:
Merci à vous tous de nous accueillir.
Je m'appelle William Schatten. Je suis directeur de recherche chez Forum Research.
Comme vous le savez Forum Research a fait plusieurs sondages sur la réforme électorale. Tout récemment, nous en avons fait un dans tout le Canada, du 7 au 9 octobre. Nous faisons nos sondages de l'opinion publique au moyen d'appels téléphoniques à composition aléatoire. Ils sont reliés à ce que nous appelons une plateforme de réponse vocale interactive. Le sondage dont je vais parler aujourd'hui a un échantillon de 1 043 personnes, ce qui donne une marge d'erreur de 3 %, c'est-à-dire plus ou moins 3 %.
Tout d'abord, nous avons interrogé les Canadiens au sujet de l'importance de la réforme électorale, parmi une série d'autres enjeux populaires qui se disputent l'attention des Canadiens en ce moment. La réforme électorale se classe assez haut. Sur une échelle de neuf points où un correspond à « pas important du tout » et neuf à « extrêmement important », la réforme électorale se situe à 5,5 dans l'ensemble du Canada.
Les résultats sont nuancés. La réforme est très importante pour les partisans du NPD, avec 6,6 sur 9, et particulièrement importante chez les Québécois, avec 6 sur 9. Elle est la moins importante chez les partisans conservateurs, avec 4,5 sur 9.
Si on leur demande si le Canada devrait modifier son système électoral, la moitié des Canadiens, soit 45 %, dit que oui, le tiers dit que non, tandis que le cinquième n'est pas sûr. L'appui le plus ferme à la réforme électorale est relevé en Colombie-Britannique et au Québec, ainsi que chez les jeunes électeurs.
Nous avons aussi demandé aux Canadiens s'ils savaient que votre comité avait été mis sur pied. Ils se partagent par moitié. Un peu moins de la moitié était au courant. On était davantage au courant en Colombie-Britannique, avec 59 % et moins au Québec, avec 36 %.
Les Canadiens peuvent-ils décrire les divers systèmes électoraux? La question est assez difficile. Nous l'avons reformulée ainsi: « Si un ami vous demandait de décrire la représentation proportionnelle, le scrutin uninominal à un tour ou le mode de scrutin préférentiel, pourriez-vous les décrire avec assurance? » Le degré d'assurance est plus élevé pour la représentation proportionnelle, avec 63 %, tandis que le scrutin uninominal à un tour se situe à 54 % et le scrutin préférentiel à 41 %. Pour situer la question en contexte, nous avons alors demandé quel était le système électoral actuellement en place au Canada. Seulement 40 % des répondants ont pu dire que c'était le scrutin uninominal à un tour. Le cinquième d'entre eux ne le savaient pas et un autre cinquième disait que c'était la représentation proportionnelle, 12 % ont répondu le scrutin préférentiel et 4 % ont donné une tout autre réponse. Les connaissances laissent donc à désirer à ce sujet dans la population.
Enfin, nous avons demandé: « Quelle est votre préférence? » Après avoir donné une description sommaire des trois systèmes, nous avons demandé: « Quel est votre premier choix de système électoral pour le Canada? » Le plus populaire a été le scrutin uninominal à un tour, à 42 %, suivi par la représentation proportionnelle, à 35 %, et par le scrutin préférentiel, à 23 %
Nous avons ensuite demandé quel était leur deuxième choix. Le scrutin préférentiel était au premier rang, à 40 %, suivi de la représentation proportionnelle, à 35 %, et du scrutin uninominal à un tour, à 25 %.
Enfin, nous avons demandé: « Avez-vous voté aux dernières élections fédérales, en octobre de l'an dernier? » Nous nous sommes adressés expressément aux non-votants, à qui nous avons demandé pour quelle raison principale ils n'avaient pas voté. Voici quelques points qui intéresseront le Comité. Onze pour cent d'entre eux ont dit ne pas l'avoir fait parce qu'ils avaient l'impression que leur vote ne compterait pas. Nous avons demandé expressément aux non-votants si un système électoral différent les aurait encouragés à voter et 28 % d'entre eux ont dit que oui.
