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Bonjour. Il s'agit de la 30
e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées. Nous nous réunissons le mercredi 13 mai 2009 de 13 heures à 14 h 30.
Tout d'abord, permettez-moi de vous souhaiter tous la bienvenue et de vous remercier d'avoir répondu à notre appel. J'aimerais vous faire part de deux ou trois éléments d'information avant qu'on commence.
Comme vous avez entendu, la réunion se terminera à 14 h 30. Vous avez un petit instrument devant vous. Le canal 8 est pour la langue anglaise, le canal 9 pour la langue française et le canal 7 est pour la langue qui est parlée à ce moment-là. Parfois, on n'entend pas très bien ce qui se dit.
Cette séance fait partie d'un ensemble de réunions tenues par le comité d'un bout à l'autre du pays. Nous avons commencé une étude sur la pauvreté au Canada, et Dieu sait si on a besoin de cette étude. La situation économique au Canada s'est aggravée. Nous avons donc entrepris une tournée du Canada. Nous avons commencé dans les provinces de l'Atlantique, à Moncton et à Halifax. Aujourd'hui, c'est Montréal; dans quelques jours, ce sera Toronto; et un peu plus tard, nous irons dans l'Ouest canadien et dans le Nord du Canada. Cela vous indique dans quel contexte nous allons écouter vos propos.
Le réunion va se dérouler de la façon suivante. Chaque groupe dispose de cinq minutes pour faire une présentation dans la langue de son choix. Vous partagerez cette période de cinq minutes avec votre collègue de la manière qu'il vous plaira. Après les présentations, mes collègues vous poseront des questions. Ils représentent tous les partis présents à la Chambre des communes. Mme Maria Minna et moi représentons le Parti libéral du Canada; Mme Beaudin, du Bloc québécois, partagera son temps avec M Lessard; M. Mulcair est du NPD; M. Komarnicki et M. Lobb représentent le parti gouvernemental, le Parti conservateur du Canada. Ces personnes vont vous poser des questions auxquelles vous pourrez répondre.
Nous commençons tout de suite. Je vais suivre tout simplement le plan en commençant par M. Saillant, du Front d'action populaire en réaménagement urbain, mieux connu sous le nom de FRAPRU.
Monsieur Saillant, c'est à vous.
J'aimerais d'abord faire une très brève présentation du FRAPRU. Il s'agit d'un regroupement de 130 organismes du Québec qui intervient sur les enjeux de logement, d'itinérance, et plus généralement sur les enjeux de lutte contre la pauvreté et de défense des droits sociaux.
À partir du milieu des années 1990, le Canada a, comme vous le savez, traversé une très longue période de croissance économique, une très longue période de surplus budgétaires colossaux, et, certaines années, tout à fait colossaux. Il s'agissait donc d'une période favorable à une diminution de la pauvreté, et même plus qu'une diminution, c'était une période qui aurait été favorable à une élimination de la pauvreté au Canada. Ce n'est malheureusement pas ce qui est survenu.
Je ne suis pas le seul à le dire. Un rapport de l'OCDE est paru l'automne dernier, et il ne s'agit pas d'un organisme particulièrement reconnu pour son gauchisme. Non seulement l'OCDE disait-il que les écarts de revenus s'étaient agrandis au Canada, mais qu'un seul pays avait fait pire que le Canada dans ce domaine. Le rapport de l'OCDE parlait plus précisément du revenu du quintile le plus pauvre de la population. Ce revenu n'a augmenté que de 0,2 p. 100 entre 1995 et 2005, alors que le revenu du quintile le plus élevé, c'est-à-dire le cinquième de la population qui dispose des revenus les plus élevés, avait augmenté de 2,1 p. 100. Il y a donc eu une augmentation de 2,1 p. 100 pour les plus riches et de 0,2 p. 100 pour les plus pauvres.
Selon moi, les politiques gouvernementales qui ont été adoptées par les gouvernements qui se sont succédé à Ottawa sont en cause à cet égard. Je vais juste vous donner un exemple, parce qu'il y en a beaucoup, mais je vais donner celui que je connais le mieux, celui du logement social.
En 1993, le gouvernement fédéral s'est totalement retiré du domaine du logement social. On sait qu'auparavant, il était le principal pourvoyeur de fonds à ce chapitre. Cela survenait après trois années de compressions budgétaires brutales. En 1993, on s'est donc retiré. On est revenu timidement depuis 2002, en fournissant des fonds pour ce qu'on appelle le « logement abordable ». Cependant, même en tenant compte de ce qu'on a injecté dans le logement abordable, même en tenant compte de ce que le gouvernement du Québec a fait avec ses propres budgets, le manque à gagner pour le Québec, pour les mal-logés et les sans-abri du Québec qui en ont souffert, a été de 54 300 logements en 16 ans. Cela représente 54 300 personnes ou familles qui, autrement, ne seraient plus à la rue, aujourd'hui, ou encore ne paieraient plus un pourcentage totalement exorbitant de leurs revenus pour se loger ou n'habiteraient pas dans des taudis.
Ce n'est pas pour rien d'ailleurs que le Canada a été, à plusieurs reprises, pointé du doigt par des instances de l'ONU, notamment le Comité des droits économiques, sociaux et culturels en 2006 et par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au logement, en 2007. Encore tout récemment, le Conseil des droits de l'homme, lors de l'examen périodique universel en mars dernier, a pointé du doigt le Canada pour sa faible performance en matière de respect du droit à un niveau de vie suffisant et du respect du droit au logement aussi.
On était dans une longue période de croissance économique et de surplus budgétaires. Maintenant, la situation est autre, il y a une crise économique, et on connaît de nouveau un déficit budgétaire. Il ne faudrait pas qu'on se serve de ces deux raisons, la crise et les déficits, pour ne rien faire relativement à la pauvreté. Selon moi, non seulement la responsabilité à cet égard existe toujours, mais elle est même plus grande au cours d'une telle période.
J'arrive aux recommandations. La première recommandation du FRAPRU est de respecter les engagements internationaux que le Canada a pris en matière de respect des droits humains et, particulièrement, des droits sociaux, les droits auxquels le gouvernement et la société ont accepté d'adhérer. Il me semble que c'est le strict minimum, il faut prendre en compte les recommandations des différents comités de l'ONU. À cet égard, je vous rappelle que le gouvernement canadien n'a toujours pas, après trois ans, répondu aux recommandations exhaustives qui ont été faites par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU.
