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Nous en sommes à notre 39
e séance. Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 1
er juin 2009, nous sommes ici pour examiner le projet de loi .
Nous avons devant nous les divers mémoires que la greffière nous a fournis. Il y en un de Babcock & Wilcox Canada Ltd., ainsi qu'un de Bruce Power. Aussi, vers la fin des délibérations du comité, pouvons-nous prendre quelques minutes pour examiner le budget du comité pour l'étude du projet de loi C-20? Nous pourrions passer à ce point vers 15 h 35 ou 15 h 40.
Le premier groupe de témoins de la journée est composé de Michael D. Lees, président de Babcock & Wilcox Canada Ltd.; M. Murray Elston, vice-président, affaires générales, Bruce Power; Theresa McClenaghan, directrice exécutive et conseillère juridique de l'Association canadienne du droit de l'environnement; et Shawn-Patrick Stensil, responsable de la campagne Climat et énergie, Greenpeace Canada.
Bienvenue à tous.
Nous avons jusqu'à 16 h 30, environ. Je pense que vous connaissez tous assez bien la manière dont nous procédons. Nous commençons par les exposés; essayons de ne pas prendre plus de 10 minutes pour chacun. Puis, nous passons aux séries de questions des membres, qui ont tous droit à sept minutes.
Commençons sans plus tarder.
Nous accueillerons le deuxième groupe autour de 16 h 30.
Je pense que nous allons procéder dans l'ordre dans lequel j'ai nommé les témoins. Monsieur Lees, en tant que président de Babcock & Wilcox Canada Ltd., vous aimeriez peut-être commencer?
Tout d'abord, je vous remercie infiniment de nous donner l'occasion de nous adresser au comité. Je suis heureux de contribuer à la discussion sur le projet de loi du point de vue d'un fournisseur d'équipement et de services de l'industrie nucléaire mondiale.
Mon exposé consistera en un aperçu très bref de B&W Canada, suivi d'un résumé des raisons principales pour lesquelles le projet de loi est important.
D'abord, B&W Canada existe depuis 1844. Nos racines remontent à il y a très longtemps. Nous avons toujours été un fournisseur actif de l'industrie de la production d'énergie, tant au Canada qu'à l'étranger.
Actuellement, nous avons des installations à Cambridge, une grande usine où nous fabriquons des pièces, tant pour le nucléaire que pour d'autres domaines de l'industrie de la production d'énergie. Nous avons aussi une usine à Melville, en Saskatchewan, et des bureaux régionaux partout au Canada.
Nous employons environ 1 000 personnes et nous faisons plus de la moitié de nos affaires dans le domaine du nucléaire. Nous fournissons des pièces très complexes pour les réacteurs CANDU, dont les propriétaires sont des services publics, tant à l'échelle nationale qu'internationale, et nous fournissons aussi des services au Canada et à l'étranger.
Nous sommes le seul fabricant d'équipement nucléaire qui existe toujours en Amérique du Nord; les autres ont tous fermé leurs portes pendant le déclin de la fabrication d'équipement nucléaire, au cours des années 1970 et 1980. En fait, selon moi, B&W Canada est un bon exemple d'une entreprise qui a pris la technologie conçue pour les réacteurs CANDU et l'a rendue utilisable sur le marché international des réacteurs à eau sous pression. Au cours des 20 dernières années, nous avons fabriqué pour environ 1,5 milliard de dollars d'équipement que nous avons exporté à des clients aux États-Unis et partout en Europe.
Selon nous, il est important pour le Canada de mettre à jour la Loi sur la responsabilité nucléaire dans le but, en fait, de ratifier la CRC. La CRC est la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires; c'est une initiative de l'AIEA qui engage essentiellement la communauté internationale à adopter des normes communes pour le traitement des demandes d'indemnisation en cas d'accident nucléaire. À notre sens, c'est donc très important.
Il y a cinq raisons pour lesquelles il est important de ratifier rapidement la CRC, tant pour le Canada que pour B&W Canada. Premièrement, la ratification donne de la crédibilité au Canada sur la scène internationale relativement à la puissance nucléaire, à la non-prolifération et au rôle de l'AIEA. Le fait que le Canada ne compte pas parmi les signataires du traité nous enlève de la crédibilité.
Deuxièmement, elle rend possible la croissance et le développement d'une industrie d'exportation active, et ce marché d'exportation nous permet de gérer le genre d'équipement et de technologie que nous envoyons à l'étranger. En effet, les restrictions relatives à l'utilisation de la technologie nous permettent de gérer, jusqu'à un certain point, la façon dont la technologie est utilisée. En outre, la technologie occidentale a en soi l'avantage de rendre les autres centrales nucléaires plus sécuritaires.
Nous croyons aussi que l'exportation augmentera grâce à la CRC, ce qui contribuera à équilibrer le commerce au Canada; nous trouvons ce point important.
De plus, nous sommes d'avis que la ratification de la CRC aiderait aussi à préserver l'infrastructure nucléaire canadienne. Ce que je veux dire par là, c'est que des sommes importantes sont investies dans le but d'augmenter notre capacité d'être concurrentiels sur le marché mondial; le fait de desservir à la fois une industrie et un marché canadiens et internationaux plus vastes nous permet de faire ces investissements. Si nous devions nous fier uniquement au marché canadien, nous aurions de la difficulté à investir les sommes nécessaires à la croissance d'une entreprise.
Finalement, le dernier point que j'aimerais présenter, c'est que la ratification attirerait de nouveaux vendeurs au Canada et qu'elle permettrait de faire entrer de la nouvelle technologie. De nombreuses entreprises n'ont pas le droit de faire des affaires au Canada ou sont limitées dans ce qu'elles peuvent faire étant donné que nous n'avons pas ratifié la CRC. La ratification permettrait d'importer de la technologie au Canada, elle créerait de la concurrence, elle stimulerait l'innovation et elle permettrait aux services publics canadiens de diminuer leurs frais.
En résumé, nous sommes d'avis que le projet de loi devrait être adopté et qu'il devrait être compatible avec la CRC; nous croyons aussi qu'une fois le projet de loi C-20 adopté, il faudrait ratifier rapidement la CRC.