Voilà la conclusion de nos résultats. Nous avons fait plusieurs sondages sur la question au fil du temps. Les résultats sont rendus publics. Et nous continuerons de faire des sondages à ce sujet dans un avenir prévisible.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Je dirai d'abord un mot de moi. Je suis professeur de sciences politiques à l'Université Carleton, où j'occupe une chaire de recherche sur la démocratie parlementaire canadienne. Mes travaux portent avant tout sur les partis politiques et la démocratie électorale au Canada, comparée à d'autres démocraties inspirées du modèle de Westminster. Je suis le dernier ex-président de l'Association canadienne de science politique et, fait particulièrement pertinent pour vos travaux, peut-être, j'ai été directeur de recherche pour la Commission du Nouveau-Brunswick sur la démocratie législative sous le premier ministre Lord, en 2004-2005.
Je suis on ne peut plus conscient du fait que vous étudiez très intensément la question depuis plusieurs mois et que vous avez déjà entendu des dizaines de politologues et autres témoins intéressés par la question. Bon nombre d'entre vous pourraient probablement donner un cours de maîtrise sur les systèmes électoraux. Je ne reviendrai donc pas sur les pour et les contre des divers systèmes et les conséquences de chacun pour la représentation. Je consacrerai plutôt mes 10 minutes à un sujet très important qui a reçu très peu d'attention jusqu'ici, et ce sont les conséquences des divers systèmes pour le fonctionnement interne et l'organisation des partis politiques.
J'ai des opinions sur les questions plus générales que le Comité doit étudier, et je serai heureux d'en parler pendant la période des questions si cela vous semble utile.
De nombreuses fonctions des partis et leur démocratie interne sont touchées par le choix de système électoral. Notons leurs principales fonctions: le choix des candidats, la campagne électorale, la formation d'un gouvernement et le choix des dirigeants des partis. Je n'aurai pas le temps d'entrer dans les détails, mais je tirerai des exemples de l'Australie, de l'Irlande et de la Nouvelle-Zélande, où on utilise divers systèmes: vote unique transférable, système mixte proportionnel et vote préférentiel. Ce sont les points de comparaison les plus utiles, il me semble, parce qu'il s'agit de démocraties parlementaires dotées d'une culture politique et d'une infrastructure démocratique analogue à celles du Canada.
Si on opte pour le système mixte proportionnel, il me semble probable que, pour la nomination des candidats, cela donnera des listes de parti fermées. Qui, dans le parti aura le pouvoir de dresser la liste? En Nouvelle-Zélande, par exemple, les trois principaux partis — travailliste, national et vert — tiennent des conférences de délégués qui permettent aux membres du parti de choisir les candidats à y inscrire. La loi électorale de la Nouvelle-Zélande a été modifiée au moment de l'adoption du système mixte proportionnel pour exiger que les partis utilisent des méthodes démocratiques pour confectionner leurs listes et que ces méthodes comprennent la participation des membres du parti.
Il y a toutefois des différences entre les parties quant au processus crucial de l'établissement de l'ordre des candidats, ce qui est fondamental pour déterminer qui sera élu, au bout du compte. Les verts tiennent à cette fin un plébiscite chez tous les membres du parti qui votent par la poste. Les travaillistes font appel à ce qu'ils appellent un comité modérateur, dont la composition a été hautement litigieuse, ces dernières années, car tous les éléments du parti, on peut l'imaginer, veulent en faire partie. Actuellement, il compte de très nombreux membres. Beaucoup, dont le président du parti, estiment que la formule est peu commode. On y trouve des députés, des représentants régionaux, des représentants des Maoris et des nombreux secteurs du parti: les jeunes, le Rainbow Labour, les syndicats, les femmes et les insulaires du Pacifique. Les travaillistes et les verts ont des règles qui visent à assurer la représentation d'un grand nombre de ces mêmes groupes dans les rangs les plus élevés de la liste. Ce qui n'est pas le cas dans le parti national.
