Les membres de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités et moi-même vous remercions de nous donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
La FCFDU est une organisation non partisane autofinancée qui compte plus de 10 000 membres diplômées et étudiantes dans 118 clubs partout au Canada. Nous travaillons à faire progresser les droits fondamentaux des femmes et l'éducation dans le monde. La fédération est une organisation de femmes à but non lucratif qui fait la promotion de l'égalité des droits des femmes par l'entremise d'éducation juridique, de recherche et de promotion de la réforme du droit.
Notre préoccupation aujourd'hui entourant la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public part du fait qu'elle a été présentée dans le cadre du budget de 2009. Le Parlement n'a pas pu examiner la loi indépendamment du budget. Puisqu'elle vise à changer la loi existante sur l'équité salariale pour la fonction publique fédérale sans l'appui des syndicats et des groupes de femmes, il y a lieu de s'inquiéter.
Je vais énumérer certains sujets de préoccupation particuliers concernant la loi proprement dite.
Tout d'abord, la loi utilise l'expression « équité dans la rémunération » au lieu d'« équité salariale ». Ces expressions ne sont pas équivalentes. L'équité salariale est un droit fondamental de la personne incorporé dans la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L'équité dans la rémunération n'est pas définie dans la loi. Le concept juridique de l'« équité dans la rémunération » n'a pas été éprouvé par la législation nationale et internationale en matière de droits de la personne.
De plus, la loi vise à changer les critères généralement acceptés qui sont utilisés pour établir si un emploi occupé par une femme a la même valeur qu'un emploi occupé par un homme en insérant les mots « forces du marché » dans les évaluations. Quand ces mêmes forces du marché engendrent l'inégalité salariale au départ, il est malavisé de les inclure dans la loi en affirmant assurer une rémunération équitable.
La loi représente une marginalisation délibérée du rapport de 2004 du groupe de travail sur l'équité salariale. En 2001, un groupe de travail fédéral sur l'équité salariale a été créé. Après un examen approfondi et des consultations avec les intervenants, le groupe de travail a formulé des recommandations pour obtenir un nouveau système d'équité salariale proactif qui comprenait une commission et un tribunal de l'équité salariale. Ces recommandations ont été largement appuyées par les syndicats, les groupes de défense des femmes et les employeurs. Il est consternant de voir le travail qu'on a fait et le consensus qui s'est dégagé par l'entremise de ce processus qui est maintenant mis de côté au profit des dispositions rétrogrades de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public.
Cette loi sème la confusion entre la rémunération équitable négociée et une mesure législative proactive sur l'équité salariale. Par exemple, le 25 février 2009, l'honorable Vic Toews, président du Conseil du Trésor, a répondu à une question qui lui a été posée en Chambre en disant ceci: « Nous suivons simplement les recommandations du groupe de travail libéral qui, en 2004, a déclaré qu'il fallait une mesure législative proactive sur l'équité salariale ». C'est une déclaration trompeuse.
On a comparé la nouvelle loi aux recommandations faites par le groupe de travail. Dans son rapport, il recommande explicitement que le processus pour atteindre l'équité salariale soit distinct de celui pour négocier les conventions collectives. La nouvelle loi rend les syndicats et les employeurs responsables conjointement de la rémunération équitable, même si les syndicats ne peuvent pas savoir si les deniers publics sont dépensés équitablement pour offrir une compensation aux femmes qui travaillent dans la fonction publique.
De même, conformément à la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, la rémunération équitable figure parmi les points à discuter en même temps que d'autres questions de négociations collectives, plutôt que d'être traitée séparément, comme c'est le cas au Manitoba. Cela veut dire que le droit de ne pas faire l'objet de discrimination fondée sur le sexe au chapitre de la rémunération pourrait être sacrifié dans les négociations parce que d'autres questions revêtent une plus grande importance aux yeux de l'employeur ou du syndicat.
La loi renferme une disposition qui supprime le droit des fonctionnaires de déposer des plaintes relatives à l'équité salariale auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, ce qui a pour effet d'éliminer l'équité salariale en tant que droit fondamental des employés du gouvernement fédéral. La loi impose une amende de 50 000 $ à tout syndicat qui encouragerait ou aiderait un membre à déposer une plainte, même si conformément au Code canadien du travail, les syndicats sont tenus par la loi de représenter tous leurs membres, y compris les femmes. L'approche individualiste de la loi pose de sérieux problèmes, car, par définition, les plaintes en matière d'équité salariale sont des plaintes collectives sur des cas de discrimination systémique. De plus, empêcher les syndicats d'aider à la présentation de plaintes fera en sorte que les femmes syndiquées et non syndiquées ne disposeront pas de l'information concernant les taux de rémunération et les descriptions de poste et des ressources nécessaires pour déposer une plainte viable auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique.
La loi définit un « groupe à prédominance féminine » comme étant un groupe dont l'effectif comporte 70 p. 100 d'employés de sexe féminin. Il n'y a que ce groupe qui peut réclamer une rémunération équitable. C'est une définition rigide qui n'aide en rien les groupes d'emploi qui comptent entre 51 et 69 p. 100 de femmes au sein de leur effectif. La loi limite les comparaisons entre les groupes professionnels masculins et féminins, si bien qu'on peut seulement faire des comparaisons dans des secteurs précis de la fonction publique fédérale ou au sein d'organismes fédéraux, et non pas dans l'ensemble de la fonction publique.
La FCFDU et l'ANFC s'entendent pour dire qu'il y a des problèmes avec le régime d'équité salariale actuel. Il est long, complexe et souvent insensible aux besoins des femmes. La loi ne s'attaque toutefois pas à ces problèmes.
L'équité salariale est un droit fondamental que le Parlement doit protéger, affirmer et défendre, et qui se trouve dans des mesures législatives telles que la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui reconnaît l'équité salariale comme étant un droit depuis 1977. La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public présente un risque de faire un pas en arrière qui retirerait l'équité salariale des droits de la personne garantis.
Nous exhortons le comité à adopter les recommandations qui témoignent de l'urgence de protéger les travailleuses canadiennes des injustices fondamentales qui se trouvent dans la présente loi.
