AAND Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 5 mai 1998
[Français]
Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.)): Nous nous excusons pour le léger retard. Nous allons entreprendre aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, une étude sur le développement économique autochtone.
Nous avons aujourd'hui des témoins de l'association Inuit Tapirisat of Canada. Leurs porte-parole sont la présidente, Mme Okalik Eegeesiak, et M. Alan Braidek. Nous avons également, de la Société panarctique de la logistique inuit, MM. Ken Drolet, Don Axford et Don Allard.
Madame Eegeesiak, avez-vous une déclaration à faire?
[Traduction]
Vous avez dix minutes pour votre intervention.
Mme Okalik Eegeesiak (présidente, Inuit Tapirisat of Canada): Dix minutes? D'accord.
[Note de la rédaction: Le témoin parle dans sa langue maternelle]
Merci, monsieur le président. Je vous félicite de représenter un peuple très fier, celui des Inuits du nord du Québec.
Je suis la présidente de l'Inuit Tapirisat of Canada. J'aimerais présenter à nouveau certaines des personnes ici qui font également partie de l'ITC. Wenda Watteyne travaille pour nous comme conseillère en matière de politique. Michael McGoldrick travaille pour Makivik Corporation. Terry Forth travaille pour Nunasi Corporation à Iqaluit. Alan Braidek est mon directeur exécutif. Ken Drolet est le directeur exécutif de la Société panarctique de la logistique inuite. Don Allard travaille également pour Makivik Corporation.
Je vais vous présenter mes observations, et ensuite Ken prendra le relais. Nous répondrons ensemble à vos questions sur l'ITC et sur la SPLI.
• 1120
Merci d'avoir invité l'ITC à venir témoigner devant votre
comité. Nous espérons que notre participation vous aidera dans
votre examen de la façon dont les peuples autochtones, le secteur
privé et les gouvernements peuvent promouvoir le développement
économique et la formation des compétences nécessaires pour créer
des emplois et accroître les possibilités dans les communautés
autochtones du Canada.
Personnellement, je suis très content de savoir que vous avez décidé de consacrer votre attention, au cours des prochaines semaines, à la question du développement économique des populations autochtones. Je suis également ravi de savoir que vous avez prévu d'aller dans plusieurs communautés du Nord pour vous rendre compte personnellement des défis qui se posent au développement économique de nos communautés et pour entendre les témoignages de nos organisations inuites locales et régionales.
J'ai hâte de lire les recommandations que vous allez proposer à l'issue de votre étude de la situation, et apprécie l'intérêt que vous portez à cet important aspect des politiques, programmes et structures de financement du gouvernement fédéral. Il est crucial, pour les communautés inuites du Canada, que l'on prenne ces questions en considération.
Avant de continuer, j'aimerais décrire brièvement le mandat et la structure de l'ITC pour ceux qui ne sont pas au courant. L'ITC a fait l'objet d'une réorganisation l'an dernier. Il s'agit d'un organisme à but non lucratif voué à la promotion des besoins et aspirations des Inuits du Canada. Il a été créé en 1971 et représente, par le biais des organisations chargées des revendications territoriales, plus de 41 000 Inuits vivant dans 55 communautés inuites situées dans les Territoires du Nord-Ouest, au Labrador et au Québec.
Pour votre information, sachez que pour les Inuits, la partie du Québec située au-delà du 55e parallèle, est une région qui fait l'objet du règlement des revendications territoriales et se dénomme le Nunavik. En outre, les Inuits ont toujours considéré que les Territoires du Nord-Ouest actuels se répartissaient en quatre régions culturelles faisant partie des revendications territoriales inuites: la région du Qiqiktani, ou Baffin; la région du Kivalliq également connue sous le nom de Keewatin; le Kitikmeot; et la région de l'Inuvialuit.
Vous savez peut-être que le Qiqiktani, le Kivalliq et le Kitikmeot forment un ensemble qui se nomme le Nunavut. Les communautés situées le long de la côte Nord du Labrador constituent la région traditionnelle de règlement de revendications territoriales du Labrador inuites. Ensemble, ces six régions constituent le territoire des Inuits; elles sont reliées par leur langue, leur culture et leur style de vie.
Nous vous avons apporté un feuillet d'information sur les régions de revendications territoriales inuites, qui contient une carte indiquant les régions de règlement des revendications territoriales inuites ainsi que de plus amples renseignements sur les Inuits. Il a été publié par l'ITC et le MAINC. La carte se trouve à la page 11.
Et, ce qui complique encore les choses, notre territoire inuit a également été sous-divisé en quatre grandes régions distinctes pour le règlement des revendications territoriales. Trois des ententes ont été conclues et la quatrième, qui vise les Inuits du Labrador, est en cours de négociation. J'espère voir aboutir bientôt ces négociations et pouvoir célébrer l'entente avant l'expiration de mon mandat.
Les quatre organisations chargées du règlement des revendications territoriales inuites, qui représentent ensemble tous les Inuits du Canada, sont représentées au conseil de l'ITC afin de permettre une coordination efficace des questions inuites d'envergure régionale et nationale. Nos intérêts internationaux sont défendus par le biais de la Conférence circumpolaire inuite, qui est accréditée auprès des Nations Unies et d'autres organismes en tant qu'organisation non-gouvernementale.
L'ITC joue un rôle important en se faisant le porte-parole des Inuits à propos de questions de politique intérieure et s'occupe de nombreuses questions d'importance cruciale pour la préservation de l'identité, de la culture et du style de vie des Inuits.
L'ITC doit constamment tenir compte du fait que notre territoire inuit a été divisé—non pas par nous—en plusieurs juridictions provinciales et territoriales différentes. Ceci a déterminé la façon dont nos revendications territoriales ont été négociées, réglées et mises application, et également grandement influé sur la façon dont les programmes du gouvernement fédéral et des provinces et territoires ont été mis en oeuvre dans les communautés inuites du Canada.
En règle générale, donc, j'aimerais préciser avec autant de force que possible, en guise d'introduction à mon intervention devant vous à propos du développement économique dans les communautés inuites, que les Inuits sont fatigués d'être compartimentés et sous-divisés pour des raisons de compétence ou d'administration lorsqu'il s'agit de cadres stratégiques de politiques fédérales-provinciales-territoriales dans lesquels nous sommes censés entrer parfaitement, ou de structures de programmes ministériels dont il nous faut inévitablement tenir compte.
• 1125
Nous aimerions plutôt travailler avec vous, les représentants
politiques du gouvernement fédéral, avec vos fonctionnaires
également, pour élaborer un régime de programmes spécifiques aux
Inuits, qui pourront s'appliquer aux organisations inuites aux
niveaux national et provincial, et qui serviront à fournir des
mécanismes efficaces de mise en oeuvre des programmes en faveur des
communautés inuites.
J'aimerais également vous rappeler que les Inuits, contrairement aux peuples des Premières nations qui vivent sur des réserves, paient des impôts. Nous payons des impôts sur le revenu. Nous payons la TPS. Nous payons des impôts provinciaux.
Pour vous donner un exemple, un skidoo acheté à Ottawa coûte environ 5 000 $, mais le même skidoo vendu à Iqaluit revient probablement à 9 000 $. Et l'acheteur doit en plus acquitter les frais d'expédition. L'Inuit paie donc des taxes sur le prix de 9 000 $ et sur le coût du transport.
Il en va de même pour tout ce que l'on appelle les impôts occultes, comme les taxes sur les cigarettes, l'essence et l'alcool. Nous payons des impôts.
Pour en venir plus précisément aux questions soumises à l'étude de votre comité, il me semble que les problèmes liés au développement économique des Autochtones ont été examinés de façon approfondie au cours de ces dernières années sans avoir donné lieu à beaucoup de politiques ou programmes gouvernementaux destinés à régler les problèmes des Inuits. Lorsqu'on regarde les rapports de la Commission royale sur les peuples autochtones ou du Groupe de travail national sur le financement des Autochtones, on constate que ces questions ont fait l'objet de nombreuses études complètes et que d'excellentes recommandations ont été soumises à la considération du gouvernement.
De même, la réponse du gouvernement fédéral à la Commission royale sur les peuples autochtones, publiée sous le titre de Rassembler nos forces: Le plan d'action du Canada pour les questions autochtones, a fait ressortir que les éléments du plan d'action seront mis en oeuvre pour renforcer les collectivités du Nord et établir une base économique plus forte dans le Nord. Le gouvernement s'est également engagé à établir une nouvelle relation avec les Inuits.
En m'appuyant sur ces rapports et sur leurs nombreuses recommandations spécifiques, j'aimerais soumettre trois grandes priorités à la considération de votre comité en ce qui a trait au développement et à la promotion du développement économique des Inuits. Ce sont quelques-uns des problèmes sur lesquels nous aimerions que vous vous penchiez.
J'aimerais proposer aux organisations inuites nationales et régionales de lancer, en collaboration avec vous, les représentants du gouvernement du Canada, un grand projet visant à définir des cadres stratégiques et des mécanismes de mise en oeuvre des programmes appropriés à chacun des trois secteurs de priorité suivants. Nous voyons dans cette démarche le début des relations entre gouvernements envisagées par le gouvernement fédéral, dans sa réponse au rapport de la Commission royale. Nous considérons également cette initiative comme la façon la plus efficace de mettre en application les politiques, les programmes et les activités de financement du gouvernement fédéral en faveur des Inuits.
