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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 038 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 4 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

(1540)

[Traduction]

    Bon après-midi à tous. Nous sommes ici aujourd'hui pour poursuivre notre examen sur l'état de l'industrie nucléaire au Canada et à l'étranger.
    Nous recevons quatre groupes de témoins. Nous allons entendre leurs déclarations préliminaires dans l'ordre où ils sont inscrits sur l'avis de convocation.
    Nous allons commencer immédiatement par l'exposé d'AREVA Canada Inc. Nous recevons aujourd'hui Roger Alexander, président et Jean-François Béland, vice-président.
    La parole est à vous. Vous disposez d'un maximum de 10 minutes.
    Bienvenue.
    Je suis honoré d'avoir l'occasion de m'adresser au Comité permanent des ressources naturelles et d'échanger sur un secteur clé pour notre pays: l'industrie nucléaire. Elle produit de l'énergie sans CO2 avec une empreinte écologique similaire à l'éolien sur son cycle de vie.
    AREVA est une entreprise spécialisée dans la production d'énergie sans CO2. Oui, nous sommes une entreprise nucléaire, Mais nous sommes également une entreprise dans l'énergie renouvelable: l'éolien, la biomasse et la solaire. Nous croyons dans une solution de « juste mix énergétique » et, du coup, nous croyons que le nucléaire n'est pas la seule solution mais une partie de la solution.
    AREVA compte, dans le monde, 75 000 employés déployés dans une entreprise intégrée verticalement, engagés dans la production d'énergie sans CO2. Nos activités intègrent autant les mines, la construction de réacteurs, le service sur les réacteurs existants, le recyclage du combustible et, également, la transmission et la distribution de l'électricité. Ici, au Canada, nous employons 1 100 personnes à travers le pays. Nous menons nos activités d'exploration et d'exploitation de mines d'uranium en Saskatchewan depuis plus de 40 ans.
    Je suis certain que vous êtes au fait de la renaissance du nucléaire dans le monde. Il est vrai que cette renaissance est ralentie par la crise économique et financière que nous vivons. Des clients potentiels comme les compagnies d'électricité des États-Unis retardent des projets afin d'améliorer leurs bilans financiers avant d'investir dans de nouvelles capacités.
    Dans notre industrie, nous pensons en termes de décennies — pas en semaines ou mois. Malgré les difficultés actuelles, la vérité demeure que dans les prochaines décennies d'importants investissements seront nécessaires afin de répondre à la demande énergétique mondiale.
    Sur le long terme, la demande énergétique va croître. D'ailleurs, c'est un impératif moral, avec la démographie mondiale, car il est impossible de réduire la pauvreté dans le monde sans accroître la consommation énergétique.
    Les capacités de production existantes vieillissent et nécessiteront des remplacements. Le prix des combustibles fossiles est actuellement bas, mais nous savons que les réserves ne sont pas inépuisables. Les prix vont inévitablement augmenter avec le retour de la croissance économique. Quoi qu'il en soit, le monde aura besoin de capacités de production électrique à faible émission de C02 afin de réduire le réchauffement climatique.
    Nos études prospectives évaluent à près de 300 réacteurs la demande mondiale d'ici 2030. Des pays comme la Chine construisent massivement des centrales nucléaires. D'autres, comme la France ou les États-Unis regardent attentivement le développement et le remplacement des réacteurs dans les prochaines décennies. Aujourd'hui, dans le monde, nous dénombrons 25 sites de construction de réacteurs: 16 en Asie, cinq en Russie et quatre en Europe.
    Spécifions, l'industrie nucléaire poursuit les investissements. Nous avons annoncé d'importants investissements pour augmenter nos capacités de production et accroître la capacité de nos usines en Europe et construire de nouvelles capacités aux Etats-Unis où nous avons des commandes pour de nouveaux réacteurs.
    La demande s'avère ne pas être assez: nous devons nous adapter et nous organiser afin de répondre à cette demande. Depuis quelques années, l'ensemble de l'industrie nucléaire s'adapte à cette réalité.
    Premièrement, l'industrie a connu une importante consolidation. Au départ, cette consolidation était la conséquence de l'augmentation des coûts pour la conception et la construction d'un réacteur nucléaire de 3e génération plus sécuritaire et plus économique que les réacteurs existants. La conception des modèles de 2e génération a coûté des centaines de millions. La facture pour la conception d'un modèle de 3e génération coûtera des milliards pour chaque modèle.
    Bref, personne ne peut y subvenir seul. Notre industrie a dû abandonner la notion traditionnelle, dépassée, de champion national capable de travailler seul dans son coin.
    AREVA est née, en 2001, de la fusion d'entreprises de France, d'Allemagne et des États-Unis. En 2007, nous établissions un partenariat avec Mitsubishi afin de créer ATMEA, une JV pour concevoir et développer un nouveau combustible nucléaire.
    Je ne représente pas une entreprise française; je représente une multinationale ayant son siège social à Paris. Cette entreprise ne vend pas une technologie française mais une technologie globale découlant d'une conception américaine, du travail d'ingénieurs français et allemands et, sur notre prochaine évolution, d'ingénieurs japonais se basant sur notre expérience en Chine et en Finlande. Sur les 102 réacteurs construits par AREVA — ou en construction — seulement 59 sont situés en France et le reste se retrouve aux quatre coins du monde.
    C'est la seule façon de faire actuellement. AREVA n'est pas la seule entreprise de l'industrie à prendre cette tendance mondiale: l'ensemble de nos grands compétiteurs l'ont fait. En 2006, Toshiba a acheté Westinghouse, créant la troisième entreprise nucléaire du monde. En 2007, General Electric et Hitachi se sont liées dans une série de JV. C'est le nouveau visage de notre entreprise: des multinationales présentes à travers le monde afin de mettre en commun les efforts des équipes de R-D et investir des milliards de dollars dans le développement de nouveaux produits.
    AREVA a investi 1,2 milliard de dollars l'année dernière en R-D. Cela n'inclut pas la part de Mitsubishi dans les investissements pour notre nouveau modèle de réacteur nucléaire. Toutefois, la consolidation n'est pas assez. Nous devons également préparer l'avenir en recrutant des employés et en organisant une solide chaîne d'approvisionnement mondiale. Crise ou pas, AREVA a besoin des meilleurs employés afin de livrer les meilleurs produits et services aux clients.
(1545)
    En 2008, AREVA a recruté 12 000 nouveaux employés dans le monde. Nous sommes actuellement en pause de recrutement conséquence de la situation économique. Parallèlement, nous investissons massivement dans notre chaîne d'approvisionnement mondiale. Nous avons procédé à des acquisitions, à l'expansion de capacités et à la construction de nouvelles usines. Dans certain cas, comme je l'ai mentionné précédemment, nous mettons en place un partenariat stratégique, exactement comme nous voudrions le faire ici au Canada.
    Typiquement, ces partenariats servent des objectifs globaux et locaux. Globalement, ils permettent aux partenaires d'AREVA de fournir des composantes spécialisées à forte valeur ajoutée pour la construction de réacteurs. C'est actuellement le cas avec des entreprises canadiennes: le réacteur nucléaire que nous construisons en Finlande où nous retrouvons des valves et un simulateur fabriqué au Canada.
    Au plan local, ces partenariats nous permettent de diminuer nos coûts de construction avec des effets positifs sur l'économie locale. De plus, cette situation nous permet de mettre en place une expertise locale liée à notre position de leader de l'industrie.
    Comment cette situation s'applique-t-elle au Canada? Elle s'applique directement. Considérant qu'AREVA a une longe feuille de route dans la mise en place de partenariats avec les entreprises locales, dans les autres marchés, je ne vois pas comment la situation pourrait être différente ici au Canada. Pensons à nos partenariats dans le secteur minier en Saskatchewan.
    Le Canada a une grande tradition dans le nucléaire. Encore plus important, le Canada a gardé ses compétences alors que des pays ont fait le choix de délaisser les leurs dans les périodes creuses. Les bases de données des RH d'AREVA incluent, actuellement, 25 000 spécialistes nucléaires canadiens. Situation idéale considérant qu'AREVA a besoin des meilleurs talents dans le monde.
    Or, il serait absurde de croire qu'advenant la sélection d'AREVA pour construire un nouveau réacteur au Canada, des Canadiens avec des qualifications nucléaires perdraient leurs emplois. C'est exactement le contraire: non seulement nous devrons préserver les qualifications et compétences existantes, mais nous devrons accroître celles-ci, au Canada, comme nous l'avons fait, sur d'autres projets, dans le monde.
    Je voudrais parler brièvement de la situation en Ontario. Nous sommes, évidemment, déçus de la suspension du processus d'achat. Nous croyons qu'une réflexion sur la demande énergétique à long terme doit prévaloir. Nous sommes d'avis que la province d'Ontario doit débuter l'initiative menant à la construction d'un réacteur maintenant. Évidemment, nous voudrions qu'une technologie d'AREVA soit sélectionnée. Nous considérons — et nous l'avons officiellement offert au gouvernement fédéral — la possibilité de transférer une licence sur une technologie d'AREVA éprouvée à une entité canadienne, possiblement EACL.
    Un transfert de licence au Canada permettrait de créer de nouveaux emplois localement dans l'industrie nucléaire en plus de garantir le maintien des compétences au pays. Le Canada aurait accès à une technologie de réacteur à eau légère soit, actuellement, 90 p. 100 du marché. C'est de la diversification technologique, pas le remplacement. Le Canada va maintenir son rôle de leader au niveau de la technologie à l'eau lourde en plus d'acquérir une expertise dans la technologie à l'eau légère. AREVA serait heureuse d'accompagner une entreprise nucléaire canadienne dans ce processus de diversification en mettant en place un partenariat à long terme.
    Il y a également les États-Unis. Des compagnies d'électricité américaines ont annoncé qu'elles allaient construire sept réacteurs AREVA. Quatre de ces projets sont actuellement devant l'autorité de sûreté américaine alors que les trois autres sont retardés conséquence de la crise économique. Lorsque la crise économique sera passée, AREVA va construire deux réacteurs — ou plus — simultanément dans le marché américain seulement. Nous aurons besoin d'aide: des ingénieurs, des valves, des équipements électriques, des capacités de construction, de l'uranium, etc. Les entreprises canadiennes seraient de précieux partenaires dans cette aventure.
    Qu'en est-il des déchets? C'est toujours la question qui revient dans l'industrie nucléaire. Chez AREVA, nous croyons que nous avons une partie de la solution dans un concept novateur: le recyclage! Comment ça fonctionne? Nous avons la technologie pour réduire le volume des déchets dangereux d'approximativement 80 p. 100 à 90 p. 100. Le plutonium et l'uranium du combustible usé est recyclable. Le reste peut être entreposé ou enfoui après traitement par le processus de vitrification.
    Malheureusement, en Amérique du Nord, les autorités ne se sont pas penchées sur cet enjeu, mais je crois que c'est un sujet capital afin d'assurer la viabilité de l'industrie nucléaire. L'Amérique du Nord devra considérer le recyclage.
    Les Isotopes, un sujet qui a reçu beaucoup de visibilité récemment au Canada. AREVA peut aider. AREVA a construit, avec succès, des réacteurs de recherche dans plusieurs pays et nous sommes confiants de pouvoir le faire au Canada en coopération avec une université engagée dans la recherche nucléaire.
    AREVA est préoccupée par la clause limitant la participation étrangère dans l'industrie minière de l'uranium au Canada. Nous préconisons depuis de nombreuses années son élimination. Nous sommes encouragés par les recommandations du Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence, déposées en 2008, et l'engagement du gouvernement fédéral de mettre en place ces recommandations, en particulier celle touchant les mines d'uranium.
    Cette politique requiert des entreprises étrangères qu'elles possèdent moins de 50 p. 100 d'une mine d'uranium. Évidemment, suivant l'élimination de cette restriction, AREVA serait encouragée à poursuivre nos 40 ans d'efforts dans les mines au Canada. Notre présence à long terme dans l'exploration et les opérations minières est un facteur de développement via les milliards d'investissements avec pour résultats la création d'emplois et des occasions d'affaire pour les premières nations.
(1550)
    Cette politique entrave plusieurs milliards d'investissements potentiels en exploration et développement au Nunavut et au Québec. Nous avons bon espoir que cette politique sera éliminée.
    L'industrie électrique est à la veille d'une nouvelle ère, une ère promettant une production électrique stable, fiable sans émissions de C02 afin de répondre aux besoins énergétiques des nations développées et en développement. AREVA est fière d'être le leader de cette industrie et de travailler avec les gouvernements pour développer une vision à long terme du secteur. Nous nous réjouissons à l'idée d'aider le Canada à jouer un rôle important dans ce secteur en croissance.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Alexander.
