RNNR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des ressources naturelles
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 28 octobre 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous.
Comme vous le savez, nous sommes ici aujourd'hui pour poursuivre l'étude de l'état de l'industrie nucléaire au Canada et à l'étranger. Nous avons avec nous cinq témoins que nous allons entendre dans l'ordre établi par l'ordre du jour.
Nous devrons probablement ajourner la réunion vers 17 h 15 parce qu'il y aura une sonnerie d'appel pour un vote à 17 h 30 et comme nous sommes un peu plus loin de la Chambre aujourd'hui, il nous faudra probablement environ 15 minutes pour nous y rendre. J'ai quelques annonces à faire à la fin de la réunion; nous devrons donc terminer les questions vers 17 h 10.
Commençons tout de suite. Nous accueillons aujourd'hui Gerald Grandey, président et chef de la direction de la Cameco Corporation.
Vous avez 10 minutes pour présenter votre exposé. J'ai hâte de vous entendre. Allez-y s'il vous plaît.
Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour.
Comme vous l'avez déjà dit, je m'appelle Gerry Grandey. Je suis président et chef de la direction de Cameco Corporation. Je suis heureux d'avoir la chance de m'adresser à vous aujourd'hui.
Comme vous êtes probablement au courant, Cameco est une entreprise d'énergie nucléaire basée dans ma ville de Saskatoon, en Saskatchewan. De là, nous exploitons 11 sites de production dans 3 pays. Nous possédons des propriétés d'exploitation et nous avons des clients partout sur la planète. Tout cela fait de Cameco l'un des plus grands fournisseurs de combustible d'uranium du monde.
Nos activités au Canada sont dans le bassin Athabasca au nord de la Saskatchewan. Cela comprend la mine de la rivière McArthur, l'usine de traitement de Key Lake ainsi que l'usine de traitement de Rabbit Lake qui est en opération depuis plus de 30 ans. Nous exploitons également le projet de Cigar Lake qui est en développement et qui sera le plus grand gisement d'uranium à teneur élevée au monde.
Nous fournissons des services aux opérateurs de CANDU au Canada, en Corée et en Argentine. Pour cela, nous avons une installation de raffinage à Blind River, en Ontario, ainsi que des installations de conversion et de fabrication de combustible à Port Hope.
Finalement, grâce à notre partenariat avec Bruce Power, nous participons à la production d'électricité nucléaire.
Seul un petit nombre d'entreprises peuvent se targuer d'être des entreprises d'énergie nucléaire. Cameco est l'une d'entre elles.
Nous sommes également un des plus grands employeurs de membres des premières nations au Canada. Les Autochtones et les Métis composent plus de 50 p. 100 de nos effectifs dans nos installations du Nord de la Saskatchewan. Effectivement, une étude récente menée par l'Université de la Saskatchewan a indiqué que Cameco emploie, de manière directe ou indirecte, 1 Autochtone sur 20 dans la province.
Qui plus est, au cours des deux dernières années, Cameco a créé 1 000 nouveaux emplois au Canada, et nous prévoyons faire de même au cours des deux à trois prochaines années.
L'étendue de notre influence ne s'arrête pas à l'emploi. L'année dernière, 70 p. 100 de l'approvisionnement de services de nos mines en Saskatchewan provenait d'entreprises détenues par des peuples des premières nations, entreprises que nous avons aidé à créer au cours des 20 dernières années.
Laissez-moi vous parler un peu des avantages encore plus vastes que génèrent nos activités.
Je fais partie de cette industrie depuis plus de 30 ans. Je crois qu'aujourd'hui plus que jamais, il est stimulant de faire partie de l'industrie nucléaire. Partout sur la planète, les besoins en énergie propre et fiable augmentent. En même temps, la reconnaissance de la sûreté et des bienfaits en matière d'environnement de l'énergie nucléaire se répand rapidement.
Nous savons que l'électricité nucléaire n'émet aucun gaz à effet de serre, et que ses coûts opérationnels sont faibles. Elle sera encore plus attrayante lorsque les coûts liés à la capture de carbone seront reconnus. C'est une question que je vais attaquer de front lors de la prochaine série de négociations de Copenhague, mais il est question de beaucoup plus que de changement climatique.
Dans une étude publiée la semaine dernière par le U.S. National Research Council, les coûts cachés en matière de santé et d'environnement attribués à la production énergétique et à la consommation de combustibles fossiles aux États-Unis se sont élevés à 120 milliards de dollars en 2005. Cette étude réaffirme que les coûts externes attribués au cycle de vie nucléaire sont négligeables.
Le Canada a toujours joué un rôle très important sur la scène nucléaire internationale, notamment en ce qui a trait à l'accord majeur sur le démantèlement des armes nucléaires auquel Cameco participe avec les Russes. Jusqu'à aujourd'hui, 15 000 armes ont été démantelées grâce à ce partenariat. Copenhague offrira au Canada la chance de diriger l'utilisation de l'énergie nucléaire pour contrer les changements climatiques.
Bien sûr, l'énergie nucléaire ne peut, à elle seule, résoudre tous les problèmes liés aux changements climatiques. Cependant, presque toutes les analyses générales faites par des organismes indépendants démontrent que l'énergie nucléaire doit faire partie de l'ensemble des solutions et qu'une importante augmentation de la capacité de production nucléaire d'ici les 30 à 50 prochaines années est essentielle.
Nous avons aujourd'hui des exemples concrets qui démontrent cette recrudescence. En Chine, plus de 20 réacteurs sont maintenant en construction. Les États-Unis ont ouvert la voie en commençant la construction d'un des deux réacteurs qui seront construits dans ce pays, les premiers depuis les trois dernières décennies.
L'Inde augmente sa capacité nucléaire avec six réacteurs qui sont présentement en construction et une douzaine d'autres prévus. À Taïwan, en Russie, en Corée du Sud et au Japon, d'autres réacteurs sont également en construction. L'Europe s'est également ralliée avec de nouveaux réacteurs qui doivent être terminés en Finlande et en France. Le gouvernement britannique ainsi que l'industrie nucléaire vont de l'avant avec la construction de 5 à 10 réacteurs au cours des 15 prochaines années.
De l'avis de Cameco, une grande provision de combustible d'uranium sera manifestement nécessaire pour faire fonctionner cette nouvelle batterie de réacteurs. Ce sont de bonnes nouvelles pour le Canada, un pays qui a la chance d'avoir des ressources abondantes d'uranium. Toute cette activité multiplie les possibilités, mais le Canada doit tout faire pour rester un chef mondial. Cela veut dire avoir un gouvernement qui appuie ces initiatives et un système de réglementation qui est stable et efficace, tout en maintenant intactes et primordiales la sécurité et la viabilité.
La relation que nous entretenons avec notre organisme de réglementation, la CCSN, est très fructueuse et positive. C'est une relation constante dans nos vies qui sert à rassurer le public quant au dossier remarquable de notre industrie en matière de sûreté et d'environnement.
Cela dit, nous vous demandons, la branche législative du gouvernement, de veiller à ce que la CCSN soit bien outillée pour faire son travail de manière rapide. Bien que la CCSN reconnaisse les impératifs opérationnels auxquels nous devons faire face dans un monde très compétitif, rationaliser le processus réglementaire est essentiel. Bien franchement, plus les projets sont approuvés rapidement, plus rapidement nous pouvons mettre les gens à l'oeuvre et ainsi contribuer à la santé financière du Canada.
Je vous assure qu'en défendant cette idée, nous n'abandonnons pas les impératifs de sécurité ni ne suggérons de modifications dans ce domaine. Bien au contraire, si une entreprise comme la nôtre satisfait aux besoins d'un monde en manque d'énergie, il est nécessaire d'avoir en place un cadre réglementaire de plus en plus efficace qui répond aux rigueurs de la concurrence.
Alors que le Canada pouvait se vanter pendant plusieurs années d'être le chef mondial en production d'uranium, nous sommes malheureusement sur le point d'être dépassés par le Kazakhstan. Les autres pays se rapprochent également. Le Canada doit relever le défi et entreprendre un examen et une réforme des règlements.
De plus en plus de pays cherchent à avoir accès à la technologie nucléaire et à l'uranium du Canada, mais l'absence d'ententes intergouvernementales sur la coopération nucléaire est un obstacle. Ces ententes définissent les principes qui veillent à ce que nos produits et notre technologie servent à la production d'énergie civile, et non à des fins militaires. Par conséquent, il est impératif que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international soit outillé et encouragé à faire avancer ces ententes pour permettre au Canada de capitaliser sur les nombreuses possibilités qui s'offrent à lui.
En tant qu'un des premiers producteurs commerciaux d'uranium, Cameco est prêt à répondre aux besoins en matière d'énergie propre ainsi qu'aux attentes élevées des citoyens qui veulent que cet objectif soit atteint de manière sécuritaire et durable pour l'environnement. Il est évident que le monde a besoin d'énergie, et si le Canada et Cameco veulent rester en tête dans ce secteur, nous devons travailler ensemble.
Merci beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui.
Merci beaucoup, monsieur Grandey, pour votre exposé.
M. Grandey est président et chef de la direction de Cameco Corporation.
Nous allons maintenant donner la parole au deuxième de nos cinq témoins pour environ 10 minutes. Nous avons deux personnes qui sont de l'Association nucléaire canadienne, dont M. Wayne Robbins, le président du conseil.
Je crois que c'est vous, monsieur Robbins, qui allez présenter l'exposé. Vous avez avec vous Murray Elston, ancien président.
Allez-y, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Aujourd'hui je me présente à vous à titre de président de l'Association nucléaire canadienne. J'ai avec moi M. Murray Elston, ancien président et membre très actif de l'ANC.
Pendant notre court exposé, j'aimerais vous donner un aperçu général de l'état de l'industrie nucléaire au Canada et de sa contribution à l'économie, à l'emploi et à d'autres secteurs clés de la société canadienne.
L'ANC est un organisme sans but lucratif qui a été créé en 1960 afin de représenter l'industrie nucléaire au Canada et de promouvoir le développement et l'essor des technologies nucléaires à des fins pacifiques. L'Association représente l'éventail complet de l'industrie nucléaire, notamment l'exploitation minière, les services nucléaires et la production d'électricité nucléaire.
Je vais donc vous guider à travers cet exposé. Ensuite M. Murray et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
À la page 1, vous pouvez voir que l'industrie de l'énergie nucléaire au Canada produit de l'électricité à partir de réacteurs depuis 47 ans. Nous avons eu 22 centrales nucléaires CANDU au pays. En 2008, 14,8 p. 100 de l'électricité au pays était d'origine nucléaire. En Ontario, la proportion était de 53 p. 100, et au Québec, de 3 p. 100. Au Nouveau-Brunswick, l'énergie nucléaire comble habituellement environ 30 p. 100 des besoins de la province, mais étant donné que la centrale est en réfection, la production a baissé à 6 p. 100.
En date du mois d'octobre de cette année, 17 réacteurs étaient en service. Trois réacteurs étaient en réfection: les tranches 1 et 2 de Bruce A et Point Lepreau. Nous avons 22 réacteurs autorisés dont 17 en service.
