Le graphique de la page 3 contient quatre messages clés que je veux vous transmettre. Dans l'ensemble, nous vous disons que la médecine nucléaire constitue l'une des nombreuses technologies d'imagerie utilisées en médecine, comme les rayons X, les tomodensitogrammes, l'imagerie par résonance magnétique et les ultrasons.
Les procédures de médecine nucléaire servent principalement pour l'imagerie cardiaque, qui correspond au plus grand secteur du graphique, avec environ 56 p. 100. Ces scintigraphies permettent d'étudier le débit sanguin dans le coeur au cours d'épreuves d'effort.
Viennent ensuite les scintigraphies osseuses, représentées par le grand secteur bleu, qui constituent environ 17 p. 100. Elles servent à détecter la progression de cancers des os ou même à examiner de simples factures. Tous les autres sont des scintigraphies d'organes en général. Contrairement à l'imagerie par résonance magnétique et aux tomodensitogrammes, qui permettent de voir l'état d'un organe, ces procédures rendent une image du fonctionnement d'un organe pour tout un éventail de maladies, y compris le cancer.
Passons à la page 4. Comme mon collègue l'a indiqué, le 99mTc, ou technetium-99m, un dérivé du 99Mo, est en fait l'isotope prédominant utilisé dans environ 80 p. 100 des procédures de médecine nucléaire. Sa durée de conservation est approximativement de six heures, alors que celle du 99Mo est de 66 heures, ce qui explique les problèmes d'approvisionnement. On ne peut en effet constituer de stock, comme pour les vaccins. La perturbation actuelle de l'approvisionnement préoccupe énormément les patients et les médecins partout au pays.
On peut toutefois se tourner vers d'autres produits lorsque l'on planifie les situations d'urgence. On ne peut les utiliser comme des substituts permanents, mais pour la plupart des procédures d'imagerie cardiaque — l'utilisation la plus courante des procédures de médecine nucléaire, comme vous l'avez vu —, le thallium-201 est un remplacement acceptable et est en fait utilisé actuellement au pays dans le cadre des plans d'urgence mis en oeuvre par le milieu médical et les provinces et territoires.
On peut aussi recourir au fluorure 18-F avec des caméras TEP, un autre mode d'imagerie. On s'en sert dans le cadre d'essais cliniques pour des scintigraphies osseuses. Il est également utilisé par... En fait, la solution de rechange consiste à utiliser l'imagerie par résonance magnétique et la tomographie.
Il y a cependant une restriction concernant le 99mTc. Pour certaines procédures, il n'existe pas de solution viable. Je pense notamment aux enfants et aux scintigraphies osseuses effectuées pour les cancers en pédiatrie. Dans ces cas, le milieu médical et les provinces et territoires utilisent les isotopes disponibles et s'en servent exclusivement pour des procédures prioritaires pour en optimiser l'utilisation. Ils font des scintigraphies plus longues avec des doses plus petites et prolonge les heures d'activités. Ils travaillent les fins de semaine, parfois 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et les hôpitaux et les régions se partagent la charge de patients et les générateurs.
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Monsieur le président, j'aimerais dire quelques mots sur la demande mondiale. On va se concentrer sur le molybdène et le technétium.
La demande mondiale est évaluée à environ 40 millions de doses par année. On trouve à la page 5 la répartition mondiale. On voit que les plus grands utilisateurs sont les États-Unis, qui représentent 44 p. 100 du tout, suivi de l'Europe, 22 p. 100, puis du Japon, 14 p. 100, et du reste du monde, 16 p. 100. Le Canada utilise 4 p. 100 de ces isotopes, un chiffre qu'on pourra plus tard comparer à notre part de l'approvisionnement.
Parlons de l'évolution de la demande mondiale. On peut voir à la page 6 qu'on s'attend globalement à ce que la demande pour ce produit, qui est rare aujourd'hui, augmente. Elle continuera d'augmenter à mesure que les marchés actuels en feront une utilisation plus intensive et que de nouveaux marchés adopteront la médecine nucléaire.