Plus précisément, — je pense que Mme Jetté va en parler un peu plus — il faudrait augmenter le Transfert canadien en matière de programmes sociaux pour fournir aux provinces et aux territoires les moyens d'augmenter les prestations d'aide sociale partout au Canada et faire en sorte de revenir au niveau qu'on avait au moment de l'abolition du régime d'assistance publique du Canada.
Le temps qui m'est alloué achève, j'imagine.
Le Front commun des personnes assistées sociales du Québec regroupe 34 associations de défense des droits de personnes assistées sociales provenant de diverses régions du Québec. Je peux vous dire que la pauvreté est perçue ni plus ni moins comme un mur infranchissable. Les personnes qui vivent dans la pauvreté sont exclues en tant que citoyennes. C'est ce que ressentent les personnes qui ont à vivre cette réalité.
Comme front commun, on ne représente que 34 associations, mais il y a plus de 400 000 personnes assistées sociales au Québec. Par contre, on est solidaires de nombreux mouvements, entre autres certains qui s'adressent aux femmes, par exemple la Fédération des femmes du Québec, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec et le regroupement des centres de femmes du Québec —, L'R des centres de femmes du Québec. On est toujours en contact avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté, qui regroupe toutes sortes d'organisations communautaires, syndicales et autres, ainsi qu'avec les regroupements qui se consacrent aux problèmes d'itinérance et de logement. Je ne répéterai pas ce qu'a dit M. Saillant. On l'appuie à 100 p. 100. On veut insister sur cette réalité.
On est également liés aux groupes de défense des non-syndiqués, dont certains qui sont venus témoigner devant ce comité, de même qu'avec la Ligue des droits et libertés. En effet, on croit que la pauvreté est une réalité structurelle qui peut être modifiée si on respecte les droits globaux des personnes, des citoyens et citoyennes du Québec et du Canada. On sait que les droits ne sont pas placés par ordre et qu'ils ne peuvent pas être divisés. Les droits sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés. Si la pauvreté nie les droits, ça signifie que les personnes vivant dans la pauvreté ne sont pas des citoyens à part entière, au Québec et au Canada. C'est également dans cette perspective qu'on intervient.
Le gouvernement fédéral a réduit les transferts fédéraux aux provinces en matière de services publics, que ce soit en santé, en éducation ou en services sociaux. Le retrait du Régime d'assistance public du Canada a permis au gouvernement fédéral de diminuer de 50 p. 100 ses transferts. De toute évidence, les personnes qui ont été le plus touchées sont celles qui vivent dans la pauvreté. On connaît les conséquences de la pauvreté sur la santé, l'éducation, et ainsi de suite. Le gouvernement fédéral a une responsabilité à cet égard. On demande que celui-ci réinvestisse à la hauteur de ces 50 p. 100, de façon à assumer le coût réel de ces services publics.
Il y a aussi toute l'histoire de l'assurance-emploi, qui est en réalité de l'assurance-chômage. Le gouvernement fédéral n'investit plus là-dedans. Il utilise cette caisse à des fins qui ne correspondent pas du tout à sa raison d'être. Pour nous, c'est inacceptable. Il est important que l'assurance-chômage retrouve sa fonction première.
Il y a aussi l'aspect de la fiscalité. On demande que la taxation soit beaucoup plus progressive qu'elle ne l'est actuellement et qu'on remplace les simples crédits d'impôt par des crédits d'impôt remboursables. En effet, qui peut profiter d'un crédit d'impôt? Ceux qui paient de l'impôt. Or les gens qui vivent dans la pauvreté ne paient pas d'impôt, et ils restent dans un état de grande pauvreté.
Par ailleurs, le gouvernement fédéral a aboli le Programme de contestation judiciaire. Pour les organismes de défense des droits, ce programme est une nécessité. Les gens ne peuvent plus faire valoir leurs droits et les défendre. C'est donc comme s'ils n'en avaient pas. Ce programme est aussi directement lié aux droits des personnes vivant dans la pauvreté.
On demande également que le Programme de promotion de la femme retrouve sa vocation initiale, qui consiste entre autres à soutenir la défense des droits des femmes et à promouvoir l'égalité.
À l'heure actuelle, la vocation de ce programme est très limitée.
En outre, il est clair que si le fédéral établissait un salaire minimum plus élevé, ça aiderait à faire augmenter le salaire minimum dans les provinces également.
En ce qui concerne la Prestation fiscale canadienne pour enfants, elles doit être augmentée. Tout le monde sait que le montant accordé ne répond pas vraiment aux besoins des familles. On est aussi d'avis qu'il faut investir dans le transport en commun plutôt que dans des crédits d'impôt. Je pense en effet que seuls les gens ayant de l'argent peuvent profiter des crédits d'impôt. Chaque fois qu'on met en vigueur une mesure de ce genre, on éloigne les personnes qui vivent dans la pauvreté d'accéder à la vie en société.
Le gouvernement a pris des engagements sur le plan international. Un de nos premiers ministres a même dit qu'on vivait dans le plus beau pays du monde. Si c'est le cas, on est très inquiets pour le monde. Il faut que le gouvernement relise ses engagements, qu'il soit honnête et cohérent à cet égard. C'est ce qu'on demande en matière de lutte contre la pauvreté. Si les gens n'ont pas les conditions nécessaires pour vivre et exercer leurs droits, ils n'ont pas de droits. La pauvreté est un obstacle à l'exercice des droits de citoyen et de citoyenne.
Bonjour, monsieur Lessard et autres membres du comité.
Je viens aussi vous parler de ce qui se passe, sur le terrain, à la Maison des Jeunes, comment on vit, jour après jour, la pauvreté chez les enfants de 12 à 17 ans.
Les besoins ne cessent d'augmenter dans le quartier Laval-Ouest, et le nombre élevé de jeunes pauvres continue d'augmenter d'année en année. On a plus de 110 membres à la Maison des Jeunes de Laval-Ouest. Nous avons toujours besoin du soutien du gouvernement fédéral, et c'est ce qui m'amène à vous livrer nos trois recommandations.
