:
Monsieur Szabo, mesdames et messiers les membres du comité, cela fait 15 ans à peu près que j'ai quitté la vie politique. Depuis lors, je n'ai eu aucun contact avec le Parlement, je n'ai reçu aucune nomination et je n'ai eu aucun rapport de quelque nature que ce soit. Certes, je me suis rafraîchi la mémoire afin de bien savoir quels sont les privilèges dont peut se prévaloir un témoin comparaissant devant un comité comme le vôtre. Comme vous le savez fort bien, le plus important de ces privilèges est que le témoin jouit de la même liberté de parole que les membres du comité et c'est un privilège que j'entends réclamer pour moi, bien évidemment. Je tiens également à dire quelques mots en guise de préliminaire.
Les choses étant ce qu'elles sont, et je dis cela avec le plus grand respect, j'en suis venu à la conclusion que, de plus en plus, on semble penser que votre comité fait fausse route. Les gens s'en désintéressent. Certains membres du comité même semblent du même avis. Les travaux du comité ne sont même plus rapportés, d'après ce que j'ai pu comprendre, par certains médias québécois.
Au tout début de vos travaux, il a beaucoup été fait état de millions de dollars qui auraient prétendument été versés en commissions occultes et, déjà au début des années 80, toutes sortes de rumeurs couraient au sujet de M. Mulroney et de M. Schreiber. Mais jusqu'à présent, la seule preuve tangible d'un quelconque différend qui opposerait encore MM. Mulroney et Schreiber se limitent à une somme d'argent — 300 000 $ ou 225 000 $, selon ce que vous croyez être vrai, qui aurait été payée de sa propre poche par M. Schreiber à M. Mulroney dans le cadre d'une entente commerciale qui, quoique peu orthodoxe ou inusitée, n'a jamais offert la preuve qu'elle était illégale — en d'autres termes, qu'une conjecture concernant des fonds publics, rien de solide, 300 000 $ ou moins, soit guère plus qu'une avance sur les frais de voyage imputés au budget du Sénat ou l'équivalent du budget de tournage d'une émission de Fifth estate.
Depuis les débuts des travaux du comité, mon nom n'arrête pas d'être cité d'une façon un peu incongrue. Il m'arrive moi-même de vouloir moi aussi l'utiliser.
Ainsi, dans une de ses récentes émissions à la télévision, Don Newman déclarait: « Elmer Mackay, un ami de Schreiber, un ami de Mulroney, avait coutume de déambuler un peu partout à Ottawa en montrant un morceau de taule d'acier criblé de balles ». Mais oui, Don, un peu comme je pourrais dire moi que vous aviez coutume de déambuler un peu partout à Ottawa avec un micro géant couronné de marguerites. Mais qu'est-ce que c'est donc que cette stupidité?
En réalité, M. Newman faisait peut-être allusion à cette occasion où, il y a bien des années de cela, M. Schreiber — en ma présence — était venu montrer au premier ministre Mulroney un morceau d'une plaque de blindage d'un véhicule militaire pour qu'il voie à quel point celui-ci était insuffisant pour protéger nos soldats. M. Schreiber avait raison.
En passant, je suis d'accord avec mon collègue, Marc Lalonde, lorsqu'il parlait de M. Schreiber, que je n'ai personnellement jamais vu faire quoi que ce soit de répréhensible. Je m'empresse d'ajouter que c'est la même chose pour M. Mulroney, qui a fait tant de bien à tant de gens dans toutes les régions du pays.
Puis il y a eu un autre incident, ce qu'on a appelé notre réception de mariage, dont il a été fait état également pendant les travaux du comité. Dans le courant de l'automne 1994, Karlheinz Schreiber et son épouse, Barbel, nous ont gentiment invités, Sharon et moi, à les rencontrer à New York. Alors que nous étions en train de déjeuner ensemble à l'Hôtel Pierre, M. Mulroney et Fred Doucet sont entrés dans le restaurant. Nous ignorions totalement qu'ils étaient à New York. Ils sont restés quelques instants, puis ils sont repartis, pour aller à l'aéroport, je crois. C'est la dernière fois que nous les avons vus. Voilà donc encore une grosse exagération, une fameuse réception de mariage en vérité.