À la diapositive 2, vous pouvez voir la contribution et le profil économique de l'industrie nucléaire. L'énergie nucléaire est une industrie de 6,6 milliards de dollars par année. Elle occupe une grande part de l'industrie canadienne. Elle contribue aux recettes fiscales et provinciales pour un montant de 1,5 milliard de dollars. En 2008, l'industrie nucléaire du Canada a généré des exportations équivalant à 1,2 milliard de dollars.
Plus de 150 entreprises en lien avec le nucléaire existent au Canada. Les emplois directs et indirects sont nombreux, soit 30 000 emplois. Il s'agit d'une très grande part des emplois.
Vous venez d'entendre notre collègue, Gerald Grandey, vous parler de l'emploi dans l'industrie minière de l'uranium. L'industrie de l'extraction d'uranium au Canada emploie environ 5 000 personnes.
Vous pouvez voir les répercussions économiques de l'industrie nucléaire du Canada à la diapositive 3. Nous avons utilisé l'année 2005 à titre d'exemple. La valeur totale d'électricité produite était d'environ 5 milliards de dollars. Le PIB généré était d'environ 6,3 milliards de dollars. La valeur des exportations d'uranium était de 381 millions de dollars et les recettes publiques découlant de ces exploitations étaient de 100 millions de dollars.
La diapositive 4 vous montre que le Canada est un chef mondial parmi les producteurs d'uranium. M. Grandey a donné une très bonne description des installations de production d'uranium, des quantités que nous possédons ainsi que de notre accès aux marchés mondiaux. Les gisements dont il a parlé en Saskatchewan, à la rivière McArthur et à Cigar Lake contiennent des minerais très riches pour les entreprises canadiennes.
Il faut noter que la production d'électricité à partir d'uranium dans le monde évite le rejet de 700 millions de tonnes de CO2 chaque année. C'est là la contribution de l'énergie nucléaire. Les combustibles et notre production permettent de telles économies en matière de gaz à effet de serre.
À la diapositive 5, on peut voir les percées dans le domaine de la santé. Le Canada est chef de file dans le secteur du traitement du cancer avec des appareils utilisant le cobalt-60. Nous produisons toujours du cobalt pour ces appareils. En Amérique du Nord, 20 millions de diagnostics médicaux utilisent des radio-isotopes.
Plus de la moitié des radio-isotopes médicaux utilisés dans le monde sont produits par les réacteurs NRU d'EACL et distribués par MDS Nordion d'Ottawa. Les radio-isotopes médicaux produits au Canada sont utilisés dans environ 60 000 procédures médicales dans le monde, dont 5 000 au pays.
À la diapositive 6, vous pouvez voir l'apport de l'électricité et des différentes façons de produire de l'électricité au Canada. L'énergie hydraulique est toujours notre producteur le plus important à un taux de 61 p. 100, et l'énergie nucléaire représente 14,8 p. 100. Si l'on regarde bien cette répartition, on peut voir que les trois quarts de la production d'électricité au Canada viennent de sources non polluantes.
La diapositive 7 traite de la sûreté nucléaire. C'est une statistique dont nous sommes très fiers. En près de 50 ans d'exploitation, aucun décès n'a été causé par la radioexposition dans une centrale nucléaire au Canada. Notre dossier en matière de sécurité est remarquable.
Nous avons amélioré notre rendement et notre production en toute sécurité, plus particulièrement en matière d'électricité et comme vous le voyez, le rendement de nos installations s'améliore également. Nous sommes de plus en plus reconnus au sein de l'industrie et dans le monde.
Nous avons un organisme de réglementation très efficace. La CCSN est un organisme très solide et rigoureux. Il contrôle très bien l'industrie. En ce qui a trait aux examens internationaux par les pairs, nous faisons partie de l'AIEA, l'Agence internationale de l'énergie atomique. De plus, les industries au Canada font des analyses comparatives poussées tant au niveau national qu'international, ce qui permet d'améliorer notre rendement de manière constante.
La diapositive 8 nous donne un aperçu de la performance environnementale au cours du cycle de vie. Si vous regardez les émissions de carbone de l'énergie nucléaire, premièrement le charbon émet 975 g/kWh d'électricité pour son cycle de vie total. Plus bas dans la page on peut voir que l'énergie nucléaire produit 22 g/kWh et que l'hydroélectricité en émet 19 g/kWh. Comme on peut le constater, les émissions de carbone des énergies nucléaire et hydroélectrique sont très faibles.
À la diapositive 9, on peut voir que les collectivités où l'on trouve des installations nucléaires ont entièrement confiance et ne craignent pas ce type d'exploitation dans leurs municipalités et leurs régions. Ces collectivités appuient fortement une expansion supplémentaire du nucléaire sur leur territoire. Elles entrevoient également les avantages dans les secteurs de l'environnement, de l'éducation et des services communautaires.
Il est question de l'avenir de l'industrie nucléaire au Canada à la diapositive 10. L'Ontario a choisi le site de Darlington pour construire deux nouveaux réacteurs nucléaires. La décision concernant la technologie a été retardée, cependant les processus environnementaux et réglementaires suivent leur cours.
En Alberta, on considère l'énergie nucléaire comme une source d'énergie non polluante. La Saskatchewan souhaite apporter une valeur ajoutée à son industrie de l'uranium. Au Nouveau-Brunswick, la province remet à neuf la centrale Point Lepreau et envisage la construction d'un nouveau réacteur. Hydro-Québec a annoncé la réfection de la centrale Gentilly-2.
En résumé, l'énergie nucléaire est l'une des filières les plus sûres pour la production d'électricité à grande échelle. L'industrie nucléaire canadienne est un important facteur économique ainsi qu'une source de technologie et d'investissement. L'industrie nucléaire a un bel avenir au Canada.
J'aimerais vous remercier encore une fois, monsieur le président, de m'avoir permis de faire cette présentation. J'espère que nous avons su vous démontrer l'ampleur de la contribution de l'industrie canadienne dans l'économie, la société et auprès des Canadiens.
L'énergie nucléaire canadienne est une industrie technologique et de recherche clé au Canada, elle aura un rôle important à jouer dans le développement de l'économie du Canada ainsi que dans la vie de nos concitoyens. De la production d'uranium et d'électricité, en passant par les applications médicales et les produits aux consommateurs, le nucléaire joue un rôle primordial dans l'innovation et la création d'opportunités pour le futur.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Robbins, président du conseil de l'Association nucléaire canadienne et monsieur Elston, ancien président, pour votre présence aujourd'hui.
Nous allons maintenant nous tourner vers notre troisième présentation, de Hitachi Canada Ltd., M. Howard Shearer, président et chef de la direction.
Allez-y s'il vous plaît, vous avez 10 minutes.
Monsieur le président, j'aimerais vous remercier ainsi que les membres de ce conseil de m'offrir la chance d'exprimer notre point de vue sur l'état de l'industrie nucléaire au Canada et à l'étranger.
À l'approche de la fin de la première décennie du 21e siècle, nous pouvons tous dire que nous sommes rendus à une croisée des chemins en ce qui a trait à la place du nucléaire dans l'avenir du Canada. Les décisions à venir doivent clarifier ce rôle et offrir des solutions compétitives en matière de production d'énergie tout en préservant la grande qualité de vie dont les Canadiens jouissent et qu'ils veulent maintenir.
Je dirais même plus, qu'une vision plus franche du rôle du nucléaire est nécessaire et qu'à partir de cette vision la clarté de la mission et des objectifs découlera ainsi qu'une idée des actions qui doivent être posées de façon urgente pour saisir les occasions qui s'offrent au Canada.
Les besoins en matière de politiques publiques, notamment un cadre règlementaire, doivent être déterminés afin de maximiser les avantages tout en maintenant la sécurité et doivent également être définis à partir de l'infrastructure nucléaire actuelle au Canada, à l'instar des avantages qui nous viennent de l'étranger où, depuis quelques décennies, les nations ont accueilli la technologie canadienne en toute sécurité, leur permettant d'améliorer le niveau de vie de leurs citoyens. La technologie nucléaire canadienne est exploitée partout dans le monde, elle est inégalée sur le plan de la sécurité et de la fiabilité et fournit de l'électricité à un coût compétitif. Les nations seront sans aucun doute à la recherche de plus de technologies canadiennes dans l'avenir proche et serviront de vitrine pour concrétiser de nouvelles occasions alors qu'une renaissance nucléaire se produit.
Après une brève introduction de Hitachi, je souhaite me pencher sur l'expérience nucléaire d'Hitachi, le rôle d'Hitachi dans l'industrie nucléaire du Canada, notamment avec Énergie Atomique du Canada, le besoin d'avoir une vision du rôle que doit jouer le nucléaire au Canada, notamment avec la technologie CANDU, ainsi que les effets positifs qu'aura l'application d'une telle vision dans les secteurs manufacturier et universitaire, ainsi qu'en recherches médicales et de haute technologie, en développement et en application.
Le groupe d'entreprises Hitachi génère des revenus d'environ 117 milliards de dollars canadiens et emploie environ 400 000 personnes dans le monde entier. Au Canada, Hitachi emploie environ 1 000 personnes et exploite deux installations, une à Saskatoon et l'autre à Guelph, en Ontario. Depuis 40 ans, Hitachi construit et entretient des usines nucléaires et, pendant cette période, elle a participé de manière constante à la construction de 20 centrales nucléaires qui sont actuellement en exploitation. Deux autres centrales sont présentement en construction.
Hitachi a été un partenaire important d'Énergie atomique du Canada pour la centrale de Qinshan en Chine, un projet qui a remporté beaucoup de succès et dont la capacité est des plus élevées parmi les installations en Chine, tout en ayant été construite en respectant le budget et les délais. Aujourd'hui, en tant que membre de l'Équipe CANDU, Hitachi va mettre son expérience et sa technologie au service des nouvelles constructions d'Énergie Atomique.
Une vision est nécessaire pour que les politiques ne limitent pas la contribution du nucléaire aux besoins actuels, mais qu'en fait elles encouragent les applications potentielles telles que la technologie canadienne qui est une des solutions possibles aux changements climatiques comme l'a noté Patrick Moore, un des fondateur de Greenpeace. Une vision qui permette le choix de sources d'énergie sans carbone compétitives, une vision qui fasse une place à une future économie de l'hydrogène et, bien sûr, une vision qui promeut l'usage du nucléaire pour les véhicules électriques rechargeables.
Ce sont tous des éléments essentiels qui doivent faire partie de la vision du nucléaire au Canada, une vision qui encourage la création d'emplois durables à hauts salaires dans le secteur de la haute technologie, liés aux PI créés par des Canadiens. Une vision qui maintient la synergie de la chaîne d'approvisionnement et qui intègre une formation continue pour les travailleurs qui pourront assumer des fonctions de soutien à l'ensemble des nouvelles constructions. Une vision qui formera des scientifiques qui eux innoveront et formeront ainsi la base de nouveaux produits en canalisant l'imagination de jeunes Canadiens en génie ainsi que dans les sciences physiques et sociales et les pousseront à atteindre l'excellence. Une vision qui construit à partir d'idées novatrices et de la commercialisation de nouveaux produits élaborés par un milieu universitaire intégré.
