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Merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous.
Je suis ravie de voir que le Comité permanent de la condition féminine se penche sur la question de l'assurance-emploi pour les femmes au Canada en vue d'améliorer le régime. Ma déclaration portera principalement aujourd'hui sur la relation entre la conception du régime d'AE et la nature changeante de l'emploi, plus particulièrement en ce qui concerne la situation des femmes qui occupent des emplois précaires.
Mon but, c'est de démontrer que bien des problèmes du régime d'AE, et leurs conséquences liées au sexe, sont le fruit d'une disjonction entre les réalités du marché du travail et la conception du programme d'AE, qui repose sur des normes d'emploi dépassées.
Comme bien des gens le savent, un nombre croissant de travailleurs au Canada occupent des emplois peu rémunérés, assortis de garanties juridiques et d'avantages sociaux limités. Comme nous pouvons nous y attendre, certains types d'emplois sont plus susceptibles d'être précaires, comme les emplois temporaires et à temps partiel et d'autres formes de travail autonome. Ce qui caractérise surtout ces types d'emplois, c'est qu'ils divergent de la norme traditionnelle, soit de l'emploi permanent à temps plein. Dans le passé, ces emplois étaient principalement occupés par des hommes, surtout des hommes blancs nés au Canada. Même si bien des exclusions liées au sexe dans le modèle d'emploi ont été éliminées grâce à l'égalité formelle, les emplois permanents à temps plein continuent d'être profondément façonnés par les relations entre les hommes et les femmes.
Par ailleurs, malgré la nature changeante de l'emploi, cette norme continue de structurer les politiques publiques telles que l'assurance-emploi, comme je vais essayer de vous le montrer. Mais d'abord, je vais vous donner un bref aperçu des particularités liées au sexe des emplois précaires au Canada.
Comme le tableau à l'écran l'indique, les emplois permanents à temps plein représentaient seulement 64 p. 100 de tous les emplois, ce qui constitue une baisse par rapport aux 68 p. 100 en 1989.
Au cours de cette période, on a enregistré une hausse de l'emploi temporaire et de l'emploi indépendant solo chez les hommes et les femmes — le travailleur à son compte n'engage pas d'autres personnes. Par ailleurs, les emplois à temps partiel chez les hommes et les femmes sont demeurés assez stables. Toutefois, deux fois plus de femmes que d'hommes, soit plus de deux millions, ont travaillé à temps partiel en 2008.
Comme la prochaine diapositive le montre, un nombre beaucoup plus élevé de femmes que d'hommes occupaient des emplois à temps partiel. Les femmes risquent donc davantage que les hommes de ne pas avoir accès à la protection sociale et syndicale offerte en fonction du nombre d'heures de travail.
Si l'on répartit les emplois temporaires selon le type, on peut voir toutes sortes d'autres particularités liées au sexe. En 2008, les hommes occupaient la majorité des emplois saisonniers, qui ont été en partie davantage protégés dans le passé que d'autres types d'emplois temporaires. À titre de comparaison, on constate une prédominance féminine dans les emplois occasionnels, qui sont pour la plupart des emplois à temps partiel et qui se caractérisent par des niveaux élevés d'incertitude et d'insécurité du revenu.
À certains égards, les types d'emplois à temps partiel et temporaires sont précaires par définition. C'est à cause de leur instabilité et de leurs heures quotidiennes ou hebdomadaires inférieures à la normale. Toutefois, d'autres aspects rendent ces types d'emplois précaires. Prenons le niveau de revenu, par exemple. Les travailleurs dans des emplois temporaires et à temps partiel sont beaucoup plus susceptibles que les travailleurs permanents à temps plein de gagner des revenus faibles. Par exemple, 44 p. 100 des travailleurs permanents à temps partiel en 2008 gagnaient 10 $ de l'heure ou moins, comparativement à 8,3 p. 100 des travailleurs permanents à temps plein.
Je vais maintenant passer à la conception du régime de l'assurance-emploi. Comme vous le savez, l'assurance-emploi a remplacé l'assurance-chômage en 1996, marquant la mise en oeuvre d'un système fondé sur les heures plutôt que sur les semaines travaillées. Ce changement a officiellement permis l'accès à l'AE à plus de travailleurs à temps partiel et occupant plus d'un emploi et tient apparemment compte des réalités changeantes du marché du travail canadien que j'ai décrites.