Aux environs de 1999, je suis allé en Suisse pour voir Karlheinz Schreiber afin de lui parler de son entreprise de pâtes alimentaires. Entre parenthèses, nous avions tous les deux investi des sommes considérables dans une compagnie américaine, Pallino, dont le siège était à Seattle et qui utilisait les machines à fabriquer des pâtes alimentaires de M. Schreiber. Je pourrais également ajouter que, dans cette affaire, j'ai perdu environ 200 000 $, mais tant pis, on ne peut pas gagner à tous les coups. Et M. Schreiber avait lui aussi perdu de l'argent.
Cette compagnie, puisque cela pourrait intéresser le comité, n'était pas une petite boutique. On trouvait à son conseil d'administration des gens comme un ancien secrétaire d'État de Bill Clinton, un certain Brian Billick, ou encore Danny Ainge, l'ancien joueur des Blue Jays de Toronto. Je le mentionne parce que cela vous intéresse peut-être.
M. Schreiber avait décidé de revenir au Canada avec moi. Cela devait être, autant que je sache, un rapide aller-retour puisqu'il avait l'intention de repartir pour la Suisse. Voilà donc pour cette autre mythe selon lequel je me serais d'une façon ou d'une autre rendu complice en l'aidant à échapper aux griffes des autorités allemandes.
Enfin, il y a ce courriel que j'ai envoyé à M. Schreiber il y a une couple d'années, en 2006. Même si M. Schreiber et M. Mulroney avaient de bons avocats, ils continuaient à l'époque à me téléphoner très souvent — je veux dire MM. Schreiber et Mulroney pas leurs avocats — chacun pour me débiter une litanie de plaintes contre l'autre, lui reprochant qui sa conduite, qui son manque de compréhension. À un moment donné, j'ai fini par leur suggérer de faire une trêve ou de se présenter des excuses afin qu'ils puissent reprendre leurs relations jadis cordiales et vider leur contentieux.
M. Schreiber m'a demandé une ébauche, un texte qu'apparemment, il aurait utilisé ultérieurement pour écrire une lettre plus complète à M. Mulroney. Je n'avais aucun autre dessin et je n'ai en aucun cas préconisé une quelconque intervention dans la cause de M. Schreiber menacé d'extradition, une cause qui était alors, et qui l'est toujours, devant les tribunaux.
Je voudrais maintenant, monsieur le président, aborder une question que je juge assez grave pour moi, et qui vous met en cause.
Lorsqu'on m'a demandé de comparaître devant vous, et cela devait à l'origine avoir lieu le 12 février, je me suis préparé. Les comités m'avaient fait parvenir le message suivant que j'ai transcrit à partir de l'enregistrement qui avait été laissé sur ma boîte vocale: « Bonjour M. MacKay. Je m'appelle Erica Pereira et je vous téléphone de la part du comité de l'éthique. Nous nous sommes parlés vous et moi la semaine passée au sujet de votre comparution. Je pense que nous avions prévu vous entendre le 12 février de 15 h 30 à 17 h 30. Je vous appelle aujourd'hui parce que j'essaye d'orchestrer la comparution de toute une série d'autres témoins, et je me demande s'il vous serait possible de vous libérer plus tôt le 14 février que le 12, aux mêmes heures, c'est-à-dire de 15 h 30 à 17 h 30. J'aurais un créneau pour vous le 14 février ainsi que le 7. Ce sont deux jeudis, et ce serait de 15 h 30 à 17 h 30. S'il vous était possible d'une façon ou d'une autre de comparaître plutôt un autre jour, ce serait super sympa de votre part. Mon numéro de téléphone est le — et elle me donne le numéro — si vous me pouviez me rappeler aussi vite que possible, je vous en serais reconnaissante. Merci beaucoup. »
J'ai dit d'accord, mais avant de prendre encore une fois d'autres dispositions, j'ai téléphoné à votre greffier, M. Rumas, pour lui demander, puisque cela s'était déjà fait pour d'autres témoins, de pouvoir témoigner par vidéoconférence. Il a été très aimable, il m'a dit que c'était une demande tout à fait raisonnable, mais j'ai attendu en vain un signe du comité — ce n'est pas une très bonne façon de faire fonctionner un comité ou d'aider des témoins.
