[Français]
M'accompagnent aujourd'hui Louis Beauséjour, directeur général des politiques d'assurance-emploi, et Allen Sutherland, directeur général des politiques du marché du travail. Je m'appelle Paul Thompson. Je suis sous-ministre délégué au ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.
Je suis heureux de me présenter devant le Comité permanent de la condition féminine pour discuter du programme actuel d'assurance-emploi et des répercussions de ce programme sur les femmes au Canada, ainsi que pour souligner quelques programmes additionnels du marché du travail.
De nos jours, nous devons faire face aux défis uniques soulevés par un ralentissement économique sans précédent. Pendant une telle période, des programmes comme celui de l'assurance-emploi représentent des soutiens importants pour les Canadiens et Canadiennes et leurs familles lorsqu'ils perdent leur emploi et doivent affronter les changements significatifs apportés au marché du travail.
Il y a plusieurs réalisations positives à rapporter en ce moment en ce qui a trait à la situation de la femme sur le marché du travail. Au cours des 30 dernières années, l'une des tendances les plus spectaculaires qu'a connues le marché du travail a été l'augmentation du niveau d'instruction des femmes et leur participation à la population active. Ce phénomène a placé les femmes en forte position concurrentielle pour le futur, lorsque nous sortirons du ralentissement économique et poursuivrons le changement vers une économie axée sur les connaissances. Cependant, nous reconnaissons que des efforts continus sont requis pour faire face aux défis que les femmes doivent relever à mesure qu'elles se préparent, cherchent et conservent un emploi. Une analyse comparative entre les sexes est intégrée à notre analyse continue du marché du travail aux niveaux de la politique stratégique et des programmes.
[Traduction]
Il y a de bonnes nouvelles à rapporter en ce qui concerne le niveau d'instruction des femmes ainsi que leur participation à la vie active. Dans le secteur de l'enseignement postsecondaire, les Canadiennes ont augmenté leur participation de façon constante et représentent maintenant une majorité évidente de 60 p. 100 de tous les nouveaux diplômés universitaires.
C'est au Canada que l'on enregistre le taux le plus élevé d'instruction postsecondaire chez les femmes comparativement aux autres pays de l'OCDE. Ces niveaux élevés d'instruction mettent la jeune génération de Canadiennes en bonne position pour réussir dans une économie mondiale concurrentielle et axée sur les connaissances. D'autre part, la participation des femmes à la vie active et les taux d'emploi ont augmenté de façon considérable. Depuis le début des années 1990, l'écart entre les hommes et les femmes sur le plan de la participation à la population active a diminué de moitié et se chiffre maintenant à seulement huit points de pourcentage.
En 2007, la proportion de Canadiennes qui faisaient partie de la population active, 70 p. 100, dépassait de beaucoup la moyenne des pays du G7 et la moyenne des pays de l'OCDE. De même, le taux de participation à la population active chez les Canadiennes d'âge actif était de 74,3 p. 100, soit le taux le plus élevé parmi les pays du G7, et figurait au sixième rang des pays de l'OCDE. De plus, le taux de chômage chez les femmes est inférieur à celui enregistré chez les hommes depuis le début des années 1990. Le taux de chômage des femmes est actuellement de 1,8 point de pourcentage inférieur à celui des hommes. En 2007, le taux de chômage de 5,7 p. 100 enregistré chez les Canadiennes était comparable à celui de la moyenne des pays du G7 et inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE.
Au Canada, les femmes gagnent toujours moins que les hommes. Cependant, comme les femmes s'instruisent de plus en plus, l'écart salarial entre les hommes et les femmes chez les employés à temps plein se resserre — de 74 p. 100 en 1995, il est passé à 79 p. 100 en 2005 —, et il s'atténue d'autant plus chez les jeunes femmes ayant un diplôme d'études postsecondaires.
J'aimerais maintenant aborder la situation économique actuelle. On ne saurait nier que, au cours des derniers mois, la situation économique mondiale s'est détériorée si gravement et si rapidement que seul le plus pessimiste des pronostiqueurs ne l'aurait prédit. Par conséquent, bien des Canadiens traversent une période de transition difficile durant le ralentissement économique actuel.
Il est important de noter que, par le passé, les récessions n'ont pas touché les hommes de la même façon que les femmes. Au cours des récessions des années 1980 et 1990, moins de femmes que d'hommes ont perdu leur emploi. Ce phénomène s'explique principalement par le fait qu'on enregistrait une présence supérieure des hommes dans les secteurs des biens, comme l'industrie manufacturière et la construction, où se trouvaient la plupart des emplois. La présence des femmes était, et est toujours, supérieure dans le secteur des services, qui est habituellement moins touché par les pertes d'emplois pendant les périodes de bouleversement économique.