Merci, je serai heureux de répondre à vos questions à la fin.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je travaille pour Bruce Power, un exploitant d'établissement nucléaire privé situé dans le comté de Bruce, en Ontario. Nous exploitons six réacteurs CANDU et nous travaillons actuellement sur place à la remise en état de deux réacteurs. Les six réacteurs produisent environ 24 p. 100 de l'énergie de l'Ontario. Environ 3 800 personnes travaillent à temps plein sur les lieux, et quelque 3 000 autres participent au projet de remise en état; vous pouvez donc constater que nos installations offrent un nombre considérable de possibilités d'emploi. Nous continuons à représenter une partie importante des activités économiques de l'Ontario.
Nous avons fourni au comité, par l'entremise de la greffière, une lettre datée du 27 octobre 2009. Je ne m'y reporterai pas, monsieur le président, à part pour souligner quelques points, étant donné que vous avez eu le temps d'y jeter un coup d'oeil.
Je vais commencer par une des questions secondaires: l'offre d'assurance responsabilité. Je soulève la question parce qu'elle faisait partie du témoignage que j'ai présenté au comité à un autre titre en novembre 2007; à l'époque, nous examinions le projet de loi , projet de loi que votre comité — quoi qu'il était formé d'autres membres — était prêt à adopter. Si les élections n'avaient pas été provoquées, le projet de loi C-5 aurait probablement été adopté par le Sénat, pour être ensuite adopté de façon finale. Or, cela ne s'est pas produit, et c'est pourquoi nous sommes de retour ici aujourd'hui.
J'attire votre attention sur la question et je vous dis que très peu de progrès ont été faits relativement à l'offre d'assurance responsabilité, bien que nous continuions à travailler avec le ministère et à suivre des voies diverses pour trouver de la concurrence convenable en matière d'assurance responsabilité dans le but d'obtenir les meilleurs taux possible.
Le deuxième point sur lequel j'attire votre attention, c'est que, comme M. Lees, nous voulons une mesure législative qui soit compatible avec la Convention sur la réparation complémentaire. Nous avons exprimé ce fait de manière précise dans notre lettre. C'est une des questions pour lesquelles l'industrie se serait attendue à constater des progrès depuis notre comparution en 2007. Je pense qu'au bout du compte, il est évident que la plus grande partie de l'industrie accueillera tout progrès qu'on puisse faire à bras ouverts; or, certains d'entre nous considèrent qu'il est très important de profiter de l'occasion qui s'offre à nous de nous assurer que l'industrie a véritablement accès au marché international. Votre comité, je crois, a reconnu la nature de l'évolution de notre industrie dans le cadre de ses toutes dernières séances, au cours desquelles vous avez abordé les questions liées à l'avenir de l'industrie nucléaire du Canada. Évidemment, la compatibilité avec la Convention sur la réparation complémentaire élargirait la gamme de possibilités qui s'offrent à nous.
J'aimerais confirmer que Bruce Power appuie la limite prévue par la modification, de 650 millions de dollars; or, je le répète, étant donné l'augmentation du montant d'assurance et les frais associés aux primes d'assurance, nous cherchons de la concurrence pour nous aider à obtenir le meilleur prix possible.
Au fil de votre étude, si vous ne nous proposez pas d'amendements, je pense que c'est important que nous soyons mis au courant des possibilités qui s'offrent au gouvernement de rendre la mesure compatible avec la Convention sur la réparation complémentaire; de plus, je crois que nous devrions être appelés à collaborer avec le comité. Si vous voulez examiner le genre d'amendements qui, à notre avis, pourraient rendre la mesure législative compatible, nous sommes prêts à vous fournir des ressources et à travailler avec vous à la revue des amendements proposés dans notre lettre.
Je ne vais pas entrer dans les détails de ces amendements. Le tableau que vous avez devant vous en contient certains, mais je serais heureux, comme je viens de le dire, de revenir à Ottawa armé de ressources de l'entreprise au moment où vous procéderez à l'étude article par article, si vous décidez d'examiner plus attentivement le libellé des amendements. Si vous nous avertissez un peu à l'avance, nous pouvons comparaître devant vous au moment où vous aurez besoin de nous.
Cela dit, je serai heureux, moi aussi, de répondre à vos questions. J'aimerais simplement répéter que cela a eu lieu en novembre 2007, et que nous sommes maintenant en novembre 2009, c'est-à-dire deux ans plus tard. Par souci d'efficacité, nous préférerions ne pas avoir à revenir en novembre 2011 pour présenter un autre exposé. Je vous aime tous beaucoup et j'aime l'idée de parler au microphone encore une fois, mais ce serait bien que nous réussissions à venir à bout de la question d'un coup, plutôt que d'avoir à y revenir encore une fois.
Cependant, je vous remercie de votre attention, monsieur le vice-président.
Mais avant de commencer, je tiens à dire que nous avons au moins une chose en commun, car nous estimons nous aussi que ce projet de loi aurait dû être revu depuis longtemps.
Je n'ai pu m'empêcher de constater, en me documentant en prévision de la rencontre d'aujourd'hui, que dès 1984, mon organisme, l'Association canadienne du droit de l'environnement, a pris la parole pour s'exprimer sur la Loi sur la responsabilité nucléaire et y proposer certaines modifications. J'ai moi-même participé aux procédures liées à l'actuelle loi, de 1988 à 1995.
Je vous remercie d'avoir invité l'Association canadienne du droit de l'environnement à comparaître devant vous. Notre organisme est en quelque sorte une clinique juridique publique sans but lucratif. Il a été créé en 1970, et son mandat l'amène autant à puiser dans les lois actuelles pour mieux protéger l'environnement qu'à favoriser la réforme du droit.
Je tiens également à m'excuser si la version écrite de mon exposé n'a pas été prête à temps pour être traduite. J'en ai bien transmis une copie à la greffière, mais je comprends que, les règles du comité étant ce qu'elles sont, vous ne l'obtiendrez que plus tard.
Ce n'est par ailleurs pas impossible que nous vous soumettions une autre lettre expliquant plus en détail les amendements proposés, mais j'y reviendrai brièvement pendant mon exposé.
Essentiellement, nous avons trois propositions à faire à propos du projet de loi . Premièrement, nous recommandons que le projet de loi soit amendé de manière à ce que la limite de responsabilité soit supprimée, tout comme les dispositions sur la responsabilité à l'égard de tiers, deux sujets sur lesquels je reviendrai dans un instant. Deuxièmement, nous recommandons que le montant minimal de l'assurance et de l'assurance financière auxquelles doivent souscrire les exploitants soit modifié afin d'augmenter substantiellement les ressources disponibles bien au-delà de ce que prévoit le projet de loi et de pourvoir aux conséquences d'un accident grave ayant des répercussions sur l'environnement extérieur. Troisièmement, nous recommandons que le projet de loi soit modernisé et tienne désormais compte des principes de la durabilité environnementale.