Depuis sa mise en oeuvre cependant, l'accès aux prestations s'est détérioré pour bien des travailleurs à temps partiel. L'admissibilité est fondée sur la norme, un emploi permanent à temps plein, de sorte qu'il est plus difficile pour ceux qui ont travaillé moins de 35 heures par semaine d'y avoir droit. Dans le cadre du régime d'assurance-chômage, les personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active devaient travailler l'équivalent de 300 heures, tandis que sous le régime de l'AE, elles doivent en travailler 910. Sous le régime de l'AC, elles devaient travailler entre 180 et 300 heures, selon le taux de chômage régional, tandis que sous le régime de l'AE, elles doivent faire entre 410 et 700 heures. Après la mise en oeuvre de l'AE, de nombreux travailleurs à temps partiel étaient assurés en cas de chômage pour la première fois, mais ils ne peuvent souvent pas toucher des prestations en raison des conditions d'admissibilité du système fondé sur les heures.
Les changements apportés à la formule de calcul des prestations, plus particulièrement à la règle du dénominateur, ont eu une incidence négative sur les personnes ayant des revenus intermittents, y compris les travailleurs temporaires tels que les employés occasionnels. Les femmes sont plus susceptibles de ne pas satisfaire aux exigences d'admissibilité aux prestations ordinaires et, quand elles y ont droit, elles risquent davantage d'épuiser leurs prestations que les hommes. Les femmes représentent la majorité des travailleurs à temps partiel et, en moyenne, elles travaillent moins d'heures que les hommes chaque semaine.
Les travailleuses aussi sont touchées puisqu'elles peuvent devenir enceintes. Il se peut qu'une femme qui revient d'un congé de maternité d'un an ne puisse pas toucher des prestations d'AE si elle est mise à pied dans les mois suivants. C'est parce qu'elle n'a probablement pas accumulé suffisamment d'heures pour présenter une nouvelle demande, surtout si elle fait moins de 35 heures par semaine. De plus, même si elle a atteint le nombre d'heures minimal requis, sa période de prestations sera plus courte que celle de ses collègues. En comparaison, les travailleurs occupant des postes permanents à temps plein ont été surtout touchés par la réduction du nombre maximal de semaines de prestations, ce qui a été corrigé dans le budget de février 2009, mais seulement de façon minime.
D'autres témoins ont fourni des statistiques générales sur l'admissibilité à l'assurance-emploi, en faisant remarquer une baisse considérable du ratio entre les prestataires de l'AE et les chômeurs depuis 1989. La comparaison entre les hommes et les femmes pour ce qui est du ratio des prestations ordinaires de l'AE — j'insiste là-dessus — versées aux chômeurs vient soutenir ces observations. En 2009, seulement 39,1 p. 100 des femmes en chômage ont touché des prestations ordinaires, comparativement à 82,6 p. 100 en 1989, par rapport à un faible taux de 45,5 p. 100 des hommes en chômage.
Ces tendances mettent en évidence deux problèmes fondamentaux du système. L'un consiste à obtenir un emploi ou à être admissible à ces prestations. L'autre a trait à la durée des prestations. Les femmes ont perdu sur les deux plans. J'ai déjà insisté sur le nombre de travailleurs temporaires et à temps partiel qui ont perdu sur le premier plan. De plus, parce que les femmes font moins d'heures que les hommes, un pourcentage plus élevé de femmes épuisent leurs prestations.
En 2005, comme la diapositive à l'écran le montre, 30,4 p. 100 des femmes, par rapport à 26,3 p. 100 des hommes ont épuisé leurs prestations avant de trouver un nouvel emploi. Je serais heureuse de vous donner un exemple concret à la période des questions sur la manière dont les travailleuses types dans le secteur des services sont touchées. Il est aussi important d'insister sur le double obstacle auquel font face les chômeurs, dont un grand nombre de femmes, qui travaillaient au préalable relativement peu d'heures et touchaient des salaires peu élevés, en raison des faibles taux de remplacement. Ces travailleurs risquent déjà de recevoir 55 p. 100 d'un revenu déjà faible. Un grand nombre de ces travailleurs ne peuvent pas recevoir de prestations d'assurance-emploi, ce qui contribue à un cycle d'emplois précaires.
Même le filet de sécurité pour les femmes à faible revenu est limité. Même si l'AE maintient le supplément pour les personnes à faible revenu, la formule est fondée sur les revenus du ménage, et non pas sur les revenus individuels. Ce supplément limite l'accès indépendant des femmes à faible revenu à des prestations plus élevées.
