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Merci beaucoup de m'avoir invité à témoigner. C'est un honneur pour moi et j'espère que mes observation seront utiles au comité et au Canada.
Tout d'abord, je pense qu'il vous serait utile de connaître mes antécédents personnels. Je travaille actuellement à l'University of California, Davis, où j'enseigne l'efficacité énergétique. Je suis en train de créer plusieurs projets de recherches en efficacité énergétique. Je suis aussi scientifique principal au Lawrence Berkeley National Laboratory.
J'ai d'autres activités, parmi lesquelles celle de rédacteur en chef d'une revue scientifique appelée Energy and Buildings. Je suis le fondateur d'une revue appelée Home Energy qui vise un lectorat de spécialistes. Et je viens tout juste de revenir d'une affectation de trois ans à l'Agence internationale de l'énergie à Paris, où j'occupais le poste d'analyste principal en efficacité énergétique.
Depuis 30 ans, mes recherches et mes activités portent principalement sur la façon dont les gens utilisent l'énergie. C'est ce que j'appelle parfois « l'autre côté du compteur ». La majorité des gens s'intéressent aux méthodes d'approvisionnement énergétique. Je me préoccupe surtout de la façon dont l'énergie est consommée ou transformée en services utiles. J'estime qu'il est essentiel, pour développer des technologies et des politiques de conservation d'énergie réalistes, d'avoir une bonne compréhension de la consommation.
Au départ, mes recherchent étaient concentrées sur les édifices à haut rendement énergétique, puis j'ai commencé à m'intéresser aux appareils électroménagers. Récemment, j'apprends un peu plus de choses sur les transports. À l'Agence internationale de l'énergie, j'ai surtout fait des recherches sur les obstacles commerciaux nuisant à l'efficacité énergétique et sur le développement de l'efficacité énergétique dans le monde entier, notamment au Canada. Au fil des ans, j'ai participé au développement de nombreuses technologies, méthodes et politiques relatives à l'efficacité énergétique. J'espère pouvoir aujourd'hui vous parler de certains de mes idées.
Premièrement, je vous prie d'excuser mes connaissances limitées en ce qui concerne le Canada. N'hésitez pas à m'interrompre si mes propos semblent hors sujet pour le Canada ou le cadre général de votre étude.
J'aimerais commencer par ce que j'appelle « l'aspect demande ». Je ferai ensuite quelques observations sur la planification intégrée et la réduction de la consommation d'énergie dans les collectivités.
Il y environ 30 ans, il existait une curieuse asymétrie à l'égard de l'énergie. Bien que les spécialistes savaient presque exactement, ou avec beaucoup de précision, d'où provenait notre énergie, ils savaient très peu ou ignoraient totalement comment elle était utilisée. C'est-à-dire que personne ne savait le montant d'énergie utilisé pour l'éclairage, le chauffage de l'eau, les télévisions, les ventilateurs de chaudières ou les compresseurs d'air dans les usines.
Donc, dans l'équation d'énergie, la consommation était une inconnue qui variait selon les conditions climatiques ou les saisons, mais qui était essentiellement un facteur qui ne pouvait pas être changé. Ce manque d'information a eu un effet considérable sur le choix des politiques énergétiques de ces 30 dernières années.
Je vous donne quelques exemples de l'aspect demande. Prenons la demande et la fourniture d'électricité. Imaginez deux différents diagrammes à secteurs juste devant moi. L'un représenterait la fourniture d'électricité et les sources d'électricité: charbon, hydroélectricité, pétrole ou gaz. Je crois qu'au Canada, l'hydroélectricité est la plus grande source d'électricité et compte pour presque la moitié de la production électrique. Alors qu'aux États-Unis, elle ne compte que pour un dixième de la production électrique.
Il se trouve, par hasard, qu'aux États-Unis, ce pourcentage de un dixième de la fourniture d'hydroélectricité correspond exactement à la consommation électrique de nos réfrigérateurs. Donc, si nous avions un autre secteur pour montrer seulement où toute notre électricité est consommée, le secteur de nos réfrigérateur serait exactement de la même dimension, aux États-Unis, que celui de l'hydroélectricité.
Ce type d'information nous permettrait d'examiner les solutions de rechange à la construction d'un plus grand nombre de barrages ou à la fabrication de réfrigérateurs plus efficients. Si la consommation électrique de nos réfrigérateurs pouvait être diminuée de moitié, qu'est-ce qui serait préférable: construire plus de barrages ou réduire la consommation électrique des réfrigérateurs?