La première de ces priorités devrait être l'élaboration de mécanismes pour la prestation des services consultatifs aux entreprises dans toutes les communautés inuites du Nord. A l'heure actuelle, ces services sont assurés de diverses manières et avec une efficacité variable selon les régions. Nous aimerions mettre au point un programme complet de services consultatifs destinés aux diverses communautés inuites du Canada, qui soit fondé à la fois sur des compétences professionnelles et sur une connaissance détaillée des réalités sociales, culturelles et économiques de la vie et du travail dans le Nord. Souvent, lorsque nous avons affaire au gouvernement, les fonctionnaires auxquels nous nous adressons ne savent rien de notre situation dans le Nord et nous devons traiter avec eux par téléphone. Ces services consultatifs aux entreprises devraient en outre être assurés par l'entremise des organisations inuites appropriées, avec un financement adéquat provenant des hautes instances du gouvernement.
En deuxième lieu, il conviendra d'élaborer une base de connaissances et d'informations dont les Inuits pourront se servir pour accéder aux marchés local, régional, national et international. Les entreprises inuites sont déjà bien implantées sur bon nombre de ces marchés avec une large gamme de produits et de services, mais il reste beaucoup à faire notamment en effectuant des études pour trouver des débouchés commerciaux particuliers et des créneaux très spécialisés dans lesquels les sociétés inuites pourraient se lancer avec succès, en particulier les entreprises commerciales susceptibles d'avoir des débouchés sur les marchés d'exportation.
• 1130
Dans le cadre de ces études de marché, il conviendrait
également de mener des recherches pour identifier certains
programmes d'acquisition gouvernementaux clés qui pourraient être
utilisés pour aider les entreprises inuites, peut-être en
collaboration avec d'autres entreprises non inuites, à participer
plus pleinement aux diverses économies régionales du Nord et à la
vie économique plus large du Canada. La participation réussie des
Inuits au contrat du gouvernement fédéral pour l'exploitation et la
maintenance du Système d'alerte du Nord, grâce à la création de la
SPLI, est un excellent exemple de l'importance que certains
programmes d'acquisition du gouvernement fédéral peuvent avoir pour
la promotion du développement économique des Inuits et la
réalisation des objectifs d'emploi des Autochtones.
En troisième lieu, je propose que nous examinions de plus près les questions d'accès au capital. Il est urgent d'effectuer de nouvelles études et consultations pour voir comment les organisations inuites régionales, les agences gouvernementales concernées et le secteur des services financiers peuvent s'unir afin de trouver des moyens novateurs pour mettre les services financiers nécessaires à la disposition de toutes les communautés inuites du Nord, quelle que soit leur importance ou aussi éloignées soient-elles. Il faut trouver, en consultation avec les organisations régionales inuites, des mécanismes pour fournir aux sociétés et entrepreneurs inuits des sources de capitaux propres facilement accessibles et répondant aux besoins des entreprises de toutes tailles et de tous les secteurs de l'économie. Ces sources de capitaux devraient être accessibles durant toutes les phases du cycle commercial, depuis les études de faisabilité jusqu'au lancement de l'entreprise, à l'étude de marchés ou de produits nouveaux et à l'expansion des activités, entre autres choses.
Afin de lancer sérieusement la discussion sur ces trois secteurs prioritaires, j'aimerais en outre proposer la tenue d'une série de forums dans les six régions inuites du Canada, auxquels participeraient des représentants des organisations régionales inuites, des sociétés de développement régional inuites, du gouvernement et des institutions financières nationales et régionales intéressées. Ces forums régionaux auraient pour mandat d'élaborer des propositions spécifiques pour la mise en oeuvre de politiques, de programmes et de structures administratives spécifiques aux Inuits, favorisant la promotion du développement économique inuit à l'intérieur de la région, et tenant compte des trois secteurs identifiés.
Il conviendra d'établir comme principe de base à observer dans l'élaboration de toute structure de prestation de programmes ou de mécanismes destinés à promouvoir le développement économique inuit, de recourir en premier lieu aux organisations régionales inuites pour la mise en application des programmes. Il conviendra toutefois de mettre au point des mécanismes pour coordonner efficacement les actions des organisations régionales inuites, des ministères et organismes gouvernementaux et des structures commerciales de la région. L'objectif sera d'établir des entreprises inuites viables, qui pourront se lancer en affaires seules ou en participation avec des entreprises non inuites ou du Sud.
Le financement des mécanismes de développement économique proposés qui devront être pris en charge par les organisations régionales inuites devra également, dans la mesure du possible, être assuré par le biais d'arrangements financiers interministériels pluriannuels tenant compte du coût élevé de la prestation des programmes dans le Nord.
Comme vous le savez sans doute, les communautés inuites du nord du Canada ne sont accessibles toute l'année que par voie aérienne et, durant une courte saison, par mer. Cette réalité a un effet important sur les possibilités de développement économique de la région ainsi que sur le coût de la prestation de toutes sortes de services.
Une nouvelle sorte de «voie de communication» est en train de commencer à relier les Inuits entre eux et avec le reste du monde. Les possibilités qu'offre Internet pour réduire les distances et rendre accessibles d'importantes sources d'informations même aux collectivités les plus petites et les plus reculées sont vite devenues évidentes pour de nombreux Inuits et autres personnes. Lorsque toutes nos collectivités auront accès à cette technologie, on pourra également s'en servir pour offrir les services consultatifs aux entreprises et autres programmes aux localités éloignées du Nord.
Cette technologie permet en outre de recueillir et de diffuser des renseignements sur les entreprises inuites et sur les biens et services qu'elles offrent. Ces renseignements pourraient servir à d'autres entreprises inuites, aux organismes de planification régionaux, aux organismes chargés des approvisionnements du gouvernement et aux autres entreprises non inuites susceptibles de s'associer avec des sociétés inuites. Il serait bon que le gouvernement et les organisations régionales inuites, lorsqu'ils définiront la politique proposée de développement économique spécifique aux Inuits et les mécanismes de prestation des programmes, étudient cette technologie et voient comment l'on pourrait s'en servir.
• 1135
En résumé, nous aimerions que votre comité considère comme
prioritaires les questions ayant trait aux services consultatifs
aux entreprises, à l'accessibilité des marchés et des capitaux, et
surtout, à l'équité du régime fiscal. Nous attendons avec
impatience les recommandations que vous proposerez pour que les
politiques et programmes du gouvernement fédéral soient appliqués
de façon plus efficace en faveur des Inuits et du développement du
marché local de l'emploi et de la promotion du développement
économique des communautés inuites.
Nous avons également apporté un document que nous avions soumis au MAINC, intitulé «Proposed Items for Discussion Leading to an Inuit-specific Action Plan». Les Premières nations ont déjà arrêté leur propre plan d'action avec le gouvernement. Il a déjà été publié. Quant à nous, nous n'avons pas encore entamé les négociations avec le ministère.
Comme toujours, L'ITC est disposé à travailler avec votre comité et avec le gouvernement pour concevoir et mettre en application une politique et des programmes propres aux Inuits.
[Français]
Le président: Madame la présidente, je tiens aussi à vous féliciter pour votre déclaration.
[Traduction]
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): J'aimerais invoquer le Règlement, monsieur le président.
[Français]
Le président: J'aimerais prendre une minute, en terminant, avec Mme Eegeesiak. Je tiens à vous remercier pour la brochure que vous nous avez apportée concernant la manière de renseigner les lecteurs sur votre culture et votre histoire. C'est très bien fait et nous l'apprécions vraiment.
Monsieur Bryden.
[Traduction]
M. John Bryden: Monsieur le président, j'aimerais proposer une motion pour modifier le schéma suivi pour les questions depuis un certain temps par notre comité, afin de le rendre conforme à ce qui se fait dans les autres comités. Ma motion propose que durant la période d'interrogation des témoins, le président donne tour à tour la parole à des députés de l'opposition et du gouvernement, l'un après l'autre, au lieu de suivre le schéma actuel qui consiste à donner la parole à tous les députés de l'opposition avant de passer à ceux du gouvernement.
J'aimerais proposer cette motion officiellement, et je crois que le secrétaire parlementaire appuiera cette motion, si je peux vous la soumettre.
[Français]
Le président: Monsieur Bryden, est-ce que vous présentez cette motion parce que les députés ont plusieurs réunions de comités parlementaires et que cela vous permettra d'aller à d'autres comités? Est-ce aussi parce que vous craignez de ne pas avoir l'occasion de parler si vous tardez trop?
[Traduction]
M. John Bryden: Non, monsieur le président, en fait, je propose la motion pour que notre façon de poser les questions soit conforme à la pratique des autres comités, où les députés des deux côtés ont autant d'occasion de poser des questions, quel que soit leur nombre à la Chambre des communes.
