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Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du Comité, je vous remercie.
J'ai acquis une certaine expertise dans le domaine des modes de scrutin au cours des consultations provinciales au Québec. J'ai moins touché à cette question depuis quelques années. La dernière consultation remonte à 2007. Toutefois, je demeure assez au fait des recherches dans le domaine.
Tout d'abord, les modes de scrutin ont été étudiés dès l'an 105 de notre ère. Il en a été question pour la première fois dans un travail de Pline le Jeune alors qu'on s'est aperçu que la pluralité des voix exprimées posait problème quand il y avait plus de deux candidats. C'est le sujet d'un jugement assez célèbre en droit.
Cette question a été perdue de vue pendant plusieurs siècles. Au XIVe siècle, le philosophe catalan Ramón Llull a commencé à étudier cette question, suivi par son disciple Nicolas de Cues, au XVe siècle.
Après un oubli de quelques siècles, le marquis de Condorcet et le chevalier de Borda ont redécouvert le problème de la pluralité lors de la Révolution française au XVIIIe siècle. Enfin, le mathématicien anglais, Lewis Carroll, a aussi étudié le sujet au XIXe siècle.
Ce domaine d'études, qu'on appelle la théorie du choix social, a pour objet la façon de choisir le meilleur candidat possible.
Une autre branche du même domaine est la théorie de l'équité, qui traite du problème de la proportionnalité ou de savoir comment on distribue les sièges de la façon la plus équitable possible. Cela a énormément été débattu par les Américains quand ils ont dû écrire leur Constitution afin de savoir comment ils allaient distribuer les sièges. Ils ont beaucoup travaillé sur cette question.
Une chose est vraiment frustrante relativement à toute cette recherche. Chaque fois, les gens ont recommencé à zéro parce que personne ne connaissait le travail des autres. Au cours des années 1950, quelqu'un s'est finalement assis pour travailler efficacement et des travaux ont été faits par des mathématiciens et des politicologues.
Encore une fois, le problème est que ce sont deux branches des sciences complètement différentes. Dans le cas de ce qu'on appelle l'économie politique, les gens ont travaillé sur les modes de scrutin, et dans le cas de la science politique, les gens ont étudié l'effet des modes de scrutin. On a tout ce qu'il faut pour faire un bon mode de scrutin. La connaissance est là, mais elle est éparpillée dans trois ou quatre domaines et les gens ne se parlent pas.
Comme je suis un physicien, les barrières interdisciplinaires ne me posent pas de problème. J'ai donc recueilli des parties de toutes ces connaissances pour me faire une idée de ce qui devrait être fait.
La recherche officielle a donc commencé dans les années 1950. Le dernier mode de scrutin original qu'on a inventé est le mode compensatoire allemand, qui date à peu près de la même époque. En définitive, aucun système électoral actuel sur la planète n'a bénéficié des recherches qui ont été faites au cours des 60 dernières années.
J'ai d'ailleurs lu que la Society for Social Choice and Welfare, un groupe qui travaille sur la théorie du choix social, n'avait été consulté qu'une seule fois, soit par le gouvernement de la Mongolie lors d'une réforme électorale. Je vais essayer de vous faire part de quelques règles générales pour vous donner une idée à cet égard.
Il faut savoir qu'il y a deux grandes familles de modes de scrutin. Il y a les modes de scrutin qui servent à élire un candidat, soit un maire ou un président. Dans notre cas, au Canada, ce serait peut-être le gouverneur général ou le Président de la Chambre des communes. Cette famille comprend 20 ou 25 modes de scrutin tels que le mode transférable, le N-tour, ceux de Condorcet, ceux de Borda et ainsi de suite. Un peu plus tard, M. Côté va vous parler du vote par jugement majoritaire, une innovation récente qui me semble très intéressante. Bref, ces méthodes servent à élire une personne, et si vous voulez élire un président, ce sont les meilleures méthodes à considérer.
Si vous voulez élire une assemblée, l'idée de Montesquieu est d'avoir quelque chose qui représente le mieux possible la population. Il s'agit d'une autre classe de modes de scrutin complètement différents qui sont dans les familles des modes de scrutin proportionnel. Il y en a une vingtaine, et cela comporte aussi son lot de problèmes.
Par ailleurs, des facteurs limitatifs proviennent des capacités limitées du cerveau humain. On n'est pas notamment en mesure de faire des séries de plus de sept éléments. On ne peut aller au-delà de cela. Lors d'un scrutin expérimental que j'ai fait avec un certain nombre de candidats en 2007 à l'Université Laval, le septième candidat disparaissait dans l'esprit des gens. Il n'existait plus. En France, un scrutin expérimental a également été fait à ce sujet. Il y avait énormément de candidats présidentiels. Les gens n'étaient pas capables d'évaluer plus de sept candidats. Cela dépassait leurs capacités. Ça, c'est un facteur limitatif. Peu importe le mode de scrutin, on ne peut pas aller au-delà de ces limites du cerveau humain.
Les modes de scrutin ont un effet, et je ne pense pas être le premier à vous le dire. Dans le cas d'un système de pluralité, un incitatif économique vous pousse à investir votre argent sur le meilleur candidat et, le jour du vote, il ne reste que deux grands partis ou deux candidats. Par exemple, si on n'aime pas l'un des candidats, on va voter pour celui qui a le plus de chance de battre ce candidat que l'on n'aime pas. C'est une mécanique purement économique, qui tend toutefois à disparaître. Certaines personnes désillusionnées diront, par écoeurement de la politique, que les gens vont voter plus sincèrement. On voit cela au Québec où cet électorat augmente de plus en plus.
Dans les systèmes proportionnels, il y a une distribution qu'on appelle la loi de Lefebvre. Dans les systèmes de pluralité, c'est la loi de Duverger.
Dans les systèmes proportionnels, c'est la loi de Lefebvre — une loi en psychologie —, qui correspond à peu près à la distribution de n'importe quel bien ou service. Même les saveurs de crème glacée suivent cette loi. Les gens votent beaucoup plus librement. Vu de l'extérieur, un électeur qui vote librement est un électeur qui vote de façon quasiment aléatoire. Les éléments qu'un électeur prend en considération lorsqu'il vote sont extrêmement complexes. Cela peut aller du ton de voix de la personne qui lui parle à ce qu'il a mangé six mois auparavant — je fais une blague. L'électeur peut même prendre en considération une action politique qui a été posée 20 ans auparavant. On se retrouve donc avec cette distribution exponentielle.
Cela a des répercussions. Prenons l'exemple des dernières élections pour tenter de comprendre l'effet d'un mode de scrutin.
Si on change le mode de scrutin, le résultat ne sera pas le même. À des fins de transparence, je souligne que j'ai déjà été candidat pour le Parti vert. Passez donc tout ce que je vais dire dans ce filtre. Le Parti vert risquera de gagner des voix, mais ce sera moins le cas pour les grands partis. Des partis dont on n'aura jamais entendu parler vont peut-être émerger, par exemple un parti de type wildrosefédéral. Il y aura une augmentation du nombre de partis.
Quand on fait des simulations, n'espérez pas reprendre les résultats la dernière élection et les entrer dans le nouveau mode de scrutin. Cela ne donnera pas les mêmes résultats.
Du côté des modes de scrutin proportionnel, la meilleure méthode pour faire la distribution d'un point de vue mathématique est ce qu'on appelle la méthode de Webster—Sainte-Laguë. Dans un scrutin proportionnel pur, c'est essentiellement l'arrondi ordinaire. Mathématiquement, c'est ce qu'il y a de plus simple et c'est la meilleure méthode. Le seul défaut, c'est que l'arrondi ordinaire « plante » de temps à autre. De temps en temps, il y a deux partis qui ont le même ratio, mais un parti a deux fois le nombre de votes de l'autre. Quand on fera les divisions, tous deux passeront en même temps de +1 à -1. On ne peut pas en arriver à un nombre exact de députés. Disons que le chiffre est de 338. On passera de 337 députés à 339, et il n'y a aucune solution permettant d'arriver entre les deux.
Auparavant, je construisais des instruments de mesure. Aux États-Unis, cela arrive une fois par 3 500 ans quand ils font la répartition. C'est clair que cela arrivera après deux élections. Des élections où deux candidats récoltent le même nombre de votes, ce n'est pas censé arriver, mais l'univers étant ce qu'il est, cela arrive quand même. C'est une chose qu'il faut prévoir dans la loi électorale, car cela peut « planter ».
La loi de Lefebvre fait en sorte que lorsqu'on met un seuil électoral, pour chaque pour cent de ce seuil électoral, on jette de 3 % à 3,5 % de votes à la poubelle. Monter à plus de 5 % commence à être un peu difficile. En Turquie, le seuil électoral des votes qui sont écartés est de 10 % à 40 %. C'est proportionnel, mais ce n'est pas très différent de nous. Il faut quand même viser des seuils qui sont bas.
Dans un système proportionnel, tout le monde pense que cela prend 50 % des voix pour atteindre la majorité. Or ce n'est pas le cas. Typiquement, si un parti remporte 44 % ou 45 % des voix, il aura 50 % des sièges et il sera majoritaire. Ici, c'est 38 %. Cela ne change pas tellement la dynamique. La seule chose, c'est que dans un système proportionnel, des coalitions seront plus facilement formées et il y aura plus de gouvernements majoritaires. Ce n'est pas parce que c'est un système proportionnel qu'il est nécessaire d'avoir la majorité des voix pour avoir la majorité des sièges.
De façon générale, cela fonctionne relativement bien, sauf qu'un des problèmes est la stabilité des systèmes proportionnels. Il y a deux cas où cela pose des problèmes, à savoir quand c'est trop stable et quand ce n'est pas assez stable. C'est vraiment une combinaison de deux facteurs, soit la fragmentation de la société et le degré de proportionnalité. Cela demande une réflexion. Dans un système proportionnel, le plus grand parti a environ 30 % des voix. Si c'est une loi de Lefebvre pure et que c'est une société uniforme, il a 30 % des voix et il fera une coalition avec un autre parti. Le problème, c'est qu'il faut qu'il y ait plusieurs partis avec lesquels on peut faire une coalition. Sinon, on se retrouve toujours avec le même parti au pouvoir et le parti de la coalition se retrouve de l'autre côté. À ce moment-là, les choses figent.
Il faut qu'il y ait suffisamment de partis. Si le système n'est pas assez proportionnel et s'il n'y a pas assez de partis, la situation demeure complètement stable et ne bouge plus du tout. S'il est vraiment trop éclaté, il se forme alors des coalitions instables de trois ou quatre partis. La manière dont la société est organisée est ce qui détermine le succès ou l'échec des systèmes proportionnels.
Nous avons au Canada une société qui est fragmentée, mais pas autant qu'à d'autres endroits. Nous avons quand même l'équivalent de quatre ou cinq grandes régions politiques. En Belgique, par contre, la société est coupée en deux et il y a deux fois la loi de Lefebvre. De plus, la Belgique a des lois électorales complètement farfelues qui font qu'il y a un nombre incroyable de partis politiques. Cela complique les choses. L'Italie avait le même problème. On tend à oublier que le Canada est un vieux pays qui existe depuis 150 ans. Par ailleurs, en Europe, des pays comme l'Allemagne ou l'Italie existent depuis moins longtemps que cela. Ce sont des éléments dont il faut tenir compte.
Il y a un autre aspect important. Dans le cas d'une proportionnelle régionale de quelque forme que ce soit, s'il y a moins de six députés, cela ne s'appelle plus une proportionnelle. Le seuil électoral est de un sur le nombre de députés, et même en arrondissant, on peut n'en obtenir que la moitié. Avec six députés, on atteint à peu près 6 % de seuil électoral en tirant vers le bas au maximum. S'il y en a sept ou huit, c'est une meilleure situation.