Merci beaucoup de l'occasion que vous m'avez donnée.
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Bonjour. Merci beaucoup de m'avoir invitée à comparaître.
Le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes,le FAEJ, est une organisation nationale à but non lucratif vouée à la promotion d'une égalité réelle pour les femmes et les filles au Canada par l'entremise de démarches légales, de recherches et d'éducation du public. Le FAEJ est intervenu dans plus de 150 affaires sur l'égalité réelle qui ont été entendues devant la Cour suprême et d'autres instances, et il est reconnu pour son expertise sur les injustices que subissent les femmes au Canada.
Dans le cadre de son engagement envers l'égalité réelle, il est essentiel que le FAEJ s'attaque aux injustices dont souffrent les femmes victimes de discrimination pour des raisons multiples et convergentes, que ce soit l'identité autochtone, la race, la pauvreté, l'invalidité, l'orientation sexuelle et la religion.
La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, ou la LERSP, est une grande source de préoccupation pour le FAEJ. Elle est une mesure législative rétrograde qui sape considérablement le droit fondamental des femmes qui travaillent dans la fonction publique de recevoir un salaire égal pour un travail d'égale valeur.
Avant de discuter des préoccupations du FAEJ au sujet de la loi, je vais insister brièvement sur l'importance de l'équité salariale pour obtenir vraiment l'égalité pour les femmes au Canada.
La disparité salariale entre les sexes demeure une réalité omniprésente pour les femmes partout au Canada. En moyenne, les femmes qui travaillent à temps plein touchent 71 p. 100 de ce que les hommes gagnent, les femmes de couleur, 68 p. 100, et les femmes autochtones, 46 p. 100; c'est alarmant. La discrimination salariale fondée sur le sexe déprécie les femmes et leur travail, et est étroitement liée à d'autres formes de discrimination à l'égard des femmes en matière d'emploi, y compris la ségrégation professionnelle, les obstacles à l'avancement, le harcèlement sexuel et l'emploi à temps partiel involontaire, de sorte que la participation des femmes sur le marché du travail se caractérise par des inégalités.
L'iniquité salariale exacerbe la vulnérabilité des femmes, notamment en augmentant leur dépendance financière envers les hommes, même dans des situations où elles sont à risque d'abus ou de violence.
La discrimination salariale se traduit par de la discrimination au chapitre des pensions et des prestations d'invalidité. L'équité salariale est importante pour les femmes autochtones, les jeunes femmes et les plus âgées, les immigrantes, les femmes handicapées, et celles qui sont victimes de discrimination fondée sur la race et le sexe, car elles occupent souvent les emplois les moins rémunérés, où les salaires sont les plus touchés par les stéréotypes.
Comme Susan Russell l'a dit, le droit des femmes à l'équité salariale se trouve dans la Loi canadienne sur les droits de la personne depuis 32 ans. La Cour suprême du Canada a affirmé à maintes reprises que les droits de la personne ont un statut quasi constitutionnel au Canada. Les droits des femmes de ne pas faire l'objet de discrimination salariale au travail et de recevoir un salaire égal pour un travail d'égale valeur sont aussi garantis par l'article 15 de la charte, soit la garantie de l'égalité des droits.
Dans l'affaire NAPE de 2004, la Cour suprême du Canada a jugé que l'annulation des rajustements au titre de l'équité salariale violait les droits à l'égalité énoncés à l'article 15, mais en l'espèce, elle a confirmé la violation. De nombreux instruments internationaux ratifiés par le Canada reconnaissent aussi l'équité salariale — et nous insistons sur l'expression « équité salariale », puisque « rémunération équitable » est une nouvelle expression — comme étant un droit fondamental de la personne. Il est question ici entre autres de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels et des conventions no 100 sur l'égalité de rémunération et no 111 sur la discrimination de l'Organisation internationale du Travail. Les conventions de l'OIT ont été ratifiées par le Canada en 1951 et en 1958 respectivement.
D'après le FAEJ, la LERSP n'est pas conforme aux obligations et aux engagements législatifs, constitutionnels et internationaux envers le droit à l'égalité réelle des femmes. Le comité a entendu plusieurs témoignages de syndicats et d'experts qui ont décrit en détail les façons dont la LERSP supprime, au lieu de faire avancer, le droit à l'égalité, le droit à l'équité salariale pour les fonctionnaires.
Le FAEJ renvoie aussi le comité à la lettre ouverte du 26 février 2009 adressée à Stephen Harper qui a été signée, entre autres, par 12 lauréats du Prix du gouverneur général en commémoration de l'affaire « personne ». La lettre a également été signée par un de nos témoins d'aujourd'hui, Margot Young. J'en ai remis des copies à la greffière, mais vous ne les avez pas devant vous aujourd'hui car la lettre n'est pas traduite.
Le FAEJ appuie les analyses soumises au comité jusqu'à présent qui indiquent que la loi va à l'encontre des droits législatifs et constitutionnels à l'égalité des femmes, et ce, pour diverses raisons. Premièrement, la loi traite l'équité salariale comme étant une question de relations de travail dans les négociations collectives, par opposition à un droit de la personne indépendant. Deuxièmement, aux termes de la loi, l'évaluation de la rémunération équitable est conditionnelle aux forces du marché, qui sont profondément influencées par les préjugés liés au genre et sous-estiment le travail des femmes, problèmes que les lois en matière d'équité salariale sont censés remettre en question et surmonter. Troisièmement, la loi réduit le droit à l'équité salariale en limitant sa portée et en restreignant les comparaisons entre les groupes professionnels d'hommes et de femmes. Et quatrièmement, parce qu'elle fait de l'équité salariale une responsabilité conjointe du syndicat et de l'employeur, la loi ne tient pas compte du fait que le gouvernement a le dernier mot lorsqu'il s'agit de délier les cordons de la bourse pour fixer les taux de rémunération, et elle décharge le gouvernement de la responsabilité ultime de créer un lieu de travail exempt de discrimination salariale et d'autres types de discrimination.
