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La séance est ouverte. Bonjour à vous tous.
Je voudrais, tout d'abord, remercier les témoins de leur présence parmi nous ce matin. Comme vous le savez, nous nous réunissons aujourd'hui dans le cadre de notre étude de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public. Nous avons prévu environ quatre semaines pour examiner cette question.
Lorsque nous recevons des témoins — d'ailleurs, je tiens à vous remercier d'avoir accepté de venir, avec relativement peu de préavis — ils ont 10 minutes pour faire un exposé liminaire. Vous êtes trois groupes ce matin.
Celles d'entre vous qui représentez le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier pourrez décider vous-mêmes comment vous désirez répartir vos 10 minutes. Ensuite, nous aurons un exposé de 10 minutes de la part des représentantes du Congrès du travail du Canada, qui seront suivies de Marie-Thérèse Chicha, qui comparaît à titre personnel, et qui disposera également de 10 minutes.
Cela fait 30 minutes en tout, et nous ouvrirons ensuite la période des questions. Les questions sont posées dans un ordre particulier. Je tiens à vous rappeler, ainsi qu'à tous les membres du comité, que le temps imparti pour les questions comprend également les réponses.
Merci beaucoup. Madame Pageau, vous avez la parole.
Le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier est heureux de pouvoir comparaître devant le Comité permanent de la condition féminine afin de se prononcer sur cette question.
Le SCEP est l'un des plus importants syndicats du secteur privé au Canada, puisqu'il représente 130 000 travailleuses et travailleurs occupant une grande diversité d'emplois à l'échelle du Canada, notamment dans le secteur privé et le secteur parapublic, comme les travailleuses et travailleurs des médias, du secteur de la chimie et de l'énergie, des pâtes et papiers ainsi que des télécommunications.
Le SCEP possède une longue expérience en matière de défense des droits de la personne de ses membres, ainsi qu'un intérêt marqué pour les questions liées à l'équité salariale. Nous avons été le premier syndicat à prendre des initiatives syndicales-patronales en matière d'équité salariale dans plusieurs compagnies de téléphone privées et publiques canadiennes dont l'une a nécessité plus de 15 ans à résoudre.
Le SCEP apprécie la possibilité de pouvoir présenter ses commentaires au Comité permanent de la condition féminine. Notre objectif est de parvenir à une structure salariale équitable pour les femmes et les hommes dans les milieux de travail au Canada et de vous expliquer à quel point à loi actuelle est inéquitable et discriminatoire. Cette loi ne permet d'aucune façon d'atteindre l'équité salariale pour les femmes du Canada.
L'iniquité salariale fondée sur le sexe est une question de droits. Elle est le résultat d'une discrimination systémique dans les perceptions sociales de la valeur du travail traditionnellement accompli par les femmes. Par conséquent, considérer l'équité salariale comme une question syndicale à examiner à la table des négociations n'est pas seulement préjudiciable, mais reflète aussi une mauvaise interprétation de la nature de l'iniquité salariale. L'équité salariale doit demeurer une question de droits et ne doit pas faire partie d'un programme de négociation collective.
Il existe plusieurs raisons pour lesquelles une interprétation de l'équité salariale comme simple aspect du droit du travail ou de l'emploi doit être évitée. Premièrement, l'interpréter de cette façon mine l'engagement international du Canada envers les droits de la personne, notamment envers le principe d'un salaire égal pour un travail équivalent. Dans un contexte de travail, les droits de la personne sont primordiaux et les parties ne peuvent se dégager des obligations légales à cet égard. Imposer l'équité salariale dans le cadre d'un processus de négociation collective et hors du processus de respect des droits de la personne entraînerait le risque de perdre ou d'éroder les gains accomplis en matière d'équité salariale pour les femmes. Les droits des groupes défavorisés et des minorités ne devraient jamais être assujettis aux caprices de la majorité.
Deuxièmement, inclure l'équité salariale comme question à régler dans le contexte de négociations collectives consiste à ignorer la nature systémique et globale de l'iniquité salariale. La discrimination systémique se reflète non seulement dans l'organisation du travail, mais également dans la structure et la force des unités de négociation et des syndicats. Les unités de négociation à prédominance féminine peuvent susciter la reproduction de modèles et de perceptions, ou encore la ségrégation fondée sur le sexe et la sous-évaluation du travail. Cela mène à un déséquilibre intrinsèque du pouvoir, bien que parfois inconscient, à la table de négociation, et mine ainsi les principes que l'équité salariale tente de promouvoir.
Le SCEP prône un modèle de loi sur l'équité salariale complet et instauré en collaboration, pour tous les milieux de travail, tant du secteur privé que public. Bien que le SCEP estime que les gens devraient disposer d'un mécanisme de dépôt des plaintes, il reconnaît qu'un système axé sur les plaintes ne suffit pas à assurer la conformité aux principes d'équité salariale. Le SCEP envisage plutôt un projet d'équité salariale plus proactif. Ce projet obligerait les employeurs à examiner les structures salariales des organisations et à remédier aux pratiques salariales discriminatoires.
Toutefois, le SCEP est d'avis qu'un système de vérification aiderait à assurer le respect d'une démarche plus proactive de l'équité salariale. Des vérifications doivent être menées de façon complète et uniforme pour assurer la continuité de l'équité salariale à l'échelle de la fonction publique fédérale. En outre, les employeurs doivent disposer de délais réalistes et précis pour la mise en oeuvre de structures salariales équitables et le versement des indemnités relatives aux pratiques discriminatoires antérieures.
Le SCEP considère que l'équité salariale n'est pas une procédure de recours ponctuelle et que l'équité salariale au travail doit être examinée régulièrement afin de s'assurer que les employeurs la respectent, peu importe le climat économique et social qui peut nuire, par inadvertance, aux initiatives en cours en matière d'équité salariale.
L'idée est que les concepts d'équité salariale ne sont pas stagnants; ils fluctuent selon l'évolution de la notion d'égalité et les tendances émergentes en milieu de travail.
Le SCEP préconise une plus grande participation des syndicats afin de s'assurer que l'objectif d'équité salariale est atteint au travail. Il faut souligner qu'une plus grande participation syndicale n'équivaut pas à une responsabilité syndicale sur le plan de la rémunération. Les employeurs versent des salaires et sont les seuls responsables des pratiques de rémunération non discriminatoires. Le déséquilibre du pouvoir inhérent à la relation patronale-syndicale et le fait que, en fin de compte, ce sont les employeurs qui détiennent les cordons de la bourse, empêchent les syndicats d'être responsables de l'équité salariale — ce qui correspond au mandat de défense de structures salariales équitables du syndicat. De plus, l'orientation de la loi qui est actuellement en vigueur, qui tient les employeurs uniquement responsables des différences salariales discriminatoires, ne doit pas être modifiée.
Finalement, nos téléphonistes ont subi 15 ans de manoeuvres de la part de leurs employeurs en raison d'une loi inadéquate. Le SCEP a lutté pendant longtemps et avec acharnement pour procurer l'équité salariale à 4 700 femmes téléphonistes dont près de 18 p. 100 sont décédées avant même de recevoir leur dû.
Nous savons tous et toutes ce qui doit être fait. Comme vous le savez tous et toutes, le Groupe de travail sur l'équité salariale a abondamment étudié la question. Il y a plusieurs années, près de 200 personnes ont fait des exposés oraux et 60 mémoires écrits ont été soumis par des groupes de toutes les régions du pays. Il y a eu cinq tables rondes avec des groupes représentant une grande diversité de personnes intéressées; et le Groupe de travail a étudié les lois proactives sur l'équité salariale de plusieurs provinces du Canada afin de relever les pratiques exemplaires. Ce gouvernement n'a pas besoin de réinventer la roue sur la question.
