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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 035 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 octobre 2009

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bon après-midi, mesdames et messieurs.
    Nous poursuivons aujourd'hui notre étude de l'état de l'industrie nucléaire au Canada et à l'étranger. Cette étude mènera à notre examen du projet de loi C-20.
    Six groupes de témoins comparaîtront aujourd'hui. Ils feront leurs témoignages dans l'ordre indiqué au programme.
    J'aimerais tout d'abord vous mentionner que nous devrons adopter un budget pour couvrir les dépenses de certains témoins. Nous le ferons à la fin de la réunion. Cela ne devrait pas être très long, mais nous aurons besoin de quelques minutes à la fin de la séance au cas où il y aurait des discussions là-dessus. Nous avions fixé d'en débattre à 17 h 15. Si vous pensez que nous pourrions le faire plus rapidement, nous pourrons en débattre un peu plus tard.
    Allez-y, monsieur Regan.
    Monsieur le président, allons-nous laisser parler les témoins avant de leur annoncer si nous allons défrayer les coûts?
    Oui.
    Je le propose donc maintenant, si vous le permettez.
    Je ne sais pas comment le vice-président libéral a présidé la dernière séance, mais ce n'est pas ainsi que nous allons procéder. Je ne veux pas...
    Pouvons-nous revenir à nos moutons, s'il vous plaît? Nous allons céder directement la parole aux témoins. Ils sont en grand nombre. J'espère que vous pourrez respecter le temps qui vous est alloué.
    Débutons par M. Shawn-Patrick Stensil, responsable de la campagne Climat et Énergie de Greenpeace Canada.
    Allez-y, s'il vous plaît. Vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Je vais faire ma présentation en anglais, mais je serai heureux de répondre à vos questions et commentaires en français.

[Traduction]

    Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Nous parlons d'un sujet fort important. Greenpeace estime qu'il ne reçoit pas assez d'examen public.
    J'aimerais commencer mon exposé en soulevant trois faits avec lesquels le comité et le gouvernement sont aux prises lors des débats sur la privatisation d'EACL. Greenpeace estime qu'il faut songer à trois choses lorsqu'on parle de cette privatisation.
    En premier lieu, malgré le fait que les gens prônent une résurgence de l'énergie nucléaire, il existe peu ou pas de marché pour les réacteurs à l'échelle internationale, et je songe notamment aux réacteurs CANDU. C'est en grande partie dû au fait que les vendeurs internationaux tels que EACL et AREVA n'ont pas conçu une nouvelle génération de réacteurs peu coûteux et compétitifs à partir d'autres sources d'énergie. De plus, l'industrie n'a pas appris de ses erreurs. En effet, au début des années 2000, l'industrie avait promis que les retards et les dépassements de coût seraient une chose du passé.
    En deuxième lieu, il faut reconnaître que la technologie CANDU n'aboutit à rien. EACL n'a pas réussi à innover, à concevoir ou à vendre des nouvelles conceptions de réacteur depuis la vente des CANDU 6 à la fin des années 1960 et au début des années 1970. En ce qui concerne le réacteur de nouvelle génération, le CANDU avancé, EACL n'a pas atteint ses objectifs en matière de conception et de prix. Certains membres de l'industrie canadienne ont même commencé à reconnaître publiquement qu'il était trop tard pour vendre le CANDU avancé.
    En dernier lieu, bien que le gouvernement fédéral ait indiqué qu'il souhaitait procéder à la restructuration d'EACL afin de « maximiser le retour sur l'investissement des contribuables canadiens », il faut reconnaître que ce rendement sera minime. Les subventions cumulatives totales octroyées à EACL s'élèvent à plus de 20 milliards de dollars. Les médias indiquent que la vente d'EACL serait de l'ordre de 300 millions de dollars. C'est une dure réalité, mais il faut la reconnaître si nous voulons arrêter l'hémorragie liée aux subventions continuellement versées à EACL et à l'appui de la construction de réacteurs CANDU.
    Greenpeace estime que l'initiative du gouvernement de privatiser EACL permettrait au Canada de respecter ses engagements internationaux et de passer à une économie plus durable en faisant en sorte que ce soit l'industrie nucléaire et non pas le contribuable qui assume les coûts élevés liés à l'énergie nucléaire. Nous appuierions un tel scénario si le gouvernement le prônait. En revanche, il y a eu un manque de transparence et d'examen en ce qui concerne la restructuration et la privatisation d'EACL. Ce n'est pas de la faute du gouvernement actuel. Si l'on n'augmente pas l'examen public et la consultation, Greenpeace a peur que la restructuration et la privatisation négligeront des enjeux d'intérêt public tels que la durabilité et la protection des contribuables.
    Vous n'avez pas reçu mon mémoire aujourd'hui car je n'ai pas eu l'occasion de le faire traduire. Je m'en excuse. Mon mémoire est en fait une pétition adressée au commissaire fédéral à l'environnement. Greenpeace demande au gouvernement fédéral de respecter plusieurs engagements.
    D'abord, le gouvernement devrait être honnête quant aux frais qu'ont assumés les contribuables afin de prolonger la durée de vie des réacteurs CANDU, entre autres à Point Lepreau et à Bruce, en Ontario.
    Ensuite, nous demandons au gouvernement de relever la barre en ce qui concerne la transparence et la reddition de comptes pour tous les contrats d'EACL à l'avenir. Avant de signer de nouveaux contrats, le contribuable fédéral devrait connaître les responsabilités qui pourraient être assorties aux garanties contractuelles de rendement d'EACL.
    Enfin, nous espérons que la pétition fournira au comité des renseignements importants en ce qui a trait au rendement récent d'EACL.
    Nous ne formulons pas de demande à la légère. En 2009, le contribuable fédéral a dû débourser 100 millions de dollars pour couvrir les responsabilités hors bilan pour les dépassements de coût à Bruce A, à Point Lepreau et au projet de mise à niveau en Corée du Sud. D'après les rapports annuels d'EACL, en raison des garanties contractuelles de rendement des réacteurs en construction, EACL doit 500 millions de dollars pour ses activités hors bilan. Les mécanismes de reddition de comptes et les plafonds imposés à EACL par le gouvernement fédéral ne sont pas clairs pour ce qui est de l'accumulation de ces frais sous le gouvernement actuel et les gouvernements précédents.
(1535)
    La pétition de Greenpeace demande à ce que les contrats de responsabilités financières qui ont déjà été signés soient clairs. Greenpeace s'inquiète vivement du fait que le gouvernement fédéral expose de plus en plus le contribuable fédéral à des risques financiers pour les projets de prolongation de la durée de vie des réacteurs.
    Pour changer de sujet, on a dit que la capacité qu'aurait EACL de poursuivre ses activités ou de vendre le réacteur CANDU avancé à l'Ontario serait « une question de destinée » pour l'organisation. Rappelons que le contribuable fédéral a déjà subventionné la conception du CANDU avancé à hauteur de 433 millions de dollars, ce qui est bien au-dessus des prévisions initiales. Et on ne parle que de la conception. Nous n'avons pas encore vendu un seul de ces réacteurs.
    L'Ontario demande maintenant au gouvernement fédéral de subventionner la construction du réacteur ACR en injectant potentiellement des milliards de dollars et d'assumer une part considérable des risques, qui lui seraient transférés.
    Comme vous pouvez le voir, en ce qui concerne ce projet, on se dit qu'il faut autant aller jusqu'au bout. C'est ce qui va se passer avec EACL et le CANDU avancé. Il ne s'agit toutefois pas d'une bonne initiative politique publique.
    Rappelons qu'EACL n'a pas réussi à innover ni à concevoir avec succès un nouveau réacteur depuis la création du réacteur CANDU 6 dans les années 1960, et ce, malgré des milliards de dollars en subventions. Certains membres de l'industrie nucléaire du Canada ont déjà décidé d'abandonner l'ACR, malgré les millions de dollars que nous avons dépensés. Ils déclarent qu'il faudrait revenir à l'ancien modèle du réacteur CANDU 6. Ce désespoir ne devrait pas nous empêcher d'aller de l'avant et de protéger le contribuable et l'environnement.
    Pour conclure, j'espère que le comité utilisera notre pétition afin de poser des questions au gouvernement, à EACL et aux membres de l'industrie CANDU. J'espère que l'on augmentera la transparence en ce qui concerne les frais que le contribuable canadien a dû débourser afin d'appuyer le projet CANDU au cours des 50 dernières années.
    Merci beaucoup.
(1540)
    Merci de votre exposé.
    La greffière vous avait indiqué que vous aviez jusqu'à dix minutes pour faire vos exposés. Merci d'avoir respecté ce délai.
    Cédons maintenant la parole à notre deuxième témoin, Michel Fugère, qui nous vient de Mouvement Vert Mauricie Inc. et qui est le représentant du dossier de l'énergie. Allez-y, s'il vous plaît. Vous disposez de dix minutes.

[Français]

    Merci de nous accueillir pour une première fois au Comité permanent des ressources naturelles.
    Lorsque j'ai reçu l'invitation du comité, le sujet de la demande était de discuter de l'état du nucléaire au Canada et à l'étranger dans le contexte de ce fameux projet de loi que vous êtes en train d'étudier. À l'intention du comité, je me suis dit qu'il serait peut-être bien de s'assurer qu'avant d'aller appuyer l'industrie nucléaire canadienne, on prenne la peine d'avoir une vision un peu globale de la situation sur le plan international et d'essayer de voir aussi d'où origine cette industrie nucléaire que l'on essaie de garder sous respiration artificielle depuis tant d'années.
    Afin d'aborder ce sujet, je me suis dit qu'il vaudrait peut-être la peine que je m'attarde tout particulièrement aux pays qui sont plus exemplaires en la matière et qui nous permettent de comprendre davantage l'importance de cette industrie, ses faiblesses et ses espoirs. J'ai choisi pour exemple la France qui est, comme vous le savez, un important utilisateur de l'industrie nucléaire. J'ai pensé aussi bien entendu aux États-Unis qui possèdent plus d'une centaine de réacteurs nucléaires. On sait que la France et les États-Unis, à eux deux, produisent presque la moitié de la production totale d'énergie électrique nucléaire dans le monde. Il y a aussi le Canada.
    Chose étrange, lorsqu'on regarde l'évolution, dans le temps, de l'implantation de ces industries, on remarque qu'elles ont des caractéristiques très semblables. Pour ce faire, j'ai pris la peine de m'assurer que des documents étaient déposés au comité. Entre autres, j'ai déposé une recherche qui a été réalisée par Mme Mariah Blake, qui s'intitule Bad Reactors, Rethinking your opposition to nuclear power? Rethink again. Dans ce document, elle fait vraiment une analyse profonde de ce qui se passe relativement au nucléaire aux États-Unis. On voit à travers son histoire que, finalement, c'est un peu l'histoire du nucléaire dans le monde qu'on est appelé à comprendre par ce document.
    En ce qui concerne le Canada, j'ai déposé auprès du comité un document qui a été réalisé il y a quelques années par Ralph Torrie et Richard Parfett, qui sont des spécialistes canadiens en matière d'énergie. Ils ont fait une évaluation de la situation du nucléaire au Canada, à savoir l'historique, où nous en sommes, les perspectives d'avenir ainsi que les alternatives possibles nous permettant éventuellement de sortir harmonieusement de la production d'énergie nucléaire au Canada. Ces documents sont accessibles à tous parce que je les ai déposés auprès du comité.
    Également, j'ai déposé un document qui s'intitule Status and Trends of the World Nuclear Industries par Mycle Schneider, de la Carnegie Endowment for International Peace. Ce document vous permettra, par des graphiques très bien documentés et actualisés, d'avoir un portrait juste de la situation du nucléaire dans le monde sur plusieurs aspects.
    On parle souvent de renaissance du nucléaire dans le monde. Le concept même de renaissance dans le monde implique que l'industrie nucléaire a, pendant plusieurs décennies, subi une léthargie qui mettait sa survie en danger. Quelles sont les raisons qui ont imposé la mise en léthargie de l'industrie nucléaire et freiné son évolution pendant plusieurs décennies?
    Les raisons qu'on peut invoquer pour cela sont connues de tous. On pourrait mentionner le fait qu'il y a des risques associés à la non-maîtrise de la technologie. On pourrait parler de Three Mile Island et de beaucoup d'autres exemples ici, au Canada. On pourrait en parler lors de la période de questions qui suivra ma présentation.
(1545)
    On peut parler de mauvaise gérance des projets de construction qui compromettent la fiabilité des sites nucléaires. L'exemple du projet finlandais d'Olkiluoto est très éloquent en la matière. On peut parler de mauvaise planification financière des projets, ce qui implique des dépassements de coûts exorbitants. Encore là, le projet d'Olkiluoto est particulièrement intéressant à investiguer. On peut parler de délais dans la réalisation des projets. Plus ça va, plus c'est pareil.
    On peut parler de pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. C'est une situation qu'on vit au Canada. Des documents démontrent clairement que c'est actuellement une crise majeure aux États-Unis. Ce sont des ténors de l'industrie nucléaire qui reconnaissent eux-mêmes ce problème. On peut parler de diminution de la qualité de l'offre des services et de la quantité de ces services, de fournisseurs de moins en moins nombreux. Ces faits sont reconnus. Les projets sont souvent retardés parce qu'on n'est pas capable de se procurer les pièces nécessaires, que le service n'est pas à portée de la main.
    On peut aussi reconnaître que le fardeau financier relié aux infrastructures nucléaires est si lourd que l'industrie n'est pas capable de l'assumer elle-même. Les citoyens doivent par conséquent le porter sur leurs épaules. D'ailleurs, on a vu tout récemment aux États-Unis de grandes agences financières et autres, notamment à Wall Street, s'opposer de manière très vigoureusement aux projets nucléaires au point de menacer de décote les entreprises qui s'aventuraient dans ce domaine.
    Qu'est-ce qui a favorisé la renaissance du nucléaire, dans un tel contexte? Est-ce la résolution des problèmes liés à la non-maîtrise, la meilleure gérance des projets de construction, une meilleure planification financière des projets, le respect des délais, une main-d'oeuvre qualifiée, de meilleurs services de fourniture, une industrie qui assume elle-même le fardeau financier de ses opérations? Non. Des exemples quotidiens le prouvent. Qui sait lire, les trouve.
    Alors, comment se fait-il que nous soyons tous condamnés à entendre parler du concept de la renaissance du nucléaire, que tout le monde claironne et répète, comme si c'était un fait? La renaissance du nucléaire n'est pas le résultat de la maîtrise technologique, mais d'une bonne campagne de relations publiques auprès des populations et d'une bonne campagne de lobbying auprès des gouvernements.
    D'abord et avant tout, les « nucléomanes » ont profité du fait que nos sociétés étaient en état de choc à cause de cette grave crise reliée aux changements climatiques. La nécessité de réduire les gaz à effet de serre, voilà ce qui a mobilisé les vendeurs de l'industrie. C'est sur cet aspect particulier qu'ils ont misé. Ils ont investi tous leurs efforts dans la promotion de leur cause et nous ont faire croire qu'il y avait une renaissance du nucléaire.
    On peut dire que le concept a vraiment pris naissance en France. Le bateau amiral, celui qui incarnera ce concept, sera le projet finlandais d'Olkiluoto. En 2005, les Français ont réussi à trouver un endroit où construire cette nouvelle génération de réacteur, le nec plus ultra du nucléaire, c'est-à-dire son modèle EPR. On garantissait à la Finlande que les coûts seraient respectés, que la technologie serait impeccable, que la réalisation du chantier serait parfaite et que ça permettrait, dans les temps requis, une réduction des émissions de gaz à effet de serre.
(1550)
    Aujourd'hui, tout le monde déchante parce que le projet d'Olkiluoto est un échec sur toute la ligne, y compris pour la Finlande, dont la position économique est très perturbée par les délais occasionnés par la réalisation de ce projet.
    L'incarnation française de cette renaissance est le projet d'Olkiluoto. Aux États-Unis, ça aurait été l'adoption de l'Energy Act. Finalement, les Américains ont réussi, grâce au contexte international, à mobiliser le milieu politique pour que toutes les conditions soient mises en place aux États-Unis afin de permettre à l'industrie de renaître de ses cendres. La France et les États-Unis étant en mesure de dynamiser de nouveau l'industrie nucléaire, qu'en est-il vraiment?
    On a constaté l'échec du Protocole de Kyoto. Aux États-Unis, le milieu financier a émis une fin de non-recevoir face à cette question. La validation du concept a été un échec sur les plans technologique, financier et environnemental. En effet, parce qu'on ne réussit pas à livrer la marchandise, on ne réussit pas non plus à réduire ainsi que promis les émissions de gaz à effet de serre. Des frais énormes, qu'on ne peut pas investir dans les énergies alternatives, ont été encourus. Pour ce qui est du plan social, ce sont les citoyens qui vont devoir payer la note de cette industrie supposément si rayonnante.
    Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Fugère.