    M. Alexander est le président d'AREVA Canada.
    Avant de passer aux témoins suivants, qui représentent la Société de gestion des déchets nucléaires et ensuite, l'Université de la Saskatchewan, je tiens à mentionner que nous entendrons, par vidéoconférence, notre dernier témoin qui sera Stephen Thomas, professeur en études sur l'énergie, à l'Université de Greenwich.
    Monsieur Thomas, pouvez-vous nous entendre?
    Merci. Je voulais seulement vérifier pour m'assurer que vous entendez tout.
    Nous passons maintenant au témoin suivant. M. Kenneth Nash est président et chef de la direction de la Société de gestion des déchets nucléaires.
    Allez-y, s'il vous plaît. Vous disposez de 10 minutes.
    Bon après-midi. Merci pour cette invitation à comparaître devant le comité cet après-midi.
    Le combustible irradié est un résidu généré par la production d'électricité. Mes propos porteront principalement sur les progrès du Canada à l'égard de la gestion à long terme de ce résidu.
    Au Canada, les travaux sur le stockage du combustible irradié ont commencé au début des années 80, après que les gouvernements de l'Ontario et du Canada eurent mis sur pied le Programme canadien de gestion des déchets de combustible nucléaire et confié la responsabilité du développement d’un concept de stockage géologique à EACL. En 1989, en réponse aux préoccupations du public concernant le choix d’un site pour un dépôt, le concept du stockage en couche géologique a été renvoyé devant une commission fédérale d’évaluation environnementale et un moratoire a été déclaré sur les activités de sélection d’un site.
    La Commission fédérale a mené une étude approfondie du concept de stockage proposé par EACL et, dans son rapport de 1998, a affirmé que la sûreté technique du stockage géologique avait été démontrée sur le plan conceptuel, mais que l’appui du public n’avait pas été démontré. La Commission a formulé des recommandations qui ont été largement transposées dans la Loi sur les déchets de combustible nucléaire de 2002 — un nouveau cadre de responsabilisation et de décision.
    Le Canada a maintenant deux millions de grappes de combustible irradié, ou 30 000 tonnes, entreposées provisoirement, en toute sûreté, principalement en Ontario. La capacité d’entreposage des exploitants de centrales nucléaires est généralement suffisante pour satisfaire à leurs besoins pendant une centaine d'années. Toutefois, ces déchets resteront dangereux presque indéfiniment et ils exigent une bonne gestion à long terme.
    Conformément aux exigences de la Loi sur les déchets de combustible nucléaire, des progrès importants ont été réalisés depuis 2002. La SGDN, a été créée par Ontario Power Generation, Hydro-Québec et Énergie Nouveau-Brunswick avec la mission d’élaborer en concertation avec les Canadiens, et de mettre en oeuvre un plan socialement acceptable, techniquement sûr, écologiquement responsable et économiquement viable pour gérer le combustible nucléaire irradié canadien. Un conseil consultatif a été mis sur pied par la SGDN. Des fonds en fiducie distincts ont été institués par les propriétaires du combustible irradié et les sommes accumulées dans ces fonds dépassent actuellement 5 milliards de dollars.
    La SGDN a réalisé une étude des autres méthodes de stockage des déchets et a adressé des recommandations au gouvernement du Canada en 2005, conformément à la Loi sur les déchets de combustible nucléaire. Au cours de cette étude qui a duré trois ans, la SGDN a déployé des efforts considérables pour répondre aux attentes de la société concernant la gestion à long terme du combustible nucléaire.
    Pas moins de 18 000 Canadiens, dont 2 500 Autochtones ont été mobilisés pour participer à cette étude à laquelle 500 experts ont contribué. Elle a donné lieu à 120 séances d'information et de discussion dans toutes les provinces et les territoires. Nous n’avons pas été surpris de constater que les points de vue pouvaient varier considérablement.
    Cependant, un certain consensus existe relativement à certains aspects, à savoir que la sûreté et la sécurité constituent une priorité; la génération actuelle doit s’occuper maintenant de la gestion des déchets qu’elle a produits; nous devons tirer profit des meilleures pratiques internationales et la méthode doit pouvoir s’adapter aux progrès technologiques et aux changements dans les attentes sociétales.
    La solution recommandée par la SGDN, la Gestion adaptative progressive, était celle qui correspondait le mieux aux priorités et aux valeurs des Canadiens. Ce plan a été approuvé par le gouvernement canadien en 2007. La Gestion adaptive progressive ou GAP est à la fois une méthode technique et un système de gestion.
    La méthode technique est l’isolement dans une formation géologique profonde où le combustible irradié peut être surveillé et récupéré si nécessaire. Cette méthode est conforme à ce qui se fait dans le monde: presque tous les pays ayant un tel programme nucléaire ont opté pour l’enfouissement en couche géologique profonde.
(1555)
    D’une importance aussi grande est la manière dont nous y arriverons. La GAP a été taillée sur mesure pour refléter les valeurs et les priorités des Canadiens. Elle exige une flexibilité quant au rythme et à la manière de réaliser la mise en oeuvre et la capacité de s’accorder avec les changements possibles et le savoir traditionnel autochtone; une ouverture, une transparence et des décisions prises en différentes phases, avec la participation des Canadiens tout au long du processus et l’établissement de l’installation dans une collectivité hôte informée et consentante.
     La SGDN est maintenant responsable de mettre en oeuvre ce programme d’infrastructure national qui nécessitera un investissement de l’ordre de 16 milliards de dollars. Il s’agit d’un projet de haute technologie qui offrira des emplois à des centaines de travailleurs spécialisés pendant plusieurs décennies et qui servira de centre d’expertise et de collaboration internationale. Il se réalisera dans le cadre d’un partenariat à long terme entre la SGDN et une collectivité hôte, et favorisera le bien-être de cette collectivité. Il sera soumis à une réglementation stricte et des critères scientifiques et techniques rigoureux en garantiront la sûreté.
    En 2008, la SGDN a rendu public son plan de mise en oeuvre à la suite de deux séries de consultations publiques. Nous estimons qu’il est de notre devoir de travailler au nom des Canadiens et que le succès de cette entreprise ne pourra se concrétiser que si le public approuve le projet.
     Nous avons établi plusieurs mécanismes pour y arriver d'une manière systématique, notamment: un forum des Aînés autochtones de tous les coins du pays et des projets avec plusieurs groupes autochtones; un forum des associations municipales; un réseau de forums de citoyens et des dialogues multipartites auxquels participent des parties prenantes comme l’industrie, les peuples autochtones, les groupes d’intérêts et les syndicats ainsi que des séances d’information pour les gouvernements provinciaux et fédéral. Ces mécanismes sont utilisés de façon régulière pour recueillir des commentaires sur nos plans de mise en oeuvre et, plus récemment, sur notre processus de sélection d’un site.
    La tâche probablement la plus ardue consiste à choisir un site où établir le futur dépôt de combustible irradié. La SGDN a tenu deux séances de discussion publique portant sur le choix d’un site en se servant des mécanismes que je viens de décrire. Si le consensus est suffisant, le processus visant à trouver un site pourrait commencer dès l’année prochaine. Le document préliminaire qui est disponible dans notre site Web décrit un processus de sélection en neuf étapes pour l'évaluation sociale, environnementale et de sûreté. Le processus part du principe que les collectivités doivent choisir librement d'y participer et ont le droit de se retirer. Il se réalise en partenariat et prévoit l'inclusion des collectivités voisines et des peuples autochtones.
    Les Canadiens nous ont transmis des points de vue très utiles, notamment concernant la nécessité de l’appui du gouvernement provincial et la reconnaissance de la contribution qu’apportera la collectivité hôte choisie.
    Le Canada et ses partenaires internationaux possèdent la technologie permettant l’isolement à long terme sûr dans une formation géologique du combustible nucléaire irradié.
    Le Canada peut tirer profit d'une politique gouvernementale solide et d'un cadre législatif qui soutiennent les progrès nécessaires.
    Des fonds en fiducie et des mécanismes sont en place pour faire en sorte que le fardeau financier ne soit pas légué aux futures générations.
    Appuyée par 25 années d’évaluations, de dialogues et une décision gouvernementale, la SGDN assume aujourd’hui un mandat qui correspond aux attentes des Canadiens.
    Merci.
(1600)
    Merci beaucoup pour votre exposé, monsieur Nash.
    Nous passons maintenant au témoin suivant, qui vient de l'Université de la Saskatchewan. Richard Florizone est un Policy Fellow, de l'École supérieure de politique publique Johnson-Shoyama.
    Allez-y, s'il vous plaît. Vous disposez de 10 minutes.
    Merci, monsieur le président et membres du comité de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
    Comme on vient de vous le dire, je m'appelle Richard Florizone et je suis un Policy Fellow, de l'École supérieure de politique publique Johnson-Shoyama, de l'Université de la Saskatchewan. Je suis également président sortant de l'Uranium Development Partnership dont je parlerai tout à l'heure. Je suis titulaire d'un Ph.D. en physique nucléaire du MIT et je suis actuellement vice-président, Finances et ressources, à l'Université de la Saskatchewan.
    Je sais que vous avez pour mandat d'étudier l'état de l'industrie nucléaire au Canada et à l'étranger et je suis ici en raison de mes connaissances dans ce domaine pour vous donner mon point de vue à ce sujet.
    Il a été largement question d'une renaissance nucléaire depuis plusieurs années. En fait, on y a même fait allusion tout à l'heure. L'énergie nucléaire suscite, effectivement, un intérêt renouvelé dans le monde étant donné que l'on prévoit la construction de plusieurs de 200 nouveaux réacteurs dans différents pays au cours de la prochaine décennie. Cet intérêt renouvelé est attribuable à divers facteurs dont l'augmentation de la demande d'énergie, les inquiétudes au sujet de la sécurité de l'approvisionnement en énergie, et sans doute surtout les inquiétudes grandissantes que suscite le réchauffement de la planète et plus particulièrement la nécessité de réduire les émissions de carbone.
    Le Canada occupe une position très particulière dans ce nouvel environnement. Nous sommes un des pays qui émettent le plus de carbone. Un grand nombre de nos provinces, dont la mienne, comptent beaucoup sur les combustibles fossiles pour produire de l'électricité. En même temps, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick répondent à une bonne partie de leurs besoins en électricité grâce à l'énergie nucléaire.
    Même si son avenir suscite beaucoup d'interrogations, Énergie atomique du Canada limitée, EACL, a sa propre technologie nucléaire, le réacteur CANDU qui est utilisé dans le monde entier. Nous avons également la Saskatchewan, qui est actuellement le premier producteur mondial d'uranium.
    Étant donné le potentiel de renaissance nucléaire et la première place que la Saskatchewan occupe actuellement comme producteur d'uranium, notre province a une importante question à se poser. Quelle devrait être la stratégie nucléaire de la Saskatchewan? Comment pouvons-nous le mieux gérer le développement de nos ressources d'uranium pour contribuer à l'approvisionnement en énergie et à la durabilité environnementale de la planète ainsi qu'à la prospérité et au bien-être de notre province et de notre pays?
    Pour répondre à ces questions, le gouvernement de la Saskatchewan a confié au Uranium Development Partnership ou UDP, à l'automne 2008, la mission d'identifier, d'évaluer et de recommander des possibilités de valorisation pour développer davantage notre industrie de l'uranium en Saskatchewan. J'ai eu l'honneur de présider l'UDP qui était composé de 12 représentants de l'industrie, des universités et des communautés touchées, y compris des environnementalistes, des membres des premières nations et des représentants des municipalités urbaines et rurales.
    Je voudrais maintenant parler de certaines des conclusions de l'UDP dans trois domaines clés: l'exploration et l'exploitation minière, la production d'électricité et la recherche-développement.
    Premièrement, en ce qui concerne l'exploration et l'exploitation minière, les mines d'uranium ont bien servi les intérêts de la Saskatchewan. Elles fournissent environ 3 000 emplois dont 80 p. 100 dans les régions au nord de la province, et plus de 200 millions de dollars par année en redevances et en taxes pour les gouvernements provincial et fédéral.
    Pour ce qui est de la demande mondiale, elle semble forte et en expansion, car on prévoit une croissance de 80 p. 100 d'ici 2015. Ce n'est pas seulement à cause des prévisions concernant une renaissance nucléaire; c'est aussi parce qu'on s'attend à ce que la Russie cessera la dilution de ses stocks d'uranium hautement enrichi d'ici 2013 dans le cadre du programme « megatons to megawatts », ce qui augmentera énormément la demande d'uranium primaire.