Je demande donc au gouvernement du Canada, plutôt que de mettre en application cette épouvantable loi régressive, d'intervenir et de faire ce qui est juste et aurait dû être fait depuis longtemps pour les femmes du Canada: mettre en application les recommandations du Groupe de travail sur l'équité salariale.
Merci.
Le Congrès du travail du Canada est très heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de faire cet exposé devant le Comité permanent de la condition féminine au sujet de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public.
Nous sommes extrêmement préoccupés par les conséquences de cette loi pour les travailleurs du secteur public et pour l'avenir de l'équité salariale au Canada. Le CTC s'intéresse vivement à la question de l'équité salariale depuis de nombreuses années. Nous avons participé pleinement aux consultations menées par le Groupe de travail sur l'équité salariale qui a donné lieu aux recommandations exhaustives déposées en mai 2004. Comme le comité le sait pertinemment, le Groupe de travail a proposé une série de mesures qui auraient transformé le régime fédéral d'équité salariale en un régime plus efficace et juste pour les femmes travaillant dans le secteur fédéral. Le comité a également fait un certain nombre de recommandations très importantes dans son rapport de 2005 intitulé « Aller de l'avant avec les recommandations du Groupe de travail sur l'équité salariale ».
Nous trouvons extrêmement malheureux que le gouvernement ait décidé de ne tenir aucun compte des recommandations ni du Groupe de travail sur l'équité salariale ni du Comité permanent de la condition féminine.
Le gouvernement prétend que l'actuel régime d'équité salariale dans la fonction publique fédérale est devenu inopérant. Nous sommes d'accord, mais nous estimons que la Loi fédérale sur l'équité salariale doit être rectifiée en adoptant le modèle législatif qui existe en Ontario ou au Québec dans ce domaine. La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public n'a rien à voir avec d'autres lois canadiennes sur l'équité salariale. Faire de l'équité salariale une question à régler dans le contexte de négociations collectives ne marchera pas, comme Gisèle vous l'a clairement fait remarquer, me semble-t-il.
En fait, nos syndicats préconisent une loi proactive sur l'équité salariale étant donné que, depuis des années, nous n'arrivons pas à faire inclure l'équité salariale dans les conventions collectives que nous négocions. Il y a deux ans seulement, les travailleurs des bibliothèques de plusieurs villes de la Colombie-Britannique ont fait grève sur la question de l'équité salariale. La Colombie-Britannique est l'une des seules provinces canadiennes à ne pas avoir adopté une loi pour imposer l'équité salariale, et voilà que les conservateurs fédéraux veulent justement nous ramener à ce type de régime, c'est-à-dire aucune loi proactive sur l'équité salariale.
Le gouvernement prétend que les femmes font face à de longs retards pour bénéficier des règlements conclus sur la question de l'équité salariale, et ce en raison de poursuites judiciaires qui sèment la discorde. Il ne fait aucun doute que les retards constituent une préoccupation majeure mais, en général, si les femmes ont été obligées d'attendre des années en vertu du régime actuel, c'est parce que les employeurs contestent les dispositions d'équité salariale et entament des poursuites contre les syndicats qui défendent les revendications de leurs membres en matière d'équité salariale. Le règlement fédéral dans ce domaine a été retardé pendant des années parce que le gouvernement fédéral s'est battu contre l'Alliance de la Fonction publique du Canada devant les tribunaux, en vue d'éviter d'accorder l'équité salariale aux fonctionnaires fédéraux. Le syndicat a finalement eu gain de cause devant les tribunaux.
De plus, bon nombre des plus longues batailles en matière d'équité salariale qui sont passées devant les tribunaux ont concerné des travailleurs du secteur privé et leurs syndicats qui se défendaient contre des employeurs qui ont préféré les traîner devant les tribunaux pour mettre fin à l'équité salariale. Par exemple, Gisèle vous parlait de Bell Canada et de la bataille menée par le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier pendant 15 ans. Entre Air Canada et le Syndicat canadien de la fonction publique, la bataille a duré 17 ans; et, entre Poste Canada et l'Alliance de la Fonction publique du Canada, elle a duré 25 ans. Mais, la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public ne s'applique qu'aux employés de la fonction publique fédérale. Les employés d'entreprises privées sous réglementation fédérale, où il y a eu tous ces retards, continueront d'être visés par l'ancien régime en matière d'équité salariale.
Comment cela peut-il être logique?
Le gouvernement décrit sa loi comme une loi proactive sur l'équité salariale, mais le fait de la décrire ainsi ne signifie pas qu'elle l'est réellement. Une loi proactive exige que les employeurs étudient leurs régimes de rémunération afin de s'assurer qu'ils offrent un salaire égal pour un travail de valeur égale. Dans les lois proactives sur l'équité salariale, les contestations liées à la rémunération et à l'équité ne sont pas déclenchées par les plaintes individuelles. Ces lois prévoient plutôt une approche structurelle.
Permettez-moi donc de vous l'expliquer un peu mieux. Les lois proactives imposent aux employeurs la responsabilité d'éliminer les salaires discriminatoires. Les lois proactives garantissent la participation du syndicat à la négociation de l'équité salariale dans un contexte tout à fait distinct de celui de la négociation collective régulière. Les lois proactives prévoient l'établissement de comparaisons relatives aux compétences, à l'effort et aux responsabilités exigés, de même qu'aux conditions de travail concernées. Les lois proactives ne font pas intervenir les mécanismes du marché en tant que facteur à prendre en compte, comme le fait la loi proposée par les conservateurs. Les lois proactives exigent que les employeurs créent un fonds distinct — correspondant habituellement à environ 1 p. 100 de la masse salariale chaque année — pour les règlements liés à l'équité salariale.
Les lois proactives créent un organe composé d'experts pour régler les questions liées à l'équité salariale, et cet organe est ensuite chargé d'aider les parties à s'entendre et à régler les différends. Or, la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public n'inclut aucun de ces éléments; je répète: aucun.
Les députés conservateurs répètent constamment que leur loi « donne suite aux principales recommandations du rapport de 2004 en créant un régime proactif et collaboratif ». Cette citation est tirée du Ottawa Citizen du 7 mars de cette année.
En réalité, la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public fait tout à fait le contraire de ce qui a été recommandé par le Groupe de travail.
D'ailleurs, il est important de connaître ces recommandations. L'une des recommandations se lit ainsi:
Bien qu'il existe des arguments en faveur de l'inclusion des lois sur l'équité salariale dans la catégorie des lois du travail ou des lois sur les droits de la personne, nous avons conclu qu'il faut les considérer comme des lois qui protègent les droits de la personne… Le problème de la discrimination salariale surgit, non pas en raison de leur statut de travailleurs, mais parce que ce sont des femmes. Le fait de caractériser une loi sur l'équité salariale comme une loi qui protège les droits de la personne reflète cette réalité, à notre avis.
Cette citation est tirée de la page 150 du rapport final du Groupe de travail fédéral sur l'équité salariale, paru en 2004.
La Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public transforme la Loi sur l'équité salariale en loi du travail. L'organe de contrôle est le Conseil des relations de travail dans la fonction publique, dont le rôle consiste à appliquer les lois du travail, mais qui n'a aucune expertise dans le domaine de l'équité salariale. Pour ces raisons et d'autres encore, le CTC — de même que les défenseurs de l'équité salariale et de l'égalité de l'ensemble du Canada — est extrêmement préoccupé, et nous considérons que la loi proposée par les conservateurs constitue une attaque contre l'équité salariale et le droit des femmes de travailler sans subir de discrimination salariale.
