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Silence, s'il vous plaît.
Nous accueillons deux groupes de témoins aujourd'hui. Le premier est composé de John Farrell, directeur administratif des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, ou ETCOF, et de David Olsen, directeur adjoint des services juridiques, Société canadienne des postes.
Le deuxième est composé de Danielle Casara, vice-présidente du Syndicat des employés de la Banque Laurentienne, et de Claudette Charbonneau, présidente de la Confédération des syndicats nationaux, la CSN.
Sur ce, je vais commencer. Je rappelle à nos témoins que chaque groupe dispose de 10 minutes pour les remarques d'ouverture après quoi nous passerons aux questions des membres du comité. Je vous chronomètrerai dès que vous commencerez.
Nous allons commencer par M. Farrell. Allez-vous partager vos 10 minutes avec M. Olsen?
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Nous sommes heureux de nous trouver ici.
ETCOF représente la majorité des employeurs du secteur privé de compétence fédérale qui comprend les chemins de fer, le camionnage, la radiodiffusion, la téléphonie, l'exploitation portuaire et les compagnies aériennes. Les entreprises membres d'ETCOF emploient quelque 586 000 personnes et, à l'annexe A de notre mémoire, vous trouverez une liste des entreprises qui sont membres de notre regroupement.
Nous vous recommandons de lire notre mémoire de même que l'article du professeur Paul Weiler rédigé en juin 2002 à l'appui de notre comparution devant le groupe de travail Bilson. Cet article fait partie intégrante de notre mémoire.
Précisons d'entrée de jeu que les employeurs de compétence fédérale, les membres d'ETCOF, sont tout à fait d'accord avec le principe d'une rémunération égale pour un travail égal.
Dans son article, le professeur Weiler examine les interrelations entre les dispositions relatives à l'égalité salariale pour un travail d'égale valeur contenues dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et les dispositions du Code canadien du travail. En 2002, il prédisait que les employeurs seraient confrontés à des problèmes d'ordre pratique pour respecter l'équité salariale dans le cas de groupes syndiqués, parce que les employeurs sont tenus, en vertu du Code canadien du travail, de négocier les dispositions relatives à la rémunération avec les syndicats qui représentent ces employés. D'un autre côté, aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, les employeurs sont investis de la responsabilité unilatérale d'appliquer le principe de la rémunération égale pour un travail d'égale valeur entre les hommes et les femmes.
La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public a reçu l'aval d'ETCOF parce qu'elle est proactive plutôt que de faire appel à un système de plaintes et qu'elle impose tout autant aux syndicats, qui représentent les employés du secteur public fédéral, qu'au Conseil du Trésor, l'employeur, de mettre en oeuvre l'équité dans la rémunération par le truchement d'un plan destiné à instaurer et à maintenir ces importants droits humains ainsi que les objectifs en matière d'emploi. Elle mettra un terme à la stratégie syndicale qui consiste à passer deux fois à la caisse, d'abord en négociant la rémunération de façon bilatérale, puis en réclamant une rémunération supplémentaire par le biais d'une plainte déposée auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. C'est la principale raison pour laquelle les membres d'ETCOF sont favorables à cette mesure législative.
La mise en place de l'équité en matière de rémunération relève à la fois des droits de la personne et de l'administration du travail, d'où la nécessité de recourir à une solution fondée sur les droits de la personne et sur l'emploi. Nous estimons que la Commission des relations de travail dans la fonction publique est parfaitement équipée pour régler les différends concernant l'équité dans la rémunération en milieu de travail. Elle traite en effet régulièrement avec les parties à propos de questions de nature identique et la Cour suprême a bien indiqué que les tribunaux et les arbitres ont compétence pour régler les questions de droits de la personne. Cet aspect n'est pas différent.
Voilà qui met un terme à nos remarques liminaires. Je vais à présent céder la parole à David Olsen qui est un vieil habitué des procédures de règlement des différends et des procédures judiciaires en rapport avec la négociation collective en vertu du Code canadien du travail et de l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne dans le secteur public.
David.
Pour qu'il n'y ait aucun malentendu, je répète que notre organisation appuie sans équivoque le principe d'un salaire égal pour un travail d'égale valeur. Nos membres ont une très grande expérience de l'actuel régime, celui établi par l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous sommes partie à des causes qui relèvent de ce régime depuis des décennies. Personnellement, j'ai passé plus de 25 ans dans une cause concernant mon client, la Société canadienne des postes.