Jusqu'à présent, nous avons vu que les répercussions du ralentissement économique actuel ont varié selon les groupes d'âge et ont affecté les hommes de façon disproportionnelle. Les femmes représentent une minorité des pertes d'emploi nettes à ce jour au Canada entraînées par le ralentissement économique actuel, et les États-Unis et la Communauté européenne vivent des expériences semblables.
Le rapport de l'Organisation internationale du Travail signale également que, bien que l'on prévoie que le ralentissement économique actuel porte davantage atteinte aux femmes qu'aux hommes dans la plupart des régions du monde, de telles répercussions sur l'écart entre les hommes et les femmes au Canada sont moins évidentes.
[Français]
Parlons maintenant de notre programmation. En plus de l'assurance-emploi, le ministère offre une variété de programmes pour appuyer les Canadiens et les Canadiennes tels que la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones, l'Initiative ciblée pour les travailleurs âgés et la Stratégie des métiers et de l'apprentissage. Par le biais des Ententes sur le développement du marché du travail avec les provinces et les territoires, le gouvernement fédéral appuie également une variétés d'initiatives conçues pour favoriser la participation et la vie active des Canadiens et des Canadiennes. Je commencerai donc en discutant du programme d'assurance-emploi et de ses répercussions sur les femmes.
[Traduction]
On a distribué une présentation PowerPoint où sont examinés plus en détail certains des faits et des chiffres que je vais mentionner.
Tout d'abord, il y a la question de l'accès au programme d'assurance-emploi. Particulièrement en période de ralentissement économique, l'assurance-emploi est le premier moyen de défense. Il s'agit d'un système d'assurance pour la perte du revenu d'emploi où l'accès est déterminé par le régime de travail de chaque cotisant, et non pas, bien sûr, par le sexe de la personne.
Présentement, le programme d'assurance-emploi divise le pays en régions selon les conditions du marché du travail. Si le taux de chômage augmente dans une région donnée, le nombre d'heures d'emploi assurables requis pour être admissible au bénéfice des prestations d'assurance-emploi est réduit, et la durée des prestations augmente. Ces exigences sont rajustées chaque mois pour refléter la conjoncture économique. Cela procure un certain degré de stabilisation et de souplesse automatiques au marché du travail local.
L'accès à l'assurance-emploi est élevé pour les personnes qui contribuent au programme. Le taux d'admissibilité se situe entre 80 et 84 p. 100 chaque année depuis 2000.
L'accès des femmes aux prestations d'assurance-emploi est élevé aussi. En 2007, 81 p. 100 des femmes sans emploi qui payaient des cotisations au régime et qui ont ensuite été mises à pied ou ont démissionné avec justification ont été admissibles aux prestations régulières.
Le programme d'assurance-emploi contient de nombreux éléments additionnels qui sont particulièrement importants pour les femmes, compte tenu du rôle élargi qu'elles jouent dans la société et de la part disproportionnée du fardeau du travail non rémunéré qu'elles assument au chapitre des soins prodigués aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux membres de la famille atteints d'une maladie chronique. Par exemple, les cinquante semaines de prestations de maternité et parentales jouent un rôle important pour ce qui est d'appuyer les familles canadiennes en fournissant un remplacement de revenu temporaire pour les travailleurs qui sont parents d'un nouveau-né ou d'un enfant nouvellement adopté. Ces prestations procurent à nombre de femmes et d'hommes la marge de manœuvre nécessaire pour rester à la maison et élever leurs enfants pendant cette première année si importante.
Le programme d'assurance-emploi procure aussi des prestations de compassion pour fournir un soutien du revenu permettant aux travailleurs de prendre congé pour s'occuper d'un membre de la famille en phase critique. L'accès des femmes à ces prestations d'assurance-emploi spéciales, qui incluent les prestations de maternité et parentales, est très élevé. En fait, 97 p. 100 des femmes qui travaillent à temps plein sont admissibles aux prestations spéciales.
Les femmes étaient les auteures de 68 p. 100 des demandes de prestations spéciales et ont touché 84 p. 100 des 3,7 milliards de dollars versés en prestations spéciales en 2006-2007. La majorité des nouvelles demandes de prestations pour soins de compassion ont été présentées par des femmes —75,1 p. 100 —, et 76 p. 100 des demandes approuvées de supplément familial ont été présentées par des femmes.
Au-delà de ces prestations, qui favorisent l'équilibre entre les responsabilités du travail et la vie, on reconnaît que les femmes représentent une grande portion de la main-d'œuvre non conventionnelle: travailleuses à contrat, autonomes, à temps partiel. Parmi les femmes qui travaillent à temps partiel, 66 p. 100 ont accumulé suffisamment d'heures pour être admissibles aux prestations spéciales, comme le congé de maternité, et les travailleuses à temps partiel peuvent accéder aux prestations d'assurance-emploi avec aussi peu que de huit à 14 heures de travail par semaine au cours de l'année précédente.
