AAND Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 11 mars 1999
Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Bonjour à tous. Conformément à notre ordre du jour, nous poursuivons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-56, Loi concernant l'accord conclu avec la nation crie de Norway House sur le règlement de questions liées à la submersion de terres et concernant la création de réserves au Manitoba.
Nous accueillerons en premier lieu les représentants de la nation crie de Norway House, M. Fred Muskego, conseiller, et M. Robert F. Roddick. Nous entendrons ensuite des témoins de Manitoba Hydro et du gouvernement du Manitoba.
Messieurs Roddick et Muskego, je vous invite à faire votre déclaration d'ouverture.
[Traduction]
Vous disposez de dix minutes.
M. Fred Muskego (conseiller, Nation crie de Norway House): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à remercier tout d'abord le comité de nous donner la possibilité de prendre la parole sur les questions abordées par le projet de loi C-56.
Je m'appelle Fred Muskego. Je suis le conseiller de la Nation crie de Norway House et je représente 5 500 habitants de la collectivité de Norway House. Mon portefeuille en tant que conseiller et représentant du chef est celui de l'AGMO, et j'ai aussi participé aux négociations des droits fonciers issus de traités. Je suis aussi venu représenter mes collègues, le chef et le conseil. Certains d'entre eux sont venus ici m'appuyer.
Je viens recommander l'adoption du projet de loi C-56 dans l'intérêt de mon peuple, la Nation crie de Norway House. Mon collègue était notre négociateur en chef à l'époque de l'AGMO, et je lui laisserai le soin de vous parler des questions juridiques et techniques.
Je vais vous faire un bref historique qui vous montrera pour quelle raison nous appuyons ici ce projet de loi.
Voilà huit ans que je prends part à l'application de la Convention sur la submersion des terres du Nord, d'abord en tant qu'agent de mise en oeuvre, que travailleur sur le terrain pour le compte du Comité sur la submersion des terres du Nord lorsqu'il exerçait ses activités, puis pendant quatre ans et demi en tant que conseiller. Je me suis occupé de ce portefeuille pendant deux mandats.
Lorsque j'ai débuté en qualité d'agent de mise en oeuvre, je ne savais même pas ce que recouvrait cette expression. J'ai dû faire des recherches. J'ai finalement compris ce que j'étais censé faire—rédiger des réclamations. Nous avons rédigé une cinquantaine de réclamations individuelles provenant de Norway House et nous les avons transmises à l'Hydro. Elles s'adressaient surtout à l'Hydro. Le plus souvent, lorsque nous rédigeons une réclamation, elle était contestée par l'Hydro. Les gens que je représentais à l'époque, les requérants, se sentaient floués par la convention.
• 0915
La Convention sur la submersion des terres du Nord, quelles
que soient les qualités qu'on lui reconnaisse, comportait en soi
ses difficultés. J'ai commencé à m'en apercevoir dans mon travail
d'agent de mise en oeuvre. Chaque fois que nous faisions une
réclamation, elle était contestée. Nous n'avions jamais raison.
Nous avons fini par prendre un avocat et chaque fois que nous
allions devant les tribunaux, l'avocat prenait des consultants.
Nous avons eu d'anciens fonctionnaires du gouvernement fédéral, des
professeurs, différents spécialistes sur les questions qui nous
concernaient.
Je comprends bien pourquoi certaines personnes que nous avons entendues, notamment les derniers témoins, sont carrément opposées à l'adoption de ce projet de loi. J'y vois une façon personnelle de tirer encore un peu plus d'argent de cet accord. Une seule revendication peut durer au minimum une année, éventuellement deux ans, simplement pour qu'elle soit traitée par le système. Les gens ont fini par se lasser. Je considère que la Convention sur la submersion des terres du Nord a surtout profité aux avocats et aux consultants.