La loi fait également fi de l'impuissance systémique et relative des groupes d'emploi à prédominance féminine dans le processus de négociation collective. Même si des syndicats ont bel et bien réussi à faire des gains au titre de l'équité salariale pour leurs membres, les droits à l'équité salariale des femmes risquent fortement d'être sacrifiés à la table des négociations.
Le FAEJ souhaite utiliser le reste de son temps pour se concentrer sur trois autres questions.
Premièrement, le FAEJ craint beaucoup que la loi retire un mécanisme efficace pour faire respecter les droits à l'équité salariale. Si on n'obtient pas l'équité salariale par l'entremise du processus de négociation collective, les travailleuses n'ont d'autre choix que de déposer une plainte individuelle à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, qui n'est pas une entité spécialisée en équité salariale. Faire des allégations d'iniquité salariale dans des catégories d'emploi est complexe et technique et requiert beaucoup d'informations sur les descriptions de poste et les taux de rémunération. Pourtant, aux termes de la loi, les plaignants ne reçoivent aucun soutien institutionnel ou autre pour instruire et défendre de telles allégations. Les syndicats sont passibles d'une amende de 50 000 $ s'ils aident ou encouragent leurs membres à présenter des plaintes. Par conséquent, pour les fonctionnaires, l'équité salariale est à toutes fins pratiques un droit considérablement réduit, et aucun recours n'existe.
Deuxièmement, le FAEJ s'inquiète des répercussions plus générales de la loi. Le gouvernement fédéral devrait assumer un rôle de chef de file pour faire progresser le dossier des droits fondamentaux des femmes. La loi semble plutôt être une série de mesures rétrogrades qui ont compris des réductions du financement accordé à Condition féminine Canada et l'élimination du Programme de contestation judiciaire. Ces mesures nuisent toutes à l'accès des femmes à la justice et à la capacité de défendre et de faire respecter leurs droits législatifs et constitutionnels à l'égalité.
Troisièmement, la LERSP s'applique à 278 000 employés de la fonction publique. Elle ne couvre pas les 840 000 emplois du service privé fédéral, qui continuent d'être visés par le régime fondé sur les plaintes de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Bien que le régime de la LCDP soit préférable à la LERSP, car elle donne à l'équité salariale le statut de droit indépendant et exécutoire, les problèmes du régime fondé sur les plaintes sont bien connus du comité.
Depuis 2004, les défenseurs de l'égalité, ce qui comprend le FAEJ, ont exercé des pressions pour que les recommandations du groupe de travail sur l'équité salariale soient mises en oeuvre en vue d'instaurer un régime d'équité salariale proactif. Avec la LERSP, nous avons maintenant deux régimes fédéraux, et aucun des deux n'est proactif ni n'obtient l'équité salariale pour les femmes. Le gouvernement fédéral a dit être résolu à obtenir l'équité salariale. Si c'est en fait son intention — et nous présumons que c'est le cas —, il devra adopter un seul régime d'équité salarial proactif et conforme aux recommandations du groupe de travail sur l'équité salariale.
De même, nous demandons au comité de formuler des recommandations qui s'inscrivent dans la même veine.
Merci beaucoup.
Je suis professeure agrégée à la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique où j'enseigne la recherche, principalement dans le domaine de la loi constitutionnelle et plus particulièrement en ce qui concerne les questions relatives à l’égalité des femmes, à la justice sociale et au droit et à la pauvreté.
Je veux commencer aujourd’hui par ce qui sera, à mon avis, une inévitable conclusion de cette nouvelle loi, à savoir que sur le plan pratique, la loi est contradictoire. Elle ne vise pas à concrétiser ce que le gouvernement a utilisé dans sa promotion et son interprétation de la loi. Elle ne constitue pas une amélioration du système actuel d’application d'équité salariale qui est déjà défectueux. En termes de proactivité ou d’application plus efficace, c’est plus un pas en arrière qu’un pas en avant.
Je pense aussi que la loi est idéologiquement très claire. Il s’agit clairement d’une minimisation d’un droit d’égalité essentiel pour les femmes, un droit internationalement reconnu et que l’on a essayé de faire appliquer depuis des décennies. C’est aussi une consécration de la marchéisation des enjeux. Cela survient à un moment où nous savons déjà très bien que le capitalisme de marché néo-libéral que représente ce genre de changement politique et législatif a posé indiscutablement un très grave problème au niveau de la gouvernance et de la justice économiques et sociales.
La loi individualise un problème à l’origine systémique avec pour résultat un mépris total et un refus de reconnaître des décennies de dur labeur visant l'établissement de l’égalité des femmes dans le marché du travail. Je souligne également l’importance critique de l’égalité dans le marché du travail dans le contexte de l’égalité économique, sociale et des droits civiques des femmes dans la société canadienne.
Par cette introduction, je veux commencer à parler de questions plus précises que soulève la loi, mais je vais le faire dans le contexte de trois larges observations.
La première observation porte sur l’inégalité et la marginalisation persistantes des femmes, surtout celles de groupes de femmes importants dans la société canadienne dont ont parlé d’autres témoins — les femmes des minorités visibles, les femmes handicapées et les femmes autochtones. Le rôle que devrait jouer le gouvernement pour éliminer cette inégalité est aussi important pour considérer des particularités de la législation fédérale en matière d'équité salariale dans le secteur public.
La deuxième observation, que je voudrais voir comme toile de fond à mes commentaires plus détaillés, porte sur la référence aux obligations nationales et internationales du Canada au plan de l’égalité des femmes et en particulier à l’importance de l'équité salariale dans le contexte de l’égalité réelle des femmes que confirment divers documents juridiques et quasi juridiques à l’échelon international et national.
La dernière large observation est qu’il y a longtemps que l'équité salariale est reconnue comme étant un droit, et ce, sans avoir suscité de controverse. La recevabilité d’une revendication ou d’une question en tant que droit signifie qu’il faudra trouver des solutions législatives et gouvernementales à un certain nombre de problèmes précis. J’espère, au fil de mes observations particulières, souligner la façon dont l’interprétation officielle de l'équité salariale en tant que droit est en contradiction avec les détails pratiques de la nouvelle loi.