    Même si la Saskatchewan est actuellement le premier producteur mondial d'uranium, nous allons probablement perdre cette première place au profit du Kazakhstan d'ici un an ou deux. Pour préserver notre compétitivité sur le marché mondial, UDP a conclu que la Saskatchewan doit réexaminer son système de redevances et d'incitatifs à l'exploration.
    La province devrait également travailler avec le gouvernement fédéral pour établir un processus d'approbation réglementaire plus efficace et clarifier les paramètres et les comptes à rendre à l'égard de la consultation des communautés des premières nations et métisses afin de permettre l'exploitation de nouvelles mines.
    Pour résumer, il y a un certain nombre de mesures que les autorités provinciales et fédérales peuvent prendre pour soutenir l'exploitation minière de l'uranium, une industrie solide et en plein essor.
    En deuxième lieu, je voudrais parler de la production d'électricité. Dans le monde entier, les gouvernements ont des décisions de plus en plus difficiles à prendre à ce sujet. Les préoccupations à l'égard des émissions de carbone poussent à abandonner progressivement l'utilisation des combustibles fossiles. Toutefois, toute technologie de production d'électricité, y compris le nucléaire, présente des avantages et des inconvénients. Il n'y a pas de technologie ou de remède miracle pour remplacer les combustibles fossiles.
    Même si elle suscite la controverse dans certains pays, l'énergie nucléaire est une source d'électricité sûre et à faible émission de carbone. En supposant des coûts d'immobilisation de l'ordre de 4 000 $ le kilowatt alors que le prix du carbone est estimé de 20 $ à 30 $ la tonne, le nucléaire est également concurrentiel par rapport au charbon et au gaz.
    En résumé, l'énergie nucléaire peut être un choix logique sur le plan environnemental et économique pour différentes raisons. L'UDP a donc recommandé à la Saskatchewan d'envisager la production d'électricité à partir de l'énergie nucléaire dans le cadre de sa stratégie énergétique à long terme.
    Nous avons toutefois un certain nombre de défis à relever pour que des provinces comme la Saskatchewan adoptent l'énergie nucléaire. Deux de ces défis concernent l'opinion publique et la gestion des déchets, mais je voudrais plutôt parler de quatre autres difficultés qui sont peut-être moins largement reconnues, mais dont certaines sont devenues plus évidentes l'année dernière.
    Les coûts d'immobilisation constituent le premier défi. L'arrêt de la construction d'un nouveau réacteur en Ontario laisse entendre que les coûts d'immobilisation peuvent poser un problème. Si l'industrie ne peut pas couvrir des coûts de l'ordre de 4 000 $ le kilowatt, la renaissance nucléaire risque de ne pas durer longtemps.
(1605)
    Le deuxième défi est l'incertitude relative à la tarification du carbone. La tarification du carbone confère un avantage très important à la production d'électricité à partir de l'énergie nucléaire. Toutefois, tant qu'un prix n'aura pas été établi pour le carbone, l'intérêt économique de l'énergie nucléaire sera moins clair.
    En troisième lieu, il y a l'incertitude entourant EACL et le soutien fédéral, politique et économique dont bénéficiera l'industrie nucléaire. Compte tenu des coûts et des risques du nucléaire, les gouvernements nationaux ont toujours participé dans une certaine mesure à tous les nouveaux projets de centrales nucléaires.
    La quatrième difficulté est la baisse récente du prix du gaz naturel. C'est peut-être seulement à court terme, mais quand le prix du gaz est de moins de 5 $ le gigajoule, les centrales électriques au gaz deviennent plus rentables.
    La solution à long terme pour la Saskatchewan comme pour les autres provinces sera sans doute de diversifier son portefeuille pour la production d'électricité. Il s'agit de développer l'hydroélectricité dans la mesure du possible; de continuer à développer le charbon propre et le captage du carbone; d'investir dans le développement du potentiel éolien et solaire et de construire des nouvelles centrales nucléaires lorsque c'est possible et si le public est d'accord.
    Toutefois, en attendant que la rentabilité de l'énergie nucléaire, la tarification du carbone et l'avenir d'EACL deviennent plus clairs, les provinces canadiennes comme la Saskatchewan auront de la difficulté à se diriger davantage vers la production d'électricité à partir du nucléaire.
    En troisième lieu, je voudrais parler de la recherche-développement. Le rôle essentiel que le Canada joue sur le marché mondial des isotopes médicaux a été mis en lumière à l'occasion de la fermeture récente du réacteur NRU, à Chalk River. En plus de la production d'isotopes, le NRU, qui doit être fermé de façon permanente en 2016, permet également la recherche-développement sur la production d'énergie nucléaire et est une source de neutrons pour la science des neutrons. Même si la discussion a surtout porté sur les isotopes médicaux, il y a eu moins de discussions publiques au sujet de ces deux autres applications du NRU.
    Il y a d'autres moyens de produire des isotopes médicaux, mais si le Canada veut conserver cet autre type de recherche-développement associé au NRU, notre pays aura sans doute besoin d'un ou plusieurs autres nouveaux réacteurs de recherche.
    L'UDP a fait valoir que la Saskatchewan pourrait être un emplacement intéressant pour le réacteur qui remplacera le NRU. Un certain nombre de faits le confirment, mais j'en mentionnerai surtout deux.
    Premièrement, la Saskatchewan a eu et a encore une capacité de recherche-développement nucléaire. En 1951, une équipe de recherche de l'Université de la Saskatchewan a été la première à utiliser le cobalt 60 pour le traitement du cancer en collaboration avec EACL.
    Deuxièmement, la Saskatchewan a le Centre canadien de rayonnement synchrotron, le seul synchroton du pays et le plus grand projet scientifique que le Canada ait eu en une génération. La proximité du synchroton et d'un réacteur de recherche ou d'une source de neutrons apporterait d'importantes synergies du point de vue opérationnel et sur le plan de la recherche. En fait, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Suisse et maintenant la Suède ont reconnu la valeur de cette synergie en implantant leurs sources de neutron à côté de leurs synchrotons.
    La province de Saskatchewan, l'Université de Saskatchewan et leurs collaborateurs ont donc soumis au gouvernement du Canada une proposition en vue de la création d'une nouvelle installation de recherche de calibre mondial pour répondre aux besoins canadiens en isotopes médicaux et en R-D nucléaire: le Centre canadien de neutrons.
    En résumé, la renaissance complète du nucléaire est peut-être discutable et reste à voir, mais l'énergie nucléaire a un solide avenir à l'échelle mondiale. Il y a actuellement près de 400 réacteurs dans le monde qui continueront à avoir besoin de combustible et la construction de plusieurs centaines de nouveaux réacteurs est prévue.
    Le nucléaire présente d'importants avantages économiques s'il est possible de réduire les coûts d'immobilisation et surtout si la tarification du carbone est mise en place. Des pays comme la France et l'Inde ont continué à placer le nucléaire au coeur de leur stratégie énergétique et comme je l'ai dit, la production d'énergie à partir du nucléaire n'est pas la panacée, mais ce n'est le cas d'aucune technologie existante.
    En Saskatchewan, le rapport de l'UDP a formulé des recommandations quant à la façon dont notre province devrait se positionner dans ce contexte. Le gouvernement fédéral doit maintenant se demander quelle devrait être la stratégie nucléaire pour le Canada. J'espère que mes remarques d'aujourd'hui vous aideront à répondre à cette question.
    Merci.
(1610)
    Merci, monsieur Florizone, Policy Fellow, de l'École supérieure de politique publique Johnson-Shoyama, de l'Université de Saskatchewan.
    Nous allons passer à notre dernier témoin d'aujourd'hui, par vidéoconférence, à partir de Londres, qui est Stephen Thomas, professeur en études sur l'énergie à l'Université de Greenwich.
    Allez-y, monsieur Thomas. Vous disposez de 10 minutes.
    Je vous remercie de me permettre de témoigner dans le cadre de cette importante enquête.
    Mon mémoire est divisé en quatre grandes parties. Dans la première partie, j'examine les facteurs déterminants de la compétitivité économique du nucléaire. Dans la deuxième partie, j'examine les facteurs qui détermineront si la renaissance nucléaire prévue aura vraiment lieu. Dans la troisième partie, j'examine les principaux marchés de l'énergie nucléaire dans le monde et, dans la dernière partie, j'examine les perspectives de vente de réacteurs CANDU dans le monde.
    Permettez-moi de commencer par la compétitivité économique de l'énergie nucléaire. En général, on suppose que 70 p. 100 environ du coût de la production d’électricité d’une centrale nucléaire est attribuable aux coûts fixes de construction et de financement, de sorte que je m’attacherai aux déterminants de ces coûts fixes. Trois éléments déterminent les coûts fixes: le coût de construction, le coût d’emprunt et la fiabilité de la production annuelle de la centrale.
    Voyons d'abord le coût de construction. Il y a dix ans, lorsque les nouveaux modèles qui devaient être à la base de la renaissance nucléaire sont apparus, l’industrie nucléaire était convaincue que leur coût de construction serait de 1 000 $US le kilowatt, de sorte qu’une centrale type de 1 200 mégawatts coûterait 1,2 milliard de dollars US.
    Cette prévision s’est révélée irréaliste. Le coût estimatif des nouvelles centrales américaines proposées semble avoisiner les 5 000 $US le kilowatt alors que, si les communiqués concernant l’appel d’offres lancé par l’Ontario durant l’été 2009 pour acquérir une nouvelle capacité nucléaire sont exacts, le prix courant est d'au moins 7 000 $US le kilowatt.
    Par conséquent, le coût estimatif a été multiplié par cinq, puis par sept en l'espace de 10 ans. Ces estimations ont été établies bien avant toute construction et, historiquement, les coûts estimatifs ont presque toujours été inférieurs aux coûts réels. La seule centrale moderne dont la construction est passablement avancée, celle d’Olkiluoto en Finlande, dépassait à l’été 2009 les coûts prévus de 75 p. 100, après quatre années de construction.
    Passons maintenant au coût d'emprunt. Il est difficile de se prononcer sur le coût d’emprunt, car ce coût dépend étroitement de la solvabilité du client et de l’effet de la concurrence dans le réseau électrique auquel la centrale sera raccordée. Dans le passé, il était facile et peu coûteux de financer une centrale nucléaire, car tout le risque était assumé par le consommateur. Tous les coûts étaient refilés au consommateur de sorte que le risque encouru par la banque était négligeable étant donné qu'il était assumé par le consommateur.
    Maintenant, dans la plupart des marchés européens et nord-américains, l’hypothèse du transfert des coûts ne tient pas. Cela rend les investissements dans le nucléaire très risqués. Par exemple, il y a maintenant un sérieux risque que le propriétaire de la centrale d’Olkiluoto ne puisse rembourser son emprunt et que les banques aient une très lourde perte à assumer. Si un financement était possible, le coût d’emprunt serait très élevé dans les marchés où les coûts ne peuvent pas être refilés aux consommateurs.
    Je ne dirai pas grand-chose au sujet du troisième élément, la fiabilité. Dans le passé, la fiabilité des centrales nucléaires était de beaucoup inférieure à ce que prévoyaient les fournisseurs de réacteurs et les compagnies d’électricité. Toutefois, la fiabilité s’est améliorée au cours de la dernière décennie. On ne saurait présumer de la fiabilité des nouvelles centrales, mais il semble que le risque qu’elles soient peu fiables est inférieur à ce qu’il était.
    Pour conclure sur l'économie du secteur, les coûts estimatifs de l’électricité nucléaire sont souvent fondés sur des hypothèses irréalistes concernant le coût de construction et le coût d’emprunt et ne reflètent pas le risque économique inhérent aux investissements dans le nucléaire. Selon des hypothèses plus réalistes, le coût de production pourrait facilement être le triple du coût estimatif.
    Voyons maintenant si la renaissance est possible. La renaissance repose sur la prémisse selon laquelle les nouveaux modèles de centrale nucléaire dites de génération III+, inspirés des modèles existants, seraient meilleur marché et plus rapides à construire, seraient plus sûrs et produiraient moins de déchets. Cela permettrait de convaincre les pays d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord, qui semblaient avoir renoncé au nucléaire, à commander des nouvelles centrales.
(1615)
    Aucune commande n'a encore été placée dans ce qu'on pourrait appeler les pays de la renaissance. Lorsque le programme américain de renouvellement des commandes nucléaires a débuté en 2001, on prévoyait qu’au moins une unité serait en service en 2010. Il semble maintenant vraisemblable que la construction de nouvelles centrales ne commencera pas avant 2013 aux États-Unis.
    Par conséquent, la renaissance ne surviendra au mieux que dans un avenir lointain.