Voici un autre exemple qui est peut-être plus surprenant. Il s'agit des moteurs électriques. Peu de gens savent que les moteurs électriques consomment près de la moitié de l'électricité du Canada. Si vous commencez à les chercher, vous verrez qu'il y en a partout, dans les réfrigérateurs, les ventilateurs de chaudières, les conditionneurs d'air et les systèmes d'air comprimé dans de nombreuses usines. Ils font tourner les pompes, les dispositifs d'entraînement de disques, les ventilateurs et toutes sortes d'appareils. En fait, je pense que la consommation électrique des moteurs équivaut à l'électricité produite par toutes les sources non hydrauliques au Canada. Donc, si vous imaginez ces deux secteurs d'approvisionnement et de consommation, vous avez toutes vos sources non hydrauliques de fourniture d'électricité, et tout cela est consommé par les moteurs électriques.
Pour diminuer la consommation d'électricité et les émissions de carbone au Canada, il faudra examiner les moteurs et les services qu'ils fournissent.
Les moteurs ont des utilisations complexes qui demandent habituellement une attention professionnelle, mais les économies potentielles sont énormes. Une étude réputée a été faite récemment au Manitoba et a montré que la consommation électrique des ventilateurs de chaudières dans les maisons pouvait être diminuée de 70 p. 100 en remplaçant tout simplement les moteurs électriques de ces ventilateurs. Cet exemple est important non seulement en raison de cette diminution de 70 p. 100 pour les moteurs, mais aussi parce que cela représentait une diminution de 25 p. 100 de la consommation d'électricité de ce foyer en hiver. Voilà le genre d'économie considérable qui peut être faite. On ne se rend compte de ces économies potentielles que lorsque l'on commence à comprendre la façon dont l'électricité est consommée au niveau de l'aspect demande.
Les automobiles sont un autre exemple de compréhension de l'aspect demande. Une fois de plus, la technologie des automobiles est complexe, toutefois, nous savons qu'environ 20 p. 100 du carburant consommé par une automobile sert à surmonter la résistance au roulement des pneus. C'est cette énergie — la résistance au roulement — qui est dissipée par la déformation constante des pneus qui tournent. Au moins aux États-Unis, à titre de comparaison, nous savons que cette consommation de pétrole, ces 20 p. 100 de consommation de carburant dans les automobiles, est égale à toute la quantité de pétrole que nous importons de l'Arabie Saoudite.
Nous avons découvert récemment qu'il est possible d'apporter des améliorations techniques aux pneus qui réduiront considérablement leur résistance au roulement et arriver, dans certains cas, à réduire cette résistance jusqu'à 50 p. 100 sans nuire à l'adhérence ou à l'usure de la bande de roulement. Donc d'un point de vue politique, nous devons commencer à nous demander si le pays devrait investir plus pour importer des volumes croissants de pétrole ou s'il devrait essayer de réduire la résistance au roulement des pneus. Encore une fois, nous ne pouvons prendre ce genre de décisions ni faire ce genre d'équilibres et de comparaisons que si nous avons des renseignements sur les deux côtés de cette équation d'énergie.
Je crois comprendre que l'un de vos objectifs est de comprendre la meilleure façon d'intégrer les politiques énergétiques. Je crois qu'une planification de l'énergie intégrée efficace n'est possible seulement si l'on tient compte à la fois de l'approvisionnement et de la consommation. Cela s'applique à de nombreux aspects de la planification urbaine où l'énergie joue un rôle majeur, par exemple dans les transports. Ici aussi, il faut veiller à ce que l'approvisionnement ou la demande ne soient pas des inconnues, car les deux côtés de ces équations, même dans le cas des transports, peuvent varier en fonction des politiques.
Par exemple, j'étudie le cas de la ville de Toyama au Japon. C'est une ville d'environ un demi-million d'habitants sur la côte ouest du Japon. La ville a été victime du ralentissement économique et a vu un exode de sa population jeune vers Tokyo et Osaka. Il ne reste que des personnes âgées auxquelles il est de plus en plus difficile de fournir des services. En même temps, de fortes pressions sont exercées sur la ville pour qu'elle réduise sa consommation d'énergie et ses émissions de carbone. La ville essaie de se restructurer et de s'adapter de façon à localiser les services municipaux et sociaux essentiels dans des couloirs. En arrivant à placer dans ces couloirs à la fois les services et les personnes qui en ont besoin, la ville pourra réduire les coûts liés à la prestation de ces services et être plus efficiente.
Tout le processus est en marche. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Ils s'attendent qu'il faudra au moins une décennie avant de voir une différence notable. Mais ils savent que c'est la seule façon qu'ils seront en mesure de fournir ces services et de permettre à la ville de survivre économiquement compte tenu de la nouvelle situation démographique et des nouvelles réalités énergétiques.
La ville de Toyama sait qu'en plus de réduire les coûts liés à la prestation des services, la nouvelle conception plus compacte permettra d'économiser de l'énergie et de réduire les émissions de carbone. Vous pourriez dire que la ville de Toyama fait de nécessité vertu, mais le fait demeure que c'est une intégration qui semble réussir.
