:
Bonjour, chers collègues. Bienvenue à nos témoins.
[Français]
Je les remercie d'être parmi nous aujourd'hui pour partager leurs idées et leur perspective sur cet enjeu assez complexe.
Ce matin, nous avons avec nous trois témoins, soit MM. David McLaughlin, Craig Scott et Graham Fox.
Si vous me le permettez, je vais faire un résumé de leurs notes biographiques, en commençant par M. David McLaughlin.
[Traduction]
David McLaughlin a beaucoup d'expérience dans le secteur des politiques publiques et a occupé divers postes supérieurs au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial du Nouveau-Brunswick. M. McLaughlin a été le chef de cabinet du premier ministre Brian Mulroney, du premier ministre Bernard Lord et du ministre des Finances Jim Flaherty. Il a également occupé au gouvernement du Nouveau-Brunswick le poste de sous-ministre des Affaires intergouvernementales, des Politiques et de la Planification et siégé à la Commission sur la démocratie législative du Nouveau-Brunswick. À titre de commissaire, il a géré l'étude de la commission portant sur la réforme démocratique, qui a produit un rapport contenant plus de 80 recommandations aux fins d'une réforme électorale, démocratique et législative. De 2007 à 2012, il a aussi été président et premier dirigeant de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, et il contribue régulièrement à diverses publications, notamment au Globe and Mail, au magazine Policy et au Huffington Post.
[Français]
M. Craig Scott est professeur de droit à la faculté de droit Osgoode Hall de l'Université York. Il a été député de Toronto—Danforth de 2012 à 2015. Il a fréquenté l'Université d'Oxford en tant que boursier de la fondation Rhodes. Il a obtenu sa maîtrise en droit à la London School of Economics. Il a concentré ses travaux universitaires sur le droit international en mettant l'accent sur les droits de la personne.
M. Scott est éditeur de la série Hart Monographs in Transnational and International Law et éditeur fondateur de Transnational Legal Theory. Il a été membre de la faculté de droit de l'Université de Toronto de 1989 à 2001. Il s'est joint à la faculté de droit Osgoode Hall en 2000, où il a servi, de 2001 à 2004, en tant que vice-doyen, Recherches et études supérieures. Lorsqu'il était député, M. Scott a été porte-parole de l'opposition au sujet de la réforme démocratique et parlementaire pour le Nouveau Parti démocratique.
Bienvenue, monsieur Scott. C'est un plaisir de vous revoir ici sur la Colline.
[Traduction]
Graham Fox est président et chef de la direction de l'Institut de recherche en politiques publiques et a beaucoup d'expérience en matière de politiques publiques. M. Fox a été chef de cabinet du très honorable Joe Clark et conseiller auprès de députés de la Chambre des communes. Il a également occupé un certain nombre de postes au sein d'organisations de recherche en politiques publiques, notamment celui de vice-président du Forum des politiques publiques et de directeur général du KTA Centre for Collaborative Governance.
Avant de se joindre à l'Institut de recherche en politiques publiques, M. Fox a été conseiller en politiques stratégiques pour le cabinet d'avocats Fraser Milner Casgrain, où il effectuait des analyses stratégiques et donnait des conseils dans divers domaines des politiques publiques.
Bienvenue à tous.
Avant de commencer, je mentionnerai simplement notre façon de fonctionner. Après que chaque témoin aura présenté sa déclaration pendant 10 minutes, nous tiendrons deux séries de questions. Dans le cadre de chaque série, chaque membre a l'occasion d'interagir avec les témoins. Ce que j'entends par là, c'est que les questions et réponses doivent être formulées à l'intérieur d'une période de cinq minutes. Nous appliquons ce processus aux deux séries d'interventions.
[Français]
Je tiens à vous souligner que si un député a terminé ses propos au cours de la période de cinq minutes qui lui est allouée et que vous n'avez pas eu le temps de répondre à une question ou de dire tout ce que vous vouliez, ne vous inquiétez pas, car vous aurez l'occasion, la prochaine fois que vous aurez la parole, de conclure votre pensée et d'aborder la question qu'on vous a été posée antérieurement.
Nous commençons par vous, monsieur McLaughlin. Vous disposez de 10 minutes.
:
Bonjour à tous, et merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui. Laissez-moi commencer par vous souhaiter, tout d'abord, tout le succès possible dans votre travail sur cette question importante qui touchera tous les Canadiens.
Je me présente à titre personnel, et je possède une certaine expertise et des connaissances en matière de délibérations concernant une réforme électorale et à titre de sous-ministre ayant siégé à la Commission sur la démocratie législative du Nouveau-Brunswick de 2003 à 2005. C'est à ce titre que je voudrais vous faire part de certaines observations et conclusions qui, je l'espère, vous aideront relativement à vos propres délibérations et recommandations.
Le processus et le rapport du Nouveau-Brunswick étaient l'exercice de réforme démocratique le plus long à avoir été mené dans cette province. La réforme électorale était au cœur des travaux de la commission, mais n'en constituait aucunement la seule cible. Plus précisément, la commission avait reçu pour consigne d'examiner les façons de renforcer et de moderniser les institutions démocratiques du Nouveau-Brunswick et les pratiques dans trois domaines principaux: la réforme électorale, la réforme législative et la réforme démocratique, et elle devait formuler des recommandations à cet égard.
La réforme électorale concerne la modification de notre système électoral, le découpage des circonscriptions électorales, l'établissement de dates d'élections fixes et l'augmentation du taux de participation des électeurs. La réforme législative concerne l'amélioration des rôles des députés à l'Assemblée législative et l'ouverture du processus de nomination pour les organismes, les conseils et les commissions. La réforme démocratique concerne l'augmentation de la participation du public au processus décisionnel et la proposition d'une loi référendaire.
Le but de la commission était de présenter les recommandations qui apporteraient une représentation plus juste, équitable et efficace à l'Assemblée législative; une plus grande participation du public aux décisions touchant les gens et leur collectivité; des institutions et des pratiques démocratiques plus ouvertes, réceptives et responsables; et un taux plus élevé de mobilisation civique et de participation de la part des Néo-Brunswickois.
Notre rapport final — que j'ai apporté — compte plus de 200 pages et contient près de 100 recommandations précises. Il présentait des recherches, des analyses, des recommandations stratégiques, et même des textes juridiques particuliers, dans un processus consistant en à peine plus d'un an de séances. La mission stimulante qui animait la commission — que je vous souligne à mon tour — était l'encouragement d'une démocratie dirigée davantage par les citoyens.
Cet accent sur les citoyens a mené la commission à élaborer trois thèmes, dont ont découlé nos recommandations. L'élément commun à chacun était la façon dont on pouvait faire en sorte que la démocratie fonctionne mieux pour « vous, les citoyens ». Ces trois thèmes faisaient que votre vote comptait, faisaient fonctionner le système et vous permettaient de vous exprimer. Quand nous doutions de notre approche ou que nous faisions face à des compromis et à des choix — comme ce sera sans doute votre cas —, cet accent sur les citoyens nous permettait de rester ancrés et concentrés.
Je veux souligner trois aspects de notre travail qui sont pertinents par rapport au mandat du Comité: les valeurs et les principes démocratiques, la réforme électorale et la mobilisation des citoyens. La commission a commencé — comme vous l'avez fait, vous aussi — par se concentrer sur les valeurs démocratiques. Quand est venu le temps de déterminer quel était le meilleur système électoral pour le Nouveau-Brunswick, nous avons dû faire des compromis quant à laquelle de ces valeurs avait le plus d'importance. Vous devrez le faire, vous aussi.
Les principes clés que nous avons appliqués afin de prendre une décision relativement à un nouveau système électoral comprenaient la représentation locale, c'est-à-dire le principe selon lequel toutes les régions géographiques de la province doivent avoir leur propre représentant à l'Assemblée législative qui défend leurs intérêts; la représentation équitable, pour s'assurer que l'opinion de tous les Néo-Brunswickois était représentée de façon équitable à l'Assemblée législative; l'égalité des votes, pour veiller à ce que le bulletin de vote déposé par chaque électeur ait une incidence égale sur la détermination du gagnant des élections; et le gouvernement efficace, soit la capacité du système d'entraîner la sélection facile d'un gouvernement stable qui est capable de gouverner la province.