Le gouvernement crée également un comité d'experts afin de consulter les Canadiens sur la meilleure façon de permettre aux travailleurs autonomes d'accéder aux prestations de maternité et parentales.
En général, les femmes sont les principales bénéficiaires du programme d'assurance-emploi, puisque le montant qu'elles touchent en prestations est supérieur à celui qu'elles cotisent.
Passons maintenant aux améliorations ou aux changements récemment apportés à l'assurance-emploi. En réaction aux circonstances économiques extraordinaires, le gouvernement a pris un bon nombre de mesures pour adapter le programme aux besoins des Canadiens en transition durant la récession actuelle. Le Budget de 2009 contenait un engagement à rendre disponible à l'échelle nationale la prolongation de cinq semaines des prestations d'assurance-emploi qui n'était précédemment disponible que dans le cadre d'un projet pilote en vigueur dans les régions où le taux de chômage était le plus élevé.
Cette mesure augmente également la durée maximale des prestations disponibles sous le régime d'assurance-emploi de 45 à 50 semaines. Il est estimé que quelque 400 000 demandeurs pourraient bénéficier de ces changements dans la première année seulement.
Parmi les autres améliorations qui pourraient bénéficier aux travailleurs affectés par le ralentissement économique, peu importe leur sexe, on compte la prolongation du soutien du revenu pour les travailleurs de longue date qui suivent une formation, l'accès hâtif aux prestations d'assurance-emploi régulières pour les travailleurs qui investissent dans leur propre formation en utilisant une partie ou la totalité de leur revenu provenant de l'indemnité de départ, la prolongation et l'assouplissement du programme Travail partagé et le gel en 2010 des taux de cotisation de l'assurance-emploi aux niveaux de 2009 et de 2008.
Ainsi, les prestations de l'assurance-emploi forment un pilier qui appuie la participation des Canadiennes au marché du travail; toutefois, comme je l'ai mentionné plus tôt, il y a aussi beaucoup d'autres programmes qui en font autant. Un exemple remarquable est la Stratégie de développement des ressources humaines autochtones, financée en partie par l'assurance-emploi, qui aide les femmes des premières nations, les Métisses et les Inuites à se préparer pour le marché du travail et à trouver et conserver un emploi et offre d'importantes mesures de soutien aux femmes dans des secteurs comme la garde d'enfants.
Il y a aussi l'Initiative ciblée pour les travailleurs âgés, qui procure un soutien aux travailleurs âgés sans emploi dans les collectivités affectées par la réduction importante du personnel ou les fermetures significatives ou un taux de chômage constamment élevé. Ces mesures sont mises en œuvre dans le cadre de programmes qui visent à favoriser l'employabilité ou l'intégration à l'emploi de ces personnes. Dans le cadre du Budget de 2009, on s'est engagé à verser 60 millions de dollars additionnels au programme sur une période de trois ans et à étendre l'admissibilité pour inclure davantage de villes. Les femmes représentent environ 50 p. 100 des participants du programme.
La Stratégie des métiers et de l'apprentissage est une autre initiative conçue pour bâtir et renforcer partout au pays l'infrastructure et la capacité des systèmes d'apprentissage, en particulier, le Programme des normes interprovinciales Sceau rouge, pour répondre efficacement aux besoins du marché du travail pour les gens de métier qualifiés et mobiles.
Selon le Système d'information sur les apprentis enregistrés de Statistique Canada, le nombre de femmes en formation d'apprenti a augmenté considérablement. Depuis 2001, le nombre de femmes inscrites à un programme d'apprentissage a augmenté de 68 p. 100; de 16 365 en 2001, il est passé à plus de 27 000 en 2006. En pourcentage du nombre total d'apprentis, la participation des femmes est passée de 9,2 p. 100 en 2001 à environ 10 p. 100 en 2006.
Une autre initiative est la Stratégie emploi jeunesse, qui appuie les jeunes Canadiens dans leur progression vers le marché du travail. La SEI procure aux jeunes Canadiens l'accès à des programmes et à des services pour les aider à acquérir les compétences, les connaissances, l'information sur les carrières et l'expérience de travail dont ils ont besoin pour décrocher et conserver un emploi et faire la transition vers le marché du travail.
Dans le Budget de 2009, le gouvernement s'est engagé à fournir une subvention unique de 15 millions de dollars aux YMCA et aux YWCA pour fournir aux jeunes, autant les garçons que les filles, des occasions de faire des stages dans des organismes sans but lucratif et des organismes de services communautaires, et l'accent est mis sur les projets environnementaux. Cette initiative aidera les jeunes Canadiens à acquérir une expérience de travail précieuse et à obtenir un revenu visant à financer leurs études.
