Bonjour, chers collègues. Nous en sommes à la 15e réunion du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, l'ordre du jour prévoit l'étude sur le Règlement conclu avec M. Mulroney relativement à l'affaire Airbus.
Chers collègues, comme vous le savez, nous avons trois témoins aujourd'hui et, comme il a été entendu à la dernière réunion à huis clos tenue à la fin janvier, nous serons souples sur l'horaire pour garantir la distribution équitable des questions entre tous les partis. Nous dépasserons peut-être un peu les 17 h 30, au besoin, pour rester équitables. Je fais donc appel à votre indulgence au cours des témoignages.
J'ai une mise à jour très courte à vous faire sur deux ou trois sujets d'importance — peut-être même sur un seul sujet.
Tout d'abord, le 16 janvier dernier, comme vous le savez, j'ai écrit à MM. Schreiber et Mulroney pour leur rappeler qu'on n'avait toujours pas reçu les renseignements qu'ils ont promis de nous donner lors de leur témoignage. Ensuite, le 16 précisément, j'ai écrit à M. Pratte au sujet de l'engagement de M. Mulroney. Le 28 janvier, nous n'avions toujours pas reçu les renseignements. Je lui ai alors rappelé dans une autre lettre tous les détails dont nous avons besoin sur les voyages internationaux de M. Mulroney en Chine, en Russie, en France et aux États-Unis, à savoir les personnes rencontrées, les dates et heures des rencontres, les personnes qui l'ont accompagné, etc.
Le 8 février, nous n'avions toujours pas reçu de réponse de M. Pratte. Le greffier lui a envoyé un message l'enjoignant à nouveau de nous fournir les renseignements et, hier, M. Pratte a répondu que M. Mulroney était en voyage et qu'il ne pouvait être joint, et que lui-même, M. Pratte, sera au tribunal pendant presque toute la semaine, mais qu'il ferait de son mieux pour accéder à notre demande.
Je voulais simplement que le comité sache l'importance vitale de ces renseignements à propos du lien entre le travail de M. Mulroney et les paiements qu'il a reçus, et nous prendrons toutes les mesures nécessaires afin d'obtenir ces renseignements pour les membres du comité.
Aujourd'hui, notre premier témoin est l'honorable Marc Lalonde, qui est conseiller privé et qui a été député de 1973 à 1984. Pendant cette période, il a été ministre des Finances, ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources, ministre de la Justice et procureur général du Canada, ministre d'État responsable des Relations fédérales-provinciales, ministre responsable de la Situation de la femme, ministre du Sport amateur et ministre de la Santé et du Bien-être social.
Bonjour, monsieur Lalonde.
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Dès que la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes a été adoptée, j'ai mis un soin extrêmement méticuleux à toujours m'enregistrer. En fait, je m'enregistrais même quand ce n'était pas nécessaire, justement à cause de mon passé politique.
Mon mandat avec Thyssen et Bear Head n'avait rien de secret. J'ai mentionné plus tôt quel en était l'objet. D'ailleurs, le fait a été rendu public en 1986. Il y a eu un article dans le Globe and Mail à ce sujet. De plus, en 1987, une demande d'accès à l'information a été déposée. On m'a demandé si j'autorisais la divulgation de mes communications, et j'ai donné mon autorisation sans la moindre hésitation.
La première fois que j'ai entendu dire que mon nom n'apparaissait pas au registre était en décembre 2007. J'ai reçu un appel d'un journaliste du Chronicle Herald de Halifax, et celui-ci m'a dit que mon nom ne semblait pas figurer au registre. À ce moment-là, j'étais à Vancouver pour présider un arbitrage international important et je n'avais pas accès à mes dossiers. Je lui ai dit que je n'étais pas en mesure de lui répondre immédiatement, mais que j'étais convaincu d'être enregistré. Ce n'est qu'une dizaine de jours plus tard que j'ai pu revenir à mon bureau. J'ai fait faire une recherche intensive, et on n'a pas trouvé trace de cet enregistrement, ce qui m'a absolument étonné.