Nous avons utilisé ces principes pour examiner les forces et les faiblesses des divers systèmes électoraux et les caractéristiques particulières de leur conception. Ces principes sont semblables à votre liste de valeurs, à peut-être une grande différence près: le gouvernement efficace. Vous mettez l'accent sur l'efficacité à l'intérieur du système électoral. Nous avons tenu compte de cet aspect, mais la commission était fortement d'avis que les résultats de ce système électoral devaient comprendre la notion de produire des gouvernements qui pourraient gouverner. L'instabilité des assemblées législatives et des gouvernements était très présente dans notre esprit.
Nous avons recommandé un système mixte avec compensation proportionnelle en tant que solution optimale pour la province, à la lumière d'une étude de toutes les solutions de rechange relativement à la liste des principes démocratiques. Ce qui a le plus animé la discussion au Nouveau-Brunswick a été un résultat bizarre de la politique provinciale: de gros gouvernements majoritaires et des oppositions petites et faibles. Entre 1987 et 1999 — vous vous en souvenez peut-être —, l'opposition n'a jamais remporté plus de 20 % des sièges à l'Assemblée législative, malgré que, ensemble, les partis de l'opposition ont remporté entre 40 et 52 % du vote durant la même période. Le système mixte avec compensation proportionnelle permettrait de corriger cette situation.
Ce système s'est également révélé attrayant lorsqu'on tenait compte de la nature régionale des collectivités urbaines et rurales de la province. Il s'est également révélé viable — et cet aspect était important pour le Nouveau-Brunswick, en tant que seule province officiellement bilingue du Canada — pour ce qui est d'assurer l'égalité de la représentation entre les communautés linguistiques anglophone et francophone. La capacité du système mixte avec compensation proportionnelle de créer une carte des régions découpée en fonction des frontières linguistiques et les sièges pour les partis permettant de compléter les votes dans un système à deux tours étaient jugés attrayants.
Nous avons recommandé une chambre à 56 sièges, dont les deux tiers seraient occupés par les députés élus au moyen du système uninominal majoritaire à un tour actuel, et l'autre tiers serait des sièges de RP occupés par cinq députés choisis parmi des listes de partis fermées dans l'une des quatre régions plurinominales, selon le vote reçu par le parti dans la région. La répartition deux tiers pour un tiers nous permettait à la fois d'assurer la représentation locale nécessaire, tout en instaurant un degré de proportionnalité suffisant pour permettre de façon significative de traduire les votes en sièges.
Un seul minimal de 5 % du vote partisan distinct à l'échelle de la province était requis pour que le député soit admissible à remporter tout siège de RP figurant sur la liste. Cette mesure était nécessaire pour éviter que la prolifération de partis fondés sur un seul enjeu ait une influence indue au sein de l'Assemblée législative.
Les candidats allaient être tenus de choisir de se présenter en tant que candidat d'une circonscription uninominale ou en tant que candidat régional inscrit sur la liste de RP, mais pas les deux, comme façon d'éviter les perceptions de manipulation du système électoral.
La mobilisation des Néo-Brunswickois dans notre processus et la décision éventuelle concernant un nouveau système électoral étaient au cœur de nos considérations. Honnêtement, malgré les meilleurs efforts déployés et un site Web consacré à ces travaux, la technologie des médias sociaux de l'époque, les séances de discussion ouverte régionales, les questionnaires en ligne, un rapport provisoire, les conférences universitaires et les partenariats avec les organisations de la société civile, l'intérêt pour les travaux de la commission et le taux de participation à ces travaux étaient faibles.
Nous ne doutions aucunement du fait que nous avions accompli notre travail de façon minutieuse et juste, mais un système électoral n'appartient ni aux politiciens ni aux partis. Nous étions fortement d'avis qu'un référendum était nécessaire pour légitimer un tel changement. Notre recommandation était une double majorité, constituée de 50 % plus un des votes exprimés par au moins 50 % des électeurs admissibles dans le cadre d'un référendum contraignant tenu à l'échelle de la province.
Pour assurer l'équité et l'impartialité du processus référendaire, nous avons recommandé l'adoption d'une nouvelle loi référendaire provinciale contenant des dispositions complètes sur la gouvernance relative au processus qui devrait être suivi au moment des prochaines élections provinciales. Elle contenait les limites de dépenses et de contribution, l'établissement de comités référendaires, l'inscription des groupes, la sensibilisation des électeurs et un nouvel organisme indépendant appelé Élections Nouveau-Brunswick pour l'administrer. Nous avons également recommandé qu'un comité d'étude de l'Assemblée législative examine le nouveau système électoral après deux élections et qu'il rende compte de toute amélioration qui pourrait être nécessaire.
Deux conclusions ont été tirées de nos travaux, lesquelles pourraient vous aider dans le cadre des vôtres.
Premièrement, le système uninominal majoritaire à un tour possède de bonnes caractéristiques et est à la fois familier et légitime pour la plupart des électeurs. Après tout, nous acceptons les résultats le soir des élections, et le Canada a progressé. Toutefois, il présente des inconvénients et des lacunes clairs qu'un système mixte avec compensation proportionnelle pourrait atténuer. Nous savons que ce système reflète davantage les valeurs démocratiques de l'équité, de l'inclusivité, du choix et de l'égalité des votes. Cependant, le système mixte avec compensation proportionnelle à l'échelon national n'a jamais vraiment fait l'objet d'un modèle ni d'une analyse complète, à ma connaissance, sauf pour un rapport produit par la Commission du droit du Canada. Nous avons trouvé dans les résultats des conséquences réelles, à la lumière de la conception particulière de ce système, au sujet desquelles vous allez devoir faire des recherches et que vous devrez prendre en considération si vous décidez de recommander ce système.
Deuxièmement, la légitimité publique d'un nouveau système électoral est hautement souhaitable et l'emporte sur les intérêts des partis et des politiciens. La question concerne les citoyens et les électeurs dans une démocratie axée sur les citoyens. La tenue d'un référendum est la façon la plus simple, la plus claire et la plus acceptable de conférer une légitimité à long terme, non seulement au système, mais — et c'est encore plus important — aux résultats qu'il produit.
Je sais que cette question est litigieuse, alors laissez-moi proposer un deuxième choix qui est tout de même une option viable: prévoir un référendum de validation après deux élections, d'après un examen parlementaire du système, et donner aux Canadiens l'occasion de l'accepter, peut-être sous réserve d'améliorations, ou de revenir au système précédent.
Je serais heureux de répondre à toute question que vous pourriez me poser. Merci de m'avoir invité et de m'avoir écouté.
:
Merci infiniment, monsieur le président. Je suis heureux d'être de retour. Si j'avais su que je venais, j'aurais fait un gâteau, c'est-à-dire que j'aurais envoyé un document. Mais, je ne l'ai pas fait, et j'en enverrai un après la séance.
Simplement pour vous situer brièvement, oui, j'ai travaillé sur ce dossier lorsque j'étais parlementaire. Selon moi, le point culminant, du point de vue de ce qui se passait au Parlement, a été une motion présentée par l'opposition en décembre 2014 précisément dans le but de tâter le terrain relativement à la possibilité d'abandonner les systèmes électoraux où le vainqueur remporte tout et d'appuyer un système mixte avec compensation proportionnelle adapté au Canada. La motion a été rejetée, mais il vaut la peine que vous sachiez que 16 des 31 députés libéraux qui ont voté ce jour-là ont appuyé la motion. Par conséquent, je pense que nous avons les bases de la tenue d'une discussion interpartisane/panpartisane, ce qui est clairement le but du Comité.
Laissez-moi commencer par expliquer brièvement plusieurs raisons pour lesquelles le système mixte avec compensation proportionnelle mérite d'être en tête de liste ou d'être sur un pied d'égalité avec un ou deux autres modèles proportionnels.
La raison standard que vous avez tous entendue, c'est qu'il représente le meilleur de deux mondes, c'est-à-dire les deux principes du mandat du Comité. Il s'agit de l'efficacité et de la légitimité, mais il s'agit effectivement du principe de la traduction équitable des votes en sièges et du principe de la représentation locale, qui sont tous deux respectés par le modèle.
Les deux autres raisons que je veux souligner sont moins souvent mentionnées.