Peu importe, j'en arrive au fait. J'ai pris d'autres dispositions, et alors que je réglais quelques affaires en prévision de mon absence de chez moi, une absence qui, en raison de la distance et de la logistique, allait durer au moins deux jours, j'ai fait une mauvaise chute. Immédiatement, mon épouse a téléphoné au comité.
Alors que je me faisais soigner, j'ai eu un autre message sur ma boîte vocale, venant cette fois-ci d'un journaliste bien connu, Stephen Maher, et je vous lis maintenant ce qu'il me disait: « M. MacKay, je m'appelle Steve Maher et je vous téléphone de la part du Chronicle Herald. Je me suis entretenu aujourd'hui avec M. Szabo, le président du comité de l'éthique, et celui-ci m'a dit, comment pourrais-je dire la chose — il m'a dit que vous aviez fait une chute — je suis d'ailleurs désolé de l'apprendre, et que vous ne pourriez pas venir témoigner. » Il a également ajouté: « Il a fait une blague en parlant d'une répétition générale, comme s'il vous soupçonnait de vouloir un peu plus de temps pour préparer votre témoignage si vous voyez ce que je veux dire. Si vous souhaitez m'en parler ou me dire ce que vous pensez de cela, téléphonez-moi. »
Le lendemain matin, M. Szabo faisait la manchette du Chronicle Herald, le quotidien le plus vendu dans l'Atlantique. M. Maher y publiait l'article suivant, bien visible :
Elmer MacKay ne pourra pas témoigner: sa chute l'en empêche.
Je ne vais pas vous lire l'article dans son intégralité — il est relativement long — mais certains extraits seulement :
L'épouse de M. MacKay a téléphoné mardi soir au comité pour lui dire que son mari, un ami de longue date de Brian Mulroney et de Karlheinz Schreiber, avait fait une chute et avait dû se rendre à l' urgence, selon les propos tenus mercredi par le député libéral Paul Szabo.
« Il n'est pas suffisamment bien pour prendre l'avion demain pour Ottawa, même pour aller à Halifax pour une vidéoconférence »...
En relatant la chose aux journalistes, M. Szabo a levé les yeux au ciel comme pour faire comprendre qu'il avait ses doutes sur cette histoire. Répondant à une question à ce sujet, il dit à la blague: « J'ai simplement dit que c'était malheureux, je veux dire le temps qu'il faut pour bien apprendre son témoignage, vous comprenez? »
L'article poursuit ainsi :
M. MacKay était, dans le cabinet de Mulroney, le ministre qui pilotait le dossier des véhicules blindés... et ainsi de suite.
Encore plus loin encore dans l'article, M. Szabo poursuit ainsi :
Il n'a aucune raison de croire que les témoins se concertent pour peaufiner leurs témoignages, malgré ce qu'il a dit à la blague au sujet de M. MacKay.
« Je ne veux pas faire de conjecture », a-t-il ajouté. « Tout est possible, et vu la façon dont évolue la chose... il a dit ceci, l'autre a dit cela — les positions sont claires... »
et cetera.
Et enfin ceci :
Le député de West Nova Robert Thibault, membre libéral du comité, a déclaré qu'il ne serait pas étonné que des témoins amis de M. Mulroney discutent de leur témoignage, étant donné que l'équipe de relations publiques et les avocats de M. Mulroney ont orchestré une campagne pour influencer le processus.
Eh bien, monsieur Szabo, je puis vous garantir qu'il n'y a eu ni encadrement, ni répétition générale en l'occurrence. Mais, dès que cet article a été publié, mon téléphone n'a pas dérougi — toutes sortes de gens furieux qui exigeaient de savoir ce qui se passait. Que voulait donc dire M. Szabo?
Par conséquent, monsieur, je vous pose la question, qu'est-ce que vous vouliez laisser entendre? Et comment pouvez-vous, vous qui présidez le comité de l'éthique, vous rendre coupable d'une telle violation de l'éthique et de la procédure en vous moquant d'un témoin à venir et en minant ainsi sa crédibilité?
Pendant les 20 années que j'ai passées au Parlement, j'ai comparu devant bien des comités, mais jamais n'ai-je vu ce genre de chose. Il ne fait aucun doute à mes yeux, monsieur Szabo, qu'en ce qui me concerne, vous devriez vous récuser et vous interdire de prendre part aux travaux du comité pendant mon témoignage ici aujourd'hui. Et c'est une demande que je vous adresse avec le plus grand respect.