Malgré la maturité de leur marché, on prévoit que les États-Unis devraient continuer de mener la croissance mondiale de la demande en raison de plusieurs facteurs clés, mais principalement en raison de la population vieillissante et de la prévalence croissante des maladies du coeur. On retrouvera vraisemblablement dans les marchés d'Asie, d'Amérique du Sud et du Moyen-Orient une augmentation de la demande à mesure que de nouveaux appareils de diagnostic seront mis en place.
[Traduction]
Nous passerons maintenant à la question de l'approvisionnement du marché, à la page 7. On en a beaucoup dit à ce sujet depuis quelques jours. Le 99Mo tend à être produit dans des réacteurs nucléaires de recherche — pas des réacteurs nucléaires de puissance, mais de plus petites installations de recherche. Il en existe environ 250 dans le monde, mais seule une poignée produit du 99Mo en quantité raisonnable. En fait, 95 p. 100 du 99Mo produit aux fins d'exportation viennent de cinq réacteurs de recherche polyvalents gouvernementaux, soit le réacteur national de recherche universel d'EACL, aussi appelé le NRU, à Chalk River, au Canada; le réacteur BR2, en Belgique; le réacteur HFR, à Petten, aux Pays-Bas; le réacteur OSIRIS, en France; et le réacteur SAFARI, en Afrique du Sud. Plusieurs autres petits réacteurs assurent un certain approvisionnement dans des marchés régionaux ou nationaux, mais leur production est insuffisante pour avoir une réelle influence sur le marché mondial.
Ensemble, ces cinq réacteurs, malgré les interruptions de service, peuvent arriver à fournir les quantités nécessaires au marché mondial. Cependant, le NRU est l'un des plus gros réacteurs avec celui des Pays-Bas, produisant environ 30 et parfois 40 p. 100 de l'approvisionnement mondial; ainsi, lorsqu'un tel réacteur cesse ses activités, l'approvisionnement s'en ressent à l'échelle mondiale. Il faut se rappeler qu'il n'y a pas longtemps, à la fin de l'été jusqu'au début de 2009, le réacteur HFR des Pays-Bas est tombé en panne. Pendant cette période, le NRU de Chalk River a augmenté substantiellement sa production, de sorte qu'il n'y a eu pour ainsi dire aucune répercussion sur la demande au Canada. À l'heure actuelle, la situation est évidemment différente.
La diapositive 8 vous donne un aperçu de la chaîne d'approvisionnement et du cheminement des isotopes à partir du réacteur jusqu'aux patients.
On commence par irradier le combustible uranium — nous l'appelons ainsi, mais il s'agit essentiellement de lot d'uranium que l'on envoie dans le réacteur de recherche, où il est soumis à un faisceau de neutrons. Après quelques jours passés dans le réacteur, ce combustible est traité. Le 99Mo, dérivé de ce processus, est alors extrait et purifié. Il est ensuite introduit dans les générateurs de 99mTc, et c'est le produit qui prend le chemin des hôpitaux et des radiopharmacies, où on l'utilise avec des médicaments pour diriger la matière radioactive, qui se désintègre très rapidement dans le corps. Les médicaments permettent de cibler des fonctions ou des tissus précis du corps.
Les diverses étapes de ce processus peuvent s'effectuer à plusieurs endroits et dans différents pays; nous y reviendrons. Ce qui importe, c'est que la matière radioactive se désintègre très rapidement. Le 99Mo produit dans les réacteurs a une demi-vie d'environ 66 heures. Ainsi, s'il n'est pas acheminé au fabricant approprié, le produit se désintègre rapidement et est inutile à la fin de la chaîne d'approvisionnement. De même, le générateur de technétium envoyé aux hôpitaux a une vie utile limitée que l'on estime de 10 à 14 jours. Plus on attend, moins il est efficace.
Cette industrie — dont nous examinerons la chaîne d'approvisionnement — ne peut constituer de stocks de cette matière. On produit chaque fois en temps réel, et il faut que le produit parcourt très efficacement les diverses étapes de la chaîne d'approvisionnement pour satisfaire la demande à la fin du processus. Ces produits sont évidemment assujettis aux règlements qui régissent la production, le transport, l'utilisation et l'approbation des matières afin d'assurer la santé et la sécurité dans les domaines nucléaire et médical. Les diverses étapes de la chaîne d'approvisionnement s'accompagnent de coûts ainsi que de risques et d'avantages économiques. Ces facteurs sont absolument essentiels pour appréhender toute la complexité de la chaîne d'approvisionnement actuelle et les raisons pour lesquelles il faut trouver de nouvelles technologies de remplacement dans l'avenir.