J'estime que les gens que j'ai représentés, les requérants, en ont eux aussi assez. Certains d'entre eux, Dieu ait leur âme, n'ont d'ailleurs pas vécu suffisamment longtemps pour que leurs revendications puissent être traitées et qu'on leur donne ce à quoi ils avaient droit. C'est pourquoi j'ai éprouvé des réticences pendant les deux ans et demi au cours desquels j'ai agi en qualité d'agent de mise en oeuvre. On n'en retirait pas les avantages que l'on avait prévus pour nos gens.
Je suis devenu conseiller en 1988. C'est à ce moment-là que l'on a mentionné pour la première fois la possibilité d'une indemnisation générale. J'ai participé à l'opération en assistant aux réunions. Je pense que le principe était bon, mais la difficulté c'est que certains chefs ne voulaient pas que des garanties soient exigées. Je suis sûr que le Canada voulait qu'elles fassent partie des critères fixés, et je considère aussi pour ma part que c'est ce qu'il fallait faire. Quoi qu'il en soit, on a abandonné ce projet en 1989.
Lorsque nous avons eu la possibilité d'y revenir, je travaillais pour le compte de la Nation crie de Norway House même si je ne siégeais pas encore au conseil. J'ai été pendant un an l'un des négociateurs de l'AGMO, Bob étant notre négociateur en chef. Je suis devenu conseiller un an plus tard et je suis toujours impliqué dans ce projet trois ans et demi plus tard.
J'ai pu constater jusqu'à présent que cet AGMO procurait certains avantages. Nous avons toujours eu nos critiques, il y a toujours certaines personnes qui allèguent que ce n'est pas une bonne entente, que nous perdons nos droits issus du traité. On fait toutes sortes d'allégations. Je constate que les témoins convoqués pour la semaine prochaine sont ceux-là mêmes qui ont traduit l'affaire devant les tribunaux. Ils font toutes sortes d'allégations au sujet de l'AGMO, mais je laisserai à Bob le soin d'en parler.
Depuis l'adoption de cet AGMO, nous avons eu deux séances d'autorisation en comité de certaines procédures. Lors de ces séances, nous avons pu aborder les problèmes de loisirs qui se posaient dans la réserve. Grâce à l'AGMO, nous avons pu construire une salle multiplex moderne. Nous avons organisé des programmes de loisirs pour les jeunes, et même certaines personnes âgées en profitent.
Sur le plan social, certains logements on pu être construits grâce à l'AGMO. Ces trois dernières années, je pense que cela porte sur plus d'une centaine de maisons—pas directement, mais une grande partie est due à l'AGMO.
• 0920
Nous avons des programmes de lutte contre l'alcoolisme.
Même sur un plan spirituel, nous avons récemment investi des fonds dans la construction d'une église, d'une maison funéraire et de salles de réunions. Tout cela, nous ne l'aurions pas aujourd'hui si ce n'était de l'AGMO. Si nous nous étions adressés au gouvernement, il nous aurait répondu qu'il n'avait pas d'argent.
Grâce à ces projets relevant de l'AGMO nous avons... nous avons créé quelque 105 emplois à plein temps grâce à l'AGMO d'après les dernières statistiques. Par ailleurs, de manière indirecte, notamment dans le cadre du projet de développement économique, nous avons utilisé une partie de cet argent pour construire un motel. Nous avons un mail, des bâtiments administratifs et nous sommes en train de nous doter d'une école secondaire. Il est probable qu'en partie tout cela n'aurait pas été possible si nous n'avions pas pu utiliser certains crédits tirés de l'AGMO.
Grâce à ce mécanisme d'autorisation communautaire, nous pouvons rendre des comptes. C'est quelque chose que les gens ont toujours dit, que nous ne rendions pas compte de l'argent que nous dépensions. Chaque année, nous rédigeons un état financier. Nous organisons une réunion publique et nous le communiquons aux gens. Ils savent au sou près comment nous dépensons l'argent tiré de cet AGMO, et c'est pourquoi les résultats de cette opération sont toujours positifs.