Avant de conclure, j'aimerais souligner une différence importante entre les politiques d'approvisionnement énergétique et de conservation d'énergie qui, je pense, a tout à voir avec les politiques intégrées dans les villes et les cités.
La plupart des technologies d'approvisionnement énergétique — charbon, énergie nucléaire, hydroélectricité, peu importe, et même certains types d'énergie solaire — sont faciles à reconnaître une fois que les installations sont terminées. Et il est relativement simple de déterminer si elles produisent de l'électricité, ou s'il y a du pétrole qui sort du pipeline ou quoi que ce soit. Par contre, ce sont des projets à forte intensité de capital. Et ils créent peu d'emplois, qui ne sont habituellement pas dans les collectivités; ils sont très éloignés du lieu où les gens vivent. Lorsqu'ils sont mal planifiés, leur échec est retentissant et très coûteux.
En comparaison, la plupart des politiques d'efficacité énergétique sont des activités extrêmement diffuses. Parfois, elles touchent un seul foyer, un seul magasin ou une seule usine pour que cela fonctionne. Mais en même temps, leurs avantages sont très difficiles à évaluer. Vous avez quelque chose qui entraîne des économies d'énergie et vous ne pouvez pas mesurer les économies d'énergie comme vous pouvez mesurer la production parce que vous mesurez une différence dans l'utilisation de l'énergie. Alors, ce n'est pas simple. Vous n'avez pas autant confiance que ces économies se matérialiseront véritablement à moins de faire une évaluation très attentive. Mais par ailleurs, les investissements liés à l'efficacité énergétique sont à forte intensité de main-d'oeuvre. Les emplois sont dans les collectivités. ils peuvent être au bout de la rue ou chez le voisin, alors, cela signifie que ce sont des emplois locaux. Je pense que si les politiques sont bien conçues, ces emplois resteront.
Merci de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions concernant mes observations, ou d'autres sujets.
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Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité.
Je m'appelle David Foster. Je suis actuellement directeur exécutif de Blue Green Alliance, un partenariat entre quatre syndicats et deux organismes environnementaux nationaux qui représente plus de six millions de membres et qui touche pratiquement toutes les collectivités des États-Unis.
Plus particulièrement, la Blue Green Alliance est constituée des Métallurgistes unis d'Amérique, du Sierra Club, de l'Union internationale des journaliers d'Amérique du Nord, du Conseil de défense des ressources naturelles, des Travailleurs en communication d'Amérique du Nord et du Syndicat international des employés de service. La collaboration entre des syndicats et des organismes environnementaux est fondée sur notre objectif commun de bâtir une économie fondée sur l'énergie propre, une économie qui créé de bons emplois tout en luttant contre le réchauffement climatique.
La Blue Green Alliance est devenue un des principaux défenseurs, aux États-Unis, des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique et pour créer de bons emplois verts. Je suis particulièrement heureux d'avoir l'occasion de témoigner devant le Comité permanent des ressources naturelles qui s'intéresse aux mêmes questions cruciales au Canada.
Avant d'occuper mes fonctions actuelles, j'ai été membre des Métallurgistes unis d'Amérique pendant 31 ans et j'ai servi pendant 16 ans au conseil de direction international du syndicat à titre de directeur du district 11, une région de 13 États ayant pignon sur rue ici au Minnesota.
Il y a quelques semaines, en réponse à l'aggravation de la crise économique et de la crise climatique, la Blue Green Alliance a rendu public un énoncé de politique sur le changement climatique. C'était la première fois qu'un énoncé de politique sur le changement climatique était présenté à la fois par des syndicats et par des organismes environnementaux. Pour certains de nos partenaires, c'était leur tout premier énoncé public sur le changement climatique.
Cet énoncé de politique insistait sur l'importance de fixer des cibles fondées sur les meilleures données scientifiques disponibles et sur un système de plafonnement et d'échanges qui contient des mécanismes pour prévenir la perte d'emplois dans les industries grandes consommatrices d'énergie compétitive à l'échelle mondiale. D'abord et avant tout, l'énoncé précisait clairement qu'une législation sur le changement climatique devrait être centrée sur la création et la conservation de millions d'emplois verts, nouveaux et existants, qui soutiennent les familles, et qu'elle devrait financer la transition vers une économie fondée sur l'énergie propre.
Je vous ai fait parvenir un exemplaire de notre énoncé de politique pour le compte rendu. J'espère qu'il s'est rendu jusqu'à vous, de même que mon témoignage.
