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Permettez-moi de rendre une décision au sujet de la motion de M. Martin. Le comité sait que j'ai pris la parole en Chambre le 31 mars au sujet d'un rappel au Règlement touchant le mandat des comités. Le président a rendu une décision le 14 mars — la fameuse décision sur l'anarchie dans les comités. Mon rappel au Règlement concernait le fait que certains comités font du travail qui dépasse leur mandat tel qu'il est énoncé dans le Règlement.
J'attire l'attention des membres du comité sur l'alinéa 108(3)a ) du Règlement de la Chambre des communes énonçant le mandat du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. En vertu du sous-alinéa 108(3)a)(iii), le comité peut effectuer
la revue du Règlement ainsi que de la procédure et des pratiques de la Chambre et de ses comités et la présentation de rapports à ce sujet;
En vertu du sous-alinéa 108(3)a)(vi), le comité peut effectuer
la revue de toute question relative à l'élection des députés à la Chambre des communes et la présentation de rapports à ce sujet.
En outre, le Code régissant les conflits d'intérêts des députés est inclus dans le Règlement sous forme d'annexe.
J'ai déjà dit dans le passé que le président se doit de respecter le Règlement tel qu'il existe. Dans sa décision, le président de la Chambre a répété que le comité est maître de son ordre du jour et de ses travaux mais qu'il peut y avoir des conséquences, notamment que l'un de ses rapports soit jugé irrecevable par le Président de la Chambre s'il porte sur une question ne relevant pas de son mandat.
Par conséquent, pour être cohérent avec mes décisions antérieures, je décide que la motion de M. Martin est irrecevable.
Monsieur Martin.
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Merci, monsieur le président. Je suis heureux de pouvoir expliquer la raison pour laquelle j'ai proposé cette motion le 8 mai.
À mon avis, l'une des conséquences imprévues des codes régissant les conflits d'intérêts a été énoncée et communiquée au comité par la Commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. Une sorte de peur inacceptable du libelle s'est établie parmi les députés et, si nous ne l'éradiquons pas immédiatement, nous serons exposés à une tempête de poursuites judiciaires. Des députés seront réduits au silence par des poursuites judiciaires stratégiques qui entraveront la participation aux débats publics. L'une des techniques les plus anciennes des grandes entreprises pour réduire les dissidents au silence est de les menacer de poursuites judiciaires, ce qui les empêche de faire leur travail.
Je soulève cette question aujourd'hui de la manière la plus urgente possible et en sachant parfaitement que votre décision sur l'irrecevabilité de ma motion s'expliquait par le fait que la question relève légitimement du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Toutefois, ce comité est réduit à l'inaction par une campagne d'obstruction systématique menée depuis des mois et des mois par le Parti conservateur. Cette campagne empêche le comité de faire son travail et de protéger le privilège parlementaire des députés en apportant les modifications voulues au Règlement.
Je sais que la motion que j'ai proposée aujourd'hui est rédigée en jargon relativement légal mais son objectif est tout simplement d'exprimer de la manière la plus claire possible qu'un député n'est pas en conflit d'intérêts simplement s'il fait l'objet d'une poursuite en diffamation relativement à son travail au Parlement ou en comité.
Cela dit, il y aura toujours des exceptions, par exemple si un député fait l'objet d'une poursuite au sujet d'une transaction immobilière ou d'actions qu'il possède dans une entreprise, auquel cas il sera légitimement privé du droit de participer aux débats ou de poser des questions. Toutefois, s'il s'agit des activités normales d'un député, conformément à son rôle parlementaire, personne ne devrait pouvoir le réduire au silence au moyen d'une poursuite vexatoire et frivole manifestement destinée à le faire taire.
J'ai été choqué d'apprendre — comme vous le serez tous — qu'il n'est même pas nécessaire d'avoir reçu une assignation officielle pour être réduit au silence. Tout ce que l'autre partie a à faire, c'est de déposer une demande au tribunal. À partir de ce moment-là, il vous est interdit de faire quelque remarque que ce soit en Chambre ou en comité sur l'objet de la demande. C'est ce qui est arrivé à notre collègue M. Thibault. Personne ne lui avait encore signifié officiellement qu'une poursuite civile était intentée contre lui pour que Mme Dawson déclare qu'il ne pourrait plus prendre la parole.
Cela ne peut pas durer et je demande clairement dans la motion que le comité recommande au Parlement, dans les termes les plus fermes possibles, de modifier immédiatement le Code régissant les conflits d'intérêts des députés. J'espère que nous pourrons adresser un rapport à cet effet à la Chambre dès demain. J'espère, monsieur le président, que vous pourrez prendre la parole en Chambre pour expliquer pourquoi nous nous trouvons dans une situation impossible. Croyez-moi, si cela peut arriver à M. Thibault, cela peut arriver à n'importe lequel d'entre nous.
Par exemple, si je critiquais l'une des grandes compagnies pharmaceutiques en l'accusant d'exploiter les consommateurs parce qu'elle veut étendre la portée des lois sur les brevets pharmaceutiques et qu'elle intentait contre moi une poursuite frivole en affirmant que je dis des mensonges à son sujet, cela m'empêcherait de poser quelque question que ce soit sur cette industrie à la Chambre des communes jusqu'à ce que la poursuite soit réglée. Or, cela pourrait prendre jusqu'à 18 mois, soit la fin de cette législature. En outre, je risquerais d'être placé dans une situation terrible en étant obligé de perdre ma maison pour me défendre contre une poursuite frivole, étant donné que toutes les poursuites judiciaires ne sont pas nécessairement financées par le Comité de régie interne.
Nous devons absolument nous protéger contre une telle situation. Si ma motion est adoptée, je crois que le Comité de régie interne sera plus susceptible d'aider les députés à assumer les frais de leur défense dans un tel scénario. Je sais qu'un de mes collègues se trouve aujourd'hui dans cette situation et il a peut-être quelque chose à ajouter.
Chers collègues, nous pouvons agir rapidement. Nous avons des témoins qui attendent et cela ne devrait pas prendre plus que quelques minutes. Ou vous acceptez ou vous rejetez cette modification fondamentale du Règlement et du Code régissant les conflits d'intérêts des députés pour exprimer le plus clairement possible que nous ne sommes pas en conflit d'intérêts simplement parce que quelqu'un intente une poursuite judiciaire contre nous au sujet d'une question touchant la fonction normale de député.
Merci de votre attention.
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Vous êtes peut-être mécontent, monsieur Martin, de ce que fait actuellement le Comité de la procédure et les affaires de la Chambre mais nous ne pouvons tout simplement pas usurper son rôle, que ça nous plaise ou non.
Voyons quel est le fond de cette affaire. De quoi parlons-nous? D'une modification du Règlement qui donnerait aux députés plus de pouvoir pour critiquer des personnes qui les poursuivent peut-être légitimement en justice. Il n'y a rien d'hypothétique là-dedans. Nous parlons en effet d'une situation dans laquelle quelqu'un a fait une déclaration très choquante et répréhensible en dehors du contexte parlementaire. Nous ne parlons pas de ce qui se passe en comité. Nous ne parlons pas de ce qui se passe à la Chambre des communes. Nous parlons d'une déclaration qui a été faite en dehors de la Chambre, sans la protection du privilège parlementaire, et qui a choqué quelqu'un à un point tel qu'il est prêt à demander réparation aux tribunaux.
La première chose à dire est qu'il n'y a pas d'antécédents en la matière. Ce genre de poursuite est très rare. C'est exceptionnel.
Deuxièmement, les députés ont des recours à leur disposition. S'ils pensent que la poursuite est frivole, ils peuvent intenter une poursuite réciproque. Le juge pourrait décider que la poursuite d'origine était complètement irrecevable et forcer le plaignant frivole à payer les frais de l'accusé. Il y a toutes sortes de conséquences naturelles qui empêchent le dépôt de telles poursuites frivoles, et c'est précisément pourquoi il n'y a pas d'antécédents. C'est très rare.
En outre, voyons quelles conséquences cette décision aurait pu avoir sur notre comité si le commissaire à l'éthique avait rendu un jugement avant que nous puissions terminer nos travaux. Quelle aurait été la conséquence? M. Thibault aurait été empêché de poser des questions concernant un individu le poursuivant en justice.