Dans ma déclaration, j'ai essayé d'illustrer que bien des emplois différents, autres que les emplois permanents à temps plein, sont généralement précaires. J'ai montré qu'un grand nombre de travailleurs qui occupent de tels emplois — qui sont surtout temporaires, à temps partiel et très précaires — sont des femmes. Il n'y a aucune raison pour laquelle l'AE ne pourrait pas mieux desservir ces travailleurs. Je veux donc terminer mes remarques par trois recommandations pour corriger le régime des prestations ordinaires d'AE, et j'insiste là-dessus compte tenu de la récession actuelle.
Dans un premier temps, je recommanderais ou proposerais l'adoption d'une exigence uniforme de 360 heures pour avoir droit aux prestations ordinaires. La réduction du nombre d'heures minimal répondrait aux besoins du nombre considérable de travailleuses, surtout celles qui peuvent seulement occuper des emplois temporaires et à temps partiel, qui ont actuellement du mal à avoir accès aux prestations. Cette exigence interviendrait devant la tendance à la baisse générale des heures de travail. Parallèlement, uniformiser l'exigence d'admissibilité éliminerait le système complexe qui consiste à aligner l'accès à l'AE sur les taux de chômage régionaux, qui sont relativement insensibles aux tendances relatives à l'emploi et aux industries.
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Nous avons lu quelques-unes des déclarations que d'autres témoins ont déjà faites devant vous, plus particulièrement celles du Congrès du travail du Canada et de Richard Shillington. Les deux ont mentionné les prestations parentales et de maternité pour les travailleurs autonomes. M. Shillington a fait référence à l'étude de l'Association du Barreau canadien sur les prestations de maternité pour les travailleurs à leur compte. Il a aussi parlé du programme en place dans la province de Québec qui permet aux travailleurs autonomes d'avoir accès à des prestations parentales et de maternité.
Puisque nous savons que vous commencez à accumuler beaucoup d'informations, de statistiques, et encore plus aujourd'hui avec la déclaration de Leah, nous avons donc pensé à vous parler de ce que cette situation signifie sur le plan humain. Nous essaierons d'expliquer la situation d'une propriétaire d'entreprise ou d'une travailleuse autonome qui ne peut pas avoir accès aux prestations de l'AE pour rester à la maison avec un nouveau-né.
J'ai mentionné plus tôt que je dirige ma propre entreprise. En 2002-2003, j'ai travaillé entre autres sur une étude réalisée dans toute la province de l'Atlantique sur l'accès aux prestations parentales et de maternité de l'AE pour les femmes qui travaillent à leur compte et qui possèdent leur entreprise.
Une équipe de femmes a mené des groupes de consultation dans l'ensemble de la région de l'Atlantique. Les recherches ont été financées par Condition féminine Canada à l'époque où cet organisme finançait des recherches.
J'ai organisé une dizaine de groupes de consultation au Nouveau-Brunswick. Je les ai tenus dans les deux langues officielles et dans les régions rurales et urbaines de la province. J'aimerais vous parler de quelques-unes des femmes que j'ai rencontrées.
Il y a la coiffeuse de 35 ans qui a son propre salon de coiffure. Après 14 années sans vacances, elle a pris trois semaines de congé et a donné naissance à son bébé. Elle l'a allaité pendant ces trois semaines. Ensuite, comme elle l'a dit, elle a dû le « sevrer » et retourner au travail. Elle a dû faire son deuil de ne pas pouvoir allaiter son nouveau-né pour les six mois suivants.
Il y a la massothérapeute, de 35 ans elle aussi, qui dirige son propre centre. Elle a six employés. Ils peuvent tous avoir accès à l'AE car elle cotise à la caisse, tout comme eux. Ils peuvent rester à la maison un an avec leur nouveau-né, mais elle ne le peut pas.
Il y a la psychologue de 40 ans qui possède son propre cabinet. Elle n'avait pas l'intention de devenir enceinte, mais ce sont des choses qui arrivent. En raison de son âge, son bébé et elle ont eu de graves complications. Elle a en fait failli mourir en donnant naissance. Elle est restée à la maison plusieurs mois avec le nouveau-né sans aucune source de revenus. Quand elle a finalement pu reprendre le travail, elle a dû se reconstituer une clientèle.
Une photographe dont l'entreprise dépend de sa créativité avait déjà un enfant de dix ans et elle est devenue enceinte. Elle s'est lourdement endettée sur sa marge de crédit. Elle a dû s'occuper de deux enfants — dont un nouveau-né — tout en continuant de travailler.