[Traduction]

    Cédons maintenant la parole à notre troisième témoin, M. Neil Alexander, président de l'Association des industries CANDU.
    Allez-y, s'il vous plaît. Vous disposez de dix minutes.
    Bon après-midi. Merci beaucoup.
    J'aimerais brosser un tableau plus vaste du contexte de l'énergie nucléaire dans le monde, et plus particulièrement au Canada. J'aimerais vous parler des occasions que nous pourrons saisir grâce à l'énergie nucléaire.
    Notre association représente environ 160 sociétés, qui participent toutes activement à la chaîne d'approvisionnement nucléaire au Canada. Les producteurs d'énergie, tels que OPG et Bruce Power, ne sont pas membres. Les fournisseurs de réacteurs, tels que EACL, AREVA et Westinghouse, ne le sont pas non plus. Cela nous permet de mettre l'accent sur les enjeux qui touchent les fabricants et d'autres fournisseurs de biens et de services dans la chaîne d'approvisionnement.
    La chaîne d'approvisionnement des réacteurs CANDU a joui du travail constant qui s'est fait au sein de l'industrie pour créer de nouvelles stations et pour entretenir et mettre à niveau la flotte existante des réacteurs CANDU. Cela a permis de créer au Canada une chaîne d'approvisionnement moderne, rigoureuse, bien organisée et fort qualifiée qui fait l'envie de bien des vendeurs de réacteurs à l'étranger.
    Il est intéressant de voir que certains problèmes dont on a débattu proviennent des nouvelles chaînes d'approvisionnement qui sont en train d'être mises sur pied, par rapport à la chaîne d'approvisionnement rigoureuse qui existe au Canada.
    À la suite de la renaissance de l'industrie, les autres chaînes d'approvisionnement de réacteurs font face à d'énormes défis. Cela crée des occasions en or pour le Canada et ses sociétés, qui peuvent fournir des composantes aux usines CANDU au Canada et à d'autres usines dans le monde. Un des plus grands atouts d'EACL que l'on oublie bien trop souvent est précisément la chaîne d'approvisionnement, qui est une véritable force dans l'industrie.
    En revanche, la situation à laquelle l'industrie fait face à l'heure actuelle pose beaucoup de défis. Des incertitudes entourant l'avenir d'EACL et le fait que nous n'avons à l'heure actuelle aucun site de démonstration pour le réacteur CANDU avancé ralentissent notre industrie à un moment où nous devrions renforcer le secteur et créer des emplois. La demande de propositions couronnée d'échecs en Ontario et la crise des isotopes médicaux ont amplifié le problème. Cela a ainsi réduit les occasions que nous pouvions saisir. Il est urgent que nous agissions au Canada.
    J'espère que mes propos permettront de sauver l'industrie et de remettre l'accent sur l'importance de cibler les choses que nous devons faire pour régler le problème.
    L'industrie nucléaire est une industrie phare au Canada. Il s'agit d'une des seules industries phares que l'on retrouve encore au pays. Nous avons toujours été cette figure de proue dans la production d'énergie nucléaire civile. En effet, nous étions le deuxième pays à promouvoir une réaction nucléaire; un des premiers à élaborer un réacteur d'énergie pour les civils; nous étions un des premiers à avoir recours à l'énergie nucléaire pour produire de l'électricité. À l'heure actuelle, nous sommes le septième producteur d'énergie nucléaire en importance dans le monde. Nous détenons également une réserve importante d'uranium dans le monde. Nous sommes un des chefs de file en matière de transformation de l'uranium, de mines et d'exploration. Nous faisons figure de proue avec notre marque de réacteurs CANDU. Dix pour cent des réacteurs énergétiques au monde ont été conçus au Canada. Nous faisons partie de l'élite qui a conçu un réacteur de génération III-plus.
    Non seulement nous sommes une industrie phare, mais la vente de réacteurs CANDU génère des avantages directs. Cela est avantageux pour nos industries. Puisque nous avons une industrie nucléaire, nous avons pu créer des sociétés spécialisées dans le génie nucléaire, la construction, la fabrication de composantes, d'équipement et de services. Ces sociétés travaillent dans des usines créées au Canada. Nous sommes également un fournisseur important pour les autres vendeurs de réacteurs. Une de nos sociétés, L-3 MAPPS, est maintenant un chef de file mondial en ce qui concerne l'approvisionnement de simulateurs, et ce, non seulement pour les conceptions CANDU, mais pour tous les autres réacteurs nucléaires dans le monde. Cette société est le principal fournisseur de simulateurs pour toutes les usines productrices d'énergie thermale. C'est grâce à notre investissement dans l'industrie que nous avons pu atteindre tous ces résultats. The Babcock & Wilcox Company et SNC-Lavalin pourront vous raconter des histoires de succès similaires. Ils ont également profité de leur association à cette industrie couronnée de succès.
    Cette industrie a également généré d'autres retombées, que nous connaissons très bien de nos jours, telles que la production d'isotopes médicaux. D'autres personnes connaissent peut-être moins le rôle du Canada dans l'approvisionnement d'autres sources scellées et dans l'irradiation alimentaire. Dans tous ces domaines, le Canada fait désormais figure de proue dans le monde.
    Enfin, grâce à notre rôle dans cette industrie phare, nous avons pu investir dans la recherche et le développement et créer une propriété intellectuelle importante à l'échelle commerciale qui demeure au Canada et qui nous permettra d'en tirer des avantages. Cela nous a également considérablement aidés à accroître notre capital humain afin d'être compétitifs à l'échelle internationale.
(1555)
    CANDU jouit d'une excellente réputation dans le monde. On a tendance à l'oublier au Canada. Les réacteurs CANDU se classent toujours parmi les dix meilleurs réacteurs au monde. Notre bilan en matière d'approvisionnement en temps opportun et en respectant les coûts dans les projets étrangers est exemplaire. Notre réputation à titre de nation et à titre de fabricant s'est améliorée grâce à notre rôle dans cette industrie. Les relations commerciales avec l'Inde commencent à s'améliorer, et l'énergie nucléaire est un des sujets prioritaires dont il voudrait parler avec nous.
    J'aimerais vous parler brièvement de la renaissance nucléaire en cours. Afin de comprendre en quoi il s'agit d'une renaissance, il faut connaître un peu l'histoire de l'industrie. L'énergie nucléaire a été conçue très rapidement. Dans les années 1940, nous avons compris que ce serait possible. Dans les années 1960, nous avions maîtrisé la technologie et créé des réacteurs produisant de l'énergie. Dans les années 1980, nous connections un nouveau réacteur au réseau aux 17 jours. À l'heure actuelle, 430 réacteurs produisent de l'énergie dans le monde, et bien d'autres réacteurs se trouvent dans les sous-marins, les brise-glaces et d'autres types de bateaux.
    Il est ironique de voir que, si les groupes antinucléaires avaient réussi à freiner le programme nucléaire, alors le monde serait doté de bien plus de centrales au charbon qu'il n'en a en ce moment. Les problèmes environnementaux auxquels nous faisons face à cause du smog, des pluies acides, de l'acidification marine et de la contamination due au mercure seraient pires alors. Pis encore, le réchauffement de la planète nous aurait atteints plus tôt et bien plus fort qu'à l'heure actuelle. Cela aurait eu lieu à un moment où nous n'aurions pas été capables de réagir technologiquement à ces défis. On peut donc dire que notre flotte nucléaire dans le monde a amélioré dramatiquement notre situation environnementale actuelle.
    Ce développement rapide a pourtant entraîné des problèmes. Nous le reconnaissons. Outre le fait que les combustibles fossiles étaient plus importants que l'on ne le croyait, notre industrie a connu un ralentissement. Cela a été positif pour le Canada puisque certaines conceptions de réacteurs moins viables ont été retirées du marché. Ainsi, les réacteurs Magnox et AGR en Grande-Bretagne ne sont plus disponibles. Le Canada demeure ainsi l'une des seules nations dotées d'une conception d'un réacteur approprié pour un marché moderne en développement.
    La renaissance nucléaire dans le monde prend clairement place. Ce n'est pas aussi rapide que certains d'entre nous l'auraient espéré, mais il s'agit d'une renaissance solide et robuste qui est essentielle aux stratégies nationales des pays développés et en voie de développement. L'Association nucléaire mondiale a noté que 49 réacteurs sont actuellement en construction et que chacun de ces projets vaut des milliards de dollars. Cela se passe dans 13 pays. Cent trente-six réacteurs en sont à l'étape de planification et 283, à l'étape de proposition. Si nous prenons le réchauffement de la planète au sérieux, nous pouvons nous attendre à ce que 650 réacteurs soient créés dans un avenir proche. L'AIE, l'Agence internationale de l'énergie, a indiqué aujourd'hui que, si l'on ferme certaines centrales au charbon pour réduire les émissions de CO2, on pourrait construire environ 1 200 réacteurs nucléaires. Les pays tels que la Suède et l'Italie qui avaient auparavant tourné le dos à l'énergie nucléaire y reviennent et reconnaissent qu'il n'y a pas d'autres moyens pour produire l'électricité dont ils ont besoin pour conserver leur niveau de vie.
    Tout réacteur, peu importe sa conception, présente une occasion pour les gens dans la chaîne d'approvisionnement nucléaire du Canada. Cette occasion est augmentée de manière draconienne lorsque nous vendons les réacteurs CANDU, car plus de 80 p. 100 de la valeur de ses composantes proviennent du Canada. Cela génère un avantage économique énorme pour le Canada quand nous vendons ces usines.
    Nous voulons que les gens comprennent que cette renaissance a lieu à l'heure actuelle et que d'autres pays ont pris des décisions quant aux technologies de leur réacteur. Si nous voulons faire partie de cette renaissance, il est important que nous résolvions certains problèmes internes pour pouvoir aller de l'avant, faire preuve de nos capacités et devenir partie intégrante de cette renaissance. Nous avons peu de temps pour le faire. Ces enjeux sont urgents.
(1600)
    Je dirai brièvement que l'industrie nucléaire canadienne est fort occupée à l'heure actuelle. Tout au long de la récession, elle a constitué le rayon de lumière et d'espoir pour les gens, surtout dans les corps de métier en Ontario. À ma connaissance, personne dans l'industrie nucléaire n'a demandé ou reçu un programme de soutien ou quoi que ce soit de cette nature. Le succès futur de nos exportations est tributaire de notre capacité de prouver que notre technologie est à point et d'élaborer une méthode efficace pour vendre notre technologie existante, soit les réacteurs CANDU 6.
    À l'heure actuelle, aucun emplacement n'a été confirmé pour le site de démonstration du réacteur ACR, ce que le reste du monde interprète comme étant un manque de confiance dans notre technologie. Nous n'avons aucune raison de manquer de confiance. Si un site était disponible, il nous faudrait faire des investissements additionnels pour bien commercialiser l'ACR. L'investissement est une bonne chose car il offre un retour.
    EACL ne dispose pas à l'heure actuelle des moyens nécessaires pour soutenir la concurrence mondiale. Elle ne dispose pas des ressources financières ni de la présence sur le marché nécessaires pour réussir. Par conséquent, le gouvernement a décidé de restructurer EACL. Nous appuyons pleinement l'idée qu'il faut doter EACL des ressources appropriées et permettre au Canada de réussir.
    Lors des ventes de réacteurs précédentes, telles que la vente de Westinghouse à Toshiba, des primes importantes ont été versées, de l'ordre de milliards de dollars, en échange de l'accès futur à la technologie liée aux réacteurs en cours d'élaboration. Sans site de démonstration pour l'ACR, le pays aura du mal à réaliser des bénéfices grâce à la restructuration d'EACL. À notre avis, il s'agit d'une menace considérable pour le programme de l'ACR et, par conséquent, pour le maintien de la position du Canada en tant que chef de file dans ce secteur technologique. D'autres pays sont à l'heure actuelle en train de faire des choix quant à leurs réacteurs. Nous devons agir rapidement pour trouver un site de démonstration pour le réacteur CANDU avancé et pour restructurer rapidement EACL.
    Nous estimons que la restructuration ne devrait pas nécessairement être axée seulement sur les revenus générés. Nous devons tenir compte de ses effets sur la chaîne d'approvisionnement au Canada et assurer le maintien de l'industrie de l'ingénierie et de la construction, en plus de conserver le personnel responsable de la planification ici, au Canada. Nous cherchons à trouver des gens désireux de commercialiser le réacteur CANDU avancé et prêts à effectuer les investissements nécessaires. Parallèlement, nous devons trouver des gens qui veulent faire la promotion de la technologie CANDU actuelle, qui s'inscrit dans un créneau de marché spécialisé.
    La restructuration d'EACL modifiera profondément la chaîne d'approvisionnement au Canada. Nous aimerions attirer votre attention sur ce fait parce que nous estimons qu'à l'avenir, la chaîne d'approvisionnement devra être traitée comme nombre d'autres secteurs au pays, tels que l'industrie automobile et l'industrie pharmaceutique. En effet, il faudrait créer des piliers nous permettant de vendre les capacités de notre chaîne d'approvisionnement, tels que des missions commerciales, un soutien diplomatique et des campagnes de commercialisation axées sur notre chaîne d'approvisionnement, non pas seulement sur nos réacteurs.
    Nous avons eu un choix déterminant à faire. Chaque jour, nous avançons involontairement davantage sur le chemin qui nous mène au déclin. Nous pouvons renverser la vapeur en passant à l'action maintenant. Nous pouvons tabler sur la force de notre chaîne d'approvisionnement et créer des emplois pour les Canadiens au Canada.
    Merci beaucoup. Je regrette d'avoir quelque peu dépassé le temps qui m'était alloué, mais il s'agit, à mon avis, d'un message important.
(1605)
    Merci, monsieur Alexander, président de l'Association des industries CANDU.
    Nous allons maintenant passer à Don MacKinnon, président du Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Secteur Énergétique. Allez-y, vous avez dix minutes.
    Bonjour, monsieur le président Benoît, et bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Merci d'avoir invité le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Secteur Énergétique à venir témoigner au sujet de l'état de l'industrie nucléaire au Canada et à l'étranger.
    Depuis plus de 63 ans, le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Secteur Énergétique représente les intérêts de plus de 15 000 hommes et femmes qui contribuent à faire fonctionner les installations de production, de transmission, de distribution, de contrôle des systèmes et de télécommunications de l'Ontario. Notre objectif est de garantir aux Ontariens une électricité propre, abordable, fiable, écologiquement responsable et sûre. Nous pensons que renforcer le rôle du Canada en tant que chef de file de la technologie nucléaire est l'un des meilleurs moyens d'atteindre cet objectif pour tous les Canadiens.
    Mes remarques porteront sur trois points. Tout d'abord, je parlerai des énormes avantages économiques et environnementaux offerts par l'industrie nucléaire canadienne à tous les Canadiens et de l'incroyable potentiel dont nous disposons pour obtenir des avantages supplémentaires à l'avenir. Ensuite, j'expliquerai pourquoi la construction, dès aujourd'hui en Ontario, des réacteurs CANDU 6 constitue une étape cruciale et nécessaire à la sauvegarde de ces avantages pour les générations futures. Pour finir, je présenterai d'autres mesures jugées nécessaires par le syndicat pour assurer une suprématie permanente au Canada en matière de technologie nucléaire et le passage à la technologie de 3e et de 4e génération, telle que le ACR-1000.
    En ce qui concerne les avantages de l'industrie nucléaire canadienne, tous les Canadiens devraient être fiers de ce que le Canada a accompli. Le Canada fait partie des cinq pays précurseurs en matière de technologie des réacteurs. Notre technologie a réussi à conquérir environ 10 p. 100 du marché mondial. Les nombreux et importants avantages économiques et environnementaux obtenus par cette société d'État de relativement petite taille sont énumérés sur le site internet de Ressources naturelles Canada. Je ne vais donc pas les répéter. Toutefois, certains avantages méritant l'attention de ce comité ne sont pas mentionnés sur le site de RNCan.
    La majorité des dizaines de milliers d'emplois créés par l'industrie nucléaire canadienne sont des emplois hautement qualifiés et très rémunérateurs. Selon l'Association nucléaire canadienne, l'approvisionnement et les services liés au nucléaire et le secteur aérospatial sont les seules technologies de pointe pour lesquelles le Canada est un exportateur net. À une époque où le Canada perd des emplois manufacturiers au profit des pays à bas salaire, il est particulièrement important de conserver un secteur manufacturier dans lequel nous avons un avantage concurrentiel. Nous devons tirer parti de nos succès industriels et technologiques.
    Les préoccupations mondiales à propos des changements climatiques et la dépendance des États-Unis vis-à-vis de la production d'électricité basée sur l'emploi du charbon soulèvent une inquiétude que nous partageons tous, tout en constituant une occasion pour le Canada. Exporter de l'électricité propre d'origine nucléaire aux États-Unis réduirait leur dépendance vis-à-vis du charbon et nous pourrions tous respirer un peu mieux. Ces exportations sont également synonymes de revenus supplémentaires et de meilleurs résultats pour les producteurs d'électricité canadiens.
    Autre avantage résultant de la prouesse nucléaire du Canada: la sécurité énergétique. Les immenses réserves d'uranium canadiennes associées à la technologie nucléaire « faites maison » assurent une plus grande sécurité énergétique. Dans un monde qui dépend de plus en plus de réserves limitées de combustible fossile en provenance de pays politiquement instables, l'indépendance nucléaire du Canada est importante pour les Canadiens.
    Les chefs de file de l'industrie et les médias parlent d'une renaissance nucléaire engendrée par le besoin d'une production à charge minimale fiable et permettant de s'attaquer au problème des émissions de gaz à effet de serre. La World Nuclear Association estime que d'ici 2100, la capacité nucléaire mondiale actuelle aura été multipliée par cinq.
    À l'heure actuelle, 53 projets de réacteur sont en cours de construction, 133 sont prévus et 282 sont à l'état de proposition, comme vous l'a dit l'intervenant précédent. Même la Suède, qui figure parmi les chefs de file mondiaux du développement des énergies renouvelables, envisage d'augmenter sa capacité nucléaire.
    Comme vous le savez, quatre provinces, soit l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, l'Alberta et la Saskatchewan envisagent de construire de nouveaux réacteurs nucléaires. Le plan de réseau électrique intégré de l'Ontario prévoit un investissement de 27 milliards de dollars dans le parc nucléaire de la province entre 2008 et 2027. Les provinces du Nouveau-Brunswick, de l'Alberta et de la Saskatchewan ont décidé d'investir 30 milliards de dollars dans de nouvelles installations nucléaires.