    Ces commandes américaines ne seront placées que si l’administration Obama est disposée à adosser des garanties de prêt fédérales à 80 p. 100 ou plus du coût de construction. Pour que le programme de subvention de trois unités de chacun des cinq nouveaux modèles envisagés par les autorités américaines puisse être approuvé, il faudra offrir des garanties d’une valeur de quelque 120 milliards de dollars US. Selon les estimations du Congressional Budget Office, le taux de défaut de paiement pourrait s’élever à environ 25 p. 100, ce qui représenterait pour les contribuables américains une facture d'environ 30 milliards de dollars US.
    Au Royaume-Uni, le gouvernement est intransigeant: il ne subventionnera pas les nouvelles commandes nucléaires. Les compagnies d'électricité, qui avaient auparavant indiqué qu'il serait possible de placer des commandes sans subventions, sont maintenant inquiètes et font des pressions pour obtenir notamment un prix du carbone garanti et une taxe à la consommation pour défrayer les coûts additionnels.
     Si les gouvernements britannique et américain n’offrent pas de subventions, il n’y aura probablement pas de commandes et, si ces deux importants marchés ne se matérialisent pas, il est beaucoup moins probable qu’il y aura des commandes ailleurs dans les pays occidentaux. Si des commandes subventionnées sont placées au Royaume-Uni et aux États-Unis, cela démontrera que les gouvernements de ces pays ne peuvent faire construire des centrales nucléaires qu’à la condition d’accorder des subventions suffisamment élevées.
    Je vais maintenant passer aux principaux marchés de l'énergie nucléaire. Il ne saurait y avoir de renaissance à moins que les fournisseurs n'ouvrent quatre grands marchés du nucléaire: les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine et l’Inde.
    La très mauvaise expérience économique du nucléaire aux États-Unis et au Royaume-Uni semble avoir effacé toute perspective de nouvelles commandes. Par conséquent, l’industrie nucléaire marquerait un coup formidable si elle pouvait convaincre ces deux pays de donner une deuxième chance au nucléaire.
    Des 55 centrales nucléaires en construction ou en commande ferme dans le monde, 21 le sont en Chine. Des 21 centrales commandées par la Chine, 15 sont fournies par des sociétés chinoises et elles s’inspirent d’un modèle des années 1970. La Chine a commandé des CANDU dans le passé, mais elle semble avoir pour politique d’explorer toutes les technologies nucléaires, puis de faire appel à des sociétés chinoises pour la fourniture des modèles choisis.
    L’expérience indienne est très différente. Le gouvernement indien prévoit placer un très grand nombre de commandes, mais ses projections sont irréalistes, et le secteur nucléaire indien fera tout pour s’assurer qu’une grande part des commandes porte sur des modèles indiens. Il semble très improbable qu’il s’agisse de commandes de CANDU.
    Pour terminer, examinons les perspectives de ventes de CANDU. Un des objectifs des politiques britannique et américaine de relance du nucléaire était de décerner une homologation générale à plusieurs modèles de la génération III + pour que les compagnies d’électricité puissent choisir parmi plusieurs modèles. Le modèle CANDU ACR-1000 a été soumis à l’homologation dans les deux pays, mais a été retiré en début de processus dans les deux cas.
    Cela signifie que les perspectives de ventes de CANDU aux États-Unis et en Europe au cours de la prochaine décennie sont nulles. La seule possibilité serait que la Roumanie ressuscite une très vieille commande placée il y a 30 ans pour trois ou quatre centrales et qu'elle commande une troisième unité.
    En dehors de l’Europe et de l’Amérique du Nord, des CANDU ont été vendus à la Corée, à l'Argentine et au Pakistan, mais la Corée a mis au point un modèle PWR américain, pour son marché intérieur, qui ne sera pas importé. Le marché pakistanais est petit et sera sans doute approvisionné par la Chine tandis que l’Argentine a été incapable de parachever la construction d’une centrale commencée il y a 30 ans. Il serait donc peu raisonnable de compter sur de nombreuses commandes de sa part.
    L’exportation de réacteurs CANDU, à part peut-être un ou deux anciens modèles, ne sera sans doute possible que si le nouveau modèle ACR-1000 se révèle concurrentiel et fiable au Canada. L’offre faite cet été par EACL pour un CANDU se serait élevée à quelque 10 000 $US le kilowatt, un prix prohibitif. Cela confirme que les commandes dans le secteur nucléaire comportent un risque économique élevé, car la soumission d'EACL tenait compte du fait qu'elle devait assumer une part du risque dans la construction.
(1620)
    Le coût sera élevé pour celui qui prend le risque et il sera défrayé en fin de compte par le public. Il appartient à la population canadienne de décider si le risque peut encore être assumé par les contribuables et les consommateurs d'électricité.
    Toute décision en faveur de nouvelles commandes nucléaires comportera des coûts de renonciation. Les programmes nucléaires consomment en général une part très importante des fonds disponibles pour la R-D et exigent tout autant de ressources politiques et d'attention. Bref, si l'on opte pour un programme nucléaire, on risque de négliger les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique, des avenues qui semblent beaucoup moins risquées et probablement plus économiques.
    Merci.
    Merci, monsieur Thomas, professeur en études sur l'énergie à l'Université de Greenwich, à Londres.
    Nous avons beaucoup apprécié tous ces exposés. Encore une fois, merci pour votre présence parmi nous.
    Nous allons maintenant passer aux questions en commençant par M. Regan, de l'opposition officielle, qui dispose de sept minutes.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Reagan.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous pour votre présence ici aujourd'hui.
    Monsieur Alexander, nous venons d'entendre les opinions de M. Thomas au sujet de l'état de l'industrie nucléaire. Êtes-vous d'accord avec lui sur certains points? Dans le cas contraire, que lui répondriez-vous?
    Je crois que certains éléments des coûts de l'énergie nucléaire sont relativement discutables dans certains pays. Les médias ont cité des chiffres dont la validité ne peut sans doute pas être confirmée et nous aurions donc tort de bâtir des hypothèses au sujet du coût de l'énergie nucléaire sur la foi des articles que les journaux publient de temps en temps.
    Je ne devrais peut-être pas vous poser la question, car vous ne connaissiez pas à l'avance la teneur de son mémoire et vous n'avez peut-être pas eu l'occasion de le lire pendant que nous l'écoutions.
    Pourriez-vous me dire si AREVA serait intéressée à acheter EACL?
    Nous suivons certainement la situation avec intérêt. Il reste à voir quelles seront les recommandations du rapport Rothschild et comment elles seront présentées. Bien entendu, comme leader mondial de ce secteur, nous devons prêter attention à l'évolution de la situation. Nous la suivrons de près jusqu'à ce que le gouvernement fédéral précise ce qu'il souhaite faire avec EACL. Nous évaluerons alors la situation pour décider de ce que nous ferons.
(1625)
    Par conséquent, avez-vous eu, jusqu'ici, des discussions officielles ou officieuses avec le gouvernement, la ministre ou EACL?
    La firme Rothschild a consulté les personnes qui pouvaient être intéressées à donner leur opinion sur la situation d'EACL et nous lui avons fait connaître la nôtre.
    AREVA s'intéresserait-elle à toutes les activités d'EACL ou seulement à la technologie CANDU ou aux ventes?
    Il est trop tôt pour que nous puissions en parler.
    Nous avons entendu diverses opinions qui estiment la valeur d'EACL à environ 300 millions de dollars. Je suis certain que vous voudrez nous dire ce que vous en pensez.
    En tant qu'homme d'affaires, je dirai simplement qu'EACL est une entreprise qui… Quels que soient les chiffres, nous avons tous vu, dans les journaux, qu'elle reçoit chaque année des subventions de centaines de millions de dollars.
    Si l'un de nous pouvait envisager d'acheter une entreprise qui exige un tel apport financier, dont les revenus sont de l'ordre de 350 millions à 400 millions de dollars mais qui a besoin de 400 ou 600 millions de dollars supplémentaires, quel que soit le chiffre de la subvention, je dirais seulement que quiconque achèterait ce genre d'entreprise devrait y réfléchir soigneusement.
    Je vais m'adresser à M. Florizone.
    Vous avez dit que le réacteur de Chalk River sera sans doute arrêté vers 2016. Quels avantages verriez-vous à construire un nouveau réacteur à l'Université de la Saskatchewan plutôt qu'à Chalk River?
    À mon avis, le principal avantage est la synergie que cela créerait avec le Centre canadien de rayonnement synchrotron. Comme je l'ai mentionné, un certain nombre de pays qui ont construit des nouvelles sources de neutrons ou des réacteurs de recherche les ont installés à côté de leurs synchrotrons. C'est parce que ces sciences sont compatibles. Les deux peuvent servir… Je ne parle pas des isotopes médicaux, mais la diffusion des neutrons correspond à peu près à ce que fait un synchrotron, qui se sert des photons pour examiner les propriétés des matériaux. Vous pouvez égalment utiliser les neutrons pour étudier les propriétés des matériaux. Cela intéresse à peu près la même communauté scientifique.
    Il peut également y avoir des synergies opérationnelles notamment en ce qui concerne le soutien aux usagers, la TI, la sécurité et certaines des choses qui ont été mentionnées à propos des autres installations qui existent dans le monde.
    Pouvez-vous nous donner des précisions au sujet de la proposition que l'université et la province ont formulée en août pour la production d'isotopes?
    Certainement. Ce n'est pas la proposition la moins coûteuse, je préfère le dire tout de suite, car il s'agit de construire un nouveau réacteur. Notre approche était double. D'une part, nous voulions profiter de nos atouts et d'autre part, nous voulions présenter une proposition comportant le moins possible de risques techniques, si bien qu'elle se base sur le modèle du réacteur OPAL, en Australie. Il a été récemment mis en service et c'est donc une technologie qui a fait ses preuves.
    Nous avons une idée de ce dont il est capable et de ce que les coûts pourraient être, du moins en Australie, c'est pourquoi notre proposition prévoit des coûts élevés. Les coûts d'immobilisation sont de l'ordre de 500 à 750 millions de dollars et il faut compter à peu près 10 p. 100 de ce montant pour les coûts d'exploitation. D'autre part, notre proposition précise bien que la production d'isotopes pourrait représenter environ 15 p. 100 des revenus d'exploitation nécessaires pour faire fonctionner ce réacteur. Nous prévoyons des coûts élevés et notre proposition en tient compte.
    À qui s'adressait votre soumission?
    C'est une des 22 propositions soumises au groupe d'experts constitué par Ressources naturelles Canada.
    Avez-vous reçu une réponse ou des commentaires?
    Nous n'avons pas encore reçu de réponse officielle. Nous attendons l'expiration du délai du 30 novembre.
    Combien de temps faudrait-il pour construite un réacteur de 25 mégawatts, et qui le financerait?
    C'est une bonne question. Après en avoir parlé à l'organisme de réglementation et au responsable du programme de construction en Australie, notre proposition initiale laissait entendre qu'il faudrait sans doute compter environ sept ans pour que ce réacteur entre en service. Nous avons parlé d'un délai de sept à 10 ans et il pourrait donc entrer en service peu après la fermeture du NRU. Toutefois, cela veut dire qu'il faudrait commencer assez rapidement et même immédiatement le travail préliminaire.
(1630)
    Si votre proposition était acceptée, serait-il logique de continuer à faire fonctionner un réacteur à Chalk River?
    C'est une bonne question. Cela dépend, je pense, de la stratégie nucléaire de notre pays et de l'avenir de la R-D concernant l'énergie nucléaire au Canada. En fait, on pourrait dire que le NRU a trois utilités: pour la production des isotopes médicaux, pour la R-D dans le domaine de l'énergie nucléaire et comme source de neutrons pour la science de diffusion des neutrons.
    Notre proposition à l'égard de la source canadienne de neutrons porte seulement sur deux de ces usages soit la diffusion des neutrons et la production des isotopes médicaux. Si vous voulez inclure la troisième utilisation, si vous voulez faire de la R-D sur la génération d'électricité, il s'agit d'un projet beaucoup plus vaste et d'un réacteur beaucoup plus important.
    Par conséquent, je répondrais que l'installation que nous avons proposée pourrait produire des isotopes médicaux et servir à la diffusion des neutrons, mais pour le moment, si vous fermez le NRU, vous n'aurez pas la capacité de faire une partie de la recherche-développement en cours actuellement pour la production d'électricité.
    Si le gouvernement décidait de poursuivre la R-D à Chalk River avec le réacteur actuel ou un nouveau réacteur, serait-il quand même logique de produire des isotopes à l'université?
    Encore une fois, cela dépend des objectifs de la politique publique. Si vous décidez de produire seulement suffisamment d'isotopes pour les besoins du pays, il est probable qu'on pourrait construire à Chalk River un réacteur qui permettrait de le faire. Encore une fois, selon ce que sera votre stratégie à l'égard d'EACL, si vous voulez optimiser le réacteur de Chalk River afin de pouvoir faire plus de R-D, vous pourriez avoir en même temps un autre réacteur plus orienté vers la production d'isotopes et la diffusion des neutrons.
    Merci.
    Merci, monsieur Reagan.
    Nous passons maintenant au Bloc québécois avec Mme Brunelle, qui dispose de sept minutes.