Je m'en voudrais de ne pas souligner la possibilité d'une plus grande collaboration entre les établissements d'enseignement. Ceci encouragerait la formation de futurs scientifiques et cultiverait un terreau fertile de nouvelles idées. Les universités comme la McMaster University, les universités d'Alberta, de Saskatchewan, et du Nouveau-Brunswick, ainsi que l'UOIT sont des exemples probants.
N'oublions pas non plus les effets positifs que pourrait avoir l'amélioration des relations canado-américaines grâce à des processus solides en matière de commerce énergétique transfrontalier, de sécurité énergétique et de commerce interprovincial.
Pour qu'une telle vision se concrétise, la technologie nucléaire doit faire ses preuves chez nous avant d'être acceptée à l'étranger. C'est pourquoi la construction de nouveaux réacteurs nucléaires au Canada est cruciale.
Dans le domaine de l'électricité d'origine nucléaire, le coût des investissements initiaux est certes élevé par rapport à celui qui se rattache à d'autres formes d'énergie, mais il n'en demeure pas moins que, partout dans le monde, l'électricité que produit une centrale nucléaire pendant son cycle de vie est invariablement concurrentielle par rapport à toute autre forme d'énergie. Grâce à une politique qui permet de réduire ou de bien déterminer les risques, l'industrie sera davantage en mesure de surmonter l'obstacle que représente le coût des investissements. La politique doit aussi tenir compte du fait que l'uranium est une ressource limitée et que tous les utilisateurs d'énergie nucléaire devront, au bout du compte, envisager le recyclage du combustible nucléaire de même que le développement de nouveaux cycles de combustible, tâche à laquelle le réacteur CANDU se prête particulièrement bien.
En examinant les possibilités qu'offrent les marchés internationaux, nous ne devons jamais oublier que les projets nucléaires internationaux sont très concurrentiels et qu'ils témoignent du soutien et de la coordination de plusieurs intervenants, comme le montre les efforts déployés récemment pour la tenue des Jeux olympiques. Chaque acteur principal a bénéficié de l'appui de son propre gouvernement, d'intervenants locaux, de la collectivité et de la chaîne d'approvisionnement.
La politique intérieure joue un rôle essentiel dans la réussite à l'échelle mondiale, qu'il s'agisse des Olympiques ou de tout autre important projet de haute technologie comme la construction de centrales nucléaires. Pourquoi le Canada devrait-il s'attendre à autre chose? C'est le défi auquel il fait face. À mon avis, si le Canada a une chance quelconque d'obtenir sa juste part de la vraie renaissance du nucléaire, cet appui est crucial.
Il n'y a pas de raccourci ni de solution facile. Un soutien bien établi de la part du gouvernement à l'endroit de l'industrie est nécessaire pour que la chaîne d'approvisionnement du secteur privé puisse aller de l'avant en s'appuyant sur un leadership solide et une vision claire. Les clients, nationaux et internationaux, doivent pouvoir croire que la chaîne d'approvisionnement canadienne, qui repose sur une vision et une politique intérieure solides, est là pour de bon, sinon ils n'auront pas recours à la technologie canadienne. Notre vision de l'avenir pour l'industrie doit tenir compte de ce fait, et les mesures prises doivent en témoigner.
Le temps presse. L'inertie comporte de graves conséquences. Pour qu'un projet soit couronné de succès, il faut en faire une planification détaillée et recourir à des ensembles de compétences multiples, des compétences que nous perdons aux mains de nos concurrents internationaux ou en raison de départs à la retraite pendant que la prise de décision traîne en longueur.
Le début de la construction simultanée de plusieurs nouveaux réacteurs nucléaires dans le monde suscitera la concurrence à l'égard des ressources, aussi bien humaines que matérielles. Les retards créent de l'incertitude et minent la confiance à l'égard de notre technologie, aussi bien à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale, de même que chez nos travailleurs, qui risquent de devoir chercher des occasions d'emploi dans d'autres industries ou à l'étranger. Les retards nuisent à nos réalisations antérieures qui, au fil du temps, sont reléguées aux oubliettes alors que les difficultés prennent le devant de la scène.
Lorsqu'une décision aura été prise ou qu'une politique aura été établie, l'industrie sera en mesure de bien comprendre les risques et les défis auxquels elle sera confrontée et mettra au point des stratégies et des plans dans le but d'atténuer ces risques et de relever ces défis. Le Canada est fier de ses réalisations malgré les difficultés qu'il a rencontrées récemment.
Le nucléaire, comme tous les domaines de haute technologie, s'épanouit le mieux dans un environnement assorti d'une vision stable de la place qu'il occupe dans la société, aussi bien maintenant que dans l'avenir. Le rôle essentiel que joue le nucléaire dans le domaine de la santé en tant que fournisseur d'électricité de base concurrentiel et fiable, son importante contribution à la solution aux changements climatiques de même que l'état de préparation du Canada à l'économie du savoir du 21e siècle sont tous à risque tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de politique claire et stable.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur Shearer, président et chef de la direction de Hitachi Canada.
Nous accueillons maintenant M. Peter White, qui est président de la Société des ingénieurs professionnels et associés, et M. Michael Ivanco, qui en est le vice-président.
Allez-y, messieurs, vous avez dix minutes.
Je vais d'abord parler en notre nom. Nous sommes ici pour traiter d'un sujet qui est au coeur de l'industrie nucléaire du Canada. En principe, il s'agit du processus de restructuration qui aura lieu au sein d'Énergie atomique du Canada au cours de la prochaine année.
La Société des ingénieurs professionnels et associés représente les scientifiques et les ingénieurs qui travaillent à EACL, Énergie atomique du Canada limitée, aussi bien à Sheridan Park à Mississauga qu'à Montréal et chez des clients partout dans le monde. Nos membres travaillent dans la division d'EACL qui est directement liée au développement et à la commercialisation de la technologie nucléaire canadienne. Collectivement, nous représentons la majeure partie de la propriété intellectuelle associée à la conception de centrales nucléaires au Canada.
Nous avons tous à coeur l'avenir de notre organisation, non seulement parce que nous y faisons carrière, mais parce que nous voulons continuer de contribuer au succès de la technologie du réacteur CANDU, qui fait la fierté des ingénieurs canadiens depuis près d'un demi-siècle. En fait, nos membres sont très sollicités, non seulement par des entreprises nucléaires, mais par d'autres entreprises de haute technologie.
Si l'avenir d'EACL était menacé, il n'y a aucun doute dans mon esprit que moi et chaque autre scientifique ou ingénieur d'EACL trouverions rapidement du travail ailleurs. Cependant, ce n'est pas ce que nous souhaitons, et j'estime que ce n'est pas un dénouement qui serait dans l'intérêt des Canadiens. C'est pourquoi nous profitons de l'occasion pour venir discuter avec vous aujourd'hui.
Mais soyons bien clairs: nous sommes favorables à la possibilité qu'il y ait une restructuration d'EACL. Il est manifestement nécessaire et possible d'améliorer la façon dont l'organisation fonctionne et mène ses activités commerciales. Il a été dit très clairement que l'objectif du processus de restructuration était de favoriser le dynamisme et la santé économique de l'industrie des réacteurs nucléaires CANDU au Canada.
Cependant, comme la plupart des Canadiens, nous croyons que le maintien d'une certaine forme de contrôle gouvernemental est essentiel pour atteindre cet objectif. Tout comme l'est la collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Nous craignons que d'autres objectifs, comme la réduction de l'aide publique consacrée à la recherche en médecine nucléaire ou les changements apportés aux procédures relatives à la production d'isotopes, détournent l'attention de la nécessité de mettre en valeur le succès de l'industrie des réacteurs CANDU au Canada.
Cet examen de l'avenir d'EACL n'est pas un phénomène isolé de tout contexte. On assiste à une renaissance du nucléaire partout dans le monde, et cette renaissance est attribuable à deux facteurs.
D'une part, comme vous l'avez déjà entendu, il y a le développement de l'énergie nucléaire en Asie, plus particulièrement en Chine, en Inde et dans certains autres pays, de même qu'en Angleterre, en Amérique du Sud, aux États-Unis et peut-être même au Canada. D'autre part, il y a la modernisation de l'infrastructure nucléaire existante partout dans le monde.
Au cours des deux prochaines décennies, la valeur des activités commerciales se chiffrera en billions de dollars. Le Canada est dans la position enviable d'être l'un des cinq pays en mesure de réaliser un projet nucléaire clé en main n'importe où dans le monde. Dans les années 1970 et 1980, les pays qui avaient cette capacité étaient beaucoup plus nombreux; cependant, en raison d'une interruption de la construction dans le domaine du nucléaire depuis le milieu des années 1980, seuls quelques-uns ont survécu.
Le réacteur CANDU, par exemple, était au départ une création conjointe d'Énergie atomique Canada, d'Ontario Hydro et de Générale électrique du Canada réalisée au début des années 1960. À la fin des années 1980, Ontario Hydro pouvait construire des réacteurs CANDU de façon autonome, et c'est ce qu'elle a fait; elle a construit la majeure partie de la centrale Bruce B et toute la centrale Darlington. Cependant, à la suite du remplacement d'Ontario Hydro par 13 entreprises distinctes et de la dispersion de ce savoir-faire, cette capacité a été perdue. D'ailleurs, le gouvernement de l'Ontario cherche uniquement des entreprises de l'extérieur pour construire de nouveaux réacteurs en Ontario.
Une situation semblable existe en Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne a fait oeuvre de pionnière dans l'industrie civile de l'énergie nucléaire, et ses scientifiques et ingénieurs ont conçu l'ensemble de son parc actuel. Il n'empêche que maintenant, alors qu'elle a besoin de nouveaux réacteurs, elle a dû solliciter des soumissions de l'extérieur parce qu'elle n'a plus la capacité de les construire elle-même. D'ailleurs, bon nombre de ses bons ingénieurs et scientifiques sont venus travailler au Canada, pour Énergie atomique Canada et Ontario Hydro.
Bien que peu de Canadiens le sachent, nos membres n'ont jamais cessé de construire des réacteurs nucléaires. Depuis les projets d'EACL en Corée du Sud au début des années 1990, ensuite en Chine et puis en Roumanie, nous avons conservé notre capital intellectuel et nous avons maintenu à jour notre savoir-faire en matière de construction et de gestion de projet. C'est un élément crucial, puisque la pratique régulière est nécessaire — autant que les connaissances — pour assurer la réussite des projets dans le domaine du nucléaire.
L'intégration des capacités est importante. Pour être en mesure de concevoir et de construire un réacteur nucléaire, il faut une organisation globale intégrée dotée de la capacité nécessaire dans tous les domaines de l'ingénierie, de la physique et de la science des matériaux. Il faut aussi des techniciens et des technologues ayant une expérience pratique de tous les aspects de l'assemblage et de la construction de même qu'une expérience du travail sur le terrain.
