Nous sommes réunis pour poursuivre notre étude, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, des installations d'Énergie atomique du Canada limitée situées à Chalk River et sur l'état de la production d'isotopes d'application médicale.
Nous accueillons deux groupes de témoins. Le premier de 15 h 30 jusqu'aux environs de 16 h 20. Nous raccourcirons le temps prévu. Le deuxième, de 16 h 20 à 17 h 15. Cela nous laissera 15 minutes à la fin pour discuter des travaux du comité, parce que nous devons décider des témoins que nous allons inviter ou des travaux que nous voulons effectuer mardi et jeudi de la semaine prochaine, et plus tard. J'invite tout le monde à réfléchir à cela pour que nous puissions traiter de ces questions en 15 minutes ou du moins que nous apportions une touche finale au choix des témoins de mardi; ce serait très utile.
Nous allons tout de suite commencer. D'Énergie atomique du Canada limitée, nous accueillons Hugh MacDiarmid, président et président-directeur général, qui est accompagné de Bill Pilkington, vice-président principal et agent principal du nucléaire.
Merci beaucoup, messieurs, de vous être déplacés. Vous savez très bien ce dont il est question aujourd'hui. Si vous avez un exposé, je vous invite à nous en faire part et vous disposez de 10 minutes tout au plus.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Je voudrais vous présenter M. Bill Pilkington, agent principal du nucléaire pour EACL.
[Traduction]
Bill fera maintenant une présentation sur le réacteur NRU de Chalk River et nous expliquera comment EACL prévoit déterminer, et ensuite mettre en oeuvre, une solution pour le retour en service en toute sécurité de ce réacteur.
Puisque notre temps est limité, j'aimerais simplement affirmer que les mesures qui seront prises par EACL et son équipe sur la situation actuelle à Chalk River s'appuieront sur plusieurs principes.
D'abord et avant tout, nous n'exploiterons jamais un réacteur qui n'est pas sécuritaire. Il s'agit du plus important engagement que nous avons pris envers nos employés, nos collectivités et tous les Canadiens.
Deuxièmement, nous voyons la production d'isotopes à des fins médicales comme élément de notre mission fondamentale. Nous le faisons pour le Canada et pour le monde. À ce titre, nous avons une obligation de reprendre la production dès qu'il sera pratique et sécuritaire de le faire. Nous assurerons la remise en service du réacteur NRU dès que possible après y avoir fait des réparations durables et pris toutes les mesures pour garantir son exploitation sécuritaire. Nos efforts pour remettre le réacteur en service s'appuieront sur toute l'expertise disponible, tant à l'interne qu'à l'externe, afin que nous puissions utiliser les meilleurs cerveaux pour régler ce problème. Nous travaillerons à toute heure du jour et de la nuit, sept jours sur sept si nécessaire, pour accomplir ces travaux. Une gestion de projets professionnelle sera, comme toujours, à la base de nos actions.
Nous travaillerons de concert avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire, notre organisme de réglementation, avec qui nous continuons d'avoir d'excellents rapports.
Enfin, nous mènerons nos activités avec le plus haut degré de transparence — envers les Canadiens, la communauté médicale, notre intervenant et, effectivement, devant ce comité et le Parlement. Sur ce dernier point, permettez-moi d'inviter les membres de ce comité à visiter Chalk River et de voir de leurs propres yeux les travaux qui sont actuellement en cours.
Merci, et maintenant je cède la parole à M. Pilkington.
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Monsieur le président, l'arrêt du réacteur NRU est survenu automatiquement le 14 mai en raison d'une panne de courant hors site. La décision a été prise de ne pas remettre en service le réacteur à la suite de signes indiquant qu'une fuite d'eau lourde s'était produite. La légère fuite d'eau lourde, qui était la cause de l'arrêt prolongé, se poursuit au rythme de quatre à cinq kilogrammes à l'heure.
Je vous invite à prendre la diapositive 2 des documents qui vous ont été remis; elle illustre la configuration du réacteur NRU et la gestion des fuites d'eau lourde. Toute l'eau lourde qui s'écoule de la fuite est recueillie et entreposée dans des fûts de stockage spécialement conçus. Environ 20 p. 100 de l'eau lourde s'évapore dans l'atmosphère du site de Chalk River, actuellement sous surveillance. À la suite de cette fuite, les émissions de tritium sont légèrement supérieures au seuil d'intervention précisé à partir duquel EACL fait rapport à la CCSN et aux intervenants locaux et en fonction duquel elle affiche de l'information sur son site Web. Toutefois, ces émissions correspondent à environ un millième de la limite réglementaire.