La Blue Green Alliance croit fermement que le Congrès américain doit agir cette année et adopter une législation responsable en matière de changement climatique qui permettra de remettre rapidement au travail les Américains dans des millions d'emplois visant à construire une économie fondée sur l'énergie propre et sur la réduction des émissions responsables du réchauffement climatique à un niveau nécessaire pour éviter les pires effets du changement climatique. Nos organismes partenaires sont d'accord pour dire qu'aucune ligne de conduite ne pourrait avoir d'effet plus destructeur que la poursuite des politiques énergétiques qui ont poussé les prix du baril de pétrole à 140 $ en 2008, qui ont contribué à l'augmentation vertigineuse du prix des aliments et des pénuries d'aliments à l'échelle mondiale, et qui ont engendré des déséquilibres commerciaux insoutenables.
Régler la question du réchauffement climatique ne sera pas la calamité économique que certains prédisent. Bien dirigée, la transition vers une économie verte sera l'outil de développement économique le plus important du XXIe siècle. La création d'un nouveau système énergétique fondé sur les énergies renouvelables et sur la production décentralisée est au coeur de cette transition. Certains des exemples les plus remarquables de cette transition se retrouvent ici même dans l'État du Minnesota où je demeure.
Dans la ville voisine de St. Paul, Minnesota, la District Energy St. Paul produit, dans ses installations de chaleur et d’énergie combinées, 25 mégawatts d'électricité et 65 mégawatts d'énergie thermique pour ses clients du centre-ville, par la combustion de copeaux de bois provenant des parcs et autre biomasse, et en fournissant de la vapeur pour les besoins de chauffage et de refroidissement d'une grande partie du centre-ville de St. Paul.
En partenariat avec l'organisme de développement économique local, la St. Paul Port Authority, et avec une usine de papier recyclé privée, District Energy s'est également lancée dans un projet ambitieux visant à convertir l'usine de papier Rock-Tenn en une source d'énergie propre, par combustion d'un biogaz provenant d'un digesteur anaérobie qui convertit les résidus d'une usine d'éthanol voisine en carburant renouvelable. Ce projet est considéré comme un élément clé de l'élaboration d'un corridor vert qui relie Minneapolis et St. Paul par la distribution d'une énergie propre.
Dans les régions rurales du Minnesota, un autre projet d'énergie renouvelable connu sous le nom de CBED, acronyme anglais pour développement économique communautaire, fournit un marché facile pour l'électricité éolienne de la région. Le Minnesota possède une des normes les plus exigeantes au pays en matière d'énergie électrique renouvelable, exigeant que 25 p. 100 de l'électricité consommée dans cet État proviennent de sources renouvelables d'ici 2025.
Conséquence de cette politique, un investissement considérable se fait dans la partie ouest de l'État. CBED exige des services publics locaux qu'ils achètent la production d'énergie éolienne des agriculteurs locaux, rendant ainsi économiquement possible pour les petits agriculteurs d'acheter et de faire fonctionner des éoliennes et de tirer profit de la production d'énergie renouvelable. L'État du Minnesota estime que ces projets pourraient accroître le revenu agricole familial d'une somme pouvant aller jusqu'à 100 000 $ par année, une fois l'investissement en capital initial remboursé.
Ces deux histoires locales démontrent ce qui, j'espère, est le potentiel de l'économie fondée sur l'énergie propre. Et ils donnent une idée très claire du rôle important que le gouvernement peut jouer.
Premièrement, le gouvernement doit faire savoir clairement aux marchés quel sera l'orientation future des prix de l'énergie. Une législation ferme en matière de plafonnement et d'échange qui fixe un prix à long terme sur le carbone, combinée à un cadre de réglementation clair, comme des normes en matière d'énergie électrique renouvelable et des normes d'efficacité énergétique, constituent des outils dont les investisseurs ont besoin pour savoir dans quelle direction ira le marché. Notre expérience aux États-Unis, où il existe quelque 28 normes en matière d'énergie électrique renouvelable, montre la force d'une telle politique pour influer sur le marché afin de créer des emplois et des investissements dans l'énergie propre.
Deuxièmement, le gouvernement doit jouer un rôle plus important pour résoudre les défis de distribution qui sont le résultat d'une mosaïque de réseaux de distribution conçus pour acheminer de manière inefficace l'énergie des grandes centrales de base aux consommateurs. Des programmes comme CBED au Minnesota ou de prix préférentiel, « feed-in tariffs », en Allemagne ont démontré la force que peut avoir la création d'outils de développement économique que l'on peut remettre entre les mains des petits producteurs ou des consommateurs. En Allemagne, le cadre réglementaire et les marchés créés par le prix préférentiel ont créé une industrie solaire qui donne aujourd'hui du travail à 240 000 Allemands dans un des pays les plus nuageux de la planète.