EACL est actuellement ce genre d'organisation globale. Cependant, compte tenu de certains problèmes systématiques qui l'empêchent d'obtenir des capitaux et compte tenu des limitations qui réduisent la portée de ses activités, il est difficile pour elle de faire concurrence à des entreprises pleinement intégrées comme AREVA, le fournisseur de produits nucléaires appartenant au gouvernement français, dont les activités touchent l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, de l'exploitation minière au retraitement et à la réutilisation du combustible.
La science et le génie nucléaire sont en constante évolution. Les améliorations peuvent voir le jour dans le laboratoire, mais elles se concrétisent uniquement sur le terrain. Inversement, les occasions et les défis relevés dans le cadre de l'expérience pratique nécessitent souvent beaucoup de recherches, d'activités de développement et d'essais pour que des avancées soient faites.
La conception d'un nouveau combustible, par exemple, est une activité totalement intégrée entre les centres de recherche et d'ingénierie à EACL. Au cours des vingt dernières années, l'amélioration du rendement des réacteurs nucléaires dans le monde a été déterminée en grande partie par la conception d'un nouveau combustible à fort taux de combustion. Les chercheurs et les ingénieurs doivent travailler de concert pour concevoir un meilleur combustible; sinon, le développement est menacé. Par exemple, grâce à la collaboration étroite entre les scientifiques de Chalk River et les ingénieurs de Sheridan Park, des progrès ont été réalisés récemment en ce qui a trait aux cycles des combustibles de l'étranger, lesquels créent des occasions d'affaires éventuelles importantes pour EACL en Asie.
Par conséquent, une simple division géographique entre, d'une part, la recherche et le développement à Chalk River et, d'autre part, l'ingénierie à Mississauga et à Montréal ne sera pas sans importance et pourrait mettre en péril notre capacité de concevoir, de construire et d'améliorer nos activités. Il est important de reconnaître que les activités commerciales d'EACL ne se déroulent pas uniquement dans ses centres d'ingénierie. Des centaines d'ingénieurs, de scientifiques et de technologues au centre de recherche de Chalk River constituent une part essentielle de ces activités commerciales.
Notre objectif, l'objectif de la Société des ingénieurs professionnels et associés, est de veiller à ce que la restructuration permette d'améliorer l'industrie nucléaire canadienne. Une séparation d'EACL le long de simples lignes géographiques pourrait avoir l'effet contraire, ce que les membres de votre sous-comité — sans oublier les investisseurs éventuels — devraient savoir.
Il y a eu des gains d'efficience chèrement payés lors de la dernière restructuration. Au début des années 1990, alors que Reid Morden était président-directeur général, la société d'ingénieurs d'EACL à Mississauga et à Montréal et son centre de recherche à Chalk River et à Whiteshell ont été combinés en une seule unité d'exploitation, dirigée par un seul groupe de cadres supérieurs. Cette mesure a été prise à l'époque parce qu'on avait l'impression de gaspiller des ressources en exploitant deux organisations distinctes qui étaient toutes les deux indispensables à la réussite des opérations nucléaires.
Si le processus s'est avéré douloureux, il n'en demeure pas moins que, pendant plus de 15 ans, un grand nombre de synergies formidables se sont créées entre les divisions de la recherche et de l'ingénierie, contribuant au mieux-être des deux. Le fait d'inverser le processus d'intégration en divisant de nouveau l'organisation entraînerait inévitablement une augmentation des coûts et la création de mesures incitatives divergentes, et il serait plus difficile de travailler à la réalisation de projets et d'objectifs communs.
Il ne fait aucun doute que l'organisation d'aujourd'hui est un regroupement d'au moins plusieurs entreprises différentes. Il y a, bien sûr, les activités commerciales, division à laquelle nous travaillons, de même que de nombreuses personnes à Chalk River. Il y a aussi la production d'isotopes médicaux, dont les problèmes ont donné lieu à l'examen de votre comité, je crois. Par ailleurs, une section de l'organisation s'intéresse à la recherche de base, comme ce qui se fait dans un certain nombre de laboratoires de recherche gouvernementaux aux États-Unis et partout dans le monde.
Aujourd'hui, il existe des liens complexes entre ces différentes parties d'EACL qu'il serait difficile de rompre. Serait-il possible de le faire? Certainement, mais il ne faudrait pas en sous-estimer les coûts et la complexité. Il convient de souligner, notamment aux fins de votre examen, que chacune de ces différentes parties d'EACL compte diverses réussites à son actif, tant sur le plan de l'utilisation des ressources financières que pour ce qui est de l'atteinte des objectifs. Il serait peut-être utile pour vous d'examiner comment chacune de ces fonctions devrait être financée à l'avenir et comment, en fait, elles ont été financées par le passé.
À notre avis, il serait tout à fait approprié de continuer d'affecter des ressources publiques à la recherche et aux services médicaux, par exemple. Parallèlement, nous nous interrogeons sur la pertinence d'utiliser les ressources prévues pour les activités commerciales pour financer ces autres activités, comme cela s'est produit par le passé. Le maintien d'un tel mécanisme d'interfinancement créerait un obstacle important à la réussite future de l'industrie nucléaire du Canada, qui fait face à une concurrence féroce de la part d'autres entreprises partout dans le monde.
Au bout du compte, pour que la restructuration soit une réussite, il faut trouver un moyen d'améliorer la position de l'industrie nucléaire canadienne pour en faire une entreprise florissante sans détruire les capacités dont nous disposons actuellement. Si les composantes ou les entreprises d'EACL semblent présenter un grand intérêt individuellement, il est impossible de les répartir soigneusement sans sacrifier la capacité de l'organisation de concevoir et de construire des réacteurs nucléaires. Indépendamment de l'intérêt éventuel d'entités commerciales à l'égard de fragments des activités d'EACL, le fait de vendre des parties de l'organisation au plus offrant n'est pas une stratégie qui sera bénéfique pour le Canada ni pour les Canadiens.
Nos membres sont fiers des capacités uniques d'EACL. Il y a peu de domaines dans lesquels le Canada peut affronter d'égal à égal la concurrence des États-Unis, du Japon, de la France et de la Russie, mais l'industrie nucléaire est un de ceux-là. En tout temps, on peut trouver les réacteurs CANDU parmi les dix premiers au monde pour ce qui est du rendement. Par exemple, d'après le dernier cycle d'exploitation pour lequel nous avons des données complètes, du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, je pense que peu de gens savent que, sur un total de 440 réacteurs, les deux réacteurs ayant affiché le meilleur rendement dans le monde étaient des réacteurs CANDU. Il s'agissait du Candu 6 à la centrale Cernavoda 2 et de l'Unité 3 à la centrale de Darlington.
Pour ce qui est du rendement pendant la vie utile, par exemple, trois des cinq réacteurs ayant obtenu les meilleurs résultats dans le monde sont des réacteurs CANDU. Nous sommes passés maîtres dans l'art de construire des réacteurs nucléaires, et nous avons réalisé les sept derniers projets dans les délais prescrits et sans dépasser le budget, ce qui est exceptionnel dans l'industrie.
La restructuration pourrait faire place à une industrie nucléaire bien vivante au Canada, prête à tirer profit des occasions exceptionnelles qui se présentent à elle dans le monde entier. À l'inverse, si elle est mal menée, la restructuration pourrait entraîner le déclin de la technologie canadienne. Notre rôle est de veiller à ce que le premier scénario se réalise.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie grandement, messieurs Ivanco et White, de la Société des ingénieurs professionnels et associés.
Notre dernier témoin aujourd'hui est M. Mycle Schneider, de Mycle Schneider Consulting. Il comparaîtra par vidéoconférence, directement de Paris.
Monsieur Schneider, vous êtes le dernier, mais on ne vous a pas oublié. Vous disposez de 10 minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président, de m'avoir invité à comparaître devant votre comité.
Je vais vous brosser un tableau de la situation mondiale de l'industrie nucléaire. Le terme « renaissance nucléaire » est fréquemment utilisé, y compris dans vos délibérations. J'aimerais résumer l'analyse qui se trouve dans le World Nuclear Industry Status Report 2009, publié par le gouvernement de l'Allemagne à la fin du mois d'août 2009.
Actuellement, on compte 435 réacteurs en service dans 31 pays, 9 de moins qu'en 2002. Ces réacteurs fournissent environ 14 p. 100 de l'électricité commerciale dans le monde, ce qui représente environ 5,5 p. 100 de l'énergie primaire commerciale ou 2 p. 100 de l'énergie finale. C'est ce qui importe: 2 p. 100 de l'énergie finale. En passant, les chiffres que je vous donne à l'échelle mondiale ressemblent beaucoup à ceux du Canada, où l'on a, respectivement, 15 p. 100 pour l'électricité, environ 6 p. 100 pour l'énergie primaire et 3 p. 100 pour l'énergie finale.
Au cours des deux dernières années, aucun nouveau réacteur n'a été mis en service à quelque endroit que ce soit. Le dernier à avoir été mis en service est le réacteur Cernavoda 2 en août 2007 — un réacteur CANDU, soit dit en passant. On a mis 24 ans à le construire. Depuis 2007, il y a eu un déclin non seulement du nombre de réacteurs en service, mais aussi de la puissance installée. Il faut relativiser en comparant la situation à celle des technologies concurrentes. L'énergie éolienne est particulièrement remarquable: l'an dernier uniquement, elle a fourni plus de 25 000 mégawatts. Pensons également à l'énergie solaire photovoltaïque, qui a produit plus de 5 000 mégawatts.
Quelle est la prochaine étape? Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique, 53 réacteurs sont en construction dans 15 pays. Mais 37 de ces réacteurs sont situés dans 4 pays: la Chine, la Russie, l'Inde et la Corée du Sud. L'histoire a démontré que ces pays sont assez secrets quant à l'état de leurs chantiers, alors il est très difficile de savoir s'ils respectent leur calendrier d'exécution et leur budget. Toutefois, on a assez d'information sur environ la moitié des réacteurs en construction, et on constate que la plupart d'entre eux ont connu des retards importants. Quant aux autres réacteurs, on a commencé à les construire au cours des cinq dernières années; c'est donc un peu tôt pour juger s'il y a du retard, car les projets ne sont pas encore arrivés à terme.
Parmi ces 53 réacteurs, 13 — environ un quart — sont en construction depuis au moins 20 ans. J'insiste sur ce point, comme l'a fait un des témoins avant moi, parce que je crois que le facteur temps est d'une importance capitale. On compte 13 réacteurs en construction depuis plus de 20 ans. Soit dit en passant, c'est le réacteur Watts Bar 2 aux États-Unis qui détient le record: il est en construction depuis 1972. On prévoit que les travaux seront terminés et que le réacteur sera couplé au réseau en 2012 — 40 ans plus tard. Ce sont de très longs délais.