Nous vous avons fait distribuer des copies de notre rapport de recherche intitulé « Iniquité salariale: analyse de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public par le Congrès du travail du Canada » pour vous permettre d'en prendre connaissance. Cette analyse comprend une évaluation critique des exigences de la loi — entre autres, la nécessité de tenir compte des conditions du marché en procédant à l'examen de salaires équitables — de même qu'une analyse plus approfondie de nos préoccupations au sujet du rôle des syndicats et des pénalités qui peuvent leur être imposées du fait de défendre le droit à l'égalité de leurs membres. Nous avons également distribué le texte de l'exposé que nous avons fait sur la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public devant le Comité des finances en février de cette année.
Nous exhortons les membres du comité à continuer à insister auprès du gouvernement pour qu'il élabore une loi sur l'équité salariale réellement proactive qui s'appuie sur les recommandations du Groupe de travail sur l'équité salariale.
Je vous remercie.
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Je remercie beaucoup les membres du comité de m'avoir invitée à venir partager mes réflexions sur la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public.
Je suis Marie-Thérèse Chicha, professeure à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal. J'ai présidé le comité qui a préparé le projet ayant mené à la Loi sur l'équité salariale du Québec. J'ai également eu l'honneur d'être membre du groupe de travail fédéral qui a produit le rapport intitulé: « Équité salariale: une nouvelle approche à un droit fondamental ». Je suis ici en mon nom propre, je ne représente pas l'Université de Montréal. Je suis également experte en matière d'égalité, plus précisément en matière d'équité salariale, auprès de l'Organisation internationale du travail à Genève.
Mon objectif, c'est d'examiner quelques points saillants de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, à la lumière du problème que représente la discrimination salariale et de l'objectif qui est visé.
La discrimination salariale en fonction du sexe est le fait de ne pas verser une rémunération égale pour un travail de valeur égale en fonction du sexe. Ce principe est consacré par la Convention n° 100 de l'Organisation internationale du travail, qui a été adoptée en 1950. Ça fait donc déjà 59 ans que ce principe est reconnu au plan international. Ce n'est pas un problème nouveau, et on pourrait s'attendre, comme ça fait 59 ans que ce problème existe — et même peut-être depuis plus longtemps —, à ce qu'il soit résolu.
Or, ce que l'on constate, c'est qu'aujourd'hui, il y a encore un écart salarial important entre les hommes et les femmes. Le recensement de 2006 a montré que l'écart salarial entre les hommes et les femmes variait entre 72 p. 100 et 85 p. 100 selon l'âge, et que ce pourcentage changeait très lentement.
C'est donc vraiment étonnant, compte tenu des progrès énormes que les femmes ont faits sur les plans de l'éducation et de la non-interruption de leur présence sur le marché du travail, facteurs qui étaient pénalisants auparavant mais qui ne devraient plus l'être maintenant.
Alors, pourquoi cet écart persiste-t-il? C'est certainement en grande partie à cause de la discrimination salariale entre les emplois dits à prédominance féminine et les emplois à prédominance masculine.
Je pense qu'il serait important de brosser rapidement les causes de la discrimination salariale pour bien comprendre la nécessité d'une loi qui soit bien détaillée, bien précise et qui vise directement le problème.
La cause principale est l'invisibilité du travail des femmes. Dans les méthodes d'évaluation, dans les systèmes de rémunération, les caractéristiques des emplois féminins sont sous-estimées. Par exemple, on pense que dans les emplois féminins, il n'y a pas d'effort physique à faire, il n'y a pas de risque et il n'y a pas de danger. Par conséquent, lorsqu'on évalue et qu'on rémunère les femmes, on ne tient pas compte de tels facteurs.
On pense également que les exigences liées aux emplois féminins, comme les soins à donner aux enfants, l'empathie, les aptitudes aux relations interpersonnelles, sont des facteurs innés. Ils ne sont donc pas considérés lors de la rémunération.
Tous ces facteurs font en sorte que les emplois féminins sont sous-évalués et, par le fait même, sous-rémunérés. Ils sont sous-évalués parce que les méthodes d'évaluation qu'on utilise dans les entreprises sont des méthodes conçues pour des emplois plutôt masculins. Ils impliquent des responsabilités hiérarchiques ou du travail avec des équipements très sophistiqués, des équipements très lourds, des camions, des chariots, etc. Ces méthodes d'évaluation ne tiennent pas compte des caractéristiques des emplois de type féminin.
Si les méthodes d'évaluation sur lesquelles se basent les systèmes de rémunération sont elles-mêmes biaisées, il est évident que...
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Je résume donc un peu ce que je viens de dire. La visibilité des caractéristiques du travail féminin se répercute sur les méthodes d'évaluation utilisées dans les entreprises. Ces méthodes d'évaluation qui sont à la base des systèmes de rémunération vont donc amener à des salaires qui sont discriminatoires, qui sont inférieurs. L'équité salariale a été conçue pour remédier à ce problème.
Quel est le meilleur modèle d'application pour atteindre cette équité salariale? Plusieurs modèles ont été expérimentés. Le Canada est considéré, sur le plan international, comme un laboratoire de différents modèles d'équité salariale. On a commencé par un modèle fonctionnant par plainte, qui est le modèle actuel et qui était, en tout cas, le modèle de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Ce modèle, comme mes collègues viennent de le souligner, a été source de conflits. Lorsque les plaintes étaient déposées, les règlements survenaient peut-être 15 ou 20 ans plus tard. Plusieurs personnes n'ont jamais vu la couleur de l'argent, parce qu'elles étaient décédées lorsque la cause a été tranchée par les tribunaux. En fait, c'était un modèle inefficace et qui, finalement, ne rendait pas complètement justice. Il était aussi extrêmement coûteux. On peut se rappeler que la cause de l'Alliance de la fonction publique du Canada a coûté entre 3 et 4 milliards de dollars, incluant la rétroactivité qu'il fallait payer.
Face à ces coûts énormes du modèle par plainte, un certain nombre de provinces ont adopté ce qu'on appelle le modèle proactif. Il y a eu le Manitoba d'abord, ensuite l'Ontario, qui l'a étendu également au secteur privé, alors qu'au Manitoba, c'était étendu aux secteurs public et parapublic. Puis il y a eu le Québec, qui l'a étendu également au secteur privé. Le Québec a donc repris le modèle ontarien et l'a amélioré à partir de certaines...
Je vais simplement dire ce qu'est un modèle proactif. Le groupe de travail fédéral dont je fais partie a considéré ce modèle comme étant le plus efficace pour atteindre l'équité salariale. J'en ferai ressortir les points saillants. Ensuite, je le comparerai avec ce que la loi propose aujourd'hui.
Voici ces points saillants. Dans un modèle proactif, l'équité salariale est une obligation pour tous les employeurs, et c'est leur responsabilité de respecter l'équité salariale dans le milieu de travail. C'était la première caractéristique. Par opposition au modèle réactif, qui est basé sur le dépôt d'une plainte, le modèle proactif n'attend pas qu'il y ait une plainte pour voir au respect de l'équité salariale.
La deuxième caractéristique porte sur un échéancier précis. Lorsqu'il y a une plainte, on ne veut pas que cela prenne 20, 25 ou 30 ans avant le rétablissement de l'équité salariale. Un modèle proactif prévoit, comme l'a recommandé le groupe de travail, trois ans pour faire les travaux, pour déterminer quels sont les écarts salariaux, et trois ans pour payer ensuite les dédommagements aux personnes qui ont fait l'objet de la discrimination.
La troisième caractéristique, c'est que le groupe de travail prévoit un programme précis par étapes. Ce programme comprend la détermination de la prédominance des emplois, à savoir quels sont les emplois féminins et masculins qui doivent être comparés, quelle est la méthode d'évaluation que l'on choisira. Cette méthode d'évaluation doit toujours comprendre quatre facteurs, comme on l'a dit: les qualifications, les responsabilités, les conditions dans lesquelles le travail est accompli ainsi que les efforts. Je n'entrerai pas dans le détail de toutes les étapes, parce que vous avez tout cela dans votre volume, qui provient du groupe de travail.