Pour l'instant, les députés de l'opposition ont autant de possibilité, du fait de leur affiliation politique, de poser des questions que les députés libéraux, et cela est en réalité au détriment des députés du gouvernement dans notre comité, car vous avez systématiquement donné la parole jusqu'à présent, monsieur le président, à chacun des députés de l'opposition avant de la donner à un député libéral. Or nous sommes aussi nombreux de ce côté de la table que du côté de l'opposition. Bien que le gouvernement libéral soit majoritaire politiquement, nous sommes minoritaires lorsqu'il s'agit de poser des questions ici, et j'aimerais donc que l'on remédie à cela.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Bryden.
Monsieur Keddy.
[Traduction]
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Rapidement, monsieur le président, j'estime qu'il est évident que nous devrions attendre que notre comité ait fini pour discuter de cette question, afin que nous puissions continuer notre travail.
Nous observons ce schéma afin que chaque parti ait la même possibilité, pas chaque personne, d'intervenir. Si nous passons d'un député de l'opposition à un député du gouvernement, votre député conservateur, c'est-à-dire moi-même, assis au bout de la table, risque de ne pas avoir l'occasion de poser sa question avant la fin de la journée. C'est ce qui m'inquiète.
Je suis d'accord pour discuter de cela, mais je pense que nous devrions le faire à un autre moment et attendre pour voter qu'il n'y ait plus personne avec nous, car j'ai encore beaucoup à dire à ce sujet.
[Français]
Le président: Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Pour ma part, je pense que nous ne devrions pas discuter de cela devant nos invités mais plutôt après si nous en avons le temps. Vous pouvez me dire si vous voulez qu'on en discute immédiatement ou plus tard. Avez-vous une décision à prendre là-dessus? Moi aussi, je veux que nous ayons un débat, mais je ne trouve pas cela très poli pour nos invités qui sont ici.
Le président: Monsieur McNally.
[Traduction]
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Je suis d'accord avec mes collègues. Je suis prêt à en discuter, mais je crois qu'il vaudrait mieux le faire à un autre moment.
[Français]
Le président: Monsieur Patry.
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je pense que M. Bryden a raison. C'est très important car nous sommes désavantagés. En fait, lorsqu'on regarde ce qui s'est passé avec les témoins précédents, il faut parfois attendre une heure, une fois la discussion commencée, pour poser notre première question.
Je crois que le plus important, lorsque la greffière dit à nos témoins qu'ils ont cinq ou dix minutes pour faire leur présentation, est de s'assurer que ce temps est respecté, et de vérifier ensuite, lorsque le président attribue le temps de parole à chaque député, que s'il donne cinq minutes, l'intervention ne dure pas dix ou quinze minutes.
Je crois que la décision revient au président, mais je suis entièrement d'accord avec la motion de M. Bryden. De notre côté, nous nous sentons très désavantagés par le fait que parfois nous ne posons aucune question, ou parfois une seule question par heure. Je crois qu'il serait juste pour tout le monde—j'essaie de ne pas poser de question supplémentaire, juste pour être sûr de donner tout le temps aux autres députés.
Si l'opposition veut que tous les côtés soient d'accord, je crois qu'il ne s'agit pas de voter pour ou contre. Nous pourrions peut-être faire l'essai aujourd'hui pendant cinq minutes et voir si ça marche ou pas, mais au moins faisons l'essai. Si cela convient à tout le monde, je crois que nous pourrions continuer ainsi.
Le président: Monsieur Finlay.
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Par respect pour nos témoins et compte tenu de ce qui a été dit ici, je suis d'accord avec tout ce qui a été dit. Mais si nous n'arrêtons pas, nous n'arriverons pas à poser des questions.
Je propose que nous mettions la motion de côté et que nous la réexaminions plus tard.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Finlay. Nous avons effectivement reçu une motion, mais je tiens à vous dire que nous n'avons pas le quorum pour la mettre aux voix. Nous aimerions donc en débattre plus tard, en l'absence des témoins, car je pense qu'il est souhaitable que nous ayons une bonne et franche discussion entre députés.
[Traduction]
Le quorum est de neuf, nine.
[Français]
Je vous prie de m'excuser, mais nous allons passer à la période de questions. Vous avez une déclaration à faire, monsieur Drolet?
[Traduction]
Avez-vous quelque chose à dire?
[Français]
M. Ken Drolet (président, Société panarctique de la logistique inuit): Monsieur le président, membres du comité permanent, bonjour. Merci de nous avoir accordé cette occasion de vous entretenir de la Société panarctique de la logistique inuit, dont le sigle est SPLI ou, en anglais, PAIL.
Nous vous fournirons d'abord quelques renseignements à notre sujet; nous vous parlerons ensuite de notre expérience dans le domaine du développement économique; nous discuterons de questions touchant le développement économique dans le contexte des Inuits et du Nord; et nous formulerons quelques recommandations sur la façon dont les programmes et les activités d'acquisition actuelles et futures pourraient être améliorées pour le plus grand bien des Inuits et du gouvernement du Canada.
[Traduction]
Le SPLI est une entreprise unique et florissante qui représente les intérêts collectifs et reflète le talent commercial des Inuits du Canada. Les quatre groupes d'Inuits, les Inuvialuit de l'Arctique de l'Ouest, les Inuits de Nunavut, les Nunavik du nord du Québec et les Inuits du Labrador, sont les propriétaires de l'entreprise et sont représentés par leurs sociétés de développement respectives. On a mis sur pied la SPLI en 1994 afin de faciliter l'importante participation des Inuits au fonctionnement et au maintien du Système d'alerte du Nord pour le compte du ministère de la Défense nationale.
Il est à noter que 46 des 47 sites de radar du Système d'alerte du Nord dans l'Arctique canadien et le long de la côte du Labrador se trouvent dans trois des quatre régions faisant partie des revendications territoriales des Inuits. Notre participation se fait sous forme d'entreprise conjointe avec une compagnie canadienne non autochtone, la Frontec Corporation d'Edmonton. Un des principaux objectifs de la SPLI au cours de son contrat actuel de cinq ans est de former des Inuits qualifiés qui pourront faire partie de l'effectif du Système d'alerte du Nord afin que les Inuits participent de façon égale à cette activité panarctique.
• 1145
Les dispositions des ententes pertinentes sur la revendication
territoriale globale prévoient un cadre précis pour le
développement de l'économie inuite au moyen de la formation, du
perfectionnement et de la participation à des projets et à des
activités reliés à des acquisitions afférentes au gouvernement.
Nous sommes en train de résoudre plusieurs des problèmes rencontrés au début dans la mise en oeuvre de l'esprit et de l'intention de ces engagements et le Conseil du Trésor a émis des directives et une orientation aux ministères intervenants afin de s'assurer que les sociétés autochtones compétentes ont l'occasion de participer aux activités associées à leur communauté et leur région.
Dans des cas précis, l'utilisation stratégique de programmes gouvernementaux importants peut entraîner l'emploi de ressources importantes et faciliter des initiatives afin d'atteindre les importants objectifs socio-économiques et combler les lacunes existantes. Tel était le cas du Système d'alerte du Nord lorsqu'en 1984 le Parlement a décidé que le second objectif de ce programme de défense serait de favoriser le Nord et les Inuits. Il en a suivi une participation importante des Inuits, des entreprises et des particuliers, dans la phase d'immobilisation du projet, surtout dans la construction, le transport et diverses activités logistiques connexes. Depuis quelque temps, on met plutôt l'accent sur la participation des Inuits à tous les aspects de l'exploitation, de l'entretien et des activités de soutien du système qui est situé dans les régions où ils sont établis.
Sans la participation coopérative de tous les groupes d'Inuits au Système d'alerte du Nord au moyen d'une entente collective, telle la SPLI, la participation inuite aurait été fragmentaire et fort probablement reléguée à des rôles sans importance, ce qui aurait contribué fort peu à l'amélioration des capacités des Inuits à participer pleinement aux grandes activités de développement ou de contribuer à leur développement économique.
Non seulement les Inuits acquièrent une formation valable dans le cadre d'un système moderne complexe, alors que plusieurs se joignent à l'effectif du SAN en tant qu'employés à plein temps, mais ils développent également des compétences et une expérience qui peuvent être mises en valeur dans le cadre de plusieurs activités industrielles de l'économie du Nord et du pays en général.
La formation d'un groupe important d'individus compétents est essentielle à la réalisation d'un développement économique durable pour le bénéfice de tous les Inuits. Bien sûr il est impossible de former de tels groupes dans les nombreux champs d'activités reliés à des systèmes techniques complexes en peu de temps.
Les entreprises conjointes et autres formes d'associations stratégiques avec des sociétés non autochtones peuvent fournir le mécanisme nécessaire au développement des compétences et de l'expérience nécessaires pour que les Inuits puissent jouer un rôle toujours plus important dans le cadre de ces activités très exigeantes. Voilà précisément la réalisation de notre entreprise conjointe avec Frontec dans le cadre de l'exploitation et de l'entretien du Système d'alerte du Nord.
L'expérience positive de la participation coopérative des Inuits au Système d'alerte du Nord au moyen de la SPLI a fait que cette association a été utilisée dans le contexte plus général du développement des entreprises inuites. Plusieurs fonctions autrefois attribuées au Conseil canadien du développement des entreprises inuites font maintenant partie du mandat de la SPLI. Notre rôle comprend la coordination avec l'Inuit Tapirisat du Canada et la Conférence circumpolaire inuite afin de faciliter les initiatives de développement économique et commercial au niveau national pour les Inuits. Par exemple, la SPLI se sert de son site Internet pour signaler les occasions d'affaires et d'emplois qui intéressent les Inuits. Nous prévoyons travailler en étroite collaboration avec le gouvernement et les diverses agences inuites afin de bientôt mettre sur pied une base de données efficaces.