[Français]

    Bonjour, messieurs, et merci d'être là.
    Monsieur Alexander, votre compagnie est le leader mondial dans le domaine de la production d'électricité avec de l'énergie nucléaire, c'est sans conteste. J'aimerais que vous nous donniez quelques précisions. Vous nous avez dit que c'est une multinationale, mais selon les notes que j'avais, la structure de votre entreprise appartient à 90 p. 100 à l'État français.
    Vous considérez-vous comme une entreprise étatique?

[Traduction]

    C'est exact. L'État français détient 80 à 90 p. 100 des actions d'AREVA.

[Français]

    Le fait d'être une compagnie étatique est-il un avantage ou un désavantage? Voici où je veux en venir. Le gouvernement fédéral a l'intention de restructurer EACL et, peut-être, de la privatiser; on peut comprendre cela. Il nous dit que la structure actuelle d'EACL ne lui permet pas de profiter de cette renaissance possible du secteur nucléaire.
    Donc, finalement, le fait d'être une société d'État est-il une bonne chose, une chose essentielle pour être dans ce marché hautement compétitif?

[Traduction]

    En ce qui nous concerne, AREVA fonctionne dans le monde en tant que société rentable et indépendante. Nous avons des produits qui sont en demande et qui sont vendus pour lesquels nous recevons des commandes que nous livrons sur le marché mondial. Nous rapportons chaque année à nos actionnaires des bénéfices importants.
    Par conséquent, comme je l'ai mentionné, nous sommes en mesure de financer nous-mêmes pour 1,2 milliard de dollars par année de R-D grâce aux bénéfices que nous tirons, à l'échelle mondiale, de nos services et de nos ventes, non seulement dans le domaine du nucléaire, mais également dans le secteur de l'énergie renouvelable. L'année prochaine, le secteur de l'énergie renouvelable nous rapportera environ 1 milliard d'euros sur nos 12 à 13 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
    Comme je l'ai dit, nous sommes une entreprise qui produit de l'énergie sans CO2. Nous nous livrons à divers types d'activités qui nous rapportent des profits. Même si nous appartenons en partie à l'État français, nous opérons de façon relativement indépendante pour produire ces profits et ces bénéfices pour l'État.
    Par conséquent, nous ne le devons au fait non pas tant que nous sommes une entreprise d'État, mais plutôt que nous sommes une entreprise indépendante qui a les bons produits et services à offrir au marché et qui est rentable.

[Français]

    C'est certain que votre technologie est différente de la technologie canadienne: l'eau lourde par rapport à l'eau légère. Je comprends un peu quelques bouts de tout cela, mais c'est très spécialisé.
    Seriez-vous en mesure de travailler sur des réacteurs CANDU?
(1635)

[Traduction]

    Quand vous parlez de travailler sur ces réacteurs, nous avons une organisation de services ici, au Canada. Nous desservons tous les sites canadiens en utilisant les technologies existantes dans les secteurs d'activité que nous avons ici au Canada. Bien entendu, nous sommes également très présents dans le secteur minier au Canada dans les mines d'uranium de la Saskatchewan, du Québec et des territoires.

[Français]

    Il pourrait donc y avoir un intérêt pour vous à acquérir EACL, du moins en partie peut-être.

[Traduction]

    Comme je l'ai dit, nous suivons la situation de près et nous allons nous intéresser particulièrement aux recommandations du gouvernement et à la position que ce dernier et ses conseillers adopteront.

[Français]

    Vous connaissez comme nous toutes les difficultés reliées à cette production d'isotopes. Vous nous dites, dans votre déclaration liminaire, que AREVA peut aider. Pouvez-vous nous expliquer comment? Faites-vous référence à la technologie du réacteur Osiris, en France, qui produit des isotopes?

[Traduction]

    Nous avons participé à la construction de réacteurs pour la production d'isotopes dans d'autres pays. Je crois que M. Florizone a bien su décrire les difficultés et le coût de la construction d'un réacteur de recherche.
    Malheureusement, tout le monde aimerait une solution à court terme, mais ce n'en est pas une. Il faut compter au moins cinq ans pour construire un réacteur si l'on organise à l'avance la conception, les spécifications et les permis. Ce n'est donc pas une solution à court terme.
    La construction d'un nouveau réacteur pour la production d'isotopes ne devrait inquiéter personne. C'est juste une question de temps.

[Français]

    Nous avons beaucoup parlé, à ce comité, de l'abandon des réacteurs MAPLE 1 et MAPLE 2 parce qu'il y avait des difficultés au niveau de leur fonctionnement et de certaines normes de sécurité, semble-t-il.
    Serait-il intéressant, pour une compagnie comme AREVA, de réactiver ces réacteurs MAPLE? Cela pourrait-il sauver du temps? Selon vous, cette technologie est-elle dépassée? Qu'en dites-vous?

[Traduction]

    Nous n'avons pas vraiment de connaissances détaillées à l'égard des réacteurs MAPLE ou de cette technologie. Nous serions intéressés à construire un nouveau réacteur et non pas à travailler sur les réacteurs MAPLE existants, si ce n'est pour offrir un service précis ou de l'aide.

[Français]

    Vous avez dit une chose qui m'a beaucoup intéressée. Vous avez un concept novateur, le recyclage. C'est vraiment formidable de réduire de 80 à 90 p. 100 le volume des déchets, mais à quel coût? Cela doit être très dispendieux, si ce n'est déjà fait. De quoi s'agit-il au juste?