Au Canada — vous connaissez la géographie canadienne aussi bien que moi —, cela cause des problèmes. Par exemple, l'Île-du-Prince-Édouard n'a pas six députés. Je vous mentionne cela parce que, à Zurich, en Suisse, quelqu'un s'est présenté devant la cour pour déclarer qu'il y avait trois candidats dans son district électoral et qu'il allait voter pour un parti qui a moins de 10 % des sièges. Il a rappelé à la cour que la Constitution affirmait l'égalité de tous, mais que son vote ne compterait jamais et qu'il n'y avait aucune possibilité qu'il compte éventuellement. La cour lui a donné raison et c'est ainsi qu'il a fallu trouver une solution mathématique à ce problème.
Au Parlement canadien, nous avons à peu près le bon nombre de députés. Le nombre de 327 serait l'optimum théorique. Nous en avons 338, mais 327 serait l'optimum. Nous n'en sommes donc pas très éloignés. Nous n'avons pas trop de députés, mais nous n'en manquons pas non plus. C'est le contraire dans certaines provinces du Canada où, idéalement, il devrait y en avoir davantage. De plus, la proportionnelle n'a pas vraiment d'impact sur la représentation féminine.
Au Canada, nous possédons l'un des pires contextes...
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Merci, monsieur le président.
Je remercie beaucoup le Comité de me permettre de partager avec lui le résultat de mes recherches sur un système électoral que j'appelle « majoritaire rationalisé ». Le mot « rationalisé » veut dire deux choses. Tout d'abord, cela veut dire « qui fait appel à la raison et non pas seulement aux mathématiques » et, deuxièmement, « qui utilise des ratios ».
Tout le monde connaît la notion de ratio puisqu'il y en a en finances et un peu partout. Ce sont des résultats mathématiques appliqués à des phénomènes et qui comportent une certaine dose de constance. En fait, la définition de ratio que j'utilise ici est essentiellement le pourcentage d'élus par rapport au pourcentage de votes. C'est quelque chose de simple.
Il existe des ratios historiques qui ont été dégagés par différents chercheurs. J'en cite quelques-uns dans le texte que je vous ai remis. En gros, les ratios historiques s'établissent selon les fonctions des partis. Pour le parti formant le gouvernement, c'est-à-dire le parti qui a la majorité et qui a été élu, c'est à peu près 1,2. C'est le pourcentage de députés sur le pourcentage de votes. Pour les partis de l'opposition officielle, c'est autour de 0,8. Quant au tiers partis, c'est autour de 0,5, mais avec beaucoup d'exceptions. Les chiffres sont parfois beaucoup plus élevés.
On n'est pas obligés de retenir ces ratios. On peut, par exemple, avoir des ratios plus élevés pour les tiers partis, ce qui pourrait être très intéressants à examiner dans certains cas. Par exemple, pour un parlement de 300 sièges — on n'est pas loin de cela ici—, il peut y avoir un parti qui obtient 5 % des sièges et 20 % des votes exprimés. Évidemment, c'est le cas de plusieurs tiers partis, ce qui est un peu gênant et frustrant. Dans son cas, le ratio pour ce parti serait déterminé par 5 % des députés sur 20 % des votes. Le résultat est de 0,25. Si un parti est dans l'opposition officielle, on lui accorde un ratio de 0,8. Donc, le nombre de députés qu'il devrait avoir est calculé ainsi: 0,8 × 20 % × 300 = 48. Si, d'aventure, il y en a déjà 5 % de 300, cela donne 15. Donc, on lui ajoute 33 députés.
Si un parti se trouve parmi les tiers partis, on donne un ratio plus bas. Par exemple, 0,5 × 20 % × 300 = 30 députés moins les 15 qu'il a déjà. Donc, on ajoute 15 députés. Selon la fonction déterminée à l'issue d'une élection majoritaire à un tour, on va accorder des sièges additionnels à certains partis.
J'ai fait des études au sujet des élections fédérales de 1963 à 2015 et les ratios obtenus sont quand même assez en ligne avec ce que je viens de dire. Toutefois, il y a des bizarreries. Par exemple, depuis 1984, les ratios obtenus par le parti formant le gouvernement oscillent entre 1,5 et 1,22, ce qui lui donne une moyenne de 1,28 depuis 1963. Cela se rapproche énormément du ratio historique. Pour le parti de l'opposition officielle au Canada, le ratio est de 1. Finalement, c'est quasiment proportionnel. Ça, c'est une moyenne. Pour un tiers parti, le ratio au Canada est de 0,85, mais ça peut aller jusqu'à 1,6. Cela dépend des cas. En 2006 et 2008, le ratio était de 1,6. Le premier tiers parti se trouvait à avoir un ratio aussi élevé que le parti formant le gouvernement, ce qui est assez bizarre. Enfin, cela fait partie des aléas de la chose.
Deuxièmement, on ajoute des députés par la rationalisation, c'est-à-dire qu'on vote de la même façon qu'on le fait actuellement sans apporter aucun changement. C'est après coup qu'on fait des ajustements mathématiques. Théoriquement, on pourrait prendre les résultats de l'élection de 2015 et appliquer ce système en ajoutant des députés en fonction des ratios.
J'ai aussi calculé le nombre de députés qui auraient été ajoutés au Parlement canadien si on avait appliqué le système rationalisé depuis 1963. Je passerai outre les détails. On aurait toutefois ajouté 111 députés sur ces 17 élections. Cela donne une moyenne de 6,5 députés de plus par élection, ce qui n'est pas un grand nombre. C'est quand même plus intéressant que ce qui se passe en Allemagne.
J'ai aussi fait une comparaison avec le système mixte allemand.
Il faut dire qu'au début, en 1949, il y avait deux votes. En fait, chaque électeur avait deux voix, soit une pour élire à la majorité simple un représentant de circonscription, comme dans notre système électoral, et une autre gérée à la proportionnelle pure.
Au début, la Chambre allemande était, d'une certaine façon, divisée en deux. Il y avait les députés élus à la majorité simple et ceux élus à la proportionnelle. Cela a eu pour résultat qu'il y avait parfois des déséquilibres épouvantables. Beaucoup de députés étaient élus en surnombre et cela dépassait le ratio que donnait la proportionnelle. Cela faisait donc une Chambre très élastique qui pouvait avoir, d'une élection à l'autre, un nombre très variable de députés. Surtout, cela contredisait la règle fondamentale de la proportionnelle, à savoir que des partis politiques avaient beaucoup trop de députés.
Il y a une quinzaine d'années, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a décidé d'appliquer la proportionnelle intégrale, mais en compensant le surplus de députés élus à la majorité simple par une diminution du nombre de députés élus à la proportionnelle. J'espère que vous me suivez à cet égard. En fait, pour que le résultat global donne une représentation proportionnelle, un parti politique qui a trop de députés élus à la majorité simple en aura moins que ce qu'il devrait avoir avec la méthode proportionnelle.
Là encore, il y a un problème. Des partis réussissent à avoir tellement de députés qu'ils dépassent même ce que la proportionnelle leur enlève. Cela fait que la Chambre des députés allemande est encore extensible. Il y a des gens qui disent que cela pourrait aller, dans certains cas, jusqu'à 700 députés, alors qu'en principe, il y a 598 sièges. Toutefois, cela ne s'est pas encore produit. En ce moment, on compte environ 630 députés. C'est ainsi que fonctionne le système mixte allemand.
J'ai voulu transposer ce système au Canada à partir des résultats obtenus aux élections fédérales depuis 1963 pour voir ce que cela donnerait. Cette simulation n'est pas exacte. On ne peut pas transposer les pourcentages de votes obtenus par les divers partis d'un système majoritaire à un tour à un système proportionnel mixte, surtout pas le système mixte allemand. En conséquence, il faut faire le calcul en ayant toujours en tête que cela ne peut pas être la réalité exacte. Cependant, cela donne des indications.
Il y a peut-être quelque chose d'intéressant à savoir quand on définit le système proportionnel. Il y a la proportionnelle pure, qui a des limites épouvantables et je ne veux pas m'étendre là-dessus.
Rapidement, regardons le cas de l'Italie, qui a un tel système. Cela a le défaut de tous les systèmes proportionnels purs puisque les Chambres deviennent absolument ingouvernables. Pour contrer cela, il faut réduire le nombre de partis ou donner une vraie majorité de députés aux partis qui gouvernent. Or, l'Italie a décidé que si le gouvernement était minoritaire, on lui donnait des députés. C'est assez spécial. Puisqu'il faut une majorité, on accorde des députés.
Cela dit, le système allemand actuel ne fonctionne pas ainsi. C'est déjà cela. Je l'ai dit tout à l'heure et ce n'est pas la peine d'y revenir. Dans ma simulation du système allemand par rapport au système canadien, j'ai utilisé le Parlement canadien actuel. Il compte actuellement 338 sièges, mais notons que le nombre de sièges a déjà été beaucoup moins que cela. Deux méthodes de calcul sont possibles, c'est-à-dire de diviser par deux ou de multiplier par deux pour avoir une partie de la Chambre élue à la majorité simple et l'autre en vertu de la méthode proportionnelle stricte avec compensation, comme c'est le cas pour le système mixte allemand qui existe à l'heure actuelle.
Ce système prévoit qu'il n'y a pas de députés additionnels si un parti n'a pas au moins trois députés élus à la majorité. C'est donc un système qui coupe les ailes aux petits partis. En revanche, le système que je propose donne vraiment à ceux-ci une chance additionnelle et cela ne gêne ni la majorité qui gouverne, ni le parti de l'opposition officielle. Cela comporte beaucoup d'avantages.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs et mesdames, soyez les bienvenues dans la plus belle ville du monde, Québec. S'il y a un point qui nous rassemble, au Parti vert et au Parti conservateur, c'est bien l'amour que nous avons pour la ville de Québec.
Madame May, je savais qu'un jour, nous allions nous entendre très bien tous les deux. Ne comptez pas sur moi pour vous rappeler les résultats électoraux à Québec à la dernière élection. Cela briserait un peu notre harmonie.
Messieurs, soyez les bienvenus au Parlement.
Monsieur Dutil, tout d'abord, bravo et merci de vous engager en politique et d'avoir porté les couleurs d'un parti politique, quel qu'il soit. Je me souviens de votre campagne contre le Dr Bolduc ici même, dans une élection partielle provinciale à Québec. J'étais journaliste à ce moment-là. Je vous salue, monsieur.
J'aimerais dire quelque chose au sujet de votre histoire de gagnants qui sont perdants et de perdants qui sont gagnants. Nous avons tous l'esprit ouvert ici, mais je peux vous assurer d'une chose: jamais je ne défendrai cette position et jamais je ne me présenterai à une élection où un perdant peut devenir un gagnant et où un gagnant peut devenir un perdant. Jamais je ne me présenterai non plus à une élection où le vote d'un citoyen vaudrait 0,99 % et un autre 3,8 %, comme vous l'avez dit tout à l'heure.
C'est tout à fait contraire à tous les principes de démocratie. C'est peut-être en harmonie avec certaines paroles bibliques. À Matthieu 20, il est dit ceci: « Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers. » Si je continue, on dira encore que les conservateurs parlent de l'église. Alors, oublions cela.
Monsieur Dutil, comment peut-on accepter que le vote d'un citoyen soit aussi disproportionné, surtout que c'est l'arithmétique ou les algorithmes qui feront en sorte que le cinquième devienne le premier?
Je sais que tous mes collègues s'interrogent à ce sujet. Essayez de me donner, de la façon la plus concise possible, un bon argument pour nous convaincre que ce système est une bonne chose.
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À l'heure actuelle, les votes n'ont pas tous une valeur égale. Dans le cadre d'une élection en circonscription, il y a quatre chances sur cinq que le vote d'un citoyen ne compte pas. C'est l'interprétation de bien des gens. Si un candidat est défait, les votes en sa faveur ne sont pas pris en compte. S'il obtient moins de 10 % des votes, les chances que ceux-ci valent quelque chose sont à peu près nulles. Le système est déjà tordu. Vous vous êtes présenté à plusieurs élections dans un système tordu et cela ne vous a jamais causé de problème.