[Français]
En conclusion, j'ai passé brièvement en revue la contribution du programme d'assurance emploi et d'autres programmes en vue d'appuyer la participation des femmes au marché du travail et la façon dont ils aident les femmes à gérer les rôles qu'elles jouent à titre de fournisseuses de soins, parents et travailleuses. Bien que beaucoup de choses aient été accomplies, nous ne devons pas perdre de vue les besoins variés des Canadiens et des Canadiennes, particulièrement pendant cette période économique difficile. Afin de maintenir ces gains et de les améliorer, le gouvernement continuera d'appuyer et de promouvoir la participation totale des groupes, y compris les femmes, à la population active.
C'est un privilège de comparaître ici aujourd'hui. Comme vous l'avez entendu, je représente l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, situé à Toronto. Malheureusement, personne ne pouvait arriver ici rapidement, alors me voici, et je vais tenter de représenter l'organisme du mieux que je peux.
L'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants est un corps de coordination autonome établi depuis environs 1978. Il est constitué de 177 organismes de partout en Ontario. Bien de ces organismes offrent des services aux immigrants et aux personnes appartenant à des minorités visibles, et l'organisme fait office de voix collective du secteur depuis plus de 30 ans.
Pour répondre à la question particulière à laquelle vous vous intéressiez, nos constatations et l'exposé que je vous présente est fondé sur de l'information que nous avons recueillie auprès de nos membres.
Les plus grandes difficultés que connaissent les membres de l'OCASI lorsqu'ils aident les immigrants et les réfugiés à s'établir et à s'intégrer sont liées à l'intégration au marché du travail et à la sécurité du revenu. Ces deux choses ne sont pas indépendantes l'une de l'autre. Un emploi stable et un revenu convenable ont une incidence critique sur l'efficacité de l'établissement et de l'intégration.
Il est également important d'avoir accès à des recours adéquats et efficaces, au cas où une personne perd son emploi ou perd son accès à une source de revenu convenable obtenu par d'autres moyens, comme le parrainage de la famille.
Les organismes membres de l'OCASI sont particulièrement préoccupés par l'expérience des immigrantes et des réfugiées, surtout les femmes appartenant à des groupes racialisés, car elles sont gravement désavantagées sur le marché du travail et lorsqu'elles tentent d'accéder à des services ou de prendre un quelconque recours à leur disposition lorsque les choses vont mal.
La campagne Colour of Poverty, menée depuis environ deux ans par un groupe de personnes et d'organismes ontariens, s'attaque au problème de la pauvreté. L'OCASI est un membre fondateur et assure une partie du leadership de cet organisme, qui a mené des travaux de recherche approfondis qui appuient les constatations des membres de l'OCASI.
La feuille de renseignements relatifs au revenu produit par Colour of Poverty décrit la situation des immigrantes et des réfugiées, en particulier celles appartenant à des groupes racialisés, sur le marché du travail. Selon la feuille de renseignements de Colour of Poverty, un nombre croissant d'immigrantes et de femmes occupent un emploi à temps partiel qui n'est pas stable. Cela signifie qu'elles ne profitent pas de l'assurance-emploi, même si elles cotisent au régime.
Statistique Canada a documenté l'existence d'un écart de revenu troublant entre les hommes et les femmes au Canada. Elle a également documenté l'écart de revenu grandissant entre les citoyens racialisés et non racialisés au Canada. Données du recensement de Statistique Canada à l'appui, le Groupe de travail national sur les femmes et le logement signale que 35 p. 100 de toutes les femmes qui ont immigré au Canada entre 1991 et 2000 vivent dans la pauvreté, et que 37 p. 100 de toutes les femmes racialisées vivent dans la pauvreté.
Dans notre pays, la restructuration économique a touché bien des femmes. Même celles qui sont spécialisées et bien instruites ont dû accepter du travail à temps partiel ou à contrat simplement pour survivre. Les immigrants, surtout les femmes et les femmes appartenant à des groupes racialisés, sont surreprésentés dans les emplois atypiques. La montée du travail atypique et la présence croissante des travailleurs les moins avantagés dans ce secteur est très bien documentée. Les immigrants et les réfugiés font face à d'énormes barrières systémiques — dont le racisme et la discrimination — qui compromettent leur intégration au marché du travail. Les emplois atypiques, obtenus la plupart du temps par l'entremise d'une agence de placement temporaire, offrent une façon pratique mais éprouvante d'obtenir un emploi ou de continuer à travailler.