À l'échelle mondiale, la durée de vie des réacteurs est de 25 ans, en moyenne. Pratiquement aucun réacteur n'a été gardé en service plus de 30 ans, et encore moins 40. En fait, il n'y a actuellement que 2 réacteurs en service dans le monde qui fonctionnent depuis plus de 40 ans.
Si tous les réacteurs actuellement en service atteignent l'âge de 40 ans, il faudra tout de même remplacer bon nombre d'entre eux au cours des prochaines années. Il faudrait en remplacer plus de 40 jusqu'en 2015 — autrement dit, 1 toutes les 6 semaines. Il faudrait en remplacer 190 autres au cours des 10 années suivantes, jusqu'en 2025, ce qui nous donne 1 tous les 19 jours. Il est intéressant de mettre les choses en perspective: depuis les deux dernières années, aucun nouveau réacteur n'a été mis en service.
Plusieurs obstacles importants s'opposent à la construction de nouveaux réacteurs. Nous les avons examinés en détail dans le rapport, et je vais vous les expliquer brièvement.
Sans surprise, il y a d'abord les coûts, les aspects économique et financier. Je crois comprendre que mon collègue Steve Thomas abordera le sujet lors d'une autre réunion de votre comité. Il était l'un des spécialistes en économie et en finance au sein de l'équipe qui a produit le World Nuclear Industry Status Report.
Un autre obstacle important est le goulot d'étranglement à l'étape de la fabrication. Il faut penser qu'à l'heure actuelle, il y a un seul fournisseur de grandes pièces forgées. Je pense tout particulièrement à des pièces comme les caissons de réacteurs pour des réacteurs comme le EPR, le réacteur européen à eau sous pression, qui sont fabriqués par une seule entreprise — en l'occurrence, Japan Steel Works, qui se trouve au Japon, comme son nom l'indique.
À mon avis, le problème le plus grave, qui est un obstacle à toute renaissance concrète, est le manque de main-d'œuvre qualifiée. Cette situation touche les industries nucléaires du monde entier. Déjà, au cours de cette séance, on a entendu certains des problèmes qui en découlent. La situation n'est en aucun cas plus rose dans un pays comme la France, qui doit composer avec le vieillissement de l'effectif et où environ 40 p. 100 de l'équipe d'exploitation des installations sera admissible à la retraite en 2015. C'est tout un défi pour la direction.
N'oublions pas non plus que dans bien des pays, l'opinion publique est toujours très critique envers l'énergie nucléaire.
Enfin, il y a les problèmes habituels. Les risques de prolifération sont toujours présents, tout comme les problèmes de sécurité et de gestion des déchets radioactifs.
Une nouvelle analyse, réalisée à la demande du bureau fédéral de radioprotection de l'Allemagne par le groupe de travail suisse Prognos et publiée le 14 octobre 2009, vient confirmer l'analyse qui se trouve dans le World Nuclear Industry Status Report. Je recommanderais au comité d'en examiner attentivement les résultats. Laissez-moi vous en parler brièvement. Le scénario envisagé prévoit un déclin du nombre de réacteurs nucléaires dans le monde, qui diminuerait de 22 p. 100 jusqu'en 2020 et de 29 p. 100 jusqu'en 2030, si on prend la situation en mars 2009 comme point de référence.
Je crois que le nucléaire est en concurrence avec des énergies renouvelables qui sont petites, décentralisées et extrêmement efficaces, comme les microcentrales et les centrales mixtes électrocalogènes, et pas vraiment avec les centrales au gaz naturel ou au charbon. À mon avis, il s'agit d'une vision conservatrice qui persiste, mais qui n'est pas orientée vers l'avenir.
Les problèmes liés aux changements climatiques doivent être réglés rapidement sans que cela coûte cher. On s'est aperçu que le nucléaire est très dispendieux, et c'est de loin la solution la plus lente pour réduire l'émission de gaz à effet de serre. La façon la plus rapide et la moins coûteuse est encore et toujours l'efficacité énergétique.
Si, par exemple, la consommation d'électricité par habitant au Canada correspondait à la consommation moyenne dans l'Union européenne, le pays pourrait abandonner progressivement l'utilisation des combustibles fossiles et de l'énergie nucléaire. Une analyse intéressante d'Amory Lovins, du Rocky Mountain Institute, qui a été publiée récemment montre que l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et les microcentrales permettent, par dollar investi, des réductions de carbone de 2 à 20 fois plus importantes que le nucléaire, et le font de 20 à 40 fois plus rapidement.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur Schneider, de Mycle Schneider Consulting.
Maintenant que les témoins ont présenté leurs déclarations, nous allons passer directement aux questions. Pour le premier tour, vous aurez droit à sept minutes chacun. Commençons avec M. Regan de l'opposition officielle.
Allez-y, je vous prie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais d'abord demander à M. Schneider comment, à son avis, on pourrait compenser toute l'énergie nucléaire dont il a parlé.
Croyez-vous qu'on y parviendrait en consommant moins d'énergie ou en se tournant vers d'autres modes de production? Quelles sont vos prévisions?
Tout d'abord, monsieur le président, permettez-moi de dire, en tant qu'analyste dans le domaine de l'énergie, que j'estime qu'il faudrait interdire le mot « prévisions » parce que la seule chose que peuvent fournir des analystes sont des scénarios. Et il appartient aux politiciens de choisir en fonction de ces scénarios. Je ne cherche pas à éluder la question, mais il y a une grande différence si on utilise les scénarios.
Selon tous les scénarios crédibles pour l'atténuation des effets des changements climatiques, il faudrait diminuer de manière considérable la demande. Jusqu'ici, aucun pays n'a instauré une telle politique. C'est sur ce point qu'il faut absolument se pencher.
Je voudrais vous parler de la production d'isotopes. Je crois comprendre que les Pays-Bas et les États-Unis ont dit qu'ils avaient l'intention de construire de nouveaux réacteurs qui produiraient des isotopes médicaux. Êtes-vous au courant de ça? Pensez-vous que cela signifie que le Canada perdra son titre de chef de file dans le domaine?
Nous n'avons pas tenu compte de la production d'isotopes dans notre analyse. Cependant, plusieurs initiatives un peu partout dans le monde portent sur des réacteurs qui pourraient produire des isotopes radioactifs à des fins médicales. Je peux vous fournir les données pertinentes une fois la séance terminée.
Merci.
Monsieur Ivanco, M. John Cadham, un chercheur doctorant à l'Université Carleton qui a écrit une étude sur l'industrie nucléaire canadienne, a dit récemment que la privatisation signerait l'arrêt de mort des services CANDU. Qu'en pensez-vous?
Tout dépend de la façon dont c'est fait. S'il est possible de restructurer ou de privatiser une entreprise sans séparer les fonctions de conception et de développement, il n'y a en principe aucune raison que cela se produise. On a déjà fait des privatisations. Le cas d'EACL à la fin des années 1980 en est un bon exemple. On a privatisé les sections de l'entreprise qui faisaient de l'argent sans se préoccuper du reste. Si on divise EACL, on perd la capacité de concevoir des réacteurs, ce qui n'est avantageux pour personne ici.
Dans le cas d'EACL, si on ne peut pas séparer la branche commerciale de la branche de la recherche — c'est ce que vous nous dites —, quelle autre approche pourrait-on adopter pour procéder à la restructuration?
Ce que je dis, c'est qu'on ne peut pas faire la division par régions géographiques. Il faudrait que ça soit fait avec une extrême précision, et je n'ai jamais rien vu de tel dans mes lectures. Peut-être que c'est ce qu'on fait en coulisses, mais on ne m'en tient certainement pas au courant. En général, on considère les sites techniques de Mississauga et de Montréal comme la branche commerciale de l'entreprise, mais c'est bien plus complexe.
Merci.
Monsieur Grandey, je m'adresse maintenant à vous, si vous le permettez. M. Schneider nous a parlé de la durée de vie moyenne. Il dit qu'elle est de 40 ans, mais je crois avoir déjà vu 25. Quels facteurs pourraient avoir une incidence sur ce point et augmenter la durée de vie des réacteurs qui produisent de l'électricité?
Bien franchement, le chiffre avancé m'a surpris. Si on regarde les 104 centrales en service aux États-Unis, il est incontestable qu'elles ont un permis d'exploitation pour 40 ans, mais plus de la moitié a demandé de pouvoir rester en service 20 ans de plus. Les exploitants de ces réacteurs qui fonctionnent à 90 p. 100 de leur capacité prévoient les garder en service pendant au moins 60 ans.
De plus, toute l'industrie songe maintenant à ajouter 20 ans à ces 60 ans, alors si on s'imagine cesser graduellement l'utilisation des réacteurs… J'ajouterai que la technologie en Europe n'est pas différente. Elle vient de la technologie GE ou Westinghouse qui a été conçue aux États-Unis.
Si on parle d'investissements, il faut savoir qu'à cause du très bon fonctionnement des réacteurs et du très haut niveau de sécurité maintenu par les organismes de réglementation, on encourage les responsables à faire fonctionner les réacteurs pendant 40 ans, puis pendant 60 — et peut-être même plus, qui sait —, tant que les matériaux et la science des matériaux le permettent.
Que pensez-vous de la restructuration? Si elle était pour se faire, comment devrait-on procéder, selon vous?
Je dirais qu'EACL est une entreprise absolument vitale. Étant donné que nous sommes propriétaires à un tiers de Bruce Power, pour assurer la poursuite des efforts de remise à neuf, il est absolument essentiel de pouvoir compter sur une organisation dotée des capacités techniques, du savoir-faire et des connaissances requises pour s'atteler à cette tâche vitale pour l'Ontario et le Canada, en l'occurrence la prolongation de la vie utile de ces installations. Bien entendu, grâce à la remise en état, Bruce Power prolonge cette durée de vie de 25, voire 30 ans.
Bref, je sais pertinemment qu'un rapport a été présenté à RNCan, dans lequel sont proposées différentes façons d'aller de l'avant. Tout ce que je peux dire, c'est que la survie d'EACL sous une forme ou une autre est essentielle du point de vue du savoir-faire technique et des capacités de construction.
Je laisserai EACL répondre à cette question. D'une perspective industrielle, nous sommes préoccupés par l'avenir d'EACL. Il faut comprendre où se situe l'industrie. Les investissements sont très importants. Nous avons beaucoup de technologies. EALC détient de nombreux renseignements et nous devons absolument nous assurer que toutes ces choses seront maintenues dans l'avenir.
L'ANC n'a pas pris position en ce qui concerne EACL parce qu'EACL est un membre important de l'association. Voilà essentiellement ce que je dirai à ce sujet.
Merci.
Monsieur Regan, votre temps est écoulé.
Nous passons maintenant à Mme Brunelle du Bloc Québécois, pour sept minutes tout au plus.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Bonjour, messieurs. Merci pour votre présence.
Monsieur Grandey, je me pose des questions. On nous a parlé d'énergie nucléaire, mais on ne nous a pas parlé du coût de la disposition des déchets nucléaires. Le comité devra étudier un important projet de loi. Je m'interroge sur le coût des assurances, pour vos compagnies respectives, en cas d'accident nucléaire.