:
Je vous remercie monsieur.
Pour commencer, je voudrais vous remercier tous et toutes de m'avoir invité une nouvelle fois à répondre à certains des témoignages que vous avez entendus et à vous aider encore.
Permettez-moi de commencer par les allégations de M. Mulroney selon lesquelles je me serais contredit sous serment, ce qui est quelque chose de très important, vous en conviendrez avec moi.
M. Mulroney vous a menti lorsqu'il vous a dit que je m'étais contredit dans mes déclarations précédentes et dans mon témoignage sous serment. Il vous a menti parce que ce qu'il veut, c'est essayer de démontrer qu'un enquête publique n'est pas nécessaire. C'est son seul but.
M. Mulroney a essayé de jouer le plus vieux tour du monde. Il est avocat et il a tenté de vous induire en erreur en citant erronément mon témoignage. Il m'a cité hors contexte et ne vous a pas lu l'intégralité de mes réponses. Il a essayé de vous rouler et de rouler ainsi toute la population canadienne.
M. Mulroney est un comédien né et il a essayé à votre détriment de jouer un petit jeu de passe-passe. Il a échoué lamentablement. Les Canadiens ne se sont pas laissés leurrer à en croire les résultats d'un sondage publié dans le Globe après son témoignage, et je me sens très honoré du fait que les Canadiens m'est plébiscité à 84 p. 100 — 27 800 voix. Par conséquent, je suis maintenant leur obligé et je ne peux pas les décevoir.
Par exemple, revenons maintenant à M. Mulroney. Il vous a induit en erreur au sujet de ma déclaration sous serment du 7 novembre et de celle du 3 mars. À la page 15 du compte rendu officiel de sa déposition, M. Mulroney vous a dit ceci :
Lequel des deux est un parjure, monsieur le président et chers collègues? Est-ce la déclaration sous serment qu'il a déposée dans un autre affidavit le 3 mars? Ou est-ce l'affidavit qu'il a déclaré sous serment dans une salle de tribunal à Toronto le 7 novembre? Les deux ne peuvent pas être vraies.
M. Mulroney a essayé de vous rouler ainsi parce qu'il savait que vous n'aviez pas le texte de mon affidavit du 3 mars. Mais maintenant, vous l'avez parce que je vous l'ai remis. Vous pouvez vérifier vous-mêmes, et ainsi vous pourrez voir que dans cet affidavit du 3 mars, on ne voit nulle part que j'ai dit quoi que ce soit de mes relations avec M. Mulroney. Mon affidavit du 3 mars ne mentionne ni ne contredit quoi que ce soit que j'ai dit dans celui du 7 novembre. Mon affidavit du 3 mars n'a rien à voir avec M. Mulroney, il concerne uniquement ma poursuite en Alberta.
Un autre exemple se trouve à la page 15 de votre compte rendu officiel, là où M. Mulroney témoigne en ces termes :
Et qu'a-t-il dit dans l'affaire Eurocopter? Voici ce qu'il a dit dans l'affaire Eurocopter :
Question: « Cette idée que vous avez eue, ce plan d'embaucher M. Mulroney, de quelle époque est-ce qu'on parle? »
Réponse de M. Schreiber: « Après que M. Mulroney eût quitté le gouvernement. »
Question de Maître Bernstein [le procureur de la Couronne]: « Après qu'il eût quitté ses fonctions? Après qu'il eût quitté ses fonctions de premier ministre? »
Réponse de M. Schreiber: « Oui. Ja. »
M. Mulroney a encore une fois utilisé ce vieux tour de passe-passe en citant des réponses hors contexte et en ne vous lisant pas ma réponse dans son intégralité. Je le répète, il savait que vous n'aviez pas le compte rendu de MBB.
Mais je viens de vous faire remettre le compte rendu de ma déposition dans l'affaire MBB, et vous pouvez vérifier vous-mêmes, cela se trouve aux pages 59 à 61. Mon témoignage au sujet de l'embauche de M. Mulroney après qu'il eût quitté ses fonctions de premier ministre concernait nos discussions au sujet d'Archer Daniels Midland. En effet, M. Mulroney était membre du conseil d'administration de Midland. Cette discussion n'avait rien à voir, mais absolument pas, avec le projet Bear Head.