Nous avons entendu des histoires d'horreur de femmes de partout dans la région, des histoires de coiffeuses travaillant debout toute la journée une semaine après avoir donné naissance, car elles ne pouvaient pas se permettre de ne pas travailler; de nouvelles mères, propriétaires d'entreprises, croulant sous les dettes pour sauver leur entreprise; de femmes qui décident de ne pas avoir d'enfants ou de ne pas en avoir plus parce qu'elles n'en auraient pas les moyens.
Ce qui est peut-être le plus triste, c'est le nouveau-né qui n'a pas le droit, comme bien d'autres nouveaux-nés, d'avoir la personne la plus importante près de lui durant sa première année de vie parce que ses deux parents sont des travailleurs autonomes.
Ces femmes ont toutes dit les mêmes choses. Elles contribuent à l'économie, à leur communauté locale. Elles embauchent des gens. Elles créent de l'emploi. Leurs employés peuvent rester un an à la maison avec leur nouveau-né, mais elles ne le peuvent pas. C'est une question d'équité, de justice sociale.
Nous parlons souvent au pays de notre population vieillissante et de la nécessité d'attirer plus d'immigrants. Des femmes au pays auraient des enfants ou en auraient plus si notre réseau de soutien social était plus favorable à la famille. Malheureusement, dans bien des cas — et c'en est certainement un —, notre réseau de soutien n'est pas favorable à la famille.
Nous savons qu'en septembre 2008, lors de la dernière campagne électorale fédérale, le a annoncé qu'un gouvernement conservateur réélu permettrait aux Canadiens qui travaillent à leur compte d'avoir accès aux prestations parentales et de maternité. En passant en revue certains documents pour préparer ma déclaration, j'ai trouvé ce communiqué de presse qui a été rendu public le 15 septembre. Je voudrais simplement vous en lire un extrait car il cite les propos du :
Les travailleurs autonomes canadiens — et ceux qui aimeraient le devenir un jour — ne devraient pas avoir à choisir entre fonder une famille ou démarrer une entreprise à cause d’une politique gouvernementale. Ils devraient pouvoir réaliser leurs rêves — comme entrepreneurs et comme parents.
Nous voulons que le sache que nous sommes tout à fait d'accord avec lui. Nous savons qu'il a annoncé en janvier dernier qu'il créerait un groupe d'experts pour étudier la question. Nous espérons que ce n'est pas juste une autre tactique dilatoire. BPW Canada n'est pas seule dans cette situation. Nous disons la même chose que bien des groupes qui revendiquent l'égalité, c'est-à-dire que le temps est venu de permettre aux travailleurs autonomes et aux propriétaires d'entreprises d'avoir accès aux prestations parentales et de maternité.
Je vais peut-être commencer par vous donner un exemple concret, puisque j'en ai parlé tout à l'heure. J'aimerais vous montrer mon autre diaporama, que j'ai remis au greffier.
J'ai évoqué les questions de l'admissibilité et de la durée des prestations ordinaires chez les groupes industriels à prédominance féminine. Je vais peut-être commencer par cela et je ferai ensuite quelques recommandations. Comme mon homologue, j'ai pensé que ce serait une bonne idée de pouvoir fournir un exemple d'une travailleuse type dans le genre de situation que j'ai décrit.
Les emplois dans le secteur des services sont souvent occupés par des femmes. Les employés dans ce secteur travaillent en moyenne 29 heures par semaine. Dans les épiceries, c'est encore moins, soit 25 heures par semaine. En février 2009, les travailleurs dans les régions où le taux de chômage se chiffre entre 7 et 8 p. 100 — Toronto, Montréal — devaient travailler 630 heures pour être admissibles au nombre minimal de semaines de prestations, qui est de 17 semaines.
Un employé dans le secteur des services qui travaille 29 heures par semaine a donc besoin de 22 semaines de travail avant une mise à pied pour satisfaire à l'exigence des 630 heures. C'est encore plus difficile pour un employé travaillant dans une épicerie. Ce travailleur doit avoir travaillé 26 semaines avant une mise à pied pour obtenir les heures hebdomadaires nécessaires pour satisfaire à l'exigence minimale des 630 heures.
Il aurait seulement fallu à ces deux travailleurs 18 semaines de travail avant une mise à pied pour demander le nombre minimal de semaines de prestations d'assurance-chômage dans le système fondé sur les semaines. Si on regarde la durée, les travailleurs qui vivent dans une région où le taux de chômage se chiffre entre 7 et 8 p. 100 et qui ont accumulé au moins 630 heures de revenus assurables avant une mise à pied pourraient être admissibles à des prestations d'AE pour une période allant de 17 à 40 semaines, selon leurs heures assurables. Jusqu'au 11 septembre 2010, tous les prestataires seront admissibles à cinq semaines supplémentaires de prestations.