La première en est une que j'essaie de promouvoir activement depuis trois ans, mais les autres ne semblent pas en parler tellement. Je pense que le système mixte avec compensation proportionnelle prend beaucoup plus au sérieux les députés et les candidats locaux que toute autre forme de RP et plus que le système uninominal majoritaire à un tour. C'est en raison de la possibilité de votes croisés. Les électeurs peuvent cocher « représentant local » et voter pour le candidat X, qui se présente pour un certain parti, puis parcourir les listes de députés régionaux et décider quel parti ils veulent appuyer et quelle personne, parmi celles dont le nom figure sur la liste, si elle est flexible. Elles n'ont pas à être du même parti.
Je pense que cette possibilité a des conséquences salutaires. En Nouvelle-Zélande, environ 30 % des électeurs choisissent cette option de vote croisé. Cela signifie que les candidats locaux sont plus susceptibles de pouvoir récolter des votes pour qui ils sont, pour ce qu'ils ont fait et pour ce qu'ils peuvent apporter à l'échelon national, depuis l'échelon local, sans avoir à se soucier du vote stratégique. Selon moi, il s'agit d'une caractéristique extrêmement importante du système mixte avec compensation proportionnelle.
La deuxième chose... C'est presque de l'hérésie que de le dire, mais je pense que l'idée de disposer d'un ensemble de députés régionaux aux côtés de députés purement locaux a une incidence salutaire sur la politique nationale. Elle éloigne déjà un tas de députés de la catégorie « purement local ». Il va falloir qu'on examine de façon un peu plus vaste la dynamique dans une région plus grande qu'une circonscription locale. Après trois ans sur la Colline, je crois que nous affichons un déficit en ce qui a trait à la capacité de nous concentrer sur des enjeux nationaux au sein de notre Parlement. Il est bien trop localisé, en raison du système des 338 circonscriptions établies côte à côte, lequel, d'une certaine manière, doit ensuite générer une politique nationale. Je pense que, de cette manière, le système mixte avec compensation proportionnelle offre des avantages supplémentaires.
Certains des problèmes liés au système actuel méritent d'être soulignés, car je pense que le système mixte avec compensation proportionnelle permet de les régler, tout comme le ferait tout système de RP sérieux. Le premier, c'est celui de la « diversité des points de vue ». Quand on a de fausses majorités, la vraie diversité de l'éventail des opinions des électeurs est moins représentée. On a un sérieux problème posé par le manque de diversité des points de vue provenant des régions. En ce moment, le Canada atlantique est représenté par un parti qui, même s'il est assez dominant, demeure tout de même un parti. Toronto est sans représentant, à part un parti. Lorsque la vague du NPD a déferlé sur le Québec, en 2011, nous occupions 80 % des sièges, mais avions obtenu quelque chose comme 42, 43 ou 44 % du vote. Notre victoire n'était pas plus juste que ce qui est arrivé dans de nombreux autres contextes.
Le système uninominal majoritaire à un tour exacerbe le régionalisme parce que les gens tendent à commencer à associer l'Alberta, par exemple à rien d'autre que des conservateurs, surtout si ce résultat se répète après plusieurs élections.
Il contribue également à un système parlementaire de Westminster indûment dominé par l'exécutif. Les fausses majorités peuvent rendre possible cette dynamique des pouvoirs. Elles produisent une vision étroite des choses et des fixations idéologiques au sein des textes législatifs au lieu de forcer les rédacteurs à confronter les points de vue divergents que les élections à représentation proportionnelle tendent à produire, mais pas notre système de fausse majorité.
Je crois aussi que notre système — et cette caractéristique peut être exacerbée à divers moments — tend à s'éloigner du consensus et de la collégialité et à se rapprocher de l'antagonisme et de l'hyperpartisanerie; c'est presque de la politique de style terrain de rugby qui est un peu liée à la dynamique du vainqueur qui emporte tout et à l'organisation en vue des prochaines élections dans cette même optique.
Le vote préférentiel est un système de scrutin préférentiel dans des circonscriptions uninominales, qui est proposé. Le Parti libéral l'avait proposé dans son propre livre sur les politiques, il y a un certain temps. Je veux simplement m'assurer que... Il est essentiel que tout le monde sache que le VP ne comporte aucune caractéristique qui contrerait vraiment la plupart de ces problèmes, si toutefois il permettait d'en régler.
La première chose, c'est que, même s'il est imprévisible, le VP exacerbe presque toujours — du moins, dans une certaine mesure — le problème de la disproportionnalité. Éric Grenier, de CBC, qui a utilisé les données accessibles tout de suite après les dernières élections, a laissé entendre qu'environ 224 Libéraux auraient été élus au lieu des 185 — plus ou moins — qui l'ont été sous le régime du système actuel.
Au-delà de cela, même en soi, le VP est présenté comme un système majoritaire. Je veux m'assurer que tout le monde comprend les limites de cette caractérisation.
Tout d'abord, le vote préférentiel n'est pas vraiment majoritaire dans le sens d'une majorité de premières préférences. Dans le cas d'un grand nombre des circonscriptions, il faut ajouter des deuxièmes préférences. Voilà ce que tout le monde doit noter.
Le deuxième élément, c'est qu'il ne permet même pas de faire en sorte que chaque vote compte, ce qui était le principal enjeu du programme du gouvernement lors des dernières élections.
Pendant des années, nous avons tous présumé que l'expression « chaque vote doit compter » renvoyait en réalité à la représentation proportionnelle. Toutefois, il est clair que, si elle a été utilisée dans le programme libéral, ce devait être dans le but de peut-être servir à conserver la possibilité du vote préférentiel. Cependant, ce ne peut pas être le cas si le VP n'attribue pas une valeur égale à chaque vote. Le problème ne tient pas seulement au fait que, quand on compte les deuxièmes votes, on ne fait que compter de bas en haut jusqu'à ce qu'une personne franchisse le seuil des 50 %. On ne se rend presque jamais au dépouillement des deuxièmes votes pour les candidats occupant la première et la deuxième places après le premier tour. Il s'agit en fait d'une fausse présentation du fait de faire compter chaque vote.
Je dirais qu'il y a aussi un problème de majorité trompeuse. Je vous enverrai le diagramme présentant le travail que j'ai effectué à ce sujet. On peut vraiment faire en sorte que des candidats franchissent le seuil des 50 % plus un dans les premiers votes, plus les deuxièmes, alors que, si on faisait la somme de tous les votes en première et en deuxième places, y compris ceux des deux premiers candidats, ce candidat ne serait pas le préféré.
Il s'agit d'un système qui présente des avantages, mais vous devez faire très attention de savoir quels sont ces avantages et de ne pas dire à tort qu'il est question d'un système majoritaire. Il ne s'agit vraiment pas d'un système majoritaire ayant d'énormes conséquences.
Je terminerai en disant que j'ai été pendant trois ans critique de l'opposition officielle pour la réforme démocratique. J'ai plaidé en faveur de la RP, que la position du NPD était le système mixte avec compensation proportionnelle. Le parti était arrivé à cette conclusion après avoir étudié ce système au début des années 2000. Diverses commissions ont été mises sur pied partout au pays, y compris une au Nouveau-Brunswick, qui a été très bien décrite par M. McLaughlin... l'expérience positive à l'étranger — en Écosse, en Nouvelle-Zélande et en Allemagne, par exemple — et mon propre examen. Je crois que le système mixte avec compensation proportionnelle est l'idéal, mais je veux mettre l'accent sur le fait qu'un compromis respectueux et fondé sur des principes peut aussi faire l'affaire. C'est déjà au cœur de vos travaux.
Par exemple, j'exhorterais le Comité à envisager l'idée d'un système mixte avec compensation proportionnelle évoqué par la Commission Jenkins du Royaume-Uni, qui permet la tenue d'un scrutin préférentiel dans les élections locales. Il faudrait s'assurer qu'aucun écart entre les sièges locaux et régionaux ne favorise indûment le côté local des élections, car le scrutin préférentiel pourrait produire des distorsions plus importantes à cet échelon. Toutefois, si des gens ici présents affirment que le scrutin préférentiel présente un avantage indépendant relativement aux élections locales, il peut être intégré.