Le graphique de la page 9 illustre la chaîne d'approvisionnement mondiale, y compris les exploitants de réacteur et les entreprises de traitement et de génération, et montre le déroulement du processus de gauche à droite. Si vous regardez au haut de la page, vous verrez que l'irradiation du combustible s'effectue au NRU de Chalk River pour ce maillon de la chaîne.
Le molybdène 99 est extrait dans les installations de traitement de Chalk River, dans ce que nous appelons des cellules chaudes, ou des zones isolées avec du béton permettant une manipulation très poussée de la matière radioactive. Cette matière est ensuite envoyée à MDS Nordion, à Kanata. Nordion, vous vous en souviendrez, est une entreprise dérivée d'EACL créée au début des années 1990. Elle purifie le produit et, fait important, l'exporte ensuite à un certain nombre de clients au Japon et aux États-Unis — surtout là, à Lantheus, un fabricant de technetium.
Je reviendrai pour montrer le processus d'approvisionnement du Canada.
Les autres réacteurs fonctionnent essentiellement de la même manière, passant par l'entremise du Covidien AG ou de l'IRE, qui sont tous deux en Europe et peuvent en fait accepter l'approvisionnement d'un certain nombre de réacteurs. Quant au réacteur sud-africain, il achemine la matière par l'entremise de NTP Radioisotopes, également en Afrique du Sud, pour l'envoyer dans diverses parties du monde.
Évidemment, l'harmonisation géographique entre les réacteurs et les installations de traitement s'explique par les contraintes relatives à l'expédition et à la désintégration rapide du 99Mo. Même si ces chaînes collaborent parfois, un produit ne peut parfaitement se substituer à un autre. On ne peut tout simplement prendre la matière produite dans le réacteur SAFARI pour l'envoyer se faire traiter au Covidien, en Europe, par exemple, ou à MDS Nordion, à Kanata. Ces produits ne peuvent pas tous être remplacés par un autre.
Si l'on examine l'offre au Canada sur le graphique de la page 10, il importe, ici encore, de comprendre que le produit qui sort du NRU ne va pas directement aux hôpitaux ou aux cliniques. Il passe par plusieurs étapes. Il s'achemine d'abord à MDS Nordion, à Kanata, comme je viens de le dire, qui en exporte une partie à l'étranger. La plus grande partie est destinée aux États-Unis, à Lantheus et parfois à d'autres clients, et ce n'est qu'une quantité relativement limitée qui revient au Canada. Nous avons indiqué que le NRU produit de 30 à 40 p. 100 de l'approvisionnement mondial, mais il n'en consomme que 4 p. 100. Cela signifie que le plus gros de la production du NRU est exportée, pour être en fait réimportée, car il n'y a pas de fabricant de technetium au Canada.
Vous verrez qu'il y a au moins 10 fois plus d'utilisateurs finaux aux États-Unis qu'au Canada, avec une demande d'environ 5 500 unités comparativement à l'utilisation qui se fait ici. Ce pays tire environ la moitié de son approvisionnement du NRU — la moitié qu'il obtient par cette chaîne d'approvisionnement —, le reste venant d'autres réacteurs situés ailleurs dans le monde.
Nous sommes tous parfaitement conscients que le NRU a 50 ans. Ce qui est peut-être frappant, c'est que les autres réacteurs de recherche du monde qui produisent des isotopes ont essentiellement le même âge, soit entre 42 et 47 ans. Évidemment, cela veut dire que leurs coûts d'entretien augmentent — à l'instar de leur vulnérabilité — et que des problèmes de posent au chapitre des permis. Comme vous le savez, le permis d'exploitation du NRU délivré par la CCSN vient à échéance en 2011 — et je reviendrai sur ce que l'on fait actuellement pour le prolonger. Le réacteur des Pays-Bas, par exemple, a obtenu un permis d'exploitation d'un an en mars dernier après avoir une longue période d'inactivité.
La page 12 porte sur certains des projets ou des propositions présentement à l'étude pour assurer l'approvisionnement de mobybdenum 99 sur le marché mondial. Les plus immédiates sont celles qui figurent sur la gauche, mais en fait, même celles-là sont les deux seules qui peuvent réellement assurer une production au cours des prochains mois.