On a détecté l'emplacement de la fuite quatre jours après l'arrêt du réacteur grâce à une inspection réalisée avec des caméras téléguidées, car il était extrêmement difficile d'accéder au site à partir du sommet du réacteur situé neuf mètres plus haut.
La diapositive 3 montre l'emplacement de la fuite, neuf mètres sous les points d'accès situés en haut du réacteur, ainsi qu'un détail de la façon dont se présente le point de fuite. Celle-ci a été causée par la corrosion qui a commencé sur la paroi extérieure, à la base de la cuve. Plus précisément, l'effet du rayonnement sur l'azote dans l'eau et l'air à la base de la cuve ont produit de l'acide nitrique. Une inspection vidéo complète de la base de la cuve du réacteur révèle la présence d'un autre secteur semblable à l'emplacement de la fuite et d'une demi-douzaine d'autres secteurs préoccupants.
Prenez la diapositive 4 qui montre l'emplacement de la fuite sur la périphérie de la cuve et les cinq autres points noirs indiquent d'autres secteurs préoccupants. Une évaluation préliminaire de l'étendue de la corrosion et des technologies disponibles en matière de réparation nucléaire confirme l'absence d'une solution simple ou immédiate. Ce jugement est reflété dans notre plus récente estimation selon laquelle l'arrêt durera au moins trois mois.
La diapositive 4 est constituée de trois photos: la première est celle de la cuve à l'état neuf; la deuxième montre l'état général de la cuve à sa base; et la troisième est une photo de la zone préoccupante. Les activités d'inspection et de réparation sont complexes en raison de l'accès limité à l'emplacement de la fuite et de la corrosion ainsi que de l'état des parois de la cuve, en surface.
Nous sommes en train d'extraire le combustible du réacteur. Nous extrairons ensuite l'eau lourde et ferons un examen non destructif de la paroi intérieure à la base de la cuve. Nous sélectionnerons la technique de nettoyage et de réparation la plus appropriée — tous les travaux doivent être effectués à distance, puisque l'accès au site doit se faire à partir du sommet du réacteur, lequel se trouve neuf mètres plus haut, et que nous sommes en présence de champs de rayonnement élevés. Seulement une fois que nous connaîtrons l'étendue des réparations et la technique pour les réaliser, pourrons-nous dresser un plan détaillé et produire un calendrier des travaux.
En parallèle avec la réparation et l'inspection, nous effectuerons une évaluation de manière à confirmer que la cuve peut être remise en service. Nous tenons les inspecteurs de la CCSN directement engagés dans les efforts déployés au site de Chalk River; nous tenons des représentants à Ottawa informés de toutes nos activités. Nos réparations seront solides; notre évaluation de l'aptitude fonctionnelle sera exhaustive et précise, de manière à aider la CCSN à décider si le réacteur NRU peut être remis en service en toute sécurité.
EACL s'engage à être entièrement transparente envers vous, la CCSN et nos intervenants. La remise en service sécuritaire du NRU à l'appui de la production d'isotopes à des fins médicales est notre principal objectif.
Merci, monsieur le président.
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Merci beaucoup pour cette question.
La première mesure que j'ai dû malheureusement adopter n'est pas directement allée dans le sens de cet objectif. Nous avons dû prendre une décision très difficile, celle de mettre un terme au programme MAPLE. À l'époque où j'ai assumé mes fonctions, il était encore prévu de mener ce programme à terme. Avec le temps, il est devenu évident qu'il n'aboutirait pas, et cela après de nombreux essais et de nombreuses analyses.
La première mesure a donc consisté à mettre un terme au programme MAPLE. J'ai jugé nécessaire de prendre cette décision difficile, le plus rapidement possible, parce que cela nous a ainsi contraints à envisager d'autres mesures; sinon, nous aurions continué sur une trajectoire sans issue.
Depuis cette époque, nous cherchons à faire en sorte que le réacteur NRU soit un outil de production d'isotopes viable et fiable dans un avenir prévisible. Il est un fait que notre organisation s'est surtout attardée à élaborer un protocole en collaboration avec la Commission canadienne de sûreté nucléaire afin de déterminer ce qu'il faut faire pour obtenir un prolongement de licence d'exploitation du NRU. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec l'autorité de tutelle et avons évolué dans ce cadre.