Dans le même ordre d'idées, je crois également qu'il est possible de concevoir un mode de scrutin à vote unique transférable qui permettrait un certain degré d'attention locale. On peut répartir les circonscriptions plurinominales pour les fonctions de service. Il est possible que la prestation des services soit coordonnée, même si tous les députés représentent l'ensemble de la circonscription, et d'effectuer une approximation d'une forme d'attention locale grâce au scrutin à vote unique transférable.
Il y a des moyens de faire des compromis et d'atteindre une multitude de buts.
Je serai heureux de répondre à des questions concernant de nombreuses autres caractéristiques de la conception institutionnelle, mais je terminerais en disant que je pense que le Comité est vraiment parti du bon pied. Dans l'introduction de la ministre Monsef, il était question de deux maux, pas d'un. Elle a évoqué le problème de la fausse majorité. Elle a également parlé des raisons pour lesquelles un système de type vote préférentiel pourrait régler un autre ensemble de problèmes. Elle n'a pas été exclusive, et, selon moi, la composition du Comité a donné le coup d'envoi à quelque chose dont bien des gens doutaient même de la possibilité.
Bien des gens — des rabat-joie, des commentateurs —tiennent pour acquis que, en coulisse — pas aux yeux des membres du Comité, mais en coulisse —, l'un des buts est que ce processus aboutisse à un échec monumental et qu'il y aura un blocage, une impasse, que rien n'en ressortira et que nous conserverons le système actuel. Je ne pense pas que cela doive obligatoirement se produire. Je fais preuve d'un optimisme sceptique qui me porte à croire que nous pouvons faire bien mieux, et je crois que vous amorcez ce processus parce que le Comité est formé comme le seront les comités dans l'avenir, selon une représentation proportionnelle. Vous pouvez y arriver. Le Comité en soi sera la preuve qu'un système comme celui-ci peut fonctionner dans l'avenir.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à m'entretenir avec vous aujourd'hui.
Depuis le début de ses réunions, le Comité a rencontré plusieurs experts qui ont parlé des caractéristiques de divers modes de scrutin, des expériences avec ceux-ci dans divers pays et de leur applicabilité ou non au Canada, compte tenu de nos réalités géographiques et démographiques ainsi que de notre système politique.
Ces considérations sont, bien entendu, fort importantes. Toutefois, au cours de mon intervention de ce matin, je vais plutôt mettre l'accent sur le mandat du comité, le processus délibératif et l'engagement des citoyens dans ce débat, dont l'issue pourrait avoir toutes sortes de conséquences pour le système démocratique, qu'elles soient voulues ou non. En ce sens, bien que cela n'ait pas été coordonné, je vais faire écho à plusieurs des points que MM. McLaughlin et Scott ont déjà soulevés.
[Traduction]
Voilà pourquoi la manière dont les Canadiens sont mobilisés dans le cadre de ce processus délibératif a une importance aussi cruciale par rapport à toute proposition éventuelle de réforme et à la légitimité qu'aura cette proposition aux yeux des électeurs.
Il est exponentiellement plus important de bien faire les choses que de les faire à temps.
[Français]
Au sujet des outils de consultation déjà annoncés, je salue les efforts de ce comité visant à multiplier les occasions d'exprimer son opinion sur cette question. Votre décision de tenir des rencontres dans l'ensemble du pays et la disponibilité d'un questionnaire en ligne sont évidemment de bons moyens de permettre à celles et ceux qui le veulent de se faire entendre.
Cela dit, il s'agit là d'occasions d'exprimer un point de vue. Cependant, pour développer un large consensus chez les électeurs, ce qui, à mes yeux, est essentiel au succès à long terme d'un projet de réforme, il faut aussi créer des occasions de mise en commun, d'échange et de cheminement.
[Traduction]
Le processus de consultation qui a maintenant été lancé permet la formulation d'intérêts, mais on ne peut pas déterminer aussi clairement comment ces intérêts variés et parfois concurrents seront regroupés dans un consensus public sur la meilleure façon de procéder.
Les Canadiens devraient avoir le plus d'occasions possible de communiquer leur point de vue, mais un processus authentiquement délibératif devrait également saisir l'évolution des points de vue à mesure que les personnes entendent celui d'autres personnes ou examinent de nouvelles données probantes. En tant que représentants élus par le peuple, les députés peuvent certainement appuyer ce processus en se tenant au courant des points de vue changeants de leurs électeurs et en les reflétant dans leurs interventions au Parlement. Toutefois, la politique et la discipline des partis limiteront leur capacité de le faire librement, si les électeurs ont un point de vue qui diffère de celui de leur parti. Ces limites sont peut-être légitimes, mais il s'agit tout de même de limites.
Lorsqu'il s'agit d'un enjeu d'une importance aussi fondamentale que le système démocratique, les Canadiens eux-mêmes doivent participer de façon significative au débat, et leur sagesse collective doit stimuler le résultat. Ainsi, la question qui m'est venue à l'esprit pendant que j'examinais ce processus, c'était comment nous passons des consultations publiques à la mobilisation citoyenne. Dans cette optique, je formulerais les observations suivantes afin que le Comité les prenne en considération.
Tout d'abord, je ne suis pas certain que l'électeur moyen sache encore quel est le problème que nous tentons de corriger. Tous les systèmes électoraux provoquent des distorsions et présentent des lacunes, mais quel est l'aspect précis des résultats du système uninominal à scrutin majoritaire qui, selon nous, est lacunaire? Cette idée, dans l'esprit du public, que les systèmes de vote préférentiel produiraient des résultats plus souhaitables est, en soi, une question de point de vue.
Le Comité a pour mandat d'adresser des recommandations à la Chambre, mais si, à la lumière des conseils du Comité, le gouvernement décidait de produire un projet de loi, un leadership public sera requis pour que l'on puisse s'assurer que l'intention de réformer le système électoral bénéficie d'un vaste soutien. À mon humble avis, un tel soutien n'existe pas actuellement. Afin d'obtenir tout consentement à l'égard de la réforme, nous devons d'abord nous assurer que tout le monde s'entend sur le fait qu'il y a un problème à corriger et que tout le monde convient de la nature de ce problème.
[Français]
Bien sûr, je reconnais que le Comité a reçu un mandat bien précis et un cadre à l'intérieur duquel il doit fonctionner. Cependant, peut-être est-il possible, lors de vos échanges et dans vos écrits, de rappeler aux décideurs que la dimension pédagogique de ce débat est essentielle pour la suite des choses. Les fascicules d'information qui portent sur les options de réforme et que le Comité a rendus publics sont fort utiles, mais éventuellement, il faudra également que le gouvernement fasse preuve de leadership pour convaincre les citoyens que la réforme est nécessaire et prioritaire.
Deuxièmement, le mandat de ce comité énumère des principes ou valeurs que toute proposition de réforme devrait soutenir ou renforcer, à savoir l'efficacité et la légitimité, la participation, l'accessibilité, l'intégrité et la représentation locale. À mes yeux, le mandat vise juste, en ce sens que les bons principes ont été identifiés. Le travail qu'il reste à faire, c'est le débat public sur la priorisation de ces cinq principes en cas de conflit entre ceux-ci.
Comme citoyens, préférons-nous sacrifier un peu de représentation locale pour augmenter la participation de groupes qui sont actuellement sous-représentés ou préférons-nous un mode de scrutin qui protège à tout prix le lien entre l'élu et le territoire?
Les deux options se défendent, mais encore faut-il en arriver à une réponse commune.
[Traduction]
C'est sur les valeurs et les principes décrits dans le mandat du Comité que le débat public devrait être axé, du moins à l'étape initiale. Les débats éventuels sur les mécanismes des systèmes de vote devraient être fondés sur notre sentiment collectif à propos de ces valeurs et sur la façon dont nous avons convenu de régler les conflits entre eux, le cas échéant.
Une compréhension commune de l'importance relative de ces valeurs pour les Canadiens nous permettra également de nous assurer que le choix éventuel d'un système électoral pourra être évalué en fonction d'une déclaration publique de valeurs communes plutôt que d'intérêts tactiques partisans, et, pour ce qui est de la question particulière de la conception de l'exercice de mobilisation, dans le cadre de ce processus ou de tout processus législatif subséquent, si un projet de loi est effectivement présenté au Parlement.