Nos partis devraient s'attaquer à ces problèmes et élaborer un processus acceptable, si nous adoptions le système mixte proportionnel avec liste fermée. Il appartient aux députés de décider à quel point le Parlement doit être prescriptif à cet égard, pour peu qu'il doive l'être, ou s'il y a lieu d'exiger l'application de méthodes démocratiques. Ce serait là un changement profond par rapport au statu quo.
Avec le vote unique transférable, les circonscriptions ont plus d'un député. Prenons l'Irlande. Il y a de trois à cinq députés par circonscription. Dans les grands partis, les membres au niveau local tiennent des assemblées d'investiture semblables à celles de vos partis, mais il faut respecter des instructions nombreuses du pouvoir central sur la façon de nommer les candidats et sur leur origine géographique. De plus en plus, les partis donnent des directives, venant du pouvoir central là aussi, sur la proportion des candidats des deux sexes. Dans certains cas, cela s'est avéré très litigieux, avec de vives tensions entre les membres et les associations au niveau local et les dirigeants du parti, car les instances locales veulent souvent nommer plus de candidats que le pouvoir central ne le permet. La logique du système veut qu'on ne nomme pas autant de candidats qu'il y aura de députés ou de TD, comme on les y appelle. Les instances locales veulent procéder sans trop d'entraves.
Nos partis devraient décider qui a le pouvoir de prendre ces décisions — aux niveaux national, régional ou provincial — et quelle doit être l'ampleur des directives imposées aux associations locales.
Quant à la formation du gouvernement, avec le système mixte proportionnel ou le vote unique transférable, il est très probable que plusieurs partis participeraient à la gouvernance. Ce serait peut-être le cas aussi avec le vote préférentiel. Il faudrait bien sûr des négociations, le plus souvent après les élections mais pas toujours, pour arriver à un accord de coalition. Une question s'impose: quel parti aurait le pouvoir de s'engager dans cet accord? Il y a beaucoup de variantes à cet égard.
Certains partis irlandais, comme Fianna Fáil, exigent la tenue d'un congrès spécial du parti pour approuver tout accord de coalition. D'autres, comme le Parti national de la Nouvelle-Zélande, exigent l'approbation de l'exécutif national du parti et des dirigeants parlementaires.
Si nous nous retrouvions avec un système très fragmenté, ce qui pourrait bien être le cas avec l'un ou l'autre de ces systèmes, la formation d'un gouvernement pourrait s'avérer très difficile, mais les partis devraient au moins décider qui a le pouvoir de conclure des accords. Le choix des dirigeants n'est pas la chose à laquelle on pense le plus souvent, à propos de système électoral, mais il a son importance à cause d'une gouvernance multipartite. Dans les trois pays d'où je tire mes exemples, il est arrivé qu'un des partis de la coalition gouvernementale exerce une influence sur le choix des dirigeants d'un autre parti.
En Australie, par exemple, lorsque le premier ministre Harold Holt a été présumé décédé, le candidat favori à sa succession, William McMahon, qui était trésorier du gouvernement libéral et jouissait de larges appuis dans sa formation, a fait l'objet d'une vive opposition du partenaire minoritaire de la coalition, le Country Party, qui a menacé de retirer son appui au Parti libéral si M. McMahon était choisi comme chef. Celui-ci a fini par se retirer de la course pour que les libéraux puissent rester en position de gouverner.
De la même façon, dans des gouvernements récents de Fianna Fáil, deux chefs de parti, chacun étant Taoiseach, ou premier ministre, à ce moment-là, MM. Haughey et Reynolds ont été éjectés après que des partis qui les appuyaient au gouvernement — les progressistes-démocrates dans un cas et les travaillistes dans un autre — eurent menacé de retirer leur appui. Ces deux dirigeants avaient toujours leur propre caucus parlementaire, mais ils ont perdu leur poste pour que le parti reste aux commandes.