    Les besoins canadiens et mondiaux en électricité propre et fiable représentent une occasion économique extraordinaire pour la technologie canadienne CANDU. La construction de réacteurs CANDU 6 évolués ou du nouveau réacteur double ACR-1000 est synonyme de centaines de milliers d'emplois et de milliards de dollars de bénéfices. Par exemple, le récent modèle économique du Conference Board du Canada estime que la construction de quatre nouveaux réacteurs doubles ACR-1000 au Canada et de huit à l'étranger devrait créer 500 000 années-personnes d'emplois et augmenter le produit intérieur brut du Canada de 80 milliards de dollars. Cela est également synonyme d'une grande quantité d'électricité abordable, fiable, sans émission de gaz à effet de serre qui alimentera les industries, les entreprises et les foyers au Canada.
(1610)
    Abordons maintenant la construction des réacteurs CANDU 6 en Ontario qui doit se faire dès maintenant. En début d'année, l'Ontario a reporté sa décision de construire de nouveaux réacteurs intégrant des conceptions à la pointe de la technologie. Bien que l'Ontario ait préféré la conception de l'ACR-1000 d'Énergie atomique du Canada limitée, des inquiétudes à propos des coûts et de l'avenir incertain d'EACL ont été invoquées. Nous comprenons tout à fait la réticence de l'Ontario à investir dans l'ACR-1000 nouvelle génération. Nous pensons toutefois que la province doit passer immédiatement au réacteur CANDU 6 évolué d'EACL.
    La récession actuelle et la baisse temporaire de la consommation d'électricité qui y est associée offrent à l'Ontario une occasion idéale de passer au CANDU 6. Ne pas agir, c'est exposer les consommateurs ontariens à des risques inutiles en matière de fiabilité. Le surplus temporaire de production de l'Ontario va rapidement disparaître avec la reprise de l'économie canadienne; la population de l'Ontario continue d'augmenter, et l'électrification de l'économie se développe avec l'apparition de nouvelles technologies comme les véhicules électriques.
    Sans de nouvelles unités nucléaires, l'Ontario n'aura pas suffisamment de ressources pour répondre aux besoins futurs en matière d'électricité. La production éolienne et solaire ne fournit de l'électricité que de façon intermittente et pas nécessairement quand on en a besoin. La population ontarienne est déjà confrontée à des prix élevés alors que le surplus temporaire de production de la province aurait dû faire baisser les prix. Ces augmentations de prix sont dictées par les contrats à long terme du gouvernement qui propose de fortes incitations par les prix pour les nouvelles installations éoliennes et solaires. Le nouveau tarif de rachat de l'électricité de l'Ontario sera encore plus élevé. Nous devons nous attendre à des problèmes de fiabilité et à des coûts encore plus élevés pour les énergies renouvelables.
    Comme d'autres pays le découvrent actuellement, l'énergie éolienne et l'énergie solaire génèrent plus de tapage médiatique que l'électricité pour répondre à la demande liée à la charge minimale. Cette année, trois rapports, espagnol, danois et allemand, montrent que la production d'énergie éolienne et solaire entraîne des coûts très élevés, compromet la fiabilité et n'engendre pas les avantages escomptés en matière d'environnement et de création d'emplois.
    D'autre part, l'énergie nucléaire fournit de l'électricité propre, bon marché et fiable 24 heures par jour, 7 jours par semaine, année après année tout en engendrant de réels avantages économiques. Les réacteurs CANDU 6 présentent une conception évoluée et affichent des performances prouvées. Au cours des dix dernières années, EACL a fait partie des principaux constructeurs de nouveaux réacteurs. En effet, l'entreprise en a fabriqué plus que n'importe lequel de ses concurrents sur les marchés d'exportation et a dominé le secteur de par sa ponctualité et son respect des budgets. On peut citer des exemples de réacteurs en Roumanie, en Corée du Sud et en Chine.
    Environ 75 p. 100 de l'électricité de l'Ontario est produite à partir d'énergie nucléaire et hydroélectrique, ce qui dote la province de l'un des réseaux électriques à meilleur marché et consommant le moins de carbone au monde. En construisant dès maintenant des réacteurs CANDU 6, les Ontariens auraient l'assurance de bénéficier d'une électricité propre pour l'avenir. De même, à une époque où le secteur manufacturier du Canada est en déclin et où les anciens piliers canadiens sont critiqués, le secteur manufacturier canadien aurait bien besoin d'un coup de fouet.
    Si l'Ontario décidait de construire des réacteurs CANDU 6, EACL disposerait de plus de temps pour mettre au point la conception du réacteur ACR-1000 et le gouvernement fédéral, pour terminer la restructuration d'EACL. Cela favoriserait également la prise de décisions similaires par le Nouveau-Brunswick, l'Alberta et la Saskatchewan. L'examen actuel de la structure organisationnelle d'EACL ne doit pas servir de prétexte à l'inaction.
    L'industrie nucléaire canadienne a besoin d'une stratégie nationale. Nous devrions tirer parti de notre expertise reconnue et de nos succès en tant que chefs de file mondiaux de la technologie nucléaire. Ne laissons pas ce qui est arrivé à Nortel devenir un précédent pour EACL. Nous avons besoin d'une approche canadienne mobilisant les gouvernements du Canada, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, du Québec, de l'Alberta et de la Saskatchewan, les compagnies nationales d'électricité exploitant les centrales CANDU, les constructeurs et les prestataires de services, les universités et les instituts de recherche, les organismes de réglementation et la main-d'oeuvre.
(1615)
    Les énormes avantages économiques et environnementaux de l'industrie nucléaire canadienne sont évidents. Cependant, pour conserver ces avantages pour les générations futures, la stratégie nucléaire du Canada doit se concentrer sur plusieurs points: élaborer des mécanismes de financement fédéraux, provinciaux ou issus du secteur privé innovateurs pour répondre aux besoins d'investissement liés au projet, y compris la façon d'aborder les dépassements de coûts; déterminer comment rendre notre industrie nucléaire plus compétitive sur le marché international; créer des programmes visant à garantir que nous disposons d'une main-d'oeuvre qualifiée pour concevoir, construire et exploiter de nouveaux réacteurs nucléaires sur le territoire national et pour soutenir les ventes internationales; consacrer des ressources adaptées à la recherche et au développement pour maintenir notre industrie à la pointe du progrès; et, pour terminer, communiquer avec les Canadiens pour les sensibiliser davantage à notre industrie nucléaire et aux avantages qu'elle génère.
    Les réacteurs CANDU produisent une électricité à charge minimale propre, fiable, sûre et bon marché, ne produisant pas de smog et n'émettant pas de gaz à effet de serre. Les critiques s'empressent de déclarer que les centrales nucléaires demandent des investissements importants, qu'elles sont trop complexes et qu'elles sont sujettes à des dépassements de coûts. Une partie de cela est due aux délais, souvent longs, nécessaires à l'obtention des accords et à la construction, aux réglementations et aux normes strictes nécessaires et à l'engagement inébranlable envers les employés et la population en matière de sécurité. Toutefois, les résultats de CANDU montrent que les avantages, tant économiques qu'environnementaux, dépassent largement ces coûts.
    La réputation mondiale du Canada en tant que géant de l'énergie repose sur la volonté du gouvernement et du secteur privé de réaliser des investissements majeurs dans des technologies innovatrices. L'exploitation de la rivière Niagara dans l'Ontario, de la baie James au Québec, des sables bitumeux de l'Alberta et de l'énergie nucléaire en Ontario et au Nouveau-Brunswick constitue des exemples de ces succès. La technologie nucléaire « fabriquée au Canada » devrait continuer à faire partie de cette histoire.
    Au sud de notre frontière, une énorme puissance économique assoiffée d'énergie et, dans le monde entier, des économies émergentes recherchent de l'électricité propre et fiable. La technologie CANDU est là pour répondre à leurs besoins.
    Les récentes réussites mondiales d'EACL, alors que l'entreprise était en concurrence acharnée avec des géants mondiaux, montrent que notre technologie « fabriquée au Canada » peut triompher. Il est à présent temps pour tous les acteurs de l'industrie nucléaire canadienne de se réunir, de ramer dans la même direction et de faire de la technologie CANDU une réussite encore plus importante.
    C'était mon exposé.
    Merci beaucoup, monsieur MacKinnon.
    Nous entendrons maintenant Michel Duguay, professeur au Département de génie électrique et de génie informatique de l'Université Laval.
    La parole est à vous pour un maximum de dix minutes, s'il vous plaît.
(1620)
    J'ai étudié la physique à l'Université de Montréal, puis j'ai fait un doctorat en physique nucléaire à l'Université Yale. Ensuite, j'ai travaillé au laboratoire AT&T Bell du New Jersey pour un total de 21 ans, y compris un séjour de trois ans au Sandia National Laboratories, à Albuquerque, Nouveau-Mexique, où j'ai participé à un projet de centrale solaire à tour et à un projet de fusion nucléaire par laser. Mon patron était un ingénieur en science nucléaire.
    Pendant très longtemps, je faisais la promotion de l'énergie nucléaire, et toutes les semaines je suivais les nouvelles du nucléaire, surtout lorsque je travaillais au laboratoire Sandia. Un jour, mon patron a dit que si nous pouvions réussir à faire fonctionner la filière solaire, ce serait tellement mieux que les réacteurs nucléaires.
    Ensuite, j'ai été pendant environ dix ans membre du IEEE-USA Energy Policy Committee, qui se réunissait à Washington trois ou quatre fois par année, et aussi à New York. Plusieurs membres de ce comité étaient ingénieurs en science nucléaire. Un jour, j'ai dit à l'un d'un: « J'ai entendu dire que le réacteur CANDU au Canada est censé être très bon ». Il m'a répondu: « Le problème du réacteur CANDU, c'est qu'il comprend des centaines de tubes qui sont constamment bombardés par des neutrons. Ils deviennent fragiles et peuvent éclater ». C'est ce que pensait un ingénieur américain.
    Je vous demanderais de regarder la deuxième page de mon document. Est-ce que tout le monde l'a? C'est important.
    Tout le monde en a un exemplaire. Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Duguay.
    Ce qu'il y a de frappant dans le concept du réacteur CANDU, c'est la grande quantité de tubes. Dans le réacteur CANDU 6, il y a 380 tubes horizontaux qui transportent le combustible, le producteur d'énergie, et le problème que causent des tubes dans un réacteur nucléaire c'est que les neutrons bombardent constamment toutes les matières. Les neutrons peuvent causer la transmutation des éléments de sorte que la composition des tubes se transforme constamment. Toutes sortes de mécanismes se produisent à l'échelle atomique ce qui peut entraîner un comportement imprévisible de ces tubes, phénomène reconnu par l'industrie nucléaire et particulièrement bien documenté par la Commission canadienne de sûreté nucléaire, la CCSN.
    Le CANDU comporte deux faiblesses majeures. Le fait qu'il ait un coefficient positif de réactivité nucléaire — je suppose que certains d'entre vous lisez les journaux ontariens qui ont souvent traité de cette question au cours de la dernière année — veut dire simplement que si un tuyau se brise et que l'eau s'échappe, le réacteur a été conçu de telle manière que les réactions nucléaires s'accélèrent. Donc au moment où il manque d'eau pour éliminer la chaleur produite par les réactions nucléaires, la danse des neutrons s'accélère un peu.
    Cela déclenche une impulsion de surpuissance qui atteint dix fois la puissance normale en une seconde avant que l'ordinateur qui contrôle le réacteur abaisse ses barreaux de contrôle des neutrons. Mais il faut une autre seconde avant que ces barreaux descendent. Il y a donc une impulsion de surpuissance qui dure environ deux secondes. D'après la CCSN — je recommande vivement à tous ceux que cela intéresse de lire ce document « INFO-0790 » publié par la CCSN en juin dernier, qui explique en détail tout ce que je vous dis. Pendant cette impulsion de surpuissance, de l'énergie peut se déposer au coeur du réacteur en quantité suffisante pour faire fondre l'uranium ainsi que les tubes dans lesquels il se trouve. Le métal en fusion peut pénétrer le modérateur, l'eau lourde, et causer une explosion de vapeur.
    La CCSN nous dit que le confinement physique, le béton armé d'un mètre d'épaisseur, résistera probablement à l'explosion. Tant mieux! Je suis tout à fait prêt à le croire. Mais en tant qu'investisseur, est-ce que je veux que mon investissement de plusieurs milliards de dollars dépende de la rupture d'un seul tube sur 380? Il y a six kilomètres de tubes de haute pression dans les réacteurs CANDU. La pression n'est pas insignifiante. Elle est de 100 atmosphères, la pression qu'on trouve dans un océan à un kilomètre de profondeur. Très peu de sous-marins peuvent résister à la pression qui existe à un kilomètre de profondeur. Ces tubes doivent résister à cette pression tous les jours, sans parler des très fortes températures.
    Ce coefficient positif de réactivité nucléaire n'est pas le seul problème du réacteur CANDU, quoiqu'il soit le plus grave et qu'il soit bien connu dans l'industrie. Je vous ferai remarquer que mes collègues à ma gauche qui défendent l'industrie nucléaire ont omis de mentionner le problème du coefficient positif.
    Le grand patron de la filière nucléaire française, Bernard Bigot, a été interviewé récemment dans un film français qui est paru il y a deux semaines environ. Il parlait de la méfiance du public à l'égard de l'énergie nucléaire et il a dit que toute notre industrie doit être fondée sur la confiance. Le grand patron, Bernard Bigot, a dit cela. Je suis entièrement d'accord avec lui. Si vous consultez vos dictionnaires ou vos livres d'histoire ou n'importe quel linguiste, vous verrez que la confiance doit être fondée sur la transparence.
    Les gens qui possèdent les connaissances en la matière, comme vous qui êtes assis ici à ma gauche, doivent dire ce qu'il en est réellement. Aucun d'entre vous n'a mentionné le problème de l'impulsion de surpuissance, un problème majeur, mais il en était question dans un article du Globe and Mail du 29 juin.
    La deuxième grande faiblesse de ces tubes de pression est, comme je l'ai déjà mentionné, le bombardement neutronique constant et la corrosion qui amincit les tubes, les affaiblissant, ce qui peut causer leur rupture.
    Regardez la page 3 de mon document. Les concepteurs et les exploitants des réacteurs nucléaires CANDU méritent toute notre compassion car le nucléaire est un secteur extrêmement délicat. Tout dépend d'un nuage de neutrons. Il n'y a rien de plus complexe au monde, que je sache, que le nuage de neutrons dans un réacteur nucléaire, et en particulier dans le rvous liéacteur CANDU. Il est encore entouré de nombreuses incertitudes, comme l'explique très bien ce document bien étayé de la CCSN de juin 2009. Ces neutrons bougent et il y a des excursions de puissance. Le réacteur est contrôlé par un logiciel.
(1625)
    C'est en 2000 seulement que l'Industrie nucléaire canadienne s'est aperçu que les anciens modèles pour le nucléaire n'étaient pas assez précis. De nouveaux modèles ont été introduits, sans toutefois que toutes les sociétés soient complètement à jour en matière de nouvelle modélisation des réacteurs nucléaires, comme je le montre ici. Le fait est que, à un tel degré de complexité, les choses sont difficiles à contrôler. La CCSN admet qu'il est très difficile de prédire exactement ce qui se passerait en cas de rupture d'un tube, sauf que cela ferait du grabuge.
    Vous avez sur la diapositive suivante un bel exemple d'ingénierie, je le reconnais, mais il y a un hic: l'hydraulique thermique. Il se trouve que je travaille également dans ce secteur, vu que j'oeuvre dans plusieurs domaines de la physique et du génie. Le problème, c'est que l'uranium crée énormément de puissance à partir des 17 réacteurs en Ontario qui assurent les besoins en électricité de la moitié de la province. C'est une quantité phénoménale de puissance produite ainsi, et elle est transportée par l'eau. Si la température augmente et déclenche une fusion de l'élément combustible, comment l'eau va-t-elle transporter la chaleur, surtout en cas de rupture d'un tube? C'est un problème épineux. La lecture des articles sur la question montre que les auteurs se plaignent de la complexité du problème.
    Une vulnérabilité fondamentale des réacteurs CANDU provient de la possibilité d'une rupture d'un tube de pression. C'est ce qui s'est passé en août 1983 dans le réacteur Pickering 2. Les tuyaux subissent une pression de 100 atmosphères, une température de 300 degrés Celsius et un bombardement neutronique intense. Cela change les métaux dont le comportement devient imprévisible.
    Une deuxième vulnérabilité du CANDU est son coefficient positif de réactivité nucléaire, dont Greenpeace a beaucoup parlé. Il s'agit des impulsions de surpuissance de deux secondes que j'ai mentionnées plus tôt. Mais nous allons passer à la diapositive suivante.
    Parmi les faits saillants du domaine nucléaire en 2008-2009 pour les réacteurs nucléaires conçus par EACL, vous remarquerez que j'ai une liste de cinq faits saillants, dont aucun n'a été mentionné par mes collègues à ma gauche.
    En avril 2008, la CCSN refuse l'« Integrated Safety Review » d'Ontario Power Generation où travaillent beaucoup d'ingénieurs nucléaires qui, on l'a constaté, ne sont pas au courant des percées en matière de modélisation nucléaire. Les faiblesses portent notamment sur le coefficient de réactivité nucléaire.
    En mai 2008, EACL annonce qu'il abandonne les nouveaux réacteurs MAPLE et révèle à ce comité son incapacité d'expliquer le comportement imprévisible du coefficient de réactivité nucléaire.
    Le coefficient positif de réactivité nucléaire est un phénomène bien connu d'EACL, qui en parle dans ses rapports annuels de 2002 et de 2003. EACL propose alors comme solution un nouveau combustible d'uranium comportant du dysprosium, qui éliminerait ce problème d'impulsion de surpuissance. Bruce Power de Kincardine est de cet avis. Après des années d'essai, EACL doit annoncer à la CCSN, au printemps 2009, que ce n'est pas une solution viable. À la place, il faut essayer d'abaisser les barres un peu plus rapidement que toute une seconde.
    En juin 2009, la CCSN publie le document que je vous recommande chaudement, notamment l'annexe F. Elle n'a que quatre pages. Mais, en quatre pages, vous en apprenez davantage sur le fonctionnement essentiel des réacteurs d'EACL que pendant toute une journée d'exposés comme ceux qui viennent d'être présentés. Vous faites des exposés de relations publiques. Vous ne dites pas la vérité.
(1630)
    Monsieur Duguay, veuillez adresser vos commentaires à la présidence et non pas directement aux autres témoins.
    Votre temps est écoulé. Vous en êtes à 12 minutes. Je vous prie de conclure rapidement.
    Merci.
    En fin de compte, de nombreuses provinces, notamment l'Ontario, le Québec et les Maritimes, sont entourées d'eau, où soufflent des vents de bonne intensité. Grâce à tous ces plans d'eau, notre potentiel énergétique dépasse de plusieurs fois celui de l'Arabie saoudite, et je vous recommande fortement de vous pencher là-dessus.
    Merci.
    Merci, monsieur Duguay.
    Nous passons maintenant au dernier intervenant. Nous accueillons donc, de SNC-Lavalin Nuclear Inc., M. Patrick Lamarre, président et chef de la direction.