J'encouragerais le Comité à faire appel à des praticiens experts, comme Don Lenihan, qui ont une expérience directe de travail sur des exercices de mobilisation à l'intérieur de processus parlementaires et gouvernementaux.
En guise d'observation finale et pour reprendre un argument formulé par M. Scott, je veux réfléchir à la composition du Comité et au choix qui a été fait de veiller à ce qu'il reflète davantage le vote populaire que la composition de la Chambre des communes. D'une façon importante, cela fait du Comité un prototype du comité type de la Chambre des communes qui serait élu sous le régime d'un système plus proportionnel.
[Français]
L'un des principes qui a été mentionné dans le mandat du comité vise à encourager la collaboration dans les processus politiques. La composition du comité ouvre la possibilité d'aller au-delà des recommandations et d'en faire la démonstration dans le cadre de votre travail.
[Traduction]
La façon dont le Comité mène ses activités et rend des comptes à la Chambre sera instructive quant à la façon dont le Parlement se comporterait dans le cadre d'un nouveau système. Vous avez l'occasion de laisser présager de ce que pourrait produire la réforme électorale. Dans ce cas, le processus, c'est le contenu.
La nature délicate et politique des questions que vous devez étudier pourrait accroître le risque de tenter de parvenir à un consensus entre vous, mais le signal que cela pourrait envoyer augmentera peut-être aussi ses récompenses. Par contre, un résultat qui s'apparenterait davantage au rapport majoritaire attendu des députés du parti au pouvoir et aux rapports dissidents de tous les autres pourrait être moins encourageant pour les personnes qui espèrent que la modification du système électoral donnera lieu à une plus grande collaboration entre nos politiciens.
Sur cette question précisément, laissez-moi vous dire que, comme M. Scott, je pense que le Comité est parti d'un très bon pied à cet égard.
[Français]
Sur ce, monsieur le président, encore une fois, je vous remercie beaucoup de votre invitation. Je vous souhaite bon succès. Il me fera plaisir d'échanger avec les membres du comité et de répondre à leurs questions.
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Revenons à nos moutons. Je suis d'accord avec votre analyse du vote préférentiel. Je crois que votre description est parfaitement correcte. Je crois qu'un problème supplémentaire se pose, au Canada, étant donné que, contrairement aux autres pays qui ont adopté le scrutin majoritaire uninominal à un tour, où il y a en général un parti de droite et un parti de gauche qui se font la lutte et où le gouvernement est par alternance de gauche ou de droite, le Canada a tendance à être gouverné par un parti centriste. Les libéraux ont donc un avantage systémique et prévisible dans le système de scrutin préférentiel.
Harold Jansen, un témoin que nous avons déjà reçu, a souligné qu'aux élections de 2015, où le parti a obtenu ses meilleurs résultats en trois décennies, et aux élections de 2000, où les libéraux ont obtenu leurs pires résultats, ils auraient remporté plus de sièges selon un scrutin préférentiel que selon le mode de scrutin actuel. Je lui ai posé des questions sur les études précédentes et les élections précédentes. Il a dit qu'une étude avait été faite en 1997 et qu'elle confirmait cette tendance; j'ai pu par la suite consulter cette étude. Il semble que, étant donné notre structure de parti, cela permet de prédire les résultats, peut-être pas pour toujours, mais au moins pour les prochaines élections. C'est important étant donné qu'un parti pourrait obtenir moins de votes, en pourcentage, que les libéraux n'en ont obtenus cette fois-ci et obtenir quand même la majorité, selon le scrutin préférentiel, et par conséquent 100 % du pouvoir. En fait, je crois que le type de proportionnalité que nous cherchons est tout à fait à l'opposé de cela.
Cela dit, je vais revenir sur votre discussion au sujet du système mixte proportionnel. Encore une fois, à mon avis, selon ce que les témoins nous ont dit, le SMP fonctionnerait mieux dans le contexte du Canada que dans d'autres pays à système proportionnel pour des raisons que je n'exposerai pas parce que je ne veux pas monopoliser la discussion. Vous avez parlé d'un modèle, qui a été recommandé par la commission Jenkins, qui intègre la proportionnalité à une liste et se double d'un vote préférentiel à l'échelon des circonscriptions. Vous avez dit qu'à votre avis ce système pouvait avoir quelques avantages.
Je vais lire en temps et lieu le rapport de la commission Jenkins, mais ce qui me préoccupe, dans ce système, c'est que, s'il était mis en oeuvre ici, un parti seulement, le Parti libéral, obtiendrait la totalité ou la grande majorité des votes des circonscriptions, de sorte que les sièges de liste seraient dévolus aux autres partis. Cela créerait, à tout le moins, un bizarre équilibre au Parlement. Ce ne serait peut-être pas la fin du monde, mais j'aimerais savoir si vous n'y voyez pas un problème, étant donné la nature de notre pays.
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Cela nous a amenés au système mixte proportionnel, étant donné le large mandat qui était le nôtre ainsi que les autres principes, le gouvernement efficace, la qualité du scrutin, etc.
Lorsque nous avons eu à faire quelques compromis, nous avons examiné d'autres systèmes, par exemple le vote préférentiel, le vote unique transférable, nous avons étudié les modèles de l'Allemagne, de la Nouvelle-Zélande, tous des modèles de ce type. Si vous voulez un exemple plus précis, nous savions à moment-là que les Néo-Brunswickois tenaient vraiment beaucoup au fait d'avoir un député local. La perte de cette connexion aurait détourné l'attention des citoyens, si vous voulez, et c'est pourquoi nous l'avons intégrée.
Nous avions également reçu des recommandations touchant la façon dont les partis pouvaient se restructurer, et cela se rapproche un peu des enjeux que M. Thériault a soulevés. Encore une fois, nous voulions un processus plus transparent.
Nous pensions qu'un système à deux votes n'était pas compliqué. Tout le monde sait compter jusqu'à deux, mais nous avons pensé que, étant donné l'accent mis sur le citoyen, un système plus compliqué supposant une longue liste de candidats, sur le bulletin de vote, ne serait peut-être pas l'idéal, pour les électeurs. Nous nous étions attachés aux principes, au départ, Elizabeth, puis, à mesure que nous nous sommes attaqués aux divers éléments de la conception, cela nous a aidés à faire les choix qu'il fallait faire.
Enfin, je dirais que les partis sont des acteurs légitimes, dans ce système. Dans un certain sens, il est impossible d'écarter complètement la justice à l'égard des partis. Mais, si tout revient aux partis et si tout semble tenir aux partis, vous avez fait fausse route, et le système partira à la dérive.
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Bien faire les choses. Ce n'est pas moi qui ai fait cette promesse...
M. Blake Richards: C'est entendu.
M. Davide McLaughlin: ... mais je crois qu'il vaut vraiment la peine d'étudier notre système électoral. Étant donné que j'ai étudié la question et que je suis également un électeur, je suis ouvert à l'idée d'un changement. Je vois bien les lacunes du système. Ce n'est pas que je veuille faire des manières, mais je crois vraiment que vous devez viser un processus qui sera suffisamment inclusif, suffisamment exhaustif et suffisamment rapide. Donnez-vous un peu plus de temps, si c'est possible, pour faire le point comme il se doit sur vos propres travaux. Je suis convaincu que la date du 1er décembre est trop hâtive. Je sais que vous travaillez dur, plus dur probablement que ce que les Canadiens en pensent, mais c'est un travail que vous devez faire.
Au bout du compte, je tiens à souligner qu'il s'agit quand même d'un système canadien, et nous voulons savoir que ce travail a été fait. Nous voulons savoir que nous aurons l'occasion de formuler nos commentaires. Nous voulons également savoir quelles seront les conséquences de ce changement. Nous savons quelles seront les conséquences du statu quo. Rien ne changera. La vie continuera. Nous nous en sommes tirés. Mais en ce qui concerne les conséquences d'un changement, si les gens ne sont pas éclairés, si on ne les a pas fait participer au processus d'une façon ou d'une autre, vous devrez alors, je crois, fournir de longues explications. Je crois que cela serait injuste pour notre démocratie, pour notre société.