La loi actuelle présente certains travers — c'est-à-dire l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne — qui sont en grande partie réglés par la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public. Celle-ci ne s'applique évidemment pas au secteur de compétence fédérale et nos membres ne sont pas visés par cette mesure. Nous continuons d'être régis par l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cependant, nous estimons que cette loi renferme d'importants principes et des dispositions valables qui favoriseront l'application juste et pragmatique du principe de l'équité salariale par les employeurs et les syndicats du secteur public fédéral.
Cette loi est logique pour ETCOF parce qu'elle intègre la notion de rémunération équitable, autrement dit d'équité salariale, dans le processus de la négociation collective. Deuxièmement, elle impose aux employeurs et aux syndicats la responsabilité de la mise en oeuvre de l'équité dans la rémunération. Troisièmement, le régime proactif est assorti d'un processus de règlement des différends et de résolution de problèmes qui est à la fois plus efficace, plus efficient et plus équitable que celui actuellement établi par la Loi canadienne sur les droits de la personne, lequel dépend du dépôt de plaintes et donne lieu à des sagas juridiques.
Pour ETCOF, l'intégration de l'équité salariale dans la négociation collective a toujours été au coeur du problème. Tout comme pour l'équité salariale, la Charte accorde un statut de droit humain fondamental à la liberté d'association des employés et au droit de constituer un groupe de négociation collective. Ce n'est pas parce que ces deux aspects sont considérés comme étant sacro-saints qu'on ne peut, selon nous, les aborder de front. D'ailleurs, il y a peut-être même lieu d'en disposer ainsi pour parvenir à un résultat équilibré sur les deux plans.
J'ai entendu dire que l'équité salariale n'est pas négociable. Nous sommes d'accord, mais il faut convenir que, selon de nombreux universitaires, la meilleure façon de parvenir à l'équité salariale consiste à passer par la négociation collective. Elle constitue en effet la tribune où les salaires et les avantages sont conclus entre un syndicat et un patron et elle doit être, selon nous, la tribune où se règlent les questions d'équité salariale.
C'est sur ce principe que repose entièrement la thèse du professeur Paul Weiler qui a témoigné devant le groupe de travail Bilson et nous vous recommandons d'ailleurs de lire son article. Comme vous le savez sans doute, le professeur Weiler est un universitaire canadien très connu. Il a été président de la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique et, tandis qu'il était à l'Université Harvard, il était spécialisé en valeur comparable dans le contexte américain. Nous vous invitons à lire également sa thèse.
L'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne est mal ficelée. Il énonce comme principe général qu'il est discriminatoire de verser des salaires différents aux hommes et aux femmes qui effectuent un travail de valeur égale. Il a régulièrement et stratégiquement été invoqué par les syndicats pour rouvrir les conventions collectives qu'ils avaient eux-mêmes conclues avec leurs employeurs, sous prétexte d'aller chercher un complément salarial pour des groupes à dominante féminine, en quelque sorte pour repasser à la caisse, ce qui contredit tout à fait le caractère sacré de la négociation collective.
Contrairement à ce qui se passe dans un milieu non syndiqué, où c'est l'employeur qui décide unilatéralement des conditions d'emploi et de rémunération, en milieu syndiqué, la décision est bilatérale, puisqu'elle est prise par le syndicat et l'employeur qui fixent tous deux les conditions d'emploi. Comme l'a affirmé la Cour suprême du Canada, il n'y a pas de place à la négociation individuelle entre un employeur et un employé. Celle-ci doit se faire par le biais du syndicat qui est l'agent de négociation. Ce sont les deux, ensemble, qui décident de la rémunération à verser. Si vous lisez Weiler — et nous considérons que ce qu'il dit est vrai — le plus souvent, le syndicat joue la carte de la majorité dans la répartition des salaires et des avantages auxquels l'employeur a donné son accord. Ce sont essentiellement les syndicats qui décident de la façon dont l'argent obtenu est distribué entre les membres en vertu de la convention collective.