Nous avons aussi travaillé avec les fonctionnaires fédéraux pour déterminer le genre d'activités qu'il fallait entreprendre afin de répondre aux exigences de la licence advenant un prolongement de la durée de vie utile du NRU. La documentation est en cours de préparation. Selon le plan d'activités de l'exercice 2009-2010, les besoins budgétaires d'EACL devraient être d'environ 70 millions de dollars pour la production d'isotopes, dont 47 millions de dollars cette année pour ce que nous appelons le Programme de fiabilité de l'approvisionnement en isotopes. Celui-ci est destiné à garantir la fiabilité du NRU durant la prochaine période visée par la licence, au-delà de 2011.
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Merci, monsieur le président.
[Français]
Je suis heureux d'être ici pour discuter avec vous du rôle de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, surtout en ce qui a trait à Énergie atomique du Canada limitée, depuis le récent arrêt du réacteur national de recherche universel.
[Traduction]
C'est la troisième occasion qui m'est donnée depuis moins d'un an de venir témoigner devant votre comité, plus récemment le 24 février 2009, pour vous entretenir d'une fuite d'eau lourde survenue au NRU en décembre 2008.
Je suis certain que les membres du comité connaissent désormais assez bien la CCSN. Toutefois, j'aimerais profiter de cette occasion pou vous rappeler certains éléments clés.
La CCSN est le seul organisme de réglementation nucléaire au Canada, et la réglementation de ce secteur relève exclusivement du gouvernement fédéral. La CCSN est un organisme de réglementation efficace et indépendant. Elle constitue un tribunal administratif quasi judiciaire qui oeuvre en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires. Le mandat de l'organisation est très clair: réglementer l'utilisation de l'énergie et des matières nucléaires afin de préserver la sûreté, la santé et la sécurité des Canadiens et de respecter les engagements internationaux du Canada à l'égard de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire.
Les décisions de la commission sont finales et exécutoires. Elles peuvent aussi faire l'objet d'un examen uniquement de la part de la Cour fédérale et non du gouvernement. Lorsqu'ils prennent des décisions, les commissaires tiennent compte de tous les facteurs pertinents sans compromettre la sûreté.
La portée réglementaire de la CCSN englobe les centrales nucléaires, les mines et les usines de concentration d'uranium, les installations de fabrication de combustible, la gestion des déchets, les substances nucléaires, les appareils à rayonnement ainsi que de nombreuses autres installations et activités.
Sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique, une équipe de 20 experts provenant de 13 pays évalue actuellement l'efficacité du cadre de réglementation nucléaire du Canada et notre rendement en tant qu'organisme de réglementation. Ces experts sont arrivés au Canada dimanche dernier et feront le point sur leurs activités le 12 juin. Pendant leur séjour, ils visiteront de nombreux sites partout au pays. Ils rendront public un rapport exhaustif au cours de l'automne.
Passons maintenant à l'arrêt actuel du NRU. J'aimerais citer Richard A. Meserve, président du Groupe consultatif international pour la sûreté nucléaire et ancien président de la Commission de réglementation de l'énergie nucléaire des États-Unis: « Pour se protéger contre d'éventuels accidents catastrophiques, même s'ils sont rares, il faut toujours être vigilant et lutter sans cesse contre la suffisance. » C'est ce que fait la CCSN.
Le personnel de la CCSN qui travaille aux Laboratoires de Chalk River supervise toutes les activités autorisées relatives au NRU qui sont menées par les employés d'EACL. Ces activités incluent l'importation des substances nucléaires aux LCR, lesquelles sont irradiées dans le NRU, retirées puis traitées afin d'en extraire le molybdène 99. La CCSN encadre également le transport du molybdène 99 des LCR à MDS Nordion, à Kanata, en Ontario.
En ce qui a trait aux radio-isotopes médicaux, la CCSN délivre des permis pour la production, le traitement, le transport, l'importation, l'exportation et la possession de radio-isotopes médicaux.
Santé Canada réglemente l'utilisation des produits biologiques, dont les radio-isotopes et les produits radiopharmaceutiques. Le personnel de la CCSN est prêt à examiner les demandes des titulaires de permis qui veulent modifier leur permis pour pouvoir posséder de plus grandes quantités d'autres radio-isotopes, comme le thallium 201 et à leur donner suite rapidement.
Il est important de comprendre que la CCSN n'est pas tenue de s'assurer que l'approvisionnement en isotopes est suffisant. Cependant, il lui incombe de veiller à ce que les isotopes, peu importe leur nature, soient produits de façon sûre.