La participation de la SPLI au Système d'alerte du Nord a beaucoup bénéficié aux Inuits. Par exemple, beaucoup des revenus créés sont retournés à leurs sociétés de développement et ont servi à financer diverses entreprises commerciales ainsi que des activités de développement économique se rapportant à chacune des quatre régions. En vertu du contrat existant du Système d'alerte du Nord, nous nous sommes engagés à débourser une somme minimale de six millions de dollars pour le développement des entreprises. C'est déjà chose faite. Plus de 85 Inuits ont participé à la formation en milieu de travail et la plupart de ceux qui ont réussi le cours ont trouvé un emploi rémunérateur au Système d'alerte du Nord ou ailleurs.
• 1150
Un certain nombre d'obstacles à un rendement plus efficace du
développement économique se sont manifestés lors de l'expérience du
Système d'alerte du Nord. En général, on progresse, mais voici une
liste des questions qu'il faudra examiner si l'on veut continuer à
progresser.
Les antécédents scolaires - Bien que le programme de formation des Inuits se soit révélé un succès, le manque de diplômés de l'école secondaire ayant les compétences requises en mathématiques et en sciences a limité notre capacité de combler les occasions de formation et d'emploi dans des domaines de haute technologie, notamment des postes de technicien en électronique et en maintenance des installations. Il s'agit d'un problème très répandu dans le Nord et le système d'éducation n'est pas près de le régler.
Entre temps, de nouvelles initiatives telles que le programme des techniques de génie électronique que vient d'annoncer le Collège Aurora, nous permettent d'espérer que l'on trouvera les candidats qu'il faut pour les emplois dans notre entreprise conjointe ainsi que dans des entreprises similaires dans le Nord. La participation efficace à la planification à long terme revêt également une grande importance. Le développement du capital humain et des compétences appropriées ainsi que de la capacité de participer à diverses activités de développement est un travail de longue haleine.
Il faut absolument que les organismes et les entreprises inuits participent aux activités de planification à long terme du gouvernement fédéral et du secteur privé afin de pouvoir participer pleinement et de façon efficace aux occasions futures de développement.
Les renseignements au sujet des possibilités et des services consultatifs connexes aux entreprises - Mes collègues et d'autres personnes ont déjà mis l'accent sur l'importance de disposer de renseignements opportuns et utiles afin d'évaluer et de poursuivre les occasions d'affaires. Je ne puis qu'ajouter qu'il me semble très important de simplifier les processus fort complexes qui rendent difficile l'accès à une grande variété de renseignements et de sources nécessaires à des décisions d'affaires efficaces.
Une consultation adéquate au sujet des acquisitions - Bien qu'on ait indiqué aux ministères intervenants l'importance de satisfaire aux exigences précises des engagements pris dans le cadre des ententes sur les revendications territoriales, il n'est pas certain que la consultation se fasse toujours de façon à tenir compte des objectifs de développement économique des Inuits.
Par exemple, la participation continue des Inuits au Système d'alerte du Nord a obtenu le soutien évident des quatre chefs inuits régionaux au nom de leurs groupes respectifs et pourtant les fonctionnaires du gouvernement ont suggéré d'ouvrir le dialogue en vue du prochain contrat sans avoir consulté ces mêmes chefs et les sociétés respectives de développement au sujet du processus alors que les intérêts collectifs des Inuits avaient été clairement indiqués.
Le coût du transport - L'importance d'une infrastructure et de services rentables afin de soutenir le développement économique devrait être évidente. Le prix élevé du transport dans le Nord est un des obstacles au développement économique. Le transport par air est pratiquement la seule option disponible pour la plus grande partie de l'année et le volume restreint de la circulation, les grandes distances et une infrastructure limitée font que les coûts demeurent élevés.
La Loi visant la commercialisation des opérations du Système de navigation aérienne, qui autrefois faisait partie de Transports Canada, comprend des mesures reconnaissant les circonstances particulières touchant le transport par air dans les régions nordiques et éloignées. On avait bien promis que l'impact possible des coûts associés à la rentabilité du Système de navigation aérienne dans le Nord ne serait pas plus pénible qu'ailleurs au Canada.
Malgré cette assurance, la mise en oeuvre initiale des frais d'utilisation et les additions anticipées de la phase deux ont un impact beaucoup plus fort que sur les coûts de transport dans le Nord, des coûts que devront payer tous les résidents et les entreprises dans le Nord qui dépendent de ce service essentiel. Le développement économique en souffrira à moins qu'on ne prenne rapidement les mesures qui s'imposent afin de corriger cette iniquité.
[Français]
On a beaucoup fait au cours des dernières années afin de promouvoir la participation des autochtones à l'activité économique qui affecte directement la participation importante des Inuits à l'économie du Nord et du Canada en général. Grâce à une coopération continue, de la bonne volonté, des améliorations aux politiques et aux procédures actuelles et des méthodes innovatrices visant l'amélioration de la participation à long terme des Inuits à la prestation des programmes, les objectifs fixés dans les ententes portant sur la revendication territoriale semblent réalisables.
• 1155
La participation de la SPLI au Système d'alerte du
Nord fournit un excellent exemple qui démontre
comment les politiques éclairées sur les acquisitions
et la collaboration des Inuits peuvent contribuer de façon
significative au développement économique pour le plus
grand bien des Inuits et du Canada.
Nous anticipons une participation encore plus grande
au Système d'alerte du Nord tout au cours du siècle
à venir afin que les Inuits du Canada puissent réaliser
leur plein potentiel.
Merci de nous avoir accordé cette occasion de partager avec vous les leçons apprises.
[Traduction]
Le président: Merci, Monsieur Drolet.
[Français]
Merci, monsieur Drolet. Je tiens à vous féliciter pour votre excellent français. Nous apprécions que vous ayez utilisé les deux langues.
Je tiens à vous aviser, madame la présidente et messieurs, que votre déclaration sera sur Internet dans quelques jours dans les deux langues officielles. Les déclarations que vous faites aujourd'hui vont donc faire le tour du monde. Merci beaucoup.
Nous allons passer à la période de questions. Monsieur McNally.
[Traduction]
M. Grant McNally: Merci de vos présentations et d'avoir fait l'effort de venir et de nous faire part de vos commentaires. Vous faites face à des difficultés uniques sur le plan des transports et en raison des facteurs économiques dont vous avez parlé dans vos rapports.
Vous avez dit que votre priorité était de créer un service consultatif efficace pour les gens d'affaires. Notre premier témoin a parlé des problèmes associés au fait de parler au téléphone avec des gens qui ne connaissent pas nécessairement la région et les difficultés uniques qui y sont associées.
Je me demande s'il y a des gens dans votre communauté qui ont les connaissances, l'expérience et la créativité voulues pour participer à ce projet, peut-être à un niveau de contribution plus élevé, et qui pourraient donner des conseils à des personnes extérieures à la région sur les activités de développement économique et les affaires.
Mme Okalik Eegeesiak: J'aimerais vous faire remarquer respectueusement que lorsque vous dites «unique», c'est unique pour vous, mais c'est notre vie quotidienne. Le coût élevé de la vie...
M. Grant McNally: C'est ce que j'essayais de dire, mais je n'ai pas choisi les bons mots.
Mme Okalik Eegeesiak: Nous essayons de collaborer avec le MAINC pour répondre à certaines de ces préoccupations uniques et qui nous sont propres, en proposant, comme il est dit dans les articles présentés dans le plan d'action, que le MAINC se restructure en créant une division qui s'occuperait uniquement des questions et des préoccupations des Inuits afin que les gens à qui nous avons affaire lorsque nous appelons le ministère connaissent notre situation particulière. Elle est particulière pour eux. Lorsque nous les appellerons, nous aurons la satisfaction de savoir à qui nous parlons précisément.
Pour ce qui est des questions plus locales, nos associations régionales inuites jouent un rôle d'exécution, de façon à prendre en charge certains programmes et services de développement des ressources inuites, par exemple. Nos associations inuites sont prêtes, à condition de disposer de ressources suffisantes, à s'acquitter de cette tâche.
M. Grant McNally: Je suppose que je ne me suis par très bien exprimé. Toutes les régions de notre pays ont des problèmes qui ne sont pas toujours directement compris à Ottawa. J'ai entendu le même genre de remarques de la part d'autres personnes faisant affaire avec d'autres directions du gouvernement fédéral. Je tiens seulement à vous dire que c'est là où j'essayais d'en venir, le fait que trop souvent, nous n'avons pas les fonctionnaires dans la région qui ont les connaissances voulues pour prendre des décisions sur d'autres régions et qui, comme vous l'avez dit, ne connaissent pas votre expérience quotidienne. Il semble que vous ayez fait des recommandations précises pour améliorer cette situation. J'espère que le ministère en tiendra compte également.
Merci.