Je reviendrai sur chacun de ces points dans l'ordre.
En ce qui concerne la première proposition, à savoir supprimer la limite de responsabilité et l'exemption accordée aux fournisseurs, sachez que de nombreux pays ont déjà emprunté cette voie, ou sont sur le point de le faire. Au départ, on avait argué que la production d'énergie nucléaire à des fins pacifiques serait impossible sans une telle limite, mais c'est un argument qui ne tient plus la route. L'énergie nucléaire, présente au Canada depuis plusieurs décennies, y est maintenant bien établie. Alors si l'Allemagne et le Japon ont pu supprimer la limite de responsabilité chez eux, le Canada devrait pouvoir faire de même.
Les pays qui ont supprimé toute limite à la responsabilité des exploitants cherchaient à harmoniser la production d'énergie nucléaire aux autres domaines d'activité industrielle et à montrer au monde que leur gouvernement avait entièrement confiance en leurs réacteurs.
Rappelons également que l'instauration d'une limite de responsabilité revient, dans les faits, à subventionner la forme d'énergie électrique qu'est le nucléaire. Aucune autre forme d'énergie électrique ne bénéficie d'un tel avantage. En fait, la subvention correspond aux sommes que les exploitants économisent en n'ayant pas à payer les primes qu'ils devraient normalement débourser pour s'assurer contre un éventuel accident nucléaire grave et aux coûts que représenterait un tel accident. Et qui assume les coûts qui dépassent ces sommes aujourd'hui même? Qui les assumerait si le projet de loi était adopté? Le public, dont les dommages ne seraient pas indemnisés, ni les réclamations honorées, au-delà du montant équivalent à la limite établie. À moins évidemment que le gouvernement ne décide d'intervenir, mais rien n'est moins sûr, puisque ce serait à son entière discrétion.
J'ajouterais que l'éventualité d'un accident grave au cours duquel des matériaux radioactifs pourraient échapper au confinement est un scénario tout à fait crédible qu'il faut prendre en considération à partir du moment où on envisage de recourir à ce type d'énergie et d'en encadrer la production par des règles. Lorsque vous le recevrez, vous pourrez voir dans mon mémoire qu'en 1992, la vérificatrice générale a déclaré dans son rapport que ce n'est pas parce que le programme nucléaire canadien n'a connu à peu près pas d'accidents nucléaires que ça ne peut pas arriver et qu'il ne faut pas tenir compte des conséquences d'un tel accident.
Dans le procès dont je parlais tout à l'heure, le demandeur a démontré que les dommages causés par un très grave accident pourraient aller de 375 millions à 30 milliards de dollars, en dollars de 1990. Même les représentants de l'industrie avaient alors estimé, d'après des études menées aux États-Unis, puisqu'aucune étude n'avait été réalisée en sol canadien, qu'un accident grave pourrait causer pour 10 milliards de dollars de dommages. Dans un cas comme dans l'autre, nous sommes loin de ce que propose le projet de loi .
Ce dernier propose notamment de couvrir certains types de dommages pouvant survenir lors du transport de combustible vers une centrale nucléaire ou à partir de celle-ci. Là aussi, la question a été soulevée dans un procès tenu il y a une dizaine d'années à propos de l'envoi d'un chargement de combustible MOX au réacteur de Chalk River, la preuve ayant alors cherché à savoir si les conteneurs auraient véritablement réussi à protéger la cargaison en cas d'accident grave, notamment d'accident aérien. Encore une fois, la limite de responsabilité risquerait de poser problème.
Pour ce qui est de la responsabilité des tiers, comme vous le savez sans doute déjà, la loi actuelle et le projet de loi prévoient tous deux que l'ensemble des autres membres de la chaîne d'approvisionnement seront protégés contre toute responsabilité. Cette mesure date de l'époque où des indemnités ont été versées aux fournisseurs par divers exploitants, comme Énergie atomique du Canada limitée et Ontario Hydro, parfois même avec le consentement du gouvernement fédéral. Elle a par la suite été remplacée par la Loi sur la responsabilité nucléaire.
Signalons tout d'abord que nulle part ailleurs dans l'industrie de la production d'électricité les autres membres de la chaîne d'approvisionnement sont ainsi protégés contre toute responsabilité. Or, comme l'industrie est aujourd'hui bien établie, ce type de protection n'a plus sa raison d'être.
J'aimerais maintenant aborder la question de l'augmentation des exigences minimales en matière d'assurance, laquelle pourrait prendre plusieurs formes, comme la création d'un pool d'exploitants, et se traduirait par une augmentation de la couverture disponible. Je disais justement tout à l'heure que la couverture requise pourrait être de loin supérieure au montant prévu dans le projet de loi à l'étude.
J'aimerais vous dire à ce sujet qu'aux États-Unis, comme vous le savez peut-être, la loi Price-Anderson prévoit un fonds commun d'assurance dont la fourchette peut varier, selon le taux de change et l'année, de 9 à 11 milliards de dollars pour un simple accident, l'argent provenant alors de fonds d'assurance combinés et communs, des cotisations de l'industrie et des suppléments de l'État. Même chose en Allemagne, au Japon et dans divers autres pays appliquant la Convention de Bruxelles: les fonds communs d'assurance et les suppléments fournis par l'État mettent des ressources bien plus grandes à la disposition de ceux qui pourraient souffrir d'un éventuel accident grave. En fait, les 650 millions proposés dans le projet de loi à l'étude ne s'approchent même pas de ce qui se fait juste au sud de la frontière.
Le troisième point de mon exposé porte sur la durabilité et sur la manière dont le projet de loi doit être modernisé de manière à en respecter les principes. Je ne m'étendrai pas trop longuement sur le sujet et me contenterai de vous citer la Déclaration de Rio, à laquelle le Canada a adhéré en 1992.