J'insisterais sur le fait que vous devez vous donner plus de temps. Je sais que, en conséquence, ce ne sera pas fait à temps pour les prochaines élections, mais, au Nouveau-Brunswick, nous nous étions accordé deux élections. Les preuves sont là: tous ceux qui ont fait des changements profonds se sont donné ou bien assez de temps, ou bien une soupape de sécurité, si vous me passez l'expression, un référendum, une consultation populaire. Je suis convaincu que nous allons accepter les résultats de ce référendum, même s'il se tient dans les courts délais actuellement prévus.
Donc, dans le souci de proposer quelque chose, à titre peut-être de solution de compromis, je proposerais que l'on tienne un référendum pour valider le système, une fois que nous aurons eu l'occasion d'en faire l'essai. Les Canadiens voudront savoir qu'ils ont la possibilité de refuser ce changement, qu'ils ne seront pas forcés de l'accepter. Je sais que cette distinction vous donne du fil à retordre. Je ne crois pas que vous ayez encore trouvé une solution satisfaisante, mais il vous reste encore un peu de temps.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les trois témoins de leurs commentaires et de la sagesse dont ils font preuve.
[Traduction]
Monsieur McLaughlin, j'apprécie la simplicité de votre réponse à la question de Mme May. Je crois que cela nous rappelle que nous ne pouvons pas prévoir les résultats d'une élection. Je sais que les élections de 2006, au Nouveau-Brunswick, étaient anticipées dans l'espoir, j'imagine, de donner l'avantage au parti, mais que le résultat a été tout l'opposé.
Je profite de l'occasion pour clarifier les choses à l'intention de mon ami M. Reid, qui apporte beaucoup à la conversation, lui aussi, à mon avis. En effet, Harold Jansen était d'accord pour dire que le vote préférentiel aurait peut-être toujours donné les mêmes résultats, mais, quand il s'est présenté devant notre Comité, il s'est contredit, pour l'essentiel, disant qu'au contraire, il était impossible pour nous de prédire les résultats d'une élection sans savoir ce qu'un autre système pourrait nous offrir et sans savoir avec quels autres enjeux il faudra composer à ce moment-là.
J'ai quand même une question au sujet du processus; ce sera ma seconde question, mais j'aimerais discuter avec vous, monsieur Scott, d'un commentaire que vous avez formulé sur l'importance des promesses électorales. Je dirais, mais cela peut être contesté, que c'est là un des avantages du système actuel, les partis proposent des programmes, des visions quant à la façon dont ils veulent diriger le pays. Les électeurs votent en espérant que ces engagements seront tenus. Nous avons reçu des témoins selon lesquels les différents systèmes de représentation proportionnelle brouillaient quelque peu les visions présentées pendant la campagne ou intégrées aux programmes. J'aimerais que vous commentiez cela, que vous nous expliquiez quels avantages et inconvénients pourraient être en cause dans ce cas-ci et comment nous devrions présenter la chose aux Canadiens.
Ma deuxième question a trait à cette notion d'équité et d'égalité des votes. Je suis d'accord sur le fait que certains aspects de la représentation proportionnelle assurent que le dépouillement des votes se fait de manière équitable. Avez-vous eu connaissance du témoignage de M. Maskin, qui nous a expliqué la notion de la règle de la majorité, selon laquelle chaque candidat gagnant est effectivement préféré à tous les autres candidats, dans une circonscription donnée? Pensez-vous qu'il serait correct, quand nous nous adressons aux Canadiens, de leur présenter à la fois le système mixte proportionnel comme moyen d'assurer l'équité des votes ainsi que ce système-là?
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Oui, cette dernière question est intéressante. Je ne suis pas certain de pouvoir donner une bonne réponse.
Quant à la première question, je crois que vous avez mis le doigt sur un enjeu structurel très important, mais nous ne devons pas entretenir les mythes. Oui, donc, il y a des programmes et il y a des promesses, et les gens votent en espérant voir ce que leur parti, de manière générale — ceux qui savent ce que le programme contient — aimerait réaliser. Les gens savent pourtant que le système actuel peut donner lieu à des gouvernements minoritaires, et nous venons tout juste d'expliquer que cela n'est probablement pas une bonne manière de savoir quelles promesses électorales seront honorées, lesquelles seront laissées de côté et quels types de compromis seront faits.
Quand on a un système qui permet aux gens de savoir à l'avance quelles parties du programme électoral vont nécessairement devoir faire l'objet de compromis, dans un environnement collégial, on serait peut-être avisé de commencer à inciter les partis à exposer un peu plus clairement leurs principales priorités, de façon, en somme, que les gens sachent ce qui pourrait se passer si un parti ou un autre commençait à parler de gouvernement de coalition. Je crois qu'il y a un problème lorsque les gens ne savent pas exactement à quoi s'attendre lorsque deux partis se mettent à parler ensemble, mais qu'ils n'ont pas déjà annoncé qu'ils formeraient une coalition. Dans la plupart des systèmes de représentation proportionnelle, on sait à l'avance quelles coalitions sont formées — pas toujours —, et cela peut avoir une incidence sur la façon dont les programmes sont présentés.
J'ai écrit quelque chose à ce sujet, récemment. Je crois que c'est un aspect important et, de manière générale, nous devrions porter davantage attention à la facilité avec laquelle nous faisons des promesses ainsi qu'au nombre de promesses que nous faisons pendant une campagne électorale. Je pense en fait que notre processus électoral actuel est faussé. Les programmes sont bien trop ambitieux et irréalistes.
Quant à votre seconde question, si les deux systèmes peuvent bien se conjuguer, qu'ils assurent la proportionnalité et que le modèle majoritaire dont il a été question possède ses propres caractéristiques, je ne l'éliminerais jamais.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les trois témoins de leur présence parmi nous ce matin dans le cadre de cette étude passionnante. Je remercie particulièrement M. Scott qui est de retour parmi nous. Je dois avouer que j'aurais beaucoup aimé qu'il soit à ma place.
Monsieur Fox, vous avez dit précédemment quelque chose d'intéressant. Vous avez mentionné qu'il fallait que les citoyens comprennent le problème avant d'avoir une discussion pour déterminer quelles solutions y apporter. Effectivement, c'est très logique. Vous avez en bonne partie raison parce que c'est vrai qu'il est rare que les gens se lèvent le matin en se disant: « Le scrutin uninominal à un tour crée des distorsions. Le vote transférable unique pourrait être la solution, mais la géographie canadienne causerait des difficultés entre les zones rurales et urbaines. » Cela n'arrive pas souvent que les gens tiennent de tels propos.
Toutefois, les gens ont l'impression que leur vote est gaspillé. Ils ne font pas toujours un calcul arithmétique, mais il y a neuf millions de votes exprimés aux dernières élections qui ne sont pas reflétés à l'heure actuelle au Parlement. Sur l'île de Vancouver, 21 % des gens ont voté pour le Parti libéral et 21 % des gens ont voté pour le Parti conservateur, mais ils n'ont élu aucun député. Dans les Maritimes, il y a des néo-démocrates et des conservateurs qui ont voté en faveur de leur parti, mais ils n'ont élu aucun député. Et je ne parlerai pas de la situation à Toronto.
Sur le terrain, les gens nous demandent ce qui suit: « Pourquoi irais-je voter si cela ne change rien? Mon vote ne change rien. »
En 2008, quand je me suis présenté pour la première fois et que je n'ai pas été élu, les gens me disaient ceci: « Pourquoi voterais-je pour toi, Alexandre? Tu ne vas pas gagner. » Les gens ont l'impression qu'il n'y a pas de moyens permettant à leur vote de se rendre au Parlement.
Monsieur Fox, selon vous, comment devrions-nous aborder cette question?
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord saluer les trois témoins et les remercier d'être parmi nous aujourd'hui.
Comme l'a dit plus tôt mon collègue, tous ceux qui voudraient changer de mode de scrutin pour adopter un système proportionnel, qu'il soit mixte ou autre, font toujours valoir que les gens leur disent régulièrement que leur vote ne compte pas.
Pourtant, hier, le représentant de l'Institut du Nouveau Monde nous a mentionné, en se fondant sur un sondage, les raisons réelles que les gens invoquaient pour ne pas aller voter. Ces motifs invoqués par les gens interrogés sont notamment qu'ils sont trop occupés, qu'ils font face à un problème lié à leur inscription, qu'ils éprouvent du cynisme ou un manque d'intérêt face à la chose politique, qu'aucun des enjeux électoraux des candidats ou des partis ne les intéresse, qu'ils éprouvent un manque de confiance envers ces derniers, qu'ils se trouvent à l'extérieur de la circonscription, qu'ils souffrent de problèmes de santé et ainsi de suite.