En Nouvelle-Zélande, ce fut l'inverse. Le premier ministre John Key du Parti national, a menacé d'exclure un petit parti de sa coalition, ACT New Zealand, si, comme prévu, il destituait son président pour le remplacer.
C'est là quelque chose qui est à peu près sans précédent au Canada, je crois: les partis d'une coalition qui influencent le choix des dirigeants d'un autre parti. Cela pourrait s'avérer particulièrement difficile dans le cas du Canada, étant donné que le pouvoir de choisir et de destituer les chefs appartient à des partis extraparlementaires. Dans tous les cas énumérés, le parti parlementaire a pu apporter le changement rapidement parce qu'il avait le pouvoir voulu. Si nous nous engagions dans cette voie, cela pourrait remettre en cause la pratique actuelle, qui laisse au parti extraparlementaire le pouvoir de choisir et de destituer les chefs.
Quatrième et dernier aspect de la démocratie de parti que je vais signaler, la campagne électorale. Dans les systèmes de vote unique transférable et de système mixte proportionnel avec liste fermée, les élections générales ne vont pas sans le jeu d'une concurrence à l'intérieur des partis. Il faudrait que nos partis apprennent à gérer cela.
Dans le système mixte proportionnel à la néo-zélandaise, l'accent s'est déplacé, au détriment des circonscriptions, vers les campagnes régionales ou nationales. Le nombre de sièges remportés par un parti est presque complètement déterminé par sa part du vote pour les partis, non par ses résultats dans les électorats ou circonscriptions. Néanmoins, les organisations locales des partis et plus particulièrement les députés titulaires veulent mener une campagne locale dynamique, quitte souvent à ne pas maximiser le vote pour le parti, qui est plus important.
Les travaillistes de la Nouvelle-Zélande, notamment, ont eu des difficultés sur ce plan. Dans des réformes récentes du parti, ils ont créé des centres régionaux, pour les élections, afin de consacrer plus de ressources à la campagne pour le parti, mais cela ne s'est pas fait sans des tensions considérables entre les instances locales et le centre, puisque la répartition des ressources de campagne est un jeu à somme nulle.
Le vote préférentiel a aussi des conséquences. En Australie, les partis publient des consignes de vote. Ils disent comment ils veulent que leurs électeurs ordonnent leurs préférences secondaires. Les partis doivent faire des ententes à cet égard. C'est parfois simple, mais pas toujours, et il peut y avoir des tensions entre les candidats de l'organisation locale et les autorités centrales.
Par exemple, en 2016, un député travailliste sortant, dans la région de Melbourne, Michael Danby, a invité ses électeurs, par ses consignes, à donner leur deuxième choix aux libéraux plutôt qu'aux verts. Dans le même électorat, le parti central, la campagne centrale, a favorisé dans ses consignes les verts plutôt que les libéraux comme deuxième choix pour les électeurs travaillistes. Ces électeurs ont donc reçu des consignes contradictoires. Il y a souvent des tensions à cet égard entre les organisations locales, d'État et nationale.
En guise de conclusion, je dirai que tout cela tend à montrer que le changement de système électoral a de nombreux effets collatéraux dont il faut tenir compte et qu'on néglige souvent. Et il faudrait tout au moins donner à nos partis le temps d'examiner ces questions avant la tenue d'élections selon un système électoral différent. Autrement, nous risquons d'assister à un grand glissement de pouvoir vers le centre du parti, au détriment des associations de circonscription.
Merci.
:
Bonjour, monsieur le président, et bonjour aux membres du Comité.
[Français]
Je vous remercie de nous avoir invitées à comparaître ce matin.
[Traduction]
Je m'appelle Maddie Webb et je représente la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, où je suis coordonnatrice de la défense des intérêts. Je suis accompagnée par Sheila Lacroix, membre de notre club de Leaside–East York, qui a dirigé l'élaboration de notre politique sur la représentation proportionnelle.