Ce que j'ai dit en témoignage au sujet de ma discussion avec M. Mulroney sur le projet Bear Head se rapporte à quelque chose d'antérieur à la fin de son mandat de premier ministre. J'ai toujours dit la même chose à ce sujet. C'est ce que j'avais déclaré en témoignage dans l'affaire MBB, c'est ce que j'ai déclaré ici devant vous, et c'est également ce que j'ai déclaré en témoignage dans mon affidavit du 7 novembre. Et s'il fallait que je répète aujourd'hui, je dirais encore une fois la même chose.
M. Mulroney a essayé de vous berner avec mon témoignage antérieur parce qu'il savait que vous ne disposiez pas des transcriptions. Vous avez maintenant les transcriptions, alors allez vérifier vous-même. M. Mulroney a même essayé de jouer le même tour au juge Cullity, à Toronto, dans la poursuite que j'avais engagée contre M. Mulroney pour les 300 000 $.
Voici ce qu'a dit le juge Cullity à propos de la manoeuvre de M. Mulroney. Je cite le juge Cullity au paragraphe 45.
[...] Je n'ai pas la conviction que les déclarations sont suffisamment claires et contraires aux allégations que contient l'affidavit de M. Schreiber pour rejeter catégoriquement la lettre qui a été déposée en preuve.
Il serait manifestement injuste à l'égard de M. Schreiber de s'en tenir à une interprétation littérale des réponses à des questions prises hors contexte à partir de la transcription de son témoignage dans une affaire qui est différente et où l'attention de chacun portait sur d'autres questions.
Vous pouvez voir ici que M. Mulroney n'a de cesse de berner les gens. Il s'imagine qu'il peut vous berner vous aussi, des juges chevronnés et le public canadien. Au lieu de répondre à vos questions, il n'a cessé de vous interrompre pendant son audience du 13 décembre. Il ne répondait pas à vos questions parce qu'il n'avait rien de plus que de vous induire en erreur en se servant d'un écran de fumée bien monté. C'est ainsi qu'il vous a fait gaspiller du temps et qu'il a évité de répondre à vos questions importantes. Il est évident qu'il était venu ici avec un seul but, à savoir, éviter une enquête publique. les moineaux ont vu la même chose des toits des immeubles de la cité parlementaire.
En octobre, M. Mulroney a déclaré qu'il voulait une enquête publique complète. Puis, le 13 décembre, il a dit: « Schreiber n'a plus aucune crédibilité, pas besoin d'enquête ».
M. Mulroney a cherché à éviter une enquête à tout prix. Même récemment, il a refusé de coopérer avec le comité. Pourquoi a-t-il tellement peur de répondre à vos questions directement et de dire toute la vérité? Nous allons vous dire pourquoi. C'est la même raison pour laquelle il était à Zurich le 2 février 1998, soit parce qu'il craignait qu'on retrace jusqu'à lui l'argent qu'il avait reçu. Comme je l'ai déclaré dans mon affidavit, j'ai répondu à M. Mulroney que Fred Doucet m'avait demandé de transférer les fonds de GCI dans le compte de l'avocat de M. Mulroney à Genève qui s'occupait d'Airbus. M. Mulroney craint la vérité.
M. Mulroney a négligé de vous dire que mon affidavit du 7 novembre avait été déposé au tribunal et qu'il avait le droit de me contre-interroger à ce propos; il avait le droit de contester ma version des faits. Il n'en a rien fait, il n'a même pas essayé. Si M. Mulroney avait vraiment cru qu'il pouvait contester mon affidavit, il aurait donné à ses avocats l'ordre de me contre-interroger à ce propos à Toronto. Ceux-ci n'ont même pas demandé de contre-interrogatoire.
Mon affidavit du 7 novembre n'a donc nullement été contesté ou contredit. Mon affidavit du 3 mars n'a pas été contesté ou contredit non plus. Je vous ai remis les nombreuses lettres que j'ai adressées à M. Mulroney ces dernières années. J'ai soulevé des arguments très sérieux dans mes lettres. Toutes mes lettres sont également restées sans réponse. M. Mulroney ne m'a jamais écrit pour contester, nier ou contredire quoi que ce soit j'ai dit dans mes lettres.