[Français]

    Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter le point de vue de SNC-Lavalin sur l'industrie nucléaire au Canada.

[Traduction]

    En premier lieu, je vous présenterai brièvement SNC-Lavalin. Deuxièmement, je vous parlerai des rapports actuels de SNC-Lavalin avec EACL et les autres projets nucléaires. Troisièmement, je ferai valoir la nécessité d'initiatives urgentes et immédiates en vue de déterminer l'avenir d'EACL et de l'ensemble du secteur nucléaire canadien.
    SNC-Lavalin, dont le siège social est situé au Canada, affiche des revenus annuels de plus de 7 milliards de dollars et compte un effectif de plus de 22 000 employés à temps plein. La moitié de nos revenus proviennent de nos activités internationales. Cependant, plus de 65 p. 100 des employés travaillent à partir du Canada. Nous fabriquons et exportons des produits de grande valeur. Cela nous permet d'accroître les revenus et ce, à l'avantage des employés canadiens. La valeur ajoutée de nos activités favorise la croissance dans chacun de nos bureaux dans les diverses provinces du Canada.
    Parmi les regroupements de sociétés d'ingénierie spécialisées dans la construction, nous sommes un chef de file sur le plan mondial. Nous le sommes également à titre de propriétaires et de gestionnaires d'infrastructure. À l'heure actuelle, nous gérons environ 10 000 projets à l'échelle internationale, dont la valeur d'ensemble dépasse les 50 milliards de dollars. Cela nous donne une nette longueur d'avance comme gestionnaires de mégaprojets. SNC-Lavalin fournit des services de génie, d'achat, de construction, de gestion de projet dans quatre grands secteurs, soit l'énergie, l'hydrocarbure, l'exploitation minière et l'infrastructure. Nous avons des projets dans 100 pays et nous avons des bureaux permanents dans 35 pays.
    Le deuxième volet de mon intervention a trait à la participation de SNC-Lavalin au secteur nucléaire et à ses rapports avec EACL. Nous participons au secteur nucléaire depuis 42 ans. Durant toutes ces années, nous avons entretenu des rapports avec EACL. Ensemble, nous avons accompagné toute la filière des projets CANDU au Canada et à l'étranger. SNC-Lavalin a épaulé de près EACL pour 14 unités CANDU et, plus récemment, a appuyé l'équipe CANDU. À ce titre, notre entreprise a assumé la responsabilité d'installations nucléaires productrices de vapeur, de turbines conventionnelles et de centrales d'appoint. Ensemble, au cours des 13 dernières années, nous avons lancé, sans dépasser les échéanciers ou les budgets, sept nouvelles centrales nucléaires. Ces résultats se comparent favorablement à ceux de nos principaux concurrents, les plus grands fournisseurs de technologie nucléaire au monde. Aucune autre entreprise n'a réalisé sept nouveaux réacteurs nucléaires au cours des 13 dernières années. Tout cela a été fait par EACL, Équipe CANDU, l'Association des industries CANDU et les intervenants du secteur nucléaire canadien.
    Nous avons récemment terminé de mettre sur pied une installation nucléaire productrice de vapeur dans le cadre du fructueux projet Qinshan, qui est l'un des réacteurs les plus performants au monde. Une tierce partie examine le temps de fonctionnement d'un réacteur nucléaire et son taux de rendement. Qinshan, de pair avec la technologie CANDU, est le meilleur réacteur au monde. Il est mieux coté que n'importe quel autre réacteur. Différentes revues compilent les classements. L'évaluation n'est pas faite à partir de l'opinion canadienne, mais bien à partir de l'avis international fondé sur le rendement. Cet examen a été effectué par l'Association des industries CANDU, de concert avec l'industrie nucléaire canadienne.
    Notre participation continue au système de réacteur CANDU a débouché sur un partenariat avec EACL pour la construction et la mise au point de réacteurs. Nous avons collaboré à la mise au point de réacteurs CANDU-3, CANDU-9, et des réacteurs CANDU avancés. Comme je l'ai déjà dit, le réacteur CANDU conçu par EACL en Chine est l'un des plus performants au monde.
    Avec ses 30 bureaux dans 35 pays, SNC-Lavalin participe activement à la commercialisation de la technologie CANDU partout dans le monde. Notre présence à l'échelle internationale nous permet de soutenir et de favoriser la technologie canadienne partout dans le monde.
    J'aimerais, en troisième lieu, parler de l'avenir de EACL et du secteur nucléaire du Canada. EACL, avec Équipe CANDU a été le seul soumissionnaire conforme dans le cadre du concours international visant deux nouveaux réacteurs à Darlington. Ontario Power Generation avait lancé une demande de proposition. La sélection a été faite parmi la concurrence internationale. En fin de compte, Équipe CANDU et EACL se sont avérés les principaux fournisseurs de technologie et ont présenté la seule soumission conforme pour un projet de la 3e génération.
    Cependant, le processus de soumission a été suspendu par Infrastructure Ontario. On attend des précisions du gouvernement fédéral concernant l'avenir d'EACL. Il y a de cela quelques mois, le gouvernement fédéral a fait savoir qu'il allait, après examen, prendre des décisions concernant l'avenir, la structure et le potentiel d'EACL.
(1635)
    En fonction des nouvelles modalités de propriété, SNC-Lavalin — et je ne parle qu'au nom de SNC-Lavalin, et non pas au nom des autres membres de l'Association des industries CANDU — doit décider selon quelles modalités elle continuera à soumissionner conjointement avec EACL et d'autres membres d'Équipe CANDU à l'échelle internationale. Chaque soumission que nous proposons en vue de mettre au point et de soutenir un nouveau réacteur nucléaire entraîne d'énormes dépenses. Toute proposition en ce sens a de grandes envergures et comporte beaucoup de temps, d'efforts, d'énergie et d'appui à l'échelle internationale.
    Selon l'avenir d'EACL, nous aurons à décider de la meilleure façon de l'appuyer ainsi que de la marche à suivre. Pour toute centrale nucléaire, le cycle peut varier de 5 à 15 ans. Nous avons travaillé avec de nombreux clients dans de nombreux pays durant toutes ces années, et nous estimons être en passe de conclure un accord avec certains d'entre eux.
    Pour que ce soit clair pour tous, je rappelle qu'il est question de la technologie CANDU et qu'EACL en est le propriétaire. Cependant, lorsqu'une centrale CANDU est construite, l'étendue des travaux relevant d'EACL est relativement faible et elle a trait à la conception d'ensemble. Pour l'essentiel, le projet est exécuté par d'autres entreprises et partenaires canadiens. Par conséquent, toute décision concernant EACL, pour le meilleur ou pour le pire, a une incidence directe sur toute la gamme des produits et des entreprises qui y sont associées, qui en assurent l'exécution, qui emploient des Canadiens, qui versent des impôts et qui permettent de garantir des débouchés sur les marchés mondiaux.
    Je me permets de répéter que toute décision concernant EACL est une décision concernant le CANDU. Toute centrale CANDU est tributaire d'une vaste gamme d'exécutants et l'apport d'EACL est somme toute modeste.
    Pour ce qui est de la privatisation d'EACL, nos clients éventuels à l'étranger nous demandent pourquoi ils devraient acheter la technologie nucléaire CANDU alors que le propriétaire d'EACL prévoit vendre à des acheteurs inconnus. Il convient d'envisager la question du point de vue du client. Lorsque nous proposons une centrale CANDU, ces derniers se demandent pourquoi ils choisiraient la technologie CANDU par rapport à d'autres alors que le changement de propriété risque de leur imposer un fournisseur de technologie qu'ils auraient rejeté auparavant.
    Vous me permettrez d'en dire autant en français.
(1640)

[Français]

    Lorsqu'on rencontre des clients, ils nous demandent pourquoi ils choisiraient la technologie CANDU plutôt que celle d'un autre fournisseur de technologie si celui-ci risque par la suite de devenir propriétaire d'Énergie atomique du Canada limitée. Les clients ne peuvent pas savoir ce qui va se passer. Comme je l'expliquais plus tôt, le cycle de vente est énorme, et si on est près de signer une entente présentement, on ne peut pas se permettre ce délai. Tout les efforts de Team CANDU, de SNC-Lavalin, d'EACL et de l'industrie pourraient tomber à l'eau à cause d'une transparence qui est maintenant due.

[Traduction]