Selon nous, c'est là une réalité dont on ne tient pas compte dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. L'équité salariale et la convention collective touchent finalement les mêmes dimensions, c'est-à-dire le niveau, la structure, la nature et le montant de la rémunération. Dans un milieu syndiqué, ces différentes dimensions doivent être intégrées. Selon Weiler, l'autre solution consiste à déstabiliser la négociation collective et à permettre que l'équité salariale soit un moyen de négocier des gains supplémentaires à la table de négociation. Comme je le disais, toute cette question est traitée plus en profondeur dans notre mémoire et dans l'article de Weiler.
En conclusion de son article, Weiler dit « comme je l'ai exposé ci-dessus, ma première conclusion est que dans le cas de différends en matière de relations de travail qui sont assujetties à la fois à la [Loi canadienne sur les droits de la personne] et au [Code canadien du travail], les organismes responsables de l'application de la loi doivent lire les deux lois ensemble de la façon qui respecte le mieux possible ces deux politiques juridiques fédérales importantes ». Nous prétendons que cette conclusion s'applique tout autant à la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public.
Merci.
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J'aimerais tout d'abord remercier le comité de nous donner l'occasion d'émettre notre opinion et de clarifier notre position, ainsi que les raisons qui la motivent. Notre argumentation ne sera pas basée sur des recherches ou des avis légaux, mais bien sur notre expérience en tant que membres d'un syndicat et en tant que travailleuses du secteur bancaire, qui est de compétence fédérale.
Tout d'abord, j'aimerais tracer un bref portrait de la section locale 434 du Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, qui représente depuis 1967, soit depuis 42 ans, les employés de la Banque Laurentienne du Canada. Nous représentons actuellement 2 300 employés qui travaillent en succursale, en centre télébancaire, au centre administratif ou au siège social. On parle de postes aussi différents que caissier de succursale, démarcheur hypothécaire, conseiller financier ou planificateur financier. Quatre-vingt-cinq pour cent de nos membres sont des femmes. La Banque Laurentienne est la seule banque syndiquée au Canada. Comme je le disais, nous sommes une section locale du SEBP-Québec, le Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau du Québec. Nous sommes affiliés à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec — la FTQ — et au CTC.
Pour vous rafraîchir un peu la mémoire et vous donner le contexte, le secteur bancaire canadien est l'employeur le plus important de main-d'oeuvre de compétence fédérale oeuvrant dans le secteur privé, puisqu'il emploie 30 p. 100 de cette main-d'oeuvre; 72 p. 100 des personnes qui y travaillent sont des femmes, comparativement à 31 p. 100 dans les autres secteurs d'activité de compétence fédérale. En outre, 48 p. 100 des travailleuses de compétence fédérale font partie du personnel bancaire, et 1 p. 100 d'entre elles seulement sont syndiquées. J'imagine qu'il s'agit, en grande partie, de nous.
L'écart salarial qu'on trouve dans le secteur bancaire est de 36 p. 100, dont un tiers serait attribuable à l'absence de mesures correctives face à l'iniquité salariale systémique dont les femmes ont fait l'objet depuis des années.
Selon nous, les impacts de l'adoption de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public du gouvernement Harper démontrent le peu de considération que celui-ci a pour les droits des femmes en général et des travailleuses en particulier puisque l'équité salariale, selon nous, ne peut être assimilée à une augmentation de salaire négociable dans le cadre d'une convention collective, mais constitue bien un droit de la personne fondamental. Par contre, le système des plaintes n'était vraiment pas idéal, étant donné qu'il a donné lieu à des sagas juridiques — on n'a qu'à se rappeler celles de Postes Canada et de Bell Canada — qui ont coûté énormément cher, de part et d'autre.
La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public nous apparaît rétrograde, alors que le gouvernement du Québec vient tout juste — hier — non seulement de maintenir sa Loi sur l'équité salariale, mais bien de la renforcer, démontrant ainsi que les changements que cette loi a apportés au Québec sont bénéfiques pour la société en général et réalisables par des entreprises de toute taille, de tout secteur, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.
La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public nous apparaît aussi être une manifestation de mépris des droits fondamentaux des femmes, ce qui, d'ailleurs, a amené le dépôt par des groupes de femmes et de nombreux syndicats d'une plainte à la Commission de la condition de la femme de l'ONU en mars 2009. En 2003, l'ONU avait d'ailleurs demandé au Canada de remédier à l'iniquité salariale dont étaient victimes les travailleuses de compétence fédérale. Le message envoyé aux employeurs du secteur privé est clair et vient conforter leur inaction dans le domaine.