Une autre caractéristique importante concerne la participation, la participation conjointe des salariés, de leur représentant et de l'employeur, au sein de ce qu'on appelle un comité d'équité salariale. Ce sont ces deux parties qui vont ensemble faire le programme, soit déterminer la meilleure méthode d'évaluation applicable au milieu de travail des salariés, déterminer la méthode de comparaison des salaires, et ainsi de suite. Ce n'est pas une négociation; c'est un travail conjoint au sein du comité d'équité salariale.
L'employeur a l'obligation de donner toute l'information nécessaire aux membres du comité pour qu'ils fassent leur travail. Il s'agit de l'information sur les salaires, sur l'ensemble des données nécessaires pour mesurer l'écart salarial et le corriger. C'est une obligation importante.
Le groupe de travail a également recommandé l'instauration d'une autorité indépendante, la Commission de l'équité salariale.
Je dirai rapidement quels sont les points de divergence. Un point de divergence majeur est que dans la loi, la réalisation de l'équité salariale fait partie de la négociation de conventions collectives. On ne peut pas inclure un droit fondamental dans les négociations d'une convention collective parce que lors de telles négociations, il y a des compromis à faire. On ne peut pas dire non plus qu'on va réduire la discrimination salariale de 5 p. 100 et qu'on va laisser 95 p. 100 parce qu'en échange, on va obtenir une réduction de la semaine de travail. Ce serait aussi absurde que de garder un peu de discrimination à l'égard des minorités visibles dans l'entreprise, en échange, par exemple, d'une réduction de la semaine de travail.
Un droit fondamental, un droit à l'égalité, ne peut pas être l'objet de compromis. S'il est inclus dans la négociation de conventions collectives, ça va donner lieu à des conflits interminables et on va revenir au point zéro, c'est-à-dire à 10 ans ou 20 ans de conflit.
Un des bénéfices de l'équité salariale mentionnés dans le modèle proactif est justement d'éviter les conflits. Ce modèle, qui fait état de tous les bénéfices de l'équité salariale, figure dans un des documents qu'on vous a distribués.
Je pourrai répondre aux questions plus tard.
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Il y a également la question de l'accès aux experts. On ne peut pas charger un organe qui ne connaît absolument rien à l'équité salariale de régler de telles questions. C'est très, très important. Lorsqu'une loi est proactive, c'est un expert qui en est chargé.
Je voudrais faire un bref commentaire au sujet de nos consoeurs du Québec.
Au cours des dernières années, le gouvernement du Québec a mené une étude sur sa loi sur l'équité salariale. Elle est en vigueur depuis une dizaine d'années. L'une des grandes préoccupations était l'attitude des employeurs qui disaient: « Si nous mettons en oeuvre un régime d'équité salariale, les entreprises devront fermer, les gens seront au chômage, et il vaudrait peut-être donc mieux verser un salaire légèrement inférieur aux femmes pour qu'elles puissent rester au travail. » Or l'étude menée au Québec a constaté tout à fait l'inverse. Les entreprises n'ont pas du tout fermé leurs portes. Elle a également permis de constater que, si les employeurs ne sont pas tenus de respecter les principes de l'équité salariale, 85 p. 100 d'entre eux ne le feront pas.
Ce sont donc des questions très importantes. Je recommande que nos consoeurs du Québec vous communiquent cette étude, car elle est vraiment excellente.
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Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup d'être de nouveau ici pour discuter d'un dossier qui un jour, peut-être prochainement, pourrait être réglé si on nous donne les moyens et les outils pour le faire. Dans la foulée de ce que disait ma collègue Mme Neville, je vais seulement vous citer ce que le gouvernement a déjà dit concernant l'ancien régime. Il disait alors que « L'actuel régime d'équité salariale fondé sur les plaintes a donné lieu à un processus long, coûteux et litigieux, qui ne tient pas compte des réalités du marché du travail canadien ».
J'aimerais savoir en quoi le nouveau régime améliore cette situation, si tel est le cas, et s'il aurait été plus facile de mettre en place un régime tel que ceux que l'on retrouve en Ontario et au Québec? On avait tout pour pouvoir le faire ici.
Je vais poser « la question qui tue ». Pourquoi le gouvernement ne s'est-il pas appuyé sur les nombreuses recommandations que vos organisations lui ont faites à maintes reprises? Connaissez-vous la raison? La nouvelle loi, telle qu'elle est actuellement, ne devient-elle pas incompatible avec les obligations et les engagements que le gouvernement du Canada a pris sur la scène internationale?
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Je voudrais revenir sur l'idée… À certains égards, nous pouvons nous réjouir du fait qu'on ne parle pas d'équité salariale, parce que ce que propose cette loi n'en est pas. Il est essentiel de bien comprendre cette réalité-là. C'est plutôt une loi sur l'iniquité salariale.
Pour en revenir à la situation d'une femme individuelle qui doit posséder les ressources nécessaires si elle veut se battre contre son employeur et aller jusqu'au bout du processus… Il est évident que nous ne parlons pas d'une situation où l'employeur et le syndicat se consultent en essayant de voir où il existe des inégalités. C'est une personne agissant seule, ou encore un groupe de personnes, qui doit prendre l'initiative. Ce n'est pas facile à faire. Par rapport aux différents dossiers dont nous vous avons parlé ce matin, combien de femmes, à votre avis, auraient été en mesure d'aller jusqu'au bout du processus? Voilà donc le premier élément.
Deuxièmement, l'aspect qui est particulièrement inadmissible — même s'il y en a beaucoup — c'est la nécessité d'établir une comparaison avec le marché. Mais, n'est-il pas vrai que c'est justement le marché qui a créé ce problème au départ? Le marché ne tient pas compte de la valeur d'un travail. Selon les lois du marché, si tel groupe de travailleurs est mal rémunéré, pourquoi un employeur voudrait-il offrir une meilleure rémunération à un autre groupe de personnes qui font un travail semblable? Donc, on décide que tous les travailleurs du secteur fédéral auront droit à tel taux salarial. On n'établit pas de comparaison avec ce que gagnent les hommes et la valeur de leur travail. On établit plutôt une comparaison avec les femmes qui travaillent dans le secteur privé — probablement non syndiquées — qui sont moins bien payées. Mais, ne vaudrait-il pas mieux relever le salaire de ces autres femmes, au lieu de réduire celui de tout le monde?
C'est quoi la motivation? Évidemment, je ne suis pas au courant…
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Je disais que le gouvernement respecte le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale. C'est un principe qui est tout à fait respecter par le gouvernement actuel. D'ailleurs, c'est la raison principale pour laquelle nous avons élaboré cette mesure, car il fallait actualiser le régime d'équité salariale axé sur les plaintes, qui était tout à fait dépassé.
Nous avons entendu parler de femmes qui, dans bien des cas, ont attendu 15 ans ou plus pour en arriver à un règlement. Vous-mêmes nous l'avez dit ce matin. Et nous voulons justement éviter cela. Nous voulons mettre fin à ce genre de choses.
C'est cette loi qui devait, à notre avis, permettre d'améliorer la situation des femmes. Nous voulons responsabiliser les parties. Aux termes de cette loi, l'employeur et le syndicat auraient la responsabilité de s'assurer que cela se concrétise, au lieu que ce soit uniquement l'employeur.
Je suis d'accord avec vous: quelle femme possède les ressources nécessaires pour aller jusqu'au bout de poursuites judiciaires conflictuelles qui dureraient 25 ans? Cette loi vise justement à éviter ce genre de choses.
Nous avons entendu beaucoup d'observations différentes ce matin et, madame Chicha, vous avez dit que le modèle actuel est inefficace et coûteux. Un modèle axé sur les plaintes ne peut donner de bons résultats. Nous avons donc proposé ce que nous considérons comme un modèle proactif. Il est certain que le Groupe de travail a recommandé l'adoption d'un modèle proactif.