La Fédération canadienne des femmes diplômées des universités est un organisme bénévole, non partisan et autofinancé qui compte plus de 100 clubs et près de 9 000 membres dans l'ensemble du Canada. Depuis sa création, en 1919, la fédération s'efforce d'améliorer la condition féminine et de promouvoir les droits de la personne, l’éducation du public, la justice sociale et la paix. Elle jouit d’un statut consultatif particulier auprès de l'ONU et fait partie de la Commission sectorielle de l'éducation, à la Commission canadienne pour l’UNESCO. Elle est le plus important membre de Graduate Women International, qui représente des femmes du monde entier. Elle est aussi membre de l'Alliance pour qui chaque électeur et électrice compte.
Nos membres sont profondément convaincues qu'il est important de voter à tous les niveaux. Nos clubs de tout le Canada proposent des activités d'éducation des Canadiens au processus démocratique, y participent et en font la promotion. Plusieurs d'entre eux ont pris la tête de campagnes incroyablement fructueuses d'incitation à voter qui ont accentué la sensibilisation et fait augmenter la participation dans leurs circonscriptions respectives.
Nous félicitons les membres du Comité de consacrer autant de temps et d'énergie à chercher le meilleur moyen de faire évoluer le système électoral du Canada. À la lumière des propos que le a tenus hier, nous réaffirmons l'urgence d'une modification de notre système électoral pour le rendre plus représentatif. Après des années d'études indépendantes, de recherche et de débat, il est clair que les Canadiens veulent remplacer leur système de scrutin uninominal à un tour. Il reste à savoir quel système correspond le mieux aux Canadiens et donnera des résultats représentatifs.
Nous exhortons le gouvernement à adopter un modèle de représentation proportionnelle. C'est le moyen le plus précis de garantir que les votes se traduisent en une représentation fidèle. Les systèmes à majorité relative comme le scrutin uninominal à un tour et le vote préférentiel ne reflètent pas avec exactitude les suffrages exprimés.
Dans tout le pays, le scrutin uninominal à un tour donne de fausses majorités et gaspille des votes. Les systèmes à majorité relative favorisent les partis régionaux et les grands partis dont les appuis sont concentrés géographiquement, alors que les petits partis dont le soutien est plus diffus sont sous-représentés. Les résultats des élections fédérales au Canada le montrent bien. Depuis la Première Guerre mondiale, seuls quatre gouvernements ont obtenu de vraies majorités en remportant plus de 50 % des suffrages exprimés.
Ces problèmes ne sont pas réglés par le vote préférentiel, autre système fondé sur la majorité relative. Disons simplement que la représentation proportionnelle peut donner un reflet juste des suffrages. Des décennies de recherche, les conclusions de plus d'une douzaine de comités, de commissions et d'assemblées, et la longue histoire de réussites dans les meilleures démocraties du monde montrent clairement que la représentation proportionnelle est la meilleure solution pour le Canada.
Comme organisation féminine, nous nous investissons dans le renforcement du pouvoir des femmes aussi bien comme électrices que comme candidates. Dans un système à majorité relative, les femmes et les membres des minorités ont moins de chance d'avoir leur nom sur les bulletins, non parce qu'elles ne sont pas éligibles, mais parce que le processus d'investiture des partis a toujours favorisé les hommes blancs comme meilleur choix pour une sélection unique. Les hommes blancs sont souvent considérés comme des candidats plus acceptables, ce qui décourage le choix de femmes comme candidates.
Même si les femmes sont majoritaires dans presque tous les pays du monde, elles ont une représentation pitoyable dans leurs gouvernements. Dans les systèmes de représentation proportionnelle, les Autochtones, les groupes minoritaires et les femmes ont une meilleure chance de se faire inscrire sur les listes des partis dans des circonscriptions à plusieurs députés. En fait, les listes peuvent faire alterner hommes et femmes. Les listes encouragent les partis à retenir des candidats qui font appel aux divers éléments de l'électorat. Les partis peuvent aussi adopter des quotas de candidates.