Le réacteur situé en Australie, qui s'appelle OPAL et qui est en construction depuis pour ainsi dire 10 ans, est maintenant mandaté pour produire et exporter du molybdenum 99. On examine la possibilité d'en exporter en Amérique du Nord, et les milieux australien et canadien de la réglementation s'intéressent à la question afin de réglementer le produit médical.
L'Argentine dispose d'un réacteur qu'elle utilise pour approvisionner essentiellement les marchés nationaux d'Amérique du Sud. Il pourrait approvisionner le marché nord-américain, bien que ce soit en petites quantités.
Aux États-Unis, le réacteur de recherche de l'Université du Missouri, qui accuse lui aussi un certain âge, pourrait être mis à contribution pour produire du molybdenum 99, mais cette éventualité reste à l'étape du projet et aucun engagement n'a été pris.
Le seul réacteur de recherche réellement en construction à l'heure actuelle est le réacteur Jules Horowitz, en France, lequel devrait commencer sa production vers 2015.
Les autres projets en sont encore essentiellement à l'étape du concept et ne devraient être prêts que dans au moins cinq ans. D'autres réacteurs pourraient peut-être approvisionner des marchés locaux et n'auront donc qu'une capacité restreinte de servir le marché mondial pour l'instant.
Parmi les propositions envisagées au Canada figure le réacteur nucléaire de McMaster, un réacteur expérimental également âgé de 50 ans. Ce réacteur de recherche situé à l'Université McMaster a produit des isotopes dans diverses conditions dans les années 1970. Ses exploitants proposent de produire du 99Mo et on discute avec McMaster pour voir comment on pourrait procéder. Mais jusqu'à maintenant, notre analyse et celle des experts d'EACL et de la CCSN indiquent que cette solution n'est pas réalisable à court terme.
L'Université de la Colombie-Britannique a elle aussi présenté un concept original dont le processus prévoit l'utilisation d'un accélérateur pour produire du 99Mo par photofission. Ce processus est également envisagé à l'échelle internationale, où l'on juge qu'il mérite un examen plus approfondi; il n'est cependant pas suffisamment avancé pour produire maintenant.
Le Centre canadien de neutrons est essentiellement un projet de nouveau réacteur de recherche au Canada, appuyé par le Conseil national de recherches Canada; il s'agirait d'un réacteur polyvalent qui ne ferait pas que produire des isotopes médicaux.
Les secteurs privé et public ont, bien sûr, soumis d'autres propositions. Nous nous doutons certainement que nous discuterons des réacteurs MAPLE, qui se sont révélés incapables de produire et sont sans permis à l'heure actuelle. Ce projet a pris fin en mai 2008.
La province de la Saskatchewan s'est également dite intéressée à discuter avec le gouvernement du Canada pour peut-être conclure des arrangements concernant un réacteur de recherche et, éventuellement, la production d'isotopes.
Je ne passerai peut-être pas en revue la liste présentée à la page 14, monsieur le président, car je ne veux pas prendre trop de votre temps. Mais lorsque l'on examine les diverses solutions, il faut tenir compte de certains critères, comme la faisabilité technique, la mise en oeuvre des projets en temps opportun, les risques technologiques des projets et la capacité d'appliquer la technologie à l'échelle commerciale.
Il y a également la mise en oeuvre fonctionnelle et les risques. Il s'agit d'investissements substantiels. De toute évidence, si l'on veut égaler de quelconque manière les niveaux de production du NRU, il faudra compter sur l'accès au marché extérieur pour écouler une grande partie de la production. L'évolution du marché doit donc être raisonnablement prévisible, et il faut pouvoir intégrer le projet à une chaîne d'approvisionnement existante. Il ne suffit pas d'avoir un réacteur; encore faut-il pouvoir travailler au sein d'une chaîne d'approvisionnement.