    Nos clients éventuels à l'étranger comprennent bien que tout processus de privatisation d'une entreprise comme EACL peut facilement s'étendre sur deux ans ou plus. C'est une grande entreprise. Elle chapeaute une foule de projets différents, elle a des obligations et elle se conforme à certains processus établis. Dans le cadre d'un appel d'offres, il faut tout d'abord cerner un groupe qui assurera la privatisation, puis rédiger un document très étoffé et passer par le marché pour trouver des soumissionnaires et, enfin, gérer de façon diligente le processus final.
    Certains de nos projets sont en cours depuis de nombreuses années. L'entrée en scène d'un nouveau propriétaire doit faire l'objet d'une décision rapide. Il faut éviter un processus qui s'étendrait sur un an ou deux. Sinon, nos clients éventuels, avec lesquels nous sommes sur le point de conclure des transactions, pourraient adopter une attitude attentiste.
    En conclusion, je signale que les craintes suscitées partout dans le monde concernant les gaz à effet de serre entraînent une renaissance du nucléaire, à laquelle le Canada doit participer. Nous l'avons constaté aussi bien en Italie qu'en Allemagne. Ce pays, qui avait mis le frein au nucléaire, souhaite maintenant participer à la renaissance.
    Dans la perspective des sociétés canadiennes, l'avenir du secteur nucléaire est à la croisée des chemins. Le gouvernement fédéral doit agir sans délai pour convaincre le monde qu'EACL continue d'exister. Autrement, nous ne pourrons pas assurer la croissance d'un secteur nucléaire dynamique au Canada, qui sera la source d'emplois de grande qualité tant chez nous qu'à l'étranger. Ainsi, les entreprises comme SNC-Lavalin et d'autres comme celles qui font partie de l'Association des industries CANDU pourront connaître une croissance au Canada et exporter leurs produits à l'étranger, comme nous le faisons depuis 42 ans.
    Nous devons tous avoir à l'esprit que la décision concernant la propriété future d'EACL aura des répercussions sur l'ensemble des entreprises du Canada, sur 30 000 personnes et sur plus de 150 sociétés qui collaborent à la technologie CANDU et qui exportent des services à l'étranger.
    Il nous faut des décisions claires et nettes dans les meilleurs délais, sinon dès maintenant.
    Merci.
    Merci, monsieur Lamarre, président et chef de la direction de SNC-Lavalin Nucléaire inc.
    Nous passons maintenant directement aux questions, en commençant par l'opposition officielle.
    Il y a un rappel au Règlement.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Pardonnez cette interruption, monsieur Regan. Je serai bref.
    Nous avons six témoins et nous disposons maintenant de 45 minutes. L'activité est structurée de telle sorte qu'il est difficile pour les membres du comité, compte tenu tout particulièrement de la difficulté du sujet, de la diversité des opinions, d'être en mesure de travailler comme ils le souhaiteraient. Je le souligne pour que nous puissions en tenir compte au moment d'organiser de telles rencontres...
    En prenant connaissance de la liste hier, je me suis dit que ce serait très difficile et, comme de fait, les membres du comité auront du mal à débattre à fond de cette question. D'habitude, nous avons au maximum quatre témoins, parfois cinq, mais nous y allons peut-être un peu fort avec six. Certains membres du comité ne pourront même pas poser de questions, me semble-t-il, je tiens donc à signaler que nous devrions restreindre le nombre de témoins que nous accueillons pour un jour donné.
    Je donne la parole à M. Anderson, concernant ce rappel au Règlement.
    Monsieur le président, nous avons adopté au comité une motion concernant nos objectifs et le nombre souhaitable de réunions. Nous tentons d'assurer la participation de tous les témoins qui ont été proposés par les divers partis. J'estime que nous allons être en mesure d'accueillir tous ceux qui souhaitent participer, au moment qui leur convient. Les témoins sont nombreux, c'est bien vrai. Cela reflète les listes de témoins proposés, dont nous nous efforçons de tenir compte.
    Nous avons refusé personne, mais nous accueillons évidemment plus de témoins que nous en recevrions habituellement. Nous tentons d'inviter tous les témoins proposés.
(1645)
    J'ajouterai tout simplement que, dans la perspective de la présidence, la greffière a pressenti tous les témoins recommandés par les membres du comité, de part et d'autre. Les témoins n'étaient pas tous disponibles le même jour. Les témoins d'aujourd'hui comparaissent en fonction de leur disponibilité. Si on les avait invités un autre jour, ils n'auraient pas pu venir, ce qui n'aurait certainement pas été acceptable de mon point de vue, à titre de président du comité.
    Monsieur Regan, vous pourrez poser vos questions bientôt, je pense. Allez-y donc.
    Merci, monsieur le président.
    J'allais en dire autant, mais pas sous la forme d'un rappel au Règlement. Le peu de temps qu'il nous reste pour la question me préoccupe. Ne perdons pas de vue que la raison pour laquelle il nous reste si peu de temps pour ces réunions, c'est qu'une motion a été adoptée à l'égalité des voix et comme nous le savons, la présidence doit, selon les règles, voter dans le sens du statu quo en cas d'égalité, ce que vous n'avez pas fait en l'occurrence et vous avez donc penché du côté ministériel, de votre parti, d'où la situation dans laquelle nous nous trouvons.
    J'estime pour ma part qu'il est valable d'être exposé à une gamme d'opinions divergentes sur ces questions, comme c'est le cas aujourd'hui. C'est très constructif, à mon avis. C'est bien beau la divergence mais, il me semble que six témoins c'est trop.
    La parole est à M. Anderson sur un rappel au Règlement.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je ne sais trop pourquoi M. Regan croit qu'il doit aborder en public des questions dont nous avons discuté à huis clos. Je ne sais pas s'il a cet aspect en tête, mais il mérite d'être souligné. Si on se met à rendre publiques des discussions tenues à huis clos, alors il faudra intervenir avec prudence à huis clos.
    Par ailleurs, l'autre possibilité était pour nous de demander aux députés de tous les partis de restreindre le nombre de témoins qu'ils proposeraient. Nous avons choisi de ne pas le faire pour donner l'occasion aux intéressés de se faire entendre, ce que nous faisons.
    En effet, monsieur Regan, je vous prie d'être prudent au sujet des questions dont nous discutons à huis clos. Je suis convaincu que vous avez agi par inadvertance.
    Monsieur le président, je respecterai les règles si vous le faites.
    Dois-je voir en cela une critique bien dissimulée de la présidence?
    Peut-être.
    Pouvons-nous donc passer aux questions, monsieur Regan, de manière à pouvoir en poser un aussi grand nombre que possible à nos témoins, qui nous ont livré d'excellents exposés?
    Merci, monsieur le président. Les questions sont nombreuses et le temps est malheureusement compté.
    Monsieur Alexander, comment réagissez-vous aux inquiétudes manifestées par M. Duguay concernant la pointe de puissance?
    Cela m'a laissé perplexe. On nous a demandé de comparaître pour décrire la situation du secteur, et c'est ce que nous avons fait. Si vous nous aviez demandé de faire un exposé au sujet de la pointe de puissance, nous aurions certainement délégué une personne bien au fait de la question et capable de répondre aux questions à ce sujet.
    En réalité, il me semble qu'il serait utile, lorsque comparaît un physicien, de faire comparaître en même temps d'autres physiciens ou ingénieurs nucléaires. On ne sait jamais. Il se peut qu'il y ait divergence de vue en la matière.
    En effet.
    Je dirais tout simplement que cette question est bien comprise dans l'état actuel du secteur. Nos gens ont une bonne compréhension de la question et s'intéressent toujours à l'achat de réacteurs CANDU. On maîtrise bien cette question. Il est plutôt bizarre de laisser entendre qu'elle est entourée de secret puisque la personne qui l'a dit était en possession de documents publics et citait des rapports publics d'EACL qui contenaient des déclarations très claires à ce sujet. Il est plutôt étrange de dire que nous cherchons à garder le secret.
    Monsieur Duguay, pourriez-vous nous dire de quelle manière les Sud-Coréens ont traité la question du coefficient de vide positif dans le cas du réacteur HANARO, qui se fonde sur le réacteur MAPLE? Je suppose que vous avez étudié d'autres types de réacteurs également. Pouvez-vous nous fournir des comparaisons? Savez-vous comment la question a été traitée dans ce cas-là?
    Je m'excuse, mais je n'ai pas étudié les versions sud-coréennes du réacteur CANDU. Je m'intéresse surtout aux réacteurs nucléaires de Gentilly 2 au Québec.
    Désolé, je voulais dire le réacteur MAPLE, pas le CANDU.
    Ah, vous parlez du réacteur MAPLE.
    Le réacteur HANARO — excusez-moi, je ne le prononce probablement pas de la même façon que vous ou que nos témoins — a été conçu sur le modèle du réacteur MAPLE.
    Les réacteurs canadiens MAPLE sont d'un modèle différent qui ont effectivement eu un problème de réactivité positive, mais qui n'était pas le même que le problème du CANDU. Mais cela revient au même.
    Le problème que pose la débâcle du MAPLE vous a été signalé ici même en comité en juin dernier, c'est-à-dire qu'EACL ne peut pas l'expliquer. C'est inquiétant lorsque le fabricant ne peut pas expliquer pourquoi quelque chose ne fonctionne pas.
(1650)
    Merci.
    Monsieur Lamarre, vous avez parlé du risque que nous nous retrouvions avec une technologie qui appartiendrait à un autre fournisseur qui achèterait EACL. Pouvez-vous nous expliquer cela un peu plus, s'il vous plaît?
    Les autres grands fournisseurs de technologie... Il y a AREVA et Westinghouse, qui sont les deux plus importants au monde. Il y a GE Hitachi. Ce que l'on prévoit — je vais dresser un parallèle avec l'acquisition d'INCO. Lorsqu'un étranger achète de nouveaux éléments d'actifs canadiens, ce qui arrive c'est que la priorité de la société sera toujours de protéger le siège social dans son pays d'origine.
    À l'heure actuelle, le gouvernement du Brésil exerce des pressions sur Vale Inco pour qu'elle investisse davantage au Brésil, qu'elle en fasse davantage pour les Brésiliens et pour les mines du pays. Il y a un ralentissement économique mondial et à l'heure actuelle, tous les sites d'Inco au Canada ferment ou négocient des conditions plus dures pour les travailleurs de certains processus. Toutes les activités canadiennes sont au ralenti.
    J'essayais de faire la comparaison avec les entreprises canadiennes qui sont achetées par des étrangers, qui deviennent alors des filiales, et des risques que cela pose lorsque l'économie mondiale ralentit, à cause de ce qui arrive toujours aux filiales de n'importe quelle société étrangère.
    Donc, vous craignez que le gouvernement vende l'élément d'EACL dont il parle à une entreprise étrangère.
    Ce qui nous inquiète, c'est ce qui arrive toujours dans de tels cas.
    La même chose est arrivée avec Nortel, plus récemment.
    Je reviens à M. Duguay. Vous avez parlé, bien sûr, de l'énergie éolienne et solaire comme options pour remplacer le nucléaire et, à ce sujet, on nous a fait part de deux problèmes. Le premier concerne la nature intermittente du vent et du soleil. Vous avez parlé d'une méthode rentable pour stocker l'énergie, et j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet car nous n'en n'avons pas encore entendu parler.
    Ensuite, il y a le problème du transport. Le transport entraîne des pertes d'électricité et c'est pourquoi nous parlons de réseaux intelligents. Que fait-on pour régler certains de ces problèmes dans les secteurs éolien et solaire?
     Permettez-moi de répondre à votre dernière question en premier, celle sur le transport de l'électricité. Les Européens viennent de lancer un immense projet appelé Desertec, dans le cadre duquel ils construiront des centrales solaires en Afrique du Nord et transporteront l'électricité vers le Nord de l'Europe sur des lignes pouvant atteindre 2 000 kilomètres de longueur, à un rythme d'un million de volts CC. Les pertes s'élèvent seulement à 3 p. 100 par 1 000 kilomètres d'un million de volts. On peut donc aller de la baie James jusqu'à Toronto avec une perte de 6 p. 100 seulement. À l'heure actuelle, les pertes entre la baie James et Montréal sont de 10 p. 100 car nous utilisons un courant alternatif de 735 kilovolts. Mais à un million de volts de courant continu, les pertes à partir de la baie James ne seraient que de 3 p. 100.
    Vous devriez donc veiller à prendre bien soin de la baie James en Ontario.
    Avez-vous indiqué — je m'excuse si cela m'a échappé — ce qui d'après vous arriverait à l'EACL dans le cadre de la proposition du gouvernement ou de ce que celui-ci envisage?
    Je préfère que mon collègue Shawn-Patrick Stensil réponde à cette question, et aussi Michel Fugère. C'est trop complexe pour moi; après tout, vous savez, je ne suis que physicien.
    Oh, oh! Bien sûr, c'est très complexe pour un physicien.

[Français]

    Monsieur Lamarre, avez-vous une opinion à ce sujet, à propos de la restructuration d'EACL?
    Pouvez-vous répéter la question?
(1655)
    Concernant la structure de la compagnie, quelle est votre préférence? Que suggérez-vous au gouvernement au sujet de la restructuration?
    Notre recommandation est, bien sûr, que toute entreprise de technologie nucléaire dans le monde reçoive un soutien gouvernemental pour développer ses relations internationales et poursuivre ses développements. C'est ce que fait présentement le gouvernement fédéral, par l'entremise du MAECI et de ses différents groupes.
    Du point de vue de la commercialisation, nous pensons qu'un soutien et qu'un intérêt canadiens permettraient à EACL de préserver ses emplois à très forte technologie. Aussi, avoir un intérêt canadien constant pour l'industrie CANDU permettrait à celle-ci de se développer au Canada et à l'échelle internationale, et de maintenir l'industrie de réhabilitation et de réfection des centrales nucléaires entre les mains des Canadiens et celles de l'Organization of CANDU Industries pour assurer son futur.

[Traduction]

    Merci, monsieur Regan. Votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à Mme Brunelle, du Bloc québécois, pour sept minutes.

[Français]

    Bonjour, messieurs. Je vous remercie de votre présence. C'est une rencontre particulièrement intéressante, parce que les points de vue sont très opposés.
    Monsieur Stensil, je commencerai avec vous.
    Vous dites que le gouvernement a donné 20 milliards de dollars de subvention à EACL et que le prix de vente serait de 300 millions de dollars. Je me demande comment vous avez pu obtenir ces chiffres. J'ai questionné le sous-ministre, et je ne l'ai pas su. Aussi, les gens de Greenpeace Canada semblent être favorables à la privatisation d'EACL et la voir d'un oeil positif. De plus, vous ne dites pas un mot sur les dangers de la technologie nucléaire.
    C'est là mon questionnement.
    Merci beaucoup.
    Pour ce qui est des chiffres, j'étais ici, la semaine passée, quand le ministre a dit que le montant des subventions s'élevait à 8 milliards de dollars. Pour une raison ou pour une autre, chaque fois que le gouvernement fédéral prépare des estimations pour EACL, il les fait en dollars of the year. Habituellement, un comptable calcule l'inflation quand il cite un montant en dollars d'aujourd'hui. Le montant de 20 milliards de dollars est donc en dollars d'aujourd'hui, et non pas en dollars des années 1950 ou 1960. Voilà mes explications pour les chiffres.
    Pour ce qui est du montant de 300 millions de dollars, il provient de quelques rapports publiés par les médias. Ils ont été publiés la semaine passée, mais ils existent depuis trois ans, donc avant la récession. On peut constater que des rumeurs circulent sur l'estimation de la valeur d'EACL sur le marché.
    Concernant la privatisation, il est vrai qu'on n'a pas parlé des dangers de la technologie nucléaire. Je peux le faire, si vous le voulez. Ce serait un débat intéressant. Cependant, les séances portent sur la restructuration et la privatisation; notre intérêt est le levelling the playing field, comme on le dit en anglais.
    Le Canada a des engagements concernant la durabilité. Cela veut dire qu'on doit internaliser les coûts de l'énergie. Si c'est le charbon, les centrales de charbon doivent internaliser les coûts. C'est la même chose pour l'industrie nucléaire. La privatisation d'EACL fournit une occasion de forcer l'industrie nucléaire à prendre tous ces risques. Par exemple, avec la réfection de la centrale de Pointe Lepreau, au Nouveau-Brunswick, le gouvernement a pris des risques, sans mettre de mécanismes en place pour assurer une responsabilité envers les payeurs de taxes et leur fournir des rapports. On voit cela comme une opportunité.
    Par contre, nous sommes inquiets quant à la privatisation d'un morceau d'EACL. Nous craignons que cela amène le gouvernement à toujours prendre des risques avec de grands projets comme d'autres réfections en Ontario, la réfection de la centrale de Gentilly, la réfection de celle de Pickering ou la construction de nouvelles centrales. Les entreprises privées, comme SNC-Lavalin Nucléaire, feront de l'argent avec les projets, mais ce sont toujours les payeurs de taxes qui seront à risque.
    Vous dites qu'on vendrait en morceaux EACL — les morceaux qui sont payants — et qu'on garderait les responsabilités. Autour de cette table, on n'a pas du tout parlé non plus de la gestion des déchets nucléaires. Cela restera sûrement au gouvernement.
    Si ma mémoire est bonne, M. Duguay demandait quel investisseur voudrait investir des milliards de dollars dans EACL. Il lui en coûterait des milliards de dollars pour acquérir un réacteur dont la technologie semble dépassée. Je pense qu'AREVA pourrait peut-être l'acheter dans le but de le démanteler et d'avoir un avantage concurrentiel. C'est mon opinion.
    Monsieur Alexander, vous dites que vous êtes un chef de file. Pourtant, certains disent que votre technologie date des années 1960. Quelle est votre position quant à la privatisation d'EACL? J'ai cru comprendre que vous y étiez opposé. Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Monsieur Alexander, vous avez la parole.
    Je pense que votre question est double.
    Pour ce qui est de la technologie, à l'heure actuelle, EACL contrôle pour ainsi dire deux technologies. La première est celle du réacteur CANDU avancé, qui est un réacteur de génération III+. C'est un produit de masse qui serait compatible avec n'importe quel réseau complexe dans le monde industriel, dans des marchés comme celui du Royaume-Uni et des États-Unis — si nous réussissions à les pénétrer.
    Deuxièmement, il y a le nouveau CANDU, que l'on appelle le CANDU 6 avancé. Ce réacteur présente des avantages très importants dans des marchés à créneau de certains pays et pourrait même être très utile, à plus long terme, pour la combustion de combustibles de remplacement et aussi pour la gestion des déchets.
    EACL a donc deux technologies très utiles que nous devrions chercher à perfectionner et à utiliser à l'avenir.
    En ce qui concerne la restructuration, nous croyons qu'elle devrait se faire, qu'il faudrait investir davantage dans EACL si nous voulons prendre notre place sur la scène mondiale. Nous pensons que nous en sommes parfaitement capables. Nous pensons que la restructuration attirera des investissements dans EACL et créera également une capacité de marketing et une présence mondiale qui sera nécessaire pour faire face à la concurrence des autres grandes entreprises.
(1700)

[Français]

    Ne croyez-vous pas que la recette française fait que c'est un très gros joueur mondial? Je ne vous apprends rien. Il reste que c'est une société d'État à 95 p. 100, ce qui permet au président Sarkozy, entre autres, de faire la promotion de son énergie nucléaire partout dans le monde.
    N'est-ce pas une responsabilité que notre gouvernement devrait prendre? Vous pensez le contraire.