Il reste une chose que je tiens à aborder rapidement avant de passer la parole à Bob. On a parlé d'un paiement de 1 000 $ par personne. En ce qui me concerne, il n'y a là aucun problème, mais j'aimerais apporter certaines précisions au sujet des allégations qui ont été faites concernant cet argent.
C'est le chef qui est à l'origine de cette histoire de versement par tête, mais je siégeais alors moi aussi au conseil, en 1988. Nous avions reçu un versement anticipé en provenance des trois parties. Le chef et le conseil de l'époque ont souhaité qu'il y ait une réunion publique. Nous nous sommes réunis, et il a fait part à la population de l'argent dont nous disposions. Cela se montait à 3,3 millions de dollars. Lorsque la population a demandé au chef ce qu'était cet argent et à quoi il devait servir, ce dernier leur a répondu que c'était son argent, qu'elle pouvait en faire ce qu'elle voulait. Je pense que le problème est parti de là. Si la question avait été réglée comme il se doit à ce moment-là, je pense que nous n'aurions pas eu à faire face à des demandes constantes de versements par tête.
Tel que les choses se sont passées alors, la population a demandé qu'on lui verse cet argent puisqu'il lui appartenait pour pouvoir en faire ce qu'elle voulait. Le chef de l'époque s'est fâché et a laissé aux pauvres conseillers du sud le soin de régler... Je crois qu'il y avait quelque 500 personnes à l'époque. Il nous a abandonnés et il nous a laissé l'affaire sur les bras.
Pour être sûr de ce que les gens voulaient, nous avons demandé à la population de signer une pétition. Il fallait à l'époque qu'il y ait 50 p. 100 de signataires plus une personne, soit je pense 805 noms ou quelque chose de cet ordre. Nous avons dit à la population que si la pétition recueillait 805 noms, elle toucherait son argent. Lorsqu'il est question d'argent, les listes grossissent rapidement. En trois heures environ, les 805 noms y étaient et le Conseil de bande a passé une résolution à cet effet.
Lorsque nous avons communiqué la chose aux trois parties, ces dernières nous ont dit qu'il nous fallait rendre des comptes et lier ces paiements à certaines revendications. Finalement nous avons lié l'argent versé par tête à certaines revendications. Je pense qu'il s'agissait des loisirs, d'une revendication au sujet de l'environnement et d'un ensemble d'autres revendications que nous avions à l'époque. Les responsables voulaient que cela soit crédité en fonction de ces revendications. Voilà donc l'origine des versements par tête, et depuis lors la population s'attend à les recevoir.
Je pense qu'il est inscrit ici que nous avons repris la chose en 1994, lorsque les négociations ont débuté. Nous avions fait des avances et en contrepartie de ces avances il y avait toujours des revendications. Il y a toujours eu des crédits fixés en fonction de ces revendications.
• 0925
Pour ce qui est des 1 000 $, nous savions que ces versements
par tête créaient des difficultés. Nous considérions l'AGMO comme
la voie à suivre pour l'avenir, pour nos enfants. Nous avions peur
qu'au cas où se poursuivraient ces versements par tête, d'une année
sur l'autre, les résultats positifs de l'AGMO, tels que ceux que je
viens de mentionner, viendraient à disparaître.
Dans le cadre des négociations, nous avons convenu d'effectuer un dernier versement par tête. Nous l'avons plafonné à 1 000 $, estimant que cela était plus que suffisant pour indemniser la population étant donné que directement ou indirectement chacun des habitants de notre collectivité avait été touché par le projet hydroélectrique.
Pour ce qui est des 1 000 $ et des 1 500 $, il faut voir que le peuple cri de Norway House est adepte du partage. Traditionnellement, nous avons toujours partagé les animaux abattus. Nous avons envisagé de donner davantage à certaines personnes, les trappeurs et les pêcheurs, par exemple, qui ont été davantage affectés par le projet hydroélectrique. Toutefois, si l'on donnait davantage à certaines personnes qu'à d'autres, cela apparaîtrait injuste. Nous avons donc décidé de faire un versement forfaitaire et de donner à tout le monde 1 000 $, même à ceux qui habitaient en dehors de la réserve.