Mais si nous prenons de nouveau l'exemple de l'employé dans une épicerie qui vit dans cette région et qui travaille en moyenne 25 heures par semaine pendant 52 semaines avant sa mise à pied — ce qui correspond à 1 300 heures assurables —, ce travailleur est admissible à un maximum de 31 semaines de prestations jusqu'en septembre 2010, après quoi la période sera réduite à 26 semaines. Ce travailleur aurait pu avoir droit jusqu'à 40 semaines sous le régime précédent fondé sur les semaines.
Compte tenu du lien entre les heures travaillées durant la période de référence et la durée des prestations ordinaires, il n'est pas étonnant que les femmes épuisent leurs prestations avant les hommes — c'est le chiffre sur l'épuisement des prestations d'AE dont je vous ai fait part durant mon exposé et que vous trouverez dans le document que je vous ai remis.
Je pense qu'il est très important d'expliquer cette situation. Un grand nombre de femmes dans la population active travaillent dans le secteur des services. J'ai choisi de fournir l'exemple de l'employé dans une épicerie et de présenter certaines des données que Statistique Canada nous a fournies relativement aux heures. Je pense que c'est très important. C'est un des exemples que je vous donnerais.
Permettez-moi de faire quelques commentaires additionnels au sujet des recommandations...
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J'ai essayé de montrer que le régime d'assurance-emploi, malgré la tentative d'y inclure les travailleurs à temps partiel, temporaires et occupant plusieurs emplois, s'articule autour d'un employé à temps plein qui travaille à l'année longue 35 heures par semaine. En réponse à votre question, je dirais que le régime s'articule toujours autour de ce travailleur type.
Je n'ai pas eu assez de temps quand je présentais mes recommandations pour parler des prestations de maternité et des prestations parentales, qui ont été instaurées en 1971 et en 1990 respectivement. La transition de l'AC à l'AE a eu une incidence négative sur ces prestations, bien que le nombre de semaines maximal de prestations soit une question bien différente.
Parce que le système fondé sur les heures s'applique aussi aux prestations parentales et de maternité, les travailleurs qui occupent des emplois temporaires et à temps partiel ont de la difficulté à toucher des prestations. Ceux qui sont admissibles font face à des taux de remplacement du revenu plus faibles et prennent généralement des congés de plus courte durée. Les femmes doivent avoir accumulé 600 heures pour avoir droit au congé parental et de maternité, comparativement à l'exigence dans le régime précédent de 20 semaines d'au moins 15 heures chaque, ou l'équivalent de 300 heures.
Tout comme les prestations ordinaires, les prestations parentales et de maternité dans le cadre de l'assurance-emploi s'articulent autour de la norme, c'est-à-dire un employé à temps plein qui travaille à l'année longue 35 heures semaines, ce qui pénalise essentiellement les femmes qui n'ont pas d'emploi continu à temps plein et les travailleurs autonomes. De plus, bien que les prestations parentales aient été augmenté à 35 semaines en 2000, sans que cela ne change beaucoup le niveau maximal des prestations, le taux de remplacement hebdomadaire a aussi baissé.
Un taux de remplacement faible et un plafonnement peu élevé du niveau maximal des revenus assurables peuvent aussi constituer un moyen d'inciter la personne qui gagne un faible revenu dans le ménage à prendre le congé plutôt que celle touchant un revenu élevé. Même si le congé parental est offert aux hommes et aux femmes, la segmentation des genres et des sexes dans le marché du travail a une incidence sur ceux qui reçoivent les prestations.
Ma collègue Katherine Marshall, à Statistique Canada, a aussi montré que les femmes qui occupent des emplois non permanents sont presque cinq fois plus susceptibles de retourner au travail si elles peuvent toucher des prestations de maternité de l'AE — cinq fois plus susceptibles de reprendre le travail en moins de neuf mois —, comparativement à celles ayant un emploi permanent. La dynamique que j'ai essayé d'expliquer en ce qui concerne l'admissibilité, l'emploi et l'épuisement des prestations s'applique aussi aux prestations de maternité, quoique de manières différentes.
Je dirais que l'emploi type demeure certainement le modèle sur lequel on s'appuie pour les prestations ordinaires d'AE et les prestations de maternité, bien que je préfère mettre l'accent sur les prestations ordinaires en raison de la récession et de ce que les autres témoins ont dit.
Merci.