Un simple coup d'oeil aux trois grandes démocraties occidentales qui pratiquent toujours le scrutin uninominal à un tour, soit le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis, permet de constater qu'aucun n'est allé au-delà de 30 % de représentation féminine. Cependant, un examen rapide des démocraties occidentales qui ont une forme de représentation proportionnelle montre que le pourcentage y va bien au-delà des 30 % et dépasse même les 40 %. Les systèmes à représentation proportionnelle font élire parfois 8 % de femmes de plus que les autres systèmes.
Aux élections de 2015, 62,6 % des électeurs ont voté pour des partis qui préconisaient une réforme électorale. Ce fait, ajouté aux conclusions du Comité et aux opinions exprimées par le passé par le public et des spécialistes, devrait donner la légitimité voulue pour aller de l'avant, cette fois-ci. Il y a assez d'experts au Canada pour élaborer un système propre au Canada. Les Canadiens, s'ils sont assez informés, s'adapteront à la représentation proportionnelle comme l'ont fait les citoyens de la plupart des pays occidentaux. Nous tenons en ce moment une occasion historique de transformer des années de débats, de recherche et d'attente en un système électoral juste et représentatif.
J'espère avoir mis en évidence les pièges de notre système de scrutin uninominal à un tour, qui ne sert pas les Canadiens et ne les représente pas. Les systèmes à majorité relative, comme le vote préférentiel, ne peuvent pas combler les lacunes du scrutin uninominal à un tour.
La représentation proportionnelle est le choix qui s'impose pour une démocratie ouverte si nous voulons obtenir une représentation exacte et des résultats politiques justes.
Merci.
:
D'accord, je comprends la nuance.
Monsieur Bozinoff et monsieur Schatten, vous avez dit que les gens qui disent savoir ce que les Canadiens veulent peuvent peut-être parler à tort et à travers en jouant à la représentation. Je suis un député dûment élu. Nous sommes dans une démocratie représentative. Je n'ai pas la prétention de savoir quel mode de scrutin veut l'ensemble des électeurs.
Je sais ce que je veux et ce que veut ma formation politique. Nous voulons un changement du mode de scrutin et l'introduction d'une forme de proportionnalité. Nous préférons un mode de scrutin mixte proportionnel compensatoire. Cependant, nous ne voulons pas n'importe quel modèle de ce mode de scrutin et nous ne voulons pas qu'il soit appliqué n'importe comment.
Il faut prendre le temps de faire les choses correctement. Pour cela, il faut sortir du carcan dans lequel nous a mis le premier ministre en affirmant que ce serait la dernière élection avec le mode de scrutin actuel. À mon avis, il ne savait pas ce qu'il disait et il n'a aucune connaissance de ce qu'il est nécessaire de faire pour transformer les choses.
Admettons que notre comité passe à une deuxième étape consistant à développer un modèle et à continuer de consulter l'ensemble des électeurs pour leur faire comprendre les différences entre le mode de scrutin envisagé et le mode de scrutin actuel. Les gens seraient ainsi mieux éclairés et pourraient trancher le débat. Dans ce cas, seriez-vous partisan d'un référendum sur la question?
Des gens nous ont dit qu'un référendum ne serait pas nécessaire, puisque nous sommes des représentants du peuple. Si un référendum n'est pas nécessaire pour changer le mode de scrutin, il n'est pas nécessaire non plus pour maintenir le statu quo. À ce moment-là, l'un est aussi valable que l'autre.
Si nous ne voulons pas décider à la place du peuple et si nous voulons sortir de la partisanerie, à mon avis, un référendum serait nécessaire, et il pourrait se tenir pendant la prochaine élection.