[Traduction]

    Je serais ravi que l'État investisse à fond dans EACL et en fasse une société d'État capable de faire face à la concurrence des autres vendeurs de réacteur. C'est une proposition qui coûterait très cher. Voyez ce que les autres vendeurs de réacteur ont fait: ils ont formé des partenariats stratégiques pour se donner une taille qui leur permet de faire face à la concurrence. L'exemple classique est l'association entre GE et Hitachi, qui donne aux deux une présence mondiale et la taille nécessaire pour réussir. C'est à ce genre d'échelle que nous pensons.
    Il s'agit donc de trouver des partenaires — et je suis d'accord avec Patrick lorsqu'il dit que nous devons avoir une présence importante — possiblement au Canada, mais peut-être aussi dans d'autres régions du monde afin de nous assurer une présence très étendue, ce qui serait la clé de notre succès futur.
    Merci, madame Brunelle, votre temps est écoulé.
    Monsieur Cullen, vous avez sept minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins. C'est une bonne discussion.
    Monsieur MacKinnon, j'ai une question pour vous. Est-ce que les gens que vous représentez ont une opinion, pour ou contre, la privatisation d'EACL? Êtes-vous pour ou contre? Si vous êtes en faveur, avez-vous demandé au gouvernement d'accompagner la vente de conditions importantes?
    Nous sommes certainement en faveur de la restructuration. Je pense que EACL doit pouvoir fonctionner comme une entité commerciale pour pouvoir réussir à long terme. Je pense que le partenariat est probablement un bon modèle.
    Cependant, si vous voulez maintenir une industrie scientifique, il faut veiller à la protéger au moment de la restructuration. Il est important d'avoir un réacteur de recherche pour pouvoir maintenir une industrie scientifique dans ce secteur.
    Je vous interromps un instant. Nous avons mené des consultations et on nous a dit que dans les cas où les différents volets avaient été séparés — c'est-à-dire la recherche, la commercialisation et la production d'électricité — les résultats n'ont pas été reluisants et que l'ensemble, ou la force d'une « solide chaîne d'approvisionnement » comme le disait M. Alexander, est important. Le gouvernement a parlé de séparer les éléments, et de vendre seulement les composantes, sans inclure les actifs soi-disant toxiques de Chalk River.
    Est-ce une option viable pour assurer le succès à long terme de l'industrie nucléaire du Canada?
    Je ne préconise pas une méthode plutôt que l'autre. Ce que je vous dirai, cependant, c'est que l'exploitation de réacteurs de puissance et celle de réacteurs de recherche sont deux choses entièrement différentes. Il y a probablement des cas où ils pourraient fonctionner de manière indépendante. Je ne préconise pas cela; je dis simplement que quelle que soit l'option retenue, nous devons veiller à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain, et que si nous voulons continuer à avoir une industrie scientifique ici, il faut veiller à conserver notre capacité de recherche.
    Merci.
    J'ai une question pour vous, monsieur Alexander. Ce que je ne comprends pas, c'est que dans l'exposé que vous avez présenté au comité, vous avez dit que les perspectives du CANDU et de EACL étaient très bonnes et positives. Or, malgré la soi-disant renaissance, EACL n'a ni contrat ni soumission.
    Vous avez dit que pour le gouvernement, c'est comme le problème de la poule et de l'oeuf. La possibilité d'une vente a été évoquée publiquement, et M. Lamarre a fait des observations à ce sujet. Si les soumissionnaires éventuels savent que c'est à vendre mais ne savent pas qui va l'acheter, il est très difficile de réaliser la vente, ce qui pourrait avoir pour effet de réduire le prix que les Canadiens pourraient s'attendre à recevoir pour un actif dans lequel ils ont versé des milliards de dollars, que ce soit 20 milliards, 15 milliards ou un autre montant.
    Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de procéder de cette façon? Je ne comprends pas pourquoi, sans avoir de contrat en main, ce qui fait baisser le prix, il a annoncé qu'il allait vendre, ce qui cause encore plus d'incertitude — et fait baisser encore le prix, je suppose — d'autant plus qu'il n'y a aucun site de démonstration du réacteur CANDU avancé, ce que vous aviez demandé. Est-ce qu'un site de démonstration est essentiel pour que le Canada obtienne un juste prix pour cet actif dans lequel les Canadiens ont investi?
(1705)
    Oui. Je reviens à... Il y a eu déjà des commentaires sur l'évaluation d'EACL. Tout d'abord, je ne me fierais pas nécessairement à un journaliste pour faire cette évaluation, mais vous voyez sur quoi ils se sont fondés. Comme c'est...
    Le gouvernement le fait sans cesse.
    Je ne sais trop comment répondre à cela.
    Je pense qu'ils font une simple évaluation commerciale en fonction du chiffre d'affaires actuel. Cela donne un résultat crédible, environ quelque centaines de millions de dollars. En outre, j'attire votre attention sur la promesse, car on peut également évaluer l'entreprise en fonction de ce qu'elle pense pouvoir réaliser grâce à sa technologie.
    Dans l'industrie nucléaire, cela peut s'élever à des milliards de dollars, et il y a des précédents. Afin de récupérer cette valeur, il faut croire au ACR et en faire la démonstration. Les autres produits d'EACL ont encore une grande valeur, mais elle est bien inférieure à celle du réacteur CANDU avancé. Si nous voulons vraiment récupérer la valeur de notre investissement, il faut trouver un site pour l'ACR.
    Je pense que certains croyaient que l'Ontario allait adopter cette technologie. L'interruption du processus ontarien a créé un très grave problème pour notre industrie.
    C'est ce qui me semble étrange, car la soumission de l'Ontario prévoit maintenant une subvention des contribuables pour que ce projet se réalise. Donc, pour vendre un actif, le gouvernement doit subventionner un projet dans l'espoir d'obtenir un meilleur rendement sur son investissement. Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire? On tourne en rond.
    C'est pourquoi on dit que c'est comme la question de la poule et de l'oeuf.
    Il y a des milliards de dollars en jeu. Ce n'est pas...
    Si quelqu'un achetait le produit, cela procurerait l'investissement qu'il faut pour aller de l'avant.
    La solution serait que les parties collaborent pour en arriver à une entente — le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et l'investisseur éventuel. Ainsi, l'investisseur serait content, le pays récupérait la valeur de son actif et la province obtiendrait le réacteur qu'elle souhaite. Je n'arrive absolument pas à comprendre pourquoi ça ne se passe pas de cette façon.
    L'une des raisons, c'est peut-être que les coffres du gouvernement sont vides, que tout montant investi dans ce projet creuserait le déficit, ce qui est une préoccupation de plus.
    J'aimerais interroger M. Stensil au sujet des responsabilités. Nous avons posé la question des responsabilités non comptabilisées aux représentants d'EACL lorsqu'ils ont comparu devant nous. C'est important. Je suis sûr que lorsqu'on détermine la valeur d'une entreprise... Vous avez mentionné les 100 millions de dollars en 2009 et d'autres valeurs non comptabilisées. Pouvez-vous m'expliquer cela? Ces obligations sont-elles prises en compte pour déterminer le prix que les Canadiens peuvent s'attendre à recevoir pour leur investissement?
    C'est une très bonne question, mais je n'en connais pas la réponse. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons posé la question au commissaire à l'environnement. Le commissaire à l'environnement peut exiger que RNCan réponde dans un délai de trois mois, et nous espérons que cela les forcera à répondre.
    En ce qui concerne ce qui est mentionné dans les rapports annuels d'EACL, j'ai remarqué qu'il y a un poste intitulé « arrangements hors bilan ». Il y a eu une très forte croissance, de 112 millions de dollars en 2004 à 500 millions de dollars l'an dernier. Nous n'en connaissons pas les détails, car ils ne sont pas rendus publics. Ce chiffre a augmenté au moment où EACL signait des contrats pour Point Lepreau ou Bruce A, et peut-être même avec la Corée du Sud. Cette année, cette obligation est devenue, pour le contribuable canadien, une obligation comptabilisée.
    Ce que nous demandons, c'est un mécanisme qui nous permettrait de déterminer ce que sont ces obligations. Cela contribuerait à éclairer la discussion sur la privatisation, et nous devons pouvoir contrôler ces coûts. Il s'agit en fait d'une subvention pour les producteurs d'énergie nucléaire provinciaux. À l'heure actuelle, le gouvernement veut les encourager — ce qui n'est pas le cas de Greenpeace — mais il faut avoir une politique raisonnée, alors qu'à l'heure actuelle, tout est improvisé.
(1710)
    Merci, monsieur Cullen. Votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant du côté ministériel, à M. Trost, qui aura sept minutes.
    Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Puisque nous n'avons que sept minutes, pourriez-vous, je vous prie, répondre brièvement?
    M. Duguay a dit clairement ce qu'il pensait du réacteur CANDU: qu'il est dangereux, instable, risqué, et ainsi de suite.
    Je m'adresse donc à M. Lamarre, de façon générale, puis à M. MacKinnon, avec une perspective légèrement différente.
    Monsieur Lamarre, pourquoi diriez-vous que le réacteur CANDU n'est ni dangereux ni risqué, et qu'il est stable et pratique?
    Ensuite, monsieur MacKinnon, vos membres travaillent avec cet équipement. Se sentent-ils en sécurité, ou le considèrent-ils dangereux?
    Pour répondre à votre première question — pourquoi croyons-nous qu'il est sécuritaire —, il suffit de regarder le bilan des réacteurs CANDU construits au Canada au cours de la dernière trentaine d'années et qui sont toujours opérationnels. N'oublions pas ceux qui ont été construits en Argentine, en Roumanie, et même en Inde. Le réacteur a fait ses preuves. Il n'y a eu aucun incident. Les réacteurs ont toujours été opérationnels et ont toujours fonctionné de façon sécuritaire. Chaque fois qu'on les compare à d'autres technologies, on se rend compte qu'ils sont les réacteurs les plus performants dans le monde.
    Je pense que le problème qu'on a soulevé, c'est dans quelle mesure les citoyens devraient se sentir à l'aise et en sécurité par rapport à l'énergie nucléaire. Sachez que c'est une industrie microgérée, bien documentée et si bien scrutée qu'on en connaît les moindres détails.
    En ce qui concerne le fonctionnement et l'entretien des centrales, comme Patrick l'a signalé, sachez que celles-ci produisent de l'énergie de façon sûre en Ontario depuis plus de 40 ans. Elles produisent actuellement plus de 52 p. 100 de notre énergie. Nos membres se sentent bien à l'aise avec cette technologie.
    Je pense qu'il est important de noter que, comme pour tout appareil mécanique, il existe ici de multiples systèmes de sûreté. Est-il possible qu'il y ait usure mécanique? Doit-on remplacer certaines pièces? Absolument. C'est comme les freins de votre voiture, sauf que dans une centrale nucléaire, cela prend une toute autre ampleur.
    Néanmoins, nous assurons le fonctionnement de ces machines de façon sûre et efficace depuis déjà bien longtemps. Des représentants de la CCSN sont sur place. Ils effectuent une surveillance. Décèlent-ils de petits problèmes de temps à autre? Évidemment. C'est leur travail. C'est pour ça qu'ils sont là. Ils signalent les problèmes et on les corrige. Nous sommes satisfaits du modèle CANDU.
    Ma deuxième question porte sur la décision du gouvernement ontarien. Ne sachant quelle position adoptée à l'égard des réacteurs, il a choisi de reporter la question à plus tard sans prendre de décision. Plus d'un d'entre vous peut répondre à cette question. Je me demande quelles seront, selon vous, les répercussions de cette situation sur l'avenir de l'industrie canadienne, sur EACL en particulier, mais également sur l'ensemble du secteur. Qui voudrait répondre?
    Monsieur Alexander et monsieur Stensil, je vous prie, afin qu'on ait les deux côtés de la médaille.
    Nous comprenons comment le Canada fonctionne, avec son gouvernement fédéral et ses gouvernements provinciaux très puissants qui ont la mainmise sur certaines questions comme l'approvisionnement en électricité. Ce n'est pas un modèle très répandu sur la planète.