J'ai l'impression que le commentaire des gens voulant que leur vote ne compte pas est davantage lié au fait que leur parti politique n'a pas remporté les élections précédentes. Une certaine frustration peut en découler d'une élection à l'autre. Est-ce que je me trompe en disant cela?
Quel que soit le mode de scrutin utilisé, le pourcentage de gens qui vont voter est à la baisse partout dans le monde. C'est pourquoi un changement au chapitre du mode de scrutin ne va pas faire en sorte que, de façon directe, les gens vont voter davantage ou devenir plus intéressés aux questions électorales. Je crois que cela nécessite davantage un changement de culture et d'éducation.
Vous l'avez très bien dit. Les trois jeunes personnes qui sont venues nous parler ont réellement mis l'accent sur l'importance de l'éducation citoyenne en matière politique. Est-ce que je me trompe en disant cela?
J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
:
J'ai écrit un article pour une publication de Graham où je formulais quelques suggestions quant à la façon dont vous pourriez consulter davantage et améliorer le processus.
En un mot, je présentais des suggestions qui avaient déjà été mises en pratique dans le cadre du processus constitutionnel, sous Joe Clark, par exemple une conférence plus importante, des conférences de citoyens, voire une assemblée citoyenne; une recherche universitaire indépendante à laquelle le public pourrait avoir accès et que vous pourriez présenter au public pour lui montrer que vous examinez les compromis et les enjeux; puis une série d'outils en ligne, que vous avez déjà commencé à utiliser. Il y a un certain nombre de choses que vous pouvez faire pour mobiliser les gens, au-delà du traditionnel processus au sein d'un comité.
Je vous encouragerais, si vous décidez de vous engager sur cette voie, de le faire le plus rapidement possible étant donné les contraintes de temps, évidemment, que vous devez respecter, que vous visiez le 1er décembre ou que vous vous accordiez un peu plus de temps. Cela ne représente pas beaucoup de temps.
Ensuite, pour que cela fonctionne réellement... À quel moment les Canadiens nous accordent-ils leur attention? Ils le font lorsque cela est important ou lorsqu'ils pensent qu'une décision va bientôt être prise. Pour le moment, vous êtes plutôt en mode d'apprentissage, et vous avez un apprentissage important à faire. À un moment donné, vous devrez passer en mode délibérations, vous devrez discuter d'options ou de choix spécifiques. À ce moment-là, je vous encouragerais vraiment à présenter au public un bref document ou à lui donner quelques détails, pour dire aux citoyens: « Voici ce que nous pensons. Voilà la direction que nous avons prise. C'est vraiment important, et nous avons maintenant besoin de savoir ce que vous en pensez. » Vous devrez alors trouver, encore une fois, le moyen de recueillir leurs commentaires sur ces aspects spécifiques.
Tant que vous n'aurez pas soumis aux Canadiens quelque chose de plus explicite, de plus précis et de plus concret, je crois que cela restera une notion intéressante, mais les gens ont autre chose à faire. Cela nous a donné du fil à retordre, au Nouveau-Brunswick, même si le processus ne visait que cette seule chose, et nous étions pris avec de nombreux dispositifs. C'est encore assez difficile. Je vous le recommande spontanément, mais n'hésitez pas à lire cet article aussi, si vous en avez envie.
:
Premièrement, nous avons choisi la liste fermée parce que nous avions l'impression que les partis consentiraient un effort plus important afin de présenter des candidates si la liste était fermée. La Commission voulait trouver des façons d'augmenter la représentation des femmes au Parlement.
Deuxièmement, nous voulions éviter qu'une liste ouverte provoque une réelle lutte au sein des partis. Les candidats risqueraient de se faire concurrence en essayant de remonter sur la liste et d'obtenir plus de votes. Cela déboucherait sur une situation où les partis se feraient compétition à outrance, ce qui dévaloriserait légèrement le processus politique.
Troisièmement, on aurait l'impression — et il s'agit peut-être d'une particularité du Nouveau-Brunswick — que les grandes agglomérations risqueraient d'étouffer les petites collectivités. Un député de liste lié à une ville ou à une municipalité plus importante obtiendrait plus de votes que les autres députés. Pour nous, ce n'était pas équitable. Voilà comment nous en sommes arrivés là.
Je le redis, avec ce genre de processus, il est logique de décider de ne pas permettre aux candidats de figurer en même temps sur la liste et de se présenter comme député de circonscription. Il y avait deux points qui nous préoccupaient à ce chapitre.
D'abord, il y avait la possibilité que le système soit manipulé, c'est-à-dire que les députés de liste soient vus différemment, et cela vaut aussi pour les députés qui se sont inscrits sur la liste. Une autre préoccupation était, en partie, le fait que cela pourrait créer deux paliers de députés. Ce n'est pas un fait immuable, mais il demeure que la façon dont vous obtenez votre poste, la façon dont vous obtenez votre siège au Parlement ou à la Chambre des communes, a une incidence sur la manière dont vos collègues vous traitent et réagissent à vos interventions. Cela influence également le comportement des citoyens ou de vos électeurs à votre égard, et c'est peut-être le point le plus important. Afin d'éviter cette perception tordue du système, on a cru bon de mettre au point un système qui ne comprend qu'un seul choix: soit vous l'emportez, soit vous êtes défait, point à la ligne.
Vous devez garder à l'esprit que les systèmes — surtout celui de la Nouvelle-Zélande — sont relativement nouveaux. Certains témoins de la Nouvelle-Zélande se sont exprimés à propos de la perception selon laquelle il y a des députés principaux et des députés de seconde zone. C'est ce que nous voulions corriger.
Vous allez pouvoir régler les autres détails au cours de vos travaux quotidiens, mais, de notre côté, ces préoccupations ont dirigé notre processus.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais essayer d'aborder trois sujets.
Tout d'abord, monsieur Fox, si j'ai bien compris vos propos, vous préférez qu'on puisse bien faire les choses plutôt que d'agir avec précipitation. J'ai compris que M. McLaughlin pensait la même chose à ce sujet.
Il me semble qu'à l'égard de ce dossier, le pire des scénarios serait que le pouvoir législatif — que nous représentons ici — termine ses travaux le 1er décembre et qu'on laisse le pouvoir exécutif décider de la suite des choses. Je ne pense pas qu'on puisse avoir dans une période de trois semaines une idée juste de ce que les électeurs d'un océan à l'autre veulent avoir à cet égard.
Cela dit, il serait pertinent que ce comité s'entende sur la recommandation voulant de continuer à laisser la suite des choses entre les mains du pouvoir législatif et peut-être d'une assemblée constituante. Il doit y avoir une deuxième étape avant que l'exécutif ne se saisisse de cette question. En effet, celui-ci risquerait de considérer que le plus petit dénominateur commun est que tout le monde veut un changement et il pourrait alors décider de lui-même, du haut de sa majorité parlementaire, quel type de changement il voudrait. Dans un tel cas, ce serait l'échec total. Je vois que vous opinez du bonnet. Vous êtes donc d'accord avec moi.
Parlons de la question de la parité.
L'expérience québécoise nous amène à dire que certains mécanismes permettent davantage d'agir sur cette parité. Cependant, aucun système — et le nôtre non plus — ne permettrait que l'on agisse absolument sur cette parité.
J'ai dû faire du recrutement et je me suis aperçu que le fait de permettre à une femme de se présenter dans un comté sûr n'est pas suffisant. Le problème à cet égard est ce que représente le fait de faire de la politique au niveau fédéral.
Il serait pertinent qu'on commence à travailler sur la conciliation travail-famille dans le cadre du Parlement fédéral. Je peux vous dire que ce dernier souffre de la comparaison avec le Parlement québécois, où j'ai siégé. Si on ne fait pas cela, même s'il y a des listes, je ne pense pas qu'on pourrait faire ce type de recrutement et en arriver à cette parité. Dans certaines catégories d'âge, on passerait à côté de candidatures très intéressantes.
Qu'en pensez-vous?