La solution doit pouvoir être mise en oeuvre en temps opportun, que le projet soit prêt dans cinq ans ou un délai plus ou moins long. Les enjeux d'ordre réglementaire doivent être résolus, notamment la capacité d'assurer et de contrôler la gestion du matériel et des déchets nucléaires. Sachez, monsieur le président, que les États-Unis, par exemple, ont clairement indiqué qu'en ce qui concerne les solutions à long terme — pas à court, mais à long terme —, il faut que ces réacteurs fonctionnent avec de l'uranium faiblement enrichi pour réduire le risque de prolifération nucléaire. Présentement, le NRU et la plupart des autres réacteurs en activité utilisent de l'uranium fortement enrichi, une pratique que les États-Unis en particulier, et en fait la communauté internationale, voudraient abandonner au fil du temps.
Aux avantages globaux dont bénéficient les Canadiens, sans parler de ceux qui s'offrent évidement sur le plan des soins de santé, s'ajoutent ceux dont profitent le milieu médical, l'industrie nucléaire et divers secteurs.
Pour régler les grandes priorités afin de tenter de relever ce défi, il faut passer par trois étapes. Le problème se pose également du côté de la demande, et ma collègue de Santé Canada pourrait ajouter quelque chose plus tard au cours de la période de questions.
Tout d'abord, la remise en fonction du NRU et le renouvellement de son permis demeurent une priorité. C'est actuellement la meilleure façon d'assurer la reprise de la production du NRU, et EACL met évidement tout en oeuvre pour y parvenir dans les plus brefs délais de manière sécuritaire et fiable. Il faut aussi que l'on poursuive les démarches entreprises pour renouveler le permis du NRU. Des fonds du budget de 2008 ont été réaffectés à cette fin l'an dernier. EACL a reçu de nouveaux fonds dans le budget de 2009 afin de poursuivre ces travaux avec la CCSN.
Il faut ensuite assurer la participation internationale pour tirer le meilleur parti de notre capacité actuelle, assurer le meilleur approvisionnement possible et optimiser l'utilisation de l'offre mondiale. Pour ce faire, nous devons déployer des efforts multilatéraux et bilatéraux avec les divers pays, notamment les États-Unis.
Ensuite, comme l'a indiqué la ministre la semaine dernière, il faut établir un comité d'examen constitué d'experts pour étudier les diverses propositions dont j'ai parlé plus tôt en fonction des critères que j'ai mentionnés.
J'espère que ces renseignements vous seront utiles. Je serai plus qu'heureux de répondre aux questions du comité.
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Je vous remercie beaucoup.
Mesdames et messieurs, obtenir un approvisionnement fiable en radio-isotopes à des fins médicales, à court et à long termes pour les Canadiens, est une priorité absolue de mon ministère actuellement. Il importe de souligner que lorsque nous parlons de la sécurité de l'approvisionnement, nous parlons d'une industrie mondiale et de marché planétaire. Les enjeux à l'égard de la sécurité de l'approvisionnement en isotopes sont de nature mondiale. Cette situation nous préoccupe vivement, et c'est pourquoi je suis impatiente d'avoir la contribution du comité en vue d'atteindre les résultats que nous recherchons tous.
J'aimerais souligner au départ que la situation actuelle est très différente de celle qui prévalait en décembre 2007 lorsque le Parlement a adopté une loi d'urgence pour mettre fin à l'impasse entre l'organisme de réglementation et EACL, permettant ainsi au réacteur NRU de redémarrer.
La dernière fois, nous n'avions aucune bonne raison de maintenir le réacteur hors service et celui-ci a été remis en ligne rapidement et en toute sécurité après que le Parlement eût adopté les mesures législatives. Cette fois-ci, nous sommes aux prises avec un problème technique important qui doit être réglé avant que le réacteur puisse reprendre du service.
La dernière fois, la communication entre EACL, la CCSN et le gouvernement était médiocre et un délai considérable s'est écoulé avant qu'on avise le milieu médical. Cette fois-ci, le milieu médical a été informé quelques heures à peine après que le gouvernement eût appris que la mise hors service du réacteur devait être prolongée, et ce, afin qu'un plan d'urgence puisse être mis en oeuvre sans délai.
La dernière fois, nous n'avions pas les moyens requis pour trouver d'autres sources d'approvisionnement et les fonctionnaires se sont fait des pieds et des mains pour arriver à comprendre l'industrie et établir des contacts rapides avec les propriétaires de réacteurs nucléaires étrangers, tout cela en vain. Cette fois-ci, nous avons mis en place l'infrastructure internationale qui sera nécessaire dans les semaines et les mois prochains pour aider la collectivité mondiale à combler une sérieuse pénurie qui persistera pendant plusieurs mois.