Mme Okalik Eegeesiak: J'aimerais simplement donner un autre exemple. Lorsque quelqu'un appelle de la Colombie-Britannique, cette personne parle anglais ou français tout comme son interlocuteur à l'autre bout, mais certains de nos Inuits qui ne parlent que le inuktitut et ne connaissent ni l'anglais ni le français ne peuvent pas se faire comprendre.
[Français]
Le président: Merci, monsieur McNally. Merci, madame.
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: Je voudrais également remercier M. Drolet pour sa présentation. Vos quelques mots en français ont été appréciés. Votre français est excellent. Nous avons apprécié aussi que votre document ait été traduit et nous vous en remercions.
Je voudrais vous poser quelques questions sur les divisions particulièrement. Je sais que les Inuits, comme les autochtones d'ailleurs, considèrent que les Blancs ont établi à tort des frontières sur leurs territoires. C'était peut-être un mal nécessaire parce que, dans le fond, on sait maintenant qu'il y a des provinces et des territoires.
Madame la présidente, vous mentionniez tantôt que vous représentiez six régions. Je ne veux pas faire un débat sur les régions, mais je sais que les territoires du Nunavut, dont on a discuté la semaine passée, incluent trois des régions que vous avez mentionnées, c'est-à-dire Qiqiktani, Kivalliq et Kitikmeot.
M. Drolet a parlé de quatre régions. Il me semble donc que vous n'êtes pas d'accord sur le nombre de régions et j'ai quelque difficulté à voir de quelle façon on peut appliquer des politiques gouvernementales si on ne s'entend pas sur les régions. Remarquez bien que vous n'êtes pas les seuls.
Je peux vous donner un exemple, si vous voulez. Au gouvernement du Québec, le ministère des Transports, le ministère de la Culture et différents autres ministères n'ont pas les mêmes régions et cela crée beaucoup de difficultés pour appliquer les politiques gouvernementales.
J'aimerais donc vous entendre sur la division des territoires inuits. Moi, j'en connais trois: l'Inuvialuit, le Nunavut et le Nunavik, plus les territoires du Labrador. J'ai toujours pensé qu'il y avait ces quatre régions-là.
En corollaire, j'aimerais aussi vous poser une question sur les ONG. Vous êtes des organismes non gouvernementaux. Avec l'entrée en fonction des nouvelles assemblées législatives dans le Grand Nord—l'Inuvialuit et le Nunavut, par exemple, vont avoir une assemblée législative au 1er avril 1999—, quel sera le rôle d'Inuit Tapirisat et quelle sera exactement votre fonction, monsieur Drolet, à la Société panarctique de la logistique inuit? Est-ce que vous serez encore utile pour coordonner l'ensemble du travail? Est-ce qu'on ne va pas demander aux régions de se prendre en charge, de sorte que les nouveaux gouvernements vont prendre en charge l'ensemble des besoins des communautés inuits?
[Traduction]
Mme Okalik Eegeesiak: Vous avez raison. Il y avait auparavant au conseil de l'ITC des présidents représentant les six régions, mais depuis la restructuration l'an dernier, le Nunavut ne représente plus qu'une région à notre conseil. Il y a donc en fait quatre régions représentées au conseil alors qu'il y en avait six auparavant.
En ce qui concerne la question sur le Nunavut, j'aimerais à nouveau rappeler que le Nunavut n'est pas l'ITC. L'ITC ne représente pas seulement le Nunavut. Le gouvernement du Nunavut représentera tous les habitants du Nunavut et pas seulement les Inuits. Par conséquent, le gouvernement du Nunavut représentera tous les habitants du Nunavut alors que la Nunavut-Tungavik Incorporated représentera les Inuits du Nunavut qui siègent à notre conseil.
• 1205
Ken, voudriez-vous ajouter quelque chose?
M. Ken Drolet: Certainement.
Pour ce qui est de la question sur les quatre régions, je crois que Okalik a répondu, mais notre centre d'intérêt a toujours été les quatre régions faisant l'objet du règlement de la revendication territoriale. Il s'agissait en réalité de l'association dont la structure officielle a été créée par les ententes portant sur la revendication territoriale dont les discussions étaient fondées sur les quatre régions ou zones issues du règlement.
Quant au rôle de la SPLI pour l'avenir, il est lié au fait que l'organisme représente tous les Inuits. Peu importe vraiment la structure au sein des communautés inuites. Le désir des Inuits d'avoir des intérêts commerciaux de façon collective dans des domaines qui transcendent les frontières régionales ou de règlement peut être encore pris en charge de façon très efficace par un mécanisme comme la SPLI.
J'espère que nous allons être là pour longtemps et que nous pourrons poursuivre ce qui a déjà été fait en regroupant cette fonction de coordination de toutes les entreprises de développement inuites.
J'aimerais également insister sur le fait que les activités de la SPLI sont lucratives. C'est une entreprise et nous espérons que ses profits serviront à améliorer le développement économique à l'avantage de tous les Inuits.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Bachand.
Monsieur Keddy suivi de Mme Karetak-Lindell.
[Traduction]
M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.
Votre mémoire soulève d'autres questions, et je me demande par où commencer. Vous ne rentrez pas dans les détails sur le problème de la taxation. Vous donnez l'exemple du skidoo qui coûterait normalement 5 000 $ s'il était acheté à Ottawa et 9 000 à Iqaluit. Il y a des exemples précis dans l'histoire canadienne, notamment la subvention du Nid-de-Corbeau, où nous avons tenu compte des coûts de transport.
Je me demande comment, de façon pratique, de façon réaliste, nous pourrions régler ce problème. Pensez-vous que nous pourrions envisager un financement du gouvernement fédéral pour le transport ou une exemption de l'impôt? Il ya deux questions ici. La taxation en est une et la subvention au transport en est une autre. Avez-vous des propositions précises à ce sujet?
Mme Okalik Eegeesiak: M. Allard peut parler de la question de la taxation.
M. Don Allard (secrétaire-trésorier, Société panarctique de la logistique inuite): Je vais être très bref. Lorsque vous vous rendrez dans le Nord—je crois que vous allez à Kuujjuaq les 19 et 20 mai et à Iqaluit, je pense que vous verrez que chaque région a ses propres problèmes. Par exemple, dans la région de Nunavik, non seulement les gens paient des impôts, mais ils paient aussi la TPS et la TVP du côté provincial.
Dans le dernier budget de M. Bouchard, il y a environ un mois, le Québec a apporté un certain nombre de changements fiscaux importants, notamment des exonérations pour les étudiants, par exemple, qui étaient imposés sur leurs déplacements. Ils étaient imposés sur tous les avantages qu'ils recevaient lorsqu'ils allaient étudier dans le Sud. On a également pris des mesures concernant les crédits pour enfants et les allocations dans le Nord pour remédier à certains des grands problèmes auxquels les Inuits étaient confrontés au Québec.
Étant au Québec, ils paient aussi, bien entendu, les 15 p. 100, la TPS et la TVP, ce qui est plus élevé que dans les Territoires, par exemple, où l'on ne paye que la TPS. Il y a donc une question d'équité fiscale entre les régions. Je ne pense pas qu'il y ait un plan pour tous.
• 1210
Un groupe a été formé, cependant, l'an dernier au Labrador, au
Québec, et dans les Territoires afin de créer un groupe de travail
chargé d'entamer des discussions avec le gouvernement sur la
question des hauts niveaux d'imposition dans le Nord. Je pense que
ce dont il s'agit ici n'est pas tant une question d'exonération que
d'équité fiscale.
Cela sera traité, je pense, précisément par les régions en cause. Je ne pense pas qu'il y aura un plan pour tous, mais certains éléments pourraient être communs. Certains éléments pourraient également tenir compte non seulement des Inuits mais aussi des résidents non inuits des Territoires et même peut-être du Yukon.
C'est donc une question très vaste, mais je pense que l'essentiel, c'est que même pour concevoir des programmes de développement économique, nous avons un exemple. Le ministère des Affaires indiennes a mis sur pied un programme—il a finalement mis sur pied quelque chose—sur l'infrastructure maritime dans le Nunavut. Il s'agit d'un programme de construction de quais et de jetées dans chaque collectivité du Nunavut.
Normalement, cela aurait dû être fait par le gouvernement du Canada. Le gouvernement du Canada aurait agi par le biais de Pêches et Océans ou Transports Canada.
On nous dit maintenant que l'on ne procède plus de cette façon. Il faut que ce soit Makivik qui le fasse. Par conséquent, on nous donne au départ 30 à 40 millions de dollars pour mettre sur pied le programme. Comme nous sommes un promoteur, on nous retire 15 p. 100 de tous ces coûts en impôt au départ. On ne reçoit donc pas 30 millions, puisque l'on nous en prend 15 p. 100 en impôt. Ce n'est donc plus un programme.
Je pense qu'il y a aussi cette question de l'équité fiscale pour les Autochtones. Certains groupes paient des impôts exagérés, qui sont bien plus élevés que ce que paient les autres membres de la société, et certains ne paient rien du tout. Comment en arriver à un équilibre? Cela a une incidence sur le développement économique.
M. Gerald Keddy: Je comprends, mais lorsque l'on commence à parler impôt, on se lance dans un domaine très complexe. C'est le souhait de la plupart des parlementaires—je pense parler au nom de tous ici—d'essayer de simplifier le régime fiscal et non de le compliquer. Il est extrêmement compliqué actuellement pour tout le monde.