J'ai alors fait sortir mes vieux dossiers et je me suis rendu compte que pour le 23 novembre 1993, il y avait en fait deux notes dans mon agenda, dont une sous le nom de Bear Head qui indiquait « inscription de lobbyiste, une demi-heure », et une autre qui disait « inscription de lobbyiste, un quart d'heure », sous le nom de Abbott Laboratories, la compagnie pharmaceutique. J'ai aussi retrouvé le relevé de temps de notre bureau — parce que nous notions toujours notre temps —, dans lequel j'ai trouvé, pour le 23 novembre, une note qui disait « inscription de lobbyiste, une demi-heure ».
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Merci, monsieur le président, de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui.
Je vais commencer ma présentation par une courte biographie personnelle, qui sera suivie d'un survol des liens d'affaires entre M. Karlheinz Schreiber, le très honorable Brian Mulroney et moi-même. Je concluerai en parlant plus précisément des fausses déclarations faites par M. Schreiber à mon sujet.
J'ai été le chef de cabinet de M. Mulroney de 1983 à 1984, alors qu'il était chef de l'opposition officielle. J'ai ensuite été conseiller principal du premier ministre Mulroney de septembre 1984 à mai 1987, pour enfin être président du Comité organisateur pour les sommets internationaux de mai 1987 à août 1988.
J'ai incorporé FDCI Inc. à l'automne 1988. J'étais à ce moment l'unique représentant, directeur et actionnaire de cette société, qui existe toujours sous le même nom aujourd'hui.
Contrairement aux allégations avancées par ce comité, devant ce comité et dans les journaux, je n'ai jamais, à quelque moment que ce soit, été représentant, directeur, actionnaire ou employé d'une compagnie connue sous le nom de GCI, Government Consultants International Inc.
Autant que je me souvienne, j'ai rencontré Karlheinz Schreiber pour la première fois à la fin de 1988. J'étais inscrit comme lobbyiste pour Bitucan Holdings Limited et pour Bear Head Industries Limited en octobre 1989. Après cette discussion, je fournirai des copies de ces documents d'inscription au greffier du comité. En tant que lobbyiste, mon entreprise aidait M. Schreiber à faire construire au Canada une usine de fabrication de véhicules militaires.
M. Schreiber allègue que j'ai organisé certaines rencontres entre M. Mulroney et moi-même en 1993 et 1994. Je ne me souviens pas d'avoir eu un rôle à jouer dans l'organisation des rencontres qui ont eu lieu le 23 juin 1993 et le 18 décembre 1993 entre MM. Mulroney et Schreiber.
Je me souviens toutefois m'être arrangé pour qu'ils se rencontrent à l'aéroport de Mirabel, à la fin d'août 1993, et à New York, le 8 décembre 1994, à la demande de M. Schreiber. Il avait demandé la tenue de la rencontre d'août 1993 pour discuter de la possibilité d'un contrat de services de consultation avec M. Mulroney au sujet de la promotion des véhicules militaires Thyssen à l'échelle internationale. Je n'étais pas présent à cette rencontre d'août 1993.
Quant à la rencontre à New York, je faisais partie des invités à une réception en l'honneur d'Elmer MacKay et de sa femme à l'occasion de leur récent mariage. Cette réception a eu lieu à l'Hôtel Pierre, à New York. MM. Mulroney et Schreiber y étaient également.
À la demande de M. Schreiber, j'ai organisé une rencontre avec M. Mulroney pendant cette réception. J'étais présent à cette rencontre entre les deux hommes, qui s'est déroulée dans la chambre d'hôtel de M. Schreiber et a duré de 60 à 90 minutes. Pendant cette rencontre, M. Schreiber a présenté des documents écrits à M. Mulroney. Ils ont discuté de divers sujets portant sur les travaux de consultant que M. Mulroney avait entrepris sur la scène internationale relativement à la promotion des véhicules militaires Thyssen.