La Déclaration de Rio repose notamment sur le principe de l'équité intergénérationnelle. À notre avis, les dispositions du projet de loi à l'étude devraient respecter explicitement le principe 3 de la Déclaration de Rio. Quant au principe du pollueur-payeur, énoncé au principe 16, nous estimons que les autorités nationales devraient s'engager à favoriser l'internalisation des coûts environnementaux et l'utilisation d'instruments économiques en faisant sien le principe selon lequel c'est le pollueur qui devrait assumer les coûts de sa pollution. Bref, pour reprendre la terminologie du discours environnemental, il faut que les coûts associés à d'éventuels dommages soient internalisés et fassent partie intégrante de chaque activité. Nous croyons que le simple fait de supprimer la limite de responsabilité, d'augmenter les ressources disponibles et de supprimer la protection accordée aux fournisseurs tiers rapprocherait grandement le Canada du principe 16.
En terminant, nous estimons que le projet de loi à l'étude doit être amendé.
Je vous dirais à ce sujet que le projet de loi en question peut servir à atteindre plusieurs objectifs. Tout d'abord, s'il vise à rendre l'assurance obligatoire, nous croyons que cet objectif pourrait être atteint sans les exemptions et les limitations prévues en matière de responsabilité. S'il vise ensuite à créer une obligation spéciale ou une responsabilité absolue, nous croyons encore que cet objectif pourrait être atteint sans limite à la responsabilité des exploitants, comme ça se fait déjà ailleurs dans le monde. S'il vise à accélérer l'indemnisation, nous croyons que le projet de loi devrait alors prévoir la création d'un tribunal de revendications spéciales. Dans la même veine, s'il vise à fournir un certain niveau de protection aux fournisseurs, nous croyons que la signature de conventions d'indemnisation serait plus intéressante que la suppression pure et simple des droits des demandeurs ou des requérants.
S'il vise enfin à promouvoir l'énergie nucléaire, nous demandons au comité de reconnaître que le principe même d'une limite à la responsabilité totale d'un exploitant et la protection des fournisseurs tiers contre toute responsabilité font en sorte que la promotion de l'énergie nucléaire se fait aux dépens du public, qui doit alors assumer les coûts supplémentaires. À notre époque, rien ne justifie une telle mesure.
Je vous demanderais enfin d'envisager la modification de la Loi sur la responsabilité nucléaire comme l'occasion de déterminer le système d'indemnisation dont le Canada souhaite se doter en cas d'accident, et non comme le moyen parfait d'accélérer l'exploitation de centrales nucléaires.
Comme je le dis dans mon mémoire, j'estime que le système sur lequel le Canada doit pouvoir se reposer en cas d'accident doit aller au-delà de la protection législative traditionnelle dont a toujours joui l'industrie — et qui la met justement à l'abri des conséquences d'un tel accident — et doit au contraire prévoir que l'assurance minimale et les ressources communes qui serviront à aider les éventuelles victimes soient beaucoup plus élevées. Nous demandons que soient supprimées la limite de responsabilité et la protection des tiers. Nous proposons en revanche de retenir certains autres éléments, comme la responsabilité absolue, la prolongation du délai de prescription, le maintien de la compétence des tribunaux et la création d'un tribunal spécialisé, mais absolument rien ne justifie qu'on conserve la limite de responsabilité et la protection contre la responsabilité dont jouissent les fournisseurs tiers, car ils ne sont aucunement liés à ces éléments.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup de nous permettre de prendre la parole encore une fois.
Greenpeace publiait aujourd'hui même un rapport analysant les subventions que la loi à l'étude fournit à l'industrie nucléaire. J'espère que vous en avez reçu une copie par courriel. Quoi qu'il en soit, j'en remettrai une à la greffière. Il y a aussi un résumé de ce rapport en français.
Pour débuter, permettez-moi de mettre deux éléments en contraste. Cette année seulement, le gouvernement fédéral a versé 650 millions de dollars en subventions à Énergie atomique du Canada limitée pour que l'organisation puisse dépolluer ses déchets, concevoir son générateur de prochaine génération, assumer les dépassements de coûts de ses projets et payer ses factures courantes d'électricité. Vous conviendrez avec moi que c'est intéressant de comparer le montant qu'a ainsi reçu EACL en 2009 avec le montant que la loi à l'étude propose comme limite de responsabilité.
Je crois que ce raisonnement soulève certaines questions on ne peut plus raisonnables sur la capacité qu'aurait le projet de loi de protéger efficacement les Canadiens contre un éventuel accident, tant sur le plan environnemental que financier. Force est également de constater que l'industrie nucléaire n'a pas les moyens d'assurer sa propre existence. Ce qui me ramène au point que je soulevais ici-même il y a trois semaines, selon lequel l'industrie nucléaire, même si elle a reçu des milliards de dollars en subventions directes et indirectes au cours des 50 dernières années, n'a pas réussi à innover, ni à abaisser ses coûts, ni à concevoir des réacteurs vraiment sécuritaires.
La protection spéciale dont jouit l'industrie nucléaire et les fondements de l'actuel régime de responsabilité datent en fait des années 1950, alors que les fournisseurs de produits nucléaires des États-Unis craignaient d'être poursuivis pour les dommages catastrophiques qui seraient causés si un accident survenait dans l'un de leurs réacteurs. La situation devait n'être que temporaire, mais elle perdure encore aujourd'hui.
Je dois cependant dire à sa décharge que le gouvernement au pouvoir, comme ceux qui l'ont précédé, a entrepris de moderniser l'industrie nucléaire en privatisant Énergie atomique du Canada limitée, ce qui a permis de transférer les coûts du contribuable à l'industrie. Greenpeace est convaincue que c'est une bonne chose, pour les contribuables, pour l'environnement et pour le propre bien de l'industrie nucléaire, que le gouvernement force cette dernière à se prendre en main, comme le devrait toute bonne industrie établie depuis déjà 50 ans.
Dans sa forme actuelle, la Loi concernant la responsabilité civile et l'indemnisation des dommages en cas d'accident nucléaire n'a rien de moderne. Elle repose encore sur les mêmes prémisses législatives que dans les années 1950 et accorde encore la priorité à l'industrie, au détriment des citoyens et de l'environnement. Greenpeace exhorte donc les membres du comité, et du Parlement minoritaire en général, à travailler dans un esprit de collaboration, à moderniser le projet de loi à l'étude et, comme l'a fait le gouvernement lorsqu'il a privatisé EACL, à forcer l'industrie à gagner en maturité. En agissant de la sorte, ce sont autant les contribuables que les éventuelles victimes d'un aussi éventuel accident nucléaire et la sécurité nucléaire elle-même qui y gagneraient, sans compter que le Canada pourrait du coup tenir une partie de ses engagements et se tourner vers une économie de plus en plus durable.