M. Mulroney s'est longuement attardé à mon témoignage dans l'affaire MBB. Le juge Bélanger a entendu l'affaire MBB, et voici ce qu'il a dit à propos de mon témoignage. « M. Schreiber semblait comprendre les obligations qu'il avait comme témoin et la nécessité de dire la vérité... » Il n'a pas fait droit à la requête du procureur qui voulait me faire déclarer témoin hostile.
Je vous l'ai dit, j'ai été magistrat pendant neuf ans. Je sais exactement ce que j'ai à faire, et je ne veux pas me parjurer, même par hasard, même s'il m'arrive parfois d'avoir des difficultés avec la langue étant donné que l'anglais n'est pas ma langue maternelle. Si vous ne pouvez pas comprendre ça, je ne peux rien pour vous. C'est aussi simple que cela.
Le 3 décembre, et vers la fin de son témoignage, M. Mulroney vous a remercié pour votre courtoisie, puis il vous a plus tard tous accusés de l'avoir insulté en public. Au cours de son témoignage, il a promis de produire les documents qui confirmaient ses dires. Cela fait déjà plus de deux mois. Vous l'avez relancé sans cesse. À ce jour, il n'a produit aucun document qui vous aiderait, et il n'a pas tenu la promesse qu'il vous avait faite.
Permettez-moi maintenant d'aborder le mensonge de M. Mulroney à propos de ses voyages à l'étranger où il devait vendre des véhicules blindés. C'est une simple question de bon sens. Il n'existait même pas de plans de construction. Sans les plans, pas de véhicules à vendre. Chose plus importante, c'est que les lois régissant les contrôles des exportations étaient en vigueur à l'époque. Vous ne pouvez tout simplement pas prendre l'avion et parcourir le monde pour vendre des véhicules blindés. Faire cela aurait été contraire aux lois régissant les contrôles d'exportation. Bien sûr, ce que M. Mulroney a raconté à propos de notre rencontre à New York où il aurait fait état de tous ses voyages à l'étranger pour vendre des véhicules blindés, tout cela était pure fabrication. Il n'a pas été question de cela. Et s'il m'avait raconté de telles balivernes à New York, j'aurais été contraint de le dénoncer aux autorités allemandes et canadiennes.
Je ne lui ai jamais demandé de faire quoi que ce soit pour moi à l'extérieur du Canada. S'il a bel et bien pris part à ces rencontres sans que je le sache, est-ce que cela veut dire qu'il a trahi l'OTAN en révélant des secrets militaires aux communistes? J'ai fait la guerre. J'ai oeuvré dans les tribunaux. J'ai séjourné dans des pays communistes. Je sais de quoi je parle.
M. Mulroney a déclaré que c'était moi qui avait insisté pour le payer en argent comptant. M. Mulroney a été admis au Barreau du Québec il y a plus de 30 ans de cela. Il a exercé le droit des affaires pendant des décennies. Il sait qu'il est important de bien documenter les transactions commerciales. Pourquoi n'a-t-il pas établi de protocole faisant état de cette transaction et pourquoi ne m'a-t-il pas envoyé de reçu ou de facture? Il veut maintenant vous faire croire que je l'ai contraint à accepter du liquide. Il a accepté d'être payé en liquide parce qu'il ne voulait pas que cet argent soit retracé.
Ces 300 000 $, ce sont des fonds qui ont été confiés à M. Mulroney en fiducie. Il les a volés parce qu'il n'a rien fait pour moi. M. Mulroney était membre du Barreau à l'époque. Il sait qu'on ne peut pas accepter d'argent et le garder pour soi si on ne rend aucun service en retour. Rien ne prouve qu'il m'a rendu le moindre service jusqu'à ce jour, et je n'ai même jamais reçu de facture.
