
Commissaire adjoint Schumacher, pourriez-vous me préciser quelque chose? Il y a 700 témoins qui relèvent de la GRC et vous en surveillez 300.
Il y a 700 témoins qui concernent des enquêtes de la GRC et 300 autres pour lesquels nous fournissons de l'aide à d'autres services de police.
Très bien, de sorte que le coût correspondant à ces 700 témoins est assumé par le gouvernement fédéral et que pour les 300 autres, les coûts sont assumés par les différents services de police. Est-ce bien exact?
Très bien.
Je pense que M. Cullen a mentionné plusieurs choses dont il avait parlé avec le chef Blair. Habituellement, les personnes qui appellent le programme Échec au crime ne sont pas des personnes qui, au départ, voulaient témoigner. Cela vous paraît-il juste? La raison pour laquelle ils appellent est qu'ils veulent préserver leur anonymat.
Il y a aussi le fait que, lorsque vous parlez des autres façons de faire devant les tribunaux, il y a les écrans pour les enfants, il existe d'autres façons de protéger l'identité des personnes qui témoignent, mais leur identité est tout de même connue de l'accusé et de la défense. Ils sont simplement protégés du public. Cela est-il assez juste?
D'une façon générale, lorsque M. Cullen parlait des façons de protéger l'identité des témoins au sein de l'appareil judiciaire; nous avons certains mécanismes, mais ils visent habituellement à protéger l'identité des témoins par rapport au public et non pas par rapport aux criminels qui sont accusés.
Parlez-vous, par exemple, de siéger à huis clos ou de prononcer une interdiction de publication pour empêcher que les photos de la personne en question soient publiées dans les journaux?
Oui, mais elles ne protègent pas l'identité du témoin pour ce qui est de l'accusé, et c'est la raison pour laquelle nous avons le système de protection des témoins.
Pour ce qui est de l'autre sujet qu'a abordé M. Ménard, les infractions qu'un témoin participant au programme pourrait commettre, je pense qu'il est juste de dire que le programme vise uniquement à assurer la protection des témoins. Il ne peut pas prédire les activités criminelles de qui que ce soit, y compris des personnes qui participent au programme; le programme ne contient aucun élément qui permette de le faire.
L'autre aspect est que, lorsque nous parlons de protection, il faut savoir que les noms des témoins sont habituellement divulgués à la défense dans les documents que la Couronne remet à la défense.
Lorsque nous parlons d'assurer la protection des témoins, c'est parce qu'ils sont connus. Ce n'est pas parce qu'il existe d'autres façons de les protéger s'ils sont en danger.
En raison de leur rôle, ce sont des témoins, et en tant que témoins, ils doivent comparaître devant le tribunal pour témoigner, vous avez donc raison.
Une autre chose, inspecteur d'état-major Izzett. Vous avez dit que les activités criminelles et le crime organisé étaient partout. Je dirais que nous sommes d'accord avec vous sur ce point.
Tout récemment, dans la ville de London, le chef de police s'est plaint du fait que vous éloigniez le crime de votre ville. Ce n'est pas vous personnellement ni votre service, mais la criminalité qui touchait auparavant Toronto déborde dans les autres collectivités, qui connaissent maintenant le même genre de choses que vous — les crimes reliés aux armes à feu et pas de témoins.
Si j'ai bien compris Mme Barnes, habituellement, les témoins qui demandent à être protégés sont des gens qui ne font pas nécessairement partie de l'organisation en question mais qui sont membres de la communauté. C'est la raison pour laquelle ils demandent une protection. Ce ne sont pas des citoyens qui circulaient en voiture et qui ont par hasard été témoins de quelque chose. Cela vous paraît-il juste?
C'est ce qui se passe dans les collectivités comme la ville de London. Ce sont les gens qui se trouvent dans un bar ou dans une discothèque, qui ont tendance à ne pas vouloir parler à la police, et cela est semblable à ce qui se passe dans la ville de Toronto. Est-ce juste?
Si le gouvernement fédéral pouvait faire quelque chose, à part fournir de l'argent, pour ce programme...
... qu'est-ce que cela pourrait être? Comment pourrait-on améliorer le programme du point de vue fédéral, autrement qu'en fournissant davantage de fonds?
Il est clair que ce serait la première étape, mais il faudrait trouver le moyen de le rendre plus accessible aux petites organisations. La réalité est qu'il y a beaucoup de services de police au Canada qui n'ont pas accès au programme national. Si nous en facilitions l'accès, ces services pourraient alors l'utiliser.
Je vais essayer de ne pas utiliser ce mot, mais il est évident que l'argent joue un rôle. On pourrait envisager une extension ou un deuxième niveau de la loi fédérale qui permettrait à davantage de personnes d'en bénéficier, et cela serait utile.
Merci, monsieur le président.