Je suis heureuse d'entendre que le gouvernement est prêt à aller de l'avant dans cette question. Je vous félicite. Nous pensons que c'est une situation urgente. La crise économique mondiale est une situation urgente, mais pour les travailleuses indépendantes en particulier qui aimeraient avoir des enfants, c'est une situation urgente. Je suis heureuse d'apprendre que le gouvernement va aller de l'avant dans ce domaine.
Je pense qu'il y a un bon exemple, un bon modèle, dans la province de Québec. Beaucoup d'informations ont été mises à la disposition du comité sur la façon dont fonctionne ce programme. Comme je l'ai dit plus tôt, BPW Canada ne dispose pas d'un gros service de recherche, alors nous ne sommes pas en mesure de faire cela, mais nous avons fait connaître publiquement notre position selon laquelle nous croyons qu'il devrait s'agir d'un programme volontaire pour les travailleuses autonomes. Je parle des prestations de maternité et des prestations parentales, les prestations spéciales. Je ne parle pas globalement des prestations régulières, mais il devrait s'agir d'un programme volontaire pour les femmes qui sont des travailleuses autonomes. Par exemple, en tant que propriétaire d'entreprise, je dois contribuer au Régime de pensions du Canada, et payer à la fois la contribution de l'employeur et celle de l'employé. Cela me coûte probablement quelque chose comme 4 000 $ par année, ce qui est un coût pour mon entreprise.
Nous ne sommes pas certains que mettre sur pied un programme qui oblige tous les travailleurs autonomes à payer pour les prestations de maternité et les prestations parentales soit la meilleure façon de procéder, mais c'est certainement un choix qu'il faut offrir. Il faut mettre cela sur pied de manière que les femmes aient le choix de contribuer ou non à ce programme afin qu'elles puissent y avoir accès, comme certaines des choses qui ont été mises en place au Québec, par exemple. À l'heure actuelle, pour avoir accès aux prestations de maternité et aux prestations parentales de l'AE, vous avez une période d'attente de deux semaines. Je ne suis pas certaine de ce qui justifie cela. Et je sais que beaucoup de gens vous ont dit la même chose: qu'est-ce qui justifie cette période d'attente de deux semaines, surtout dans une situation où vous recevez des prestations de maternité et des prestations parentales, mais même dans le cas des prestations régulières, parce que vous passez deux semaines sans revenu, alors que vos factures, elles, continuent d'arriver, et dans la situation où nous sommes, à quoi peut bien servir cette mesure? Je pense que c'est une question que le groupe d'experts devrait examiner: quelle est la justification de cette mesure?
Même les femmes qui peuvent avoir accès à ces prestations ne reçoivent encore que 55 p. 100 de leur revenu, alors, si elles gèrent leur foyer en se fondant sur le revenu familial et que, brusquement, elles ne reçoivent que 55 p. 100 de cette somme, la situation devient très difficile. Au Québec, c'est plus flexible. Vous pouvez choisir entre le fait d'obtenir un pourcentage plus élevé pendant une période de temps plus courte ou d'obtenir un pourcentage plus faible, mais je crois que c'est quand même plus que 55 p. 100. Nos collègues du Québec pourraient nous le dire.
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Merci, madame la présidente.
Je veux vous remercier, mesdames Macklin, Calhoun et Vosko d'être ici et de partager votre expertise avec nous. Vous avez toujours été d'ardentes défenseurs des femmes.
Je vais partager mon temps avec ma collègue, alors je vais adresser mes questions à Mme Vosko pour que Niki puisse parler à ses collègues.
Je me sens presque obligée de vous présenter mes excuses, parce que je reconnais que la recherche que vous avez faite en 2002-2003 n'était pas uniquement de la recherche pour la recherche; elle visait à fournir de l'information dont les gouvernements ont besoin pour élaborer une politique saine. Je regrette beaucoup que Condition féminine Canada ait cessé de subventionner ce genre de recherche, parce qu'il est clair que nous en avons encore besoin. Nous devons savoir ce qui arrive aux femmes — maintenant.
De toute façon, madame Vosko, vous aviez de l'information très intéressante en ce qui concerne le nombre de bénéficiaires, que 45,5 p. 100 des hommes comparativement à seulement 39,8 p. 100 des femmes étaient en mesure de recevoir des prestations d'AE.
Pas plus tard qu'hier, la ministre des Ressources humaines s'est levée devant la Chambre des communes pour dire que 80 p. 100 des Canadiens qui sont sans emploi sont en mesure de toucher des prestations d'AE. Nous continuons d'avoir cette différence d'opinions ou cette discussion au sujet de ces chiffres.