Nous avons donné 1 500 $ aux anciens parce qu'ils ont été davantage touchés par le projet hydroélectrique que le reste de la population. Nous avons retenu le seuil de 55 ans parce que nous sommes retournés 25 ans en arrière, alors qu'ils avaient une trentaine d'années. Il se faisait beaucoup de pêche et de trappage il y a 30 ans et ils ont donc été davantage affectés par ce projet que les autres membres de la population. C'est pourquoi nous avons pensé qu'ils méritaient de toucher ces 500 $ supplémentaires. Voilà ce qui explique ces versements de 1 000 $ et de 1 500 $.
Ceux qui se sont mis à dire que l'on achetait ainsi le vote de la population se sont servis d'un argument erroné. Les versements par tête n'étaient pas faits dans cette intention. Il s'agissait de mettre fin aux versements par tête pour que la question ne se pose plus. On souhaitait faire un meilleur usage de l'argent tiré de l'AGMO.
Pour ce qui est du scrutin, on a dit qu'il y avait eu un deuxième scrutin. Je laisserai Bob vous en parler, mais je ferais une simple observation. Sur les deux questions qui nous sont présentées—l'AGMO et les droits fonciers issus de traités—ces derniers ont eux aussi fait l'objet d'un deuxième scrutin et c'était là aussi à une majorité simple. Nous avons suivi le modèle de la réglementation s'appliquant aux Indiens dans le cadre des droits fonciers issus de traités et de l'AGMO. Cela s'est fait à la demande des membres de notre bande, qui ont signé une pétition. Je pense que plus de 1 000 personnes ont signé cette pétition, demandant qu'un deuxième scrutin soit organisé étant donné qu'il ne manquait que cinq voix pour que l'on parvienne lors du premier au chiffre magique de 50 p. 100 des voix plus une.
Pour vous donner simplement une idée des difficultés que nous avons eues avec le premier, je pense qu'il y avait 1 800 personnes en âge de voter dans la réserve et plus de 600 personnes habitant en dehors de la réserve. Nous ne savions même pas où certaines d'entre elles habitaient, quelle était leur adresse, etc.
Voilà qui répond brièvement à certaines des questions qui vous sont posées. Je vais demander à Bob de vous donner davantage de précisions. Je tiens simplement à vous faire savoir que la Nation crie de Norway House appuie pleinement le projet de loi.
Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci. Monsieur Roddick.
[Traduction]
M. Robert F. Roddick (Nation crie de Norway House): Monsieur le président, j'aimerais aborder deux questions. Tout d'abord, en quoi consiste la Convention sur la submersion des terres du Nord et, en second lieu, quel est l'historique des contestations de la procédure suivie par la Première nation?
• 0930
M. Allmand vous a adressé la parole mardi. J'ai le plaisir de
connaître M. Allmand depuis de nombreuses années. J'ai participé
aux travaux des Premières nations pendant un certain nombre
d'années alors que M. Allmand était le ministre. Il est arrivé
parfois que nous nous retrouvions dans le même camp et, d'autres
fois, que nous soyons dans des camps opposés.
La Convention sur la submersion des terres du Nord résulte de l'accord d'expropriation par le gouvernement du Canada des terres des réserves indiennes. Ce sont les dispositions de l'article 35 de la Loi sur les Indiens qui ont trait à l'expropriation. Il y a parfois des confusions parce que lorsqu'on parle de l'article 35, certains ont tendance à penser aux dispositions de la Constitution ayant trait aux droits autochtones et issus de traités.