Cela veut-il dire que M. Thibault ne pourrait plus faire son travail de député? Bien sûr que non. Il y a d'autres Libéraux qui auraient pu prendre sa place, comme cela s'est fait ailleurs durant nos audiences concernant M. Mulroney. D'autres Libéraux sont venus l'interroger avec vigueur. Il serait absurde de prétendre le contraire. M. Thibault n'est pas seul à s'exprimer au nom du Parti libéral. D'autres libéraux peuvent faire comme lui. Comme nous le voyons ici, d'ailleurs, d'autres députés peuvent remplacer les membres réguliers du comité. Cela n'a donc aucune incidence sur notre travail.
En ce qui concerne son travail parlementaire, il peut continuer à participer aux débats et à voter, s'il le souhaite — je n'insiste pas là-dessus —, à titre de représentant de sa circonscription. La seule chose qu'il ne peut pas faire, c'est soulever une question particulière au sujet d'un individu particulier au sein de ce comité, et seulement pendant la durée de cette poursuite. C'est loin d'être une menace et c'est loin d'être une entrave à son rôle de député.
M. Martin demande ce qui se passerait si une société pharmaceutique le poursuivait en justice. Cela l'empêcherait-il de s'exprimer sur ce secteur? Bien sûr que non car il y a dans le code d'éthique une règle d'application générale disposant que les lois d'application générale sont exemptées. S'il s'agit d'une loi d'application générale, elle ne s'applique pas seulement à M. Martin mais à tous les Canadiens ou à une vaste population et il peut continuer à poser ces questions. Je l'invite à relire attentivement le code d'éthique. Rien ne pourrait l'empêcher de poser des questions de nature générale au sujet des prix pratiqués par les compagnies pharmaceutiques ou d'autres sujets de cette nature. Il ne pourrait pas poser de questions sur la société pharmaceutique particulière impliquée dans la poursuite judiciaire.
Aucune limite n'existe quand il s'agit de questions de fond. Ce qu'il propose, c'est d'offrir un haut-parleur aux députés pour leur permettre d'attaquer ceux qui voudraient les poursuivre en justice, ce que je trouve injustifié. Je ne pense pas que les Canadiens souhaitent que leurs députés puissent leur lancer des pierres en se protégeant derrière le mur parlementaire, sans être exposés aux conséquences comme n'importe quel autre citoyen ordinaire, et c'est exactement ce qu'il propose.
Je trouve paradoxal que l'opposition tente de reformuler ce code. Nous convenons tous que le rôle du code est d'empêcher les députés d'exploiter leurs fonctions publiques pour perpétuer leurs intérêts privés ou en tirer profit. Je pense que la décision d'éthique est correcte et que, si quelqu'un fait l'objet de poursuites, c'est équivalent à une responsabilité civile. Si un individu peut influer sur le règlement d'une cause, c'est manifestement un avantage que ne possède pas le citoyen ordinaire.
Donc, sur le plan de la procédure, c'est irrecevable. Il est absurde que nous examinions cette question. Sur le fond, ce n'est pas légitime et je demande donc au comité de mettre cette question de côté et de reprendre son travail normal.
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Merci, monsieur le président.
J'ai eu l'occasion de parler à la commissaire à l'éthique, monsieur le président, et, après cette conversation, je dois dire que je suis franchement choqué par le danger que représente cette décision. Voilà pourquoi j'estime que c'est un précédent qu'il convient d'éradiquer immédiatement. Permettez-moi de donner quelques exemples que j'ai exposés à la commissaire à l'éthique.
M. Hiebert vient de dire que nous pouvons faire des déclarations générales sur une industrie mais pas des déclarations particulières sur une entreprise. Il est facile d'imaginer, si je prends le cas de Taser International — et je ne dis pas ça parce que je suis pour ou contre Taser mais simplement parce que c'est un sujet en vue en ce moment —, que cette société pourrait tout simplement, si un député exprimait des réserves au sujet de sa technologie ou de ses méthodes, intenter une poursuite qui ne lui coûterait peut-être que 1 000 $ mais empêcherait le député de dire quoi que ce soit d'autre.
Nous savons tous qu'il est impératif, dans notre fonction parlementaire, que nous nous exprimions non seulement en comité et en Chambre mais aussi en dehors de la Chambre, devant les journalistes ou les électeurs. Il n'y a pas de rupture à ce sujet. Si vous dites quelque chose en Chambre, on vous posera des questions à ce sujet à l'extérieur. Que pourrons-nous répondre? Que notre rôle de député est maintenant limité à intervenir uniquement en Chambre si nous ne voulons pas risquer que quelqu'un intente contre nous une poursuite judiciaire qui ne lui coûtera que 1 000 $ mais nous réduira au silence? Je pense qu'il est très important que chacun réfléchisse bien aux répercussions que cela pourrait avoir.
Les membres du gouvernement ont été longtemps dans l'opposition. À ce moment-là, ils posaient des questions difficiles, des questions que je trouvais parfois inappropriées ou excessives et qui ne me plaisaient pas, concernant un ministre ou un membre du gouvernement. L'idée qu'un député, après avoir réussi à se faire élire et avoir étudié attentivement un dossier pendant un an ou plus, en y consacrant tout son temps et ses efforts, puisse simplement être réduit au silence parce que quelqu'un a dépensé 1 000 $ pour le poursuivre en justice ou lui a simplement envoyé une lettre, parce qu'il n'est même pas nécessaire d'aller jusqu'au tribunal... Après avoir déposé votre défense, vous pouvez laisser traîner la chose aussi longtemps que vous voulez, pendant au moins deux ans. Donc, sans que ça vous coûte grand-chose, vous pouvez museler un député pendant deux ans et, pourquoi pas, faire la même chose à d'autres.
Je ne pense pas qu'il faille examiner cette question seulement dans le contexte de M. Thibault, de moi-même ou de qui que ce soit d'autre. Demandez-vous plutôt quel précédent on vient d'établir et quelles en seront les répercussions. Oui, j'affirme absolument que nous devons nous élever vigoureusement contre cette décision en proclamant que c'est un outrage, que cela nous empêchera de faire notre travail de parlementaires et constitue une atteinte fondamentale à la démocratie. En effet, si vous dites que les parlementaires ne peuvent plus poser de questions légitimes sur les sujets de l'heure, simplement parce que quelqu'un a intenté une poursuite frivole ou vexatoire, ou peut-être même une poursuite qui s'avère... Les tribunaux jugeront mais nous museler...
Je pense que nous devons sauter sur la première occasion possible pour demander au Parlement d'intervenir afin que cela ne se produise pas car cela me terrifie, je dois vous le dire, et devrait nous terrifier tous.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
L'interprétation de la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique m'a complètement abasourdie. Je n'en revenais pas de constater à quel point une situation qu'on n'avait jamais vue par suite de... La plainte de M. Tilson faisait en sorte que les riches et les puissants pouvaient dorénavant faire taire n'importe quel député spécialiste dans un dossier pour ne pas que cette connaissance soit établie publiquement.
Une telle situation me fait très peur. Elle me fait d'autant plus peur que ce gouvernement conservateur a établi un précédent en poursuivant le chef de l'opposition pour ce qu'il a dit sur l'affaire Cadman. Je me dis que ce sont les nouvelles règles du jeu. Les règles du jeu seront celles des riches et des puissants en mesure d'engager une escouade d'avocats pour poursuivre tour à tour tous ceux qui pourraient dire ou penser quelque chose qui irait à l'encontre de leurs intérêts. Les riches, parce qu'ils ont l'argent pour engager des avocats, deviendraient ainsi puissants, s'ils ne le sont pas déjà.
Pendant que nous entendions ces témoignages, j'ai été vraiment très étonnée de voir le lot d'avocats de M. Mulroney scruter à la loupe tout ce que nous disions et faisions. Rappelons-nous le nombre de lettres d'avocat que nous avons reçues alors. C'était époustouflant. Il y en avait tellement qu'à un moment donné, j'ai dit à un recherchiste du cabinet du chef que, dorénavant, je lui enverrais toutes les lettres d'avocat et que je ne voulais plus en lire. Cela servait simplement à nous distraire et à nous intimider. J'ai senti que c'était pour nous intimider. Quand j'ai su qu'il y avait une poursuite contre M. Thibault, je me suis dit que nous allions tous y passer. J'ai bien cru que ça faisait partie de leurs tactiques.