M. Mulroney a parlé de réunions qu'il avait eues avec les présidents de la Russie et de la France ainsi qu'avec les autorités chinoises, et du fait que selon lui ces pays, en tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, soit la Chine, la Russie, le Royaume-Uni, la France et les États-Unis, pourraient jouer un rôle important dans les initiatives de maintien de la paix de l'ONU, dans le cadre desquelles l'utilisation de véhicules militaires Thyssen pourrait être très appropriée.
D'après mes souvenirs, M. Schreiber a semblé très satisfait du rapport et des commentaires de M. Mulroney. À la fin de la rencontre, M. Schreiber a remis une enveloppe à M. Mulroney en lui disant qu'elle contenait un paiement pour ses services et ses frais.
Au cours des cinq années suivantes, soit de 1995 à la fin de 1999, je ne me souviens pas vraiment d'avoir eu des contacts directs avec Karlheinz Schreiber, à l'exception d'un appel téléphonique de sa part, en novembre 1995, m'avertissant qu'il avait appris l'existence d'une lettre envoyée aux autorités suisses par le ministère de la Justice du Canada au sujet d'Airbus.
M. Schreiber allègue que j'ai arrangé pour lui une rencontre avec M. Mulroney en février 1998 à Zurich. Je ne me souviens pas d'avoir eu un rôle à jouer dans cette réunion.
À l'automne 1999, j'ai regardé un reportage de l'émission The Fifth Estate portant entre autres sur Karlheinz Schreiber. J'ai été troublé par cette émission en raison des inexactitudes et des sous-entendus qu'elle comportait.
À la suggestion d'un ami commun, j'ai invité M. Schreiber et son épouse à me rendre visite, ainsi qu'à ma famille, à ma maison d'Ottawa le 26 décembre 1999. J'ai alors discuté avec lui de certaines choses, dont nos préoccupations communes au sujet des inexactitudes rapportées dans l'émission The Fifth Estate. Il m'a aussi dit qu'il prévoyait entamer des poursuites contre The Fifth Estate. Nous avons convenu de nous rencontrer dans un proche avenir pour rediscuter de ces questions.
Nous nous sommes de nouveau rencontrés en janvier 2000 à Toronto, alors que j'avais des réunions dans cette ville. Nous avons poursuivi nos discussions entreprises le 26 décembre 1999 et avons parlé de son entente avec M. Mulroney.
J'ai rapporté à M. Mulroney mes discussions avec M. Schreiber, avec le consentement de ce dernier. J'ai proposé à M. Mulroney de rencontrer de nouveau M. Schreiber afin de lui présenter par écrit ce qui avait été le mandat tel que M. Schreiber me l'avait décrit.
J'ai de nouveau rencontré M. Schreiber à mon bureau d'Ottawa au début de février 2000. Je lui ai alors présenté une description écrite du mandat, conforme à sa propre description et approuvée par M. Mulroney.
Dans cette ébauche de mandat, j'avais laissé libre, au moyen d'espaces blancs, l'identification des compagnies mandantes ainsi que les honoraires prévus pour les services et les frais. De sa propre main, M. Schreiber a écrit « Bayerische Bitumen-Chemie », « Kaufering » et « Bitucan Calgary ».
J'ai encerclé les deux noms d'entreprises identifiées par M. Schreiber comme étant les mandantes. Les autres notes manuscrites sur le document sont de moi. J'y ai inscrit le reste des renseignements que M. Schreiber m'avait transmis.
Je lui ai demandé à combien s'élevaient les honoraires. Il m'a répondu que le montant destiné à couvrir les services et les frais avait été fixé à 250 000 $.
Je remettrai au comité des copies de ce document à la fin de cette séance.
Je n'ai aucun souvenir précis de tout autre contact avec M. Schreiber après février 2000.
M. Schreiber a fait de fausses déclarations à mon sujet et que j'aimerais corriger.
M. Schreiber allègue que j'ai discuté avec lui en 1992 ou 1993 au sujet du fait que M. Mulroney avait besoin d'argent et qu'il pourrait peut-être aider M. Mulroney sur le plan financier. C'est faux. Une telle conversation n'a jamais eu lieu.