La première touche l'importance de maintenir Emplois d'été Canada, de stabiliser le programme. On ne veut pas se retrouver dans la même situation qu'au printemps 2008, où on nous annonçait une réduction des fonds qui permettent à de jeunes étudiants de s'imprégner des milieux d'intervention liés à leur domaine d'études. Il ne faut pas qu'on nous enlève cette subvention. Emplois d'été Canada permet à des étudiants de travailler à la Maison des jeunes, dans d'autres organismes communautaires ou dans le public, et cette aide représente un soutien. Durant l'été, on a énormément d'interventions à faire, alors ces étudiants nous épaulent. C'est un must que d'obtenir cette subvention.
La deuxième recommandation est d'établir des programmes d'employabilité pour les jeunes décrocheurs ou les jeunes qui vivent de l'aide sociale ou de l'assurance-emploi. Je cite en exemple le Projet artiste de l'Est de Laval, qu'offre la Maison des jeunes de Sainte-Dorothée, ou encore le projet Pro acte qui offre une rééducation à un groupe de 8 à 12 jeunes afin de leur permettre de travailler dans leur champ de compétences. Le problème vient de la difficulté à regrouper de 8 à 12 jeunes. Parfois, selon les projets qu'on veut mener pour lutter contre la pauvreté, on ne peut pas réunir 8 ou 12 jeunes. C'est le cas à Laval-Ouest. Il n'y a pas de projet adapté pour un groupe de 4 ou 6 jeunes. Il faudrait plus de souplesse et, également, une ouverture à l'intérieur de ces programmes afin de nous aider davantage.
La troisième recommandation vise un projet semblable à Emplois d'été Canada, mais qui fonctionnerait durant d'autres périodes de l'année. Ce projet, accompagné d'un financement stable, nous permettrait d'engager de jeunes étudiants qui pourraient travailler dans leur spécialité ou dans leur domaine d'études, et nous pourrions ainsi offrir un soutien beaucoup plus grand, aider les étudiants et, par la même occasion, aider nos jeunes.
On constate la pauvreté de ceux qui se présentent à la Maison des jeunes. Elle est difficilement mesurable, mais on la voit dans les yeux cernés et le manque d'un peu de petite monnaie pour se nourrir. On prépare des repas les mardis et les jeudis pour qu'ils puissent souper avec nous. Nous avons toujours une dizaine, une quinzaine, de jeunes qui se présentent et, parfois, l'un d'eux n'a pas les 50 ¢ demandés pour le repas. Imaginez tous les efforts pour réunir ce petit montant. On se demande aussi, et avec raison, comment ils se procurent cet argent. Ce sont des enfants démunis. Certains sont expulsés de l'école et, s'ils arrivent à se faire une place à la Maison des Jeunes, on constate que la pauvreté fait partie de leur quotidien.
Je pense qu'on a beaucoup de travail à faire. Nos trois recommandations au gouvernement fédéral ont trait au maintien et à l'ajout de financement durable, chaque année.
Merci.
Bonjour, tout le monde.
La Maison de la famille, c'est un service qui complète celui auquel est associé M. Vermette. Nous, on s'occupe des enfants de zéro à 10 ans, des femmes enceintes, des pères qui veulent savoir ce qu'est une famille. On répond aux besoins des enfants, en commençant par la base: qu'est-ce que c'est? qu'est-ce que je fais? c'est quoi bien manger? c'est quoi manger? c'est quoi avoir chaud? c'est quoi avoir du réconfort? C'est à la Maison de la famille qu'on s'occupe de ces questions.
Ça fait déjà 18 ans que la Maison de la famille existe. Je vous dirais qu'on aide une centaine de familles par année. Plusieurs familles sont venues me voir pour me dire que si elles n'avaient pas eu la Maison de la famille, elles ne savent pas ce qu'elles seraient devenues, ce qui serait arrivé.
Notre réalité, c'est de voir des enfants arriver gelés l'hiver parce qu'il n'y a pas de chauffage dans la maison, parce que ça coûte trop cher. C'est de voir des enfants de un an, deux ans, trois ans me demander à manger parce qu'ils n'ont pas accès à de la nourriture, faute d'argent. C'est de voir des mères enceintes de cinq mois affamées parce qu'elle doivent donner la nourriture qu'elles ont à leur enfant et qu'elles n'en n'ont pas d'autre. Ce sont des réalités que nous côtoyons chaque jour, à chaque semaine.
Il est certain que quand on peut bénéficier du programme Emplois d'été Canada, comme le disait M. Vermette, on peut avoir une animatrice de plus et ainsi offrir des activités que les enfants ne peuvent normalement pas se permettre de faire. Par exemple, ils n'ont pas d'argent pour prendre l'autobus et aller à la piscine municipale ou au Zoo de Granby. C'est impossible pour eux de faire ce genre d'activité. Ils ne connaissent pas ça, ils ne savent pas ce que c'est. Il est certain que nous recommandons de pouvoir bénéficier du programme Emplois d'été Canada en tout temps. C'est clairement une aide essentielle.
Une autre recommandation qui est vraiment très importante concerne le Programme d'action communautaire pour les enfants, communément appelé le PACE, qui est une subvention donnée par le gouvernement fédéral. Depuis les trois dernières années, on se fait dire chaque année qu'il n'est pas certain qu'on reçoive cette subvention à nouveau puisque le programme ne sera peut-être pas reconduit. La majorité des organismes communautaires pour la famille fonctionnent souvent exclusivement avec cette subvention. Ainsi, la Maison de la famille du quartier est contrainte de fermer ses portes s'il n'y a pas de PACE. Chaque année, il faut attendre de quatre à cinq mois avant de se faire dire que, finalement, il y aura bien reconduction du programme.
Il est clair que sans le PACE, nous ne pouvons même pas offrir la moitié des services actuels de la Maison de la famille aux enfants de deux à cinq ans, aux mamans, aux parents qui veulent avoir des cafés-rencontres, des conférences, des échanges avec les animatrices et les gens et du soutien. Les enfants de deux à cinq ans y reçoivent des services qui répondent à leurs besoins de vie: comment faire pour ne pas crier? comment faire pour demander sans frapper les amis? etc. Il est clair que c'est une demande qui est liée à nos besoins. Si on n'a pas ça, on perd deux employés et on perd la moitié de nos subventions.