Dès avril 2002, notre section locale 434 avait participé à la démarche en faisant part de ses commentaires au groupe de travail sur l'équité salariale mis en place en 2001. Nous y relations notamment la façon dont la Banque Laurentienne avait alors manoeuvré pour soustraire à la Loi sur l'équité salariale du Québec les employés de sa filiale Trust La Laurentienne, qui relevaient de la compétence provinciale. Ils avaient simplement, par un simple transfert des employés, réussi à se soustraire à la loi qui venait d'être promulguée.
Le rapport présenté en novembre 2002 par l'Association des banquiers canadiens au groupe de travail abondait dans le même sens : l'équité salariale est une valeur reconnue, mais elle est déjà réalisée dans le secteur, et aucune action ou législation ou obligation n'a besoin d'être ajoutée.
Cet épisode, dont la banque est sortie gagnante, a provoqué beaucoup d'amertume et a renforcé notre conviction à l'effet que seule une loi proactive en équité salariale, au fédéral, allait forcer les employeurs à se soumettre au principe et à faire en sorte que, finalement, nos travailleuses cessent d'être des travailleuses de second ordre dans leur propre province.
En 2004, après bien des campagnes de sensibilisation, maintes résolutions à de nombreux congrès de la FTQ et du CTC, le rapport du groupe de travail nous faisait enfin voir la lumière au bout du tunnel: loi proactive, obligatoire, à portée globale et protection étendue, impliquant la participation des travailleuses et des syndicats, prévoyant des règles de maintien, etc.
À notre avis, les recommandations du rapport, malgré l'appui du Bloc québécois, du NPD, du Caucus des femmes libérales et du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes de l'époque, ont trop tardé à être mises en application, et l'avènement du gouvernement Harper est venu briser l'élan. Maintenant, il enfonce les derniers clous dans le cercueil et fait fi des incroyables énergies mises au fil des ans dans ce dossier, tant en ressources humaines qu'en fonds publics.
Au Québec, si on veut comparer des entreprises du secteur financier, nous avons l'exemple de Desjardins, le plus gros employeur privé au Québec, qui, malgré la loi québécoise, refuse de se conformer à la Loi sur l'équité salariale et est prêt à utiliser tous les moyens et toutes les ressources à sa disposition pour y échapper, comme la Banque Laurentienne l'a fait en 2002.
Desjardins minimise l'existence des écarts possibles en utilisant des courbes d'évaluation spéciales, et 388 plaintes et différends ont été déposés par le SEPB à la Commission de l'équité salariale le 12 mai dernier.
En conclusion, le SEPB-434 et ses membres dénoncent donc fermement l'adoption de la loi 10, véritable recul historique pour les droits des femmes et des travailleuses, et demandent son abrogation.
Nous sommes solidaires dans la lutte que nos consoeurs du secteur public et leur syndicat ont entreprise, conscients que l'issue de cette lutte aura un impact sur toutes les travailleuses oeuvrant dans les secteurs relevant de la compétence fédérale, dont le nôtre. C'est aussi la raison pour laquelle nous continuerons, avec nos partenaires et par l'entremise de nos instances et nos affiliations, à interpeller tous les partis politiques et à réclamer du gouvernement l'application des recommandations du rapport du Groupe de travail sur l'équité salariale du gouvernement fédéral.
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Madame la présidente du comité, je suis très heureuse que vous nous receviez aujourd'hui pour entendre notre point de vue sur un débat de société qui est éminemment important, celui de l'atteinte d'objectifs d'équité salariale.
La CSN représente quelque 300 000 travailleuses et travailleurs à travers le Canada, en très large partie concentrés au Québec. Cependant, une quinzaine de milliers de nos membres sont sous compétence fédérale, particulièrement dans le secteur des communications, du transport interprovincial, des élévateurs à grain et dans le milieu carcéral.
La loi 10 est, à notre point de vue, un affront important au droit fondamental des femmes à la reconnaissance de la valeur de leur travail, et celles-ci ont plus d'une raison de se sentir offensées.