Aux États-Unis, cette semaine constituera un jalon important dans l'effort pour adopter une loi fédérale sur le changement climatique. Le projet de loi Waxman-Markey sera débattu dans le cadre d'une série d'audiences publiques devant notre comité de l'énergie et du commerce. Nous sommes heureux de voir que de nombreux principes avancés par la Blue Green Alliance se retrouvent dans le projet de loi sur le changement climatique. Nous pensons que le projet de loi est un pas dans la bonne direction pour résoudre le problème du changement climatique et pour créer des emplois en vue de la reprise économique.
La création et la conservation de ces millions d'emplois verts, nouveaux et existants, qui soutiennent les familles, particulièrement dans le secteur de la fabrication et de la construction, doivent être la première priorité de la loi sur le changement climatique. Le récent American Recovery and Reinvestment Act de 2009 a donné lieu au premier pas dans cette direction grâce à un investissement initial important dans l'économie verte. Environ 120 milliards de dollars ont été consacrés à l'édification de l'économie verte et de son infrastructure. Dans les jours qui ont suivi l'adoption de cette loi, nous avons commencé à en voir les effets ça et là, par exemple, 180 travailleurs ont été rappelés au travail par Andersen Corporation, une entreprise qui fabrique des fenêtres efficaces au plan énergétique, à Bayport, Minnesota. Mais cet investissement initial pourrait être gaspillé si nous ne faisons pas les investissements subséquents dans l'économie de l'énergie propre à une échelle nécessaire pour convertir notre pays aux énergies renouvelables.
La Blue Green Alliance était particulièrement heureuse de voir que le projet de loi exigeait qu'un pourcentage accru de l'électricité vendue par les services publics provienne de sources renouvelables, pour atteindre 25 p. 100 d'ici 2025. La création d'un cadre de réglementation qui appuie les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et une nouvelle distribution envoie des signaux importants au marché qui fournira un investissement privé à une échelle nécessaire pour ramener des millions d'autres Américains au travail.
Une étude rendue publique en 2006 par notre organisme et le projet de politique sur l'énergie renouvelable concernant la fabrication des composants, fondée sur un effort de 10 ans, a révélé que 850 000 emplois seraient créés pour 160 milliards de dollars d'investissements dans la fabrication. Les modèles économiques pour l'État où j'habite montraient qu'une norme de 15 p. 100 pour l'énergie électrique renouvelable créerait plus de 18 000 emplois dans le domaine de la fabrication des composants. Comme je l'ai dit, l'État où j'habite a adopté une norme de 25 p. 100 à cet égard, et en conséquence, elle compte les deux plus grandes entreprises de construction spécialisées dans les installations de parcs éoliens au pays.
Pour épargner du temps, je vais sauter certains passages de mon témoignage écrit et j'espère que cela pourra être partagé avec d'autres membres du comité.
En conclusion, je veux dire simplement que le réchauffement climatique est déjà en train de détruire le gagne-pain de travailleurs partout dans le monde. Par exemple, des milliers de travailleurs qui fabriquaient de l'aluminium dans le Pacifique Nord-Ouest ont perdu leur emploi aux États-Unis à cause du fait que 15 années de précipitations de neige réduites dans la chaîne des Cascades ont diminué la quantité d'eau disponible dans les réservoirs et fait augmenter le coût de l'électricité produite par les barrages formidables construits par Henry Kaiser il y a 60 ans. Sept fonderies ont fermé leurs portes faute de pouvoir payer le coût plus élevé de l'électricité. Ces emplois perdus constituent un témoignage éloquent qu'on ne peut plus attendre pour régler la question du changement climatique.
Ne rien faire aura des conséquences économiques désastreuses. À Nairobi où, le mois dernier, j'ai pris la parole devant le forum ministériel biennal du Programme des Nations Unies pour l'environnement, le réchauffement climatique ne s'arrête pas simplement aux emplois perdus. On parle de famine et de migrations massives. Les faibles espoirs que nourrissent des pays comme le Kenya et d'autres dans le monde en développement de grimper dans l'échelle du développement pour sortir de l'extrême pauvreté et se retrouver parmi les soi-disant économies émergentes s'évaporent aussi sûrement que les déserts du Darfour s'étendent. C'est le prix à payer pour ne rien faire face au réchauffement climatique.
Nous devons faire des choix déterminants et prendre des décisions cruciales. Allons-nous bâtir une économie fondée sur l'énergie propre et remettre au travail les travailleurs de la fabrication et de la construction en Amérique du Nord? Allons-nous défendre un nouveau modèle de développement pour le tiers-monde qui met l'accent sur la consommation dans leurs économies plutôt que sur des déficits commerciaux insoutenables dans les nôtres? Allons-nous regarder en arrière dans un an et dire que nous ne sommes tenus debout pour nos pays, notre climat et toute l'humanité lorsque que cela comptait?