C'est une inquiétude immense. Quand les gens viennent me demander si on va pouvoir en bénéficier l'année prochaine, je leur réponds que je ne le sais pas. Je le souhaite, mais je n'en suis pas certaine. Une de nos recommandations serait donc de pouvoir bénéficier du programme de façon récurrente. On veut en être certains pour être capables d'avancer et peut-être de créer d'autres services.
Il est certain qu'en ce qui concerne le Programme d'action communautaire pour les enfants, ce qui est nécessaire et qu'on vous demande, c'est plus de souplesse. Le programme est très rigide
C'est très compliqué de remplir les demandes.
Pour ce qui est de la demande de subvention en soi, ça va. Cependant, il faut que l'enfant ait deux ans et ait au moins trois problèmes, sinon, il ne peut pas bénéficier du programme. Ce n'est pas assez souple. Ce n'est pas parce que je n'ai pas de famille, que je suis capable de manger et que je n'ai pas de problèmes sociaux que je ne peux pas bénéficier du PACE. C'est trop restrictif.
Ce sont nos recommandations.
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L'ACEF de la Rive-Sud de Montréal aura 35 ans le 19 octobre prochain. Au Québec, le mouvement des ACEF et des associations de consommateurs a plus de 45 ans — de vie ou de survie. Nos activités sont offertes à l'ensemble des consommateurs résidant sur le territoire de huit MRC de la Montérégie, soit plus d'un million de personnes pour cinq travailleurs et demi.
Depuis plus de 35 ans, nous offrons des services d'aide en matière de budget, d'endettement et de consommation, particulièrement aux personnes à faible et modeste revenu. Par l'ensemble de ces services, nous souhaitons favoriser l'apparition de saines habitudes en gestion budgétaire, prévenir et limiter l'endettement, promouvoir une utilisation raisonnable du crédit — la moitié de mon texte concerne le crédit —, susciter des réflexes de consommateur averti dans la population et encourager chez les consommateurs la volonté de faire respecter leurs droits.
Notre association est membre de la Coalition des associations de consommateurs du Québec, qui regroupe près de 21 associations au Québec. Ce mois-ci, l'ACEF a terminé son bilan annuel. C'est un très beau bilan: nos services ont été en hausse de 40 p. 100 comparativement aux trois dernières années. Nos services consistent en une réponse téléphonique directe aux consommateurs qui sont aux prises avec des problèmes d'achat et de budgets qui dépassent les limites. On reçoit aussi des appels de gens qui veulent faire faillite. Concernant la consultation budgétaire, nous avons des dépassements de 40 p. 100 au cours des trois dernières années. On offre aussi des ateliers d'éducation aux groupes communautaires. Encore là, ces services ont augmenté de 50 p. 100 par rapport aux trois dernières années.
Comme groupe, on pourrait s'applaudir et se dire que c'est fantastique, mais c'est plutôt une sonnette d'alarme qu'on entend. On a consulté les 21 autres associations qui vivent des problèmes semblables. Il faut plutôt s'inquiéter de ces données. La majorité des associations vivent les mêmes hausses. Il faut se rappeler qu'à l'origine, les services de notre organisme s'adressaient principalement à des personnes à faible et modeste revenu, à des chômeurs, à des prestataires d'aide sociale, etc. De nos jours, un « modeste revenu » peut aussi signifier un travailleur endetté ou surendetté. Il signifie aussi des couples qui travaillent et qui ont des enfants, mais qui sont égorgés par des petites dettes, des dettes d'hypothèque, des doubles et triples dettes de cartes de crédit.
On offre aussi à la population des consultations budgétaires et des services gratuits, entre autres. Les travailleurs n'ont aucunes économies pour leur vieillesse. Les économies sont un luxe. Souvent, on dit que les gens ne dépensent pas leur argent au bon endroit. Or, ce n'est pas le cas. Il n'y a absolument rien dans la ligne des loisirs, elle est vide. Les enfants de ces couples vont aller jouer dans la cour. Dans de tels cas, les maisons de la famille sont très utiles.
L'ACEF a une expression un peu plate: « ça coûte cher, être pauvre. » Les personnes à faible et modeste revenu ne se font pas offrir les meilleurs taux de carte de crédit. Au contraire, c'est inversement proportionnel dans notre pays: plus on est pauvre, plus le taux de crédit est élevé.
Louer un appartement à la hauteur de leur revenu vient doubler ou tripler leur facture de chauffage. Quand on est pauvre, c'est le chauffage d'un logement qui coûte cher, car les propriétaires ne sont pas tenus de bien entretenir leurs logements. Les gens paieront donc beaucoup plus cher que moi qui vis dans une maison bien isolée.
Il ne faut pas oublier non plus les frais de transport. Au début du mois, ces gens n'achètent pas une carte de transport; ils vont payer à la pièce. Leur transport leur coûtera donc trois ou quatre fois plus que la moyenne des consommateurs.
Cela m'amène à vous parler du crédit, la bête noire de l'ACEF et des associations de consommateurs. En raison d'un accès trop facile au crédit, les consommateurs sont plus endettés et plus nombreux à faire faillite chaque année, et ont beaucoup moins d'économies.
Les associations de consommateurs considèrent qu'il est fondamental de mettre les consommateurs en garde contre les dangers liés au surendettement et de leur fournir les informations leur permettant d'assainir leur situation financière.
On se rend compte, lors des consultations budgétaires, que le recours aux cartes de crédit joue désormais un rôle de filet de sécurité ou sert simplement à joindre les deux bouts. La carte de crédit devient un coussin, un peu comme un bas de laine. On emprunte de l'argent à partir d'une carte pour payer des sommes dépensées à partir d'une autre.
La société a beaucoup changé depuis 40 ans. L'arrivée du crédit et cette innovation, la carte de crédit, ont changé notre société. Statistique Canada calcule qu'il y a en moyenne trois cartes de crédit par personne au Canada. Plus de 60 millions de cartes de crédit sont émises au pays. Faites le décompte: certains en ont plus d'une.
Les associations de consommateurs comme la nôtre ne se prononcent pas contre le crédit, au contraire. On dit oui à l'émission de crédit, mais une carte pourrait suffire. Selon Statistique Canada, en 1968, il y avait une faillite par 10 000 personnes. En 2004, il y avait une faillite par 250 personnes. Je ne vous dis pas ce à quoi cela ressemblera en 2009. Selon les signes avant-coureurs provenant des gens qui se présentent chez nous, ce sera très élevé.