Pourriez-vous donc réagir aux commentaires que je viens de faire ce matin? À votre avis, cette loi permettra-t-elle d'en arriver à un processus décisionnel plus rapide? Cela sera-t-il l'un des résultats de cette loi pour les femmes, pour leur éviter de subir de longues poursuites judiciaires qui leur coûtent si cher?
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Donc, vous me demandez si le modèle proposé dans la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public va corriger les problèmes du modèle fondé sur les plaintes, puisqu'il est considéré comme un modèle proactif.
Je dirais qu'il y a deux choses. D'abord, le groupe de travail sur l'équité salariale du gouvernement fédéral est parti du même constat selon lequel le modèle fondé sur les plaintes ne fonctionne pas. Donc, nous sommes d'accord sur le fait que ce modèle ne fonctionne pas. Le gouvernement propose un modèle proactif. Il y a plusieurs différences, mais je dirais qu'il y en a deux grandes, entre un modèle proactif et ce que la loi contient.
D'abord, un modèle proactif est un modèle détaillé, précis et qui va annuler l'une des causes de la longueur et du coût de ces plaintes, qui est la confusion au sujet des termes et de ce qu'est l'équité salariale. Dans un modèle proactif, l'article 130 de la loi du Québec, par exemple, détaille exactement les différentes étapes à franchir afin d'éviter le plus possible les conflits dans l'interprétation et, donc, les délais et les coûts. Or, cela n'est pas le cas dans la loi actuelle, qui ne donne pas de critères précis et qui, dans certains cas, sème vraiment la confusion au sujet de certaines données. On peut donc dire que c'est proactif, mais cela n'atteint pas les objectifs recherchés, en ce sens que cela ne va pas permettre d'éviter les problèmes d'interprétation ni la confusion. Il y a énormément de confusion dans cette loi.
Deuxièmement, le modèle proactif ne repose pas sur la négociation de conventions collectives. Or, ce modèle repose sur la négociation de conventions collectives. Sur ce plan, cela ne fera pas progresser les choses, parce qu'un droit fondamental, par essence, n'est pas sujet à négociation.
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Premièrement, en traitant la question de l'équité salariale en tant que telle, vous pourrez faire appel à des experts qui savent comment mener ce genre de négociations et qui pourront s'assurer d'éliminer les discriminations sexospécifiques qui caractérisent bon nombre de classifications. J'étudie la question de l'équité salariale depuis très longtemps, mais j'avoue qu'il m'a fallu beaucoup de temps pour comprendre l'argument concernant l'effort. Je n'arrivais absolument pas à comprendre la logique.
Je vais vous le présenter en donnant cet exemple: si un homme qui travaille sur un site de construction doit ramasser deux sacs de béton qui pèsent 50 livres pour les transporter quelque part, on considère que ce travailleur fournit un certain effort en travaillant. Par contre, une femme qui travaille dans un magasin d'alimentation qui doit soulever des centaines de sacs d'épicerie qui pèsent entre 5 et 10 livres dans le courant d'une journée ne fait pas le même « effort ». Il en va de même pour une femme qui travaille sur un clavier, dont les mains sont en mouvement constant, qui peut même finir par être atteinte du syndrome du canal carpien — eh bien, cette femme ne fait pas d'« effort », je suppose parce qu'elle ne transpire pas ou ne pousse pas de grognements.
Le fait est qu'il faut analyser tous ces éléments et éliminer les sources de discrimination sexospécifique, et pour cela, il faut pouvoir obtenir de l'aide en s'adressant à des experts. L'accès à une telle aide est utile.
L'autre élément, c'est que le syndicat, en ce qui nous concerne, a la responsabilité d'aller discuter de tout cela avec ses membres. Le syndicat aurait donc accès à tous les renseignements nécessaires. Mais, il faut que ce soit fait séparément, car sinon, au bout du processus de négociation, l'employeur vous présentera une « offre finale », et là il s'agira de décider s'il convient de continuer à parler d'équité salariale, de bottes de travail ou de questions liées à la santé et à la sécurité des travailleurs. Voilà ce qui va arriver.
Dans le secteur fédéral, il est intéressant de se poser la question que voici: comment le syndicat peut-il être responsable lorsqu'on lui impose par voie législative certaines échelles salariales et que les salaires des syndiqués sont tout simplement bloqués? Comment le syndicat peut-il être responsable de négocier quelque chose qu'il n'a pas la capacité de négocier?
Il y a toutes sortes d'éléments. Les femmes ne bénéficieront pas de la loi qui est à l'étude. Elles bénéficieront uniquement d'une mesure qui tient compte des conseils de personnes qui travaillent dans ce domaine depuis fort longtemps.
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Merci, madame la présidente.
Lorsque le gouvernement a présenté son budget, au début de l'année, il a dit avoir consulté les Canadiens avant de le faire. Lors de votre présentation, madame Pageau, vous avez mentionné de nombreuses interventions. Deux cents personnes ont fait des présentations orales, il y a eu 60 présentations écrites, etc.
Par ailleurs, vous mentionnez que vous trouvez cette loi épouvantable et régressive. J'en déduis que vous sentez que vous n'avez pas été écoutée. Vous devez vous dire que vous aviez de bonnes propositions, mais que le gouvernement n'a pas été à l'écoute. Si, plus tard, on a assez de temps, je serais curieuse de savoir quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris qu'on touchait à l'équité salariale par le biais du budget fédéral. Par la suite, je vous poserai tous cette question.
Vous avez tous parlé du règlement chez Bell Canada. Combien de temps a-t-il fallu pour en arriver à ce règlement? Je travaillais chez Bell Canada à l'époque et je m'en souviens très bien. Au bout du compte, on avait accepté. J'étais syndiquée et je faisais partie de celles qui avaient accepté la proposition. Il s'agissait bien de négociation. Quand on veut faire passer une proposition plus difficile à avaler, souvent on donne un bonbon. C'est ce qui est arrivé. Comme la majorité des employés étaient des femmes, l'équité salariale était très importante. On a connu beaucoup de pertes sur d'autres plans, mais comme l'équité salariale était importante, il y a eu un règlement.
Je reviens à la question de ma collègue parce que le ministre a dit que ce qu'il proposait n'allait pas prendre tant de temps. Quelle est votre interprétation de ce que le ministre a dit?
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Selon moi, cela ne prendra pas beaucoup plus de temps, parce que les femmes n'auront pas les moyens de payer et de se battre contre leur employeur puisque les syndicats risquent de recevoir une amende de 50 000 $. Il faut négocier l'équité salariale, mais si cela va mal et qu'il y a des plaintes, mesdames, vous êtes toutes seules. C'est ce que dit la loi.
Je ne peux imaginer comment une femme gagnant entre 30 000 $ et 50 000 $ pourrait payer un avocat ou des experts pour la représenter, pour recueillir de l'information et se présenter devant les différents tribunaux ou agences que le gouvernement conservateur propose. Je ne peux pas imaginer cela.
Parlons de ce qui s'est passé chez Bell Canada. Il s'agit d'une des raisons pour lesquelles la loi ne fonctionne pas. Dans le cas de Bell, on a fait une étude. L'étude représentait les trois parties, y compris l'employeur. Quand les résultats sont apparus, la direction était très fière de tout ce qui était arrivé. Cependant, quand elle a vu ce que l'augmentation des gages des téléphonistes coûterait, tout à coup, l'étude n'était plus bonne.
C'est devenu comme un jeu, dans les différentes cours. On n'avait aucune idée. Quinze ans plus tard, on a versé des millions et des millions de dollars dans les poches des avocats des deux côtés. Comment cela peut-il être proactif?
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Merci, madame la présidente.
Merci à toutes nos invitées pour leur présence et pour leurs exposés.