Les organismes membres de l'OCASI ont signalé que la plupart de leurs clients obtiennent leur premier emploi au Canada par l'entremise d'agences de placement temporaire. Les clients demeurent dans le secteur de l'emploi temporaire pendant bien des années, souvent au-delà de 10 ans. Dans bien des cas, ils occupent plus d'un emploi à la fois. Ils occupent rarement un emploi qui leur permet de mettre à profit leurs aptitudes et leurs compétences, les qualités mêmes qui en ont fait des candidats intéressants pour l'immigration au Canada, ce qui les amène à devenir ce qu'on appelle des immigrants « déspécialisés ».
La plupart des immigrants, y compris les immigrantes, cotisent au régime d'assurance-emploi. Bon nombre de clients ont signalé que la cotisation est déduite de leur chèque par l'agence de placement temporaire ou par d'autres employeurs. Toutefois, vu la nature atypique de leur travail — temporaire, à temps partiel, sur appel ou à la pièce, pour ne mentionner que ceux-là —, la plupart des immigrants et des immigrantes, qui sont surreprésentés dans ce type de situation d'emploi, sont rarement, voire jamais, admissibles aux prestations d'assurance-emploi.
Selon un rapport du Congrès du travail du Canada publié il y a environ six ans, au Canada, nous enregistrons une baisse de prestations d'assurance-emploi versées aux Canadiennes. En Ontario, seulement 27 p. 100 des travailleurs sont admissibles aux prestations d'assurance-emploi. Les 73 p. 100 restants ne peuvent pas accéder aux prestations advenant la perte d'un emploi ou la nécessité de prendre un congé de maternité ou parental ou de prodiguer des soins de à un parent malade. Il est profondément troublant de constater que la majorité des immigrantes qui cotisent au régime d'assurance-emploi ne peuvent pas toucher de prestations. Elles ne peuvent pas non plus accéder aux possibilités de formation se rattachant à l'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi.
Alors, quelles sont les répercussions actuelles et futures sur les immigrants et les réfugiés? Dans le rapport du groupe de travail pour la modernisation de la sécurité du revenu pour les adultes en âge de travailler, Time For A Fair Deal, on souligne le fait que la sécurité du revenu en Ontario ne fonctionne pas parce qu'on n'y a apporté aucun changement fondamental depuis les années 1960. Les immigrantes qui ont cotisé au régime d'assurance-emploi mais qui n'y sont pas admissibles n'ont aucun autre recours que le filet de sécurité sociale, qui se détériore constamment. Les immigrants parrainés qui ont recours à l'aide sociale font face à de graves conséquences, qui peuvent nuire à leur répondant. En particulier, le gouvernement peut exiger le remboursement des prestations, ou retirer au répondant la possibilité de parrainer une personne à l'avenir, même une fois que la situation économique de l'immigrant s'est améliorée.
En l'absence de toute possibilité d'acquisition de nouvelles compétences qui mènerait à la réintégration au marché du travail, l'impossibilité d'accéder à une formation financée par le régime d'assurance-emploi a des conséquences particulièrement fâcheuses pour les immigrantes. Ces barrières systémiques nuisent gravement aux immigrantes et condamnent ces femmes et leur famille à une condition inférieure. Les conséquences sont particulièrement lourdes pour les familles monoparentales et affligeront plus d'une génération de cette famille.
L'absence d'un filet de sécurité pour les immigrantes chef de famille monoparentale se traduit par l'absence d'un accès à un logement convenable, à des études postsecondaires, à des prestations de maladie et à la sécurité, pour elles et pour les personnes à leur charge. Dans le cas des soins prodigués aux aînés, cela peut se traduire par l'absence de services qui contribuent au maintien de la santé et du bien-être. Dans le cas des enfants, cela pourrait se traduire par l'absence de moyens financiers pour assurer la garde d'un enfant, ses activités de loisir et de sport parascolaires ou ses études postsecondaires.
Ces réalités sont particulièrement alarmantes à l'heure actuelle, puisque nous sommes au cœur d'une récession. Il faut que le gouvernement fédéral agisse immédiatement pour réparer le régime d'assurance-emploi, mais aussi qu'il investisse dans des mesures qui pourraient offrir aux immigrantes des possibilités d'intégration au marché du travail et une sécurité du revenu, à défaut de l'améliorer.
En juin 2006, le Comité permanent de la condition féminine a publié son rapport intitulé Améliorons la sécurité économique des femmes: Il est temps d'agir. Ce rapport présentait 21 recommandations au gouvernement. J'aimerais prendre le temps de souligner deux de ces recommandations, les recommandations 13 et 15. Voici la recommandation 13:
Le Comité recommande que le gouvernement fédéral modifie les critères d’admissibilité relevant de la Loi sur l’assurance-emploi pour rendre les prestations plus accessibles aux personnes qui travaillent à temps partiel ou une partie de l’année.