En fait, je ne dis pas que seul le crédit crée le malheur des gens, mais si on lit le professeur Gérard Duhaime, on peut comprendre que l'endettement est une double responsabilité. La responsabilité de l'individu, on ne s'en cache pas. Par contre, on remet en question la sollicitation, l'agressivité des compagnies de crédit, la place qu'on leur laisse et l'accès au crédit.
Dans nos écoles, on est train de bannir le chocolat et les boissons gazeuses, mais on laisse les émetteurs de cartes de crédit s'installer à l'entrée des cégeps et des universités. C'est condamnable. Qu'est-ce qui est le plus dommageable entre le chocolat et la carte de crédit? Aussi, certaines personnes sont vulnérables, telles que les malchanceux, les parvenus qui collectionnent les cartes de crédit, et les compulsifs. Il y a un mélange de tout cela.
C'est déjà terminé? Et mes recommandations?
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Merci à tous. Les présentations, aujourd'hui, étaient extrêmement intéressantes.
[Traduction]
Je suis d'accord en ce qui concerne le logement social; c'est un problème majeur au pays. À Toronto, en tout cas, mais dans la plus grande partie de l'Ontario, la liste d'attente est de presque dix ans. Cela revient à dire qu'il est impossible d'obtenir du logement abordable. Il y a bien des maisons d'hébergement pour les sans-abri, mais…
C'est donc un gros problème, je suis tout à fait d'accord avec vous. Je ne vais pas vous poser de questions sur les choses à propos desquelles nous nous entendons et qui sont bien claires.
Pour ce qui est des Canadiens à faible revenu, j'ai une question complémentaire. C'est M. Saillant qui en a parlé. Où est-ce que vous mettriez le supplément au revenu du travail, la PFRT. En quoi la changeriez-vous?
Le logement et des garderies de qualité abordables seraient d'autres facteurs qui réduiraient les dépenses de la plupart des familles à faible revenu, selon moi.
J'aimerais que vous me parliez de la PFRT. Dans le cas du logement et des garderies, j'image que vous seriez d'accord.
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Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question.
Quelqu'un a dit plus tôt que les travailleurs étaient de moins en moins à l'abri de la pauvreté. Certaines personnes qui avaient auparavant des emplois convenables n'arrivent plus à joindre les deux bouts. C'est moins flagrant au Québec qu'ailleurs au Canada, mais il reste que même au Québec, on voit de plus en plus souvent, parmi les gens qui fréquentent les banques alimentaires, de personnes qui doivent avoir recours à ces banques malgré le fait qu'elles travaillent.
Dans ce domaine, le gouvernement fédéral pourrait, dans le cadre de ses compétences, venir en aide aux travailleurs et travailleuses pauvres. Je pense que ça impliquerait notamment une augmentation du salaire minimum établi par le gouvernement fédéral. Comme l'a dit Mme Jetté, ça donnerait le ton aux provinces. Ça impliquerait aussi une augmentation des primes d'assurance-emploi, mais surtout le droit pour tous d'accéder à des primes d'assurance-emploi. Ça implique un train de mesures.
Je suis également d'accord avec Mme Jetté pour ce qui est des crédits d'impôt. On devrait de plus en plus offrir des crédits d'impôt remboursables de façon à ne pas priver certaines personnes des avantages que ça comporte, notamment en matière de transport en commun. Ce n'est pas le seul domaine.
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Merci. Je suis d'accord.
Justement, madame Jetté, il y a quelque chose que je veux vous soumettre et vous pourrez y ajouter aussi vos observations. Mon temps est limité et il y a des choses que je veux aborder.
Je veux parler de la fiscalité. Comme vous, j'estime en effet qu'en ce qui concerne les crédits d'impôt, surtout ceux qui sont non remboursables, ils n'aident en rien les familles ou les particuliers parce que ces personnes n'ont pas d'argent à dépenser de toute façon. La tendance est d'offrir les programmes sociaux par l'intermédiaire du régime fiscal et d'instaurer le fractionnement du revenu, ce qui accapare une très grande partie de l'argent, comme vous le comprendrez.
Je veux simplement avoir votre avis au sujet du fractionnement du revenu comme mesure fiscale.
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Le thème de cette réunion est la contribution fédérale pour diminuer la pauvreté au Canada. Il est clair que la contribution fédérale est plutôt liée à l'aggravation du problème de la pauvreté et à l'élargissement des écarts entre les pauvres et les riches.
Les gouvernements ont choisi d'utiliser les surplus budgétaires qui, je le répète, étaient colossaux à une certaine période, pour réduire les impôts. Or, la réduction des impôts ne donne pas d'argent aux gens qui sont trop pauvres pour en payer. Les gouvernements ont fait le choix d'augmenter de façon massive le budget des militaires, qui a augmenté d'environ 70 p. 100 depuis 1995. Le budget des programmes sociaux de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, quant à eux, sont restés les mêmes. Il n'y a eu aucune augmentation.
D'un côté, on a adopté des politiques pour réduire le déficit — le retrait du logement social, les coupes dans les transferts aux provinces et dans l'assurance-emploi, qui ont contribué, entre autres... D'un autre coté, on a très généreusement accordé des déductions fiscales et des réductions d'impôt qui ont profité aux plus riches et aux grandes sociétés. En comparant ces mesures, on n'a pas à se demander pourquoi l'OCDE a remarqué que le Canada est l'un des pays où les écarts de revenu ont le plus augmenté.
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Il s'agit des droits contenus dans l'article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et qui comprennent notamment le droit à un logement adéquat, le droit à une alimentation suffisante. Ce sont des droits qui ne sont pas respectés actuellement si on considère la pauvreté qui existe et la gravité du problème de logement.
Je ne suis pas le seul à dire cela, il y a des comités de l'ONU qui l'ont dit, notamment le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, qui a produit un rapport très exhaustif en mai 2006. Le comité a entendu des organismes de la société civile, mais il a aussi pris connaissance d'un rapport volumineux du gouvernement canadien. Le comité a émis des critiques très fortes, à savoir, notamment, que le Canada n'utilisait pas sa capacité, ne se servait pas à bon escient de sa croissance économique pour diminuer les écarts de revenus et respecter pleinement les droits. Malheureusement, le comité a produit ce rapport il y a maintenant trois ans, et le gouvernement canadien n'y a toujours pas répondu.