D'abord, je voudrais répéter ce qu'a dit ma collègue — à savoir que, à mon avis, nous visons tous et toutes le même objectif. Nous avons une autre optique pour ce qui est de la façon de l'atteindre, mais à mon sens, le gouvernement conservateur veut vraiment en arriver à une loi proactive sur l'équité salariale. Encore une fois, notre optique est différente par rapport à la façon d'atteindre cet objectif et le moyen qui convient le mieux pour y parvenir.
Pour ma part, je voudrais qu'on en parle du point de vue de son caractère proactif, par opposition à un régime axé sur les plaintes, et du fait de l'incorporer dans les négociations patronales-syndicales. Pour moi, il faut tenir compte de l'expérience. Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il sera possible de faire disparaître cela à la table des négociations. S'agissant de santé et de sécurité au travail, par exemple, c'est une responsabilité qui incombe conjointement à l'employeur et à l'employé, et il en va de même pour beaucoup de choses. Cette loi crée une responsabilité conjointe et prévoit un dialogue entre les personnes qui doivent dialoguer, ceux qui comprennent le travail qu'ils ont à faire. De plus, elle crée un mécanisme d'examen. Il faudra que ce soit examiné en fonction de la durée du contrat.
Le fait est que j'ai été des deux côtés de la table des négociations. Je fais beaucoup plus confiance au processus de négociation et, d'après ce qu'on semble dire, c'est un mécanisme efficace permettant d'atteindre cet objectif.
De plus, je fais beaucoup plus confiance… Je sais qu'il a été question du fait que le Conseil des relations de travail dans la fonction publique ne possède pas l'expertise voulue. Mais, en ce qui me concerne, pour bien enraciner le principe de l'équité au Canada, il faut avoir recours à l'expertise des gens dans toutes sortes de secteurs différents, et pas seulement à celles d'un certain nombre de petits groupes de personnes.
Donc, par rapport au Conseil des relations de travail dans la fonction publique, il faut que nous ayons tous l'occasion d'acquérir de l'expertise par rapport à la bonne méthodologie. Il est possible que le syndicat n'ait pas bien fait son travail à la table des négociations; donc, si la personne qui va déposer la plainte…
À mon avis, une personne ne voudra pas déposer de plainte si elle n'a pas de soutien, mais décider de ne pas faire intervenir ni l'employeur ni l'employé, par rapport à la plainte, me semble approprié, car il est possible que le syndicat n'ait pas bien fait son travail, ou encore que l'employeur n'a pas fait le sien.
Voilà les observations que je voulais faire. Encore une fois, je suis vraiment convaincu qu'il faut enraciner la notion d'équité et sensibiliser les gens dans tout le Canada. J'aimerais parler de la relation entre les syndicats et les employeurs. À mon avis, cela peut marcher.
Étant donné que nous avons cette loi, pourquoi ne pas parler plutôt de ce que nous pouvons faire pour la rendre efficace de façon à faire progresser ce dossier?
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie, mesdames, d'être ici aujourd'hui.
J'écoute ce qui se dit des deux côtés. Je connais Mme Davidson; c'est une personne honnête. Je crois qu'elle est sincère quand elle dit que son gouvernement fait ce qu'il peut pour s'assurer que les femmes obtiennent l'équité salariale. Or, je me demande comment on a pu transformer la réalité au point où ça semble vrai. Si le gouvernement avait été sincère concernant l'équité salariale, il aurait donné aux femmes la possibilité de se défendre, n'aurait pas aboli le Programme de contestation judiciaire et n'imposerait pas aux syndicats une amende de 50 000 $ quand une femme doit se défendre après ne pas avoir obtenu, par voie de négociations, ce à quoi elle avait droit.
Avez-vous été consultées quand le gouvernement a décidé de présenter ce projet de loi dans le cadre du budget? Avez-vous entendu parler de personnes ou d'organisations qui l'ont été? Comment le gouvernement a-t-il pu répondre de cette façon à un problème aussi évident? Le fait de travailler pour une école de relations industrielles ne détermine pas qu'on est de la gauche ou de la droite. Je pense que c'est simplement une question de logique.
Je pense que mes collègues sont de bonne foi. Ils croient que leur gouvernement veut lui aussi agir de bonne foi.
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Dans ce cas, nous aurons désormais deux régimes qui ne donnent pas de bons résultats pour les femmes.
Gisèle devra toujours essayer de trouver des solutions dans le secteur privé fédéral… car rien n'a été fait pour améliorer ce régime-là. Rien n'a été fait pour garantir que ce régime se conforme aux exigences du Groupe de travail.
Le fait est que ce sera un moyen de s'assurer que les salaires restent bas dans le secteur public, et nous savons tous qu'il y a énormément de femmes qui travaillent dans la fonction publique fédérale. Il est évident que certains groupes d'employeurs ont exercé des pressions pour que les salaires dans le secteur public ne montent pas trop, étant donné qu'ils concurrencent cette dernière. Si vous êtes une femme et vous travaillez dans un environnement non syndiqué dans le secteur privé, votre salaire n'est pas très élevé et vous n'avez pas d'avantages sociaux, si vous avez la possibilité de trouver un meilleur emploi dans le secteur fédéral, il est évident que vous allez en profiter.
À mon avis, cette loi témoigne d'une attitude mesquine envers les femmes qui travaillent pour le gouvernement. Et, quand je dis « le gouvernement », je ne parle pas de parti politique; je parle de l'appareil gouvernemental et des gens qui assurent des services au jour le jour. C'est tout simplement mesquin. On cherche à pénaliser les femmes par l'entremise de leurs chèques de paye.
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Je n'ai pas les chiffres précis à ma disposition, mais nous pourrions certainement vous les trouver.
Il est évident que cela a dû représenter une dépense faramineuse à la fois pour les contribuables et pour les syndicats. Gisèle pourrait certainement vous renseigner au sujet des poursuites intentées contre Bell Canada.
À notre bureau, l'une des adjointes de direction qui travaillent pour notre président était adjointe de direction à l'époque. Elle était membre de l'ancien Syndicat canadien des travailleurs en communications et ses témoignages devant le tribunal ont duré 18 mois. Ce n'est pas une petite somme d'argent pour les avocats.
Donc, le coût est faramineux — à la fois pour le syndicat et pour le contribuable qui paie pour faire arrêter le comportement de l'employeur. Ou alors, si vous êtes client de Bell Canada, c'est vous qui payez pour que ces compagnies fassent opposition.
Mais pensez un peu au coût pour chacune de ces femmes. C'est honteux. C'est tout à fait honteux qu'il a été question de ne pas payer ces femmes. Et, comme vous le disait Gisèle, bon nombre d'entre elles sont décédées. Combien de temps faut-il attendre?
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Le coût émotionnel était incroyable.
Je peux vous dire, en me fondant sur ma propre expérience, combien d'appels je recevais de téléphonistes qui étaient malades, ou qui vivaient au-dessus du seuil de la pauvreté parce qu'elles attendaient toujours que leur pension de retraite soit rajustée pour tenir compte du règlement conclu au sujet de l'équité salariale. Il y a même des conjoints qui m'ont appelée en me disant: « Ma femme est décédée, mais j'aimerais que vous me teniez au courant. »
S'agissant du coût financier réel, je précise — et je n'ai aucune hésitation à le dire — que, pour le syndicat, le coût de l'obtention de l'équité salariale pour les employées de Bell Canada a largement dépassé 5 millions de dollars.
Permettez-moi de vous situer un peu. Moi, j'ai assisté aux audiences, alors que je ne gagnais pas le même salaire qu'un avocat. J'étais accompagnée d'un avocat — parfois de deux avocats. Mais, chaque jour Bell Canada était représentée par cinq à sept avocats différents, qui coûtaient beaucoup plus cher que le mien. D'après les estimations, Bell Canada a dû dépenser entre 3 millions et 5 millions de dollars par année aux frais juridiques.