Vous comprendrez que je ne puisse pas convenir de l'interprétation de la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. Je ne peux pas être favorable à ce que la situation reste ainsi. Je me dis qu'il faut absolument tuer dans l'œuf cette première interprétation et porter le débat à la Chambre.
C'est pour ça que j'amenderais un peu la motion de M. Martin. Cela renforcerait le fait que j'aimerais que l'on fasse effectivement rapport à la Chambre.
Je propose donc: Que la motion soit modifiée par adjonction, avant le mot « Que », de ce qui suit :
Conformément à l'article 108(2) du Règlement.
Voilà, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Je ne suis pas membre régulier du comité, monsieur le président, même si j'en ai fait partie dans le passé. En fait, j'ai présidé le Comité de l'éthique dans les années 90. Le comité était alors saisi de toute une série de questions, notamment de toute la question du conseiller en éthique, puisqu'il s'agissait alors d'un conseiller et non pas d'un commissaire, et de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.
La dernière décision de la commissaire à l'éthique me trouble profondément. Quand des députés de tous les partis ont formulé ensemble une série de normes d'éthique, dans les années 90, j'étais loin de m'imaginer que nous nous retrouverions un jour dans la situation d'aujourd'hui avec la décision de la commissaire.
Monsieur Hiebert, je tiens à vous dire que cette décision a un effet glacial très fort. En tant qu'avocat ayant exercé dans le domaine du droit des entreprises et du droit commercial — et beaucoup d'autres personnes autour de cette table pourront vous le confirmer —, les avocats qui introduisent ce que j'estime être des tactiques juridiques quasi Républicaines dans le système parlementaire britannique sont en train de transformer radicalement la manière dont nous devrions nous comporter en tant que parlementaires canadiens. Nous entrons là dans une sorte de paranoïa du contentieux qui fausse profondément, à mon avis, la raison pour laquelle on nous envoie au Parlement.
Nous sommes ici pour exprimer notre opinion. Nous sommes des leaders dans nos collectivités. Nous ne sommes pas comme les autres Canadiens. Très respectueusement, monsieur Hiebert, je ne partage pas votre avis. Nous avons été élus par les citoyens de tout le Canada et je crois qu'il est extrêmement dangereux de commencer à jouer sur les mots.
Je dois dire que le parlementaire que je suis a honte de constater que les autres comités ne mènent pas à bien leurs travaux. Je suis un membre à part entière du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, et je peux vous assurer que ce dernier comité mène à bien ses travaux. Nous sommes saisis de questions très importantes auxquelles nous ne manquons jamais de nous attaquer.
En tant que parlementaire, j'ai honte d'apprendre que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, que j'ai aussi présidé dans les années 90, quand nous étions saisis de questions tout aussi difficiles et pas très dissemblables, est perturbé par des tactiques qui ne sont aucunement destinées à faire avancer les droits du public.
L'effet glacial et le genre de paralysie résultant de ce genre de décision de la commissaire à l'éthique me troublent profondément. Mes quatre enfants en parlaient à la maison cette fin de semaine. Nous avons eu une conversation sur la situation incroyable dans laquelle nous nous retrouvons. En effet, nous sommes maintenant des parlementaires qui ne peuvent pas s'exprimer franchement sur des questions importantes, qu'il s'agisse des tasers, des médicaments ou de beaucoup d'autres choses, à cause des conséquences qui pourraient en résulter.
Je ne veux pas dire que nous avons plus de droits que les autres Canadiens mais nous avons évidemment le droit de parole. Nous parlons plus fréquemment et plus publiquement sur toutes sortes de questions. Certes, nous respectons les principes touchant la diffamation. Nous sommes guidés par les principes de la règle de droit et de la common law mais, et j'insiste sur ce mais, la commissaire à l'éthique est allée beaucoup trop loin en s'immisçant dans nos droits de députés.
Monsieur le président, je ne pense pas qu'on puisse prétendre que nos opinions ne sont pas pertinentes. Dans la mesure où elles portent sur les normes d'éthique et sur cette ingérence de la commissaire à l'éthique, je pense qu'un débat public est nécessaire d'urgence, avec un rapport et un changement, quel qu'il soit, par la Chambre des communes.
Je conviens avec vous, monsieur Hiebert, qu'il est regrettable que le Comité de la procédure et des affaires de la chambre ne soit pas saisi de cette question. Ce serait peut-être plus approprié. Toutefois, je félicite M. Martin d'avoir soulevé cette question d'urgence devant notre comité et je partage son opinion. J'appuie sa proposition d'adresser un rapport à ce sujet à la Chambre et j'espère que tous les députés appuieront cette proposition car tous devraient être scandalisés par ce qui se passe.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Il y a ici des gens qui ont été avocats comme M. Zed, je crois, M. Nadeau — je ne suis pas sûr —, M. Hiebert, moi-même... Pas lui? D'accord, c'est un enseignant. Je ne sais pas si c'est un compliment ou non. Probablement pas.
Des voix: Oh!
M. David Tilson: Vous savez, je vais devoir dire ce que j'ai sur le coeur parce qu'il est clair que certains d'entre vous avez déjà arrêté votre opinion. Il va falloir débattre de cette question.
Je suis déçu que vous ayez déposé cette motion en ce moment car j'étais venu ici pour parler de la protection des renseignements personnels. Nous avons invité des témoins mais vous avez décidé de déposer cette motion. De ce fait, monsieur, vous empêchez les témoins de s'exprimer. Vous devriez avoir honte.
Une voix: On aurait pu régler ça en cinq minutes.
M. David Tilson: Bien sûr, sans débat. Sans débat.
Monsieur le président, la raison pour laquelle je soulève cette question...
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Quiconque a plaidé devant un tribunal sait qu'il y a parfois des questions de conflits d'intérêts dans toutes sortes de domaines. Un avocat peut avoir défendu quelqu'un qui est relié à une entreprise à laquelle la personne d'en face est également reliée et c'est considéré comme un conflit. L'avocat doit se récuser. S'il ne se récuse pas, le juge l'expulse en lui disant qu'il n'est pas autorisé à représenter ce client. C'est aussi simple que ça.
J'ai vu des cas de conflits d'intérêts potentiels dans lesquels le juge lui-même avait dû se récuser. J'ai vu la même chose dans le cas d'organismes d'arbitrage ou de conseils quasi judiciaires.
Certes, on peut dire qu'il ne s'agit pas ici d'une question quasi judiciaire, que ce n'est pas une question judiciaire. On peut dire ça mais, au sein de ce comité, nous prenons des décisions sur certaines choses. L'opposition a pris une initiative pour que certaines décisions soient prises au sujet de l'ex-premier ministre. Nous prenons des décisions. Justice doit être faite. Et, pour reprendre une vieille expression, on doit voir que justice a été faite. Je suis sûr que M. Zed a souvent entendu cette expression. C'est ce qu'on appelle l'apparence de justice.
Les députés ne sont pas au-dessus des lois. Ils ne peuvent pas venir ici dire n'importe quoi puis aller dire n'importe quoi en dehors de la Chambre des communes en s'imaginant qu'il n'y aura pas de conséquences. Ils ne sont pas au-dessus des lois. Nous ne sommes pas au-dessus des lois. Nous avons été élus par les Canadiens pour les représenter. Nous ne sommes pas au-dessus des lois et nous ne pouvons pas agir comme si nous l'étions.
M. Martin m'a déçu. J'ai beaucoup de respect à son égard, même si nous n'avons pas les mêmes idées politiques. J'ai fait partie de nombreux comités avec lui et je respecte la manière dont il se comporte et les questions qu'il soulève. Il a toujours défendu avec vigueur le principe de la responsabilité, notamment la responsabilité des députés. Il l'a fait en Chambre, devant ce comité et ailleurs.
Que va-t-il arriver maintenant? Il y a peut-être un député qui détient un intérêt financier dans quelque chose qui devrait normalement l'empêcher de voter. Si vous détenez un intérêt financier dans quelque chose, vous êtes censé le déclarer au greffier et ne pas participer. C'est ce que dit le code. C'est ça qui va arriver ensuite? Allons-nous dire que cela empêchera un député de s'exprimer en Chambre?