Voici maintenant un bref résumé de nos préoccupations:
À cause de la limite de responsabilité, les victimes canadiennes d'un éventuel accident nucléaire seraient moins bien indemnisées par l'industrie que celles des autres pays occidentaux. La limité prévue dans la Convention de Paris dépasse le milliard de dollars canadiens. C'est vers là que se dirigent aussi le Japon et la Suède, alors que, comme nous le disait Theresa, d'autres pays, dont l'Allemagne, ont carrément supprimé toute limite à la responsabilité des exploitants.
Car il ne faut pas oublier que cette limite constitue en fait une forme de subvention à l'énergie nucléaire. Dans le rapport que nous avons publié aujourd'hui, nous avons calculé que cette subvention se situait quelque part entre 5,4 ¢ et 11 ¢ le kilowattheure. C'est énorme. Si on applique ces chiffres à l'électricité produite par les réacteurs du Canada en 2007, cela revient à dire que la Loi concernant la responsabilité civile et l'indemnisation des dommages en cas d'accident nucléaire a versé une subvention cachée variant de 4,8 à 9,7 milliards de dollars. Comment voulez-vous que les technologies énergétiques vertes puissent se développer dans un milieu aussi injuste? Et quel message cela envoie-t-il sur l'engagement du Canada en matière de durabilité et d'application du principe de pollueur-payeur?
La limite de 650 millions de dollars fait également en sorte que la décontamination en cas d'accident nucléaire passe des mains de l'industrie à celles du gouvernement fédéral. C'est comme pour les responsabilités non comptabilisées qui ont été récemment associées aux dépassements de coûts de la centrale nucléaire de Pointe Lepreau: là aussi, les risques étaient censés n'être que théoriques. Pourtant, voilà qu'en 2009, les contribuables fédéraux se retrouvent avec une facture imprévue de 300 millions de dollars. Cela place un poids énorme sur les épaules des contribuables. Et malheureusement, à notre connaissance, le gouvernement fédéral n'a mené aucune étude permettant de dire exactement à combien se chiffre ce fardeau et n'a pris aucune mesure pour le réduire ou l'éliminer.
Selon les études réalisées par l'industrie, les seules conséquences sanitaires d'un éventuel accident catastrophique à la centrale de Pickering B s'élèveraient à 52 milliards de dollars. C'est plutôt élevé, comme responsabilité non comptabilisée, et vous conviendrez avec moi que, d'un point de vue strictement comptable, c'est loin d'être responsable.
Notre engagement à long terme à l'égard du principe du pollueur-payeur exige, à tout le moins, que nous mettions en place des mécanismes pour faire le suivi de cette responsabilité et que nous la réduisions et l'éliminions, c'est-à-dire que la responsabilité des risques nucléaires n'incombe plus au contribuable mais bien à l'industrie. Je demanderais au comité d'envisager des façons de réviser le projet de loi pour ce faire.
Greenpeace remet également en question le bien-fondé des études fédérales sur les risques utilisées à l'appui du plafond de 650 millions de dollars au titre de la responsabilité pour des présumés accidents nucléaires prévisibles. Greenpeace voudrait faire remarquer que les études sur les risques nucléaires sont de plus en plus tenues à l'écart du public, ce qui soulève des questions de transparence. Aux termes de la Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire que l'on propose d'instaurer, les risques sont publics, et nous méritons de pouvoir faire l'examen minutieux et l'évaluation des risques qui nous sont imposés.
D'autres études réalisées par l'industrie contredisent le plafond de 650 millions de dollars. Par exemple, si l'on fait les calculs, un accident nucléaire prévisible à la centrale nucléaire Pickering B coûterait plus d'un milliard de dollars, ce qui est non conforme aux propres critères du gouvernement pour fixer le plafond.
Finalement, la mesure législative proposée ne tient vraiment pas compte des engagements actuels et des obligations juridiques à l'égard du développement durable et du principe pollueur-payeur. En effet, la Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire bafoue ce principe et exige des Canadiens qu'ils paient, potentiellement, pour la pollution industrielle.
Essentiellement, nombre de mes préoccupations au sujet de la transparence et des risques financiers et environnementaux imposés au public seraient apaisées si cette mesure législative était modifiée pour reconnaître et mettre en oeuvre les objectifs du Canada en matière de développement durable. Sur ce point, je me demande pourquoi cette mesure législative a fait fi de l'engagement du Canada à l'égard du développement durable.
Il y a tout juste deux semaines, la ministre Raitt a dit au comité que le projet de loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire:
...est l'aboutissement de nombreuses années de consultations qui ont donné lieu à des discussions approfondies avec les principaux intervenants, notamment les services publics d'énergie nucléaire, les gouvernements des provinces productrices d'énergie nucléaire et la Nuclear Insurance Association of Canada — et il jouit d'un appui très large.
C'est-à-dire l'appui de l'industrie. Elle omet de mentionner des consultations auprès du public canadien ou, par exemple, des administrations municipales pour lesquelles un accident nucléaire aurait des conséquences néfastes.
Greenpeace a obtenu, par le truchement de l'accès à l'information, une note d'information de Ressources naturelles qui remonte à 2004 dans laquelle on reconnaît expressément qu'on a évité de tenir des consultations auprès des intervenants non industriels pendant l'élaboration de ce projet de loi. Le document énonce, et je cite:
La question de la consultation des groupes non industriels se pose. Les municipalités, les groupes environnementaux et le public n'ont pas été consultés.
Dans le même document, on peut également lire:
Les consultations menées auprès de ces groupes susciteraient pas mal d'attention.
Comme il le fait avec la plupart des études liées à l'industrie nucléaire, le gouvernement s'est gardé de tenir de vastes consultations publiques pour éviter, j'ajouterais, des critiques justifiées et un examen minutieux de cette mesure législative.
M. Elston a indiqué que cette loi a été reportée un certain nombre de fois parce que le Parlement a été prorogé. Je ferais également remarquer que, dans d'autres documents obtenus par l'intermédiaire de l'accès à l'information de 2004, l'industrie nucléaire a conseillé à l'industrie de ne pas présenter ce projet de loi à ce moment-là. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais cela ne semblait pas utile sur le plan politique. Alors nous devrions pouvoir prendre un peu de recul dans ce dossier.