Je me demande si vous ne pourriez pas, s'il vous plaît, clarifier cela dans une certaine mesure?
Il y a des différences dans la façon dont on mesure les personnes sans emploi par rapport aux bénéficiaires. Vous savez que dans une étude réalisée dans le cadre du rapport de surveillance et d'évaluation, il y a peut-être trois ou quatre ans, il y avait une discussion portant sur les différentes façons de mesurer.
Une façon de mesurer, c'est de regarder le nombre de personnes sans emploi par rapport à celles qui contribuent; les travailleuses autonomes qui sont sans emploi, dont ont parlé Sue Calhoun et Joan Macklin, ne sont pas incluses dans cette mesure.
Une autre façon de mesurer est de regarder le nombre de personnes sans emploi par rapport à celles qui reçoivent des prestations. Je dirais que dans la période actuelle, en particulier lorsqu'on examine les personnes qui ont un emploi précaire — travailleurs autonomes « solos », temps partiel, temporaire, etc. — qui sont sans emploi, il est absolument essentiel de regarder la réalité du marché du travail, c'est-à-dire, qui est sans emploi par rapport à qui reçoit des prestations.
Je me ferai également l'écho de vos observations concernant l'importance de la recherche qui vise à éclairer notre politique publique. J'ai également des regrets; je pense que cette étude était très importante pour comprendre la situation des femmes au Canada en ce qui concerne l'AE.
J'aimerais également insister sur le fait que je pense qu'il est important de regarder les dépenses d'assurance-emploi régulières en fonction du sexe. Je pense qu'il est très vrai que les femmes sont les principales bénéficiaires des prestations spéciales. Toutefois, en 2006-2007, le rapport de surveillance et d'évaluation signalait que les hommes recevaient l'équivalent de 5,3 milliards de dollars de prestations alors que les femmes recevaient l'équivalent de 2,8 milliards de dollars de prestations, lorsque vous examinez les dépenses régulières de l'AE. Je peux certainement vous fournir des références à cet égard. Je pense que c'est quelque chose qu'il est très important de souligner, particulièrement dans le cadre de la présente récession.
Alors, l'observation voulant que les femmes soient les principales bénéficiaires de l'AE doit être examinée en faisant une distinction entre les prestations régulières et les prestations spéciales.
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Merci, madame la présidente, et merci de m'accueillir.
Mon attaché de recherche, derrière moi, m'a signalé un point très intéressant que Mme Hoeppner a soulevé plus tôt, à savoir que quelqu'un dans la communauté des personnes handicapées avait préféré une solution à une autre. En fait, son premier choix, c'était qu'elle voulait les deux. C'était son choix. Alors, dans cette situation particulière...
Mais si Mme Hoeppner estime qu'elle aimerait en faire un choix qui appartient aux personnes, peut-être pourrait-elle proposer au premier ministre de faire de cela un choix pour tout le monde: vous avez le choix, deux ou cinq. Je pense qu'elle aurait pu avoir une réponse différente.
La raison pour laquelle je soulève cette question, c'est parce que je veux m'informer auprès des membres ici de la situation de l'AE.
Madame Vosko, vous avez soulevé la question de la règle du dénominateur. C'est quelque chose que j'ai... Parce que dans ma circonscription, les gens dépendent beaucoup du travail saisonnier. La règle du dénominateur est quelque chose qui a vraiment désavantagé les travailleurs saisonniers, mais également les travailleurs occasionnels.
Dans cette situation particulière, nous avons créé un projet pilote qui se fondait sur les 14 meilleures semaines pour contourner cette règle du dénominateur. Évidemment, l'industrie la plus importante dans ma circonscription est la pêche, ce qui comprend, outre les pêcheurs, les travailleurs des usines.
J'aimerais vous demander de nous parler de cette règle du dénominateur. Peut-être pourriez-vous nous donner de l'information sur la façon dont elle fonctionne et nous dire comment elle constitue un désavantage. Mais également, des trois propositions que vous avez faites, les 360 heures, les 12 meilleures semaines, le rétablissement à 67 p. 100, quelle mesure particulière est la plus avantageuse pour les personnes dont vous parlez? Ou quelle mesure particulière ici désavantage le plus les femmes en général?
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Puis-je apporter des précisions? J'ai parlé aujourd'hui de prestations d'assurance-emploi spéciales auxquelles les travailleurs autonomes et les femmes propriétaires d'entreprises auraient droit. C'est tout ce dont j'ai parlé, et non pas de prestations ordinaires pour tous les travailleurs autonomes. Notre organisation n'a pas encore abordé cette question parce que nous pensons qu'il y a des choses plus urgentes à régler, notamment les prestations spéciales pour avoir accès aux congés parentaux et de maternité.