Permettez-moi de lire une partie de la décision de Mary Dawson, la Commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, dans ce qu'on appelle l'affaire Thibaut. Cette partie ne concerne pas M. Thibault mais plutôt son observation au sujet des expressions « passif » et « passif éventuel ».
Consciente du fait que les traditions et les privilèges en vigueur à la Chambre des communes s'apparentent à ceux d'autre corps législatif au Canada et que la terminologie utilisée dans bien des codes d'éthique et des lois institués par ces entités est semblable à celle utilisée dans le Code, j'ai consulté mes homologues du Sénat ainsi que des provinces et territoires pour savoir comment ils interprètent le terme « passif ». La plupart m'ont répondu et confirmé que leur interprétation du terme « passif » englobe le « passif éventuel ». Bon nombre d'entre eux ont ajouté qu'à leur sens, les poursuites en instance relèvent du champ d'application du terme « passif ».
Je suis d'avis que les poursuites en dommages-intérêts intentées contre une personne constituent un passif, qui demeure « éventuel » jusqu'à ce qu'un jugement ordonnant à cette personne de verser des dommages-intérêts soit rendu. Dans l'éventualité où le tribunal rende son jugement contre la personne, le passif éventuel devient un passif réel. Les deux sont des éléments du passif aux fins du Code.
Avec tout le respect que je dois à M. Martin — et je le respecte beaucoup —, j'affirme que ce qu'il fait, avec l'amendement qu'il propose, revient à abaisser la barre. Il abaisse la barre du code des députés par rapport au Sénat, aux provinces et aux autres territoires.
Ce code doit être envisagé dans son ensemble et non pas article par article. Moi-même, par exemple, j'ai réagi négativement au rapport de la commissaire Dawson. La raison pour laquelle j'avais soulevé cette question au tout début des audiences Mulroney-Schreiber, monsieur le président — et vous avez rendu une décision à ce sujet —, était de permettre à la commissaire de rendre une décision.
Vous n'avez pas le pouvoir de dire à un membre de ce comité de partir. Je ne le pense pas. Vous pouvez bien faire un commentaire en passant mais je ne pense pas que vous ayez le pouvoir d'ordonner à un membre de ce comité de partir.
Mon intention, quand j'ai adressé cette plainte à la commissaire à l'éthique, était de lui permettre de rendre une décision avant que le comité produise son rapport. Ça ne s'est pas fait. C'est arrivé un ou deux mois après, et nous avons siégé pendant plus de deux mois. L'objectif que je visais n'a pas pu être atteint.
M. Thibault a simplement continué comme s'il n'y avait pas de problème. De mon côté, j'avais des problèmes avec ça, considérant que c'était mon objectif, et je voulais le pousser à se récuser. J'ai aussi trouvé très étrange, dans la décision... Il se peut qu'il faille réviser le code. Il se peut que nous devions réviser le code en nous penchant sur un certain nombre de questions différentes mais pas sur une à la fois. Il se peut que nous devions revoir cette disposition, mais peut-être plusieurs autres aussi.
Elle l'a jugé coupable pour trois motifs mais n'a pas imposé de sanctions. N'est-ce pas bizarre? Pas de sanctions. Je comprends que ceci n'a rien à voir avec la motion dont nous sommes saisis, si ce n'est pour dire que la motion de M. Martin pourra être un thème de discussion si le comité décide de réviser le code dans son ensemble.
Parlons aux gens du Sénat. Parlons aux gens des autres provinces. Pourquoi voudrions-nous abaisser la barre de la Chambre des communes par rapport aux provinces, au Sénat, aux territoires? Pourquoi voudrions-nous faire ça? Seul M. Martin peut répondre à cette question.
Très respectueusement, monsieur le président, je pense qu'on tente ici de placer le député au-dessus des lois. Or, nous ne sommes pas invincibles. Pas du tout.
Une voix: [Inaudible]
M. David Tilson: Vous savez, monsieur le président, ils vont être tout excités mais on ne peut rien y faire, je suppose, c'est leur nature.
J'affirme simplement que cette motion doit être rejetée, monsieur le président, et j'encouragerais peut-être M. Nadeau à voter contre.
Puis-je d'abord poser quelques questions au greffier, pour éclaircir certaines choses?
On parle dans la motion de faire « rapport à la Chambre pour demander que le Règlement... soit modifié ». À mon avis, ce n'est ni une demande ni une recommandation, c'est une instruction directe. Avons-nous le pouvoir, en tant que comité, de donner une telle instruction à la Chambre?
On dirait dans le rapport que le Règlement permanent doit être modifié. On ne parle pas de « recommander qu'il soit modifié » mais simplement de « le modifier ». Ma question est de savoir si nous avons ce pouvoir, oui ou non?
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C'est une très bonne question. Nous l'avons posée. En fait, les préavis de motion comprennent généralement un préambule explicatif, après quoi vient le texte même de la motion.
Si vous examinez la motion de M. Martin, l'amendement proposé toucherait le paragraphe 3(3). Ça commence à « à l'alinéa 3(3)b) » et ça continue jusqu'au bout. Voilà le texte de la motion mais, dans le préambule, il est dit que notre comité adresse un rapport à la Chambre pour que le code régissant les conflits d'intérêts soit modifié. La recommandation elle-même commence précisément à « à ».
Pour ce qui est de savoir si nous pouvons modifier le Règlement au moyen d'un vote du comité et d'un rapport à la Chambre, la réponse est non. Il pourrait y avoir une motion d'adoption à la Chambre, suivie d'un vote mais, comme vous le savez, il y a des procédures à respecter. Dans l'ordre normal des choses, les amendements au Règlement doivent passer devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre pour faire l'objet d'un examen attentif, ou devant un comité spécial créé par la Chambre.
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Il disparaît purement et simplement. Merci beaucoup.
Revenons à nos moutons. Tout d'abord, je m'élève contre les termes employés par M. Zed. Je suis sûr qu'il ne l'a pas fait délibérément mais la commissaire à l'éthique ne s'est pas immiscée dans cette affaire. Elle a été invitée à examiner le Règlement tel qu'il existe actuellement, du fait d'une demande formulée par un autre député qui se trouve parmi nous aujourd'hui. Elle a agi professionnellement en produisant un rapport sur la base du Règlement. Je n'appelle pas ça s'immiscer dans quelque chose et j'affirme que ce mot ne reflète pas correctement ce qu'a fait la commissaire. Je suis sûr qu'il ne l'a pas employé délibérément mais c'est l'impression que cela pouvait donner.
Cela dit, je ne voterai pas en faveur de la motion. Après avoir écouté cette conversation, je pense qu'il y a des limites. Le simple fait que vous soyez député ne veut pas dire que vous pouvez diffamer quelqu'un. Ça ne vous donne pas ce droit. À mon avis, cela ouvrirait cette porte. Prenons un exemple excessif — ce sera à l'évidence excessif — en supposant que quelqu'un d'en face me diffame en disant que je suis un tricheur et un menteur. Considérant la loi actuelle, si je peux prouver qu'il n'est pas vrai que j'ai volé de l'argent d'une banque, par exemple, j'ai le droit, comme Canadien, d'intenter une poursuite devant les tribunaux. Si c'est un parlementaire qui a dit cela à mon sujet, le changement qui est proposé lui permettra de continuer de dire cela aussi longtemps qu'il le voudra, à mon avis. Je n'en suis pas totalement sûr mais je ne vois pas de limites dans la motion.
Il doit y avoir des limites imposées à ce que tous les Canadiens, parlementaires compris, peuvent dire au sujet des gens ou des organisations. Le simple fait que vous soyez un élu n'élimine pas tout intérêt pécuniaire que vous pourriez avoir à l'affaire. C'est ce que ferait cette motion. La décision de la commissaire à l'éthique ne portait pas sur le fait qu'il a ou n'a pas le droit de dire ce qu'il veut au sujet d'une personne mais sur le fait qu'il détient un intérêt pécuniaire parce qu'il pourrait être obligé de payer et que l'argent sortirait de sa poche à cause de la poursuite. C'est la poursuite elle-même qui engendre l'intérêt pécuniaire, la conséquence financière pour l'individu.