Prenons un prix de base moyen. Nous allons utiliser l'exemple du skidoo à 5 000 $. On pourrait envisager une exonération sur la TVH et la TVP sur le montant dépassant 5 000 $ car c'est le prix de base que l'on paierait au Canada pour acheter cet article. Il faut établir un mécanisme, un moyen et un processus pour appliquer ce genre de mesure, mais je ne dis pas que ce serait facile. C'est possible, mais ce n'est pas facile.
Le président: Madame Karetak-Lindell, s'il vous plaît.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): J'ai deux questions. La première est une question large sur certains des commentaires que vous avez faits au sujet du manque de consultations de la part du gouvernement. Pensez-vous que ce manque de consultations va à l'encontre de certaines des ententes sur la revendication territoriale?
Plus précisément, en signant ces ententes, on a renoncé à certains droits en échange de garanties. Pensez-vous que ces garanties accordées aux bénéficiaires des ententes sur la revendication territoriale ne sont pas appliquées de bonne foi par le gouvernement, qui ne consulte pas suffisamment les gens en ce qui concerne les questions qui touchent directement leur vie?
Voici ma deuxième question. J'estime que le gouvernement essaie de faire en sorte que chaque ministère traite des questions qui relève de lui. Actuellement, tout ce qui a trait aux Autochtones est pris en charge par le ministère des Affaires indiennes.
• 1215
Lorsque vous parlez de sujets «propres aux Inuits», s'agit-il
de faire en sorte que le ministère des Affaires indiennes traite
strictement des questions autochtones ou envisagez-vous un meilleur
système dans lequel, par exemple, une question de santé serait
traitée automatiquement par le ministère de la Santé, une question
de justice serait traitée par le ministère de la Justice—autrement
dit, utiliser une approche plus directe—et où l'on éliminerait
progressivement le rôle de coordination du ministère des Affaires
indiennes et du développement du Nord?
J'essaie de comprendre comment vous voyez exactement la façon dont les choses pourraient être traitées plus efficacement et plus rapidement.
Mme Okalik Eegeesiak: Qujannamiik, Nancy.
Si vous regardez la brochure inuite, monsieur Bachand—je ne pense pas que l'on ait bien répondu à votre question tout à l'heure—la carte de la page 11 divise les quatre zones de règlement en six régions. La carte est peut-être plus claire que nos réponses.
À votre première question, Nancy, la réponse est oui. Ken Drolet a des histoires d'horreur à raconter sur la façon dont le ministère, sans consultation, a interprété des articles des ententes sur la revendication territoriale et utilisé ces interprétations, une fois encore sans consulter la SPLI ou les organismes d'application des ententes sur la revendication territoriale.
En ce qui concerne votre deuxième question, nous avons proposé de recourir d'abord au MAINC pour savoir à quel point les Inuits ont accès aux programmes gouvernementaux et pour connaître les programmes qui visent les peuples autochtones mais auxquels seules les Premières nations ont accès. Les critères et le programme ne sont pas adaptés aux communautés inuites. C'est ce que nous avons proposé dans ce document.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons proposé que, comme point de départ, le MAINC, qui est l'instance avec laquelle nous faisons affaire en premier, se restructure pour se doter d'une division propre aux Inuits qui s'occuperait de nos problèmes. Nous espérons que le gouvernement et les ministères seront prêts à accepter l'idée d'avoir chacun une division consacrée aux Inuits.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.
Mme Okalik Eegeesiak: Alan aimerait répondre un peu plus longuement.
M. Alan Braidek (directeur exécutif, Inuit Tapirisat of Canada): Merci, monsieur le président.
Pour vous montrer pourquoi nous pensons qu'il est nécessaire d'avoir des programmes et des politiques propres aux Inuits, je vais vous expliquer où doivent se rendre les Inuits pour avoir accès, par exemple, au Programme de développement des entreprises autochtones du Canada. Pour ceux qui habitent au Québec et dans l'Arctique, ils doivent aller au bureau de Montréal. Ceux qui sont au Labrador doivent aller aux bureaux de Halifax. Ceux des régions de l'Arctique de l'Ouest, d'Inuvialuit et je crois de Kitikmeot doivent aller à Edmonton. Ainsi, pour accéder à un programme du gouvernement, les Inuits doivent se rendre dans trois endroits différents.
Il en est de même pour les bureaux régionaux des Affaires indiennes et du Nord—il y a un bureau à Yellowknife, et les gens qui habitent à Inuvialuit et Kitikmeot doivent s'y rendre. Ceux qui habitent dans le nord du Québec doivent aller au bureau de Québec. Ceux du Labrador doivent aller à Amherst.
Vous voyez que sans programmes et politiques faits spécialement pour les Inuits, sans une approche propre aux Inuits, ceux-ci sont obligés de se rendre à différents endroits et à différents bureaux et, chaque fois, nous devons informer ces gens des conditions économiques particulières des communautés, de la structure des entreprises et des organisations inuites.
C'est donc cette fragmentation qu'il faut changer, et nous pensons que c'est grâce à des programmes et à des politiques propres aux Inuits que nous y arriverons.
Merci.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: Vous avez donné dans votre texte l'exemple du skidoo. Je suis allé plusieurs fois dans le Grand Nord, et je dirais même «plusieurs froids» parce qu'il y fait très froid, et c'est surtout le coût de la nourriture qui m'a frappé.
• 1220
J'ai découvert que les gens gagnaient deux
fois moins d'argent dans le Grand Nord que dans le Sud
et que le coût de la nourriture y était deux fois plus
élevé.
J'en ai fait mon cheval de bataille et je suis allé
dénoncer ce fait devant les médias. J'ai hâte d'y
retourner pour voir les prix, mais j'ai
l'impression que ça n'a pas beaucoup changé.
Monsieur Braidek, vous venez de mentionner que les gens doivent s'informer à plusieurs endroits. Vous avez mentionné Edmonton. Vous avez mentionné Québec. Je pense qu'il y a aussi une question de coût, en particulier pour le transport. Si on fait venir un skidoo dans le Nunavik, il est certain qu'il vaut mieux aller le chercher à Québec qu'à Edmonton.
Cela m'amène maintenant à la question, non pas de la taxation, qui a été soulevée par mon collègue, mais des subventions. Je crois que Postes Canada subventionne beaucoup l'envoi de nourriture dans le Grand Nord, mais j'ai toujours eu des doutes quant à la façon dont la nourriture était acheminée. Il peut y avoir jusqu'à 21 intermédiaires avant que la nourriture n'arrive auprès du consommateur. C'est un problème majeur pour moi.
Je m'interroge aussi beaucoup sur les coûts. Que peut demander une compagnie comme First Air, par exemple, pour le transport? Cette compagnie est, je crois, une propriété inuit. Vous êtes pris dans une espèce de dynamique où vous avez besoin de subventions. Est-ce qu'on peut parler d'une hausse de subventions possible pour que le prix de la nourriture et de tous les biens baisse dans le Grand Nord?
Deuxièmement, est-ce que, de votre côté, vous suivez les profits que fait First Air? First Air fait des profits parce qu'il fait payer assez cher la nourriture envoyée dans le Grand Nord. De quelle façon contrôlez-vous l'ensemble des valeurs du côté des services et surtout des biens? À mon point de vue, c'est là que le bât blesse.
Quand je prends des avions de First Air ou de Canadian, je me rends compte qu'une moitié de l'avion est réservée au transport de nourriture pour le Grand Nord. First Air fait des bénéfices énormes. Est-ce que vous pouvez contrôler les profits de First Air pour faire en sorte que les coûts de l'alimentation dans le Grand Nord soient le plus bas possible?
[Traduction]
Mme Okalik Eegeesiak: Pouvez-vous ajouter quelque chose, Don?
[Français]
M. Don Allard: : Oui, certainement. Les coûts de transport sont extrêmement élevés. En ce qui concerne la nourriture, les prix sont fixés par contrat avec Postes Canada. On ne peut donc pas faire les prix. Tout le monde doit payer le prix fixé par contrat avec Postes Canada. Il n'y a d'ailleurs pas de grosses marges de profit une fois que tout a été négocié. Je ne suis pas au courant de ce que vous avez dit sur les 21 intermédiaires qui manipulent la nourriture.
La plupart de ceux que je connais disent qu'elle est manipulée deux ou trois fois. La nourriture est très chère particulièrement à cause du transport. En effet, le prix des marchandises qui sont transportées de Montréal ou Val-d'Or à Kuujjuaq augmentera si on envoie ces mêmes marchandises plus haut, jusqu'à Kangirsuk, par exemple. Chaque fois, il y a un coût supplémentaire. Une fois que les marchandises sont à destination, La Baie ou les coops font encore un bénéfice en les vendant. Voilà la raison de la cherté des marchandises dans le Grand Nord. Mais je suppose que chacun fait des marges normales.
Quant aux profits de First Air, je voudrais vous faire remarquer que peu de compagnies d'aviation font d'énormes profits. Si certaines compagnies font des profits une année, elles peuvent perdre de l'argent l'année suivante. Avec le coût du pétrole et le coût des avions surtout, je puis vous assurer qu'il n'y a pas de gros profits dans l'aviation, contrairement à ce que vous pouvez imaginer. Je ne pense pas qu'il y ait de compagnies d'aviation au Canada qui fassent beaucoup d'argent, et si elles en font cette année, c'est parce qu'elles en ont perdu beaucoup il y a deux ou trois ans.