Il est certain que le résultat du système majoritaire uninominal à un tour est naturel. Le problème, c'est que dans le cas d'un système proportionnel, quelle que soit la variante, quelque chose de semblable va se produire. Que ce soit en raison des listes ou autres, des distorsions vont nécessairement apparaître à l'échelle régionale. Aucun système ne permet d'éviter cela, je vous le dis. C'est certainement un élément irritant. Je ne sais pas dans combien de circonscriptions la situation se présente, par contre. Je ne sais pas si c'est dans un tiers des circonscriptions ou non. Si on parle d'un cinquième, il y a peut-être 2 % de différence de votes entre celui qui arrive premier et celui qui arrive dernier. C'est cela que je ne sais pas encore. Je n'ai pas simulé ce calcul, parce que c'est beaucoup de travail. Comme je le dis, on peut ignorer toutes les circonscriptions où le résultat dépasse 50 %. Je crois qu'un tiers des circonscriptions pourraient être touchées. C'est peut-être acceptable. Je sais que les gens vont probablement se plaindre, qu'ils vont mal réagir, mais le résultat global sera plus proche de la réalité. Localement, ce sera peut-être un peu plus frustrant.
Il y a un autre élément que j'ai oublié de mentionner. La pluralité, à cause de la division des votes, comporte un taux d'erreur. J'ai calculé, dans le cas du Québec, qu'il était de 20 % à 25 %. En ce qui concerne le fédéral, je n'ai pas les chiffres, mais je l'ai calculé pour ce qui est du Québec. Dans 20 % à 25 % des cas, celui qui avait gagné, qui avait obtenu le plus de votes, qui était arrivé premier, n'était pas le choix de la population. Cela aurait pu être différent si on avait utilisé un mode de scrutin qui déterminait le gagnant de Condorcet, supposé être celui lui qui battrait tout le monde dans une élection individuelle.
Il y a un taux d'erreur de 20 % à 30 % actuellement, on s'y fait, on trouve cela acceptable. La personne est élue, elle est accueillie au Parlement, elle représente ses concitoyens. Vous avez peut-être en tête le cas de personnes qui sont sorties gagnantes parce que le vote s'était divisé entre trois ou quatre partis. Il y en a, et je suis certain que ces personnes font quand même de bons députés. Certaines gens peuvent se dire que cela n'a pas de sens. Toutefois, je me suis aperçu qu'une fois la personne élue, les gens ont tendance à considérer qu'elle occupe légitimement son poste. Ceux d'entre vous qui ont recueilli moins de 50 % des votes, ceux qui ont été élus avec 31 %, 32 % des voix, ont de bonnes chances d'avoir gagné indirectement. Vous êtes arrivés premiers, mais vous n'étiez peut-être pas le premier choix de la population. On s'en accommode, on fonctionne de cette manière depuis 200 ans.
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Je ne vois pas comment cela peut changer quelque chose. Même la représentation proportionnelle ne change pas grand-chose. La raison pour laquelle il y a plus de femmes députées dans les pays appliquant la représentation proportionnelle que dans les autres, c'est que ce sont les pays scandinaves qui ont été les premiers pays à adopter ce type de représentation. Les pays scandinaves ont, au XIX
e siècle, accordé le droit de vote à tout le monde, incluant les femmes. Ils ont eu 50 ans d'avance sur les autres pays.
Il y a quelques années encore, le Québec se classait parmi les meilleurs au monde pour le taux de progression des femmes en politique. Pour une raison que je ne comprends pas, on a écrasé les freins. Le mode de scrutin a peu d'incidence à cet égard.
Le problème d'entrée des femmes en politique est souvent attribuable au fait que des élus se font réélire pendant des décennies. Je pense aux circonscriptions où les mêmes politiciens sont élus et réélus. Par exemple, c'est le cas de M. Gendron, au Québec, qui est député depuis 25 ans. Ainsi, tant que les députés, le plus souvent des hommes, ne perdent pas ou ne quittent pas leur siège, l'accès aux femmes reste fermé.
Si le mode de scrutin change, 30 % des députés vont perdre leur emploi automatiquement, et s'il y a assez de femmes candidates, la proportion de femmes au Parlement devrait augmenter, comme cela s'est passé en Nouvelle-Zélande. Par la suite, le chemin normal de la société reprend ses droits.
Je sais que certains préféreraient le scrutin de liste comme au Rwanda, où les postes sont attribués en alternance à une femme, un homme, une femme, un homme. C'est le seul pays au monde qui a ce système. Presque tous les autres pays qui appliquent un quota augmentent celui-ci de 2 % par an, de sorte qu'il se situe juste en dessous du nombre de femmes qui devraient être élues à la prochaine élection, selon les prévisions, si la tendance se maintient.
Des pays comme la Norvège ont mis un terme au quota parce qu'ils ne pouvaient pas avoir assez de femmes. Le Parti vert norvégien, à cause de la règle voulant qu'il y ait un tiers de femmes, ne pouvait pas avoir autant de femmes qu'il le voulait. Cette règle a donc été abolie.
J'ai beaucoup de réticences face au système de quotas. Certains ne jurent que par les quotas, mais ce n'est pas mon cas.
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En psychologie, il est reconnu que classer sept personnes ou sept éléments quelconques est une limite humaine. Je pense que Raymond Côté en parlera de façon plus détaillée dans quelques minutes. Cela correspond simplement aux capacités limitées du cerveau humain.
J'ai été à même de le constater dans le cas d'un scrutin expérimental réalisé en France. On a demandé aux gens de faire l'expérience d'autres modes de scrutin et dans l'un d'entre eux, il s'agissait de classer les candidats. Pour les sept premiers, les gens étaient plutôt raisonnables, mais le système s'est effondré et tout est devenu aléatoire. À ce moment-là, cela dépassait la capacité du cerveau humain. C'était trop difficile.
Un étudiant de niveau postdoctoral inscrit à l'université où je travaille habite en Inde. Dans ce pays, les bulletins de vote comptent souvent des dizaines de candidats. Ce sont des bulletins très longs; c'est une tâche impossible. Certaines personnes disent qu'il faudrait simplement imposer une limite et classer les cinq premiers. Cela pourrait être possible, mais cela dépendrait du mode de scrutin.
Quant aux modes de scrutin qui ont recours à une forme ou une autre de classement, il en existe environ une vingtaine. Il y a notamment le système de VUT utilisé en Irlande, mais je n'ai pas une grande expertise sur le sujet. L'un des bons systèmes est la méthode Borda, dans laquelle des points sont accordés en fonction du rang. Je pense que c'est semblable à la méthode qu'emploient les journalistes pour déterminer la meilleure équipe de hockey. On accorde cinq points pour le premier rang et quatre pour le deuxième. C'est de l'arithmétique de base. Le meilleur candidat est celui qui est le plus près du centre, l'homme ou la femme qui correspond le plus à la moyenne. Cela convient très bien lorsqu'on veut élire un président ou avoir quelqu'un qui représente la population.
C'est une question de philosophie. Voulez-vous un tel système pour un député, pour quelqu'un qui représente une circonscription? Voulez-vous le candidat moyen qui convient le mieux, ou un Parlement très diversifié? Si vous choisissez cette solution, vous vous retrouverez avec les partis les plus au centre. Au Canada, dans la plupart des cas, ce serait le Parti libéral ou le Parti conservateur. Dans certaines régions, cela pourrait être le NPD. On se retrouve donc avec une concentration.
J'ai fait une simulation pour le Québec, mais je n'en ai jamais fait pour l'ensemble du Canada. Pour le Québec, j'ai eu comme résultat le PLQ, le PQ et trois ou quatre députés de l'ADQ. Habituellement, on se trouve à écarter ceux qui sont moins au centre, et cela converge vers deux partis, ce qui est précisément ce que l'on veut éviter actuellement.
J'aurais toutefois recours à cette méthode pour un cas précis, celui des élections partielles. Dans un tel cas, vous voudrez peut-être revoir le mécanisme pour trouver un remplaçant; il s'agit de remplacer un député. On utiliserait une de ces méthodes perfectionnées pour trouver le meilleur candidat moyen pour le reste du mandat. Cela pourrait permettre à un autre parti de l'emporter, ce qui n'aurait peut-être pas été possible autrement.
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Non. Dans le système majoritaire que nous avons au Canada, le parti qui gagne l'élection a habituellement un pourcentage de députés plus élevé que le pourcentage de voix, sauf dans le cas où un gouvernement est élu avec une minorité de députés. Or, cela exige un gouvernement de coalition.
Au Canada, contrairement à ce qu'on pense, on est très ouvert aux gouvernements de coalition. En fait, 40 % des gouvernements canadiens ont été des gouvernements de coalition. Depuis 1963, ils ont gouverné pendant environ 20 % du temps. Un gouvernement qui a très bien fonctionné, c'est celui de Pearson. Ce n'était pas un gouvernement de coalition, mais un gouvernement appuyé par le NPD. Il a été élu à deux reprises et cela a très bien fonctionné. Ce gouvernement a été qualifié comme étant un des meilleurs gouvernements au Canada.
Au Canada, quand un parti élit une majorité de députés, il forme le gouvernement. Personnellement, je préconise l'attribution des fonctions parlementaires selon le pourcentage de votes obtenus plutôt que selon le pourcentage de députés élus. Actuellement, c'est le nombre de députés élus qui compte. Dans certains cas, un parti obtient la majorité des sièges avec une minorité de votes, alors que l'opposition officielle a plus de votes en pourcentage que le parti gouvernemental.
Il faudrait renverser les choses.
Ce genre de situation s'est souvent produit au Québec. Avec le système que je propose, on aurait pu renverser les choses, soit donner le gouvernement au parti qui a un pourcentage de votes plus élevé que celui qui a officiellement gagné selon le nombre de sièges. Cependant, il y a un cas dans l'histoire du Québec où cette logique était absolument impossible. C'est quand le Parti québécois a été élu et que le Parti libéral, je crois, était arrivé deuxième. Le Parti québécois avait obtenu tellement de députés que même en appliquant des ratios élevés — comme 1,2 —, on n'arrivait pas à déloger le Parti québécois.
Je ne pense pas qu'une telle situation soit arrivée au Canada, probablement parce qu'on joue avec de plus grands chiffres. Les risques, dans ce cas, qu'un tel problème survienne sont moindres au Canada. En général, le gouvernement qui est élu avec une bonne majorité reste en place, comme en Allemagne, d'ailleurs.
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Tout ce qui va changer un peu la façon de voter des gens va accrocher.
J'ai fait une expérience avec des étudiants de l'Université Laval, en 2007. On leur demandait simplement de mettre des candidats en ordre et de donner une évaluation. C'était trois modes de scrutin: le vote par assentiment; le vote par évaluation, où on donne des points, une note aux candidats; et le vote préférentiel, où on demande un ordre de préférence. Il y a 10 % des étudiants qui n'étaient pas capables de faire cet exercice. Ils faisaient une erreur, ils se trompaient, ils inversaient les candidats, ils ne mettaient pas les points. On était en mesure de le constater, car les résultats étaient incohérents d'un mode de scrutin à l'autre.
Donc, plus on va s'éloigner du mode de scrutin actuel, plus il va y avoir des problèmes. En pratique, au moins dès la première élection, ce sera très difficile. Cela dit, cela ne veut pas dire que cela ne se fait pas.
Un autre élément, aussi, c'est qu'on est habitué à avoir des gouvernements majoritaires. Quand ils sont minoritaires, on n'aime pas cela et ils ne durent pas longtemps. Ce sera donc des gouvernements de coalition.