Je crains que, si nous donnons carte blanche à qui que ce soit pour dire n'importe quoi dans n'importe quel contexte, à condition qu'il s'agisse d'un député, ce sera un précédent très dangereux. Je ne suis pas favorable à ce changement. Je pense que nous avons beaucoup... Quand je suis devenu député, j'ai été surpris de constater l'étendue de l'immunité dont nous jouissons à l'égard de ce que nous disons en comité et en Chambre. Cette immunité ne doit pas continuer à l'extérieur, quand vous parlez à vos amis de CBC, CTV ou Global. Il doit y avoir une limite.
Le fait est que, dans l'affaire dont nous parlons, M. Thibault s'est exprimé en dehors du domaine où il bénéficie d'une protection en tant que député, comme nous tous, et que c'est ça qui le met en difficulté — non pas ce qu'il a dit en Chambre, non pas ce qu'il a dit en comité, mais ce qu'il a dit devant les caméras de télévision et devant les journalistes. C'est pour cette raison qu'on a pu intenter une poursuite contre lui.
Je pense que les députés jouissent d'une protection considérable au nom de l'électorat, aussi bien à la Chambre que dans les comités, mais il doit y avoir une limite à ce qu'on peut dire en public, à la presse, dans des réunions publiques ou n'importe où ailleurs. Je pense que la loi actuelle protège non seulement le député mais aussi quiconque pourrait subir un préjudice à cause de ces remarques. Voilà pourquoi je n'appuierai pas cette motion.
:
On dit beaucoup de choses erronées, ici.
J'ai entendu M. Martin affirmer qu'on ne peut pas réduire les députés au silence. J'ai entendu M. Holland dire qu'il suffit de payer 1 000 $ pour réduire quelqu'un au silence. Cela n'a aucun sens. C'est complètement absurde. Ce n'est pas du tout l'effet de la motion de M. Martin. Tout ce qu'il propose, avec sa motion, c'est d'empêcher un député de poser des questions en Chambre ou en comité au sujet d'une partie quelconque. C'est tout.
Les députés peuvent s'exprimer sur n'importe quel autre sujet et ils peuvent même s'exprimer sur cette partie en public. La seule chose qu'il essaye d'éviter, c'est qu'un député attaque ou conteste une partie, qu'il s'agisse d'une entreprise ou d'un individu, quand il est en comité ou en Chambre sur ce sujet. Il ne s'agit de réduire personne au silence.
Dire que les gens sont réduits au silence, dire qu'on peut réduire n'importe qui au silence en payant 1 000 $ est absolument ridicule. Ce ne sera pas du tout l'effet de cette motion.
Je tiens à dire aussi au comité que j'ai consulté le greffier de la Chambre des communes au sujet de la recevabilité et qu'il partage l'opinion que la motion est irrecevable eu égard au mandat du comité.
Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre aura encore la possibilité d'agir. J'ai cru comprendre qu'un accord avait été obtenu pour faire certaines choses. Il y a donc peut-être une autre solution.
Cela dit, nous sommes saisis d'une motion. Il me semble assez clair qu'il y a des avis divergents. J'aimerais maintenant passer au vote.
Avec le consentement des membres, Mme Lavallée aimerait que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, cela fasse l'objet d'un rapport à la Chambre. Nous pouvons supposer que c'est entendu.
M. Wallace a tout à fait raison au sujet du mot « recommander ». Après avoir examiné le texte de M. Martin, le greffier recommande de dire « fasse rapport à la Chambre pour recommander que... » Nous ne pouvons pas changer le Règlement, nous le savons. Je pense cependant que nous voulons dire dans la motion que nous recommandons à la Chambre que le Règlement soit modifié, avec l'amendement. L'amendement destiné à la Chambre commence à l'expression « à l'alinéa 3(3)b) » et continue jusqu'à la fin.
Avec cette précision du paragraphe 108(2) recommandant l'amendement et le rapport à la Chambre, je vais passer au vote sur le texte final. Tout le monde comprend?
(La motion modifiée est adoptée.) [Voir le Procès-verbal.]
Nous n'avons jamais tenu de vote par appel nominal au sein de ce comité. Nous pouvons voir et nous savons compter.
Nous allons maintenant passer à l'audition des témoins. Il nous reste un peu de temps et je pense qu'ils ont fait preuve de beaucoup de patience.
Nous accueillons deux témoins. Le premier est Bob Paulson, surintendant principal, commissaire adjoint par intérim, Enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale, de la Gendarmerie royale du Canada.
Nous accueillons aussi Geoffrey O'Brian, conseiller, Opérations et législation, du Service canadien du renseignement de sécurité. Bienvenue, messieurs.
Veuillez d'abord à accepter nos excuses. Nous avons pris pas mal de temps pour traiter une question très importante. Comme je vous l'ai dit, la partie la plus importante de la réunion est le dialogue, la période des questions et réponses. Je crois comprendre que vous nous avez remis des déclarations liminaires. Je vous propose d'en résumer les points essentiels, pour nous permettre de passer le plus rapidement possible aux questions.
Monsieur O'Brian.
L'essence de notre position est que, selon la GRC, cela pourrait avoir une incidence profonde sur les activités policières, non seulement sur les enquêtes criminelles touchant la sécurité nationale mais aussi, de manière générale, sur les enquêtes touchant la grande criminalité organisée internationale et la criminalité sexuelle grave avec violence contre les enfants. Nous craignons que les recommandations de la Commissaire à la protection de la vie privée aient une incidence sur ces activités et nous vous encourageons — ou plutôt, je vous encourage, respectueusement — à sonder les grands services de police du Canada pour connaître leurs recommandations touchant des modifications législatives.
En bref, je dirais simplement que le Canada a trouvé le bon équilibre entre les libertés individuelles et la sécurité. Je pense que nous sommes des chefs de file mondiaux à cet égard, ce que nous devons au cadre législatif existant et à nos politiques, ainsi qu'à notre aptitude à gérer notre action — pas seulement à la GRC mais dans tous les services de police — dans le cadre du système de contrepoids existant.
Voilà, en quelques mots, ce que j'avais l'intention de vous dire.
:
Je commencerais par dire — et c'est peut-être ce à quoi vous vous attendiez — que ce genre d'équilibre a été pleinement pris en compte lors de la création du SCRS. Comme vous le savez probablement, il y avait eu auparavant quatre années de travail de la Commission McDonald qui avait souligné la nécessité, pour des organismes comme le nôtre, de satisfaire à la fois aux besoins de la sécurité et aux exigences de la démocratie. Le comité parlementaire qui s'était penché sur le projet avait parlé d'un équilibre délicat à trouver entre les droits collectifs et les droits individuels. Donc, à mon avis, cet équilibre a été instauré dès le départ. Cela n'est cependant qu'une réponse superficielle, si je peux dire.
La question plus difficile est de savoir quel genre de choses on peut énoncer avec certitude et quel genre de choses se prêtent à une réponse de processus. Très franchement, nous sommes passés par là lors de la création du SCRS. Nous avons défini notre mandat en termes très généraux. Ainsi, l'article 2 de notre loi organique parle d'activités orientées vers l'espionnage ou le sabotage, ou les appuyant — l'énoncé le plus général. Toutefois, nous avons mis en place tout un système de contrôle et d'examen qui assure la partie processus de l'objectif. Comme vous le savez — et c'était tout à fait inusité à l'époque —, le CSARS, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, a accès à tous nos dossiers et produit des rapports à intervalles réguliers.
Je pense que la solution au sujet de cet équilibre consiste en partie à définir ce qui peut l'être tout en intégrant un processus garantissant que le monde se comporte correctement. Je suppose que c'est pourquoi, par exemple, la Commissaire à la protection de la vie privée et le commissaire à l'information ont le droit de surveiller nos activités au titre de l'article 59 de la loi. Ils bénéficient d'un accès complet à tous nos dossiers et, comme vous le savez sans doute, quatre employés seulement, au titre de l'article 59 de la loi, sont autorisés à les examiner tous. C'est donc isolé mais il y a un système.
:
Merci beaucoup de nous avoir attendus. On avait quelques problèmes à régler. Je suis désolée de ce délai.
Ma première question va vous paraître un peu naïve. J'ai bien une réponse en tête, mais je ne veux pas présumer de la vôtre. Je voudrais savoir quels genres d'informations vous détenez. J'imagine que vous avez des informations, une grosse banque de renseignements sur tous les bandits qui sont sur le territoire canadien, et peut-être même à l'extérieur du territoire canadien. Mais quels genres d'informations détenez-vous sur une personne?