    Selon moi, on peut dire que le reste du monde ne comprend pas que ce qui se passe au Canada en ce moment pourrait vraiment arriver. Les gens interprètent donc la situation à leur manière et pensent que le Canada n'a pas confiance dans la technologie. C'est énormément dommageable, tout simplement parce que le reste du monde ne comprend pas les circonstances.
    On a aggravé le problème en permettant la propagation de rumeurs concernant l'établissement des prix, rumeurs qui semblent n'avoir aucun fondement. Par conséquent, cela a affecté non seulement notre capacité de vendre des réacteurs, mais aussi l'ensemble de notre chaîne d'approvisionnement nucléaire. Même si nous étions à l'origine en bonne posture, il nous faut maintenant restaurer notre réputation.
    Monsieur Stensil.
    Merci, il s'agit d'une excellente question.
    Greenpeace a beaucoup mis l'accent sur l'élaboration du plan d'approvisionnement en électricité de l'Ontario. Je pense que si on prend un peu de recul, on se rend compte que l'établissement d'une politique énergétique relève des compétences de la province. En 2005, celle-ci a élaboré un plan d'approvisionnement à long terme en électricité dont nous avons beaucoup entendu parler. Celui-ci prévoyait la nécessité de construire des réacteurs, parce qu'à l'époque, la province s'était fait dire — et croyait — que de nouveaux réacteurs coûteraient 6 milliards de dollars initialement, pour 2 000 mégawatts de puissance. Maintenant, Moody's et Standard and Poor's évaluent ce coût à environ 15 milliards de dollars. On a entendu dire dans les médias que pour construire un réacteur CANDU avancé — il ne s'agit que de ouÏ-dire, évidemment —, il faudrait investir environ 26 milliards de dollars.
    Si vous êtes une province en train d'élaborer un plan d'approvisionnement en électricité, vous allez évidemment reporter la question à plus tard, parce qu'entre-temps, on a également appris, depuis 2005, que le coût des énergies renouvelables...
(1715)
    Et si c'était vraiment ce qu'il en coûtait? Pourquoi ne pas éliminer cette solution carrément, dans ce cas? C'est bien ce que je ferais. Dans une certaine mesure, ce n'est pas tant la réponse positive ou négative, mais bien l'indécision qui est le problème, n'est-ce pas?
    C'est en partie pour obtenir des soumissions. En outre, rien d'autre ne s'est passé dans la province, comme la loi sur l'énergie verte. La province a également mis en veilleuse l'examen de son plan d'approvisionnement en électricité et revoit ses cibles.
    Il est important de garder à l'esprit que les échéanciers pourraient changer, tout comme le pourcentage que représente l'énergie nucléaire. Notons que la soumission retenue était celle d'EACL, mais qu'on n'a pas exclu les autres fournisseurs de l'appel d'offres. On n'a pas éliminé la concurrence, afin de pouvoir plus tard se tourner vers AREVA et Westinghouse, peut-être même en 2014, lorsqu'on saura que ces réacteurs fonctionnent.
    Je vais me permettre une dernière brève question.
    On a beaucoup parlé des réacteurs CANDU aujourd'hui. J'aimerais savoir ce que vous pensez des autres segments de l'industrie canadienne, des créneaux commerciaux comme la gestion des combustibles recyclables et des déchets, ce genre de choses. Pourriez-vous nous parler de ces niches, plutôt que des réacteurs CANDU et d'EACL uniquement?
    Il vous reste environ 45 secondes pour répondre.
    Monsieur Alexander, allez-y.
    Pour répondre à votre question, notre industrie est très loin de se limiter à l'approvisionnement en réacteurs. Comme je l'ai déjà dit, nous pouvons compter sur une vaste industrie d'extraction minière d'uranium. Grâce à l'expérience acquise dans ce secteur au Canada, certaines entreprises canadiennes sont maintenant propriétaires d'importantes mines à l'étranger, ce qui accroît encore davantage l'expertise et la prospérité du Canada.
    Nous disposons en outre d'un programme à la fine pointe de la technologie pour la gestion du combustible épuisé dans nos centrales, soit la Société de gestion des déchets nucléaires. Cette organisation fait l'envie du monde entier et gagne en crédibilité dans son domaine, ce qui pourrait faire de nous des chefs de file de la gestion des combustibles épuisés également.
    Nous allons passer à une autre série de questions, en commençant par M. Tonks, mais on n'aura pas cinq minutes complètes, juste le temps d'une brève question.
    En tant que président, je ne pose pas souvent de questions, mais j'aimerais en poser une, qui découle de mon expérience.
    Je préside également l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN. À ce titre, je me suis rendu en Lituanie, où j'ai pu marcher sur le coeur d'un réacteur datant de l'ère soviétique. Même si le pays a 10 ans de retard sur son échéancier, il doit fermer ce réacteur; c'était là une condition de son adhésion à l'Union européenne. Les représentants de la Lituanie m'ont dit considérer le réacteur CANDU 6 comme une bonne solution de remplacement, parce qu'ainsi le pays ne dépendrait plus de la Russie pour son approvisionnement en combustible. De nombreux représentants lituaniens m'en ont parlé. J'aimerais donc savoir ce que vous en pensez, puisque tout à l'heure, l'un d'entre vous a dit que le réacteur CANDU 6 était chose du passé, qu'il était désuet.
    M. Alexander, puis M. Lamarre, peut-être.
    Absolument, vous avez mis dans le mille. Il s'agit d'un produit-créneau d'une valeur inestimable pour ceux qui ne veulent pas dépendre du combustible enrichi. On peut également s'en servir concurremment avec d'autres modèles de réacteurs, parce que le réacteur CANDU peut en fait produire davantage d'énergie à partir du même carburant, comparativement aux autres types de réacteurs, ce qui nous donne davantage d'énergie pour une même quantité d'uranium. Il ne faut donc pas perdre de vue les nombreuses occasions qu'offrent ces créneaux, tout comme le marché de masse pour le réacteur CANDU avancé.
    Merci d'avoir répondu brièvement.
    Passons à M. Lamarre, et je vois que M. Stensil, voudrait aussi dire quelques mots, et je lui demanderais de s'en tenir à une courte intervention également.
    C'est un excellent argument. Dans le cadre de nos efforts de commercialisation à l'échelle internationale en vue de saisir les débouchés dont nous avons parlé, nous nous sommes tournés vers la Turquie, la Jordanie ainsi que d'autres pays comme la Pologne, qui se montrent très intéressés, justement pour cette raison: ils ne veulent plus dépendre autant de leur source d'approvisionnement en combustible, laquelle est, en gros, contrôlée par les États-Unis et la France.
    Un autre créneau que pourrait pénétrer l'industrie des réacteurs CANDU est celui de l'utilisation du thorium comme combustible, plutôt que l'uranium, puisqu'il est réparti beaucoup plus également sur la planète. Cela offrirait une nouvelle source de combustible.
    On envisage également d'utiliser une partie du combustible épuisé d'autres technologies, ce qui permettrait de réduire les déchets des réacteurs à eau ordinaire, lesquels serviraient de combustibles avec la technologie CANDU. L'avenir est donc prometteur; on peut saisir d'autres débouchés. C'est pourquoi nous appuyons fermement la technologie CANDU et EACL.
(1720)
    Merci.
    Monsieur Stensil, vous pouvez répondre brièvement.
    Je vais aborder la question sous un angle différent, puisque le comité voudra peut-être se pencher sur la valeur éthique de la vente d'un réacteur de deuxième génération. Quel genre de normes internationales de sûreté appliquerions-nous avec un réacteur datant d'avant Tchernobyl, d'avant les attaques du 11 septembre?
    En 2005, l'industrie canadienne a envisagé la construction d'un réacteur CANDU 6 en Ontario. Linda Keen a voulu s'assurer qu'il respecterait les normes internationales de sûreté. Il semblerait que le réacteur ait échoué, puisque l'Ontario a abandonné l'idée à l'époque. Or, Linda Keen a ensuite été renvoyée.
    Il faut se demander sérieusement si l'exportation d'un tel modèle à l'étranger respecte nos valeurs éthiques.
    Merci.
    Monsieur Tonks, allez-y, posez votre question, je vous prie.
    Ma question s'adresse à M. Lamarre.
    De façon générale, monsieur Lamarre, vous avez parlé des milliers de projets que SNC entreprend partout dans le monde. L'article déposé par M. Stensil prône l'élimination progressive de l'énergie nucléaire. J'en déduis qu'il faudra continuer à améliorer les technologies, et maintenir le niveau d'expertise des travailleurs de même que la valeur ajoutée. Toutefois, au cours de la période d'élimination progressive, on verra un accroissement de l'utilisation des sources d'énergie renouvelable et durable, surtout l'énergie éolienne, solaire, et ainsi de suite.
    Peut-être pourriez-vous nous dire quelle sera, selon vous, au cours des 25 prochaines années, l'approche stratégique à adopter pour garantir les plus grandes retombées économiques possibles pour les Canadiens, et ce à tous les égards, tout en tenant compte des mesures de protection que doit appliquer SNC-Lavallin étant donné les milliers de projets qu'il a en cours, dont certains doivent porter sur d'autres façons de produire de l'énergie.
    C'est une bonne question.
    À SNC-Lavalin, nous touchons à presque tous les types d'énergie, y compris le charbon, l'énergie éolienne, hydroélectrique et nucléaire. Nous sommes convaincus de l'importance de diversifier ses sources d'énergie, c'est-à-dire d'avoir recours à l'énergie hydroélectrique, nucléaire, éolienne, solaire et du charbon. Malheureusement, nous ne croyons pas que l'énergie éolienne et l'énergie solaire puissent représenter un fort pourcentage de notre approvisionnement, étant donné les obligations en matière de redondance et les exigences concernant l'approvisionnement 24 heures par jour, 7 jours par semaine des hôpitaux. Or, nous croyons qu'au fil du temps, on pourra grandement améliorer ces systèmes. L'énergie éolienne deviendra beaucoup plus efficace, tout comme l'énergie solaire.
    Ensuite, si on tient compte des ressources naturelles du Canada, on se rend compte que l'énergie hydroélectrique est importante. Il faut continuer à mettre sur pied les projets de ce genre, à en élargir la portée et à les rendre plus efficaces.
    L'énergie nucléaire fait également partie de l'équation. L'Ontario compte sur celle-ci pour 52 p. 100 de son approvisionnement. Elle permet un approvisionnement électrique à faible coût, et son système ainsi que son réseau sont stables.
    En ce qui concerne le charbon, je ne m'aventurerai même pas à dire qui va arriver à capturer le plus de CO2, de même que d'éléments sulfurés. Le charbon épuré est une autre source qu'on ne peut pas rejeter du revers de la main, tout simplement parce que cette ressource est omniprésente au Canada. L'électricité produite à partir du charbon est abordable, par conséquent, cette source d'énergie doit faire partie de l'équation.
    Pour garantir la prospérité du pays, des provinces et de l'économie, il faut avoir recours à l'ensemble de ces sources d'énergie, dans les proportions qui varieront selon les provinces et les emplacements. Ce sont ces différentes sources d'énergie qui fournissent aux entreprises d'ingénierie et de construction ainsi qu'aux fournisseurs du Canada ce dont ils ont besoin pour exporter sur la scène internationale.
    Si nous réduisons un secteur d'activité, une source d'approvisionnement, nous devenons dépendants de l'avenir. C'est l'un des problèmes des énergies solaire et éolienne. Les pièces viennent de l'étranger, ce qui veut dire que même si nous investissons beaucoup dans ces types d'énergie, nous ne deviendrons jamais d'importants exportateurs de ce genre de technologie.
    Merci.
    Monsieur Allen, à vous la dernière question.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais obtenir certaines précisions, rapidement, de M. Fugère, concernant le document sur l'élimination graduelle de l'énergie nucléaire au Canada. Je m'intéresse à certains graphiques qui figurent dans ce document et qui portent sur l'approvisionnement électrique en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick. Ces graphiques montrent des réductions considérables selon un plan d'élimination graduelle de l'énergie nucléaire et celle provenant du charbon d'ici 2020, et ils indiquent que la demande en électricité en Ontario serait réduite d'environ 50 p. 100, et celle du Nouveau-Brunswick, d'environ 60 p. 100. Est-ce que je comprends bien les graphiques expliquant l'élimination graduelle de ces énergies?
(1725)