Pour intéresser les gens à cette question, ne faudrait-il pas d'abord avoir un modèle clair, plutôt que de maintenir le statu quo et de poursuivre les consultations?
:
Bien sûr. Vous avez raison de partir d'une position de valeurs. Je reviens à la définition du mot réforme dans le dictionnaire, qui est de changer quelque chose en mieux. Nous devons prendre grand soin de bien comprendre les répercussions complètes des changements que nous envisageons et d'améliorer le système.
J'écoutais justement la conversation sur le genre. Je viens de rédiger un article qui sera bientôt publié dans la Revue canadienne de science politique, à propos de la nomination des candidats et leur sexe au cours de l'élection de 2015. C'est vrai que c'est l'un des obstacles principaux, mais si l'intention est de faire entrer plus de femmes au Parlement, il y a bien des façons d'y arriver autres que changer le système électoral si nous sommes déterminés à y arriver, et nous devrions le faire.
Changer le système électoral ne garantit pas ce résultat en soi. Les gens choisissent les exemples qui leur conviennent, n'est-ce pas? L'Irlande, qui a un système plus proportionnel, compte moins de femmes dans la chambre basse, le Dáil Éireann, que le Canada. Leur nombre vient juste de doubler lors de la dernière élection plus tôt cette année, et c'était en conséquence d'avoir lié le remboursement des dépenses électorales à une augmentation du nombre de femmes désignées candidates, une mesure que nous pourrions prendre si c'est vraiment ce que nous désirons accomplir, avec un incitatif aussi solide.
Pour répondre à votre question, je dirais seulement que je n'ai pas de position privilégiée sur le sujet. Je conseillerais au Comité de procéder lentement. Cela me préoccupe, et c'est l'une des choses que je voulais aborder. Si nous procédons très rapidement pour dire que la prochaine élection aura lieu dans un système mixte avec compensation proportionnelle, par vote préférentiel ou par scrutin à vote unique transférable, et que nous ne laissons pas le temps aux partis politiques de s'adapter, je crois qu'il pourrait en découler un véritable coup de force favorisant l'instance centrale de nos partis au détriment de la démocratie interne des partis, où les membres et les assemblées de district électoral jouent un rôle important.
Il n'est pas inévitable d'en arriver là, mais si nous ne laissons pas aux partis le temps de réfléchir à ces questions et de tenir une conversation réfléchie à ce propos, je crois que c'est où nous aboutirons.
:
Il y a beaucoup à dire.
Je crois que ce que vous voulez dire c’est qu’il y a en jeu des principes contradictoires. Il faut établir une liste des priorités de ce que vous souhaitez obtenir d’un système électoral. Il n’y a pas de meilleur système, il n’y a pas de système parfait et aucun système ne peut accomplir tous les différents objectifs légitimes de la démocratie que vous avez mentionnés.
En ce qui a trait aux conséquences indésirables, il y a deux sujets auxquels le Comité n’a peut-être pas vraiment réfléchi, mais qui à mon avis mériteraient d‘être abordés. D’abord, il y a toute la question du fédéralisme exécutif au Canada et tout ce que cela signifie. Supposons que nous adoptions un système de représentation proportionnelle quelconque à l’échelle fédérale qui donnerait lieu à la création de gouvernements de coalition, et que les autres premiers ministres continuaient d’être élus dans le cadre d’un scrutin majoritaire uninominal à un tour et formeraient pour la plupart un gouvernement majoritaire. Quand les membres de ces gouvernements se rencontrent, est-ce que la première ministre ou la première ministre de la Santé par exemple, a-t-elle le pouvoir de négocier au nom de son gouvernement, ou doit-elle retourner consulter son gouvernement et s’assurer qu’elle a le soutien des partenaires de la coalition et des autres partis? Je pense à ce qui est arrivé avec l’Accord du lac Meech, qui était la première fois que le pouvoir législatif participait au processus constitutionnel. Une fois que les premiers ministres en sont venus à un accord, celui-ci devait être approuvé par les pouvoirs législatifs et c’est à ce stade que tout s’est effondré. En ce qui concerne les négociations fédérales-provinciales, c’est un facteur qui mériterait réflexion.