Ensuite, vous avez certainement des informations sur vos employés. C'est un autre genre d'informations. Y a-t-il encore d'autres genres d'informations? D'après ce que j'ai vu dans la loi, vous n'êtes pas tout à fait exemptés de cette loi. Plusieurs exemptions vous concernent, entre autres l'obligation de fournir des informations quand certaines personnes vous les demandent.
D'abord et avant tout, quels genres et quelles quantités d'informations détenez-vous?
:
Oui. Je vais répondre en anglais, si c'est possible.
[Traduction]
Les informations que nous possédons, comme mon collègue vient de le dire, sont essentiellement d'ordre opérationnel — dans tous les domaines. Je vais limiter ma réponse au contexte de la sécurité nationale.
Comme vous l'avez dit dans votre question, nous avons des informations personnelles sur des suspects qui ont été identifiés d'une manière ou d'une autre. Nous avons des déclarations de témoins et de suspects. Nous avons le fruit de contrôles de sécurité et d'enquêtes de renseignement, et nous avons aussi pas mal d'informations personnelles concernant des personnes ayant fait l'objet d'enquêtes dans un contexte de criminalité.
Je ne pense pas pouvoir limiter les catégories d'informations. Par exemple, quand nous exécutons un mandat de perquisition, nous pouvons obtenir des dossiers bancaires et toutes sortes d'autres dossiers. Si nous effectuons une écoute clandestine, nous pouvons intercepter des informations personnelles très sensibles. Il y a donc un large éventail d'informations dans le contexte opérationnel.
Malheureusement, je ne pense pas être qualifié pour parler des informations que nous possédons sur nos employés mais je suppose qu'il s'agit de dossiers typiques des RH, depuis leur arrivée à la GRC, ce qui doit englober pas mal de renseignements personnels. Et, comme je m'explique mal, je vais en rester là.
[Traduction]
La première est un critère de nécessité législative qui peut placer un fardeau inutile du point de vue de l'efficience dont nous devons faire preuve pour recueillir des renseignements. Quand nous recueillons des renseignements sur des particuliers, le critère judiciaire que nous devons satisfaire est très strict en ce qui concerne les mandats de perquisition, les autorisations d'écoutes clandestines, etc. Ce premier critère pourrait donc nuire à la collecte efficiente de renseignements.
En ce qui concerne la deuxième, j'estime que cela changerait complètement la situation. Toute la loi devra être complètement refondue pour en faire quelque chose de complètement différent. Ce sera plus la même loi. Il n'y a pas d'amendements rapides qui soient possibles. Bien que nous ne soyons pas en réalité opposés à la deuxième, nous craignons que cela soit complètement différent de ce qui fonde la loi actuelle.
Pour ce qui est de la troisième, nous faisons déjà des études d'incidence sur la protection des renseignements personnels. Nous faisons de telles évaluations pour toutes les banques de données que nous voulons créer ou modifier et, dans ce contexte, nous consultons la Commissaire à la protection de la vie privée. Nous ne pensons donc pas utile d'adopter une loi pour exiger que cela se fasse.
En ce qui concerne la septième, je pense que c'est un changement radical par rapport à l'objectif originel de la loi. Nous avons des préoccupations en ce qui concerne la surveillance vidéo légitime des personnes soupçonnées de criminalité, ainsi que leur surveillance physique. Le cadre législatif actuel touchant l'ADN semble tout à fait satisfaisant pour répondre aux préoccupations des personnes pouvant être affectées par ces choses-là, du point de vue de la vie privée. Ça semble inutile et contraire à l'esprit de la loi actuelle.
Finalement, les dispositions de partage de renseignements avec d'autres pays sont très importantes — surtout du point de vue de la sécurité nationale mais aussi pour le contrôle du crime organisé transnational et des crimes transnationaux de toute nature. M. le juge O'Connor a formulé des recommandations assez claires quant à la manière dont nous devons nous comporter. Il a dit sans aucune ambiguïté qu'il est absolument indispensable que les services d'exécution des lois partagent des informations avec des partenaires internationaux mais que cela doit obligatoirement se faire, comme je l'ai dit, en respectant certains principes fondamentaux ou, comme il l'a dit lui-même, pour assurer l'exactitude, la fiabilité et l'origine de l'information. Autrement dit, il nous a ordonné de procéder à une analyse qualitative de l'information, de l'usage envisagé et des antécédents du pays destinataire sur le plan des droits humains. Nous respectons son ordre.
Nous avons mis en oeuvre les recommandations du juge O'Connor concernant les enquêtes de sécurité nationale. Nous avons instauré un système de contrôle centralisé. De fait, mon rôle de commissaire adjoint par intérim consiste à exercer un contrôle central sur toutes ces choses-là. Considérant la nature de la menace à laquelle nous sommes exposés de nos jours, je crains qu'imposer par voie législative la création d'un dépôt de toutes ces ententes, parce que l'exécution des lois est un domaine tellement vaste...
Voulez-vous que je m'arrête, monsieur le président?
:
Merci, monsieur le président. Merci aux témoins.
Monsieur Paulson, le ton et le contenu de votre rapport donnent à réfléchir et sont même inquiétants. À la quatrième page, vous nous adressez quasiment une mise en garde. Vous dites que vous n'êtes pas alarmiste mais c'est vous qui êtes responsable de la sécurité nationale.
Vous nous rappelez que la menace terroriste au Canada est un danger réel et que nous faisons partie de la liste des pays cibles d'al-Qaïda. En fait, il y a peut-être même en ce moment des Canadiens qui s'entraînent à l'étranger pour se préparer à nous attaquer.
Nous sommes l'un des pays désignés par al-Qaïda qui n'ont pas encore été attaqués — ce qui me rappelle que nous devrions vous rencontrer pour vous demander plus d'explications à ce sujet. Il n'y a personne ici, à mon avis, qui souhaite modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels d'une manière qui exposerait les Canadiens à plus de risques.
Quand on envisage de modifier une loi, c'est pour y ajouter ou en retirer quelque chose, et le fait qu'on ait recommandé des modifications à 10 articles précis ne veut pas dire que nous soyons limités à cela. Nous pouvons changer ce que nous voulons — le titre, le résumé, n'importe quel article — et nous pouvons même l'abroger complètement.
Je souligne aussi — et je crois pouvoir dire cela de tous les membres de ce comité — que, quand vous parlez de l'exploitation sexuelle des enfants, si nous étions jamais appelés à choisir entre le droit d'un pédophile pervers à la protection de sa vie privée et le droit d'un enfant à la protection de sa sécurité, nous choisirions le droit de l'enfant. Personne ne voudrait faire quoi que ce soit qui puisse avoir pour conséquence imprévue de permettre aux mauvais de continuer à faire ce qu'ils font.
Considérant vos objections à ces dispositions de la loi, pouvez-vous me dire s'il y a quelque chose que vous voudriez ajouter ou retirer du reste de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour vous permettre de mieux faire votre travail?
La seule chose que je pourrais suggérer serait que... Je ne voudrais pas donner l'impression que j'en demande trop, car nous faisons beaucoup d'efforts pour respecter la Loi sur la protection des renseignements personnels. Toutefois, comme vous le savez, nous avons récemment eu des difficultés avec notre banque d'examen, mais nous les avons réglées. Il nous arrive parfois de trébucher.
On trouve dans la loi des exemptions particulières pour les activités légitimes d'exécution des lois. Le caractère spécial de notre fonction d'enquête a été pris en compte dans les politiques du Conseil du Trésor et dans les nôtres — tout en préservant notre obligation de respecter les dispositions de la Charte. Ma suggestion serait qu'on reconnaisse de manière plus précise la nature des nécessités opérationnelles de nos enquêtes de sécurité nationale et de nos enquêtes sur des événements graves.
Je serai bref. Beaucoup de représentants d'entreprises et du gouvernement interprètent la Loi sur la protection des renseignements personnels de manière excessivement restrictive lorsqu'il s'agit de partager des informations avec nous. Bien souvent, nous sommes obligés de demander des mandats de production et de perquisition pour des choses qui, beaucoup d'avocats chevronnés l'admettront, ne sont pas nécessaires, à cause d'une telle interprétation de la loi. C'est tout ce que je veux dire.