Inspecteur d'état-major Izzett, si vous parlez au chef Blair, posez-lui des questions au sujet de notre conversation. Il ne s'en souvient peut-être pas, mais s'il s'en souvient, il serait utile qu'il puisse vous la répéter en détail. Je me souviens avoir pris des notes à l'époque et je crois que je les ai transmises à la GRC ou au ministère lorsque je me trouvais de l'autre côté. Cela remonte à quelques années.
D'après ce que j'avais compris, il y avait le genre de choses dont vous avez parlé mais il y avait aussi... Par exemple, si quelqu'un est témoin d'un meurtre à Rexdale, et que cette personne ne veut pas parler aux policiers, elle accepterait peut-être de rencontrer quelques policiers et de leur dire qu'elle est disposée à signer une déclaration ou un affidavit. Si cela est utilisé en cour — et je ne suis pas avocat, de sorte que je ne suis pas sûr que l'on puisse préserver l'anonymat de cette personne ou si cette personne risque d'être obligée de comparaître et d'être interrogée par des avocats. Je pense qu'il faisait référence à des mécanismes de ce genre. Si vous lui parlez, demandez-lui s'il a d'autres éléments à nous communiquer, et si vous obtenez d'autres informations.
J'aimerais revenir...
Il voulait que je mentionne l'arrêt Stinchcombe aujourd'hui, au sujet du point que vous venez d'aborder concernant la personne qui veut fournir des renseignements. Eh bien, les règles en matière de divulgation exigent que, dès que la police obtient des renseignements de cette personne des renseignements pertinents pour la défense ou la poursuite, ils doivent être divulgués.
Si vous pouvez imaginer une situation où l'avocat de la défense reçoit un cahier d'information, en remet une copie à son client qui est incarcéré et où celui-ci n'a rien d'autre à faire que d'examiner le cahier d'information huit heures par jour. Dans ce cahier d'information, il y a les noms des témoins et les renseignements qu'ils sont prêts à fournir au sujet des allégations faites contre les personnes qui sont incarcérées. C'est cela qui crée un grave problème pour nous.
D'un côté, nous obtenons des résultats grâce à la protection des témoins et au processus qui assure la confidentialité des renseignements fournis par les informateurs, et de l'autre, lorsque ces gens constatent que l'on procède à la divulgation de ces éléments, ils disent à la police: « Pourquoi vous leur remettez mes déclarations? » Nous devons leur expliquer que nous sommes obligés de fournir leurs déclarations; cela fait partie du processus de divulgation de la preuve. Avec le processus actuel, la défense remet tous les éléments du dossier, et je dis bien tous, aux personnes qui sont incarcérées.
Très bien, eh bien, c'est peut-être quelque chose... Je ne sais pas quoi vous proposer, mais c'est peut-être un aspect que nous devrions examiner.
J'aimerais poser deux brèves questions, parce que je suis sûr qu'on va me couper la parole.
Inspecteur d'état-major Izzett, je sais qu'il y a des poursuites fédérales pour certains types de crimes — la contrebande, les drogues, la contrebande d'armes, la fraude en matière de valeurs mobilières, sans doute, la fausse monnaie. En pratique, y a-t-il des cas à Toronto, le Service de police de Toronto pourrait travailler avec la GRC en utilisant le programme de protection des témoins s'il était plus facile d'accès, compte tenu des types de poursuites pour lesquels vous pourriez collaborer?
Quant à ma deuxième question, vous avez parlé d'une structure horizontale dans la province et de la façon dont fonctionnait ce programme — les décisions sont prises localement, un aspect que je comprends très bien. Cela me paraît être une excellente chose. Il y a les gens qui administrent le programme provincial et qui prennent la décision finale pour ce qui est d'admettre ou non une personne dans le programme, mais il y a la décision qui se prend sur le terrain, qui permet de protéger également cette personne.
Certains prétendraient que, compte tenu du cas dont on a beaucoup parlé récemment, où quelqu'un a été admis dans le programme de la GRC et dont on a appris par la suite qu'il n'était absolument pas crédible pour ce qui est des informations qu'il affirmait posséder ou qu'il n'était pas fiable, quel genre de...? Je sais que l'on commet toujours des erreurs. Nous faisons tous des erreurs; c'est pourquoi il y a des gommes sur les crayons, mais il arrive que ces erreurs soient assez graves. Quel genre de précautions prenez-vous pour être sûr que la personne sera un témoin fiable, que les renseignements qu'elle fournira seront crédibles? Je pense que nous avons déjà parlé de l'autre aspect, la tendance à commettre des crimes par la suite. Est-ce un aspect qui...?
La première question porte sur la crédibilité de la personne. Elle affirme posséder beaucoup d'information. Comment peut-on être sûr que cette personne possède ou non cette information? Qui prend cette décision?