Ma question est assez simple: si l'on tient compte de tous ces facteurs, le nucléaire est-il économiquement rentable?
[Traduction]
Cette question nous est souvent posée. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai parlé du fait que l'industrie nucléaire avait intégré ces soi-disant répercussions environnementales, que les gens appellent « coûts externes ». Dans bon nombre de pays dotés de grands programmes nucléaires, comme les États-Unis et le Canada, les organisations qui produisent des déchets nucléaires versent de l'argent dans un fonds créé dans le but de payer pour la gestion future des déchets engendrés.
Je vous rappelle que ces déchets ne se retrouvent ni dans l'atmosphère ni dans l'eau. En plus d'être peu volumineux, ces déchets sont solides, faciles à contrôler et faciles à gérer. En fait, tous les déchets produits depuis la naissance de l'industrie nucléaire au Canada il y a 50 ans pourraient être contenus dans un stade de hockey. On parle d'une toute petite quantité de déchets.
Donc, de un, nous en avons assumé les coûts et, de deux, chaque pays et groupe de réflexion s'étant penché sur cette question — ce qui comprend d'ailleurs le Canada — a conclu que l'évacuation en formation géologique était la solution. La difficulté à laquelle l'industrie s'est continuellement butée, attribuable aux critiques, consiste à déterminer quelle instance politique en acceptera la responsabilité. C'est un problème très épineux, autant au Canada qu'aux États-Unis.
Du point de vue technique, la chose ne pose pas problème. L'argent requis a déjà été versé dans un fonds de dépôt désigné à cette fin. Comme je le disais, nous avons maintenant intégré, tout comme l'industrie minière, les coûts rattachés aux déchets que nous produisons. Nous avons intégré les coûts externes que d'autres industries, d'autres méthodes de production d'électricité, n'ont pas encore intégrés.
[Français]
Vous me répondez que c'est économiquement rentable et que le coût du kilowattheure d'énergie électrique est acceptable et intéressant pour une compagnie. C'est intéressant de produire de l'électricité avec de l'énergie nucléaire. Il me semble que les coûts étaient beaucoup plus élevés qu'avec l'hydroélectricité, par exemple.
[Traduction]
Je ne connais pas très bien l'industrie de l'hydroélectricité, mais aux États-Unis, les sommes versées dans le fonds d'élimination des déchets sont d'un mill par kilowatt heure, soit une toute petite partie des frais d'électricité, ce qui n'a presqu'aucune répercussion économique sur la production d'électricité à partir de l'énergie nucléaire.
De même, il est souvent question de démolir les installations à la fin de leur vie utile. Cette méthode a déjà été employée à bon nombre d'endroits et s'est révélée très facile à gérer du point de vue des aspects économiques rattachés au cycle de vie de la production d'énergie. Au Canada, le montant que nous versons dans le fonds est relativement peu élevé par rapport aux autres coûts rattachés à la production d'énergie nucléaire.
[Français]
Vous avez dit une chose qui m'a troublée. Vous avez dit qu'on devrait rationaliser le système réglementaire pour qu'il soit conforme aux besoins de la compétition. En entendant cela, je me dis que nos règlements sont trop sévères. Devrait-on vous permettre plus de laxisme? Pourquoi nous dites-vous cela? Pouvez-vous me donner des exemples?
[Traduction]
Avant d'aller plus loin, je tiens à dire que je ne propose pas de diminuer les normes de rendement actuelles. Lorsque nous découvrons au Canada un gisement d'uranium que nous voulons exploiter et transformer en un projet commercial, il faut compter au moins 10 ans pour mener à bien le processus de délimitation, s'acquitter des tâches préalables à la délivrance des permis et, au bout du compte, obtenir les permis.
Cette industrie est pourvue d'un organisme spécial de réglementation. J'ai parlé de la CCSN. Il existe également un organisme provincial de réglementation, ce qui crée certains chevauchements. S'ajoutent ensuite les mesures qui découlent de l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la LCEE, et ce sans compter tous les autres organismes fédéraux qui participent d'une fois à l'autre au processus, comme Pêches et Océans. La combinaison de tous ces éléments fait en sorte que le processus requis en vertu de la réglementation s'étire sur de nombreuses années.
Entre-temps, nos concurrents arrivent sans peine à respecter les normes de leurs pays respectifs, qui sont égales ou inférieures aux nôtres; ainsi, parce que le processus est simplifié et que ces pays ont fait de l'avancement de ces projets une priorité, le Canada et Cameco se retrouvent en position extrêmement désavantageuse par rapport à la concurrence. Cela signifie que nos gisements à teneur élevée qui offriraient normalement d'excellents avantages économiques sont à la remorque de ceux de l'Afrique du Sud, du Kazakhstan, de la Namibie et de l'Australie, parce que ces pays ont des systèmes beaucoup plus rapides que les nôtres.
[Français]
Monsieur White, vous parlez beaucoup de recherche et de développement, en disant à quel point c'est important. Vous êtes des ingénieurs. Si le réacteur de Chalk River ne pouvait pas redémarrer, quelle serait votre solution? Pour vous, est-ce une menace à la recherche et au développement au Canada?
[Traduction]
Oui. L'industrie nucléaire canadienne doit pouvoir compter sur une source de neutrons pour ses recherches. Cela ne fait aucun doute. Le pays aurait à songer au genre d'investissement qu'il souhaite faire pour s'assurer d'avoir accès à cette source de neutrons.
Merci, madame Brunelle.
Nous passons maintenant à Nathan Cullen du Nouveau Parti démocratique, pour un maximum de sept minutes.
Monsieur Cullen, la parole est à vous.
Merci, monsieur le président.
Merci également à nos témoins.
Monsieur Robbins, j'aimerais commencer avec vous. Du point de vue des avantages rattachés à l'industrie nucléaire pour l'économie canadienne et la population canadienne — M. Grandey a également abordé cette question —, savez-vous s'il existe quelque part une étude menée dans le but de déterminer quels auraient été les avantages économiques pour le Canada de subventionner dans une même mesure d'autres industries ou des industries semblables productrices d'énergie?
Mes collègues ici présents et moi-même avons parfois du mal à mettre les choses en perspective lorsqu'on nous vante les mérites de cette industrie, alors que nous n'avons rien à quoi la comparer. Savez-vous s'il existe quelque part une comparaison de nature économique?
Merci, monsieur Cullen.
Je ne connais aucune étude de l'économie canadienne qui puisse se comparer à l'étude du secteur nucléaire, donc je ne pourrais rien vous dire à ce sujet au moment présent.
D'accord. M. Shearer s'est servi de l'analogie des Jeux olympiques, pour ce qui est des mesures adoptées par le Canada... Une analogie quelque peu malaisée, peut-être, compte tenu des dépassements de coûts, des énormes subventions versées de part et d'autre à Vancouver et de toute la controverse qui entoure le projet.
Monsieur Robbins, il en va donc comme suit pour l'avenir de l'industrie nucléaire au Canada: l'Ontario pourrait éventuellement être rayée de la liste. À tout le moins, la province a décidé de reporter à plus tard sa démarche visant à obtenir quelques milliards de dollars en subventions auprès d'Ottawa pour procéder à la construction de ses installations. L'Alberta envisage de construire des installations entièrement nouvelles, ce qui, aux dires mêmes de l'industrie, est très difficile à faire. Dans ce genre de contexte, la réhabilitation de sites est beaucoup plus facile à faire. La Saskatchewan en est à réfléchir. La remise en état des installations de Lepreau au Nouveau-Brunswick est retardée et coûte chaque jour aux contribuables du Nouveau-Brunswick un million de dollars en frais d'électricité. Ces constats ne sont pas nécessairement positifs.
Une des difficultés que j'éprouve à entendre vos observations sur l'état et la santé de l'industrie nucléaire canadienne en cette période de prétendue renaissance globale, c'est qu'environ 130 contrats de construction — ce nombre varie — en sont actuellement à différentes étapes... Si je ne m'abuse, aucun de ces projets ne fait appel à la technologie CANDU.
De plus, la façon dont le gouvernement se comporte à l'égard de ce processus de privatisation a toutes les allures d'un cercle vicieux. Voici donc la question que je veux vous poser. Le gouvernement a annoncé son intention de privatiser. Cette annonce a créé une certaine incertitude. Aucun nouveau marché n'est conclu car tous attendent de connaître la structure de la privatisation — ce qui m'amène à une question que je poserai à M. Ivanco dans une seconde — et tout cela, je présume, influe sur le rendement des investissements faits pour le compte des contribuables canadiens du côté d'EACL. Voilà pour commencer.
Ce cycle se poursuit malgré l'incertitude qui plane. Je ne comprends pas comment l'industrie peut paraître si optimiste. Les gens ne sont pas en train de frapper avec insistance à nos portes pour nous demander de leur construire des réacteurs. La seule province qui semblait vouloir le faire, en l'occurence l'Ontario, se dit prête à aller de l'avant seulement si tous les contribuables canadiens subventionnent la construction.
Je sais qu'il vous faut soutenir l'industrie — il en va de la nature de votre travail et c'est de là que vient votre enthousiasme —, mais j'ai du mal à comprendre d'où vient cet optimisme quand je regarde où se situe l'industrie canadienne actuellement.
Merci, monsieur Cullen.
Pour ce qui est de l'Ontario, le ministre de l'Énergie, M. Smitherman, était en faveur du nucléaire. Il reconnaissait la place très enviable du nucléaire dans le tableau énergétique de l'avenir.
Lorsque nous avons fait le processus de sélection, tout était essentiellement fonction des offres. À l'époque, le ministre n'était pas prêt à aller de l'avant, car il était incertain des offres, mais ce n'était pas faute d'appuyer l'industrie. Il a fondé sa décision sur le rendement des réacteurs nucléaires utilisés à l'heure actuelle. Par exemple, les installations de Darlington sont réputées donner un excellent rendement en ce moment. C'est un fait connu au Canada comme ailleurs dans le monde.
On nous a dit que la demande de propositions de l'Ontario était différente, en ce sens que la province voulait voir tous les coûts inscrits dans l'offre, ce qui est quelque peu inhabituel. L'Ontario voulait connaître l'ensemble des coûts rattachés à la durée de vie du projet.
Je vois M. Grandey hocher la tête.
Cette particularité, selon vous, a-t-elle eu un quelconque effet sur la façon dont EACL s'est acquittée du processus d'appel d'offres lancé par l'Ontario, et explique-t-elle le report du projet?
Il faudrait poser cette question au gouvernement. Je n'ai nullement pris part au processus d'appel d'offres ni à la collecte de renseignements aux fins de la sélection. Je ne pourrais vraiment pas parler de ces choses, car je ne connais pas les renseignements que détient le Canada.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Cullen, certaines choses sont importantes pour nous. Il serait inapproprié pour les gens de penser que le gouvernement du Canada doive remettre la main sur tout l'argent investi au cours de ces quelques décennies, parce qu'il est maintenant question de restructurer l'industrie.