Je vous remercie de votre présence devant le comité.
J'ai quelques questions à vous poser et, s'il me reste du temps, je le donnerai à M. Hiebert.
Tout d'abord, monsieur O'Brian, je pense qu'une partie de problèmes que beaucoup d'entre nous avons est que nous ne sommes pas trop préoccupés par la collecte de renseignements tant qu'elle ne fait pas l'objet d'abus. Vous pouvez savoir quel est mon âge, vous pouvez savoir ceci ou cela au sujet de mes habitudes, mais nous ne voulons pas que vous abusiez.
Vous avez parlé d'un chien de garde. Devrions-nous inclure dans cette loi quelque chose qui pourrait nous donner un peu plus de souplesse en matière d'informations mais en veillant à ce qu'il y ait quelqu'un qui surveille pour s'assurer qu'il n'y a pas d'abus?
Ce que je veux dire, essentiellement, c'est qu'il pourrait arriver que je veuille savoir ce que vous avez dans mon dossier. Il pourrait y avoir une information erronée ou quelque chose de ce genre. Y a-t-il des mesures de sauvegarde à ce sujet?
Les remarques que vous avez faites il y a un instant au sujet des 10 recommandations, les avez-vous mises par écrit? J'ai lu votre déclaration mais je n'y ai pas trouvé de commentaires précis au sujet des 10 recommandations de la Commissaire à la protection de la vie privée. Les avez-vous formulées par écrit? Pouvez-vous nous donner cela de manière plus exhaustive?
Je vous ai entendu dire que la première recommandation entraverait les écoutes clandestines ou certains types d'investigations, et que la deuxième recommandation ne vous plaît pas vraiment mais, à part dire qu'elle changerait la nature de la loi, vous n'avez pas indiqué avec précision ce qui vous préoccupe à ce sujet.
Divers témoins sont venus nous dire qu'ils sont heureux que le comité se penche sur la Loi sur la protection des renseignements personnels parce que c'est une chose importante à faire, mais nous n'avons pas reçu beaucoup d'avis mûrement réfléchis sur les 10 recommandations de la Commissaire à la protection de la vie privée ou sur tout autre recommandation que nous devrions envisager. Je ne parle pas pour mes collègues mais j'aimerais vraiment avoir ce genre de réaction réfléchie.
Il s'agit ici d'un domaine dont vous assumez la responsabilité. J'aimerais savoir en détail quelles contraintes cela vous imposerait si c'était adopté. Souhaitez-vous une exemption? Nous savons qu'il s'agit d'une loi d'application générale. Elle s'applique à beaucoup de ministères mais il devrait peut-être y avoir une exemption pour des raisons de sécurité nationale ou pour d'autres formes de surveillance, et c'est ce que j'aimerais savoir.
Je ne m'attends pas à ce que vous puissiez me donner la réponse maintenant et je vais donc passer à autre chose mais, si vous pouviez nous fournir une analyse exhaustive des 10 recommandations, avec vos autres réflexions au sujet de la loi, je vous en serai très reconnaissant.
Je passe maintenant à mes autres questions. Vous avez dit il y a un instant que vous devez partager des renseignements avec d'autres nations. Quelles ententes avez-vous passées avec d'autres pays pour partager les informations des Canadiens? Avez-vous passé des ententes avec un pays quelconque sur la manière de protéger la vie privée des Canadiens?
:
Je répondrai à la première, si vous me le permettez, concernant le partage d'informations et les arrangements étrangers car je pense que c'est une question importante qui avait été soulevée lors de l'adoption de la loi sur le SCRS en 1984.
La solution qui avait été trouvée était de dire, à l'article 17 de la loi, qu'avant de passer un arrangement quelconque avec une agence étrangère... Nous aussi avons certains arrangements par écrit mais, franchement, beaucoup n'existent pas sur papier. Avant de passer une entente avec une agence étrangère, nous devons obtenir la permission du ministre de la Sécurité publique, qui doit consulter le ministre des Affaires étrangères, et cette consultation doit être confirmée par écrit. Autrement dit, même s'il s'agit d'un arrangement oral, il doit être décrit sur le papier, si vous voyez ce que je veux dire.
Ensuite, en vertu de l'article 38 de notre loi, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité a le mandat précis de revoir tous nos arrangements et de revoir la communication d'informations et de renseignements dans ce contexte, ce qu'il fait chaque année. Par exemple, même si les détails ne sont pas publics, il examine cela chaque année. Je constate, à la lecture de son dernier rapport publié en automne dernier et déposé devant la Chambre en automne dernier, que le SCRS avait 271 arrangements étrangers avec des agences de 147 pays.
Le CSARS revoit toutes les nouvelles ententes améliorées ou modifiées. Il a conclu que le service s'était informé sur la situation des droits de la personne dans tous les pays des agences en question. En outre, il a fait preuve de prudence dans ses échanges d'informations avec des pays où la situation des droits de la personne est douteuse. La difficulté, bien sûr, vient du fait que, dans certains cas, l'information n'est pas publique. Ce qui se passe, c'est que vous traitez avec des substituts du public, étant donné la nature de l'information. Le CSARS comparaît devant le Parlement au sujet de son rapport, et la Commissaire à la protection de la vie privée bénéficie bien sûr du même genre d'accès. Ici encore, c'est la question du processus par rapport à la substance.
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Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus aujourd'hui et de nous avoir écoutés pendant une heure avant d'avoir la chance de parler.
Monsieur O'Brian, je vais vous donner la possibilité de répondre à la question de Mme Lavallée à laquelle M. Paulson a répondu de manière si exhaustive.
Avez-vous examiné les 10 réparations rapides, comme elle les appelle, de la commissaire au sujet de la Loi sur la protection des renseignements personnels? C'est la première partie de la question. La deuxième s'adresse à vous deux. Il y a 10 choses qu'elle recommande. Comme l'a dit notre secrétaire parlementaire, c'est de cela que nous devons nous occuper, essentiellement. Y a-t-il d'autres choses que nous devrions ou nous ne devrions pas faire? Devrions-nous simplement dire que nous avons examiné ça, qu'il n'y a pas de changement, et laisser ça tranquille pendant 25 autres années?
Ce sont mes deux questions et je vous invite à commencer, monsieur O'Brian.
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En ce qui concerne les 10, je les ai examinées. Je dois admettre que je n'ai pas préparé de notes.
La première recommandation concerne le critère de nécessité. Vous verrez, d'après mes remarques liminaires, que nous avons en fait un critère de nécessité dans notre loi pour la collecte d'informations. L'article 12 dispose que « le Service recueille, au moyen d'enquêtes ou autrement, dans la mesure strictement nécessaire » des informations et renseignements sur les activités dont il soupçonne qu'elles constituent des menaces envers la sécurité du Canada.
Comme on dit, le problème vient des détails et de la manière dont on interprète cette disposition. Franchement, je pense que les Britanniques ont une très bonne expression. Ils disent que les informations qu'ils recueillent doivent être nécessaires et proportionnelles. C'est une question de jugement, à certains égards. Je crois que ce que le surintendant principal Paulson et moi-même vous disons, c'est qu'on doit nous laisser la possibilité d'exercer notre jugement, sous réserve de révision, et ne pas nous lier les mains. Nous avons appris à vivre avec ce critère de stricte nécessité. Toutefois, si vous creusez — et je suis désolé, car les détails sont importants —, ça aide si on examine les détails.
Franchement, ce que nous recueillons qui peut être strictement nécessaire quand nous tentons de surveiller quelqu'un... Dans le cas d'un diplomate étranger, par exemple, que nous pensons être membre d'un groupe ou faire de l'espionnage, notre objectif serait de le recruter. Par conséquent, ce que nous allons recueillir et ce que nous allons considérer comme étant strictement nécessaire pourrait être immense. Nous voudrons savoir ce qu'il fait en dehors du travail, s'il va à la pêche, si ses enfants prennent des leçons de patinage, etc. Nous voudrons chercher des manières de l'approcher. Je pense que vous pourriez dire que, dans une enquête de nature différente, une enquête portant sur une sorte différente de menace potentielle, ce genre de collecte exhaustive d'informations pourrait ne pas être approprié. C'est donc difficile.
Voilà pour la première recommandation.
En ce qui concerne la deuxième, je ne suis pas expert en ce qui concerne le pouvoir d'octroyer des dommages et intérêts.