D’abord, permettez-moi de situer ce moment dans l’historique de l'équité salariale ou dans celui de l’égalité en matière d’emploi au Canada. Je veux commencer en vous rappelant le rapport déposé par Rosalie Abella en 1984, le rapport de la Commission royale sur l’égalité en matière d’emploi qui avait le mandat d’analyser les moyens les plus efficaces, productifs et équitables de favoriser l’égalité en matière d’emploi des femmes, des Autochtones, des personnes handicapées et des minorités visibles.
Au début de son rapport, Mme Abella déclare que l’égalité en matière d’emploi pour les femmes signifie plusieurs choses. À la page quatre du rapport, elle écrit que cette égalité signifie prendre au sérieux les femmes qui travaillent, reconnaître leurs qualités professionnelles et non supposer que leur place et leurs intérêts sont en dehors du milieu de travail. Elle ajoute que cela implique le recrutement actif des femmes dans le plus large éventail possible de possibilités d'emploi, y compris un salaire égal pour l’exécution d’un travail de valeur égale, une évaluation équitable en vue d'une promotion, la participation à l'élaboration des politiques, des services de garderie accessibles, des congés parentaux payés et des prestations de retraite égales. Vous constaterez que l'équité salariale occupe une place centrale dans la liste établie par Mme Abella.
Je vous rappelle que la garantie d’équité salariale pour les femmes est un élément important de ce qui est requis pour l’égalité en matière d’emploi. J’ajoute que l’équité salariale n’est évidemment pas le seul élément requis et que nous devons situer la préoccupation que suscite en nous l’équité salariale dans le contexte plus large d’autres enjeux tout aussi importants pour l'établissement de l’égalité des femmes en matière d’emploi. Je souligne la question des services de garderie qui, je le sais, a déjà été examinée par le comité.
À l'époque où elle a écrit son rapport, Mme Abella a dit que la situation concernant l’équité salariale était inquiétante et nécessitait l’instauration d’une politique radicale pour concrétiser le principe du salaire égal pour l’exécution d’un travail de valeur égale. Elle a fait remarquer que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne s’applique qu’à seulement 11 p. 100 de la main-d’œuvre canadienne et que son application dans les provinces et dans le secteur privé de tout le pays était limitée.
Aujourd’hui, en ce qui concerne le principe du salaire égal pour l’exécution d’un travail de valeur égale, la situation n’est pas très différente de celle décrite par Mme Abella dans son rapport. Il y a un manque flagrant d’attention de la part des gouvernement fédéral et provinciaux pour assurer l’égalité des femmes dans le marché du travail.
Cela me mène, bien sûr, au plus récent développement au niveau fédéral, c’est-à-dire la Loi sur l'équité dans la rémunération. J’ai plusieurs observations à faire au sujet de cette loi, des particularités dans les modifications législatives qui sont assez troublantes et qui risquent de compromettre le statut de l’équité salariale en tant que droit des Canadiennes.
Je commence par ce que deux autres témoins ont aussi souligné, soit que les critères des modifications législatives apportées à l'équité dans la rémunération rejoignent les critères énoncés dans l’article 11 de la Loi sur les droits de la personne, mais, et c’est important, y est ajouté le fait que les conditions du marché seront aussi considérées pour déterminer s’il y a ou non équité salariale. L’adoption des critères des employeurs, des besoins en recrutement et d’autres considérations liées au marché sape totalement l’engagement visant à assurer aux femmes un salaire égal pour un travail d’égale valeur. Comme d’autres témoins qui se sont présentés aujourd’hui — et je suis sûre à toutes vos audiences — l’ont souligné, l'évaluation des particularités qui ont abouti à la situation discriminatoire qu'il faut d’abord et avant tout remédier est visiblement si problématique qu'elle indique une intention manifeste de nuire à la réalisation de l’équité salariale pour les femmes. Les particuliers qui occupent un poste faisant partie d’un groupe d’emploi à rémunération inéquitable comptent parmi les personnes très vulnérables dans le marché et sont les plus vulnérables dans les forces du marché. En fait, ce genre de référence au marché ne sert qu'à renforcer la discrimination fondée sur le sexe et pas à l’éliminer.
Je porte à l’attention du comité un parallèle intéressant dans l’élaboration de la loi sur les droits de la personne en Colombie-Britannique...
:
Bonjour aux témoins présents ici aujourd'hui. Merci de vos commentaires.
Il y a tellement de questions qui me viennent à l'idée que je ne sais pratiquement pas par où commencer. Vous avez tous mentionné que cela fait des décennies qu'on travaille sur l'équité salariale pour les femmes. Et selon les statistiques, les femmes font encore aujourd'hui entre 46 p. 100 et 71 p. 100 du salaire des hommes, même après des décennies de travail. C'est inquiétant.
Mme Young a fait mention de la responsabilité internationale. Le Canada est souvent un exemple à suivre en raison de sa Constitution qui est étudiée de par le monde. Et on devrait continuer d'être un exemple.
Cependant, madame Young, vous avez souligné que ce n'est justement pas le cas, compte tenu des changements apportés à la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public. De plus, vous vous demandez, sur la base du rapport de Mme Abella publié en 1984, si les femmes sont considérées sérieusement, comme des travailleurs.
J'aimerais que vous approfondissiez ce sujet. Croyez-vous justement que les femmes sont sérieusement perçues comme les égales des hommes sur le plan du travail?
[Traduction]
Je vous ai entendu dire qu’elles n’étaient pas prises au sérieux au travail.
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Je commence et je suis sûre, Margot, que vous aurez quelque chose à ajouter.
Il est, d'une certaine façon, difficile de répondre à cette question, car qu’entendons-nous par responsabilité et pouvoir? De façon générale, nous assumons tous un rôle et une responsabilité. Les syndicats ont un rôle à jouer, le gouvernement et les employeurs aussi, mais la question est de savoir comment ces rôles sont élaborés et structurés?
Le rôle du gouvernement est d’édicter des lois qui s’appuient sur les droits avec, selon l’avis du FAEJ, un organisme composé d’experts pour régler les questions liées à l’équité salariale. Cet organisme aurait les ressources nécessaires et les pouvoirs de traiter les plaintes et de participer à la solution des problèmes et à l’élaboration de plans d’équité salariale, etc.