D'abord, le gouvernement redéfinit la notion même de catégorie d'emploi, afin de lui permettre de limiter le concept de catégorie d'emploi à prédominance féminine aux seuls emplois qui comptent plus de 70 p. 100 de femmes. Il subordonne ainsi le droit des femmes à une rémunération égale pour un travail de valeur équivalente au seul désir des employeurs.
En effet, le projet de loi ajoute aux critères d'évaluation des emplois qui sont reconnus dans toute la littérature et dans toutes les lois proactives en matière d'équité salariale des critères qui vont dans le sens des besoins des employeurs en matière de recrutement et de rétention de main-d'oeuvre, ce qui, bien sûr, n'a rien à voir avec les impératifs d'équité salariale, bien au contraire. Ce faisant, la discrimination salariale devient permise si elle est justifiée par les conditions du marché. C'est totalement inacceptable.
Non satisfait, le gouvernement ramène ce droit dans le champ du négociable, plutôt que d'obliger l'établissement de véritables programmes d'équité salariale et d'assurer leur maintien. Il ne s'agit donc plus d'un droit à faire respecter, mais d'une condition de travail à négocier. Enfin, la responsabilité des résultats serait imputable non seulement aux employeurs, mais aussi aux organisations syndicales. En effet, la loi confie à la Commission de la fonction publique, un organisme qui n'a aucune expertise spécifique dans ces questions, le pouvoir de déterminer un montant compensatoire à une personne qui aurait été lésée. Elle pourrait obliger un syndicat à débourser une partie de celui-ci. Ainsi, les organisations deviendraient responsables du paiement des salaires. À sa face même, il s'agit d'un non-sens qu'il faut dénoncer et continuer à contester.
Tout aussi odieux, le gouvernement interdit aux organisations syndicales d'inciter les femmes à porter plainte et à les représenter pour obtenir justice. Or, comment le gouvernement peut-il, dans le préambule de la loi, affirmer que le Parlement estime que les femmes du secteur public fédéral devraient recevoir un salaire égal pour l'exécution d'un travail de valeur équivalente et affirmer aussi qu'il reconnaît qu'il est souhaitable d'atteindre cet objectif de façon proactive, tout en proposant un pareil encadrement législatif?
En conséquence, nous allons demander au gouvernement de retirer ces dispositions particulières sur l'équité salariale pour la fonction publique fédérale et de s'inscrire dans l'élaboration d'une réelle loi proactive en matière d'équité salariale, au bénéfice de tous les salariés régis par le Code canadien du travail.
Je vous remercie.
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Je tiens à préciser une chose. Je représente ici ETCOF et pas la Société canadienne des postes dont je suis l'avocat. Cependant, je m'inspirerai du cas de la Société canadienne des postes.
Dans toutes les unités de négociation de la SCP — à l'exception du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes —, comme l'Alliance de la fonction publique qui représente nos cols blancs, l'Association des officiers des postes du Canada qui représente nos superviseurs, et l'Association canadienne des maîtres de poste et adjoints, qui représente les maîtres de poste ruraux, nous nous sommes entendus, avant l'étape de la négociation collective, sur un plan d'évaluation des emplois à partir des mêmes critères que ceux énoncés à l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, critères qui se retrouvent aussi dans la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public. Il s'agit des qualifications, de l'effort nécessaire, des responsabilités et des conditions de travail. Nous nous sommes entendus, avant l'étape de la négociation collective, sur un plan non sexiste et avons établi les valeurs relatives des emplois représentés par ces unités de négociation.
C'est ensuite qu'intervient la négociation collective lors de laquelle on espère que les parties parviennent à s'entendre sur les salaires et les avantages à consentir aux employés syndiqués. Je pense que cette formule a relativement bien fonctionné.
Ainsi donc, la mise en oeuvre du principe d'une rémunération égale pour un travail de valeur égale passe par le processus de la négociation collective. C'est ainsi que ça fonctionne, du moins dans notre milieu.
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La loi québécoise, à l'origine, était l'une des lois les plus englobantes au Canada. Elle couvrait les secteurs public et privé. Elle comportait cependant un certain nombre d'ambiguïtés. En effet, quelques années après son adoption, environ 50 p. 100 des entreprises n'avaient toujours pas appliqué le processus d'équité. Une deuxième chance a été accordée à ces entreprises. Par contre, dans le cas où elles n'exécuteraient pas leurs obligations, le projet de loi prévoit des pénalités. C'est quand même une amélioration.