Somme toute, cela a donné lieu à un projet de loi qui accorde la priorité aux intérêts de l'industrie, floue les Canadiens et fait fi des obligations juridiques actuelles du gouvernement fédéral à l'égard du développement durable. J'invite donc le comité à collaborer pour créer une meilleure mesure législative dans l'intérêt du public et pas seulement de l'industrie.
Greenpeace recommande très fortement que les mesures suivantes soient prises: rehausser le plafond de l'assurance à au moins 700 millions d'euros, ou environ un milliard de dollars canadiens, c'est-à-dire la norme pour l'industrie des pays occidentaux; de plus, éliminer le plafond de la responsabilité et rejeter la responsabilité des risques sur l'industrie — des pays comme l'Allemagne l'ont fait, et la Suède a reçu, il y a trois semaines, un rapport lui recommandant de suivre cet exemple — et reconnaître les engagements du Canada à l'égard du développement durable et du principe pollueur-payeur dans les objectifs de la loi. Ces facteurs devraient primer au cours des futures révisions de la loi, comme l'examen quinquennal sur le plafond au titre de la responsabilité.
Les examens quinquennaux futurs devront se pencher sur le manque de transparence publique que nous avons observé avec la loi actuelle; c'est-à-dire qu'ils ne devraient pas seulement être menés à la discrétion du ministre, comme il en est maintenant question dans la loi.
Pareils examens doivent clairement étudier et indiquer la mesure dans laquelle la Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire distord les marchés de l'électricité en subventionnant les exploitants de centrale nucléaire, et les examens futurs devraient s'attacher au principe pollueur-payeur.
Finalement, des collègues nous ont parlé aujourd'hui de la Convention sur la réparation complémentaire. Nous devrions probablement avoir une discussion plus vaste à ce sujet.
Ce que je crois comprendre de cette convention est qu'elle pourrait faire en sorte que le Canada doive assumer les coûts d'accidents à l'étranger, alors si un accident survient dans un autre État membre de la convention, il est possible que les contribuables canadiens aient aussi à en assumer les coûts. Étant donné que ce serait une responsabilité canadienne, nous devrions probablement tenir une discussion plus vaste à ce sujet.
Ceci met fin à ma déclaration.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis ravi d'être des vôtres aujourd'hui pour discuter du rôle de la Commission canadienne de sûreté nucléaire par rapport au projet de loi .
[Français]
Comme vous le savez, la CCSN est l'organisme de réglementation nucléaire du Canada. La réglementation de ce secteur relève exclusivement du gouvernement fédéral. Nous réglementons toutes les activités nucléaires au pays, y compris celles des installations visées par le projet de loi.
[Traduction]
Le mandat de la CCSN est très clair. Nous réglementons l'utilisation de l'énergie et des matières nucléaires afin de préserver la sûreté, la santé et la sécurité des Canadiens, de protéger l'environnement et de respecter les engagements internationaux du Canada à l'égard de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Essentiellement, la CCSN travaille tous les jours à assurer la sûreté dans le secteur nucléaire du Canada. Chaque mesure d'autorisation, chaque inspection, chaque vérification, chaque activité de conformité vise à atténuer les risques et à réduire au minimum la probabilité des incidents qui pourraient entraîner des demandes d'indemnisation aux termes du projet de loi. Notre travail, et celui des exploitants d'installations nucléaires, consiste à veiller à ce que personne n'ait à invoquer cette loi et qu'aucune demande ne soit présentée. Toutefois, nous reconnaissons la nécessité d'une assurance, et c'est pourquoi la CCSN est très favorable à ce projet de loi.
Comme la ministre l'a mentionné à l'ouverture de la séance d'examen du Comité sur le , le cadre de réglementation nucléaire du Canada s'inscrit dans les trois lois fédérales suivantes: la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, à l'origine de la CCSN; la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, à l'origine de la Société de gestion des déchets nucléaires; et la Loi sur la responsabilité nucléaire, qui deviendra la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire si le projet de loi C-20 est adopté.
Le gouvernement du Canada a récemment accueilli des représentants de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) venus réaliser un contrôle par des pairs de notre cadre de réglementation nucléaire. Dans son rapport, dont la publication est prévue prochainement, on félicite le Canada d'avoir maintenu un cadre de réglementation moderne fondé sur une culture de sûreté. Le bilan du Canada en matière de sûreté et de fiabilité est impressionnant et reconnu partout dans le monde. Nous exerçons une surveillance conformément à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, qui est entrée en vigueur en 2000.
[Français]
C'est une loi moderne qui établit des exigences de sûreté générales et un cadre d'autorisation et de conformité rigoureux que la CCSN gère quotidiennement.
[Traduction]
Ce cadre nous permet de nous assurer que le secteur nucléaire est sûr et sécuritaire, et que l'environnement et la santé des Canadiens sont protégés.
La CCSN supervise environ 3 300 permis délivrés à 2 100 titulaires. L'an dernier, nous avons affecté 800 employés, y compris 115 inspecteurs, à la réalisation d'au moins 2 000 inspections pour veiller au respect de la conformité. Notre cadre est conçu pour atténuer les risques pour la santé et la sécurité. Nos titulaires de permis doivent avoir en place une culture de sûreté solide et exploiter leurs installations en toute sûreté, sinon nous ne leur délivrerions pas de permis. Nous examinons attentivement ce qui pourrait aller de travers aux installations et exigeons que les titulaires de permis aient en place de multiples obstacles, tant sur le plan physique que sur le plan des procédures, pour limiter les risques d'incidents graves. Grâce à la surveillance exercée par notre personnel des sites, notre programme de conformité continue nous permet ensuite de nous assurer que tous les protocoles de sûreté demeurent efficaces et en place. La CCSN pousse les titulaires de permis à améliorer continuellement leur rendement en matière de sûreté à mesure que de nouveaux renseignements et de nouvelles technologies font leur apparition sur le marché.
J'aimerais aussi souligner l'importance de la transparence pour préserver la confiance dans nos activités. La CCSN tient des audiences lorsqu'elle doit renouveler les permis des grandes installations. En fait, les trois dernières audiences de la commission ont eu lieu à l'extérieur de nos bureaux, en Saskatchewan: dans le comté de Bruce le mois dernier et à Port Hope en août.
[Français]
Ces audiences sont publiques et diffusées sur le Web. J'espère que vous avez eu la chance d'en regarder une à partir de notre site Web.