L’employeur et les employés, ou le syndicat, doivent assumer un rôle et des responsabilités pour collaborer de bonne foi à l’élaboration de plans d’équité salariale, mais dans le cadre législatif similaire au régime d’équité salariale…
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Merci, madame la présidente.
Mesdames, merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui
Madame Russell, vous êtes toujours avec l'Association nationale Femmes et Droit, malgré le fait que cette association ait dû fermer ses portes par suite des coupes de Condition féminine Canada. Félicitations de continuer comme bénévole, c'est remarquable. On a besoin de femmes comme vous pour défendre les droits des femmes.
Madame Birenbaum, le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, le FAEJ, est-il subventionné par Condition féminine Canada?
Vous avez parlé de l'érosion du droit à un salaire égal pour un travail d'égale valeur. Quelque chose m'inquiète beaucoup à ce sujet, madame Birenbaum. Il s'agit de l'amende de 50 000 $ que les syndicats auront à payer s'ils veulent défendre une employée qui se trouve à être vexée par l'actuelle loi. Alors, cette employée n'a aucun recours pour faire valoir ses droits. Comme on n'a plus le Programme de contestation judiciaire, cette personne se retrouve absolument isolée et démunie quand vient le temps de faire valoir ses droits. Que vaut une négociation collective si on ne peut pas prendre la défense des personnes qui sont en négociation collective?
Il y a en outre autre chose qui m'inquiète beaucoup. Le Tribunal canadien des droits de la personne a utilisé le même langage et les mêmes politiques dans ses récentes décisions. Par exemple, aujourd'hui, je lisais dans l'Ottawa Citizen que depuis 30 ans, le gouvernement agissait avec discrimination envers un groupe de femmes infirmières qui étaient des conseillères médicales beaucoup plus que des infirmières. Or, 18 mois après que le gouvernement fédéral eut été trouvé coupable de discrimination envers ces femmes, le Tribunal canadien des droits de la personne a dit à ces femmes que, malgré le fait qu'il les croyait, qu'il savait qu'elles avaient raison, il pensait devoir demander au gouvernement de créer un sous-groupe d'infirmières, qui sont des conseillères médicales, dans les 60 jours suivants, moyennant des niveaux salariaux devant être déterminés par négociation collective.
Ça m'a coupé les deux bras! Comment se fait-il que le Tribunal canadien des droits de la personne emprunte aussi ce langage qu'utilise le gouvernement pour ce qui est de la nouvelle loi?
Il y a 840 000 personnes qui ne sont pas visées par la loi, et leurs cas aussi devront être étudiés par le Tribunal canadien des droits de la personne pendant encore combien d'années? Tout ça m'inquiète énormément.
Quelle est votre principale perception par rapport à tout ce qui se passe — et non seulement par rapport aux différents événements qui se sont produits récemment? On voit une érosion non seulement sur le plan du salaire, mais à tous les égards. Aussi, je veux savoir ce que vous en pensez.
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Merci beaucoup, madame la présidente. Je remercie les témoins d'être ici.
Avant de vous poser une question, je pense qu'il est important de clarifier certaines choses que vous avez dites. Le présent gouvernement a, en fait, augmenté le financement de Condition féminine Canada d'environ 42 p. 100. Nous avons quelque peu redirigé le financement. Nous voulons nous assurer qu'il a des répercussions directes sur les femmes.
Je vais vous donner un exemple dont nous venons tout juste de prendre connaissance. Nous venons de terminer une étude sur les prestations d'AE et nous avons découvert qu'en 2000, certains travaux de recherche ont été faits pour savoir si les femmes pourraient profiter du fait que les travailleurs autonomes puissent recevoir des prestations de paternité et de maternité. Cette étude et cette recherche ont été effectués en 2000, et le gouvernement de l'heure n'a rien fait. Nous avons été élus en 2006. Nous avons immédiatement examiné cette question, mis sur pied un groupe de travail et nous allons régler cette question.
L'autre domaine dans lequel nous avons vraiment agi est celui des droits en matière de biens immobiliers matrimoniaux dans le cas des femmes autochtones. Je pense qu'il est nécessaire de préciser que nous avons augmenté les fonds, mais nous ne voulons pas que cet argent soit accaparé par des tonnes d'études. Malgré tout le respect et l'admiration que nous avons pour les groupes d'universitaires, notre but et notre objectif ne sont pas de financer les groupes d'universitaires ni de nous assurer que des emplois sont créés pour ces derniers. Notre objectif est de nous assurer que les fonds profitent directement aux femmes et aident les femmes sur le terrain. Je pense qu'il est important de clarifier cela.
Je vais maintenant vous poser une question, madame Birenbaum. En vertu du programme de contestation judiciaire, on nous a dit que certains groupes ont dû attendre 18 ans. Certaines femmes ont passé des années et des années devant les tribunaux à répondre à des questions et à subir des difficultés très grandes. Pouvez-vous me dire, en tant qu'avocate, combien de temps un conseiller juridique pourrait inscrire sur sa facture? Combien d'heures un conseiller juridique pourrait-il facturer en vertu du programme de contestation judiciaire dans le cas d'une affaire qui traîne devant les tribunaux pendant 18 ans?
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Je suis enchanté de participer à ce débat; je suppose que cela dépasse les questions et réponses.
Vous m'excuserez si je glisse une question quasi idéologique dans la mesure où elle fait suite à la question posée par un des députés du côté gouvernemental en ce qui concerne le rôle des syndicats.
Comme ma collègue, Mme Neuville, l'a dit, évidemment, s'il y a déjà une contestation de la loi devant les tribunaux, il semblerait que nous nous éloignions de l'idée de tenir les syndicats et d'autres organismes publics et privés responsables des lacunes en matière de parité, d'égalité, que ce soit au niveau des conditions de travail, ou au niveau du salaire, ou simplement, de façon générale, au niveau de la loi.