Selon le Toronto Star du 14 décembre 2007, M. Schreiber aurait dit que, pendant la rencontre du 8 décembre 1994 à l'Hôtel Pierre, je jetais des coups d'oeil par la fenêtre en parlant dans mon cellulaire. Cela est faux. J'ai passé toute cette rencontre assis directement devant M. Schreiber et à côté de M. Mulroney. De plus, le 8 décembre 1994, soit il y a plus de 13 ans, je ne possédais ni n'utilisais de téléphone cellulaire.
Le 6 décembre 2007, M. Schreiber a allégué devant ce comité que je lui ai demandé de faire un don à M. Jean Charest dans le cadre de la campagne à la direction de son parti en 1993. C'est faux.
Dans une déclaration sous serment le 7 novembre 2007 et à l'occasion de son témoignage devant ce comité le 6 décembre 2007, M. Schreiber a allégué que je l'avais rencontré dans les bureaux de GCI à la fin de 1992 ou au début de 1993. Il a allégué que je lui avais demandé de parler à Frank Moores pour que ce dernier envoie un montant indéterminé d'argent de GCI au soi-disant avocat de M. Mulroney en Suisse. M. Schreiber a également cavalièrement allégué devant ce comité que j'aurais tenté d'obtenir de l'argent pour moi-même en utilisant le soi-disant « avocat de Mulroney » à Genève.
Comme cet hypothétique événement ne s'est jamais produit, ces déclarations de M. Schreiber sont fausses. Je ne connaissais pas d'avocat à Genève ni ailleurs en Suisse. M. Mulroney a déjà témoigné à l'effet qu'il n'avait pas d'avocat à Genève à cette époque. En outre, les dirigeants de GCI à l'époque étaient MM. Frank Moores et Gary Ouellet. Ces deux hommes, maintenant décédés, étaient des amis personnels de longue date. Je n'aurais jamais eu besoin de l'aide de qui que ce soit pour intercéder en ma faveur auprès d'eux.
Je le répète, aucune rencontre de ce genre n'a eu lieu et aucune demande de ce genre n'a été faite. Ces allégations de la part de M. Schreiber sont complètement fausses.
Monsieur le président, j'espère avoir fourni au comité des renseignements pertinents à son mandat visant à étudier cette question. J'aimerais maintenant, si je le peux, vous remettre des copies du mandat que j'avais préparées à votre intention.
Merci, monsieur Doucet, de venir témoigner ici.
Le 14 avril 2007, Karlheinz Schreiber a écrit à Brian Mulroney. Je vais vous lire en anglais ce qu'il lui a écrit :
[Traduction]
Le 20 mars 2007 votre avocat, Kenneth Prehogan, a envoyé une lettre à mon avocat, Richard Anka, c.r.
Il a écrit ceci :
M. Mulroney nie devoir quelque somme d'argent que ce soit à M. Schreiber.
J'ai une autre vision des choses et je vous recommande de demander à votre ami Fred Doucet de vous rafraîchir la mémoire au sujet de cet argent et de ce à quoi il était destiné.
[Français]
C'était le 14 avril 2007, dans une lettre qu'on n'avait pas prévu rendre publique, à l'époque. Le 8 mai suivant, dans une lettre de menaces — on peut appeler ça une lettre de menaces de M. Schreiber à M. Mulroney —, il se dit prêt à rendre public — « disclose » est le verbe qu'il utilise — le fait que M. Mulroney a reçu des paiements de GCI, Frank Moores, Fred Doucet, Gary Ouellet:
[Traduction]
« Fred Doucet m'a demandé de virer des fonds à votre avocat à Genève (Airbus). »
[Français]
Vous comprenez que ce n'était pas des lettres que l'on prévoyait rendre publiques. En fait, c'était des lettres privées.
Comment expliquez-vous que M. Schreiber ait écrit l'an dernier des lettres dans lesquelles il disait que vous saviez quels montants d'argent Brian Mulroney avait reçus et qu'il allait vous demander de rafraîchir la mémoire de M. Mulroney?
Par la suite, de votre côté, vous publiez un communiqué de presse, au mois de décembre, qui stipule que non, c'est faux, toutes ces insinuations ou toutes ces déclarations sont fausses.