Tous nos choix reposent sur les épaules de ceux qui décideront dans quelle voie nous allons nous engager. La Blue Green Alliance, ses organismes partenaires, et sa filiale, Blue Green Canada, sont impatients de travailler avec les membres du comité pendant que vous poursuivez vos travaux sur cette question cruciale.
Merci beaucoup.
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Merci de votre question, monsieur Tonks.
Il ne me vient pas d'exemple pour le transport, mais je peux vous parler d'une autre région que j'observe, disons d'une certaine distance. Il s'agit de la province de la Haute-Autriche. Cette région a été durement frappée, elle aussi, par une dépression il y a 20 ans: son industrie lourde a chuté de beaucoup, même chose pour son industrie légère, qui était la fabrication de meubles, et pour son industrie forestière.
Puis, quelqu'un a eu la brillante idée de prendre une partie de la puissance de chaudronnerie et certaines des vieilles forêts, dont le bois n'était plus assez bon pour la fabrication de meubles, de les combiner avec des installations de fabrication de copeaux, et l'industrie des copeaux de bois était lancée. Nous avons maintenant des poêles à copeaux ou à granulés de bois, etc. Tout cela, c'est grâce à la Haute-Autriche.
C'est fascinant d'observer comment ils ont combiné la collecte du bois de seconde venue de qualité inférieure avec l'ancien matériel de chaudronnerie pour créer les nouvelles chaudières à copeaux de bois, aussi appelées poêles à granulés.
Puis, ils ont compris que ce n'était pas tout: ils devaient trouver comment construire les maisons et les bâtiments de manière à ce qu'ils soient éconergétiques dès leur conception. Ils sont donc parmi les promoteurs les plus combatifs — et je l'entends au sens positif — de l'efficacité énergétique combinée aux matières renouvelables. Dans un pays où, avant, presque toutes les maisons situées à l'extérieur des grands centres urbains étaient chauffées au mazout, il n'en reste maintenant presque plus parce qu'ils ont réussi à passer totalement à ces poêles à granulés pour chauffer l'eau et l'air ambiant.
Je vais sûrement réussir à penser à des exemples pour le transport, mais je me suis dit que c'était un bon point de départ.
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Merci beaucoup de la question.
D'abord, oui, nous reconnaissons certainement l'importance de la formation et du recyclage, tant comme partie intégrante de la stratégie pour la mise en oeuvre de la transformation vers une économie d'énergie propre que comme réaction aux changements qui se produisent dans l'ensemble de l'économie, changements qui rendent certaines compétences superflues dans des parties du pays et qui en demandent d'autres ailleurs pour permettre l'expansion économique.
Il est extrêmement important d'aborder le sujet de la formation des travailleurs. Certaines parties du projet de loi sur la relance économique qui vient de passer, la American Recovery and Reinvestment Act, touchent les questions de formation de reclassement des travailleurs. Une partie importante du projet de loi Waxman-Markey portera sur les besoins de formation des travailleurs pour répondre aux changements économiques.
Toutefois, j'aimerais mentionner que je crois que la question du recyclage des travailleurs est en partie exagérée. Il ne faut pas oublier qu'un des principaux avantages économiques des grands investissements dans l'énergie propre est qu'ils permettront de réembaucher des gens qui ont déjà les compétences requises. Les six stratégies les plus courantes que nous pourrons employer pour combattre le réchauffement planétaire au cours de la crise économique actuelle produiront beaucoup d'emplois qui pourront être comblés rapidement par des travailleurs qui sont actuellement sans emploi et qui possèdent déjà les compétences requises.
Par exemple, dans le cadre de la stratégie de modernisation des bâtiments pour en améliorer l'efficacité énergétique, nous avons mené une enquête pour déterminer les 10 catégories d'emploi les plus recherchées. Comme on peut s'y attendre, ces catégories relèvent principalement du domaine de la construction. Elles incluent les charpentiers, les électriciens, les poseurs d'isolant mural, les poseurs de panneaux muraux secs — c'est-à-dire tous les emplois qui connaissent en ce moment des taux de chômage de plus de 20 p. 100 aux États-Unis.
Un des principaux avantages d'investir des sommes importantes dans l'efficacité énergétique de nos bâtiments, c'est que ça permet de profiter des compétences professionnelles existantes. On profite des faiblesses mêmes causées par le chômage et qui font chuter l'économie. On donne de l'argent à des consommateurs importants, qui le remettent dans l'économie et créent de la demande pour d'autres produits.
Je crois qu'au fil de nos discussions sur l'énergie propre et le réchauffement planétaire, nous exagérons parfois la quantité de recyclage des travailleurs nécessaire pour effectuer la transformation. Nous sous-estimons à quel point ces investissements revigoreront une grande partie de l'infrastructure des secteurs de la fabrication et de la construction déjà en place.