Mais peut-on réaliser cela? Pouvons-nous travailler à la création d'un système de rémunération qui tienne compte de la totalité des sommes déboursées pour le public — dans le cas présent, non seulement pour les femmes, mais également pour ceux et celles qui croient vraiment dans l'égalité — sans qu'il y ait un rôle fédéral par le biais du programme de contestation judiciaire qui appuie toute contestation devant les tribunaux au moyen d'un texte législatif qui violerait ces principes, peu importe l'origine de la violation?
Je pose cette question d'abord à Mme Birenbaum, je suppose, et ensuite à Mme Young ou à Mme Russell.
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Merci, madame la présidente.
Comme je l'ai probablement répété à chacune des séances que nous avons tenues sur cette question particulière, je crois en toute sincérité que nous visons tous et toutes le même objectif. Nous avons peut-être une autre optique pour ce qui est de la façon de l'atteindre. Je veux souligner que le gouvernement s'intéresse sincèrement à la question.
Je sais que la démocratie n'est pas toujours efficace, mais je crois également qu'il faut adopter une approche pragmatique pour faire bouger les choses. À mon avis, si on veut que l'équité devienne omniprésente, on doit commencer par l'intégrer partout. On ne peut pas se contenter du savoir-faire d'un groupe d'experts qui doit consacrer plusieurs années à l'étude du dossier. On doit acquérir des compétences et un savoir-faire à la grandeur du Canada relativement aux questions d'équité salariale. Je crois en fait qu'on peut y arriver.
J'aimerais m'attarder sur deux questions particulières, et j'ai une petite question à poser à Mme Birenbaum.
Vous avez parlé des femmes autochtones par rapport aux hommes. Je sais que les Autochtones, dans leur ensemble, font face à des défis de taille au chapitre de l'emploi. Avez-vous des statistiques sur les femmes autochtones comparativement aux hommes autochtones, c'est-à-dire ce dont vous avez parlé tout à l'heure? Si non, ce serait bien aimable de votre part si vous pouviez voir à ce qu'on obtienne ces chiffres.
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En effet, mais ce serait quand même intéressant.
J'ai travaillé sur le terrain avec des collectivités autochtones dans le secteur des soins de santé, entre autres; je vais donc utiliser un exemple concernant les forces du marché, et vous pourriez peut-être m'expliquer pourquoi vous ne souscrivez pas à cette notion.
Les soins infirmiers constituent une profession habituellement à dominance féminine. Il y a des infirmières dans notre système du gouvernement fédéral. Supposons qu'on s'engage dans un processus de classification. On décide de passer par tout le processus, et les physiothérapeutes, qui comptent une proportion, disons, égale d'hommes et de femmes, finissent par être classés dans la même catégorie — c'est un peu hypothétique. Les physiothérapeutes et les infirmières se trouvent donc dans la même catégorie. Toutefois, les infirmières sont en pénurie. Elles partent massivement vers les États-Unis ou ailleurs dans le monde; quant aux physiothérapeutes, il n'y a pas de pénurie. Dans cet exemple, il s'agit d'examiner les femmes dans une profession à prédominance féminine. Si on ne tient pas compte des forces du marché, ne seront-elles pas indûment désavantagées?
Les forces du marché constituent, à mon sens, une notion logique et, encore une fois, je vais utiliser l'exemple des infirmières. Dans ce cas, la demande pour les infirmières serait à la hausse, et ce serait tout à leur avantage. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
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Merci, madame la présidente.
Quand j'ai vu ce projet de loi, les deux bras m'en sont tombés. Car c'est effectivement un recul majeur et important pour les femmes qui se sont battues depuis des dizaines d'années pour bâtir une culture canadienne et québécoise qui fasse en sorte qu'enfin on respecte ce droit fondamental des femmes.
J'ai négocié des conventions collectives pendant plus de 27 ans, à une époque où il n'y avait pas de loi en matière d'équité salariale et où c'était le rapport de forces dans les usines qui faisait qu'on négociait des salaires. Souvent, ça créait des écarts et des injustices. Aussi, lorsque la loi a été promulguée au Québec ou au palier fédéral, ça nous a amenés à travailler ensemble — employeurs, employés et syndicats — pour vraiment mettre en application la Loi sur l'équité salariale et réduire cette iniquité. Des centaines de conventions collectives ont été réglées, ont fait l'objet de l'application de la Loi sur l'équité salariale sans que soit donné un sou à des avocats. C'est quand même quelque chose d'important. C'était donc un radical changement de culture.
Selon vous, quels seront les impacts de cette loi sur les femmes? Ça menace en effet le droit d'équité, mais ça menace aussi d'autres droits. Je vous entendais parler de l'assurance-emploi. Si les écarts grandissent, les femmes auront moins que les hommes.
En ce qui concerne les régimes de retraite, y aura-t-il aussi des impacts selon vous? J'aimerais vous entendre quant aux impacts défavorables à l'égard des femmes sur plusieurs éléments dans notre société.
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C'est une bonne question. Il y a plusieurs réponses, et je vais vous en donner deux.
Tout d'abord, le modèle que vous proposez comporte une fausse dichotomie. Vous laissez entendre que, sauf dans la mesure où l'équité salariale est inscrite dans le processus de négociation collective, le syndicat ne peut intervenir. Ce n'est tout simplement pas le cas, et ce n'est d'ailleurs pas ce qui est proposé par le Groupe de travail sur l'équité salariale. Ce qu'on propose, c'est un processus distinct — qui peut probablement contribuer au processus de convention collective, mais c'est un processus à part dans le cadre duquel le syndicat prend un engagement avec l'employeur pour ce qui est de l'équité salariale.
C'est la première réponse. La deuxième préoccupation, comme divers membres des groupes patronaux l'ont indiqué au comité — peu importe s'il s'agit d'une description exacte de la négociation collective ou si cela s'applique à tous les milieux de travail —, c'est qu'à la table de négociation, les employeurs disposent d'un certain montant qu'ils peuvent consacrer au processus de négociation collective, et ils considèrent que le syndicat a pour rôle de distribuer ces prestations.