[Traduction]

    Oui, nous avons une installation qui fonctionne actuellement à La Hague, et cela depuis un certain nombre d'années. Je suis allé la visiter il y a deux semaines. Je n'avais pas encore eu l'occasion d'y aller dans le cadre de mes nouvelles responsabilités. Cette installation fait le retraitement des déchets provenant de France et d'autres pays comme l'Italie et le Japon. En fait, nous travaillons avec les Japonais. Un certain nombre de délégations japonaises sont en formation dans nos installations en vue de travailler dans leur nouveau centre qui est en construction.
    Cette installation retraite les déchets. Bien entendu, le droit international exige qu'après avoir été retraités, les déchets soient rapatriés dans leur pays d'origine. C'est assez impressionnant de voir cette usine. Des déchets arrivent du Japon à notre installation de retraitement de La Hague où ils sont entièrement retraités. Les déchets vitrifiés qui sont produits sont rapatriés dans le pays d'origine, mais bien sûr leur volume est beaucoup moins important.
    Merci, madame Brunelle.
    Nous passons maintenant à M. Cullen, du Nouveau Parti démocratique, pour sept minutes.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Cullen.
    Messieurs, merci pour votre témoignage d'aujourd'hui.
    Cette question s'adresse à M. Thomas. Je voudrais aborder le sujet des subventions requises.
    Vous avez mentionné le Royaume-Uni et les États-Unis à propos des subventions nécessaires pour une renaissance du nucléaire dans le monde. Pouvez-vous nous expliquer un peu plus pourquoi il est si important que ces subventions soient accordées et que ces réacteurs soient construits dans ces deux pays, ce qui se répercute sur les autres maillons de la chaîne mondiale de nouveaux réacteurs nucléaires?
(1640)
    Selon l'expérience des États-Unis, la subvention essentielle est une garantie de prêt, car cela permet d'obtenir le financement voulu. Cela veut dire que la banque prête l'argent au gouvernement fédéral. C'est un prêt très sûr; cela signifie que le coût d'emprunt peut être très bas. Par exemple, la centrale finlandaise a obtenu des garanties de prêt du gouvernement français et du gouvernement suédois, ce qui lui a permis d'emprunter de l'argent au taux de 2,6 p. 100, je crois.
    Sans ces garanties de prêt et vu le risque d'escalade des coûts, les banques imposeraient un taux d'intérêt très élevé, ce qui s'opposerait totalement à la rentabilité de l'énergie nucléaire.
    Puis-je vous poser une question au sujet d'une chose que vous avez mentionnée en passant à propos de l'appel d'offres de l'Ontario que le gouvernement ontarien a abandonné? Vous avez mentionné que les risques étaient plus importants ou que la nouvelle soumission en a entièrement tenu compte, mais ce n'est peut-être pas vous qui en avez parlé.
    Oui. J'en ai dit un peu plus dans mon mémoire écrit, mais je l'ai passé sous silence dans ma déclaration verbale.
    Il y avait deux soumissions, apparemment, d'après ce que j'ai lu dans les journaux. Celle d'AREVA coûtait environ 7 000 $US le kilowatt, mais elle ne respectait pas les termes du contrat, car AREVA n'était pas prête à assumer les risques de construction. La soumission d'EACL était conforme parce qu'elle assumait certains des risques de construction; il n'était pas précisé comment ces risques étaient assumés, si c'était dans un contrat entièrement à prix fixe ou autrement.
    Cela concerne surtout, je pense, le réacteur Olkiluoto pour lequel il y avait un contrat à prix fixe de 3 milliards d'euros ou du moins ce qui semblait être un contrat à prix fixe. C'est maintenant contesté. AREVA poursuit le client et le client poursuit AREVA pour les dépassements de coût. La situation s'est donc envenimée.
    Toutefois, cela montre que lorsqu'on demande au fournisseur d'assumer le risque de dépassement des coûts, cela augmente le prix de la soumission. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles la soumission d'EACL était si élevée.
    Merci. C'est une chose que nous essayons de comprendre: ce que les soumissions signifient.
    Monsieur Alexander, je sais que vous voudrez dire quelque chose à ce sujet. Connaissez-vous le rôle que Moody's Investors Service joue dans l'évaluation du risque mondial des sociétés?
    Oui.
    Considère-t-on que c'est une agence d'évaluation des risques crédible? A-t-elle des opinions extrêmes dans un sens ou dans l'autre ou a-t-elle une bonne réputation dans l'industrie?
    Je ne pourrais pas vous le dire. Je ne sais pas exactement où elle se situe dans l'industrie.
    Vous ne pouvez donc pas nous dire si Moody's fait bien son travail?
    Je répondrais seulement que je l'ignore.
    Très bien.
    Au début de l'été, Moody's a produit un rapport que vous connaissez sans doute. Je vais vous en citer un extrait qui concerne les compagnies d'électricité qui font appel à l'énergie nucléaire: « L'expérience passée nous donne des raisons de craindre des difficultés éventuelles… au niveau du bilan, l'absence d'efforts tangibles aujourd'hui pour défendre la notation et le risque d'exécution important inhérent à la construction de nouvelles centrales nucléaires ».
    On mentionne que certaines compagnies d'électricité ont vu leur note baisser de quatre points à l'égard du risque. Moody's est considérée comme une des agences d'évaluation du crédit les plus conservatrices au monde. Pourquoi juge-t-elle le portefeuille d'une compagnie d'électricité plus risqué s'il inclut l'énergie nucléaire?
    Je pense que M. Florizone a abordé le sujet. Bien entendu, ces grands projets nécessitent une aide gouvernementale. Vous ne construisez pas deux centrales nucléaires pour un coût de 10 milliards de dollars — ou quel qu'en soit le prix — sans une certaine aide gouvernementale. Malheureusement, le bilan moyen d'une compagnie d'électricité américaine se chiffre, je pense, à 10 milliards de dollars et si vous le comparez à un projet de cette envergure, il ne peut pas suffire à assurer son financement.
(1645)
    La ministre a comparu il y a deux jours et nous a présenté le produit d'EACL comme un produit-créneau. Nous essayons de comprendre quelle est la viabilité d'EACL ainsi que celle de l'industrie nucléaire au Canada. Plus de 130 nouveaux réacteurs sont en construction dans le monde. EACL n'a aucun de ces contrats. Comment l'expliquez-vous?
    C'est en partie, je pense, à cause de la différence entre l'eau légère et l'eau lourde dont on a discuté tout à l'heure. La technologie qui prédomine dans le monde est celle de l'eau légère; c'est ce que les organismes de réglementation et les pays normalisent actuellement.
    Dans mon exposé, j'ai parlé des fusions qui ont eu lieu dans le secteur depuis cinq ou six ans et des sociétés multinationales qui ont formé des coentreprises, comme AREVA, de façon à être assez puissantes pour pouvoir… sur le plan commercial, c'est un obstacle énorme. Cela exige énormément d'argent pour le développement. Comme je l'ai mentionné, il faut des milliards de dollars pour mettre au point une nouvelle technologie nucléaire. Seuls les plus gros peuvent survivre, comme c'est le cas actuellement dans de nombreuses industries.
    Par conséquent, dans un certain sens, si EACL n'a eu aucun des contrats pour la construction de nouvelles centrales, c'est parce qu'elle est trop petite. C'est une raison qui peut être invoquée.
    C'en est une.
    Également, elle se sert d'un système à l'eau lourde qui n'a pas la préférence de ceux qui veulent construire des nouveaux réacteurs nucléaires.
    C'est une autre raison.
    Merci, monsieur Cullen. Votre temps est écoulé.
    Nous allons maintenant du côté ministériel et M. Trost a la parole pour sept minutes.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Trost.
    Merci, monsieur le président.
    Peut-être qu'AREVA et la Société de gestion des déchets nucléaires peuvent m'éclairer à ce sujet. Je me demande quelle serait la possibilité que le site d'enfouissement canadien serve de dépôt ou d'endroit où des déchets seraient renvoyés pour être recyclés. En effet, quand nous parlons des déchets nucléaires, il arrive souvent que d'autres personnes voient la possibilité de les recycler comme combustible.
    J'espérais que les deux organisations pourraient me dire quelles seraient les possibilités à cet égard et comment les deux éléments pourraient être intégrés et aussi, quel serait le marché potentiel au niveau international et national si cette entreprise était faisable?
    Allez-y.
    Merci.
    Il est certain que lorsque nous dialoguons avec les Canadiens et que nous parlons de la gestion à long terme des déchets nucléaires, ils recherchent la solution de la boîte bleue et se demandent si c'est recyclable. C'est actuellement dans la mentalité canadienne.
    Ce que nos évaluations nous ont révélé lorsque nous avons fait notre étude — et j'avoue que rien n'a changé à cet égard — c'est que le retraitement au moyen de la technologie actuelle n'améliore pas matériellement les perspectives de gestion à long terme des déchets. La décision de procéder au retraitement des déchets nous semble être avoir davantage pour but la sécurité d'approvisionnement et être également reliée à certaines questions touchant la prolifération.
    Un des objectifs du plan de mise en oeuvre que nous avons publié était de surveiller les technologies émergentes. Le rapport que nous avons publié sur le sujet l'année dernière faisait valoir qu'à moyen terme, le retraitement ne deviendrait probablement pas une tendance mondiale à moins que le prix de l'uranium n'augmente largement et que c'est une décision qui devrait être prise par les gouvernements, par les centrales nucléaires, etc. Nous avons également fait observer que le combustible CANDU n'est pas vraiment un bon candidat pour le retraitement.
    Néanmoins, le dépôt que nous comptons construire aurait la possibilité de récupérer le combustible si le retraitement devenait viable et il permettrait donc de recycler cette énergie.
    Les représentants d'AREVA désirent dire quelque chose?
    Je répéterais ce que j'ai dit tout à l'heure à savoir que nous faisons le retraitement du combustible. Nous pensons que c'est rentable. Nous croyons que cela donne des résultats satisfaisants dans les pays où nous travaillons.
    Mon opinion personnelle en tant que Canadien est que si nous demandions maintenant au public s'il est d'accord ou non, ce ne serait peut-être pas la bonne approche. Il faudrait peut-être faire comprendre aux gens que le recyclage est la bonne chose à faire.
(1650)
    Disons hypothétiquement que l'organisation de gestion des déchets choisisse la Saskatchewan comme emplacement. Je ne vous demande pas de vous y engager, mais est-il possible qu'AREVA ou une entreprise similaire, un de vos concurrents, juge rentable d'envoyer les déchets là-bas pour les retraiter?
    Oui, certainement.
    C'est donc une possibilité. Cela dépend seulement des chiffres.
    C'est certainement possible et en général, cela crée un grand nombre d'emplois. Je crois que nous avons 5 000 personnes qui travaillent dans nos installations de La Hague.
    Il faut que j'accélère mes questions.
    En ce qui concerne la réforme de la réglementation, l'obligation de tenir des consultations est très importante pour les entreprises minières. Nous ne voulons pas diminuer en rien la sécurité ou quoi que ce soit, mais quelqu'un a-t-il des suggestions quant à la façon dont nous pourrions rationaliser la réglementation dans l'industrie, sans conséquences pour la sécurité?
    Je peux vous faire part d'une idée générale qui figure dans le rapport UDP. Comme c'est assez général, je ne sais pas si c'est exactement la réponse que vous cherchez, monsieur Trust.
    Il est évident, et c'est l'une des choses que j'ai trouvé intéressante en examinant le processus de l'Uranium Development Partnership, que dans l'industrie nucléaire mondiale, les gens à qui j'ai parlé étaient tout à fait en faveur d'un cadre réglementaire solide et indépendant. Une des raisons qu'ils m'ont données est qu'ils doivent compter sur la confiance du public et que cette confiance repose sur un organisme de réglementation énergique et efficace qui est indépendant du gouvernement. L'industrie tient donc beaucoup à une réglementation énergique et efficace. C'est ce que j'ai entendu dire le plus souvent.