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Je crois que vous posez là plusieurs questions. Je vais essayer de répondre à quelques-unes d'entre elles.
C'est évident qu'on utilise moins d'énergie par personne et par unité du PIB en Europe qu'aux États-Unis ou qu'au Canada. C'est aussi évident que le prix de l'énergie, surtout celui de l'essence, est beaucoup plus élevé en Europe qu'ici, ce qui influence le choix des véhicules. On pourrait sûrement observer encore d'autres tendances en Europe.
Mais j'aimerais me pencher sur une autre question, la possibilité que nous soyons en retard. D'abord, je crois que ça fait au moins 15 ans que le Canada a mis en place des normes d'efficacité énergétique minimales pour les appareils électroménagers. L'Europe vient tout juste d'adopter ce genre de normes, à part pour quelques appareils qui avaient été réglementés plus tôt; elle vient à peine de créer un cadre juridique pour des normes que le Canada a mises en place il y a des années.
Maintenant, c'est vrai que les modes de vie sont tout à fait différents. Je vais passer à la question de la possibilité de réduire notre consommation d'électricité. Pour répondre — et ma réponse est oui, c'est possible —, j'aimerais noter qu'une avalanche a récemment interrompu le service d'électricité bon marché de la ville de Juneau, en Alaska, ville située au nord de la majorité des villes du Canada. La ville s'est tournée vers le carburant diesel pour obtenir son électricité; résultat: le prix de l'électricité a décuplé du jour au lendemain.
Dans le cours d'environ 6 semaines, la ville de Juneau a réussi à réduire sa consommation d'électricité d'environ 30 p. 100, et ce, sans que personne ne subisse de panne d'électricité. L'économie a suivi son cours, sans interruption. Comment ont-ils fait? Ils ont simplement pris conscience de leur consommation d'électricité. Cette transformation n'est pas le produit de la technologie, mais juste d'un changement de comportement. Imaginez maintenant ce qui se produirait si nous mettions de nouvelles technologies en place.
Ainsi, nous pouvons voir qu'il est très possible de réduire notre consommation d'électricité. Nous n'avons même pas à modifier nos façons d'agir pour nous améliorer, mais si nous changeons la façon dont nous traitons l'énergie, nous pouvons faire encore mieux.
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C'est une excellente question, monsieur Hyer. À bien des égards, c'est, je crois, la plus importe à laquelle le monde industrialisé devrait tenter de répondre cette année avant les négociations de la conférence de Copenhague.
Comme vous le savez, j'ai passé la plus grande partie de ma vie adulte dans des villes manufacturières, parmi les employés d'usine, prêtant l'oreille à leurs inquiétudes en période d'instabilité prolongée. Aux États-Unis, l'industrie de l'acier et presque tous les autres secteurs manufacturiers ont traversé trois grandes réorganisations, qui ont fait perdre des emplois à un grand nombre de cols bleus. Ces emplois sont très souvent réapparus dans des pays à bas salaires, et les produits que nous fabriquions autrefois ont été remplacés par des importations venant des régions les moins réglementées de l'économie mondiale.
Je me suis aperçu que pour convaincre les travailleurs américains des avantages que présentent les investissements dans l'énergie propre, il faut procéder en trois étapes. Il faut d'abord leur faire comprendre le coût réel de la perte d'emplois de ces 20 dernières années — et j'ai décrit ce qui s'est passé dans l'industrie de l'acier, qui courait à sa perte. Je crois que la plupart des cols bleus américains sont aujourd'hui profondément convaincus, au fond de leur coeur, que nous avons mené une bataille perdue pour l'intégration mondiale, qui a détruit une bonne partie des fondements manufacturiers du pays. Ils souhaitent sincèrement comprendre les causes réelles des pertes d'emplois.
Je crois qu'ils doivent également comprendre le danger économique auquel on s'expose en restant les bras croisés face au réchauffement planétaire. Dans mon témoignage, j'ai relaté ce qui est arrivé aux travailleurs des fonderies d'aluminium du nord-ouest du Pacifique afin de montrer concrètement que les changements climatiques ne menacent pas que les espèces en danger et l'habitat de la faune, mais entraînent une perturbation profonde des systèmes économiques humains et de tout ce qui nous entoure aujourd'hui. Les travailleurs de l'aluminium ont perdu leur emploi en raison du réchauffement climatique. Las Vegas, un centre du divertissement en Amérique du Nord, deviendra invivable en raison du réchauffement climatique, et des dizaines de milliers de travailleurs perdront leur emploi. Cela démontre de façon très claire et précise les répercussions que le réchauffement planétaire aura sur le compte en banque des citoyens.