À mon avis, le projet de loi a eu aussi le mérite de clarifier le concept de maintien de l'équité salariale. C'est une chose que d'établir un droit, mais encore faut-il s'assurer, compte tenu que c'est un droit fondamental, qu'il est maintenu au fil des ans. Dans ce sens, un certain nombre de balises mises à la disposition des parties étaient tout à fait pertinentes. C'est vraiment un résumé très bref des avancées, mais concernant la question que vous avez posée à l'intervenant précédent, je peux vous dire que le projet de loi québécois n'a jamais ramené l'équité au niveau des éléments négociables.
Nous voulons que l'élaboration de l'équité salariale, quand un syndicat est en présence, soit un processus participatif. Il n'y a aucun doute là-dessus. Ce n'est pas une science exacte. On veut que l'élaboration des programmes d'évaluation soit exempte de biais sexistes, mais il faut tenir compte de l'appréciation des parties. Par contre, il y a une différence fondamentale: si les parties ne s'entendent pas pour dire que c'est pleinement respectueux du droit des femmes, il est toujours possible de s'en remettre à un tiers. On ne laisse pas le rapport de force ou des considérations strictement financières régler la question.
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Merci, madame la présidente.
Mesdames, messieurs, je vous remercie d'être parmi nous.
Monsieur Olsen, en vous écoutant et en écoutant par la suite Mmes Casara et Carbonneau, je n'ai pas pu m'empêcher de constater à quel point vos points de vue respectifs divergeaient. Pourtant, Mme Casara travaille dans le milieu bancaire. C'est aussi un domaine que vous couvrez, si je ne m'abuse, puisque environ 30 p. 100 des employés auxquels vous êtes liés proviennent des banques. Pourtant, la façon dont Mme Casara perçoit les dispositions sur l'équité salariale, telles que précisées dans le projet de loi C-10, est totalement différente de la vôtre.
J'aimerais vous faire remarquer qu'à Postes Canada, des travailleuses se battent depuis 26 ans pour obtenir l'équité salariale, justement parce que cette question n'étant pas négociée, elles n'obtiennent jamais de règlement. Mme Casara dit que les syndicats ne devraient pas être responsables de l'échec ou du succès des négociations portant sur cette question, puisqu'il s'agit d'un droit. C'en est un, en effet. Mmes Casara et Carbonneau sont syndicalistes.
Comment expliquez-vous que vos déclarations divergent autant des leurs? À mon avis, ce n'est pas dû au fait que vous êtes un homme, mais plutôt au fait que vous êtes un employeur.
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Le régime prévu par l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne n'est pas proactif, puisqu'il dépend du dépôt d'une plainte. Je crois savoir qu'en général les syndicats se sont prévalus du processus de plainte. C'est très certainement le cas chez les grands employeurs d'ETCOF, puisque les syndicats ont déposé des plaintes en soutenant que leurs membres ou certains groupes à dominante féminine effectuaient un travail d'égale valeur, par rapport à des groupes à dominante masculine au sein de leur propre syndicat ou d'une autre unité de négociation au sein de la même organisation, ce qui, selon eux, occasionnait un écart salarial.
En général, c'est alors la Commission des droits de la personne qui fait enquête. Elle encourage les parties à s'entendre sur un plan d'évaluation des emplois dont la commission pourra se servir. Dans notre cas, les négociations à cet égard ont échoué dès les débuts. Nous ne sommes pas parvenus à nous entendre sur le plan d'évaluation des emplois qui nous aurait permis de mesurer le travail effectué parce qu'en vertu de la loi vous êtes par exemple censés examiner les qualifications, les efforts nécessaires, les responsabilités et les conditions de travail. De nombreux plans qui se présentaient sous la forme de gabarits dans les premières années, comme le plan Hay, ne comportaient aucun critère concernant les conditions de travail. C'est à ce moment-là qu'ont été rédigées les lignes directrices découlant de la Loi canadienne sur les droits de la personne; il s'agissait d'atténuer l'importance relative des conditions de travail, parce qu'on aurait sinon risqué de tirer vers le bas l'évaluation des emplois masculins, surtout dans les usines.