Pour répondre à votre question concernant le moyen de déterminer si une personne s'est mise à pied, je sais pas comment on pourrait s'y prendre. Nous n'avons même pas eu le temps d'y penser. Ce dont nous parlons et ce que nous avons abordé aujourd'hui concerne les prestations spéciales offertes en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi pour avoir accès à des congés parentaux et de maternité.
Lorsque j'ai répondu plus tôt aux questions de votre collègue, j'ai dit, à propos de la période d'attente de deux semaines, que même si vous aviez droit à des prestations parentales ou de maternité, vous étiez tout de même sans revenu pendant deux semaines. C'est exactement l'argument que j'avançais: vous n'avez pas de revenus. Peu importe que cet argent soit ajouté à la fin, il y a deux semaines pendant lesquelles vos factures s'accumulent, mais non votre revenu.
Lorsque j'ai demandé quel était le but de cette période d'attente de deux semaines, je parlais des prestations spéciales, mais cette question s'applique également aux prestations ordinaires, parce que les personnes qui sont sur le point d'être mises à pied attendent tout de même deux semaines. Alors je vous pose la question suivante: pourquoi cette période d'attente de deux semaines existe-t-elle?
La deuxième chose que je voulais dire, c'est que nous n'avons absolument rien contre l'ajout de cinq semaines à la fin de la période de prestations. Nous ne désirons pas priver qui que ce soit de quoi que ce soit, mais pour 60 p. 100 des personnes qui demandent l'assurance-emploi et qui n'y ont pas droit, l'ajout de cinq semaines est inutile puisqu'elles n'y ont pas accès. Elles ne reçoivent pas de prestations d'assurance-emploi.
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Beaucoup de choses ont été dites aujourd'hui, mais depuis quelque temps, on a l'impression de repasser la même cassette. C'est du moins l'impression que j'en ai.
On parle aujourd'hui des fameuses cinq semaines. C'est un pas en avant, mais ça ne change pas le fait qu'à l'heure actuelle, le régime est discriminatoire à l'égard des femmes. Moins de femmes arrivent à se qualifier parce que le régime n'a pas été actualisé. On ne reconnaît pas que de plus en plus de femmes occupent maintenant des emplois précaires et saisonniers. Je peux vous parler de la situation en région, étant donné que j'ai fait deux fois le tour du Québec pour rencontrer des travailleurs et travailleuses quand nous avons présenté la première version du projet de loi C-269 visant à bonifier l'actuel régime de l'assurance-emploi.
Madame, vous parlez de l'aspect humain, or j'ai rencontré des gens en Gaspésie, des femmes dans des usines de crevettes qui travaillaient à fond de train parce que le propriétaire voulait que les crevettes soient emballées le plus rapidement possible. Ces femmes n'arrivent pas à se qualifier. Pourtant, elles sont suffisamment âgées pour être des grand-mamans et sont dans la misère. Quand je les ai rencontrées, elles pleuraient. Comment pouvez-vous rester insensible? Maintes fois, on a rappelé que le régime devait être bonifié parce qu'il ne répondait plus à la réalité quotidienne des femmes. Qu'on accorde cinq semaines, c'est bien, mais ça ne permet pas à un plus grand nombre de femmes de se qualifier et de se prévaloir des prestations.
Il y a aussi la réalité des travailleuses autonomes. Vous décrivez cette situation, madame, dans le document que vous nous avez remis. Les trois recommandations qui y figurent se trouvent toutes dans le projet de loi déposé, encore une fois, par mon collègue devant la Chambre. On n'a rien inventé: on s'est servi de vos études, de votre expertise, de l'expérience des gens, des associations et des groupes de défense. Il y a des chiffres à l'appui. Quand je vois que certains s'emploient à chercher des poux, ça me renverse. Qu'est-ce qu'on attend pour actualiser ce programme et le mettre au service des gens? Ça aiderait à relancer l'économie. Des experts nous l'ont dit. Quand les cas de femmes qui n'arrivent pas à se qualifier disparaissent dans les statistiques, c'est qu'on se débarrasse du problème en les référant aux provinces. Elles survivent alors au moyen de l'aide sociale. Une personne qui reçoit des prestations d'aide sociale peut-elle dire qu'elle fait tourner l'économie? Je ne le crois pas.
Je n'ai pas de question à poser.