Deuxièmement, si je ne connaissais rien à propos du Canada et que vous me parliez de ce grand pays, des données démographiques et ainsi de suite, et que j’ai parcouru l’ensemble du pays, je me dirais « Ce n’est pas logique. Ça ne va pas durer. Bonne chance à vous tous. Les forces centrifuges sont trop importantes. » Et cependant, nous allons célébrer le 150e anniversaire d’un pays qui fonctionne et qui fait l’envie de plein de gens à l’échelle internationale. Je crois que c’est en partie attribuable au fait que nous avons traditionnellement de grands partis non idéologiques et conciliants. Si un parti veut accéder au pouvoir, il sait qu’il doit tenter de joindre le plus grand nombre de Canadiens et de trouver le centre élargi. Ce fut l’argument qui a incité les progressistes-conservateurs et l’Alliance à fusionner en un seul parti.
Si le système avait été différent, cet argument favorable n’aurait pas existé. Ils auraient poursuivi leur chemin en tant que partis séparés. Peut-être que cela aurait été une bonne chose ou peut-être pas. Certes, c’est un jugement normatif mais qui a une incidence profonde sur le fonctionnement de notre démocratie. Je crois donc qu’il est important d’envisager ce qui arriverait avec d’autres systèmes dans le contexte du Canada, un système fédéral hautement diversifié.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames, messieurs, soyez les bienvenus à la Chambre des communes.
Je profite de l'occasion, moi aussi, pour saluer cette brochette estudiantine présente aujourd'hui. Soyez les bienvenus. Vous observez la démocratie en mouvement, et c'est ce qu'il y a de plus intéressant.
J'offre également mes salutations aux gens qui sont avec nous et qui, dois-je comprendre, ne sont plus à l'école.
Monsieur le président, je veux prendre un moment pour souhaiter, avec une journée de retard, un bon anniversaire à tout le monde. Il y a un an, certains d'entre nous ont été réélus, tandis que d'autres ont été élus pour une première fois, comme c'est mon cas au palier fédéral.
C'est tout le principe de la démocratie que notre comité a illustré ces derniers mois. Nous avons tenu plus d'une quarantaine de rencontres. Nous avons voyagé d'un océan à l'autre. Nous avons rencontré des milliers de Canadiens. Chaque député, à sa façon, a également mené des consultations. En effet, plusieurs ont tenu des rencontres citoyennes.
Du côté des conservateurs, plusieurs de nos députés ont envoyé un document d'information à la population, accompagné d'un coupon-réponse, à la suite de quoi 81 000 personnes ont donné leur opinion. Leur choix était clair: 91 % des gens qui nous ont écrit réclamaient un référendum.
Cela dit, chaque parti a adopté sa propre démarche, qu'il s'agisse du NPD, du Parti vert, du Bloc québécois ou du Parti libéral.
Bref, depuis plusieurs mois, les parlementaires s'interrogent beaucoup quant à l'avenir du mode électoral. Comme vous le savez, de notre côté, nous souhaitons la tenue d'un référendum, si d'aventure il y a un changement électoral. Nous sommes ouverts à la discussion et nous sommes d'avis que, au bout du compte, c'est à la population de juger.
Ma question s'adresse à vous, monsieur Bozinoff et monsieur Schatten, de Forum Research Inc.
[Traduction]
Vous travaillez fort pour connaître l’opinion des gens sur ces enjeux et cela fait de nombreuses années aussi que vous vous y employez.
Notre parti et les autres partis en ont beaucoup parlé. Nous avons tenu énormément de réunions d’un océan à l’autre et des milliers de personnes ont participé à nos assemblées publiques. Avez-vous constaté un changement d’opinion chez les gens au cours des derniers mois ou des dernières années concernant le système électoral?