    En même temps, en ce qui concerne l'exploitation minière, nous avons entendu dire que les gens voulaient une réglementation solide et efficace, mais également efficiente. Les gens pensaient, à propos de l'ouverture de certaines mines, qu'un très grand nombre de ministères intervenaient dans les questions de réglementation touchant le secteur nucléaire.
    Il pourrait donc y avoir plusieurs fusions, surtout dans le secteur minier.
    C'était la recommandation…
    Je vois qu'AREVA est d'accord. Nous allons donc le consigner au compte rendu.
    Encore une fois, cela figurait dans le rapport UDP qui demandait une meilleure coordination…
    Je suis désolé, Richard. Je ne veux pas vous couper la parole, mais j'ai seulement une dernière brève question concernant le Bureau régional du Nunavut. AREVA n'est pas la seule entreprise à s'être heurtée à des obstacles pour investir au Canada. J'examinais un document de JCU, Japan-Canada Uranium, et il y a aussi des sociétés coréennes et autres.
    Avez-vous une idée du montant des investissements que le Canada a perdus ou qui auraient pu être faits si nous avions abrogé le Bureau régional du Nunavut pour nous diriger davantage vers un libre-échange, de la même façon que pour le cuivre, l'or ou quoi que ce soit de cette nature?
    Il est certain que nous comptons entreprendre à l'avenir des projets de plusieurs milliards de dollars au Nunavut et au Québec. Ils sont déjà prévus. Nous avons chiffré le coût des activités d'aménagement des 15 à 20 prochaines années et il est bien entendu qu'à moins de conserver la propriété de ces sites, nous ne donneront pas suite à ces projets.
    Vous avez oublié de mentionner la Saskatchewan. Avez-vous des propriétés en Saskatchewan?
    Oui, bien sûr. Je suis désolé.
    Merci, monsieur Trost.
    Nous allons maintenant commencer notre deuxième tour de questions d'une durée de cinq minutes, en commençant par l'opposition officielle.
    Monsieur Tonks, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour leurs témoignages.
    Monsieur Florizone, à propos de l'avenir de la production d'isotopes médicaux, M. Alexander a retenu mon attention quand il a dit que c'était seulement une question de temps… Je ne peux pas lire ma propre écriture…
    Des voix: Oh, oh!
    M. Alan Tonks: … mais quoi qu'il en soit, l'avenir des isotopes médicaux n'est qu'une question de temps. Les Hollandais et les Américains investissent beaucoup dans la production d'isotopes médicaux de deuxième génération, etc.
    Je crois également que l'Université de la Saskachewan d'où vous venez a un réacteur qui est capable de produire des isotopes. En quoi ces décisions se répercutent-elles sur l'analyse de rentabilisation concernant le réacteur de l'université?
    Voulez-vous parler des différentes technologies?
    Non. C'est seulement au sujet du marché et je voudrais savoir si cela compromet la poursuite de ce projet.
    Vous voulez donc savoir si le marché a des répercussions.
(1655)
    Oui.
    C'est une excellente question.
    Encore une fois, je voudrais que ce soit clair,r et c'était très clair dans notre proposition. Étant donné la façon dont le marché mondial des isotopes fonctionne maintenant, l'établissement de ce genre d'installations n'est pas une entreprise profitable. Il y a actuellement une série de réacteurs de recherche dans le monde, qui sont généralement subventionnés par le gouvernement et qui fournissent la matière première à l'industrie. Les revenus de la production d'isotopes ne couvrent pas entièrement les coûts.
    Par conséquent, notre analyse de rentabilisation prévoyait la production d'environ quatre fois la demande du marché canadien. Il s'agissait de produire suffisamment pour le marché intérieur canadien ainsi que pour l'exportation. Nous pensions que cela couvrirait environ 15 p. 100 des coûts d'exploitation du réacteur. Autrement dit, même avec ce plan, 85 p. 100 du financement devrait provenir du Trésor public.
    Par conséquent, pour répondre à votre question, s'il y a ces autres sources d'isotopes et si elles se répercutent sur notre part du marché, cela réduira ces 15 p. 100. Cela nous ramène, encore une fois, aux objectifs de la politique publique et je crois que le comité d'experts doit se demander notamment si le Canada veut acheter ses isotopes médicaux sur le marché libre, ou compter sur les autres au risque de voir cette science sortir du pays. Le Canada veut-il simplement acheter ses isotopes sur le marché? Je pense que c'est une importante question de politique publique.
    Très bien. Je le comprends et je voudrais poursuivre cette conversation, mais je crois que le comité devrait donner à M. Nash l'occasion de répondre.
    En ce qui concerne le recyclage et ce dont M. Alexander a parlé à propos du processus, le comité cherche à comprendre ce secteur et la question du stockage. Vous avez dit qu'il y avait l'équivalent de plusieurs terrains de football pleins de ces déchets en ce moment.
    Il doit y avoir une solution ultime et M. Alexander semble très positif, mais de votre point de vue, y a-t-il une solution politique dont vous pourriez peut-être parler au comité?
    Merci.
    La politique canadienne à l'égard de la gestion à long terme du combustible irradié a pour but de stocker ce combustible sous une forme non retraitée dans un dépôt en formation géologique profonde où il pourra être récupéré si nécessaire.
    La majorité des autres pays qui ont des centrales nucléaires ne font pas le retraitement. Ils le faisaient par le passé. Par exemple, la Suède, l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni ont tous eu recours au retraitement. Depuis, ils ont arrêté de le faire, surtout parce que son coût est prohibitif.
    Toutefois, la France poursuit le retraitement pour un certain nombre de raisons. Certains diraient qu'elles sont d'ordre économique tandis que d'autres diraient que c'est pour assurer la sécurité de l'approvisionnement. Néanmoins, la France procède au retraitement. Cela exige un dépôt dans des formations géologiques profondes. Sa politique nationale prévoit un retraitement et le stockage des déchets vitrifiés, qui sont l'un des produits du retraitement, dans un dépôt en formation géologique profonde.
    Je dois répéter ce que j'ai dit à savoir que si l'on utilise la technologie existante pour le retraitement, cela n'apporte pas d'avantages importants, selon nous, sur le plan de la gestion des déchets. C'est plutôt une question de sécurité de l'approvisionnement en même temps qu'une question de prolifération.
    Je vois.
    Merci.
    Merci, monsieur Tonks. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Allen.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins pour leur présence ici aujourd'hui.
    Monsieur Alexander, je voudrais vous poser une question au sujet du modèle typique de risque de construction. S'il faut cinq à sept ans pour construire un réacteur qui produira des isotopes, je suppose que pour un réacteur destiné à produire plus de 1 000 mégawatts d'électricité, cela doit prendre de sept à 10 ans en incluant le choix d'un emplacement, les permis environnementaux et tout le reste.
    Quel est actuellement le modèle typique pour l'achèvement et les risques financiers d'un tel projet? Livrez-vous ces unités au client ou est-ce vous qui en restez propriétaire et qui assurez leur entretien après les avoir construites?
    Cela dépend du pays. Dans certains cas, nous travaillons en collaboration très étroite avec une compagnie d'électricité. Par exemple, il y a deux semaines, j'ai visité notre centrale deFlamanville, en France, où nous travaillons en collaboration étroite avec l'EDF. Cette centrale sera mise en service en 2012 et vu la façon dont le calendrier et les coûts ont été respectés jusqu'ici, j'ai été très impressionné et je suis assez certain, personnellement, que les travaux seront terminés à temps.
    Cela varie d'un pays à l'autre. Par exemple, à Olkiluoto, en Finlande, où les autorités nucléaires étaient moins expérimentées et où il fallait faire appel à des sous-traitants locaux qui travaillaient pour la première fois dans le domaine nucléaire, différents problèmes se sont posés. La réalisation de ce genre de projet est généralement un peu plus longue.
    C'est entièrement variable. Il y a le modèle de la centrale commerciale selon lequel une compagnie d'électricité construit une centrale dans un marché non réglementé et vend son énergie dans un marché réglementé sur une base différente. Il existe toutes sortes de modèles différents, selon le pays.
    Des projets sont actuellement envisagés dans les Émirats arabes unis. Ils seraient construits selon le modèle commercial par un consortium de compagnies d'électricité et de fabricants qui fournirait au client une centrale clé en main.
(1700)
    Ai-je bien compris? Je voudrais seulement confirmer que le montant de 1,2 milliard de dollars que vous avez consacré à la R-D l'année dernière provenait de votre trésorerie interne et que pas un centime n'est venu du gouvernement français.
    Oui, je crois que c'est bien cela.
    Si vous pouviez le confirmer, ce serait une bonne chose.
    Certainement.
    Étant originaire du Nouveau-Brunswick, je connais mieux les réacteurs à eau lourde et la technologie CANDU. Comment la sécurité des réacteurs AREVA se compare-t-elle à celle des réacteurs CANDU? Vos résultats ont-ils été bons sur le plan de la sécurité? Quels sont les principaux problèmes de sécurité de votre technologie? Je veux parler du point de vue de la responsabilité civile et de l'assurance.
    La sécurité est le principal aspect qui différencie les réacteurs de génération III+ de ceux de la génération II. Par conséquent, la technologie mise à part, je crois qu'il y a eu des progrès importants.
    J'aime parfois faire la comparaison avec un DC-3 qui a été conçu et construit il y a de nombreuses décennies et un avion moderne équipé de tout l'appareillage électronique. C'est une bonne analogie pour décrire la nouvelle conception des centrales nucléaires. Je veux dire par là que quand vous montez dans un nouvel avion, cet appareil peut pratiquement voler tout seul. Il comporte un grand nombre de systèmes de sécurité de réserve.
    Pour moi, c'est la principale différence sur le plan de la sécurité entre ces réacteurs de génération III+ et les anciens. Je pense que l'industrie nucléaire en général a d'excellents antécédents sur le plan de la sécurité. Que ce soit pour le CANDU ou l'un des réacteurs AREVA, je ne pense pas qu'il y ait de différence à ce chapitre. En ce qui concerne la résistance à l'écrasement, les réacteurs des générations III+, nos nouveaux réacteurs, peuvent résister à l'écrasement de tous les avions qui existent actuellement sans émettre de rayonnement dans l'atmosphère.
    Je m'intéresse à votre installation de retraitement, car il y a également un lien avec le projet de loi C-20 qui concerne l'assurance responsabilité. Conformément aux dispositions de ce projet de loi, si j'ai bien compris, au Canada, le propriétaire exploitant aurait cette responsabilité.
    Quelle est la situation sur le plan du transport? Vous avez dit que cette installation recevrait du combustible venant du Japon. Qui en assume la responsabilité et qui doit s'assurer pour le combustible nucléaire qui est transporté?
    Je n'ai pas la réponse à cette question. Je sais que le transport est un élément important de la planification qui est faite.
    Ken, je ne sais pas si vous comprenez la question de la responsabilité entre pays, mais je sais que les pays d'origine doivent généralement reprendre les déchets vitrifiés et les composants du processus de recyclage. Ils doivent les rapatrier. Par conséquent, je sais que ce sera renvoyé au Japon, par exemple. Je suppose que le pays hôte assume les risques associés à ces expéditions, mais je n'en suis pas certain.
    Merci, monsieur Allen. Votre temps est écoulé.
    C'est maintenant au tour du Bloc québécois et M. André dispose de cinq minutes.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur André.