[Français]

    Oui, en effet.

[Traduction]

    D'accord. Si c'est le cas, j'imagine... Personne ici ne représente le Nouveau-Brunswick, donc je ne peux pas poser cette question. Or, je pense que c'est rêver en couleur.
    Je vais vous poser une question concernant le modèle ontarien. Quels seront les besoins de production d'énergie en Ontario dans les 10 prochaines années? Il me semble qu'il nous faudra des centrales de base pour répondre à la demande en électricité, parce que nous avons un appétit insatiable en énergie qui ne va pas disparaître dans les 10 ou 15 prochaines années. Qu'en pensez-vous?
    Monsieur MacKinnon.
    Excellente question. Depuis que je travaille dans le secteur, soit depuis 38 ans, une situation de production de base excédentaire s'est produite trois fois. Il s'est produit des périodes où la capacité de production a été largement suffisante pour la charge. Cela fluctue, mais, après une diminution, il y a toujours une augmentation. Nous sommes à une période de faible charge en Ontario, à l'heure actuelle, à cause des fermetures d'usines, mais il y aura rétablissement. Il y aura augmentation. À ce moment-là, il faudra une production de base importante.
    Or, en Ontario aujourd'hui, les seuls éléments pouvant satisfaire cette exigence de charge sont le charbon, l'énergie nucléaire et pas mal d'hydroélectricité. Mais on ne peut plus se tourner vers la rivière; on ne peut plus retenir de l'eau dans des barrages en Ontario. Quant au charbon, on l'élimine graduellement, avec une élimination totale des centrales électriques au charbon d'ici 2014, selon la décision du gouvernement de l'Ontario. Du coup, la marge de manoeuvre restante est mince et c'est pourquoi la question de nouvelles centrales nucléaires est pressante. Les centrales existantes approchent de la fin de leur vie utile et il nous faut en construire de nouvelles ou remettre en état les vieilles centrales. La charge va augmenter à nouveau; elle le fait toujours. Et il faut que nous répondions à cette exigence.
    Merci.
    Notre temps est écoulé. D'ailleurs, quand je lèverai la séance dans quelques secondes, je demanderai aux témoins de bien vouloir quitter la salle rapidement, vu que nous devons poursuivre à huis clos. Il nous faut environ deux minutes, si bien que nous pouvons quand même sortir d'ici avant 17 h 30, si nous traitons rapidement la motion de dépenses.
    Merci à tous pour vos exposés, qui ont été instructifs et utiles pour le comité.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant deux minutes avant de passer à huis clos et d'aborder le seul point que nous avons à traiter.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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