D'ailleurs, Bell Canada a fait exprès de faire traîner cette affaire, comme vous le disait Mme Byers. Le contre-interrogatoire de notre témoin principal a duré 18 mois. Donc, pendant 18 mois, cette personne n'a pas pu parler à quiconque de cette affaire. Imaginez un peu l'effet que cela a pu avoir sur elle et l'impression que cela a donnée aux autres.
Donc, le système actuel est devenu complètement infonctionnel. Les femmes de Bell Canada, celles qui étaient encore vivantes, ont bien reçu une petite somme d'argent et leur pension de retraite a été rajustée. Mais, sur les 4 700 personnes qui étaient concernées, environ 18 p. 100 d'entre elles étaient déjà décédées. Nous avons quand même réussi à négocier que Bell Canada ne conserve pas cet argent. Il a bel et bien été versé à la succession des femmes concernées. Mais, il faut bien comprendre que c'était l'argent des téléphonistes, et qu'il ne convenait donc pas de le verser à leurs successions.
Je dois dire, ayant écouté les discussions aujourd'hui et en tant que membre du comité, que bien souvent, nos collègues de l'opposition font leur travail lorsqu'ils s'opposent avec passion à la plupart des mesures proposées par le gouvernement — mais c'est justement leur rôle. Par contre, je pense que vous qui êtes venues témoigner devant le comité souhaitiez réellement apporter une contribution objective à cette discussion.
Donc, je suis ravie que reconnaisse que nous visons toute l'équité salariale pour les femmes. Nous ne voulons pas imposer des mesures mesquines, inadmissibles ou régressives. Et, quand je vous entends parler de ce qui est arrivé — des femmes qui ont dû subir un contre-interrogatoire qui a duré 18 mois — je me dis que ce que vous décrivez est effectivement régressif, mesquin et inadmissible.
Nous ne voulons pas que cela se produise. Nous voulons réaliser l'équité salariale, et le gouvernement souhaite que ce soit un régime réellement proactif. Nous sommes convaincus que les syndicats ont leur rôle à jouer, et que c'est un rôle positif.
Donc, je veux vraiment comprendre votre position. Êtes-vous d'avis que le syndicat n'a pas l'expertise voulue pour reconnaître une situation où la rémunération accordée n'est pas équitable?
Si je vous pose la question, c'est parce que ma collègue, , a fait une très bonne comparaison en parlant de la sécurité au travail. Nous avons tous le droit fondamental de protéger notre sécurité personnelle. Ce n'est pas négociable. Vous avez parlé de certains groupes d'experts qui examinent les différents milieux de travail. Mais, est-ce que la sécurité est garantie? Il faut en parler; il faut trouver des solutions.
Je dirais que l'approche doit être la même dans ce domaine. Nous avons le droit fondamental d'être traitées équitablement en tant que femmes. Personne ne peut faire de la discrimination contre moi parce que je suis une femme. Mais, en tant que syndicat, vous avez un rôle très puissant à jouer du point de vue de l'aide que vous pouvez donner aux femmes. Si vous savez que certains objectifs ne sont pas atteints et que les femmes ne sont pas traitées équitablement, vous avez un rôle très positif à jouer dans ce contexte.
Avez-vous l'impression de ne pas posséder l'expertise voulue et de ne pas pouvoir jouer ce rôle?
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Bonjour, mesdames. Merci d'être ici.
Après tout ce que j'ai entendu aujourd'hui et depuis un bout de temps, je suis contente que Mme Demers ait reconnu qu'on voulait travailler tous ensemble pour comprendre un peu. J'ai un peu de difficulté à comprendre les arguments, moi qui ne suis pas d'un milieu syndical, qui n'ai jamais fait partie d'un syndicat de toute ma vie et qui ai toujours pensé qu'un syndicat était là pour « défendre les droits des personnes qu'il représente ». Ce que je comprends de cette loi — on a parlé de l'employeur —, c'est qu'il faut que le syndicat soit là pour s'assurer que l'équité salariale pour les femmes soit bel et bien inscrite dans la convention collective, pour qu'il n'y ait plus de discrimination, que ce soit écrit noir sur blanc. C'est un droit fondamental, comme vous l'avez dit, pour les femmes que de toucher le même salaire que les hommes. On est tous d'accord, ici, à cette table. Ce que je comprends, c'est que le syndicat doit être le « chien de garde », avec l'employeur, pour assurer aux femmes un niveau de rémunération égal à celui des hommes. Quand je vois de telles réactions, je suis un peu déboussolée parce que ce n'est pas ainsi que j'ai compris la loi et que je la comprends encore aujourd'hui. Ce n'est pas que je veuille faire reculer la cause les femmes, au contraire. Je suis au Comité de la condition féminine pour la faire avancer.
Il faut aussi penser à ceux qui poussent, à nos enfants. J'ai deux filles de 20 ans et 21 ans. Quand je leur parle de condition féminine et de tout ce qui se dit ici, elles me regardent avec l'air de celles qui n'ont pas ces problèmes, alors qu'on sait très bien, comme nous tous ici, qu'elles l'auront encore dans 20 ans. J'ai de la difficulté à comprendre. L'équité salariale n'est pas un droit négociable comme tous les autres droits, mais on ne voulait pas — en tout cas moi, je ne l'ai jamais vu ainsi — que les syndicats soient... On sait que l'employeur paie les salaires, mais le syndicat devrait être là pour s'assurer que ce droit fondamental des femmes est reconnu. Je crois qu'il convient que tous s'assoient ensemble pour s'assurer que les femmes occupent une place égale et qu'elles ont les mêmes droits. C'est une chose que j'aimerais faire...
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À mon avis, c'est pour mettre des bâtons dans les roues aux syndicats par tous les moyens possibles et imaginables. On nous empêche d'aider qui que ce soit. On va nous infliger des amendes si nous aidons quelqu'un. Mais, en même temps, on nous dit que nous sommes toutes aussi responsables que l'autre partie à la table des négociations. Mais, on ne peut pas jouer sur les deux tableaux en même temps.
Donc, c'est cela la réalité. Si nous voulons vraiment faire quelque chose de positif pour les femmes, si nous sommes tous sur la même longueur d'onde à cet égard, il faut bien comprendre que cette loi ne fait pas l'affaire.
D'ailleurs, cette loi ne prévoit pas d'échéancier qui garantirait que les femmes obtiendront un règlement plus rapidement. Même si elles étaient prêtes à y consacrer le temps nécessaire, elles n'obtiendraient pas un règlement plus vite que les centaines de femmes qui sont passées par là avant elles. Cela n'aura pas d'effet du tout. En fait, si nous pensions que l'effet pourrait être positif, vous nous entendriez dire: « C'est formidable. Ça fait progresser les choses. C'est exactement ce qu'on voulait. C'est exactement ce qu'on a demandé. »
Par le passé, nous avons félicité les gouvernements pour des lois qui, à notre avis, allaient permettre de faire avancer la cause de la justice et de la dignité pour les travailleurs, mais cette mesure ne fait pas l'affaire sur ce plan-là.
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Merci, madame la présidente.
Pour moi, l'un des problèmes auxquels nous nous trouvons confrontés dans ce contexte est que le gouvernement ne comprend pas, et n'a jamais compris, la complexité d'un règlement en matière d'équité salariale. Il s'agit de comparer des emplois — des emplois qui sont bien souvent disparates du point de vue des fonctions précises, même si ces emplois exigent des compétences, une expertise et un effort comparables. Voilà le fond du problème, selon moi.
Aujourd'hui, certains membres du parti ministériel nous disent qu'ils voudraient travailler de façon coopérative de façon à garantir que les femmes obtiennent l'équité salariale.