Selon moi, c'est inadmissible. Une fois qu'un pacte international a été signé, que l'engagement a été pris de consacrer à une cause le maximum de ressources disponibles, de continuer à progresser dans ce domaine, de produire des rapports pour des comités d'experts, que des recommandations sont faites et que le gouvernement n'y donne pas suite, selon moi, c'est totalement inadmissible. J'utiliserai une expression forte, mais je pense qu'elle est appropriée, dans ce domaine, le Canada se comporte comme un « État voyou ».
:
Et c'est interdit, c'est justement pour que ça ne crée pas de surconsommation. Voilà leur nouvelle astuce de contournement.
Vous avez parlé des cégeps et universités. Dans la région de l'Outaouais, on est aux prises avec ce problème même à l'école secondaire, soit dès que les gens ont 18 ans, et parfois même avant cela. On a des jeunes qui travaillent à raison de 10 heures par semaine chez McDonald's, qui se qualifient pour l'obtention d'une carte et qui se retrouvent avec des dettes de l'ordre de 1 500 $ à 2 000 $. La vie commence très bien, quand on vous apprend à faire ça!
J'ai une dernière question. Je sais que l'éducation est, strictement parlant, du ressort des provinces, et je ne veux pas entrer dans toute la polémique entourant les cours obligatoires de culture religieuse. Cependant, si on devait consacrer du temps à quelque chose, ne serait-il pas opportun de songer à revenir à ce qui s'enseignait dans le temps, c'est-à-dire l'économie familiale?
Dans nos associations, il y a trois grands créneaux sur lesquels on travaille: le créneau curatif — la réponse immédiate —, le créneau préventif et le créneau éducatif. En ce moment, environ 90 p. 100 de notre tâche porte sur le créneau curatif. On répond à l'urgence. C'est ce qui se passe dans nos écoles, dans nos hôpitaux. On se retrouve avec les mêmes maux.
Quant au créneau de l'éducation, on le sait, on va vraiment vers les groupes communautaires. C'est gagnant. On travaille beaucoup avec les Maisons de la famille, avec les groupes communautaires, on va dans les centres de jeunes. C'est d'éducation que les gens ont besoin, parce qu'ils ignorent leurs droits. Si l'on ignore nos droits, comment peut-on se défendre?
En matière de crédit, c'est ça aussi. Si l'on ignore les exemples de crédit...
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins d'avoir pris le temps de venir comparaître. Il ne fait pas de doute que le comité va se pencher sur vos recommandations. Nous apprécions pouvoir entendre votre point de vue.
Annie Pothier, vous avez dit que votre Maison existe depuis 18 ans. Marie-Édith Trudel, votre association, elle, existe depuis 35 ans. Chaque année, ce qui vous inquiète, c'est de savoir si votre programme sera renouvelé. Vous êtes en activité depuis longtemps, si l'on peut s'exprimer ainsi.
Je sais pour avoir entendu d'autres témoins que l'on s'inquiète de devoir présenter diverses demandes. Elles sont compliquées et il faut presque recruter des professionnels pour avoir accès au financement. La continuité n'est pas assurée d'année en année. Peut-être que les demandes de propositions qui sont faites et les diverses subventions qui existent vont dans un sens particulier, et vous devez vous y adapter au lieu de voir les fonds s'adapter à ce que vous faites, vous qui avez fait vos preuves.
Avez-vous des suggestions quant à la manière dont le système pourrait être modifié? Comment pourrait-on s'assurer que des activités comme les vôtres bénéficient d'une certaine pérennité tout en s'assurant qu'il y a transparence et que l'argent du contribuable est protégé? Sommes-nous allés trop loin dans un sens? Faut-il regarder dans une autre direction? Quelles sont vos recommandations?
Madame Pothier ou Madame Trudel pourra commencer — en fait, qui vous voudrez.
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Quand on fait les demandes, on peut mettre de un à deux mois à remplir le rapport de fin d'année qui doit contenir toutes les recommandations et de rendre compte de tout ce qui s'est passé durant l'année.
Il y a des questions très spécifiques pour savoir, par exemple, combien d'enfants du groupe sont capables de se brosser les dents, combien n'en sont pas capables et pourquoi ils n'en sont pas capables. Il me semble qu'on pourrait y aller de façon plus globale, plus générale, et non pas de façon aussi spécifique. Par exemple, on pourrait demander combien des enfants de deux à trois ans sont capables de faire telle chose. Il faudrait que les questions soient moins spécifiques.
Par la suite, quand on dépose le rapport, la personne qui est en charge de notre dossier communique avec nous pour revoir tous les points du rapport. Elle nous demande, par exemple, si c'est exactement ce qu'on voulait dire à propos de telle chose, parce qu'elle ne sait pas comment interpréter nos chiffres. À un moment donné, tout s'embrouille, et on a l'impression de se faire prendre la main dans le sac, alors qu'il ne s'agit que de la façon dont les choses ont été interprétées.
Il faudrait peut-être faire plus confiance — je n'aime pas dire le mot —, ou être plus flexible, souple avec...
Il y a toujours des choses à améliorer.
Il est certain que le logement est un gros problème. Le montant supplémentaire de 1,9 milliard de dollars que nous avons affecté à l'initiative visant l'aide aux sans-abri et le logement a été bien accueilli. Comme François l'a dit, c'est précisément en période de crise économique qu'il faut augmenter le financement du logement. Nous avons injecté 2 milliards de dollars dans le budget relatif aux travaux de rénovation et de construction de logements destinés à divers groupes: les aînés et les personnes handicapées.
Je voudrais revenir sur un point que vous avez soulevé. Chaque année, nous consacrons 1,7 milliard de dollars aux logements sociaux existants, et bon nombre des ententes conclues avec les provinces il y a de cela 35, 40 ou 50 ans sont sur le point d'arriver à échéance. Il existe donc cette réserve de 1,7 milliard de dollars, mais vous dites qu'il faudrait y ajouter encore 2 milliards de dollars.
Certaines associations de logement ont pris soin d'améliorer les bâtiments pour qu'ils résistent à l'épreuve du temps. Ils y ont affecté des fonds et ont remboursé leurs dettes, tandis que d'autres ne l'ont pas fait.