La compagnie First Air, qui pensait venir siéger aujourd'hui, a décidé de siéger à Kuujjuaq. First Air appartient aux Inuits du Nunavik, qui vont vous recevoir et qui répondront à toutes les questions que vous voudrez leur poser. En plus, vous allez parler aux gens de l'Administration régionale Kativik, qui s'occupe de la région pour toute la population, pour les habitants du Nunavik, et de la Société Makivik, qui représente les intérêts des Inuits. C'est un peu la réponse que donnait Okalik il y a quelques minutes.
• 1225
Les Inuits ont choisi d'être gouvernés par des
institutions publiques ouvertes à tout le monde,
mais ils gardent quand même des entités qui
représentent leurs intérêts comme peuple autochtone,
par l'intermédiaire d'une société comme Makivik, du NTI
ou des Inuvialuits. C'est une grosse différence.
Ils n'ont pas de réserves et leurs institutions
municipales, leurs institutions gouvernementales sont
de nature publique.
C'est une autre raison pour laquelle plusieurs programmes qui ressortent des Affaires indiennes devraient considérer les Inuits différemment. Nous demandons depuis plusieurs années qu'il y ait des programmes faits spécialement pour les Inuits parce que ce ne sont pas des Indiens. Ce ne sont pas des premières nations. Ils ne vivent pas sur des réserves, ils paient des taxes, leurs besoins sont différents et, surtout, ils vivent dans le Grand Nord.
Le président: Merci, monsieur Bachand.
J'aimerais intervenir brièvement. On parle de la subvention postale pour le service aérien omnibus. Il s'agit d'une subvention de plus de 14 millions de dollars canadiens. Le service aérien omnibus fonctionne de deux façons: la nourriture périssable est transportée par voie aérienne de Val-d'Or vers le Nord, vers Kuujjuaraapik, Kuujjuak et Iqaluit par First Air, et la nourriture non périssable est transportée par voie maritime.
Du côté du service aérien, je voudrais que vous nous disiez si NAV CANADA augmente actuellement les frais d'atterrissage. Est-ce que c'est un problème?
M. Don Allard: C'est en effet un gros problème, non seulement pour les Inuits mais pour tout le monde dans le Grand Nord. Les prix montent toujours, que ce soit à cause des assurances, de l'essence ou du coût des avions. Ce sont encore des charges additionnelles qui nous sont imposées. Comme il n'y a pas une grosse clientèle et qu'il n'y a pas beaucoup d'aéroports, les coûts sont beaucoup plus élevés dans le Nord que dans le Sud.
Quand il n'y a que 50 000 habitants pour absorber les coûts, ce n'est pas comme quand il y en a 15 ou 20 millions. M. Drolet connaît beaucoup mieux que moi la question de NAV CANADA.
Le président: Monsieur Drolet, suivi de M. Keddy et M. Bryden.
Monsieur Drolet.
[Traduction]
M. Ken Drolet: Il y a certainement un certain nombre de facteurs associés au recouvrement des frais par NAV CANADA qui sont tout à fait pertinents. Alors que les coûts pour l'habitant moyen du Nord et les Inuits augmenteront d'environ 150 à 200 $ par personne par an en raison de ces frais, cette même structure tarifaire équivaudra à quelques dollars par habitant dans le sud du Canada. Il y a donc une différence considérable dans l'incidence sur le Nord à cause de la distance et tout le reste.
J'aimerais également souligner que la plus grande partie du fret aérien, toutes les marchandises que l'on voit à l'avant de l'aéronef, est transporté dans un sens. L'aéronef revient généralement vide. Il faut donc amortir ces coûts dans une direction, mais en fait ces coûts sont ressentis dans les deux directions.
Quant au programme de subvention du transport aérien de la nourriture, le financement provient essentiellement du ministère des Affaires indiennes et du développement du Nord et c'est Postes Canada qui assure la livraison. Postes canada agit à titre d'intermédiaire. Mais c'est la source principale du financement. Les fonctionnaires du MAINC s'inquiètent du reste des coûts supplémentaires qui s'ajouteraient au programme à la suite de l'adoption de ces droits d'utilisation.
Le président: Merci.
Madame Eegeesiak.
Mme Okalik Eegeesiak: J'aimerais revenir sur ce qu'a dit M. Bachand au sujet des gens du Nord, pas seulement les Inuits, qui peuvent gagner 50 000 $ et qui gagneraient 30 000 $ s'ils faisaient le même travail dans le Sud. Mais nous payons des impôts, des impôts élevés, pour ces 50 000 $ et nous payons des prix très élevés pour nos biens et nos services. Par conséquent ces 50 000 $ ne vont pas aussi loin que les 50 000 $ ici, monsieur Bachand.
[Français]
M. Claude Bachand: Monsieur le président, j'aimerais apporter une précision.
[Traduction]
Ce que j'ai dit c'est ceci: J'ai dit que vous gagniez deux fois moins que dans le Sud. C'est ce que j'ai dit.
Mme Okalik Eegeesiak: D'accord.
M. Claude Bachand: Je ne pense pas que vous gagniez deux fois plus que dans le Sud. C'est deux fois moins que dans le Sud.
Mme Okalik Eegeesiak: D'accord. Désolée. J'ai mal compris.
Le président: Merci.
Monsieur Keddy.
M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir à ce que vous avez dit tout à l'heure au sujet des services en inuktitut. Je penserais—corrigez-moi si j'ai tort; j'essaie simplement de voir comment tout cela va s'appliquer—que lorsque le Nunavut sera créé le 1er avril 1999, il y aura évidemment des biens et des services qui couvriront trois des régions inuites originales. A-t-on un plan à long terme prévoyant qu'un service non gouvernemental assure les services pour l'Inuvialuit, pour le—est-ce Nunavik?—Nunavik, et les Inuits du Labrador? Par exemple, l'Inuit Tapirisat of Canada pourrait être un fournisseur de services là-bas. Je suis sûr que dans le bureau des fonctionnaires de votre gouvernement à Ottawa, au bureau de votre député, il doit bien y avoir quelqu'un en dehors du député, qui parle l'inuktitut pour que les gens puisse obtenir des services dans leur langue.
J'essaie de remédier à cette situation. Il devrait y avoir un moyen positif de fournir le service sans créer un cauchemar bureaucratique ici. C'est ce que les gouvernements ont tendance à faire, et ils pourraient le faire au Nunavut et à Ottawa. Ou ils pourraient le faire en Nouvelle-Écosse et au Yukon. C'est une réalité de la vie.
En fin de compte, ce que nous voulons, c'est un service plus efficace et moins coûteux, car à long terme, si l'on ne peut pas correspondre avec quelqu'un ou communiquer avec lui, cela va coûter plus cher et créer des frustrations.
Mme Okalik Eegeesiak: Je vais essayer de répondre, monsieur Keddy.
À l'heure actuelle, c'est un cauchemar bureaucratique, et j'espère que vous proposez que le bureau de Nancy devienne un service consacré aux affaires inuites.
M. Gerald Keddy: Je pense que le bureau de Nancy pourrait s'occuper de bien des problèmes provenant de cette région, car tous les bureaux de députés font la même chose.
Mme Okalik Eegeesiak: Oui. Nancy pourrait le faire aussi bien que moi, mais elle représente le Nunavut.
M. Gerald Keddy: Je sais.
Mme Okalik Eegeesiak: Il y a un autre député pour l'Inuvialuit, un autre pour le Nunavik et un autre pour le Labrador.
M. Gerald Keddy: Je m'attendrais à ce qu'ils aient tous quelqu'un dans leur bureau qui parle l'inuktitut.
Mme Okalik Eegeesiak: Si nous réussissons à les y attirer.
M. Gerald Keddy: D'accord, mais ce serait évidemment un critère. Si vous représentez la côte francophone de Nouvelle-Écosse, vous seriez bilingue. Si vous représentez une région du Yukon, vous êtes censé représenter les Autochtones qui y vivent.
Mme Okalik Eegeesiak: Ai-je répondu à votre question?
M. Gerald Keddy: Je crois, oui.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Keddy. En terminant, j'aimerais intervenir sur ce que M. Keddy a dit.
On parle du Nunavik. Vous savez que je suis le représentant du Nunavik, en tant que député. Vous savez que la circonscription d'Abitibi a une superficie de 802 000 kilomètres carrés et une population de 93 000 habitants. J'essaie de la faire appeler Abitibi—Baie-James—Nunavik. Dans mon coeur à moi et dans le coeur des Inuits du Nunavik, nous pensons qu'il serait temps que le gouvernement et les deux parlements, que ce soit l'Assemblée nationale à Québec ou le Parlement à Ottawa, reconnaissent qu'il faut que le Nunavik ait un représentant inuit.
• 1235
Je vous aime beaucoup, mais ce serait encore mieux
s'il y avait quelqu'un de chez vous pour vous
représenter au
fédéral, n'est-ce pas?
Une voix: Avec une entrée chez les Sénateurs.