Je vous ai dit que je veux voir votre comité réussir. J'ai produit d'autres documents pour vous. J'ai rencontré vos représentants pour vous aider. Je veux vous aider à obtenir réponse à toutes vos questions. Permettez-moi alors de vous aider encore un peu. Je crois que votre comité a déjà sa place dans l'histoire du Canada parce que,à ma connaissance, je n'ai jamais entendu dire qu'un comité comme le vôtre avait été contraint d'obtenir un mandat du Président de la Chambre afin de stopper le ministre de la Justice de son propre gouvernement.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
M. Schreiber, plusieurs témoins que nous avons entendus, dont vous connaissez fort bien certains, ont laissé entendre — et je vais exprimer cela de façon diplomatique — que parfois vous ne disiez pas toute la vérité. En réponse aux questions que j'ai posées à M. Pelossi, votre ex-employé, celui-ci a été très catégorique. D'ailleurs, M. Doucet a lui aussi dit que certaines des choses que vous aviez dites étaient « totalement fausses ». M. Lavoie a quant à lui affirmé avec insistance qu'à son avis, il vous arrivait souvent de ne pas dire toute la vérité. M. Mulroney lui aussi conteste votre version des choses. En outre, vous nous avez dit directement, lors de votre comparution précédente, que vous étiez prêt à signer n'importe quoi pour éviter d'être extradé. Votre écriture sur le texte de l'entente avec Brian Mulroney contredit votre témoignage, celui dans lequel vous avez dit que vous lui aviez payé 300 000 $.
Je remarque également que nous avons demandé à tous les témoins que nous avons entendus s'ils avaient une quelconque preuve de malversation de la part d'un titulaire de charge publique dans le dossier Bear Head, le dossier Airbus, au sein du service du courrier du BCP, ou encore dans le cadre d'un contrat de consultance entre vous et M. Mulroney, et pas un seul de ces témoins n'a pu produire quelque preuve que ce soit.
Je vais ajouter à tout cela l'élément qui est le plus pertinent de tous, en l'occurrence que, malgré vos allégations selon lesquelles Fred Doucet ait demandé un dessous de table pour l'ancien premier ministre, et que vous lui avez remis 300 000 $, alors qu'il n'a absolument rien fait comme travail, vous n'avez pas donné au comité l'ombre d'une preuve à l'appui de vos allégations.
Le président: Monsieur Del Mastro...
M. Dean Del Mastro: Un instant, j'en arrive à la question.
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Madame, je vais revenir en arrière et essayer encore une fois.
Vous savez, lorsque nous nous étions rencontrés la première fois, nous avions parlé de 300 000 $... mais je veux vous dire ceci. Je vous ai déjà dit de nombreuses fois, numéro un, que les commissions n'étaient pas pour moi; c'était uniquement de l'argent pour GCI. Pouvez-vous comprendre cela? Numéro deux, IAL est une compagnie qui ne m'appartient pas. Tout cela va ressortir lors de l'enquête.
Ensuite, j'ai dû m'occuper de l'argent parce que Pelossi ne pouvait plus faire le boulot étant donné qu'il l'avait volé. Malheureusement, il était en prison lorsque le premier virement a été fait par MBB, et j'avais donné mon compte personnel à IAL afin que cette compagnie puisse virer l'argent, étant donné que mes amis au Canada voulaient un peu d'argent mais que Pelossi était en prison.
Vous savez, ce Carla Del Ponte est un dur à cuire, vous le savez, on ne peut pas aller là-bas... et ils ne laisseraient pas sortir Pelossi. Ça c'est la première chose.
Numéro deux, en ce qui concerne Frank Moores, d'une part — et vous avez pu le voir — je suis venu une fois ici au tout début, et je vous l'ai dit, c'était un cadeau de Noël parce que personne l'avait vu. On a toujours nié que Frank Moores ait eu quoi que ce soit à voir avec Airbus. Mais vous avez vu la lettre de Frank Moores à Franz Josef Strauss, le président, et vous avez vu la lettre du président à Frank Moores. Vous avez vu la même chose avec Thyssen, et vous avez entre les mains les papiers de MBB dans lesquels on parle de « commissions à GCI ».
Laissez-moi vous dire quelque chose. J'adorerais pouvoir vous envoyer — même à titre confidentiel si vous le souhaitez — un joli petit document. Savez-vous combien j'ai touché en honoraires de consultant entre 1989 et 1994? C'était 23 millions en Allemagne, et j'ai payé des impôts là-dessus. Cela prouve bien que je suis bon dans ce que je fais.