Il y a un autre aspect important à noter qui n'est pas psychologique mais opérationnel. Il faut que le gouverneur général ait une autorité morale pour pouvoir dire qu'il préfère une coalition à un gouvernement minoritaire, si on lui en fait la proposition. S'il y a une élection anticipée pour des motifs farfelus, pour que le gouverneur général puisse dire non, il faudrait qu'il soit élu par le Parlement, et non nommé par le bureau du premier ministre. En Europe, partout où il y a des systèmes proportionnels, c'est comme cela. À un moment donné, il faut un juge pour trancher. Si un parti n'est pas capable de former le gouvernement, le gouverneur général devrait être en mesure de demander au deuxième parti qui a le plus de députés de prendre le pouvoir. Cela n'existe pas dans notre système actuellement, d'autant plus qu'on n'a pas de reine opérationnelle. C'est donc quelque chose qu'il faudrait avoir. Cela dit, ce genre de chose pourrait choquer les gens. Actuellement, le gouverneur général est une potiche, mais il pourrait devenir important. Cela aussi pourrait s'avérer un peu problématique.
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Monsieur le président, je vous remercie de m'accorder la parole.
Je dois avouer que je suis un peu fébrile à l'idée d'être de l'autre côté de la clôture. C'est à mon tour d'être cuisiné, après avoir peut-être terrorisé certains témoins qui ont comparu devant quatre comités permanents de la Chambre des communes où j'ai siégé pendant quatre ans et demi. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Je remercie tous les députés ici présents de participer à ce comité. Il s'agit d'un sujet essentiel qui me passionne depuis longtemps. C'est une des nombreuses raisons qui m'ont amené à faire de la politique de façon active.
J'ai eu le grand privilège d'être député pendant quatre ans et demi. J'ai été battu en 2015. Ce fut un grand privilège pour moi de participer à quatre élections fédérales, c'est-à-dire les élections de 2006, de 2008, de 2011 et de 2012. Si je parle de cet aspect, c'est qu'en 2006 et en 2008, mes chances d'être élu étaient très faibles, ce qui désolait énormément ma maman. Elle se demandait d'ailleurs pourquoi je me présentais pour le NPD.
Cela étant dit, j'ai toujours fait campagne sur le terrain, et j'ai fait énormément de porte-à-porte. En tant qu'observateur, j'ai aussi eu le grand privilège de voir le comportement des électeurs. À partir de ce moment, j'ai eu les éléments qui me permettaient de comprendre à quel point notre système de scrutin influençait le comportement des électeurs.
Je me souviens que, lors de ma première campagne, en 2006, nous avions les deux pieds dans la neige. Vous vous souviendrez sans doute de l'interminable campagne de 56 jours; celle de 2015 n'était pas la première. La journée du vote était le 23 janvier. À Québec, il neigeait pratiquement tous les deux ou trois jours, ce qui était horrible. À l'époque, mon chef, Jack Layton, n'était pas si connu. En fait, il fallait que je le mette en contexte auprès des électeurs en le décrivant comme l'homme moustachu qui souriait tout le temps. Alors, les gens le reconnaissaient et ils me disaient qu'ils l'aimaient bien. Cela permettait aux gens de me replacer en tant que candidat, en tant que représentant de ce chef de parti.
Par contre, en 2008, dans la plupart des foyers québécois, Jack était déjà, en quelque sorte, un membre de la famille. Cela m'a permis de faire une observation très importante et très intéressante. Les gens aimaient déjà énormément Jack Layton. Toutefois, la réaction de la plupart des gens était de me dire qu'ils voulaient voter pour moi, mais qu'ils ne croyaient pas du tout en mes chances d'être élu.
Ce comportement est largement répandu; il est induit, dès le départ, par notre système de scrutin uninominal à un tour.
Pour la plupart des gens — j'ai parlé de ma maman et de ce groupe d'électeurs —, ce qui est important, c'est que leur vote soit utile en votant pour le gagnant. Pendant une campagne électorale, le vrai défi, c'est de réfléchir à savoir qui gagnera l'élection et comment le vote d'un électeur pourra aller à ce gagnant, et ce, même si le candidat en question ne reflète pas nécessairement les intérêts, les besoins ou les objectifs des électeurs. C'est un défaut de notre mode de scrutin actuel, qui est très imparfait et que nous ne pouvons pas maintenir. Le statu quo nous forcerait à continuer de vivre avec des résultats qui ne reflètent pas la volonté de la population.
C'est aussi le cas pour un mode de scrutin uninominal à deux ou à plusieurs tours. La France fonctionne avec un système à deux tours, ce qui a amené des distorsions absolument extraordinaires. D'ailleurs, dans mon très court mémoire, je parle du résultat délirant de l'élection présidentielle de 2002. Le candidat du Front national, M. Jean-Marie Le Pen, s'était faufilé au deuxième tour. Par la suite, il a été écrasé honteusement en obtenant seulement 17,7 % des voix, alors que Jacques Chirac a obtenu plus de 80 % des voix. Cela a permis de révéler qu'une très grande partie des Français n'était absolument pas d'accord pour appuyer Jean-Marie Le Pen; c'était même un candidat qui les repoussait.
Cette élection a été un catalyseur qui a amené deux chercheurs français à penser au système de vote que je vais vous présenter. Cela les a convaincus qu'il fallait vraiment présenter une autre option aux gens.
J'ai parcouru, d'ailleurs, le document d'information sur les systèmes électoraux. Le système préférentiel comporte un peu les mêmes défauts que le système uninominal. En hiérarchisant les gens, en leur donnant un rang, cela peut entraîner des distorsions qui font que le candidat qui devrait être le plus objectivement possible le gagnant ne gagnera pas nécessairement. C'est que, par le jeu du deuxième et troisième rangs qui sont attribués à leur candidat, les électeurs peuvent faire en sorte qu'un candidat non attendu remporte la mise, en fin de compte.
Cela fait quand même 150 ans que nous utilisons le système uninominal à un tour. Nous pourrions très bien continuer ainsi. À ma connaissance, jusqu'à maintenant, au Canada, il n'y a pas eu d'émeutes à la suite de résultats électoraux. C'est un système qui semble être accepté, et même acceptable, pour ce qui est d'une bonne partie des gens. Par contre, c'est un système, malheureusement, qui ne reflète pas nécessairement la diversité des voix, des expressions, et qui donne des résultats qui peuvent même être contraires, je le répète, aux intérêts de la majorité des électeurs, que ce soit dans une circonscription électorale ou sur le plan national.
Je vous présente aujourd'hui le système de vote par jugement majoritaire. Il a été élaboré par deux chercheurs français, MM. Michel Balinski et Rida Laraki. C'est un système qui va briser la hiérarchisation et aussi les distorsions qu'on peut observer au sein des différents systèmes de scrutin qui existent dans le monde. D'ailleurs, dans mon mémoire — les témoins précédents en ont parlé —, il y a une réflexion sur les résultats de scrutin. Cela a été étudié de longue date. Des cas limites ont été considérés par des mathématiciens, des grands penseurs, qui ont démontré à quel point le résultat pouvait ne pas être fidèle à la volonté des gens. Le système de vote par jugement majoritaire rassemble vraiment les opinions de tout le monde.
Dans mon mémoire, j'explique que le théorème de Kenneth Arrow présente trois aspects très importants auxquels un système de vote doit répondre. Il doit toujours déterminer un gagnant pour la totalité des électeurs, ce que notre système actuel ne permet pas. Ensuite, il doit éviter qu'un candidat mineur, par sa présence ou par son absence, puisse influencer le résultat final. Enfin, il doit assurer l'égalité des voix des électeurs. J'irais même plus loin en disant qu'il doit assurer que la voix de tous les électeurs est prise en compte dans le résultat.
Je vous explique comment le système de vote par jugement majoritaire fonctionne. Au lieu de hiérarchiser ou de choisir un gagnant, les électeurs jugent chaque candidat. Le jugement qui est appliqué à chacun peut aller de « excellent », ce qui est très bon pour l'ego, jusqu'à « à rejeter », ce qui peut être très dur pour un politicien qui essaie de survivre personnellement.
Je vous mets en danger en vous proposant ce système de vote. Vous pourrez vous venger plus tard lorsque vous me poserez des questions.
Les deux chercheurs français que j'ai mentionnés ont mené des expériences très intéressantes lors des élections présidentielles de 2007 et de 2012. Elles ont permis de révéler, entre autres, ce que j'appelle la pensée cachée, qui est dissimulée à la totalité des citoyens d'un pays. Prenons l'expérience d'Orsay, en banlieue de Paris, qui a été menée à la sortie de trois bureaux de vote de cette municipalité. Les électeurs ont été invités à essayer librement le système de vote par jugement majoritaire. Les résultats ont été obtenus à la fois sur le plan national et dans la ville d'Orsay. Ces résultats ont été très différents. J'ai retenu moi-même cinq candidats de l'expérience d'Orsay, mais il faut se souvenir que, en 2007, il y avait 12 candidats.
En ce premier tour des présidentielles, en France, Nicolas Sarkozy est arrivé au premier rang; Ségolène Royal au deuxième; François Bayrou au troisième; et Jean-Marie Le Pen au quatrième.
Pour l'exercice, j'ai aussi choisi une candidate du Parti vert — ce n'était pas nécessairement en hommage à Mme Elizabeth May —, simplement parce que la différence du pourcentage de votes la concernant était vraiment remarquable: elle arrivait au huitième rang. En France, elle était quand même septième dans la ville d'Orsay. Si vous examinez les résultats de l'expérience menée auprès de 1 752 électeurs, vous constatez que la hiérarchie change. Avec le système de vote par jugement majoritaire, François Bayrou se retrouve au premier rang; Ségolène Royal est deuxième; Nicolas Sarkozy arrive troisième; et, premier gros changement, Dominique Voynet, la candidate du Parti vert, est en quatrième place. Quant à lui, Jean-Marie Le Pen, le chef du Front national, occupe le douzième et dernier rang. C'est que, dans son cas, plus de 70 % des 1 752 électeurs lui avaient carrément accordé la mention « à rejeter ». Cela permettait de révéler — c'est l'aspect que je trouve particulièrement important — nettement l'opinion de l'ensemble des électeurs.
Je ne voulais pas vous parler de la mécanique de ce système de vote. Je voulais surtout vous amener à réfléchir sur le fait que les gens puissent voir leur volonté reflétée réellement et complètement dans le cadre d'une élection, par un système de vote radicalement différent, et qui risque d'entraîner un grand changement du comportement des électeurs et des politiciens.
Je vois, monsieur le président, que mon temps de parole est épuisé. Je vous remercie.
De toute manière, j'ai très hâte d'être cuisiné par les membres du comité.
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Merci, monsieur le président. Merci à vous de m'avoir invité.
Je vous ai présenté un mémoire qui est le résumé des conclusions d'un petit livre militant que j'ai écrit et qui a été publié au début de cette année. Il est intitulé Un meilleur système électoral pour le Canada. Je vais résumer les conclusions de mon mémoire.
Dans ce mémoire, je vous rappelais les défauts du mode de scrutin que nous utilisons avant de vous dire qu'il y a deux choses qu'il vaut mieux éviter en faisant une réforme et deux choses qui amélioreraient beaucoup notre vie politique. Elles peuvent être faites conjointement.
Les défauts du mode de scrutin uninominal pluralitaire sont bien connus. Je mentionne dans mon livre quelques chiffres qui sont très frappants. L'année dernière, la Chambre des communes a été élue par 48 % des gens qui ont voté; 52 % des gens ont voté pour des candidats qui ont été battus. Le Parti libéral a obtenu 39,5 % des votes, dont un tiers sont allés à des candidats libéraux qui ont été défaits. Donc, la majorité libérale à la Chambre des communes a été élue par 26 % des gens qui ont voté, si on tient compte de l'abstention, 18 % des Canadiens en âge de voter. Si on faisait les calculs sur des élections précédentes, on trouverait parfois des chiffres encore plus navrants. Je pense que cela laisse une place importante à la possibilité d'améliorer les choses pour diminuer l'insatisfaction de beaucoup de nos concitoyens qui pensent que nos mécanismes électoraux sont très déficients.