[Traduction]
Revenons à notre sujet d'aujourd'hui et au projet de loi .
Le rôle de la CCSN concernant la responsabilité en matière nucléaire est clarifié aux termes de ce projet de loi. En vertu de la Loi sur la responsabilité nucléaire qui est en vigueur depuis 1976, la CCSN et sa prédécesseure, la CCEA, sont à la fois responsable de l'administration de la loi et de la désignation des installations.
En passant, je suis heureux de vous faire remarquer, monsieur le président, que pendant mon mandat à titre d'administrateur de la Loi sur la responsabilité nucléaire, aucune réclamation n'a été présentée en vertu de cette loi. Nous espérons que l'avenir nous réservera un bilan semblable.
La CCSN appuie cette nouvelle mesure législative et notre nouveau rôle plus restreint. Nous ne donnerions plus de désignation aux installations et ne détiendrions plus le pouvoir administratif concernant la législation. Selon le projet de loi, le rôle principal de la CCSN serait d'appuyer la ministre des Ressources naturelles et de lui fournir des conseils techniques concernant la désignation de sites. Étant donné que nous accordons des permis à toutes les installations nucléaires au Canada, la CCSN est la mieux placée pour savoir lesquelles sont autorisées à posséder des matières fissiles, une condition préalable pour l'assurance de responsabilité nucléaire. Il y a actuellement 19 sites désignés, et nous continuerons d'offrir des conseils au gouvernement quant à leur désignation aux termes de la nouvelle loi.
En conclusion, monsieur le président, nous réglementons les installations nucléaires au Canada depuis plus de 63 ans. Notre rendement en matière de sûreté est excellent. Le Canada se doit de continuer à faire preuve d'un leadership responsable dans son propre secteur nucléaire et à l'intérieur de son cadre réglementaire. La modernisation du régime de responsabilité nucléaire constitue un pas vers l'amélioration et la clarté, qui sont des éléments essentiels de notre approche visant à préserver la sûreté pour les Canadiens.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné la chance de discuter de sûreté nucléaire dans le cadre de l'étude de ce projet de loi.
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président.
Il me fait très plaisir d'être ici aujourd'hui afin de vous expliquer pourquoi ce projet de loi importe autant à GE.
Nous avons déjà présenté un exposé par écrit au comité, mais par souci de brièveté, je vais simplement souligner les faits saillants et ensuite, vous pourrez me poser des questions.
Comme bon nombre d'entre vous le savent, je pense, GE est une très grande entreprise mondiale, hautement diversifiée, qui emploie plus de 300 000 personnes et dont les revenus à l'échelle mondiale s'élèvent à 180 milliards de dollars par année.
Elle fabrique une vaste gamme de produits qui vont des ampoules électriques aux moteurs d'aéronef, et des éoliennes aux réacteurs nucléaires sur le plan énergétique.
Aux États-Unis, GE a développé sa technologie nucléaire et, en collaboration avec la société japonaise Hitachi, elle construit maintenant des réacteurs nucléaires en divers endroits dans le monde.
Parlons maintenant du Canada. Au Canada, GE fait partie intégrante de l'industrie nucléaire. En 1955, nous avons fait équipe avec EACL et Ontario Hydro pour construire le premier réacteur commercial au Canada, à Rolphton, en Ontario, et, depuis, nous avons contribué à offrir des services à l'industrie. À l'heure actuelle, nous fournissons la majeure partie du carburant dont les réacteurs CANDU canadiens ont besoin, en plus d'offrir des services d'inspection et d'entretien, de concevoir du matériel robotisé pour procéder aux inspections et à l'entretien, et d'assurer l'entretien du parc de matériel existant.
Il ne fait aucun doute que nous pourrions exercer beaucoup plus d'activités que nous en exerçons aujourd'hui, si ce n'est que le régime de responsabilité nucléaire inadéquat du Canada nous en empêche. En ce moment, nous sommes incapables de tirer parti des ressources de notre société mère et, par conséquent, nous privons nos clients de la technologie, des compétences et des ressources que nous avons développées au fil des ans.
Je vais vous donner un exemple qui vous permettra de comprendre pourquoi la législation actuelle représente un tel obstacle. Compte tenu des lois actuellement en vigueur dans les deux pays, si un incident nucléaire survenait au Canada, un demandeur américain pourrait présenter sa cause devant un tribunal américain. Le tribunal pourrait juger que le plafond de 75 millions de dollars ne constitue pas une indemnisation adéquate et décider d'entendre la cause aux États-Unis. Dans ces circonstances, tous les actifs de la société Générale électrique seraient alors vulnérables à l'allégation. C'est un risque que les actionnaires de la société ne sont pas prêts à prendre, et c'est le cas de nombreuses autres entreprises du secteur privé. Il se peut que d'autres organisations, appartenant peut-être au secteur public, aient un profil de risque différent, mais, en tout cas, c'est un risque que les actionnaires des entreprises du secteur privé ne sont pas prêts à accepter.
Si nous examinons maintenant le projet de loi , nous constatons qu'il constitue une étape très importante dans la résolution du problème de responsabilité au Canada. Premièrement, il garantit la transmission de la responsabilité à l'exploitant de l'installation nucléaire, plutôt que de confier cette décision à la discrétion de divers tribunaux. Deuxièmement, l'augmentation de la limite de responsabilité, qui passe de 75 millions à 650 millions de dollars, est vraiment un pas dans la bonne direction, et elle cadre manifestement avec la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires de l'AIEA. En apportant quelques modifications mineures au projet de loi, le Canada serait en mesure de ratifier ensuite la convention, ce qui réglerait les deux problèmes qui nous empêchent de travailler pleinement au Canada.
Quelqu'un pourrait dire: « Qu'en est-il des entreprises canadiennes? » Si le Canada signait la Convention sur la réparation complémentaire — et j'aimerais mentionner que le gouvernement américain l'a déjà ratifiée —, cela créerait un cadre juridique mondial pour l'industrie nucléaire, lequel protégerait ensuite les entreprises canadiennes lorsqu'elles entreprendraient d'exporter leurs produits et services partout dans le monde.
Je demanderais au comité de bien vouloir faire avancer le projet de loi, en particulier les légères modifications techniques qui doivent être apportées pour qu'il soit conforme à la réparation complémentaire de la convention qui, comme je l'ai mentionné plus tôt, devrait être ratifiée aussitôt que possible.