Comme vous avez pu le constater, nous sommes une industrie de 6,6 milliards de dollars. Nous contribuons 1,5 milliard de dollars par année à la caisse fédérale et à celles des provinces sous forme d'impôts. Par conséquent, il n'est pas déraisonnable de dire que l'industrie, grâce à ses 30 000 emplois, contribue déjà largement à l'économie. Cela étant dit, je tiens à insister sur ce point auprès de vous: le pays en a déjà pour son argent.
Ensuite, très rapidement, je crois que M. Schneider a su démontrer pourquoi il est essentiel que le gouvernement du Canada s'assure qu'EACL puisse entreprendre les travaux qu'il est prévu d'exécuter au cours des prochaines années dans l'industrie nucléaire mondiale. M. Schneider n'a pas tort de dire qu'il faudra renouveler certains des réacteurs existants, mais la stratégie, du moins pour nous à Bruce Power — je travaille maintenant pour Bruce Power —, a été de remettre en état les réacteurs existants, de manière à prolonger leur vie utile et à nous permettre de continuer à produire de l'énergie.
De plus, comme l'a dit M. Grandey, plusieurs autres pays ont adopté des stratégies semblables afin de renouveler leurs appareils. Le travail est là et contribuerait à créer de nouveaux emplois pour les Canadiens, sans oublier qu'il doterait EACL d'une plate-forme lui permettant de réaliser davantage d'activités commerciales à l'échelle internationale.
Si vous le permettez, je passerais à M. Schneider.
Monsieur Schneider, la beauté de votre témoignage vient du fait que vous êtes un des rares témoins à analyser la situation globale et à essayer de délimiter la place de l'industrie nucléaire canadienne dans tout ce tableau.
Pour en revenir à la question que je posais à savoir pourquoi si peu d'offres font actuellement appel à un réacteur CANDU, j'aimerais savoir si la façon dont nos réacteurs sont construits peut expliquer cette tendance. Pour notre part, nous avons parlé de l'efficience de ces réacteurs, de leur excellent rendement et du fait qu'ils sont très sûrs. Compte tenu de tous ces facteurs, d'aucuns pourraient penser que les États-Unis, l'Europe et l'Asie choisiraient nos réacteurs bien avant tous les autres, mais ce n'est pas le cas.
Notre présente étude porte sur l'état de l'industrie nucléaire au Canada. Pourquoi les offres sont-elles si nombreuses à exclure le Canada?
Je crois qu'il y a eu d'autres exemples dans le passé. Si l'on remonte aux réacteurs de première génération élaborés en France, on constatera qu'il s'agissait de réacteurs gaz-graphite. Ces réacteurs n'ont pas survécu à la première génération parce qu'ils avaient été commandés par une entreprise, et conçus et fabriqués par une autre. Ils avaient été conçus par la Commission de l'énergie atomique, mais c'est l'entreprise Électricité de France qui les avait commandés.
À l'époque, EDF s'était dit qu'il était impossible de s'opposer à la propension pour les réacteurs à eau ordinaire, qui s'observait à l'échelle internationale. C'est-à-dire qu'à la lumière des leçons apprises, et dans la perspective des progrès technologiques, ça aurait été impossible. Cette décision a été très controversée, en France. La décision d'acheter la technologie de Westinghouse est loin d'avoir été facile. Il ne faut pas oublier que jusqu'à 1984, si je ne me trompe pas, les réacteurs français étaient en fait construits sous licence de la société Westinghouse. Ce n'est qu'ensuite qu'il y a eu franchisage, si je peux m'exprimer ainsi.
La situation a été la même au Royaume-Uni. Le Royaume-Uni a tenté d'élaborer ses propres technologies de réacteur, mais il a échoué parce qu'il devait faire face à une concurrence écrasante.
Je crois qu'on peut dire aujourd'hui que l'industrie canadienne a foncièrement raté le coche et qu'il est trop tard pour tenter de rattraper les autres constructeurs qui ont suivi la vague de la technologie des réacteurs à eau ordinaire, qui est pratiquement devenue la norme de l'industrie à l'échelle de la planète.
Je vous remercie, monsieur Schneider.
Merci, monsieur Cullen.
Nous allons passer au parti ministériel. Monsieur Allen, vous avez sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être présents aujourd'hui.
J'ai quelques questions. Je vais d'abord poser deux d'entre elles, puis nous verrons où cela nous mènera.
Il me semble que, pour que l'industrie nucléaire connaisse du succès à long terme au Canada et dans le monde, nous devons nous concentrer sur trois choses. D'abord, pouvons-nous construire et exploiter des réacteurs de façon rentable, tout en tenant compte des activités de remise en état que nous devons exécuter? Ensuite, comment ferons-nous pour recruter le personnel nécessaire? Enfin, comment procéderons-nous pour la gestion des déchets?
D'après les observations que M. Cullen a faites il y a une minute, il y a manifestement un problème à Point Lepreau. AREVA rencontre également des problèmes dans le cadre de son projet en Finlande.
J'aimerais que M. Grandey de Cameco réponde à cette question, de même que M. Shearer et un des représentants de l'Association nucléaire canadienne. J'aimerais que vous nous parliez de certains facteurs qui contribuent à la réussite. Nous savons qu'un bon nombre des projets ont été réalisés en respectant l'échéancier et dans les limites de leur budget. Je voudrais que vous nous décriviez certains facteurs de réussite. Il me semble que cela ne se résume pas aux connaissances technologiques. Il faut une personne qui soit capable de gérer le projet de manière à ce que les choses se fassent. En toute déférence, certains de nos travailleurs du secteur technologique ne pourraient pas gérer un poulailler...
Des voix: Oh, oh!
M. Mike Allen: ... alors, si c'est bien le cas, quels sont, à votre avis, certains des facteurs essentiels à la réussite? Je voudrais simplement comprendre en quoi consistent certains des facteurs de réussite afin que nous puissions dorénavant nous assurer que nous pourrons construire des réacteurs en respectant les échéanciers et les budgets.
Pour ma part, je répondrais que Hitachi a, comme je l'ai mentionné plus tôt, construit 20 réacteurs, et que nous en construisons actuellement 22 autres. La méthode de construction fait partie des éléments cruciaux. Je crois qu'elle sera incorporée dans la conception du nouveau réacteur CANDU avancé, car Hitachi a travaillé en étroite collaboration avec Énergie atomique pour mettre à profit les leçons qu'elle a apprises par expérience. Dans le cadre du projet de Qinshan, nous avons participé à l'introduction, pour la toute première fois, de la technologie de modularisation, à l'appui de la construction d'EACL. Je crois donc que, pour ce qui est de la méthodologie de construction idéale, la modularisation constitue un élément clé.
Il y a ensuite la formation et les métiers spécialisés. Je crois que le Canada peut certainement tirer une grande fierté de sa main-d'oeuvre dans les métiers spécialisés, mais il faut que l'expérience soit acquise en continu. Nous devons reconnaître l'importance de certains facteurs cruciaux, comme la formation, la formation, et encore la formation. Il est très important d'avoir une politique qui met l'accent sur la mise à jour des connaissances par la formation, par exemple, ainsi que sur la formation continue.
Je dirais qu'il y a un troisième élément, qui serait sans doute la capacité des organisations d'investir foncièrement dans les infrastructures qui sont nécessaires pour faciliter la construction, qu'il s'agisse du développement du site... Je parle plus particulièrement des études techniques d'avant-projet, des travaux d'ingénierie qui doivent être exécutés adéquatement dès l'étape de la conception, et de la préparation préalable du site.
Je crois que tous ces éléments sont très importants pour la réussite d'un projet. Hitachi a d'ailleurs exécuté ses projets en respectant ses échéanciers et ses budgets.
Je souscris très certainement à tout cela. Je vais revenir sur un sujet que j'ai abordé plus tôt: l'importance d'avoir un cadre de réglementation adapté à la construction ou à la remise en état — en tout cas, certainement à la construction — des réacteurs de la prochaine génération. C'est un élément qui est à l'origine des complications dans plusieurs nouveaux projets de construction.
Il y a aussi un dernier point, qui était peut-être sous-entendu: le fait que l'industrie doit observer les normes de gestion de la qualité les plus élevées pendant tout le cycle d'approvisionnement et pendant la construction des nouvelles centrales.
Comme l'a dit M. Schneider, cela fait une vingtaine d'années que nous n'avons pas construit de réacteurs dans le cadre de projets d'envergure. Cela revient à dire que la nouvelle génération de réacteurs que nous construisons sont des prototypes, et nous apprenons donc — et réapprenons dans certains cas — toutes les leçons qui accompagnent inévitablement la construction de quelque chose de relativement nouveau.
Les projets de construction qui sont en cours en Inde, en Chine, en Europe et, finalement, aux États-Unis nous permettront de franchir l'étape des prototypes. Le procédé sera par la suite caractérisé par une plus grande modularisation, et il deviendra beaucoup plus routinier.
Il y a deux ou trois choses qui se passent actuellement au Canada et qui nous aident à progresser. Les activités de remise en état, qui ont commencé à Pickering, qui se poursuivent maintenant à Point Lepreau et auxquelles nous prêtons main-forte, contribuent à rebâtir une capacité de l'industrie qui, pour parler franchement, s'était atrophiée au cours des dernières décennies, alors que la construction était au point mort. Nous avons manifestement contribué aux activités sur les marchés d'exportation, mais une chaîne d'approvisionnement bien huilée constitue un élément important, tout comme la formation, qui a été mentionnée plus tôt.
Dans un sens, c'est ici que certaines entreprises ont beau jeu. La conjoncture économique difficile que nous traversons a fait en sorte que certaines entreprises des secteurs de précision, notamment le secteur de l'automobile, ont réorienté leurs activités vers le secteur nucléaire, dans lequel elles peuvent mettre à profit leurs grandes capacités dans le domaine de la construction et des tolérances de fabrication. Il y a donc maintenant des entreprises de précision où peuvent être trouvées et développées les capacités dont nous avons besoin en tant qu'industrie. Cela nous aidera à relever certains des énormes défis auxquels nous faisons face: d'une part, l'accès à une main-d'oeuvre qualifiée et, d'autre part, l'approvisionnement en matériel dans les délais pour les nouveaux projets de construction, qui est on ne peut plus souhaitable.
Du point de vue de l'industrie, j'ai pu voir un grand nombre de projets au cours des années, et la question se ramène toujours aux aspects fondamentaux dont nous avons parlé. C'est une question de planification. Il faut s'assurer d'être prêts. La portée, la durée et les estimés initiaux des coûts sont des aspects fondamentaux, et ils sont indissociables du succès qu'un projet pourra connaître d'emblée.
Les éléments dont nous discutons — les leçons apprises par les entreprises, les analyses comparatives, les outils que nous créons —, toutes ces considérations préalables, sont essentiels à la réussite. Il faut une planification à long terme et il faut être prêt avant que le projet soit lancé.
Merci, monsieur Allen. Votre temps est écoulé.