La première chose à ne pas faire est une représentation proportionnelle appliquée dans des circonscriptions élisant chacune un grand nombre de députés, ce qui permet à un grand nombre de partis d'avoir des élus à la Chambre et comporte un risque sérieux d'indécision politique et d'instabilité. Tous les discours épouvantables qui sont tenus par les adversaires de la représentation proportionnelle sont justifiés partiellement dans les cas où la représentation proportionnelle permet d'avoir un très grand nombre de députés à la Chambre. Cependant, il est possible de faire une représentation proportionnelle qui n'a pas cet inconvénient.
La deuxième chose à ne pas faire, je crois, c'est un système mixte comportant des députés élus dans des circonscriptions uninominales et des députés élus de manière compensatoire. Cela aurait peu d'avantages par rapport à un système proportionnel plus simple et plus raisonnable et ce serait difficile ou impossible à mettre en oeuvre avant la prochaine élection. Ce qu'il faut faire, c'est une représentation proportionnelle modérée appliquée dans des circonscriptions élisant de trois à cinq députés. Cette expression de représentation proportionnelle modérée, je l'ai volée à Vincent Lemieux qui a été un de mes maîtres à penser pour réfléchir sur ces questions.
Il faut donc faire une représentation proportionnelle modérée avec un vote préférentiel. Les deux formules ne sont pas du tout opposées. Elles peuvent se combiner facilement et leurs avantages s'additionnent. Une représentation proportionnelle modérée ne serait pas très difficile à mettre en place parce qu'elle pourrait être faite en regroupant les circonscriptions actuelles sans changer leurs limites, sans changer le nombre de membres de la Chambre des communes et sans changer le nombre de députés par province. Ce serait moins difficile et plus rapide que de faire les nouvelles circonscriptions uninominales qui seraient nécessaire pour faire un système mixte.
La représentation proportionnelle modérée permet une répartition plus équitable des élus entre les partis importants et diminue beaucoup le nombre des votes qui n'élisent personne. Elle aurait aussi l'avantage de mettre fin à l'impossibilité pour un parti important d'avoir des élus dans une province ou dans une région du pays, comme c'est le cas aujourd'hui, par exemple, pour le Parti conservateur dans les provinces de l'Atlantique. On sait depuis longtemps que cette concentration régionale des élus est un des effets les plus néfastes pour le Canada du mode de scrutin que nous utilisons. C'est une idée très ancienne et justifiée.
Grâce au petit nombre de députés élus dans chaque circonscription, ces avantages seraient obtenus sans créer un risque d'instabilité gouvernementale attribuable à une prolifération des partis capables d'avoir des élus. La représentation proportionnelle modérée permettrait d'assurer la représentation locale qui est tellement importante pour tellement de gens au Canada, aussi bien ou même mieux que le système actuel ou qu'un système mixte.
Dans un système mixte, une partie des députés n'ont pas de base locale, alors que dans des circonscriptions ayant de trois à cinq sièges, tous les députés sont élus dans une circonscription territoriale. Ils la partagent avec d'autres députés. Certains peuvent être des alliés, d'autres peuvent être des adversaires. Le nombre de députés par rapport à la population resterait le même. Les députés ne deviendraient pas plus lointains ou plus difficiles à atteindre. La distance physique, parfois, serait un peu plus grande dans les villes. S'il y avait une circonscription unique dans la ville de Québec, cela ne poserait aucun problème de rencontrer un député par rapport à la situation d'aujourd'hui.
Dans les campagnes densément peuplées, cela ne présenterait pas non plus beaucoup de problèmes. En Gaspésie, il faudrait faire une circonscription qui va de Montmagny à Gaspé. Alors, là, peut-être que le problème de la distance commence à se poser, mais il y aurait quatre députés qui ne seraient pas obligés de tenir leur bureau tous au même endroit.
Dans les territoires nordiques, on pourrait garder trois circonscriptions uninominales, où le problème de la distance deviendrait tout à fait particulier. Cela ne changerait rien à la logique générale du système.
Pour les citoyens qui veulent faire une démarche auprès d'un député, je crois que des circonscriptions plurinominales élisant de trois à cinq députés représenteraient pour eux un avantage énorme. D'abord, c'est parce que la plupart d'entres eux auraient le choix de s'adresser soit à un député de la majorité gouvernementale, soit à un député de l'opposition. Aujourd'hui, ils n'ont pas du tout ce choix.
Aujourd'hui, pour plus de la moitié des gens qui ont voté, quand ils rencontrent leur député, ils rencontrent un député contre lequel ils ont voté, alors que là, presque certainement, ils auraient le choix entre leurs trois, quatre ou cinq députés. Je suis persuadé que les électeurs du Canada aimeraient beaucoup avoir cette possibilité.
À ce scrutin proportionnel modéré, il faut ajouter le vote préférentiel. Le vote préférentiel est le moyen le plus efficace pour faire en sorte que tous les votes comptent. Ils ne comptent jamais complètement également. Je ne crois pas que cela soit possible. On peut faire un mode de scrutin dans lequel tous les votes comptent. Pour ce qui est d'être exactement égaux, je crois qu'il n'y a aucun système appliqué aujourd'hui dans le monde qui permet ce résultat.
Le vote préférentiel devrait être une sorte d'obligation déontologique et pas dans les modes de scrutin, parce qu'il permet aux électeurs de voter sincèrement sans craindre de gaspiller leur vote ni d'être obligés de recourir au vote stratégique. Voter stratégiquement n'est pas immoral. Ce qui est immoral, c'est de maintenir un mode de scrutin qui oblige, au moment des élections, un très grand nombre d'électeurs à choisir entre voter stratégiquement ou donner un vote qui est complètement inutile. Je crois que c'est ce qui est immoral et non pas le fait de voter stratégiquement, qui est une conduite logique de la part des électeurs.
Le vote préférentiel place les électeurs dans une situation intellectuelle et morale qui est bien meilleure au moment de décider comment voter. Il a aussi l'avantage de permettre aux petits partis de connaître leur soutien réel dans la population et de jouer un rôle plus important dans le débat public sans créer de risques de prolifération des partis dans l'assemblée. Il incite les grands partis à tenir compte des préoccupations des électeurs des petits partis dont ils savent qu'ils ont eu des élus grâce à leur deuxième ou troisième préférence. Les petits partis n'ont pas forcément plus d'élus, mais ils jouent un rôle beaucoup plus important dans le débat public grâce au vote préférentiel. Cela inciterait peut-être les grands partis politiques à tenir des propagandes moins simplistes, parce qu'ils savent toujours qu'ils peuvent avoir besoin des deuxièmes ou des troisièmes préférences de leurs adversaires dans telle ou telle circonscription.
Si l'on fait une représentation proportionnelle modérée, les partis qui obtiennent moins de 17 %, 20 % ou 25 %, selon la taille des circonscriptions ou des votes, ne peuvent pas avoir d'élus. Donc, il reste justifié d'appliquer un vote préférentiel entre les partis. Donc, pour les partisans de ces partis, la nécessité du vote stratégique ne disparaît pas complètement avec la représentation proportionnelle. Il faut y ajouter le vote préférentiel. On peut aussi faire un système un peu plus complexe dans lequel les électeurs indiquent leurs préférences non seulement entre les partis, mais entre les candidats. Cela complique un peu le dépouillement des votes. Je ne crois pas que cela complique l'acte de voter pour les électeurs.
Il y a un système électoral comme cela en Irlande, qui a des mérites ou des défauts. Ce n'est pas pour les électeurs irlandais que ce système est difficile à appliquer.
C'est simplement qu'il faut attendre au lendemain soir pour connaître les résultats, en raison du temps qu'il faut pour calculer les résultats. C'est quelque chose qui peut être extrêmement justifié.
Ai-je encore une minute de parole? J'aimerais faire ma conclusion.
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Merci, monsieur Boulerice. C'est une très bonne question.
Au fond, le système est très simple et fait appel à une opération mathématique peu compliquée.
Pour chaque qualificatif, on compile les votes, les pourcentages. Qu'on parte du pire qualificatif, soit « à rejeter », ou du meilleur, c'est-à-dire « excellent », on fait le décompte pour en arriver à un seuil d'au moins 50 %. C'est ce qui permet de déterminer quel est le qualificatif majoritaire. C'est la raison pour laquelle le système porte ce nom.
Il existe plusieurs aspects dont je n'ai pas parlé, notamment des avantages majeurs de ce système électoral. M. Derriennic a traité du système de vote préférentiel, que je déteste profondément pour ma part. Au même titre que le mode de scrutin uninominal, ce système est facile à manipuler. En revanche, le système par jugement majoritaire est pratiquement à l'abri des manipulations extérieures.
Pour faire un peu de caricature, disons qu'une personne disposant de beaucoup d'argent peut acheter son élection en louant des autobus et en s'entourant de nombreux bénévoles qui, munis d'automobiles, transportent des électeurs. Il s'agit, lors d'une élection serrée, de s'assurer 500 ou 1 000 votes de plus pour battre un adversaire.
Dans le système par jugement majoritaire, comme il s'agit d'un seuil, le seul intérêt de remplir des autobus est de faire participer plus d'électeurs. Le système empêche complètement un candidat de choisir des électeurs pour faire pencher la balance en sa faveur. Les gens que le candidat transporterait et qui voteraient pour lui seraient dans la marée des 50 % d'électeurs. C'est peut-être un peu difficile à comprendre, mais ce système est d'une netteté extraordinaire qui empêche les manipulations.
Il y a d'autres aspects dont nous pourrons parler, mais je vais vous laisser poser d'autres questions.
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Je comprends très bien, madame May, que vous ayez de la difficulté à me suivre. J'ai déposé deux résolutions dans le cadre de mon militantisme au NPD, à la section Québec. Les deux fois, la résolution a été battue, probablement parce que les militants néo-démocrates n'étaient pas capables de me suivre à ce sujet.
La première chose, c'est que le vote par jugement majoritaire est un système à un seul tour dont le résultat arrive tel quel. Pour renchérir sur ce que M. Ste-Marie disait, la beauté de ce système, c'est que tout le monde s'exprime. Les gens s'expriment aussi sur les candidatures qu'ils détestent particulièrement. Ce n'est peut-être pas très beau d'encourager ce genre de comportement, mais il vaut peut-être la peine de l'utiliser.
L'autre élément, c'est l'absence de manipulation par rapport à un vote uninominal à un ou plusieurs tours ou à un vote préférentiel. En réalité, si on veut vraiment influencer le résultat du vote d'un candidat, il faut faire un pointage monstrueux et convaincre des électeurs qui ont une opinion plutôt mitigée ou timorée du candidat que l'on veut défaire d'émettre une opinion plus tranchée. Je ne peux pas imaginer un seul parti politique qui gaspillerait de l'argent à tenter de faire une opération de cette ampleur.
Mon ami Yvan Dutil, qui m'a précédé comme témoin, et moi avons étudié en physique à l'Université Laval. C'est pour cela que nous nous connaissons de longue date.
Moi, je vois la beauté mathématique de la chose, mais aussi sa simplicité, une fois qu'on comprend le principe de base. Cependant, je sais que c'est tellement différent par rapport à d'autres systèmes de scrutin. La plupart des gens sont incapables de me suivre sur cette question. Je persévère quand même. Le très grand intérêt de ce système de vote par rapport aux autres, c'est qu'à strictement parler, il est vrai que tous les votes comptent.