J'aimerais vous remercier tous de m'avoir écouté, et je serais heureux de répondre à n'importe laquelle de vos questions.
Merci.
Je m'appelle Gordon Thompson. Je suis le directeur administratif de l'Institute for Resource and Security Studies qui est établi à Cambridge, au Massachusetts. Je suis également professeur de recherche à la Clark University, au Massachusetts.
Je travaille depuis environ 30 ans dans le domaine de la sécurité et de la sûreté nucléaires. Certains des projets auxquels j'ai participé se sont déroulés au Canada. Par exemple, en 1987, j'ai participé à l'examen de la sûreté nucléaire en Ontario et, en 2000, j'ai travaillé pour le Comité sénatorial de l'énergie et de l'environnement. J'ai rédigé un rapport à l'intention de Greenpeace Canada qui évalue la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire. Je présume que Greenpeace vous fournira le rapport. Il expose mon point de vue et n'est nullement dicté par le client, en l'occurrence Greenpeace.
Le rapport aborde une gamme de questions. J'aimerais maintenant mettre l'accent sur une question technique qui, à mon avis, importera au comité. Cette question concerne la probabilité et l'ampleur d'un échappement de substances radioactives dans l'environnement. J'estime que le comité — et par son intermédiaire, le Parlement canadien — n'a pas été adéquatement informé des risques qu'une grande quantité de substances radioactives s'échappent des centrales.
M. Hénault, qui est ici aujourd'hui, a déclaré au cours d'une conférence tenue à Toronto, en octobre, que la limite de responsabilité a été établie à 650 millions de dollars en partie parce que ce montant remédie à ce qu'il appelle des « accidents prévisibles », plutôt que des accidents catastrophiques dans le genre de celui qui s'est produit à Tchernobyl. M. Hénault fait allusion à ce que l'industrie appelle un accident de dimensionnement, c'est-à-dire un accident que la centrale nucléaire est conçue pour contenir. C'est ce à quoi il fait allusion lorsqu'il qualifie un accident de prévisible.
Nous savons qu’en 1986, un échappement très important a eu lieu à la centrale nucléaire de Tchernobyl. C’était manifestement un événement qui dépassait l’accident de dimensionnement. Tout le monde sait également qu’en 1979, un événement s’est produit à la centrale nucléaire de Three Mile Island, en Pennsylvanie, qui dépassait aussi l’accident de dimensionnement. Mais cet événement n’a pas entraîné l’échappement d’une grande quantité de substances radioactives. Toutefois — et ce fait n’est pas aussi connu qu’il devrait l’être à mon avis —, si certaines autres centrales nucléaires américaines, en service à l’époque, avaient connu la même séquence d’évènements, cela aurait provoqué l’échappement d’une grande quantité de substances radioactives. De plus, si l’accident de Three Mile Island avait continué de progresser dans la direction qu’il suivait, il aurait pu se solder par un échappement important.
Le fait que ces évènements se soient produits dans le passé semble indiquer que de tels évènements sont à prévoir dans l’avenir. En fait, de nombreuses analyses techniques prouvent que ces deux évènements ne sont pas des aberrations. Il existe des exemples d’accidents de dimensionnement, et des accidents de ce genre pourraient survenir dans n’importe quelle centrale nucléaire du monde.
L’analyse technique qui traite de ce champ d’activité est connue sous le nom d’étude probabiliste de la sûreté, EPS, ou parfois, d’évaluation probabiliste de la sûreté. L’industrie nucléaire canadienne, la Commission canadienne de sûreté nucléaire et sa prédécesseure, la Commission de contrôle de l'énergie atomique, connaissent le domaine de l’évaluation probabiliste de la sûreté et ont mené des études de ce genre.
J’ai le regret de dire que la qualité et l’exhaustivité de ces études n’atteignent pas le niveau que la commission américaine de réglementation nucléaire a établi pour ce champ d’activité lorsqu’elle a publié l’étude NUREG-1150 en 1990. Cette étude est un point de repère qui permet de juger de la qualité et de l’exhaustivité des études techniques portant sur les risques d’accidents graves dans les centrales nucléaires.
Parlons maintenant des répercussions que ce champ d’études et les deux événements historiques que j’ai mentionnés ont sur la Loi sur la responsabilité et l’indemnisation en matière nucléaire, et plus précisément sur la limite de responsabilité de 650 millions de dollars.
D’abord, des études menées par l’industrie nucléaire canadienne montrent qu’il y a des risques que le public soit exposé à des radiations. Si l’on estime la valeur monétaire de ces risques au taux que l’industrie nucléaire utilise pour prendre des décisions en matière de sécurité professionnelle, l’on constate que les coûts de soins de santé pourraient s’élever à plus de 50 milliards de dollars — un montant de loin supérieur à 650 millions de dollars.
Il y a aussi l’exemple de Recherche et développement pour la défense Canada qui a estimé les coûts de nettoyage qu’occasionnerait l’explosion d’une bombe sale à la Tour CN, à Toronto. Selon les normes de nettoyage utilisées dans le cadre de cette analyse, les coûts pourraient atteindre 250 milliards de dollars. La quantité de matière radioactive que supposait cette étude représente un deux millième de la quantité des mêmes isotopes radioactifs qui se trouvent dans le coeur du réacteur d’une des centrales nucléaires CANDU.
L’industrie nucléaire canadienne soutient que la probabilité d’un accident de ce genre à une centrale nucléaire est extrêmement faible. Je conteste cette conclusion. Mais cette polémique est de nature technique, et en débattre aujourd’hui devant le comité serait certainement inapproprié. Cependant, il est important de noter que, grâce aux renseignements dont nous disposons, nous connaissons les primes qu’exigent les assureurs pour offrir une couverture aux centrales nucléaires. Ces assureurs se basent sur des probabilités d’échappement qui dépassent de loin celles que l’industrie nucléaire canadienne reconnaît. Compte tenu de ce seul fait, je suggérerais au comité de faire preuve de beaucoup de scepticisme lorsque l’industrie prétend que les risques d’accident sont très faibles.
En conclusion, je dirais qu’avant de promulguer cette mesure législative, le comité et, bien entendu, le Parlement devraient demander au gouvernement canadien de présenter une analyse plus détaillée, exhaustive et transparente des risques qu’une grande quantité de substances radioactives s’échappent des centrales et des coûts associés à de tels échappements.
Merci.