Premièrement, j'ai la chance d'avoir trois détectives qui ont une grande expérience et beaucoup d'intuition, lorsqu'il s'agit de faire admettre des témoins dans le programme. Il y a tout un processus de vérification des antécédents du candidat au programme. L'individu est interrogé. Il parle à l'agent enquêteur. Il parle au procureur de la Couronne chargé des poursuites. Ce n'est pas le procureur de la Couronne qui supervise le programme de protection des témoins; celui-ci ne participe pas du tout à cette étape. Toutes ces personnes parlent au candidat au programme et en arrivent à un consensus au sujet de sa crédibilité. Comme je l'ai dit, il n'y a pas de garantie. Elles parlent de la crédibilité, de la véracité de l'information que fournit l'individu en question et elles évaluent tout cela par rapport à la situation actuelle de cette personne et de ses antécédents en matière de rapports avec la police. C'est donc un processus d'évaluation très global.
Cela se fait très rapidement. Je peux vous dire que les évaluations que je reçois et qu'on me demande d'approuver sont très volumineuses; les policiers ont beaucoup de documents sur la personne en cause. Le dossier mentionne les dettes de cette personne, ses antécédents scolaires, ses antécédents professionnels, les enquêtes criminelles auxquelles elle a participé. C'est un processus très global et il a donné de bons résultats pour nous. Il donne de bons résultats.
Pour ce qui est de ma première question au sujet des poursuites fédérales, je dirais qu'elle n'est peut-être pas très pertinente.
Comme vous le savez tous peut-être, en 2005, nous avons une année très difficile pour ce qui est des fusillades à Toronto. Nous avons élaboré une stratégie de lutte contre la violence à Toronto. C'était une stratégie à deux volets, et principalement, nous voulions démanteler les groupes qui exerçaient leurs activités dans nos collectivités. Elle reposait sur deux hypothèses. La première était que toutes les fusillades étaient reliées à des affaires de drogue et la seconde était que ces fusillades étaient le fait de récidivistes.
Si l'on adopte le principe selon lequel « toute la violence reliée aux drogues est reliée aux drogues » et qu'on se pose la question de savoir quelles sont les infractions que nous aimerions réprimer et, par conséquent, pour lesquelles il faudrait protéger soit les témoins soit les informateurs, ce serait les infractions reliées aux drogues qui, en raison de leur importance limitée, n'intéressent pas spécialement la GRC, pour ce qui est de l'importation. Mais elles relèvent de nos compétences et elles empoisonnent notre collectivité. Ce sont ces drogues qui circulent dans la collectivité et qui créent ces rivalités et toute cette violence.
C'est très bien? Vous auriez pu poursuivre sur ce qu'il disait au sujet de ces fusillades et ce genre de choses. Vous auriez pu lui demander si le registre était efficace.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Il y a un programme de protection des témoins qui a vraiment besoin de fonds; je suis surpris que vous n'ayez pas abordé cette question, monsieur Brown.
Pour ce qui est des deux programmes, lorsque vous avez parlé des vérifications dont faisaient l'objet ces témoins et leurs dettes, lorsque des témoins qui sont admis dans ce programme ont des dettes, est-ce que vous remboursez leurs anciennes dettes ou est-ce que les créanciers perdent leur argent?
Dans le cas de l'Ontario, chaque cas est évalué individuellement pour décider si la province va rembourser les dettes de cette personne pour qu'elle puisse participer au programme. Il y a des cas où, par exemple, ces personnes doivent verser des aliments. Elles vont continuer à effectuer ces versements alimentaires sous leur nouvelle identité. Cela n'a rien à voir avec leur admission dans le programme. Si elles avaient des dettes et avaient les moyens de continuer à s'en acquitter, dans la plupart des cas, elles vont continuer à le faire.
Merci, monsieur le président.
J'ai une brève question.
Le surintendant Schumacher a parlé de la question de la répartition des compétences dans la ville de Winnipeg et dans les territoires immédiatement adjacents où c'est la GRC. Si le territoire immédiatement adjacent relève de la GRC, est-ce en vertu d'un contrat?
Si quelqu'un est admis dans le programme de protection des témoins à l'extérieur de la ville de Winnipeg, qui en assume le coût?
Vous me demandez de parler au nom de la GRC, mais je peux vous dire que, si la police fait une demande concernant le programme national, je crois savoir que c'est la GRC qui paie. La GRC peut faire une demande d'admission au programme provincial, et si elle est approuvée, c'est la province qui paie.
Est-ce que ce n'est pas un peu une anomalie dans la mesure où on pourrait retrouver à l'extérieur de la ville de Winnipeg un scénario identique mais que ce serait alors le gouvernement fédéral qui paierait?
Y a-t-il d'autres questions?
Je vois qu'il n'y en a pas. Je vais donc lever la séance dans un moment.
J'aimerais remercier les témoins d'être venus. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements utiles et nous vous en remercions. Si nous vous avons demandé d'autres renseignements au cours de cette séance, nous serions très heureux de les recevoir.
Je vous remercie donc.
Avant que le comité ajourne ses travaux, je vous rappelle que nous allons nous réunir jeudi à 7 h 30 derrière l'édifice de la Confédération. Nous prendrons là un autobus.