Mais, que doivent-ils faire?
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Je voulais parler de la question de l'impact positif de l'équité salariale sur les entreprises et sur le marché.
Quand j'ai présidé la commission qui préparait la Loi sur l'équité salariale du Québec, le président du Conseil du patronat du Québec est venu nous rencontrer pour les audiences. Il m'a dit que tant qu'il serait là, cette loi ne passerait pas. La loi a passé quand même. Quand je l'ai rencontré à nouveau, il y a quelques années, tout à fait par hasard, il m'a dit qu'il constatait maintenant que beaucoup d'employeurs appuyaient cette loi et qu'ils en étaient très satisfaits.
Quand je donne des formations à des directeurs de ressources humaines dans les entreprises — j'en ai donné dans 300 ou 400 entreprises différentes —, ils me disent que grâce à cette loi, leur système de rémunération est plus cohérent, leur entreprise est mieux gérée et a une meilleure réputation, donc, elle est capable d'attirer des gens de talent, des personnes compétentes, ce qui est très prisé aujourd'hui sur le marché du travail.
Les impacts sont donc positifs du point de vue de la compétitivité.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Permettez-moi de revenir sur une question soulevée par Mme Mathyssen tout à l'heure.
Avant d'être élu député cette année, j'étais avocat. J'ai exercé le droit pendant 25 ans. En fait, certains des dossiers que vous avez mentionnés — ceux de Bell Canada, d'Air Canada et de Postes Canada — ont été pris en charge par le cabinet auquel j'ai été associé pendant 25 ans, et qui avait comme clients à la fois des employeurs et des syndicats.
Je peux vous assurer, madame Pageau, que pendant de nombreuses années, les principaux clients de ce cabinet d'avocats étaient des syndicats du secteur public — du moins en ce qui concerne la proportion du chiffre d'affaires qui leur était attribuable — et que les syndicats et les employeurs payaient les mêmes frais.
Vous disiez tout à l'heure que ces affaires ont traîné pendant des années et je pense que c'est vous, madame Byers, qui disiez que tout cela avait coûté une fortune. À cet égard, je peux vous dire que ces poursuites ont coûté des millions, voire des dizaines de millions de dollars aux syndiqués, aux employeurs et aux contribuables canadiens.
Pourquoi voudriez-vous donner tout cet argent aux avocats? Le système en question garantissait beaucoup de travail aux avocats; je peux vous l'affirmer en fonction de mon expérience personnelle. Pourquoi donc voudriez-vous que ces derniers profitent de cet argent, plutôt qu'aux femmes que vous représentez ou encore aux contribuables canadiens?
Et, pourquoi voudriez-vous retarder le moment où les femmes que vous défendez pourraient obtenir justice? N'est-il pas vrai que l'ancien système qui obligeait les femmes à passer devant la justice pour défendre leurs droits — quitte à attendre 10, 15 ou 25 ans — était bien plus mauvais que celui qui consiste à négocier ces droits dès le départ, même s'il faut passer par un sous-comité auquel siègent des experts en la matière, experts que vous avez tous au sein de vos syndicats respectifs? N'est-il pas vrai que c'est un meilleur moyen de régler ces questions que d'attendre 25 ans qu'elles soient réglées par les tribunaux?
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Et vos trois minutes sont déjà écoulées; désolée.
Le troisième tour de questions est maintenant terminé, et je propose de permettre à chacune des conférencières de prendre une minute pour faire quelques dernières observations.
Pour avoir écouté les propos des uns et des autres, j'ai l'impression que les députés conservateurs sont d'accord avec cet objectif. En tout cas, je n'ai certainement pas l'impression que les gens ne l'acceptent pas. À mon avis, le désaccord au sujet du processus et la manière d'atteindre notre objectif est au coeur de la discussion. Chacun pense qu'il y a différents moyens d'y parvenir.
Vous avez avancé de très bons arguments. À mon avis, si tous ne sont pas d'accord sur la façon d'atteindre cet objectif, c'est à cause du problème fondamental, qui consiste à comprendre que la notion d'équité salariale est très différente de celle du salaire égal. En d'autres termes, même si vous décidez que tous les travailleurs, hommes et femmes, obtiendront le même salaire pour un certain type de travail, si ce travail fait partie d'une catégorie qui est traditionnellement à prédominance féminine, à ce moment-là, vous sous-évaluez ce travail. L'équité salariale est devenu un enjeu critique à l'époque où la main-d'oeuvre était surtout masculine. Lorsque les femmes ont intégré le marché du travail, la valeur qu'on rattachait à leur travail était influencée par le fait qu'on considérait leur travail comme un travail féminin. Par conséquent, on rattachait une valeur tout à fait différente à leur travail. Ainsi les secrétaires recevaient un travail très différent et leur travail était sous-évalué par rapport à celui du préposé à l'entretien à cause justement de cette discrimination sexospécifique inhérente qui existait à l'époque, étant donné qu'on ne voulait pas encourager les femmes à travailler.
Pour rectifier la situation et redresser ce tort historique… même si vous décidez que tous recevront le même salaire que les femmes qui sont dactylos, cela n'a pas pour effet de relever la valeur du travail traditionnellement accompli par les femmes. C'est cet élément-là, je suppose, qui est au coeur de l'équité salariale, et c'est pour cela que cette dernière est définie comme un droit, parce que nous parlons d'une discrimination sexospécifique traditionnelle sous-jacente qui avait pour conséquence de sous-évaluer le travail traditionnellement accompli par les femmes, par rapport au travail traditionnellement accompli par les hommes.
Je pense que vous avez tous avancé de bons arguments et je vous invite donc maintenant à faire quelques observations finales en une minute chacune, en commençant par Mme Healy.
Comme vous n'avez pas parlé du tout, je voulais vous donner l'occasion d'intervenir.
Si, comme Barb vient de le dire, nous sommes tous sur la même longueur d'onde, et si tous les partis politiques sont sincères lorsqu'ils affirment qu'ils veulent concrétiser l'équité salariale pour les femmes, il y a deux choses qui doivent se faire.
Premièrement, l'équité salariale doit continuer d'être traitée comme une question qui relève des droits fondamentaux; on ne peut pas l'en séparer car elle est étroitement liée à la problématique homme-femme.
Deuxièmement, il faut reconnaître que le travail a déjà été fait, que les études ont déjà été menées et que des recommandations ont déjà été déposées; donc, il suffit que toutes les parties intéressées fassent preuve de bonne volonté pour mettre en oeuvre des mesures susceptibles de donner de bons résultats, selon nous, et qui permettront enfin de mettre un terme à cette discussion.
Je vous remercie.
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Vous êtes excellente en français. Je vous remercie.
Madame la présidente, nous avons présenté cette motion parce que le Canada s'était engagé, en 1985 à Nairobi, à adhérer aux Stratégies prospectives d'action de Nairobi pour la promotion de la femme de l'ONU voulant que les gouvernements assurent une collecte de statistiques sur la situation des femmes, que ces données, ventilées selon le sexe, doivent reconnaître les contributions rémunérées et non rémunérées des femmes, notamment en ce qui a trait à l'agriculture, à la production alimentaire, à la reproduction et aux activités domestiques.
La dernière fois que cela a été fait remonte à 1992. On croit que ça fait très longtemps. La contribution des femmes a probablement été très grande, depuis 1992. Il serait important que nous refassions cette étude statistique. Cependant, pour pouvoir l'obtenir, il faut que Statistique Canada la fasse en collaboration avec Condition féminine Canada. Il faut que la ministre d'État à la Condition féminine soit d'accord pour que cette étude soit menée, afin de tenir compte du travail invisible dans le calcul du PNB et du PIB. Il faut connaître tout ce qui a été fait par les femmes au cours des dernières années.
C'est la raison pour laquelle je présente cette motion, madame la présidente.