Je pense que Dave essayait d’imaginer ce qui passerait à l’avant-plan. Pour ce qui est de la liste fermée, il faut se rappeler qu’il y a une analogie directe. Les gens sont effectivement placés devant des listes fermées dans notre système actuel. C’est une liste à une personne, mais c’est le parti qui désigne la personne pour laquelle vous pouvez voter. Si vous penchez vers un certain parti ou un certain nombre de principes, vous savez qui est sur la liste produite par le Parti conservateur, le Parti libéral, le NPD, les Verts, etc. C’est absolument transparent, et la possibilité de cocher un nom est un élément de plus.
Vous savez pour qui vous votez dans ces listes, et puis vous pouvez faire une évaluation: « Comment ont-ils produit cette liste? Je ne vais pas voter pour un parti qui a produit la liste de cette façon. J’aime mieux voter pour un parti qui a produit la liste de telle autre façon. » Une « liste fermée », ce n’est pas fermé dans tous les sens du terme, ça veut seulement dire que vous ne pouvez pas en changer le contenu.
Je tiens à dire aussi que, quand j’ai voyagé à travers le pays comme critique de l’opposition officielle — je pense que j’y ai donné une douzaine de séances —, j’ai commencé avec une liste de 10 ou 11 principes ou variables. Ils devaient être beaucoup plus spécifiques que ce que prévoyait le mandat du comité. Je demandais aux gens de répondre ce qu’ils en pensaient au début, avant toute discussion. Ça prenait cinq à dix minutes. Ensuite il y avait la séance, et ensuite je leur faisais faire le même exercice.
Les choses étaient un peu biaisées parce que les gens savaient que je suis néo-démocrate et que le NPD est en faveur d’un système de représentation proportionnelle, etc. Donc ça ne représente pas le Canada, mais ça représente d’où partent les gens, et c’est ce qui compte le plus, et ensuite en quoi ils ont changé leur point de vue. Il n’a pas changé beaucoup, mais, pour votre groupe, ces changements pourraient avoir beaucoup d’importance.
:
Nous sommes partis du principe que les partis sont des intervenants légitimes. Ils ont le droit d’attirer et de choisir les gens qui les représenteront, mais nous voulions créer un incitatif et une pression publique pour qu’ils le fassent.
Revenons à la façon dont ça fonctionne. On fonctionne dans un environnement concurrentiel. Vous cherchez à obtenir un avantage politique dans le meilleur sens du mot par rapport à vos concurrents, en vous présentant sous votre meilleur jour, en exprimant votre penchant pour tel ou tel enjeu, en affichant vos couleurs. Dans combien de campagnes électorales est-ce que nous avons vu jusqu’ici des chefs de parti mettre en valeur les candidats qui les entouraient, des femmes, des membres de minorités visibles, etc.? C’est la façon dont le parti s’adapte à une nouvelle réalité et à une nouvelle pression venue de l’intérieur du pays dans le cadre du scrutin majoritaire à un tour, et nous présentons des candidats qui ressemblent au Canada si vous voulez.
La question que vous soulevez nous a bien occupés et a suscité des opinions très tranchées des deux côtés. Mais le compromis que nous avons fait était que nous voulions plus de femmes parmi les députés. Il y avait d’autres enjeux, et ça nous a semblé, à nous les commissaires, traduire d’autres types de préoccupations.
Je ne veux pas minimiser les choses, mais, monsieur DeCourcey, comme vous avez soulevé la question de la transparence et de la légitimité démocratique, je tiens à dire que nous nous sommes attaqués à ce problème. Au final, nous avons fait un choix fondé sur des compromis. C’est un exemple légitime de la façon dont vous devrez mener votre travail. Nous avons aussi pris l’avis des partis.
Je réitère ce que j’ai dit tout à l’heure. Les partis sont des intervenants légitimes ici. Nous avons besoin de partis politiques forts. Ce sont des instruments partisans dans le meilleur sens du mot, qui permettent d’exprimer des points de vue, de soulever des problèmes et de débattre d’idées. Je suis en faveur de la partisanerie si elle permet de clarifier des idées, si elle offre des choix. Je pense que c’est une bonne chose dans une démocratie.
Donc, c’est peut-être un point de vue opposé au sujet de la liste fermée, mais c’est dans ce sens qu’est allée notre réflexion.
:
Merci, monsieur le président.
Avant de poser ma question, j'aimerais souligner que M. Cullen et moi ne constituons pas l'illustration d'une très grande diversité, et ce, à plusieurs égards.
Oui, nous sommes tous les deux des hommes et tous les deux Blancs. L'un est barbu et l'autre ne l'est pas. Toutefois, nous sommes très différents relativement à quelque chose d'important et de typique quant à notre système électoral. La circonscription de M. Cullen a une superficie de 330 000 kilomètres carrés — elle est plus grande que la Pologne —, alors que la superficie de la mienne est de 11 kilomètres carrés. Par conséquent, nos réalités de travail de député sont extrêmement différentes.
Quand on regarde les systèmes qui existent en Allemagne, en Nouvelle-Zélande, au Danemark et aux Pays-Bas, on retrouve beaucoup de choses très intéressantes. Cependant, on peut difficilement faire du copier-coller. C'est pour cette raison que la proposition de M. Jean-Pierre Kingsley de s'inspirer de ce qui se passe ailleurs, mais d'avoir un système fait au Canada, pourrait être intéressante. Je pense qu'on devrait travailler et réfléchir à cette question.
Si on vise la proportionnalité, je pense qu'on pourrait l'obtenir de trois manières différentes, à savoir des listes par province, des listes par région à l'intérieur des provinces — certaines provinces sont plus grandes que d'autres — ou la fusion de circonscriptions, ce qui donnerait des comtés plurinominaux où il pourrait y avoir trois, quatre, cinq ou six députés qui représenteraient une même petite région.
On comprend que cela se ferait assez bien sur l'île de Montréal, mais que cela se ferait moins facilement dans la réalité que représente M. Cullen ou dans les Territoires du Nord-Ouest. On a déjà évoqué cette question avec des témoins dont les opinions étaient partagées à cet égard.
Pourrions-nous avoir un système où on garderait les circonscriptions uninominales à un tour alors que dans des centres urbains ou des banlieues, nous pourrions avoir des fusions de circonscriptions pour obtenir une certaine part de proportionnalité?
J'aimerais vous entendre tous les trois à cet égard.
:
Je suis favorable à la position par défaut de laisser les électeurs décider, parce que c’est ce qui fonctionne pour nous. Au final, c’est ce qui marche généralement.
Une des raisons est que nous acceptons les résultats. Nous avons de bons gagnants et de bons perdants. Les bons perdants, si vous voulez, participent différemment, sans avoir remporté la victoire, mais d’accord pour participer loyalement comme membres de l’opposition, etc. C’est la nature du système, nous l’acceptons et nous allons de l’avant.
J’ai participé à des référendums. J’ai participé au référendum constitutionnel de 1992 à l’époque du premier ministre Mulroney. J’ai voyagé partout avec lui à cette occasion. Et, oui, j’ai vu de mes yeux comment l’antipathie à son égard a contribué à colorer les résultats, etc.
Donc, d’autres choses peuvent entrer en ligne de compte, mais de là à dire que les gens ne connaissaient pas les enjeux, ne savaient pas tout ce qu’il y avait dans Charlottetown... Ils appréciaient Charlottetown comme solution globale, ils n’en aimaient pas des éléments particuliers. Donc on a peut-être trop mis de l’avant, et c’est un apprentissage.
On sait aussi, d’après l’expérience électorale, pourquoi les responsables politiques actifs ont tendance à faire du porte-à-porte avec leurs documents pour asséner leur message — j’ai été directeur de campagne — à l’exclusion de tous les autres parce qu’ils essaient de simplifier les choses et de l’exprimer dans des termes qui comptent aux yeux de la population. Vous n’avez pas encore trouvé le point sensible à ce sujet. Peut-être qu’il se révélera dans le processus.
À défaut d’argument définitif en faveur du changement — et c’est quelque chose que Graham rappelle d’emblée — ou en préalable à un effort concerté et indépendant de sensibilisation et d’information qui, selon moi, devrait accompagner un processus référendaire, je crains que la population s’en tienne à des propos ambivalents pour en arriver probablement à un vote pour le statu quo.