Voici la recommandation 15:
Le Comité recommande que le gouvernement fédéral modifie la Loi sur l’assurance-emploi pour autoriser les travailleurs indépendants à s’inscrire aux programmes de prestations spéciales du régime d’assurance-emploi, comme les prestations de maternité, parentales et de compassion.
L'OCASI demande au comité — à vous — de présenter à nouveau ces recommandations. Les prochaines années seront les plus difficiles pour les membres de l'OCASI, qui tenteront d'aider leurs clients à survivre à la récession. Nos membres ne peuvent pas le faire seuls. La crise s'est déjà abattue sur nous, et nous pressons le gouvernement d'agir rapidement.
Merci.
:
Tout d'abord, je dois dire que, aussi reconnaissante que je sois d'être ici aujourd'hui, je suis très émue et je suis très nerveuse, alors pardonnez-moi, s'il vous plaît. Je tiens tout d'abord à dire que je vous suis vivement reconnaissante pour le travail que vous faites.
J'ai entendu bien des fois, « les femmes, les femmes » — et je suis la femme, je suis la mère. J'aimerais que vous me pardonniez aujourd'hui, car c'est l'un des plus grands jours de ma vie, parce que j'ai la chance de faire entendre la voix de la mère et de la femme qui s'est passée de prestations d'assurance-emploi pendant quatre ans.
Quand j'étais très jeune, j'ai eu la chance de profiter de l'amour, des soins et des conseils de parents exceptionnels, qui m'ont appris que l'instruction ouvrirait toutes les portes sur mon chemin. Ils m'ont appris à m'enrichir du savoir des plus grands esprits de l'humanité, des temps anciens aux temps modernes. J'ai été confrontée très jeune à la discrimination politique, et je sais ce que c'est que de se voir refuser la liberté d'expression, la liberté d'apprendre. Je me suis vu refuser trois fois la possibilité de profiter d'une bonne éducation, mais, grâce au soutien de mes parents, j'ai réussi. Nous parlons tous de l'importance des premières années, de l'incidence des premières années sur la vie de nos enfants, et de l'importance de s'investir pendant ces premières années de la vie. Je crois fermement que c'est grâce à ces premières années de ma vie, et à mon amour, à ma passion, à mon dévouement et à ma détermination à offrir un meilleur avenir à mon fils que je suis ici devant vous aujourd'hui. Je vous remercie du fond du cœur de m'avoir donné cette occasion.
Il y a environ 10 ans, j'ai appris que le Canada serait mon nouveau chez-moi, et je ne pourrai jamais exprimer à quel point il est bon de se sentir libre, sans crainte pour ma vie ni besoin de fuir. On m'a rappelé toute ma vie qu'il était possible de construire quelque chose à partir de rien, à condition d'être un citoyen libre et respecté et d'avoir la chance de vivre à un endroit où règne la démocratie. Durant les trois premières années, j'ai été serveuse dans quatre restaurants différents. Adapter l'horaire pour travailler quelques heures dans chacun des restaurants était très difficile, mais cela a eu l'avantage de m'aider à apprendre la langue et le fonctionnement des choses dans mon pays d'accueil et à être autonome pour subvenir à mes besoins et même de faire de petites économies, parce que j'ai appris à vivre de très peu.
Avec mes économies, j'ai lancé une entreprise à partir d'un investissement très minime. Cela a exigé de très longues heures, mais je n'avais pas l'impression que c'était si long à ce moment-là. Fonder une entreprise sans argent pour la publicité, le matériel ou quoi que ce soit a exigé beaucoup de travail physique. J'étais très fière et très heureuse de constater que je pouvais bâtir quelque chose à partir de rien. Par après, j'ai appris que traiter chacun de mes clients comme une personne exceptionnelle était la clé du succès de mon entreprise.
J'ai eu la chance d'avoir un fils merveilleux au cours de la deuxième année de mon entreprise. Je n'ai pas eu l'occasion de profiter d'un congé de maternité. Je n'avais pas beaucoup d'argent me permettant d'embaucher un certain nombre de personnes et de comptables et de me procurer tout ce qui est nécessaire pour exploiter une entreprise.
Je suis retournée au travail trois semaines après avoir subi une césarienne, et j'étais toujours très heureuse. Environ un an plus tard, mon cher fils a commencé à perdre ses mots, et les premiers signes de panique sont survenus. J'éprouve un certain malaise lorsque je vous dis que j'ai vécu les quatre dernières années dans la panique. Mais je suis très à l'aise de vous dire que j'ai appris à vivre une journée à la fois et une heure à la fois, et je m'accroche à l'espoir qu'un jour, un représentant du gouvernement m'entendra — pas seulement moi, car je crois vraiment que ma voix représente bien des mères dans ma situation — et apportera le changement si crucial qui consiste à donner l'accès à une forme ou une autre d'aide.