Je vais aborder chacun des points susmentionnés dans ma déclaration préliminaire, mais permettez-moi d'abord de vous mettre au courant de ce qui se passe actuellement avec le réacteur NRU.
Le comité n'est pas sans savoir que le 15 mai, un contrôle de routine a permis de découvrir une petite fuite d'eau lourde au NRU. EACL a annoncé que le réacteur NRU demeurerait hors service pendant au mois trois mois, afin de déterminer les réparations nécessaires et de procéder à celles-ci. EACL a fait cet après-midi une mise à jour au sujet du processus qu'il applique.
Je profite de l'occasion pour répéter qu'EACL et la Commission canadienne de sûreté nucléaire nous ont assurés que la fuite est contenue et ne présente aucun risque pour la sécurité des travailleurs ou du public, ni pour l'environnement et qu'un programme d'inspection est en cours. On ne connaîtra la durée de la panne que lorsque les enquêtes seront achevées et que les solutions de réparation auront été circonscrites.
Le NRU produit environ entre 30 à 40 p. 100 de l'approvisionnement mondial d'un isotope clé utilisé dans les procédures de diagnostic médical — le molybdène-99 et un produit de désintégration, le technétium-99. En fait, toute la production du réacteur NRU est exportée après un traitement subséquent par MDS Nordion. Environ 10 p. 100 des exportations sont réimportées au Canada par nos services de santé.
Depuis déjà un certain temps, à part le NRU, quatre autres réacteurs au monde seulement sont équipés pour produire cet isotope médical essentiel pour le marché international. Tout comme le NRU, tous ces réacteurs sont déjà âgés. Cet âge et les exigences d'entretien de ces quatre réacteurs importants contribuent à la fragilité de la chaîne d'approvisionnement mondiale d'isotopes à des fins médicales. Cependant, il existe d'autres facteurs, dans une chaîne d'approvisionnement complexe et hautement réglementée, qui font intervenir les participants du secteur privé pour amener le produit à la clientèle.
Cette chaîne comprend un nombre limité de transformateurs. Ce sont les entreprises qui prennent les isotopes purs du réacteur et le transforment en produits pharmaceutiques utilisés dans les hôpitaux. En raison de la brièveté de la durée de conservation du produit et de la rapidité avec laquelle il doit être livré, il est préférable que les transformateurs soient situés à proximité du réacteur qui le produit. Une autre contrainte, c'est le fait que pour des raisons d'ordre technique, contractuel et autres, ce ne sont pas tous les transformateurs qui peuvent accepter des produits provenant de tous les réacteurs.
Ainsi, bien qu'une approvisionnement fiable en isotopes soit un enjeu important pour les Canadiens, c'est également un problème mondial compte tenu que la demande planétaire ne repose que sur cinq réacteurs vieillissants. Malheureusement, c'est aussi un problème pour lequel il n'existe pas de solution facile.
Cela ne signifie pas pour autant que nous levons les bras au ciel. Nous pouvons faire quelque chose et nous continuons de le faire. Nous collaborons avec nos partenaires au Canada, et partout au monde, en vue de protéger la santé des Canadiens, à court et à long terme, et d'assurer leur sécurité.
Dans ce but, nous continuons d'aller de l'avant avec notre plan en cinq points. Ce plan consiste premièrement à reprendre aussitôt que possible l'exploitation du réacteur NRU, de la façon la plus sûre possible, et à obtenir le renouvellement du permis d'exploitation du NRU; deuxièmement, à atténuer les effets des ruptures d'approvisionnement à court terme; troisièmement à inciter les principaux pays consommateurs et producteurs d'isotopes à coordonner l'approvisionnement à court terme, et à étudier des solutions à long terme; quatrièmement, à examiner les solutions de rechange aux actes médicaux axés sur le moly-99; et enfin à favoriser à long terme des sources de remplacement de production du moly-99.