[Français]

    Je ne suis pas un membre régulier de ce comité, mais je représente le comté de Berthier—Maskinongé, qui comprend une partie de la région de Trois-Rivières. On est en train de voir un peu à la réfection de Gentilly. C'est une préoccupation de l'ensemble des gens de ma circonscription ainsi que de celle de Mme Brunelle. Je vais vous parler de quelques-unes de ces préoccupations.
    D'une part, les gens disent que le système CANDU est dépassé, désuet, non adapté aux années futures et, donc, qu'il faudrait changer le système afin d'avoir un meilleur réacteur nucléaire. D'autre part, il y a toute la question de la gestion des déchets nucléaires qui est soulevée sur la place publique. L'Assemblée nationale du Québec, par exemple, a adopté une résolution à l'effet que le Québec ne veut pas gérer les déchets nucléaires des autres provinces. On va gérer les nôtres, ce qui représente environ 5,44 p. 100 des déchets que nous produisons actuellement. C'est une préoccupation.
    À un troisième niveau, celui de la santé de la population, des produits comme le nitrium s'infiltreraient dans les nappes phréatiques, causant ainsi des dommages à la santé, par exemple des cancers chez les jeunes enfants, etc.
    Il y a également des préoccupations relativement aux coûts reliés à l'énergie nucléaire. Comme vous le savez, nous produisons plutôt de l'énergie hydroélectrique. Le système de Gentilly ne fournirait à peu près que 3 p. 100 de notre électricité. Par contre, des gens nous suggèrent de maintenir notre expertise dans le nucléaire.
    Monsieur Nash, vous dites que chaque province va décider un peu de la gestion du nucléaire et que chacune d'entre elles devra s'entendre avec le fédéral sur la question de la gestion des déchets nucléaires. Que pensez-vous de la décision de l'Assemblée nationale du Québec à l'effet que le Québec n'est pas prêt à gérer les déchets nucléaires, l'enfouissement des déchets nucléaires? Cela aura-t-il pour conséquence que vous annulerez automatiquement le Québec de votre plan de gestion des déchets?
(1705)

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je commencerai peut-être par dire deux choses et j'essaierai ensuite de vous fournir une réponse détaillée.
    Premièrement, la Société de gestion des déchets nucléaires est absolument déterminée à trouver un dépôt en formation géologique profonde dans une collectivité bien informée et d'accord, y compris au niveau de la région. Nous n'irons pas de l'avant tant que ce ne sera pas fait.
    Deuxièmement, il y a des critères de sécurité très stricts à respecter. Un dépôt ne sera pas construit tant que nous ne serons absolument pas certains qu'il sera sécuritaire et le combustible sera situé à un endroit où il ne pourra pas libérer de la radioactivité dans la nappe d'eau phréatique. Cela n'arrivera pas.
    Pour ce qui est des gouvernements provinciaux, quand cet investissement sera fait, ce sera dans le cadre d'un partenariat à long terme entre la Société de gestion des déchets nucléaires et la collectivité au sens large. Des milliards de dollars seront investis. Je ne peux pas imaginer qu'un tel projet puisse aller de l'avant sans le consentement ou l'acceptation du gouvernement provincial concerné.
    Cela dit, nous avons eu des dialogues et nous continuerons d'en avoir dans toutes les provinces qui ont du combustible nucléaire, car nous croyons qu'au Québec, comme ailleurs, il faut que les gens puissent nous dire comment nous devrions procéder. Je ne sais pas si cela répond suffisamment à votre question, mais je suis prêt à répondre à des questions supplémentaires.

[Français]

    Il y a une inquiétude dans la population relativement à certains produits dérivés de la production d'énergie nucléaire, comme le nitrium, qui se retrouveraient dans des eaux et causeraient le cancer. Avez-vous étudié la question davantage?
    Je vois que la compagnie de M. Alexander a développé de nouvelles technologies. Est-ce que ce sont des préoccupations que vous avez? Y a-t-il des études adjacentes à cela?
(1710)

[Traduction]

    À qui s'adresse votre question, monsieur André?
    Monsieur Alexander, une brève réponse, s'il vous plaît.
    Je pense que la sécurité des installations nucléaires existantes au Canada est bien surveillée et contrôlée. Je ne pense pas qu'il y ait de danger de contamination de la nappe phréatique. Je crois que les représentants des différentes organisations telles qu'Hydro-Québec seraient mieux en mesure de répondre à vos préoccupations à l'égard des études qui ont été faites dans la région locale. Je sais qu'une surveillance serrée est exercée régulièrement.

[Français]

    Comment expliquez-vous l'inquiétude des gens? Pensez-vous que c'est dû à un manque d'information? Les gens sont inquiets. Des études ont démontré que du nitrium est produit qui causerait des maladies comme le cancer chez les jeunes enfants. Ce sont des choses qui circulent dans la population et qui sont documentées. Donc, y a-t-il un manque d'éducation? Qu'en pensez-vous, monsieur Florizone?

[Traduction]

    C'est une question à la fois excellente et complexe.
    Vous avez absolument raison au sujet du soutien qu'il faut obtenir au niveau local. Nous pourrions prendre l'exemple de Yucca Mountain, aux États-Unis, par opposition au dépôt de Finlande pour montrer à quel point le soutien local est un important facteur de succès.
    En ce qui concerne la sécurité, des données différentes circulent, mais il est très important de mentionner que certaines des données les plus positives retiennent moins l'attention. Je citerai simplement deux études qui ont été réalisées et qui montrent, que si vous comparez la sécurité de l'industrie nucléaire dans son ensemble — y compris Tchernobyl qui était un accident très grave — avec le nombre total de décès par unité d'énergie produite, l'énergie nucléaire cause au moins 10 fois moins de décès que le gaz, le charbon ou les autres combustibles fossiles.
    Il y a eu des incidents et la perception du risque est très élevée, mais dans l'ensemble, je pense que les gens se souviennent de Tchernobyl, mais oublient qu'il y a 400 réacteurs qui ont fonctionné en sécurité dans le monde. Je ne cherche pas pour autant à minimiser les inquiétudes des gens. Ces inquiétudes sont très, très importantes. Je ne sais pas exactement comment y répondre et je demanderais plutôt aux membres de l'industrie de dire ce qu'ils en pensent. Ce sont des questions très complexes.
    Merci, monsieur Florizone.
    Nous allons passer à Mme Gallant pour cinq minutes environ. Nous verrons combien de temps il restera avant que la sonnerie ne retentisse.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Nash. Quand vous parlez de la gestion des déchets de combustible nucléaire, parlez-vous des barres de combustible qui ont été utilisées?
    Oui, en effet.
    Comme vous le savez, la technologie CANDU utilise de l'uranium naturel brut. Au cours du cycle d'une barre de combustible dans un réacteur nucléaire, seulement 1 p. 100 de l'énergie potentielle des barres de combustible CANDU est utilisé et le fait qu'il s'agisse d'uranium naturel est une des raisons pour lesquelles la technologie CANDU résiste mieux à la prolifération.
    Étant donné qu'on utilise seulement 1 p. 100 du potentiel, cela veut dire 99 p. 100 de l'uranium naturel qui se trouve dans une barre n'est pas utilisé, alors pourquoi l'entreposage en couche géologique profonde est-il préférable à l'entreposage en surface qui existe actuellement dans certaines régions? Quand le prix de l'uranium sera nettement plus élevé à l'avenir, il sera peut-être rentable de récupérer les barres de combustible afin de se servir des 99 p. 100 d'énergie potentielle inutilisée. Ne voyez-vous pas un avantage à envisager un entreposage en surface et à pouvoir surveiller de plus près la baisse de radioactivité?
    Merci pour cette question.
    Nous nous sommes longuement penchés sur cette question pendant l'étude que nous avons menée pendant trois ans, entre 2002 et 2005. Le mandat que le gouvernement fédéral nous avait confié pour cette étude exigeait que nous envisagions les options dont vous parlez.
    Toutefois, après avoir consulté les Canadiens et les experts, nous avons estimé que le plan que nous avons proposé pour la gestion adaptative progressive est celui qui répond le mieux aux valeurs et aux attentes des Canadiens, d'abord pour une question de sécurité à long terme. Un dépôt en formation géologique profonde est ce qui permet le mieux d'y répondre. Même si l'on procédait au recyclage et si on décidait, à l'avenir, de récupérer et de retraiter ces barres, il resterait quand même des déchets.
    Deuxièmement, l'idée de laisser là ces déchets dans l'espoir qu'un jour nous aurons une technologie qui nous permettra de nous en débarrasser de façon plus élégante n'est pas une chose que les Canadiens sont prêts à accepter. Ils estiment que nous avons l'obligation d'agir maintenant, mais notre plan pourra être adapté à cette technologie si elle se matérialise. Par conséquent, nous proposons d'agir maintenant en ayant la possibilité de s'adapter quand ces technologies deviendront rentables ou préférables sur le plan environnemental.
(1715)
    En ce qui concerne la sécurité, serait-il préférable de situer les dépôts à long terme près d'une base militaire?
    La question de la sécurité de ces déchets doit, bien sûr, être examinée très attentivement et nous devons faire très attention à ce que nous disons à ce sujet. Je peux vous assurer que toutes les précautions qui sont prises actuellement pour assurer la sécurité de ces matières au Canada et ailleurs assurent un très haut niveau de sécurité et ce serait également le cas dans un dépôt en formation géologique profonde. Je ne pense pas que l'emplacement d'un dépôt au voisinage d'une base militaire modifie la menace sur le plan de la sécurité.
    Merci.
    Monsieur Alexander, le coût de la nouvelle centrale AREVA en Finlande a presque doublé et la construction est nettement en retard par rapport à l'échéancier. À quoi attribuez-vous cette escalade des coûts et ces retards?
    Je pense avoir fait allusion à certains de ces facteurs tout à l'heure. C'est un pays peu expérimenté dans le domaine du nucléaire. C'est là un nouveau processus pour l'organisme de réglementation et cela a posé d'importants problèmes. De plus, l'emplacement du chantier de construction nucléaire exigeait que les constructeurs locaux fassent d'importants travaux d'aménagement. D'autre part, il s'agit du premier réacteur III+ fabriqué dans le monde et ce sont donc des facteurs qui se sont certainement répercutés sur ce chantier.
    Comme je l'ai mentionné, je pense, la construction de notre deuxième centrale, à Flamanville, que j'ai visitée il y a deux semaines, respecte les échéances.
    Par conséquent…
    Merci beaucoup, madame Gallant. Nous manquons de temps. Nous avons un vote très important bientôt.
    Je voudrais remercier tous les témoins pour leur présence ici aujourd'hui.
    Nous avons entendu, par vidéoconférence, M. Thomas, professeur à l'Université de Greenwich, à Londres.
    Merci beaucoup, monsieur Thomas.
    Je remercie les messieurs présents dans la salle: les représentants d'AREVA Canada, M. Alexander, président et Jean-François Béland, vice-président; M. Kenneth Nash, président du conseil d'administration de la Société de gestion des déchets nucléaires; M. Richard Florizone, Policy Fellow, de l'École supérieure Johnson-Shoyama de politique publique de l'Université de la Saskatchewan.
    Merci beaucoup à tous. C'était très intéressant.
    La séance est levée.
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