Cela suppose manifestement que le syndicat doit choisir entre le fait de ne rien attribuer à l'équité salariale ou peut-être seulement 5 p. 100 de ce à quoi les femmes ont droit. Le syndicat est donc forcé de faire des compromis dans le cadre du processus ou de brader des droits fondamentaux de la personne. Il y a aussi le risque que les travailleurs au sein des mêmes unités de négociation s'en prennent les uns aux autres, sans respecter les droits de la personne.
Je propose que:
Que le Comité permanent de la condition féminine demande au Parlement de soutenir les femmes autochtones qui vivent dans les réserves. Qu’en cas de divorce ou de rupture d’une union de fait, les femmes qui vivent dans les réserves bénéficient des mêmes droits et des mêmes protections que toutes les autres canadiennes.
J'estime qu'il est important que notre comité présente cette question au Parlement pour faire passer un message très clair selon lequel nous voulons que cette question soit réglée rapidement. Je pense qu'il faut le faire sans tarder.
Je peux vous en parler d'après mon expérience personnelle avec des femmes dans ma circonscription qui vivent dans les réserves. On a beau faire l'autruche relativement à cette question, mais le fait est que si une femme est en désaccord avec son ex-conjoint et que ce dernier a peut-être un membre de la famille au sein du leadership, la femme est parfois punie parce qu'elle n'est pas apparentée aux bonnes personnes.
Je trouve qu'il est tout simplement atroce que ces femmes n'aient pas les mêmes droits que toutes les autres Canadiennes. Je pense que nous avons l'obligation de donner voix au chapitre à ces femmes parce qu'elles ne peuvent vraiment pas se faire entendre.
Selon moi, il est important de reconnaître que ce ne sont pas toutes les organisations officielles qui défendent l'ensemble des femmes. Lorsque nous avons des femmes autochtones qui souffrent, nous savons évidemment qu'elles ne sont pas protégées. Par analogie, c'est comme si on disait qu'il est légal de battre une femme vivant dans les réserves; si c'était le cas, nous ne manquerions pas de dénoncer cette situation grotesque et nous ferions tout pour y mettre fin.
Oui, nous voulons que les Autochtones trouvent leurs propres solutions, des solutions adaptées à leur culture, mais à la base, nous devons établir des règles claires qui montrent que ce n'est pas juste que les femmes et les hommes vivant dans les réserves n'aient pas les mêmes droits de propriété en cas de rupture d'une union.
Si nous adoptons cette motion, je pense que nous indiquerons clairement au Parlement que nous voulons que les femmes aient les mêmes droits que le reste des Canadiens. Je pense que nous ferons également passer un message aux Canadiennes. Beaucoup d'entre elles se trouvent dans d'autres situations où elles sont vulnérables, et je pense que nous avons besoin de dire que nous sommes à leur écoute. Les différents groupes et organisations jouent certes un rôle important, mais nous devons également entendre les femmes qui ne sont peut-être pas représentées par les groupes et les organisations.
Encore une fois, je parle au nom des femmes qui viennent me voir pour me dire qu'elles n'ont pas voix au chapitre. Elles ont l'impression que personne n'est là pour les aider. C'est, malheureusement, la façon dont certains des systèmes sont établis.
Voilà pourquoi je propose cette motion. Je pense qu'il est important que nous l'adoptions et la présentions au Parlement.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Je pense que tout le monde à notre comité s'entend pour dire qu'il est important pour les femmes autochtones vivant dans des réserves d'avoir recours à leurs droits aux biens immobiliers matrimoniaux.
Toutefois, j'ai beaucoup d'inquiétudes à l'égard de cette motion. Je pense que c'est un effort pour faire de façon détournée ce qu'on pourrait faire ouvertement.
Je connais les femmes dans votre circonscription qui ont rencontré le problème. Je me suis entretenue avec elles dans mon propre salon. Je leur ai fourni des couches et d'autres commodités dont elles avaient besoin. Alors, je connais bien leur situation.
Mais je ne peux pas appuyer cette motion. Je ne pense pas qu'il nous incombe, à titre non-Autochtones, de dire aux collectivités autochtones comment elles devraient résoudre leurs problèmes. Par conséquent, madame la présidente, je propose un amendement, et j'ai les photocopies en main. Je vais lire le libellé aux fins du compte rendu:
Que le Comité demande au gouvernement de soutenir les femmes autochtones habitant en réserve en menant, comme il en a le devoir légal, des consultations auprès des personnes touchées par une rupture de mariage. Ces consultations doivent englober les femmes et les familles, les collectivités, les associations régionales et les organisations nationales autochtones. Elles doivent trouver à la question des biens immobiliers matrimoniaux une solution qui réponde aux besoins de tous les intéressés.
Et je vais vous en parler, madame la présidente...
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais dire que, selon moi, une partie du problème réside dans le fait que les représentants du parti au pouvoir qui siègent actuellement au comité, à l'exception de vous, madame la présidente, ne faisaient pas partie du comité lorsqu'il a mené une enquête très poussée sur les droits relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux. Nous avons invité des groupes et des membres des premières nations et nous avons, en fait, rédigé un rapport très approfondi.
Ce qui est ressorti clairement du rapport et des consultations, c'est que les hommes et les femmes des premières nations demandaient que le modèle ne soit pas fondé sur les lois provinciales, le modèle provincial qui fait partie de la mesure législative dont la Chambre des communes est saisie. Étant donné que l'APN, les Chiefs of Ontario et l'Association des femmes autochtones du Canada ont communiqué avec nous — je sais qu'ils ont communiqué avec plusieurs d'entre nous —, nous savons qu'ils sont très préoccupés par ce dont la Chambre est saisie en ce moment. Nous devrions les appuyer et respecter ce qu'ils nous ont dit à propos du genre de processus qu'ils désirent.
Le processus a été présenté aux membres des premières nations de manière précipitée. Malheureusement, la chef Grant-John n'a eu que trois mois environ pour consulter 643 collectivités. Les consultations ont leur propre rythme et, si l'on veut qu'elles soient respectueuses, elles doivent durer un certain temps et elles doivent être menées d'une manière qui respecte la façon dont la collectivité fonctionne.