En fait, dans les articles des deux chercheurs français, vous pouvez examiner les résultats pour chaque candidat: excellent, très bien et ainsi de suite. L'électeur peut constater, par exemple, que Raymond Côté arrive à tel résultat alors qu'il avait rejeté cette candidature au départ. Il peut également noter que 15 % des électeurs l'ont aussi rejeté au final. L'électeur peut ainsi conclure que plusieurs personnes ont trouvé que ce candidat n'avait pas de bon sens.
Je pense que ce système de vote aura des répercussions positives sur nos élections. Du moins, il y amènera beaucoup plus de plaisir que les autres systèmes de vote. C'est une des raisons pour laquelle je cherche à vous convaincre.
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Vous considérez le pourcentage pour chaque qualificatif cumulé. Vous comptez à partir du qualificatif « à rejeter », et quand vous atteignez le seuil de 50 %, vous obtenez le qualificatif qui est appliqué au candidat. Quand vous partez du critère « excellent », vous faites le calcul jusqu'à 50 % et vous allez rejoindre exactement le même qualificatif. C'est la beauté du système, à la base.
À partir de là, les candidats sont déterminés premièrement en fonction de leur mention majoritaire, c'est-à-dire, comme vous le voyez dans les exemples de mon mémoire, « assez bien », « passable » ou « insuffisant ». À partir du critère majoritaire, vous effectuez la détermination en fonction des répartitions restantes en dehors de la mention majoritaire.
Pour l'élection de 2012, vous pouvez voir que François Hollande arrivait premier avec la mention « assez bien + ». En effet, il récoltait un plus gros pourcentage, au-delà de sa mention majoritaire, par rapport aux qualificatifs plus disgracieux ou moins inclusifs.
C'est très simple. Comme je le disais à Mme May, l'autre avantage du système est qu'on détermine dès le premier tour le gagnant, ou du moins la personne qui sera la représentante. Pour ma part, je déteste les systèmes à deux tours ou plus.
En outre, quand il voit les résultats s'afficher, l'électeur peut se dire qu'il a octroyé la mention « très bien » à celui qui va le représenter et s'en trouver très heureux. Cet aspect de la dynamique va modifier passablement le comportement de l'électeur.
En tant que futur candidat, je suis bien conscient de ne pas avoir d'autre choix que de dire à mes anciens concitoyens que je vais continuer en politique. Or le constat peut être vraiment très cruel.
Comme vous pouvez le voir, un sondage mené en 2012 en France indiquait que Marine Le Pen, qui arrivait troisième au premier tour en vertu du système traditionnel, arrivait huitième sur dix candidats parce que 47 % des électeurs français la rejetaient. Sa mention était « insuffisant – ». Cela permet de révéler au grand jour dans quelle mesure les électeurs ne veulent rien savoir de candidats extrémistes comme Marine Le Pen ou son papa.
D'une part, l'effet moins conflictuel résulte potentiellement, ou devrait résulter, du vote préférentiel du fait que, de nos jours, les partis politiques exagèrent les différences entre eux. Ils font cela tout le temps. Nous en avons la preuve: six mois après une élection, il y a toujours des commentateurs pour déclarer que le nouveau gouvernement agit presque de la même manière que son prédécesseur, et pratique lui-même ce qu'il dénonçait par le passé.
Le discours politique dans notre système électoral conduit à l'exagération des différences entre les partis politiques, ce qui n'est pas bon pour l'intelligence des électeurs. Je pense que les citoyens sont en mesure de comprendre beaucoup de nuances en politique et de comprendre qu'il serait préférable d'avoir un discours politique un peu moins simpliste. Cela devrait être un effet du vote préférentiel, dans le cadre duquel on ne s'intéresse pas seulement aux électeurs convaincus du parti, mais où on sait qu'on a besoin de tenir un discours pour pouvoir obtenir les deuxièmes préférences ou les troisièmes préférences des autres. Il s'agit là de l'aspect moins conflictuel du débat politique.
D'autre part, il y a la question régionale. Le premier article de science politique canadienne que j'ai lu, alors que j'étais encore Français, a été écrit par Alan Cairns au cours des années 1960. Il y expliquait alors que notre mode de scrutin exagérait les conflits régionaux et donnait l'illusion que le Québec de l'époque était entièrement libéral et que l'Alberta était entièrement conservatrice, alors que ce n'était pas vrai du tout.
Donc, la représentation proportionnelle modérée, en permettant la représentation des minorités idéologiques dans les différentes provinces et dans les différentes régions, diminuerait aussi le niveau de conflictualité. Sur le plan du discours, ce qui me frappe au Canada, c'est à quel point la société est beaucoup moins conflictuelle que le discours politique. Prenons simplement le discours politique, notamment au Québec, qui met en opposition les anglais, les français, les indépendantistes, et ainsi de suite. Or, lorsqu'on observe le comportement des gens, on constate qu'ils sont beaucoup plus compréhensifs et coopératifs, même avec des gens différents politiquement et de par la langue, que l'impression que donne le discours politique. Cela est très dommage.
Ce serait bien que nous ayons un débat politique un peu plus intelligent, un peu plus nuancé. Ce nouveau mode de scrutin pourrait y contribuer.
Je crois que j'ai oublié le début de votre question.
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Je me présente. Je suis directrice du Groupe femmes, politique et démocratie et c'est au nom de mon organisme que je suis ici aujourd'hui. C'est un organisme dont la mission est l'éducation à la participation citoyenne auprès de l'ensemble de la population, mais plus particulièrement auprès des femmes que nous accompagnons et soutenons pour qu'elles soient plus nombreuses dans les lieux de pouvoir.
En fait, la représentation paritaire prime sur toutes les autres en démocratie. Elle incarne le pluralisme politique, la diversité culturelle tout autant que les conditions de vie des différentes personnes.
Je voudrais rappeler aux membres de la commission la situation des femmes au fédéral. Elles ont obtenu le droit de vote en 1918 et celui d'éligibilité en 1920. Aujourd'hui, 95 ans plus tard, 26 % des députés à la Chambre des communes sont des femmes.
J'ai fait des calculs à partir des statistiques que l'on retrouve sur le site de la Chambre. Si l'on compare les pourcentages, la progression des femmes n'est même pas de 1 % par élection.
J'ai continué mes calculs. J'ai établi des projections. Cela prendrait 24 élections à peu près tous les quatre ans, c'est-à-dire un siècle, pour atteindre la parité femmes-hommes à la Chambre des communes. Cela nous amènerait en 2109.
En octobre dernier, à la suite de l'élection, nous avons émis un communiqué de presse justement pour faire état de la situation, pour nous réjouir de certaines avancées, dont un Cabinet paritaire. Cependant, comme cette situation n'est pas inscrite dans une loi, elle va disparaître, comme ce fut le cas au Québec, où nous avons déjà vécu la situation.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'au palmarès des nations, le Canada se plaçait au 46e rang, en octobre 2015, en ce qui concerne la présence des femmes au Parlement, et qu'à présent, comme Mme Romanado le disait tout à l'heure, nous sommes au 64e rang.
Donc, le message que nous voulons vous transmettre aujourd'hui, c'est qu'il faut, s'il vous plaît, trouver des façons ou ajouter des mécanismes en vue de régler cette inégalité. Les femmes forment 50,4 % de la population canadienne. C'est une question de démocratie.
Merci.
Je ferai deux remarques. J'aurais bien aimé que vous veniez en Estrie, parce que cette région a des particularités. Nous avons deux grandes universités avec des facultés de sciences politiques appliquées. Les échanges auraient donc pu être vraiment intéressants, tant avec les étudiants qu'avec les professeurs de ces facultés.
Ce qu'il y a de particulier aussi de la région de l'Estrie, c'est qu'elle constitue, en importance, le quatrième pôle d'intégration multiculturelle au Québec. Il y a plus de 40 communautés multiethniques en Estrie. Ces gens-là sont un peu perdus dans le système électoral actuellement, et ils ne se sentent pas bien représentés, c'est certain.
Il y a aussi la présence anglophone. Il y a tout près de 25 % d'anglophones et, dans certaines régions, 50 % des municipalités sont anglophones. Ces gens veulent que leurs droits soient protégés, et je comprends très bien cela. Ce qu'ils désirent, au fond, c'est que leur vote ait un poids. Des chiffres ont été avancés aujourd'hui qui laissent entendre que si un gouvernement est élu avec 38 % du soutien populaire et que le taux de participation est de 60 %, le soutien réel est d'à peu près 20 %, et même encore plus bas si l'on compte les députés élus avec une réelle majorité.
Ces collectivités veulent être bien représentées. Peu importe la forme de représentation proportionnelle choisie, ce qui doit compter le plus, c'est le poids du vote. En faisant une petite croix au bas du bulletin de vote, le citoyen s'assure-t-il d'une représentation à la Chambre des communes? C'est ce qui est important.
Depuis des décennies, lorsqu'un parti est porté au pouvoir, il gouverne selon sa doctrine économique et idéologique. Ainsi, les gens ayant voté pour d'autres partis, qui représentent une proportion de 60, 70 ou 80 %, ne se sentent pas représentés, ne se sentent pas protégés et, surtout, ne sentent pas qu'ils ont une voix à la Chambre des communes.
Merci beaucoup.
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Merci de nous consulter.
Sauf erreur, vous semblez proposer une réforme qui tend vers le vote proportionnel mixte. Or, n'est-ce pas là un pansement sur une jambe gangrenée? La réforme n'ouvre-t-elle pas la porte à une multitude de changements possibles afin de corriger un lot de problèmes existants?
Nous sommes actuellement régis par un système britannique qui n'a jamais vraiment correspondu à la volonté populaire. Le régime actuel est une dictature où le chef impose la ligne du parti et où les députés, principalement ceux d'arrière-ban, deviennent des potiches utiles bien davantage dans les circonscriptions qu'à la Chambre des communes.
Les Québécois aiment se reconnaître dans leurs députés, lesquels deviennent, en quelque sorte, leurs porte-parole apartites. Je propose de diviser les provinces selon leur superficie. Deux députés apartites par circonscription seraient élus pour une période de cinq ans, un homme et une femme, pour une réelle égalité à la Chambre des communes. Les circonscriptions ne seraient plus jamais orphelines, et il ne faudrait plus tout recommencer parce que tout serait jeté à la suite d'élections générales ou lors d'un changement de députation.
En parallèle, un chef de parti serait élu pour cinq ans, lors d'une élection générale, pour devenir premier ministre, choisir ses ministres, gérer le pays et convaincre la Chambre des communes de changer des lois et règlements. Sur le bulletin de vote, il y aurait deux sections. Dans la première section, on demanderait au citoyen de choisir un parti et, dans la deuxième, on proposerait deux ou trois chefs par parti. L'électeur devrait cocher le nom de son chef préféré dans le cas de chaque parti. Au comptage du scrutin, le directeur général des élections déclarerait le parti vainqueur selon le total canadien de votes. Pour ce parti victorieux, le directeur général des élections déclarerait le chef vainqueur selon la totalité des votes dans le pays.
Pour conclure, « une personne, un vote » n'est pas une formule démocratique. Un village aura toujours plus d'élus que la campagne moins populeuse, donc les idées du village passeront toujours en premier.
Un pénalité financière pour que les partis augmentent leur représentation féminine ne réglera pas le problème de la parité hommes-femmes.
Par ailleurs, demander une représentation pour les minorités visibles ouvre une boîte de Pandore. Si nous confions un poste à un Noir, faudra-t-il en trouver un pour un Asiatique, un handicapé, un musulman, un Juif, un sikh, un Amérindien, un transgenre, un jeune? Où s'arrête la représentation des minorités?
L'âge de 18 ans pour l'admissibilité au vote est l'âge où la majorité des gens est apte à bien saisir les choix qui s'offrent et leurs conséquences. Le Canada est un pays où la liberté est une priorité. Il ne faudrait obliger personne à aller voter.