J'ai cogné à toutes les portes, et je suis très heureuse et reconnaissante à mon Dieu de m'avoir donné la force, au nom de mon fils, de militer et de tenter de cogner à toutes les portes pour trouver de l'aide. Il n'y a pas grand-chose à notre disposition.
Mais je ne suis pas fâchée. Ça va mal, mais j'ai de l'espoir.
Je n'ai pas eu une journée de congé. Je n'ai jamais pris de congé de maladie pendant toutes ces années. Je travaillais, au début, pour réaliser un rêve, pour construire une vie meilleure, et maintenant, je travaille à temps plein et je fais des heures supplémentaires chaque jour pour aider mon fils, peu à peu, à décomposer l'information et à acquérir un peu d'aptitudes de communication. Je sais que personne ne peut s'en sortir seul, et ni mon fils ni moi-même ne faisons exception à cette règle.
Il faudra toujours payer les comptes. L'arrivée d'un enfant qui a des besoins spéciaux a d'emblée fait de moi une mère spéciale. En plus d'un autisme grave, mon fils souffre de beaucoup d'autres troubles liés à son système immunitaire. J'ai passé d'innombrables nuits dans une salle d'urgence.
Je suis profondément désolée si mon témoignage n'est pas quelque chose que vous voulez entendre aujourd'hui, et je vous suis très reconnaissante de m'écouter.
Je vous prie de faire quelque chose. Faites tout en votre pouvoir et procurez une aide aux pères et aux mères comme moi, et aux enfants comme le mien.
J'ai travaillé très fort. J'ai vraiment travaillé très fort, et je crois avoir droit à un soutien. Je n'ai pas vraiment d'endroit où aller, et j'aimerais simplement pouvoir espérer que quelqu'un me donnera une autre chance. J'espère que quelqu'un ici sait ce qu'est l'autisme, moi, je sais c'est quoi vivre avec cela.
Donnez-moi une autre occasion de parler aux experts, car je dois être la phoniatre, l'ergothérapeute, la physiothérapeute et la coordonnatrice des services.
Je dois faire la lessive. Je dois préparer les repas. Les problèmes sensoriels sont très complexes. Le trouble de mon fils est très complexe et nécessite une intervention très complexe.
Je voudrais pouvoir espérer que certains d'entre vous aujourd'hui se joindront à moi et changeront les choses, pas seulement au chapitre du régime d'assurance-emploi. C'est peut-être quelque chose à quoi je n'ai pas pensé; je n'ai plus ce loisir. Je ne peux même pas écouter les nouvelles. Je prodigue des soins à temps plein.
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Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup, madame Spencer.
Merci, madame Ngjelina. J'ai beaucoup de sympathie pour vous. J'ai un fils de 38 ans qui est hémophile. Quand je l'ai eu, il n'y avait pas non plus de services pour les parents d'enfants hémophiles, et c'était alors considéré comme étant beaucoup plus grave que ce ne l'est aujourd'hui. Je sympathise beaucoup avec vous et je vous remercie du courage que vous avez eu pour venir exposer cela devant des inconnus, devant des étrangères, tout en ne sachant pas ce que vous pourriez en retirer. Malheureusement, j'ai bien peur que ce soit bien peu, mais d'un autre côté, je me dis que chaque fois qu'une femme ose faire un pas en avant, chaque fois qu'une femme qui a un besoin ose l'exprimer, ose le dire aux gens qui la représentent au gouvernement, elle a peut-être la chance d'ouvrir une oreille ou un coeur. Je le pense, car je suis une femme très confiante.
J'ai beaucoup travaillé dans le passé avec des femmes immigrantes. Je vous félicite d'autant plus de tout le travail que vous faites, madame Spencer.
Madame Ngjelina, j'aimerais savoir ce qu'il est advenu de votre entreprise depuis que vous avez eu votre fils et que vous avez découvert qu'il était autiste. De plus, si vous n'avez pas d'emploi, vous êtes peut-être admissible au nouveau programme pour les femmes qui n'ont pas d'emploi ou qui sont hors du marché de l'emploi depuis quelques années et qui ont besoin de se requalifier pour trouver un emploi. Cela fait partie du nouveau programme d'assurance emploi. Mme Boucher pourrait peut-être vous donner des informations complémentaires là-dessus, elle est la .
En ce qui a trait à votre fils, madame Ngjelina, je ne connais pas les services que vous pouvez trouver, mais il y a sûrement une organisation pour les aidants naturels. Faites-vous partie d'une telle organisation? Si non, on peut sûrement vous donner des coordonnées pour vous aider à trouver de l'appui. Il y a aussi une organisation pour les personnes autistes. On peut vous donner les références pour que vous trouviez du soutien à cet égard aussi. Vous méritez toute notre sympathie, mais aussi toute notre reconnaissance pour tout ce que vous faites. Merci beaucoup d'être ici.