Nous ne sommes donc pas parvenus à nous entendre. Il est très subjectif d'évaluer le travail d'un ouvrier d'usine, qui effectue des quarts répartis sur 24 heures, et de comparer le résultat au travail d'un employé de bureau, si tant il est qu'on puisse faire la comparaison. En règle générale, il faut donc négocier les critères. Tout cela peut sembler scientifique, mais le fait d'essayer d'évaluer ces deux types d'emplois n'a rien de scientifique. La personne qui représente les employés de bureau, les cols blancs, veut accorder moins d'importance aux conditions de travail, parce que sinon on accorde trop de valeur au travail des hommes et des femmes qui se relayent, 24 heures sur 24, sur le plancher de l'usine. Ce n'est pas un processus facile, mais si on parvient à s'entendre sur les critères, il faut ensuite faire un sondage auprès des gens. Toute la question consiste alors à savoir quelle doit être l'ampleur de ce sondage, s'il doit être conduit auprès de tous les employés et si l'on dispose des bons groupes pour faire les comparaisons. Doit-on effectuer un recensement de tous les travailleurs de l'organisation? Le syndicat peut-il choisir à sa guise?
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Merci, madame la présidente.
Merci à vous tous de vous être déplacés. J'apprécie que vous soyez venus faire part de ces renseignements au comité.
J'ai beaucoup de questions, mais je vais essayer d'être brève et j'apprécierais que en vous fassiez autant dans vos réponses.
Ma première question s'adresse à M. Olsen et à M. Farrell, mais très certainement aussi à Mmes Carbonneau et Casara, si elles veulent ajouter quelque chose, ce dont je serai ravie.
L'une des choses qui me préoccupent pour l'instant, c'est la façon dont fonctionne la négociation collective. Nous entendons régulièrement dire que l'équité salariale devrait faire partie de la négociation collective, mais les syndicats ont clairement affirmé que l'équité salariale est un droit humain défini par les Nations Unies. Il s'agit aussi d'un droit de la personne selon l'ACDI. Or, un droit humain n'est pas négociable.
Si nous permettons que l'équité salariale soit négociée dans le cadre de la négociation collective, cela ne reviendrait-il pas à négocier un droit humain? Dans le cadre d'une négociation collective, on discute de rémunération, d'avantages, de retraites et de ce genre de choses. Comment peut-on envisager de lier un droit humain à ces différents aspects?
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J'aimerais tenter de clarifier le débat en parlant de l'expérience québécoise.
D'une part, jamais les organisations syndicales n'ont soutenu que le processus de plainte était adéquat. On l'a combattu non pas pour se diriger vers la négociation, mais pour revendiquer une loi proactive. Au Québec, on a connu les deux régimes. Je reviens au secteur public. Tant qu'il n'y avait pas de loi proactive, on faisait ce qu'on pouvait avec les négociations. La loi proactive a représenté une différence de deux milliards de dollars pour ces femmes. Cela démontre qu'en négociation, on arrive parfois à corriger certains aspects, mais ce n'est pas vrai qu'on atteint pleinement le droit d'équité salariale.
D'autre part, à propos de la responsabilité des syndicats, une loi proactive force les deux parties à assumer leurs responsabilités. On peut formuler des plaintes à un syndicat qui refuserait d'agir, qui agirait de mauvaise foi, qui ne répondrait pas à ses responsabilités. Mais ce qu'on retrouve actuellement dans la loi fédérale, c'est autre chose. On rend le syndicat responsable du paiement des salaires. C'est très différent de condamner un syndicat qui refuserait de faire correctement son travail, de lui donner une amende, de le contraindre et de l'amener à penser qu'il doit payer les salaires.
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L'employeur est tenu de négocier avec ses syndicats pour régler toutes les questions relatives à la rémunération ainsi que l'ensemble des conditions de travail. Cette loi est proactive en ce sens qu'elle impose au syndicat et à l'employeur de parler tous deux des questions d'équité salariale avant d'entamer la négociation pour que ces aspects soient bien cernés d'avance. Les écarts sont définis de sorte que tout le monde sache exactement ce qu'il en est. Puis, quand les parties se retrouvent à la table des négociations, elles peuvent faire de leur mieux pour éliminer ces disparités salariales entre les hommes et les femmes qui effectuent un travail de valeur égale.