Pour conclure, le gouvernement devrait obliger les municipalités à tenir une liste électorale permanente. Ce sont elles qui sont à même de contrôler facilement qui vit sur leur territoire. Tous les services fédéraux, provinciaux et territoriaux devraient être branchés à cette liste pour qu'elle soit toujours la plus exacte possible. Les gens n'auraient plus à s'adresser à plusieurs services pour un changement d'adresse. Ils aviseraient la municipalité et tous les services seraient mis au courant, comme cela se fait en Allemagne.
Je m'appelle Nicolas Saucier et je suis de Québec. Je suis un ancien étudiant de M. Derriennic, et j'ai été à l'emploi de la Chambre des communes pendant trois législatures. Donc, je connais assez bien ces enjeux.
On m'a toujours dit que j'étais né dans un pays démocratique, mais mon parcours de vie me montre que ce n'est pas le cas, parce que depuis que j'ai le droit de vote, aucun gouvernement n'a été élu avec 50 % des voix. Depuis que j'ai le droit de vote, l'année où il y a eu le plus grand pourcentage de voix en faveur du gouvernement élu a été 1988, avec 43 %. Donc, 57 % des gens avaient voté contre ce gouvernement. La pire année a été 2006, avec 34,5 % des voix, ce qui signifie que 65,5 % ou les deux tiers de la population n'avaient pas voté pour le gouvernement élu. Depuis ma naissance, une seule fois, en 1984, le gouvernement élu a récolé la majorité, en l'occurrence 50,03 % des voix, par la peau des fesses. Avant cela, en 1958, ce nombre avait été de 53,6 %. Il y a donc eu un écart de 26 ans entre ces deux élections où le gouvernement a été élu avec plus de 50 % des voix, et un pareil écart sera de 35 ans, si l'on tient pour acquis que le prochain gouvernement sera élu avec plus de 50 % des voix lors de la prochaine élection.
Cela n'est pas tellement démocratique. Mon inquiétude, c'est que les deux principaux partis s'accommodent fort bien depuis longtemps de ce système non démocratique. Je suis inquiet. Je félicite l'effort que fait le Parti libéral en proposant un changement. Je suis très inquiet de voir que le Parti conservateur a le pied sur le frein et frôle l'accotement pour s'assurer de ralentir les choses.
J'entends beaucoup l'argument du nirvana. J'enseigne en communication à l'université. Dans les cours d'argumentation, on entend des arguments fallacieux, dont l'argument du nirvana. Selon cet argument, si la solution proposée n'est pas parfaite, on doit la rejeter. C'est facile. On trouve un défaut à une solution proposée et on l'élimine parce qu'il y a un défaut. C'est voir la paille dans l'oeil alors qu'on a une poutre dans l'oeil, je dirais même dans le front.
On a un système qui n'est pas démocratique depuis des années, et là, on pinaille en disant que ce n'est peut-être pas idéal, tout cela. N'importe quelle solution proposée serait préférable au statu quo ou au système actuel.
En terminant, je serais curieux de savoir si un seul député autour de cette table a été élu par plus de 50 % des électeurs de sa circonscription.
Quand on cherche à définir ce qu'est la démocratie et à séparer les États hautement démocratiques de ceux qui le sont moins, on s'adresse d'abord au mode de représentation qu'un État s'est donné. Le critère primordial pour permettre de juger du caractère démocratique de ce mode de représentation est alors la représentativité du Parlement relativement à ses électeurs. Or, si le Canada a la réputation d'être une démocratie modèle, un examen à peine superficiel de ses institutions démocratiques révèle qu'il ne passe pas le test le plus élémentaire. Notre mode de scrutin n'est pas représentatif. Chaque élection nous permet de le constater une fois de plus. Les intentions de vote ne sont pas reflétées dans la composition de notre Parlement. Lors des deux dernières élections fédérales, c'est avec environ 40 % des intentions de vote que le gouvernement a obtenu une majorité absolue.
Le Canada a connu de profondes transformations au cours de sa démocratisation. Il est devenu une société diversifiée où l'expression d'opinions multiples et plurielles est non seulement acceptée, mais encouragée, et je peux moi-même en témoigner en tant qu'immigrant. Or, de manière fort malheureuse, cette diversité des opinions qui fait notre force n'est pas représentée au Parlement. Prenons un exemple fort simple. Dans les provinces de l'Atlantique, lors de l'élection générale de 2015, seuls des candidats libéraux ont été élus. Quant à tous les citoyens de ces provinces qui n'ont pas d'affinités avec le Parti libéral, ils sont ignorés.
On peut résumer les problèmes du système électoral actuel à cinq éléments. Il y en a probablement plus, mais restons-en à cinq.
Premièrement, le parti élu au suffrage d'une minorité de citoyens peut gouverner en tant que majorité, comme l'a démontré l'intervenant précédent en faisant un survol des dernières années.
Deuxièmement, le système est instable, car des changements mineurs dans les intentions de vote, des variations de quelques points de pourcentage, par exemple, peuvent amener des changements graves dans la représentation. Encore une fois, dans les provinces maritimes, les libéraux sont passés de quelques sièges en 2011 à une totalité des sièges en 2015. Est-ce que tout le monde dans les Maritimes est devenu libéral? Je ne le crois pas.
Troisièmement, dans chaque circonscription, le choix électoral se limite aux candidats qui représentent les partis. Si aucun candidat du Parti vert ne se présente dans sa circonscription, le citoyen ne peut pas voter pour ce parti. Cette situation ne s'applique pas seulement au Parti vert, mais à tous les partis qui sont non représentés.
Quatrièmement, si une région vote pour le mauvais candidat, elle n'est pas représentée au sein du gouvernement.
Enfin, cinquièmement, un vote comporte trois décisions: l'élection du chef de gouvernement, d'un parti et d'un député. On aime généralement se faire croire qu'on vote d'abord pour un député, mais en vérité, peu de citoyens connaissent le nom de leur député ou du candidat pour lequel ils votent. Toutefois, si on vote pour un député, pourquoi a-t-on des partis, et pourquoi le nombre de députés élus se traduit-il automatiquement par l'élection du premier ministre?
De la même façon, on peut résumer les avantages de la proportionnelle à cinq éléments. Tout d'abord, elle représente réellement les intentions de vote au Parlement. Ensuite, elle favorise une pluralité de visions et d'opinions au Parlement. En outre, elle est plus stable pour les partis, parce que leur représentation au Parlement est plus stable. Entre 2011 et 2015, on a vu le Québec passer de orange à plutôt rouge.
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Je ne répéterai pas les arguments qui ont déjà été avancés en faveur du mode de scrutin proportionnel mixte, en faveur du vote obligatoire, en faveur du vote par Internet, et ainsi de suite. Je pense que c'est progressiste et que cela représenterait des progrès.
J'aimerais faire un parallèle entre notre vie en société et notre système électoral. Par exemple, dans une classe d'école, chaque élève a le droit de parole et le droit de s'exprimer. Quand je suis au travail et que je participe à une rencontre d'équipe, chaque personne dans l'équipe a le droit de s'exprimer, puisque chaque opinion a de la valeur.
C'est la même chose au Parlement. Vous êtes quelque 338 députés et chacun d'entre vous a le droit de s'exprimer, parce que toutes les opinions ont de la valeur, même si leurs poids respectifs sont différents. Tout le monde peut s'exprimer. Le système électoral, ultimement, devrait donc permettre la même chose. Une opinion devrait pouvoir être exprimée, qu'elle ait l'appui de 5 %, 15 % ou 40 % de la population.
J'aimerais faire un autre parallèle. Dans un groupe, il y a souvent une personne qui est plus gênée et qui va moins parler. En général, on veut faire parler cette personne, on veut qu'elle s'exprime même si elle en a moins envie. C'est la même chose pour le système électoral. Il est important d'entendre tout le monde qui a une opinion, et ce, même si la personne s'exprime moins.
En revanche, parfois quelqu'un monopolise la conversation et parle un peu trop. On veut bien l'entendre, mais pas tout le temps, parce qu'on veut aussi entendre les autres. C'est la même chose dans un système démocratique. Si un parti a 40 % des votes, on ne veut pas qu'il ait 65 % du droit de parole au Parlement, qu'il empêche la conversation, qu'il domine dans les médias et qu'il ne fasse que ce qu'il veut.
Je pense qu'il est important que la voix de tout le monde soit représentée, pour refléter nos moeurs sociales quotidiennes, à l'école, à l'université, au travail et au Parlement. Il est important que les voix de tous soient représentées, que personne ne domine la conversation et que tout le monde puisse s'exprimer.
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Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je vous remercie de cette invitation à comparaître devant le Comité. Le travail que vous faites est des plus pertinents et des plus essentiels pour la vitalité de la démocratie canadienne. Il est d'autant plus important que, s'il débouche sur une réforme du mode de scrutin, cela risque d'avoir une influence très sentie sur les institutions des autres instances canadienne en vertu d'un mimétisme institutionnel. Le choix que votre comité fera risque d'avoir des répercussions au-delà du Parlement fédéral.
Je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de prendre la parole devant vous. Je ne suis pas ici ce soir pour présenter mon mode de scrutin favori ou pour vous indiquer mes préférences personnelles. Je veux surtout mettre en lumière certains éléments dans la littérature scientifique qui sont en lien avec la réforme du mode de scrutin.
En 2015, il y a eu un colloque sur la vitalité démocratique au Canada et au Québec. Il était organisé par la chaire que je dirige, en collaboration avec Élections Canada et le directeur général des élections du Québec. Dans le cadre de ce colloque, nous avons préparé un sondage auprès des Québécois afin de voir s'ils appuyaient certaines réformes électorales. Ce sondage n'était pas pancanadien; il n'a été mené qu'au Québec.
Ce sondage nous a permis de constater que la population souhaite un changement du mode de scrutin. Selon le sondage CROP qu'on a réalisé en 2015, dans une proportion d'environ 70 %, la population est en faveur d'une forme de proportionnalité dans le cadre d'une réforme du mode de scrutin.
L'élément qui plaide le plus en faveur d'une réforme du mode de scrutin est celui de la représentation. On veut atténuer les distorsions inhérentes au mode de scrutin actuel. Deux éléments sous-tendent la réforme en vue d'améliorer la représentation.
D'abord, d'un point de vue mathématique, cela permettrait de réduire les distorsions, de cesser de pénaliser les plus petits partis et de cesser de favoriser de façon disproportionnée le parti qui arrive au premier rang. Dans le mode de scrutin uninominal à un tour, il y a une prime au premier qui favorise les distorsions. Au Québec, à certaines occasions qui ne sont pas trop lointaines dans l'histoire, des partis politiques ayant recueilli le plus de votes se sont retrouvés dans l'opposition.
Le deuxième élément est d'ordre idéologique. Il faudrait que les différents courants présents dans la société soient aussi représentés au Parlement. C'est pour cette raison qu'on a vu l'intégration d'une forme de proportionnalité dans les réformes du mode de scrutin à travers le monde. Par ailleurs, je dirais qu'un des arguments les plus soulevés pour maintenir le système actuel en place est celui du lien entre le député et sa circonscription.
En 2011, on a réalisé une étude, qui a été publiée dans une revue scientifique en 2014. Cette étude a été réalisée auprès de parlementaires québécois qui siègent à l'Assemblée nationale du Québec ou à la Chambre des communes à Ottawa. Entre autres choses, on leur a demandé quelle était leur perception des attentes des citoyens par rapport à leur travail de parlementaire, qu'il s'agisse de leur travail dans leur circonscription, de celui de législateur ou de contrôleur du gouvernement. La vaste majorité des parlementaires ont dit croire que les citoyens s'attendent à ce qu'ils soient de très bons représentants de leur circonscription, qu'ils ne comptent pas leurs heures, qu'ils soient très présents sur le terrain et qu'ils travaillent fortement à résoudre les problèmes individuels des gens de leur circonscription.