En ce qui concerne la quatrième, c'est-à-dire un mandat clair d'éducation du public, elle semble acceptable.
Pour ce qui est d'accorder plus de latitude au Bureau de la commissaire à la protection de la vie privée pour publier des rapports, nous n'avons pas de réserve à ce sujet à condition, bien sûr, que ce soit dans les limites de nos préoccupations touchant la sécurité. Toutefois, comme nous examinons toujours les documents qui sont rendus publics, ça ne devrait pas poser de problème.
Pour ce qui est de modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels afin de la faire concorder avec la LPRPDE en éliminant la restriction, je dois reconnaître que les avocats seraient mieux placés que moi pour dire si l'accès actuel est suffisant ou non. Franchement, quand je lis la loi, il me semble que l'intention exprimée est qu'elle devrait avoir accès aux informations — et j'ai cité une partie de cet article — quelle que soit la manière dont elles ont été obtenues. Très franchement, je ne vois pas quel est le problème.
En ce qui concerne la dernière, consistant à renforcer les dispositions régissant la divulgation de renseignements personnels à des États étrangers, nous en avons déjà parlé. Je crois que la loi sur le SCRS, avec le CSARS, l'inspecteur général et l'exigence qu'ils revoient toutes les ententes, ainsi que le fait que deux ministres doivent approuver chacune de nos ententes étrangères, assurent toute la protection nécessaire, franchement.
Je répète que je me méfierais de quelque chose qui pourrait être interprété pour restreindre par opposition à quelque chose qui serait un sujet important devant être révisé sur une base continue.
Voilà donc mes remarques générales. Mon commentaire général au début était que nous nous occupons tous de sécurité nationale: la GRC du point de vue de l'application des lois, le SCRS du point de vue du renseignement, l'ASFC du point de vue des frontières, Transports Canada, etc., etc. Chacun d'entre nous détient des pouvoirs et des mandats légèrement différents. L'ASFC ne possède pas de pouvoirs d'arrestation ou d'adoption de mesures pour assurer la sécurité. Notre mandat à nous est large: raison de soupçonner une activité. Par conséquent, je pense qu'il faut tenir compte des mandats individuels quand on doit prendre le genre de décisions difficiles qu'on doit prendre.
M. Zed me demandait au début ce que je prendrais en considération. Je n'ai pas été assez vif pour lui recommander un livre que j'estime particulièrement bon. C'est un livre canadien publié récemment par Stan Cohen, du ministère de la Justice. C'est une sorte de « M. Charte ». Il a probablement témoigné souvent devant des comités parlementaires au sujet de la Charte dans le contexte de certains projets de loi. Son livre s'intitule Privacy, Crime and Terror: Legal Rights and Security in a Time of Peril. Il y a des chapitres sur la protection de la vie privée, la Loi sur la protection des renseignements personnels, le partage d'informations dans le contexte de l'exécution des lois, etc.
:
Vous soulevez une question très importante. Je pense parfois qu'après les événements terribles du 11 septembre, du 7 septembre en Grande-Bretagne, etc., la réaction a été en partie que le partage des informations était devenu
über alles. Il suffirait d'abattre tous les murs et de partager toutes les informations pour que le monde soit plus sûr.
Ce n'est pas mon avis. Franchement, je pense que les murs et les différences sont importants et que notre pays devrait être prêt à échanger, à des fins de renseignement, des informations — correctement contrôlée et revues quand on sait à quoi elles vont servir — qu'on ne serait pas prêt à partager pour l'exécution des lois ou les activités de police.
Le monde du renseignement est le monde du soupçon, comme vous dites. Nous demandons souvent: « Que savez-vous de...? Avez-vous déjà entendu parler de...? » et vous ne voulez pas que quelqu'un fasse quelque chose à ce sujet. Vous ne voulez pas que quelqu'un prenne une mesure ou rende la vie difficile à quelqu'un. Vous voulez simplement mettre des pièces dans un casse-tête. Il est terriblement important que les informations que vous pourriez vouloir échanger pour certaines raisons, vous ne vouliez pas les échanger pour d'autres raisons.
Monsieur Paulson, vous avez dit que vous n'étiez pas favorable à la dixième recommandation parce que vous ne pouvez pas prévoir ou envisager chaque cas où il pourrait être nécessaire de partager des informations avec un pays ami. Je vous ai entendu dire, comme M. O'Brian, que bon nombre des ententes passées avec ces autres pays existent par écrit mais pas toutes. Certaines comportent des dispositions empêchant que les informations que vous donnez aux pays concernés soient communiqués à une tierce partie, et d'autres non. Si je comprends bien sa dixième recommandation, la Commissaire à la protection de la vie privée réclame simplement une politique cohérente: que toutes les ententes soient formulées par écrit et que tous ces pays aient ces conditions de tierce partie.
Étant donné que certaines les ont déjà, ne serait-il pas raisonnable de s'attendre à ce que chaque entente soit formulée par écrit et que chaque pays ait cette condition l'empêchant de partager les informations?
:
Il est raisonnable de s'attendre à ce que nous appliquions une condition à l'information que nous partageons, que nous fassions une évaluation qualitative de l'information quand nous la partageons, et que nous obtenions des assurances du pays récepteur sur son utilisation prévue.
Permettez-moi cependant de vous donner un exemple. On m'a dit qu'Interpol nous a demandé des informations 4 000 fois l'an dernier. Nos agents de liaison à l'étranger ont échangé des informations, dans une multitude de circonstances et pour une multitude de raisons, à 3 000 reprises à peu près. Cela vous donne une petite idée du volume que ça représente.
Dans les cas graves, en particulier, où nous devons prendre de telles décisions et faire de telles évaluations rapidement, parce que tous les cas sont différents, je n'arrive pas à envisager le processus ou le registre qui permettrait de traiter le genre de volume dont nous nous occupons dans le partage d'informations.
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Le problème est que vous ne traitez qu'un aspect de l'équation, le nôtre. Franchement, il y a des pays — pour des raisons bonnes et mauvaises — qui ne réduisent pas ce genre d'ententes par écrit et dont ce n'est pas la pratique usuelle.
Certains pays très civilisés interprètent les ententes écrites comme des traités et exigent qu'elles soient présentées à leur assemblée législative. Il serait difficile de faire cela pour toute une gamme de choses. Certains pays ont cette règle et ont pour pratique de ne pas faire cela. Certains suivent cette pratique pour d'autres raisons.
Nous réduisons ce que nous faisons par écrit pour que les gens faisant l'examen sachent exactement quelles sont les modalités. Nous séparons nos ententes en trois catégories: échange pour vérification de sécurité, échange pour le renseignement et échange technique. Nous réduisons ça sous une forme compréhensible, deux ministres l'approuvent, et la transmission de renseignements et d'informations est examinée avec ces ententes.
Insister pour que les autres pays coopèrent avec nous seulement lorsque les termes sont réduits par écrit semble un peu abusif — bien que je suppose que nous pourrions dire que nous traiterons pas avec les gens qui n'acceptent pas de signer les choses.
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Messieurs, votre contribution a été excellente. C'est tellement bien que je veux vous demander quelque chose officiellement. Nous aimerions recevoir votre avis sur les 10 domaines. Maintenant que vous nous avez entendus, vous avez une meilleure idée de ce que nous voulons.
Nous avons entendu un peu trop l'autre côté de l'histoire. Vous nous avez présenté d'autres éléments de réflexion sur certains points. Certains ne sont pas terriblement applicables mais il est bon de savoir que c'est quelque chose qui ne suscite pas chez vous d'opinion arrêtée dans un sens ou dans l'autre.
Certains des points que vous avez soulevés sont importants et nous avons toujours pour pratique de renvoyer aux déclarations des témoins lorsque nous exposons la justification de nos recommandations dans nos rapports. Nous tenons à être exhaustifs et je tiens à ce que vous ayez la possibilité d'exposer pleinement votre opinion sur les questions au sujet desquelles vous avez des opinions très fermes.
Je ne vous demande pas cela pour demain matin mais nous vous serions très reconnaissants de nous l'envoyer dans un délai raisonnable. Nous aimerions que les chercheurs continuent à travailler avec nous. Dans 8 ou 10 jours, ce serait excellent.
Non? Deux semaines?