Le président: J'aimerais avoir votre commentaire sur cela.
[Traduction]
Mme Okalik Eegeesiak: Je pense que je vais reprendre mes observations préliminaires et vous féliciter à nouveau de représenter un peuple très fier.
[Français]
Le président: Je pense vraiment qu'il est temps que vous ayez un député inuit pour vous aider dans votre travail.
Monsieur Bryden.
[Traduction]
M. John Bryden: Si vous le permettez, j'aimerais ramener la discussion sur ce dont il s'agit vraiment, c'est-à-dire le développement économique dans le Nord et les collectivités éloignées. Il me semble que l'on a perdu de vue cet aspect.
Je crois comprendre que le coût élevé du transport—oublions les biens et les services dans le Nord—est le principal facteur de dissuasion pour ce qui est de créer des possibilités d'affaires dans les communautés éloignées. Ai-je raison?
Mme Okalik Eegeesiak: Il y a un certain nombre de facteurs, je pense. L'accès en est un autre.
M. Ken Drolet: Ce n'est pas seulement le transport. C'est aussi le fait que l'infrastructure est relativement primitive dans bien des cas. C'est le fait que nous parlons de petites communautés en général, éloignées de tous les endroits où il est facile d'interagir et de comprendre comment des entreprises peuvent rechercher des débouchés collectivement. Pour ce qui est de trouver des débouchés au niveau local—et on parle de nombreuses collectivités qui ont moins de 1 000 habitants—il est difficile de satisfaire tout le monde. Le coût de la fourniture des services, ne serait-ce qu'en raison de l'absence d'économies d'échelle, augmente.
M. John Bryden: Je comprends, mais le but même d'une entreprise est de produire un produit ou d'offrir un service commercialisable. J'aurais cru que le principal obstacle, que vous ayez une infrastructure ou non, est le coût élevé du transport. Ce n'est pas le cas?
M. Ken Drolet: Cela a une incidence importante. Il est certain que le coût du transport entre des localités même adjacentes est extrêmement élevé. Le coût du transport des biens et des services en provenance du Sud de façon à ajouter de la valeur à ces services pour les gens du Nord est très élevé.
M. John Bryden: Alors, laissez-moi vous poser une question, car j'ai de plus en plus l'impression que le gouvernement s'est fourvoyé dans ses tentatives d'aider le Nord. Et si le gouvernement consacrait ses principales subventions, son principal financement, à réduire les coûts du transport?
Il me semble qu'il est très important que nous ayons des collectivités éloignées dans le Nord qui soient saines, car c'est à tout le moins une question de souveraineté. Le gouvernement du Canada a là un énorme intérêt, mais les gens doivent avoir un but et ils ont besoin d'être heureux. Ils ne peuvent avoir ce but que s'ils font des choses constructives.
Tant que les coûts de transport seront aussi élevés, des organismes comme le vôtre, qui cherchent à créer des entreprises dans le Nord, sont très désavantagés. J'aimerais donc vous poser à nouveau la question. Le gouvernement ne devrait-il pas concentrer ses efforts d'aide au Nord sur la réduction des coûts de transport, tout au moins pour les entreprises des diverses collectivités?
Mme Okalik Eegeesiak: L'abaissement des coûts de transport serait bénéfique, mais ce que nous essayons de vous faire comprendre, c'est que des politiques et des programmes propres aux Inuits contribueraient également à résoudre bon nombre de nos problèmes, de même qu'une meilleure connaissance et une plus grande réceptivité de la part des fonctionnaires à l'égard des communautés inuites.
M. John Bryden: Excusez-moi, mais vous ne répondez pas à ma question. J'ai déjà entendu cet argument, mais laissez-moi répéter ma question.
• 1240
Je suis sûr que certains programmes peuvent aider les
différentes collectivités, pas seulement les vôtres mais les
diverses collectivités éloignées et les collectivités autochtones.
Ce que je veux savoir c'est s'il n'est pas vrai—cela me paraît
tellement évident—que la raison pour laquelle les collectivités
ont tant de difficultés à se développer, c'est le coût élevé du
transport? Si une entreprise autochtone, une entreprise inuite,
n'avait pas à tenir compte du coût du transport d'un matériau brut
provenant du Sud et de l'expédition du produit fini ou du passage
d'une collectivité à l'autre pour offrir des services, si ce coût
n'existait pas, ne seriez-vous pas en mesure de créer plus
facilement le type même d'entreprise que vous essayez de créer?
N'est-ce pas là la clé?
Mme Okalik Eegeesiak: Oui, mais ce n'est pas le seul problème.
M. John Bryden: Je n'ai pas dit que c'est le seul problème, mais le gouvernement doit faire des choix et accorder des priorités. J'aimerais dépenser 100 millions de dollars pour réduire vos coûts de transport si cela devait donner à toutes les collectivités éloignées, quelles qu'elles soient, de meilleures possibilités de créer des entreprises.
Les gens viennent témoigner devant le comité et nous disent: «Nous voulons créer des entreprises», mais ils ne nous disent jamais quel genre de produit ils vont apporter sur le marché. Il y a très peu de produits qu'ils peuvent apporter sur le marché du fait qu'ils sont situés dans des collectivités éloignées et ils ne peuvent pas être compétitifs en raison du coût élevé du transport.
De toute façon, merci. Je ne voulais pas soliloquer, mais néanmoins... si vous avez quelque chose à ajouter, allez-y.
[Français]
Le président: Merci. En parlant de frais de transport, un aller-retour le même jour en avion entre Ottawa et Kuujjuaq coûte 1 600 $. C'est un coût effrayant. C'est 1 600 $ juste pour un aller-retour le même jour. C'est exact?
Monsieur Braidek ou monsieur Drolet, vous vouliez répondre à la question?
[Traduction]
M. Alan Braidek: Si vous le permettez, monsieur le président, je pense que le transport, comme l'a dit Okalik, est d'une très grande importance, mais dans notre présentation, nous parlons aussi de l'accès au capital et de l'accès aux marchés. Comme vous l'avez dit, les gens disent qu'il faut développer nos collectivités, mais qu'il n'y a pas de marché et pas de produit à vendre. Une partie de notre proposition vise à accorder la priorité à l'accès aux marchés, à l'identification des marchés, à l'identification des biens dont nous disposons et que nous pouvons vendre, à l'ajout de valeur et à la création d'une économie autour de cela. Je pense que c'est essentiel.
L'accès au capital est également critique à tous les niveaux, non seulement pour permettre à quelqu'un de lancer une entreprise qui va employer 45 personnes, si c'est ce qu'il veut faire... Notre présidente était récemment à Makkovik, la semaine dernière, et elle n'a pas pu obtenir d'argent comptant car il n'existait pas de guichet automatique ou des services de ce genre. Tous les niveaux d'accès au capital, de pouvoir procéder aux échanges quotidiens à pouvoir financer une entreprise et la faire marcher, sont essentiels. Je ne pense pas que la résolution de la question du transport sera suffisante. C'est un aspect critique et sans doute d'une très grande importance, mais toutes ces autres questions sont également critiques.
Merci.
[Français]
Le président: Une dernière question, monsieur Bryden.
[Traduction]
M. John Bryden: J'aimerais poursuivre sur ce sujet. Merci de votre intervention.
Encore une fois, si des entreprises de cette collectivité, au moment où elles préparent leur plan d'entreprise et cherchent des bailleurs de fonds, pouvaient être assurées que leur coût de transport serait subventionné par le gouvernement, cela ne faciliterait-il pas l'obtention du capital? Cela ne les aiderait-elles pas à obtenir un prêt des banques?
M. Alan Braidek: Oui, car cela permettrait aux banques d'offrir les services à l'endroit où se trouvent les gens et où ils peuvent accéder aux services.
[Français]
Le président: Merci beaucoup. Je tiens à remercier les témoins. Nous avons été très heureux de vous recevoir ici, à Ottawa. Nous allons vous revoir sur le terrain du Nunavik, sur votre terre. Je tiens à remercier Mme la présidente Eegeesiak, ainsi que MM. Braidek, Drolet et Allard. À bientôt.
Vous avez quelque chose à ajouter?
[Traduction]
Mme Okalik Eegeesiak: M. Bouchard, je pense, est au courant des coûts élevés, comme vous l'êtes aussi, dans certaines de nos collectivités. J'aimerais vous suggérer de faire un petit exercice consistant à conserver vos factures d'épicerie et à comparer les prix avec ceux du Nord, pour vous donner une idée.
Monsieur Saint-Julien, votre inuktitut est très bon aussi.
[Français]
Le président: Madame la présidente, actuellement, un pain coûte environ 1,10 $ ici, à Ottawa. Si je me souviens bien, le pain coûte au-delà de 3 $ dans le Nord actuellement.
[Traduction]
Mme Okalik Eegeesiak: Là d'où je viens, à Iqaluit, c'est environ 3,29 ou 3,49 dollars.
[Français]
Le président: Pour avoir du pain dans le Nord, il faut payer 3,20 $. C'est terrible. Merci beaucoup.
[Traduction]
Mme Okalik Eegeesiak: C'est ce que nous payons localement.
[Français]
Le président: La prochaine réunion est prévue pour demain après-midi. Merci beaucoup.
La séance est levée.