Madame Spencer, j'aimerais savoir une chose. Nous avions fait des recommandations pour le cas des femmes immigrantes qui oeuvrent comme aides domestiques dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants, qui dessert plus particulièrement les femmes provenant des Philippines. Ces femmes ont aussi beaucoup de problèmes à cause de la situation que vous connaissez sans doute. Elles doivent demeurer chez leur employeur pendant deux ans avant de pouvoir obtenir les documents légalisant leur résidence et avant de pouvoir chercher un autre emploi. Dès lors, des femmes vivent des situations d'abus, parce qu'elles doivent demeurer au même endroit pendant deux ans. Savez-vous si la situation s'est améliorée?
Dans les journaux d'hier — ça commence à sortir —, on pouvait lire un reportage qui indiquait que la crise économique touche présentement encore plus les femmes immigrantes que les femmes des autres communautés. J'aimerais vous entendre là-dessus également. Merci.
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L'une d'elles, je l'ai simplement laissée aller. L'autre, je l'ai vendue. J'avais réussi à en avoir deux. Je l'ai vendue pour une bouchée de pain.
Je tiens à préciser que j'ai une scolarité de 19 ans. Je suis ingénieure du génie rural. Je faisais mon doctorat en génie génétique. Je connais très bien le trouble de mon fils, et je remercie le ciel de pouvoir l'aider chaque jour, mais je voulais faire entendre la voix des autres mères, qui ne sont pas assez scolarisées et qui ne savent pas comment. Elles veulent aider à tout prix, mais elles ignorent comment faire.
L'autre chose, c'est que je n'avais pas beaucoup d'économies pour subvenir à mes besoins. S'il y avait un soutien du régime d'assurance-emploi, je n'aurais pas besoin d'épuiser ma ligne de crédit d'entreprise. J'ignore comment je vais faire pour la rembourser. Je n'ai pas de revenu pour payer les comptes. On m'a coupé le gaz pendant une semaine. Personne ici ne peut s'imaginer comment on se sent lorsque cela arrive. Je tiens à dire que je souhaiterais tant être éloquente et à l'aise avec votre langue, car cela constitue un handicap. En même temps, je vois vraiment comment se sent mon fils, et comment on se sent lorsqu'on ne peut pas parler. Je suis si fière de la dame à côté de moi qui peut parler en mon nom et au nom de tant d'autres personnes. Je suis si triste que je n'ai pas les mots pour l'exprimer, mais je pourrais le faire si je disposais de programmes pour me soutenir. Je suis certaine que je pourrais trouver un emploi. Je suis certaine que je pourrais lancer une entreprise demain matin.
L'autre chose que je veux que vous sachiez, c'est que, lorsque j'entends des gens se plaindre des taxes — nos taxes sont trop élevées, bien sûr —, mais c'est vraiment avec le plus grand plaisir que je paie les taxes, car je crois vraiment à ce que disait Gandhi, qu'il faut incarner le changement que l'on souhaite voir dans le monde. On m'a toujours professé cela, dès mon très jeune âge. J'ai toujours voulu incarner le changement que je souhaitais voir dans le monde. Je payais l'impôt sur le revenu et j'honorais toutes mes obligations de citoyenne avec un grand plaisir, et je ne me plaignais jamais de cela. J'ai fait des investissements, car je crois à la contribution que nous pouvons faire dans notre société, dans notre pays. Mais je ne comprends pas qui a pris la décision de me dire: « Oui, vous êtes la bienvenue. Vous travaillez. Vous bâtissez. Vous investissez. Mais, si votre enfant est malade, vous vous retrouvez sans le sou. » Vous pouvez aller d'église en église pour qu'on vous remette cinq couches à la fois. C'est très humiliant, madame, mais je ne le ressentais pas grâce à mes instincts maternels, c'est mon coeur de mère qui m'a motivée durant ces quatre dernières années. Tout ce que je voulais, c'est que Llorian ait une couche, car mon fils a constamment la diarrhée, et il souffre d'otites chroniques depuis plus de deux ans. C'est ce que je voulais.
J'ai mangé de la soupe de banques alimentaires pendant plus d'un an, et je souffre d'une grave carence en fer. Malgré le supplément que je prends, mon corps n'en produit pas. Cela ne fonctionne pas. J'ai beaucoup de problèmes de santé, mais si j'obtiens l'aide qu'il me faut simplement pour démarrer, pour m'aider un peu à sortir du gouffre dans lequel je me trouve, il va s'en dire que je serai de nouveau capable de contribuer à ma société. J'ai embauché beaucoup de gens par le passé. Je suis très fière et très heureuse de l'avoir fait. Je ne veux pas me souvenir de cela avec tristesse, mais je crois vraiment que je mérite un peu mieux.