Dans cette optique, j'appuierais la motion modifiée que Mme Neville a présentée, parce que je crois qu'elle essaie de faire précisément ce qui devrait être fait, à savoir rencontrer les premières nations sur leur terrain de manière respectueuse.
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Je dois faire attention de ne pas m'emporter à ce sujet parce que je rencontre des femmes et fais affaire avec elles quotidiennement. Je suis désolée, mais si ce n'est pas un exemple de politique partisane au détriment des femmes, je ne sais pas ce qui en constitue un.
Madame Demers, j'ai peut-être mal compris ou peut-être qu'il y a eu une erreur de traduction, mais lorsque vous dites que les femmes autochtones n'ont pas besoin des mêmes droits que nous avons, je ne suis pas d'accord, et je pense que nous nous livrons à des jeux politiques au détriment des femmes autochtones. Si l'idée ne plaît peut-être pas à certains chefs, c'est parce que cela leur retire entièrement le pouvoir et le remet entre les mains des femmes de la base.
Et vous savez quoi, chers collègues — amis —, vous pouvez affirmer que le gouvernement a l'obligation de le faire... C'est le Parlement; nous avons tous l'obligation de régler cette question.
Anita, vous le voyez également. Vous avez dit que vous remarquiez les femmes qui souffrent. À tout le moins, je sais que notre législation... Nous ne voulons pas commencer à débattre la législation actuelle. Mais nous devons appuyer cette motion afin que les Autochtones puissent ensuite élaborer certains programmes qui fonctionnent au sein de leur collectivité et qui sont culturellement appropriés. Je suis totalement d'accord avec cela.
J'ai vécu dans une réserve des premières nations pendant plus de trois ans. Mes enfants sont allés à l'école dans une réserve des premières nations. Ces gens sont toujours mes amis. Ils souffrent, et si vous pensez que ces groupes parlent en leur nom, vous vous trompez.
Nous sommes ici pour défendre ceux qui n'ont pas voix au chapitre. Donc, s'il est possible de faire adopter au moins une loi de base quelconque afin qu'ils puissent se prévaloir de droits relatifs aux biens immobiliers, nous nous devons de le faire. Cette solution est-elle parfaite? Non, elle ne l'est pas parce que nous voulons nous assurer qu'elle est culturellement appropriée. Cependant, nous devons mettre quelque chose en place. C'est pourquoi ma motion indique que j'exhorte le Parlement, parce que je compte sur la collaboration de tous. Je m'arrêterai là.
Merci.
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Madame la présidente, je pense qu'on doit toutes et tous se calmer un peu.
La semaine dernière, quand est venu le temps de voter, quand on en a discuté à la Chambre, j'étais moi-même d'accord pour que ça aille en comité et qu'on puisse en discuter.
J'ai alors reçu un coup de téléphone de Mme Beverley Jacobs et un autre de Mme Gabriel. Elles ne comprenaient pas comment on pouvait appuyer un tel projet de loi, alors qu'elles-mêmes n'avaient pas été consultées. Ce sont des femmes qui représentent des milliers de femmes autochtones. C'est faux de dire qu'elles ne représentent pas des milliers de femmes autochtones parce qu'elles représentent des groupes...
Chaque année, je participe à leur rencontre, à leur assemblée générale. Les femmes qui y participent proviennent de tous les peuples autochtones, et elles discutent de leurs besoins.
Si elles nous informent aujourd'hui de leur désir d'avoir des consultations, et nous disent que, pour elles, ce n'est pas suffisant d'avoir un projet de loi qui a été bâclé, c'est parce que ce projet de loi ne tient pas compte de leurs besoins spécifiques. C'est ça, le problème. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas que les femmes autochtones aient des droits, c'est parce qu'il faut que ces droits tiennent compte de leurs besoins spécifiques.
Le projet de loi, ainsi qu'il était, n'en tenait pas compte. C'est ça, le plus grand drame de ce projet de loi: il ne tenait pas compte de leurs besoins spécifiques.
On devait avoir une séance de breffage avec le ministre, M. Strahl, et à deux reprises, cela a été annulé. Je pense qu'il y a aussi un manque de bonne volonté.
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Madame la présidente, je veux complimenter tous les membres assis à la table. Même les nouveaux venus peuvent constater que c'est une question qui leur tient à coeur.
Mme Hoeppner a beaucoup de mérite d'avoir prononcé un plaidoyer passionné afin d'obtenir l'appui de ses collègues à cet égard, mais vous me pardonnerez si je vous indique que ce qui est proposé est vraiment une question de procédure. À la Chambre, le gouvernement propose et le Parlement dispose. Le Parlement a examiné la proposition du gouvernement et l'a refusée.
Je pense que les comités — et peut-être pourriez-vous demander à la greffière de faire des recherches à ce sujet — peuvent formuler des recommandations dans leurs rapports, mais je ne suis pas certain qu'ils peuvent, à l'aide d'une motion, obliger le Parlement ou la Chambre à faire quoi que ce soit.
Donc, bien qu'exprimer votre point de vue et votre position soit louable, je pense que vous constaterez qu'il est impossible de le faire compte tenu de la procédure. À moins que quelqu'un veuille déclarer que nous désirons que cela fasse partie des recommandations du rapport — ce n'est pas ce que la motion stipule en ce moment —, et le rapport au complet sera alors recommandé à la Chambre qui devra répondre dans le délai habituel de 120 jours, je ne pense pas que, selon la procédure, le comité puisse usurper l'autorité du gouvernement en demandant au Parlement de s'imposer une décision que le gouvernement devra ensuite mettre en oeuvre.
Comme je l'ai dit, bien que je salue le principe derrière l'idée, je pense que, du point de vue de la procédure, cette approche pourrait avoir du mal à faire adopter quoi que ce soit. Je pense qu'en fin de compte, la motion sera jugée irrecevable à la Chambre.
Il vaut mieux procéder à l'adoption d'un amendement à la motion — peu importe la nature et le nombre des sous-amendements requis — qui énonce toujours le principe et demande au gouvernement et à la Chambre de trouver une autre solution ou, à tout le moins, de régler les contraintes de procédure que le débat à la Chambre a signalées à l'égard de la loi initiale.
C'est mon opinion.