Cela peut prendre un certain temps, mais il s'agit d'une approche proactive parce que les deux parties doivent élaborer la stratégie ensemble. Elles peuvent s'entendre sur les principes à appliquer par la suite. Elles peuvent mettre le plan en oeuvre et, avec le temps, parvenir à réduire l'écart salarial entre les hommes et les femmes. C'est ainsi qu'on règle les questions concernant les salaires et les avantages en milieu syndiqué. Il faut donc confier aux deux parties la responsabilité de gérer ce processus.
À l'heure actuelle, en vertu de la responsabilité bilatérale, l'employeur doit négocier de bonne foi avec les syndicats, mais arrivé au terme du processus, le syndicat a son mot à dire relativement à la façon dont doit être répartie la rémunération et il peut influencer la distribution des salaires.
La négociation collective est un processus très complexe et il peut arriver qu'un règlement soit influencé par la menace de grève que le syndicat fait planer. En fin de compte, c'est le syndicat qui se retrouve à répartir les gains réalisés à la table des négociations entre ses membres. Nous disons alors que le syndicat est responsable de veiller à ce que les gains obtenus grâce à la négociation collective servent à régler les problèmes d'iniquité salariale, entre autres choses.
Nous espérons que cette loi imposera la responsabilité de définir le problème, d'élaborer un plan et de résoudre les difficultés constatées, à la fois aux syndicats et aux employeurs. C'est essentiellement pour cette raison que les employeurs sont favorables à cette loi, c'est parce qu'elle propose un mécanisme véritablement proactif en vertu duquel les deux parties qui s'entendent sur les salaires et les conditions, ont un devoir de résultats, plutôt que l'employeur seul.
Merci.
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Dans les deux cas, c'est un processus participatif. Cependant, pour ce qui est de la loi québécoise, les syndicats ont effectivement une démarche à faire de façon proactive avec les employeurs. En même temps, et c'est fondamental, du moment où il y a une divergence d'opinions, un doute sur le fait que cela répond au droit fondamental des femmes, on peut toujours interpeller un tiers et demander une décision qui échappe aux simples lois du marché. Disons-le comme ça. À mon avis, c'est l'aspect le plus fondamental.
Ensuite, la loi québécoise définit une certain nombre de balises qui concordent avec la documentation internationale. Par exemple, quand on veut déterminer quels sont les emplois féminins, la loi québécoise stipule que dès l'instant où il y a au-delà de 40 p. 100 de femmes dans une profession, ce sont des emplois où il y a une forte possibilité de discrimination fondée sur le sexe. La loi fédérale parle de 70 p. 100: on exclut déjà un très grand nombre de femmes.
D'autre part, la loi fédérale fait aussi en sorte que les syndicats sont amenés à payer une partie des salaires, ce qui n'existe absolument pas dans la loi québécoise. Dans la loi québécoise, il y a des devoirs et des responsabilités qui relèvent du comité d'équité salariale, composé de représentants d'employeurs, de femmes, de travailleurs et de syndicats. Ces gens peuvent être poursuivis s'il assument mal leurs responsabilités, mais en aucun cas, on ne leur demandera de payer les salaires manquants. Je dirais que c'est une différence assez fondamentale.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je tiens à préciser, pour mémoire, qu'il est important de ne pas juger les témoins sur leur sexe, peu importe que ce soit des hommes ou des femmes. Il est important que nous tenions compte de ce qu'ils nous disent.
Il est également important que tout ce débat ne se transforme pas en argumentation politique, parce que nous perdrions de la crédibilité. Quand on entend des choses du genre « le gouvernement fait passer les femmes au broyeur » ou « le gouvernement se préoccupe peu du sort des femmes », j'estime, pour ma part, que cela appartient à un discours politicien. Je suis conservatrice et je représente un gouvernement qui croit dans l'égalité entre les hommes et les femmes.
M. Olsen pourrait-il poursuivre ce qu'il a commencé à dire à propos des aspects que négocient normalement les syndicats. Vous avez parlé de l'ensemble des ressources qui entrent en jeu. Sur tout cela, lesquelles sont négociées en fonction d'une responsabilité commune entre l'employeur et le syndicat?