Au chapitre du NRU, EACL travaille à remettre dès que possible le réacteur en service, conformément aux normes les plus rigoureuses en matière de sécurité. De plus, EACL et la Commission canadienne de sûreté nucléaire ont conclu un protocole d'entente visant à déterminer les exigences à l'égard du prolongement du permis d'exploitation du réacteur NRU au-delà de sa date d'expiration actuelle de 2011. De fait, dans le budget de 2009, notre gouvernement a réservé 47 millions de dollars à EACL spécialement pour ces travaux.
Deuxièmement, depuis la dernière mise hors service prolongée du NRU en décembre 2007, notre gouvernement a pris des mesures concrètes en vue de gérer l'impact des ruptures d'approvisionnement en isotopes à court terme, comme celle que nous subissons présentement.
En janvier 2008, mon ministère, Ressources naturelles du Canada, en collaboration avec Santé Canada et EACL, a conclu le protocole de notification et d'échange d'information au sujet des pénuries d'isotopes médicaux. Ce protocole fait en sorte que les autorités sanitaires provinciales et territoriales, ainsi que les professionnels de la santé, soient avisés rapidement de toute rupture éventuelle ou réelle de la chaîne d'approvisionnement en isotopes.
Avec des renseignements en temps opportun, la communauté médicale peut intervenir rapidement pour établir l'ordre de priorité des procédures, prendre des mesures en vue de prolonger et de partager des stocks limités d'isotopes, et appliquer d'autres procédures quand c'est possible. Le milieu de la santé a répondu favorablement à cette initiative.
En décembre 2007, Santé Canada a mis sur pied un groupe de travail spécial sur les isotopes médicaux. Ce groupe a examiné la panne de 2007 du NRU et a présenté un certain nombre de recommandations à Santé Canada. Le groupe de travail a fait des recommandations visant l'amélioration des communications et la mobilisation des médecins, ainsi que l'élaboration de pratiques exemplaires et de directives en matière de triage. Santé Canada collabore avec ce groupe de travail, ainsi qu'avec les autorités sanitaires provinciales et territoriales et les praticiens, afin de faire progresser ces travaux.
Le groupe de travail continue de se réunir et d'offrir des conseils à intervalles réguliers, et il a récemment assuré la diffusion de directives qui aideront le milieu médical à faire face aux pénuries.
Des responsables gouvernementaux ont également rencontré les entreprises canadiennes et américaines qui font partie de la chaîne d'approvisionnement en isotopes, dont MDS Nordion, Lantheus et Covidien. Ces rencontres aident à s'assurer que le système canadien des soins de santé continuera de recevoir sa juste part de produits au cours des périodes d'approvisionnement limité.
Troisièmement, le gouvernement du Canada a joué un rôle déterminant dans la mobilisation de la communauté internationale pour fournir un effort concerté en vue de formuler des solutions mondiales. Par exemple, à la demande de notre gouvernement, l'Agence pour l'énergie nucléaire a tenu à la fin de janvier un atelier international sur la sécurité de l'offre en isotopes médicaux. L'atelier a attiré des représentants de chaque maillon de la chaîne d'approvisionnement, y compris des exploitants de réacteurs, des transformateurs d'isotopes du secteur privé, le secteur de la santé, des praticiens, ainsi que des organismes gouvernementaux de réglementation et des experts en politiques.
Les participants ont reconnu la nature mondiale de l'enjeu, et ils ont insisté sur la nécessité d'approfondir et d'élaborer des plans de secours pour les perturbations de l'offre à court terme, et de faire connaître ces plans au besoin. Qui plus est, et sur le conseil de notre gouvernement, les participants ont convenu de mettre sur pied un groupe de haut niveau, dans le but de faire progresser les activités.
Il y a deux semaines, j'ai dirigé une téléconférence avec un bon nombre de ceux qui sont représentés au groupe de haut niveau, dont des représentants des gouvernements et de l'industrie des pays producteurs d'isotopes, afin de souligner l'importance de la collaboration internationale. Le groupe, composé de représentants des principaux pays producteurs et consommateurs d'isotopes, a tenu sa première réunion officielle ce matin. J'y ai participé et j'en ai profité pour souligner qu'une concertation mondiale s'impose pour optimiser l'approvisionnement en isotopes dans l'immédiat, améliorer la transparence en transmettant les meilleurs renseignements possibles au système médical et nous attaquer aux obstacles qui entravent la sécurité de l'approvisionnement en isotopes à long terme.