On a voulu valider si les attentes des Québécois correspondaient à la perception qu'en avaient les députés. À notre plus grande surprise, on a constaté un écart important. Ce n'est pas du tout l'attente première des citoyens québécois qui ont été sondés lors d'un sondage CROP.
La principale attente des citoyens envers leur député n'est pas qu'il représente leur circonscription. Ils souhaitent d'abord et avant tout qu'ils soient des contrôleurs du gouvernement, et ce, peu importe leur affiliation politique. Les citoyens veulent que les députés, même s'ils occupent une fonction de ministre, jouent le rôle de contrôleurs de l'activité gouvernementale et qu'ils questionnent les politiques gouvernementales, et ce, au-delà de la ligne de parti.
Il faut donc apporter des bémols ou des nuances à l'argument relatif au lien du député avec sa circonscription. Actuellement, il y a un écart entre ce que la population québécoise souhaite et la perception que les députés ont par rapport aux attentes de la population. Il est sûr que cela peut varier selon la région. En région moins urbaine, l'attachement au député de la circonscription est considéré comme étant plus important. Néanmoins, il y a un important écart au chapitre de la perception.
L'autre élément sur lequel je veux insister est la légitimité d'agir du Parlement. Il y a un débat sur la question de savoir si le mode de scrutin a une portée constitutionnelle et s'il entraîne une obligation de modification majeure. La lecture que j'en fais, tant dans mes enseignements que dans mon analyse de la Constitution, est qu'il n'y a pas de convention constitutionnelle associée au mode de scrutin. C'est vrai qu'une loi électorale a un statut particulier et qu'elle commande la recherche d'un consensus pour être modifiée. L'enjeu d'un référendum sur le changement du mode électoral est d'abord et avant tout politique et non juridique. Il relève des acteurs politiques.
Je veux maintenant aborder les limites d'une réforme électorale qui porterait sur le mode de scrutin. Selon la littérature scientifique, on fait une erreur en pensant que le changement du mode de scrutin accroîtrait la participation électorale. En effet, la croissance du taux de participation associée à un mode de scrutin est marginale. À cet égard, on parle de quelques points de pourcentage. J'ajouterais qu'il est peu probable qu'à elle seule, cette mesure contribue à diminuer la méfiance ou le cynisme observé envers la classe politique.
L'Eurobaromètre, qui mesure des données au sein de l'Union européenne, a un indice sur le déclin du niveau de confiance des citoyens envers les parlements. En Europe, les modes de scrutin sont souvent différents de celui du Canada. En Allemagne et dans les pays scandinaves, on intègre la proportionnalité. Selon les données de l'Eurobaromètre, depuis une dizaine d'années, il y a un déclin du niveau de confiance envers tous les parlements, peu importe le mode de scrutin choisi. La crise de confiance n'affecte pas seulement les régimes parlementaires ayant un mode de scrutin uninominal à un tour. La crise de confiance à l'égard des élus et des parlementaires transcende, si l'on veut, les modes de scrutin.
Quoi qu'il en soit, une réforme du mode de scrutin doit être vue comme une mesure parmi d'autres pour rétablir la confiance envers nos institutions et nos élus. Dans notre colloque, on a parlé de discipline partisane. Par exemple, comment peut-on faire en sorte que la discipline de parti soit moins rigide? Paradoxalement, elle est plus rigide à Québec qu'à Ottawa, et elle est plus rigide à Ottawa qu'à Londres. Il y aurait même un avantage à revisiter l'évolution qu'il y a eu dans le système politique britannique, afin de voir comment les députés des différentes formations politiques bénéficient d'une plus grande marge de manoeuvre que ce qui existe à Ottawa.
La question de la parité hommes-femmes est aussi un enjeu. Dans le sondage qui a été fait, on a observé un appui à cette parité. Si le Comité le souhaite, je pourrai déposer un exemplaire du sondage qui a été réalisé à l'époque.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie infiniment de cette invitation à comparaître devant le Comité. C'est un honneur de pouvoir prendre la parole devant vous.
Je comprends que j'ai été invité en tant que citoyen, mais surtout en tant qu'ancien commissaire de la Commission du droit du Canada qui a participé à la préparation d'un rapport sur la réforme du système électoral. Je vais dire quelques mots sur la Commission du droit du Canada avant de parler du contenu de ce rapport.
La Commission a été créée par une loi du Parlement pour fournir des conseils indépendants sur l'amélioration, la modernisation et la réforme du droit au Canada. Nous avons travaillé à plusieurs sujets, tels que la médiation, et produit des rapports sur des sujets tels que la sécurité, la propriété intellectuelle et le droit familial. Nous avons aussi produit un ensemble de rapports sur les Autochtones, Ceux-ci ont été déposés au Parlement pour que celui-ci en prenne acte et qu'il puisse en suivre ou non les recommandations. C'était fantastique, pour une équipe formée de personnes indépendantes, de pouvoir nourrir le débat démocratique.
Malheureusement, le Conseil du Trésor du précédent gouvernement a mis fin à la Commission du droit du Canada en éliminant son budget. Je profite de cette tribune pour vous encourager vivement à recréer la Commission du droit du Canada. Ceux qui sont plus âgés se souviendront qu'il y a d'abord eu la Commission de réforme du droit du Canada, qui a pris une forme différente avec la Commission du droit du Canada. Cette dernière me semble avoir constitué un beau modèle, mais il faudrait en trouver un qui résiste aux bousculades d'un gouvernement à l'autre ce dont, d'ailleurs, notre mode de scrutin est peut-être responsable.
Je passe à la question du mode de scrutin. En matière électorale, la Commission du droit du Canada s'est intéressée aux institutions qui définissent nos concepts de droit et promulguent nos lois. La question était de savoir si un système qui répondait aux valeurs du XIXe répondait toujours aux valeurs du XXIe siècle. Évidemment, j'ai entendu comme vous les commentaires des citoyens qui ont fourni leurs témoignages à cet égard et la Commission du droit du Canada a aussi entendu ces critiques. Elles étaient les mêmes en 2002 et en 2004. Je comprends donc très bien la situation dans laquelle vous êtes placés. C'est en réponse à ces critiques face au processus démocratique que la Commission a entrepris ce projet. Elle a constaté un malaise relativement à notre système actuel. Depuis 1945, les résultats des élections fédérales sont disproportionnés, c'est-à-dire qu'elles favorisent des partis dont les électeurs sont concentrés dans certaines circonscriptions comparativement aux partis dont les électeurs sont répartis dans tout le pays.
La Commission a d'abord produit un document de consultation après avoir rencontré des experts, tels que des professeurs. Par la suite, nous avons tenu une discussion pendant deux ans à partir de ce document. Nous avons consulté des citoyens et des experts et, lorsque nous nous posions des questions au sujet de certains aspects, nous lancions d'autres études. Deux ans plus tard, nous avions un rapport de 230 pages contenant 23 recommandations qui, d'après nous, répondent le mieux aux différentes critiques que vous avez entendues plus tôt et que vous avez probablement entendues lorsque que vous participiez à vos différents travaux. C'est un travail qui a été financé par nous, les électeurs. Le rapport s'intitulait en français: Un vote qui compte: la réforme électorale au Canada.
Pour fonder des réformes, il fallait identifier des valeurs. Nous avons donc identifié un certain nombre de valeurs et nous avons mesuré les différents systèmes politiques pour déterminer quels sont ceux qui correspondent le mieux aux valeurs qui sont privilégiées. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que le système électoral doit être juste, ce qui veut dire que le groupe parlementaire de chaque parti doit correspondre au pourcentage des voix exprimées, que le Parlement devrait mieux refléter la composition de la société, c'est-à-dire les femmes, les autochtones et les minorités, et que les parlements devraient encourager l'expression d'un large éventail de points de vue. De plus, les gens considèrent encore comme important le fait d'entretenir un certain lien avec leur député sur le plan régional, même si c'est une valeur qui change.
Il y a d'autres valeurs que nous avons identifiées, soit d'avoir un gouvernement efficace qui puisse gérer l'État, d'avoir un gouvernement responsable, d'avoir une opposition efficace, de s'assurer que chaque vote compte et que chaque région est représentée dans les processus de prise de décisions et que les décisions reflètent la diversité des points de vue et soient donc plus inclusives. Je les ai énumérées un peu rapidement, mais je vous encourage vivement à lire le document. Elles y sont mieux expliquées.
Le système qui, selon nous, reflète le mieux ces valeurs du XXIe siècle est un système de représentativité proportionnelle en vertu duquel 66 % des députés sont élus comme nous le faisons actuellement et 33 % sont élus à partir de listes. Ces 33 % permettent de combler le déséquilibre que crée le système actuel. L'idée était donc de dire à la population que nous avions trouvé une solution. Elle consistait à lui offrir deux votes: un pour élire un député dans une circonscription et un autre, à partir de listes, pour élire un représentant. Évidemment, la composition des listes permet de favoriser l'inclusion de femmes, d'Autochtones et de membres des minorités.
Les coûts de la mise en oeuvre d'une telle mesure pourraient être limités, c'est-à-dire qu'il faudrait accroître la superficie de certaines circonscriptions pour pouvoir limiter le nombre de députés élus dans celles-ci et augmenter le nombre de ceux choisis à partir de listes.
Je vous invite de nouveau à lire le rapport, parce que différents problèmes ont été soulevés. Nous nous sommes demandés, par exemple, si un député élu à partir d'une liste devait avoir le même statut qu'un député élu dans une circonscription. Beaucoup d'autres questions ont été posées auxquelles nous avons répondu dans le rapport.
En fait, je comprends que la réforme du système électoral n'est pas une chose facile. Vous avez un beau défi devant vous. À l'époque, j'avais parlé notamment à l'Association canadienne des ex-parlementaires et j'ai senti une certaine résistance de sa part. Bon nombre de ceux qui ont été élus grâce à un certain système se disent que si cela a fonctionné pour eux, pourquoi changer le système qui leur a permis d'être élus. Vous allez donc vous retrouver avec le bras politique qui conçoit le système, mais aussi avec les politiciens qui jouent avec le système.
Le système que nous avons proposé est selon moi facile à vendre à la population. Il y aurait donc deux façons de faire: 66 % de députés élus dans une circonscription et 33 % à partir de listes. Selon moi, cette proportion permettrait de corriger le déséquilibre et de répondre aux valeurs du XXIe siècle.
Je vais m'arrêter ici et je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
J'ai une dernière question.
Hier soir à Toronto, un citoyen — et non un témoin invité — a dit qu'il se sentait traumatisé, anéanti, déchiré par la nécessité de voter stratégiquement. Évidemment, cela m'a marqué, d'une certaine façon.
En matière de vote stratégique, j'ai observé qu'il n'était pas difficile pour l'électeur de voter pour le candidat local lorsqu'il n'aimait pas le parti de ce candidat. À certaines occasions, des gens m'ont effectivement dit voter pour moi et non pour mon parti. Cela ne semblait pas très déchirant. Là où cela le devient, à mon avis, c'est au niveau des partis, par exemple lorsque l'électeur veut vraiment voter pour un parti, mais sent le besoin de voter pour un autre parti pour en bloquer un troisième. C'est dans ce cas que cela devient très difficile, notamment sur le plan émotif.
Pensez-vous que l'adoption d'un système proportionnel va éliminer la nécessité de voter stratégiquement?
Autrement dit, même dans le cadre d'un système proportionnel, va-t-il encore y avoir des circonstances où l'électeur va décider de voter pour un candidat pour éviter qu'un autre candidat soit élu?
Lorsqu'on parle de sciences politiques, il me semble qu'on parle d'analyse, et lorsqu'on commence à analyser les choses, on fait des calculs. C'est normal.
Cela dit, va-t-on éliminer ce fléau qu'est le vote stratégique?
Monsieur Montigny, vous avez la parole.