Comment proposez-vous de gérer le parc de logements actuel dans les années à venir avec cette somme de 1,7 milliard de dollars? Ce n'est pas loin des 2 milliards de dollars que vous suggérez. Je sais que nous serons confrontés à cette situation prochainement.
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Selon moi, il faut prolonger les ententes signées avec des coopératives d'habitation, des logements sans but lucratif ou les provinces pour la gestion de leurs parcs de logements. Parce que j'habite moi-même dans un logement coopératif, je sais qu'à l'heure actuelle, l'argent qui nous vient du gouvernement fédéral ne sert essentiellement qu'à subventionner les gens à plus faible revenu, de sorte qu'ils paient en loyer un pourcentage adéquat de leur revenu. Ils paient 25 p. 100 de leur revenu.
Si le gouvernement fédéral reprend ses billes à l'échéance de ces ententes, ces gens qui paient présentement en loyer 25 p. 100 de leur revenu vont voir leur loyer augmenter de 200 $, 300 $ ou 400 $ par mois. Ce n'est pas 25 p. 100 mais plutôt 50, 60 voire 70 p. 100 de leur revenu qu'ils vont devoir payer en loyer. Une partie de ces gens n'y arriveront pas. Certains vont devoir déménager. Selon moi, ce serait un désastre.
À l'heure actuelle, au Canada, on a un patrimoine public, c'est-à-dire les logements sociaux. On en a 623 000, dont 120 000 au Québec. Il faudrait en augmenter le nombre. Quoi qu'il en soit, il faut au moins préserver ce qu'on a et maintenir la place des gens à faible revenu. Je ne souhaiterais pas que ma coopérative ne soit réservée qu'à des gens ayant les moyens de payer le loyer. Je veux que les personnes pour qui on a créé ces logements, c'est-à-dire les gens à faible revenu, aient les moyens d'y demeurer. C'est un défi de taille.
Déjà, certaines de ces ententes ont pris fin. Le plus gros coup reste à venir, mais il y a tout de même des gens qui nous ont appelés récemment pour nous dire que leur loyer avait été augmenté, faute de subvention fédérale. Je pense que le gouvernement fédéral doit absolument régler cette question dès maintenant. Il s'agit de prolonger les ententes existantes d'une période additionnelle de 35 ans, s'il y a lieu. Ça ne coûterait pas un sou de plus que la somme investie présentement. Il ne s'agit que de maintenir le budget actuel.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais revenir à la discussion de tout à l'heure. Certains des témoins que nous avons entendus à Ottawa ont parlé de la persistance de la pauvreté. Je sais qu'elle persiste dans certaines couches de la population, parfois pendant des générations successives. Mais il y a aussi le degré de la pauvreté chez certains de nos concitoyens.
On nous dit qu'il faut penser autrement, peut-être même modifier l'AE et toute l'aide sociale et créer un fonds d'assistance inspiré du supplément de revenu garanti. L'aide sociale serait le tout dernier recours.
Dans quel programme cela pourrait-il s'intégrer? À l'exception de la prestation pour enfant, du logement, de l'éducation de la petite enfance et des garderies, il y a une multitude de crédits d'impôt et de programmes de soutien du revenu. Avez-vous envisagé la création d'un supplément de revenu garanti qui engloberait l'assurance-emploi, tous les crédits d'impôt remboursables, la prestation fiscale pour le revenu de travail et ainsi de suite en vue de créer un filet de sécurité unique? Je veux savoir si ce genre de choses vous plairait.
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Ça coûte extrêmement cher à la société. Que des jeunes se retrouvent dans des Maisons de jeunes, ça coûte très cher. Les Maisons de la famille coûtent aussi très cher, mais ce sont des effets de la pauvreté.
Ça fait 40 ans que je suis en contact avec des personnes qui vivent dans la pauvreté. J'ai oeuvré dans le domaine de la protection de la jeunesse, j'ai été en contact avec des assistés sociaux, avec des jeunes qui consommaient de la drogue et avec des gens qui sortaient de prison. Je connais donc les différentes facettes de la pauvreté.
Si un enfant dont les parents bénéficient de l'aide sociale arrive à l'école et n'est pas habillé comme les autres, il n'aura pas les moyens de participer aux activités scolaires. C'est maman Dion qui doit donner les fournitures scolaires, c'est le Club des petits déjeuners qui lui donne à manger. Quelles sont les étiquettes? Est-ce que ce sont les parents qui perpétuent cette situation ou est-ce la société, notre organisation sociale, qui exclut les gens de génération en génération?
Si on veut véritablement lutter contre la pauvreté, il faut examiner ces questions globalement et aller beaucoup plus en profondeur qu'on ne le fait actuellement. En attendant, il faut mettre sur pied des programmes d'aide à l'intention des jeunes et des familles.
J'apprécie le travail que vous faites.
Madame Trudel, vous avez touché une question qui me passionne: la littératie financière. À l'occasion de nos déplacements et des audiences, on nous a parlé des personnes les plus vulnérables, de la nécessité d'offrir un soutien au revenu et au logement, du traitement des maladies mentales et de la toxicomanie. Personne, je crois, ne conteste cela. Auparavant, j'ai travaillé dans une compagnie de logiciels et il y avait là des jeunes plutôt bien rémunérés. J'étais le vieux de la compagnie. Il y a effectivement des besoins criants chez les plus vulnérables, mais il y a aussi beaucoup de gens dans la société qui, malgré un emploi rémunéré, se retrouvent au seuil de la pauvreté à la fin du mois parce qu'ils ne savent pas bien gérer leurs finances. Je parle de gens qui ont fait des études avancées en informatique et en programmation.
Comment peut-on faire leur éducation financière?
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On revient beaucoup sur l'éducation, le créneau éducatif. On doit passer par là, c'est inévitable. C'est la partie qui concerne l'individu.
Toutefois, je reviens aux émetteurs de crédit. On prête facilement; les cas sont très peu étudiés. Les gens se retrouvent avec des prêts beaucoup trop élevés et ne peuvent pas assumer les remboursements.
J'imagine que là où vous avez travaillé, beaucoup de jeunes devaient se retrouver avec un crédit. C'est sûr que si on offre à un jeune de 25 ans une possibilité de crédit de 5 000 $, de 10 000 $ ou de 15 000 $ — parce que c'est bien des gens de 25 ans qui ont une marge de crédit de 15 000 $ qu'on retrouve dans nos bureaux —, ce jeune voit la possibilité de dépenser tout cet argent en un mois. Il ne voit pas l'impact du remboursement à venir. On revient donc à l'éducation du consommateur.