Il nous reste seulement quelques minutes, alors chaque membre aura deux minutes pour la deuxième série de questions. La parole est d'abord à M. Tonks.
Merci, monsieur le président.
Merci à tous d'être présents.
J'ai seulement une question. L'autre jour, nous avons entendu un témoignage sur les lacunes technologiques du réacteur CANDU avancé liées au coefficient de puissance négatif, et sur les défauts connexes qui feraient en sorte qu'il ne serait pas seulement difficile à exploiter mais également dangereux, du point de vue de l'ingénierie.
J'imagine qu'il vous serait difficile de répondre sans avoir entendu ce témoignage, mais si l'on examine la technologie CANDU de manière générale, du point de vue de l'ingénierie, il y a eu le problème des réacteurs MAPLE, qui semble en quelque sorte prouver que certains problèmes technologiques n'ont pas été résolus. Qu'avez-vous à dire là-dessus? Je crois que cela intéresse le comité et que nous aimerions être rassurés.
Nous parlons de la technologie canadienne en nous reportant à la plate-forme existante. Nous ne voulons pas sous-estimer ou dévaloriser cette plate-forme de quelque manière que ce soit, mais si nous élaborons une technologie dans un contexte international en faisant fi des arguments qui ont été présentés, quelles sont nos chances de réussir si la technologie n'est pas sécuritaire?
La technologie du CANDU compte parmi les technologies les plus sécuritaires au monde parce qu'elle s'appuie sur la technologie de défense en profondeur. Oui, le CANDU 6 a un coefficient de vide positif qui peut causer une pointe de puissance, mais le système d'arrêt a été conçu de telle sorte qu'il peut la supporter. Il est conçu pour ça.
Les réacteurs ont deux systèmes d'arrêt indépendants, ce que d'autres réacteurs n'ont pas. L'ACR a été conçu pour avoir un coefficient de puissance négatif ou un coefficient vide qui améliorera également la sécurité, mais qui ne le rendra pas plus sécuritaire qu'un CANDU 6. Les deux réacteurs sont très sécuritaires. Leurs critères de conception visent à s'assurer qu'ils peuvent supporter les accidents de dimensionnement prévus par l'organisme de réglementation, qui sont des accidents très lourds.
Merci, monsieur le président.
Aujourd'hui, la plupart des questions ont porté sur EACL, les CANDU, etc., mais je me demande si certains des témoins pourraient parler brièvement des — comment dire — questions de moindre importance, des questions concernant les créneaux, celles qui ne sont pas liées directement à EACL et au CANDU.
Voici ce que je me demande. Quels sont les autres défis et possibilités touchant l'industrie nucléaire canadienne que le comité devrait examiner, plus particulièrement ceux et celles qui ne concernent pas EACL, les CANDU et tous ces problèmes? Y a-t-il d'autres questions sur lesquelles nous devrions nous pencher? Vous devrez répondre très brièvement. Je sais que le représentant de Cameco va vouloir répondre et je suis certain que deux ou trois autres témoins répondront.
Très brièvement, je veux dire tout d'abord que, quel que soit l'avenir de la technologie du CANDU, le Canada dispose d'une industrie nucléaire absolument forte et merveilleuse qui est concurrentielle à l'échelle mondiale. On doit y porter attention.
Pour revenir aux questions, vous avez mis sur pied des organismes, mais vous n'avez jamais examiné leur rendement. Une surveillance doit être mise en place de manière à ce que lorsque les activités ralentissent, qu'elles deviennent trop bureaucratiques ou qu'il y a trop d'organismes à la fois, le Parlement peut faire ce qu'il devrait faire, c'est-à-dire corriger le système de façon à le rendre plus efficace.
Je crois qu'un élément important demeure l'investissement en recherche et développement de l'industrie, dans les universités. EACL a un rôle important à jouer à cet égard. Je sais que vous ne vouliez pas que j'en parle, mais il y a un nombre considérable de liens entre ce site et nos universités partout au pays. Voilà un élément.
Deuxièmement, je crois qu'il faut déterminer exactement qu'elle est la politique du pays en matière de carbone, car c'est un élément important pour l'industrie nucléaire. Évidemment, c'est d'un grand intérêt pour nous, parce que nous croyons que nous pouvons aider le pays et l'économie à satisfaire aux exigences qui nous sont présentées. Mais comme dans toute chose, je crois que la certitude nous aidera énormément.
Ensuite, je pense que nous devons comprendre que l'industrie s'étend au-delà d'une seule organisation. Nous avons un très grand nombre de composantes de l'industrie qui fournissent des services dans tous les domaines, de l'aide médicale aux diagnostics pour d'autres industries — pas seulement dans le domaine médical — jusqu'aux domaines de la concurrence internationale pour différentes sphères d'autres entreprises. Nous sommes assez diversifiés et nous avons besoin d'un rendement économique fort au pays pour nous aider à nouer des relations et à faire des affaires à l'étranger.
Enfin, l'autre élément, c'est de nous aider à pénétrer dans certains marchés d'exportation où des développements sont possibles. En Inde, par exemple, où certaines ententes ont déjà été conclues avec le gouvernement national de l'Inde. Des mesures de sauvegarde ont été mises en place afin de permettre à des membres de notre industrie d'exercer activement des activités commerciales en Inde. Les grands marchés pourraient nous aider à contribuer encore plus au PIB du Canada.
Voilà trois brefs éléments.
Merci beaucoup, monsieur Trost.
Nous passons à M. Guimond pour deux ou trois minutes, pour une question ou deux.
[Français]
J'ai une question très brève à poser à MM. Elston et Ivanco.
On parle de la restructuration d'EACL et de privatisation. À l'avenir, quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer dans l'industrie nucléaire?
[Traduction]
À mon avis, il est important que le gouvernement fédéral sache qu'il doit continuer de jouer un rôle, peu importe ce qu'il entend faire prochainement sur le plan de la restructuration. C'est clair dans tous les marchés internationaux qu'on étudie, particulièrement dans les pays qui disposent d'une technologie nationale.
Si vous consultez le site Web de l'ANC, par exemple, vous y verrez un rapport préparé par SECOR. Je crois qu'il a été publié en août 2006 environ, mais il est sur le site depuis un certain temps. Il précise ce que chaque pays a fait pour aider ses industries locales. Vous y verrez qu'il y avait une intervention politique active, une compréhension des besoins énergétiques pour l'avenir, et une compréhension également qu'il ne s'agissait pas seulement de l'industrie, mais que ça venait du soutien positif du gouvernement en matière de politique publique à cet égard.
En fait, il s'agissait du développement de recherche innovatrice et imaginative. C'était le développement de femmes et d'hommes qui assumaient des rôles de premier plan à l'échelle internationale dans les domaines de la science, de la recherche et de l'enseignement. Également, c'était la commercialisation de produits à l'étranger. Le gouvernement lui-même était très présent pour aider les diverses composantes de ces industries nationales à nouer des relations et à faire connaître leurs produits à l'étranger.
Tous ces éléments seraient cruciaux pour le gouvernement fédéral, peu importe le genre de restructuration envisagé par Ottawa.
Merci.
Merci, monsieur Guimond.
Madame Gallant, vous avez une minute. Vous devez être très brève. Nous disposons de quatre minutes.
Merci, monsieur le président.
La technologie canadienne des réacteurs nucléaires est la seule technologie qui peut utiliser de l'uranium naturel comme combustible; tous les autres ont besoin d'uranium militaire comme source de combustible. Nous utilisons également de l'eau lourde comme modérateur, par opposition à d'autres pays qui utilisent des combustibles comme le graphite. Si le Canada adoptait des technologies nucléaires autres que le CANDU, de quelle façon la chaîne d'approvisionnement, plus particulièrement en ce qui concerne le combustible, serait touchée au Canada?
Pour ce qui est des installations dont j'ai parlé plus tôt et qui sont exploitées par Cameco en Ontario, 80 p. 100 de notre production est destinée à des réacteurs à eau ordinaire aux États-Unis, en Europe et en Extrême-Orient, et 20 p. 100 de notre production est destinée aux réacteurs CANDU, qui, comme vous l'avez dit, utilisent de l'uranium naturel.
J'aimerais corriger une chose que vous avez dite. La technologie des réacteurs à eau ordinaire n'utilise pas d'uranium militaire. Elle utilise un uranium dont le niveau d'enrichissement est beaucoup plus bas, un niveau de 5 p. 100 ou moins, comparativement à l'uranium militaire, dont le niveau est de 95 p. 100. Les deux sont complètement différents.
Si la technologie à eau ordinaire se développe et arrive au Canada, la chaîne d'approvisionnement que nous connaissons ne changera pas beaucoup. Nous approvisionnerons encore nos clients qui exploitent des réacteurs CANDU et ceux qui utilisent la technologie de réacteur à eau ordinaire, les mêmes clients que nous approvisionnons aujourd'hui.
Je me demande si M. Anderson peut confirmer la présence de la ministre lundi et nous dire combien de temps elle sera parmi nous. Également j'aimerais savoir qui d'autre viendra.
Je vais soulever la question. J'allais d'abord laisser partir les témoins, mais je peux le faire maintenant.
La ministre a indiqué qu'elle pouvait venir lundi et lundi seulement. Elle a, très généreusement je crois — et vous pourrez comprendre, monsieur Regan, puisque vous avez déjà été ministre — offert deux segments de 45 minutes. Elle sera ici pour les deux segments de 45 minutes, pendant une heure et demie, pour les exposés et les questions.
J'ai essayé d'en discuter avec les deux vice-présidents. Nous avons communiqué avec le bureau de M. Cullen, bien que je ne lui ai pas parlé, mais M. Tonks a indiqué qu'il pourrait être là. Lundi semble convenir, alors si les membres du comité sont d'accord, nous accueillerons la ministre lundi pendant deux segments de 45 minutes.
Eh bien, nous traiterons de la question de l'industrie nucléaire, à l'échelle nationale et internationale, et ensuite nous aborderons le projet de loi C-20. La ministre souhaite aborder les deux questions.
Monsieur le président, à titre de membres, nous pourrions certainement décider des questions que nous souhaitons poser. Cela ne serait-il pas raisonnable?
Comme vous le savez, lorsqu'un ministre se présente devant le comité, les questions qu'il est permis de poser sont extrêmement vastes. Ce sera la même chose. C'est l'une des questions que je voulais soulever.
L'autre question, c'est...
Allez-y, monsieur Shory.
Nous devons quitter à l'instant de toute façon, monsieur Shory.
Il y a une autre chose. En ce qui concerne le projet de loi C-20 quels témoins les membres aimeraient-ils voir? J'aimerais avoir une liste de priorités d'ici vendredi. Il est très important que vous remettiez une liste de priorités à la greffière d'ici vendredi.
Merci à tous d'être venus, messieurs, et merci de vous être joint à nous par téléconférence, monsieur Schneider.
Encore une fois, tout le monde, j'apprécie vos commentaires. Les questions et les exposés étaient excellents.
L'ordre du jour est épuisé. La séance est levée.
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