Le 15 mai 2009, à la suite de l'arrêt du réacteur la veille, soit le jeudi 14 mai, EACL a informé la CCSN qu'une fuite d'eau lourde provenant du NRU avait été détectée. Elle a décidé de maintenir le réacteur en état d'arrêt, décision appuyée par la CCSN.
Plus tard dans la journée, EACL a signalé à la CCSN la présence d'une faible fuite d'eau lourde, l'arrêt du réacteur de façon sécuritaire et que la fuite ne posait pas de risque pour les travailleurs, le public, l'environnement ou la sûreté nucléaire. Elle a communiqué ces renseignements aux principaux ministères fédéraux et affiché un bulletin d'information à cet égard sur son site Web.
EACL a également noté que le taux de fuite d'eau lourde s'élevait à environ cinq kilogrammes par heure et que toute l'eau lourde était récupérée et stockée dans des fûts. Cependant, de petites quantités d'eau lourde se sont évaporées et continuent de s'évaporer, ce qui donne lieu à des rejets de tritium dans l'environnement par le système de ventilation du réacteur NRU. Ces rejets étaient et demeurent bien inférieurs aux limites réglementaires de la CCSN et ne posent aucun risque pour la santé ou la sûreté du public, et pour l'environnement. Le personnel de la CCSN a une fois de plus examiné cette affirmation et y souscrit.
J'aimerais aussi signaler qu'EACL a démontré qu'elle respecte les pratiques propres à la culture de la sûreté en maintenant le réacteur NRU en était d'arrêt sécuritaire jusqu'à ce que la source de la fuite soit identifiée. Pendant qu'EACL établit un plan d'action concernant la fuite, la CCSN exercera son mandat et supervisera les activités d'EACL afin de préserver la sûreté, la santé et la sécurité du public ainsi que de protéger l'environnement.
Pour se pencher sur l'avenir du réacteur NRU, la CCSN et EACL disposent d'un protocole officiel relatif au renouvellement du permis du réacteur en 2011 qui définit les exigences réglementaires, y compris un calendrier des demandes. La première demande importante d'EACL portera sur un examen intégré de la sûreté visant à identifier les améliorations qui doivent être apportées au NRU pour appuyer une demande de prolongation de l'exploitation pendant 10 autres années. Cette demande, prévue pour mars 2010, comprendra une évaluation complète de l'ensemble de l'équipement et des composants de sûreté du réacteur NRU, y compris le caisson de réacteur. EACL présentera ensuite un dossier de sûreté aux fins du renouvellement du permis du NRU en janvier 2011. La commission tiendra des audiences publiques au cours de la deuxième moitié de l'année.
Lors de notre dernière comparution, la CCSN et EACL ont promis d'examiner et d'améliorer la communication de renseignements au public, ce que les deux organisations ont fait dans le cas présent grâce à la divulgation proactive d'information.
Tout au long de son processus d'enquête et jusqu'à présent, EACL, qui se prépare à prendre des mesures, a tenu au courant la CCSN, le gouvernement et la population. Grâce à son site Web, la CCSN a rendu publics tous les renseignements pertinents concernant le réacteur NRU depuis novembre 2007. Laissez-moi vous assurer que notre but est clair: fournir de l'information exacte à la plus grande échelle possible, le plus rapidement possible.
Selon nos règlements, cette fuite constitue un événement important. Pour cette raison, elle doit être signalée à la commission. De plus, le 11 juin prochain, EACL comparaîtra devant la commission dans le cadre d'une réunion publique prévue selon le calendrier habituel. Le personnel de la CCSN et celui d'EACL présenteront à la commission un rapport sur le faits saillants à cette occasion, y compris les renseignements les plus récents concernant le réacteur NRU. Cette réunion sera diffusée sur notre site Web. Si des membres du comité ne peuvent se rendre au 280, rue Slater, je les encourage à le faire de façon virtuelle.
Pour terminer, j'aimerais indiquer qu'il est évident que la pénurie de radio-isotopes médicaux est une grande préoccupation pour les Canadiens. Et en ce qui concerne la CCSN, la mise à l'arrêt décrétée et la panne prolongée du réacteur NRU par EACL, en raison de la fuite d'eau lourde, représentent une forte adhésion aux pratiques exemplaires de la culture de la sûreté. La CCSN se tient prête et est en mesure d'examiner toute proposition concernant le redémarrage sécuritaire du réacteur NRU ou provenant de toute autre installation de fabrication d'isotopes.
Merci.