Nous avons été encouragés d'apprendre qu'aux Pays-Bas, on s'emploie à augmenter de 50 p. 100 la production du réacteur, et en Afrique du Sud, de 20 p. 100 pour le court terme. En Belgique, on indique avoir reçu l'autorisation d'augmenter la capacité de traitement. L'Australie produit maintenant des isotopes et vise à augmenter considérablement sa production. Ce sont donc d'utiles développements au plan de l'approvisionnement, mais il existe encore de nombreux obstacles à surmonter.
Le quatrième point de notre plan comprend le travail entrepris par le biais de Santé Canada, de concert avec les homologues provinciaux et territoriaux, ainsi qu'avec les praticiens, afin de faciliter le recours à des actes médicaux et à des procédures diagnostiques différents — des solutions de rechange qui contribuent à réduire la demande de molybdène-99 dans l'immédiat, le temps de trouver des solutions à moyen et à long terme.
Le cinquième point de notre plan comprend l'appui aux efforts visant l'élaboration de nouvelles sources d'approvisionnement en 99Mo à long terme. Un certain nombre de concepts et d'idées ont été présentés — certains font intervenir de nouvelles technologies, d'autres, l'amélioration d'installations existantes, ou de nouvelles installations en fonction des technologies actuelles. Mon ministère a soutenu des études de faisabilité sur l'utilisation d'une installation existante, située au réacteur nucléaire McMaster, afin de produire du 99Mo. Notre gouvernement a également financé un atelier à l'Université de la Colombie-Britannique et au laboratoire de recherche TRIUMF, afin d'examiner l'utilisation d'accélérateurs de particules dans la production de molybdène-99 par la photofission.
Il n'y a cependant pas de solutions faciles ou rapides, et toutes les tentatives de création de nouvelles sources de 99Mo prendront du temps et exigeront des investissements pour leur mise en oeuvre. Jeudi dernier, notre gouvernement a annoncé l'établissement d'un comité d'experts qui examinera les propositions des secteurs privé et public à propos de nouvelles sources pour les principaux isotopes médicaux destinés au Canada. Le Groupe consultatif spécial d'experts réunira une expertise de calibre mondial dans les domaines des sciences de la santé, des sciences appliquées et de la politique publique afin d'évaluer les diverses propositions présentées en regard de critères techniques, économiques et autres. Le groupe consultatif publiera son évaluation à l'automne.
Également jeudi, j'ai annoncé que notre gouvernement procédait à la restructuration d'EACL, maintenant que son examen est terminé. Cet examen a conclu que la restructuration d'EACL insufflerait un dynamisme à l'industrie nucléaire au Canada et consoliderait sa culture de croissance, d'innovation et de leadership en cette période d'expansion mondiale.
Par cette restructuration, nous cherchons à positionner l'industrie nucléaire canadienne afin qu'elle conserve et crée des emplois spécialisés en conception, construction et entretien de la technologie de l'énergie nucléaire au Canada et à l'étranger. La restructuration ne résoudra pas d'elle-même les problèmes relatifs au réacteur NRU et à l'approvisionnement en isotopes médicaux. L'assurance d'un approvisionnement fiable en isotopes médicaux est un enjeu qui ne se limite pas seulement au Canada. C'est un enjeu mondial, qui appelle une solution mondiale.
Il est également intéressant de noter que le 24 mars 2009, j'ai présenté au Parlement le projet de loi C-20, Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire, un projet de loi qui modernisera la Loi sur la responsabilité nucléaire de 1976. J'ai été heureuse de constater que ce projet de loi avait été envoyé au comité hier, et j'espère que vous l'examinerez sans tarder, puis le renverrez rapidement à la Chambre des communes.
Pour conclure, monsieur le président, le gouvernement du Canada s'efforce de réduire au minimum les impacts que la pénurie actuelle de l'offre mondiale en isotopes médicaux peut avoir sur les Canadiennes et les Canadiens. De plus, nous exerçons notre responsabilité en tant que partie principale de la chaîne d'approvisionnement mondiale afin de favoriser la collaboration planétaire nécessaire en vue de parvenir à une solution à long terme.
Je vous remercie de votre temps, et c'est avec plaisir que je répondrai aux questions des membres du comité.