J'ai certainement parlé avec les employés du secteur de l'acier et des pâtes et papiers des provinces de l'Ouest du puceron de l'écorce du pin qui sévit dans les forêts boréales du Canada et des répercussions que pourrait avoir sur l'emploi ce danger qui découle du réchauffement mondial.
Enfin, la troisième étape consiste, selon moi, à faire comprendre la promesse bien réelle que recèlent les développements dans le domaine de l'énergie propre. Nous avons déjà vu des résultats avant que la récession ne frappe de plein fouet. Les investissements dans l'énergie propre ont permis le retour au travail des cols bleus dans l'industrie traditionnelle de la transformation des produits de base. Grâce à la demande en éoliennes, les travailleurs du secteur de l'acier ont été rappelés au travail dans des tôleries arrêtées depuis cinq ou six ans, à Gary, en Indiana. Toujours dans cet État, dans les fonderies de La Porte, les activités ont repris dans des usines qui fonctionnent maintenant à un rythme que l'on a pas vu depuis 20 ans. À l'échelle de l'Amérique du Nord, des centaines de travailleurs ont été engagés pour fabriquer des bases d'éoliennes.
Comme je l'ai indiqué, de grandes entreprises de construction ont affecté des milliers de travailleurs syndiqués dans les régions bien venteuses des Prairies. La diffusion des images de ces cols bleus se rendant au travail avec leurs boites à lunch, entrant dans les usines pour accomplir le travail qu'ils ont fait pendant des décennies, mais l'effectuant maintenant pour concrétiser la vision d'une économie reposant sur l'énergie propre, a réchauffé le coeur de ceux qui n'ont assisté qu'à des pertes d'emplois dans leurs collectivités au cours des 20 dernières années.
Je crois que ce sont là les trois étapes qui permettent de sensibiliser les travailleurs et de stimuler leur enthousiasme concernant l'importance de ces investissements, qui constituent une manière intelligente et efficace de mettre fin à la récession et de redresser l'économie.
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Eh bien, voilà encore une excellente question. Je crois qu'il est essentiel de faire le lien entre les deux.
Nous en sommes à un moment où le modèle de l'économie mondiale que nous appliquions a montré qu'il était littéralement et absolument caduc. En 2008, nous avons vu augmenter les prix des ressources naturelles, qu'il s'agisse du pétrole, du bauxite, de l'aluminium, du cuivre, du ciment ou de toute autre ressource qui vous viendrait à l'esprit. Pratiquement toutes les ressources naturelles de l'économie industrialisée se sont raréfiées, et ces ressources limitées étaient exploitées d'une manière qui ne pouvait tout simplement plus durer. Cette situation a entraîné ce que je crois être une escalade effrénée des prix des aliments, un retour des émeutes alimentaires et, en quelque sorte, un échec de la révolution écologique qui, pensions-nous, nous permettrait de mettre fin à la faim dans le monde. Concurremment, les déficits commerciaux malsains qu'accumulaient les États-Unis, particulièrement avec la Chine, étaient d'une certaine manière considérés une bonne chose ou un modèle viable pour établir une économie mondiale durable.
Nous ne pouvons tout simplement pas revenir en arrière pour essayer de nous sortir de la récession actuelle en recréant le même genre de problèmes tripartites. En agissant ainsi, je crois que nous provoquerions réellement un désastre mondial et humain d'une ampleur que personne ne souhaite connaître. Nous nous trouvons devant un choix fondamental: nous devons refaçonner notre économie en l'établissant sur des technologies et des formes d'énergie durables qui, par bonheur, exigent des investissements suffisamment importants pour littéralement fouetter l'économie mondiale afin de la remettre sur la voie de la croissance soutenue.
Nous devons effectuer un nombre considérable d'investissements substantiels pour galvaniser l'économie, des investissements de l'importance et de l'ampleur de ceux qui, pendant la Deuxième Guerre mondiale, ont permis de mettre fin à la Grande Dépression ou de ceux que les États-Unis ont réalisés par le passé pour constituer le grand réseau routier national. Les investissements qu'il faut faire dans l'énergie propre pour changer fondamentalement notre économie doivent avoir cette ampleur. En accordant la priorité à ce secteur, nous pouvons changer toute notre économie.
D'un autre côté, observez les autres secteurs de l'économie mondiale d'aujourd'hui et essayez de voir lequel ouvrira la voie vers la reprise économique. Ce ne sera certainement pas l'industrie bancaire, le domaine des finances internationales ni le marché immobilier. Ce ne sera aucun des nombreux autres secteurs qui sont à bout de souffle. Je crois, par conséquent, que nous avons un choix évident à faire, un investissement clair à effectuer, et il se trouve que c'est celui qui est le plus favorable pour l'économie et l'environnement.