La question est aussi d'imposer un cadre à l'émetteur de crédit quand il prête. Quand le consommateur ne peut plus rembourser, on ne doit pas laisser l'émetteur s'en laver les mains comme ça. À mon avis, tout le monde a des comptes à rendre à ce sujet.
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Les prêts sur salaire sont un phénomène assez récent, ici. Ceux qui y ont recours sont souvent de jeunes couples, de jeunes loups dont l'hypothèque dépasse nettement la capacité de payer. Ils ont entre 25 à 40 ans et sont très endettés. Ce sont eux qui vont s'engager dans cette spirale. Ces jeunes sont nos prochains politiciens. Ils représentent l'avenir. Il n'est pas trop tard pour agir.
En ce moment, on croit vivre une crise, ou une méprise — on ne sait plus trop quel nom lui donner —, mais je crois que ce n'est pas très sérieux comparativement à ce que l'avenir réserve à cette génération très endettée. Beaucoup de gens n'ont pas accès au travail présentement, mais ces jeunes loups travaillent souvent 40, 50 ou 60 heures par semaine pour rembourser leurs dettes. Ils ont de petites familles, mais je ne vous dis pas que leur qualité de vie est merveilleuse. Ils ont un gros budget, pourraient s'adonner à des loisir, mais n'en ont pas le temps. En termes de qualité de vie, je crois qu'il est important de parler des gens à faible ou modeste revenu, mais il reste que la force de travail de nos provinces, c'est aussi ces jeunes de 25 à 40 ans.
Il va falloir adopter une approche à plus long terme concernant ces gens qui empruntent beaucoup trop.
J'aimerais ajouter quelques mots, si vous le permettez.
Vous avez parlé de contestation judiciaire, madame Jetté. Or, j'étais membre du Comité permanent des langues officielles à l'époque où le Programme de contestation judiciaire a été aboli par le gouvernement. Évidemment, pour notre clientèle, soit les anglophones du Québec et les francophones des autres provinces, ce programme était d'une importance cruciale. On a crié haut et fort, tant et si bien qu'une partie du programme a été reconduit par le gouvernement.
Malheureusement, je pense que le public en général, et peut-être les parlementaires en particulier, ne savent pas que ce programme touchait non seulement les droits linguistiques, mais aussi les autres droits. En fait, ça permettait à des groupes comme le vôtre ou d'autres encore d'accéder à des budgets du gouvernement pour combattre des positions injustes de ce même gouvernement. Je trouve ça absolument magnifique de la part d'un gouvernement qui se veut démocratique.
Si vous le permettez, je vais faire le commentaire suivant non pas à titre de présidente mais à titre personnel. Il serait intéressant que vous fassiez savoir aux parlementaires que le bassin de personnes pouvant accéder au Programme de contestation judiciaire est beaucoup plus large qu'on ne pourrait le penser. Il s'agirait de trouver une façon d'en faire part à la population, notamment dans le cadre de comités autres que celui des langues officielles.
Je crois que vous voyez où je veux en venir. On pourrait s'en reparler plus tard. Voulez-vous intervenir à ce sujet, madame Jetté?
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Ce sera une brève réponse.
D'une certaine façon, on a essayé de le faire connaître. On a émis des communiqués et on a communiqué avec des députés, des politiciens. Quoi qu'il en soit, on se retrouve face aux préjugés, et la défense des droits des plus pauvres n'est pas valorisée.
Il semble qu'on se préoccupe beaucoup des gens qui ne savent pas faire un budget, mais qu'on se préoccupe moins des gens qui n'ont rien à manger. Quand vient le temps d'obtenir des programmes sociaux pour des groupes, des organisations ou des personnes qui sont dans une situation précaire et déjà exclues de la société, les décideurs semblent nous dire qu'ils sont bons de mettre ces programmes sur pied.
Au Québec, on a d'ailleurs parlé d'« État providence » des années 1960. Je regrette, ce n'était pas un État providence; c'était un État responsable. Avant les années 1960, le programme d'assurance-maladie, le Régime des rentes du Québec, l'assurance-hospitalisation, ce n'était pas de la providence mais de la justice. On a prétendu que c'était de la providence, et maintenant, le gouvernement aurait le choix d'être bon ou non. Le gouvernement n'a pas le choix d'être juste. Voilà ce pourquoi nous voulons nous battre. C'est le Programme de contestation judiciaire qui rappelle les droits des citoyens au gouvernement.
Quand vous parlez de démocratie, on se pose beaucoup de questions. Actuellement, au Canada, qui vit dans des conditions suffisamment décentes pour s'acquitter de ses responsabilités de citoyen? On demande à tous les citoyens et citoyennes du Canada de se maintenir en santé, de payer leur logement, de se nourrir et de s'impliquer socialement par un travail salarié ou un autre moyen. Ce sont les responsabilités qu'on place sur les citoyens et citoyennes adultes du Canada, mais on ne leur fournit pas les conditions nécessaires pour qu'ils puissent s'en acquitter, qu'il s'agisse d'un logement ou de la nourriture. C'est incohérent.
On nous dit qu'on parle des droits et non des responsabilités. En fait, nous parlons des responsabilités. Nous demandons qu'on fournisse aux gens les moyens de s'acquitter de leurs responsabilités de citoyens et de citoyennes, ce que la pauvreté les empêche de faire. Si je n'ai pas les moyens de nourrir mes enfants, je ne peux pas m'acquitter de mes responsabilités de parent.
Merci, mesdames et messieurs.
Vous vous demandez sûrement ce qu'il adviendra de tout le travail que vous avez fait en vue de cette réunion. M. Kevin Kerr est notre analyste, et il a pris des notes.
Il y a eu des rencontres auparavant et il y en aura d'autres. À la fin, nous allons produire un rapport qui sera soumis à la Chambre des communes et au ministre ou à la ministre responsable. Nous espérons recevoir une réponse qui sera la plus positive possible, mais nous ne la connaissons pas encore.
Je voudrais vous remercier encore une fois de vous être déplacés et d'avoir fait le travail. Je vous assure que vous avez été entendus, et nous allons continuer notre travail.
La rencontre est terminée.
Merci beaucoup.