Historiquement, une décision a été prise—il ne s'agit pas de juger ici le gouvernement ou la politique—faisant état de la nécessité, dans l'intérêt général, de mettre en oeuvre ce projet hydroélectrique au Manitoba. Le gouvernement du Canada, conformément aux pouvoirs que lui confère l'article 35 de la Loi sur les Indiens, a autorisé l'expropriation. Voilà ce qui s'est passé.
La Convention sur la submersion des terres du Nord visait à compenser cette expropriation. On était en train de construire les barrages. L'eau du fleuve descendait et le dilemme qui se posait aux Indiens—je regrette, mais je ne suis pas d'accord ici avec mon ami, M. Allmand—ne portait pas sur la philosophie de l'accord; il s'agissait de choisir entre l'accord qui était présenté et pas d'accord du tout. Voilà quel est l'historique. Je ne dis pas que c'était une bonne ou une mauvaise chose; c'est ainsi que la convention a été signée.
Ce n'était pas un très bon accord. Il y a des annexes à la convention qui n'ont jamais été mises en oeuvre. C'est le genre de convention que les parties interprètent de manière tout à fait différente une fois qu'elles l'ont signée. On y emploie des expressions telles que «fourniture d'eau potable». Mes amis de l'Hydro sont là, et nous sommes en pleine procédure d'arbitrage concernant la signification de cette expression, les enjeux portant sur des millions de dollars. Voilà de manière générale l'historique de la Convention sur la submersion des terres du Nord.
Vers le milieu des années 80, les cinq bandes dont les terres ont été inondées dans le Nord ont jugé que le mécanisme d'application dont a parlé mon collègue, M. Muskego, ne fonctionnait pas. Il fallait des années pour que les revendications soient réglées. C'était un projet qui menait à de multiples confrontations et l'on n'en retirait pas les avantages prévus. J'ai lu le commentaire de M. Iftody concernant le circuit des réceptions. Je suis d'accord avec cette observation.
Il fallait trouver une autre façon de procéder. Les Premières nations ont inventé cette nouvelle procédure qualifiée de mise en oeuvre globale d'ensemble. J'y ai pris part en 1988 en tant que négociateur pour le compte des cinq bandes. J'ai repris le poste d'un certain—je crois qu'il s'appelait Jean Chrétien, si ma mémoire est bonne—qui avait collaboré étroitement avec ces cinq Premières nations pour mettre au point ce mécanisme. À l'époque, M. Chrétien était parti s'occuper d'autre chose. On avait fait de gros efforts pour que cette façon de procéder soit acceptée.
Il est apparu alors évident que les divergences étaient suffisamment grandes entre les différentes collectivités pour qu'un mécanisme s'appliquant à toutes ne puisse être mis en place. Le premier accord mis en oeuvre a été celui de Split Lake. Je me suis présenté devant votre comité au printemps 1993 lorsque la loi s'appliquant à Split Lake—la première de toutes—a été adoptée. Il y a eu ensuite les accords de York Factory et de Nelson House. Elles comportent des différences, mais de manière générale il s'agit d'un accord général de mise en oeuvre. Une loi l'accompagne dans les deux cas.
Nous en sommes maintenant à Norway House. Dans chaque cas, les lois antérieures ont été présentées devant votre comité avec l'appui unanime de tous les partis. La loi s'appliquant à Norway House est calquée sur les lois précédentes. La législation qui vous est présentée est une loi administrative qui s'applique à Norway House.
Elle fait deux choses qui intéressent Norway House. Elle traite tout d'abord de la question des sommes d'argent indiennes. Je ne vais pas vous inonder de détails; la question est complexe. Nous avons cependant besoin que ces versements ne soient pas qualifiés comme des montants d'argent indiens pour qu'ils puissent être placés en fiducie. C'est aussi simple que cela. En l'absence de cette qualification, l'argent doit être versé aux Affaires indiennes. Personne ne veut de cela.
• 0935
Sur un deuxième point la loi est intéressante en ce sens
qu'elle rationalise et précise la procédure de revendication. C'est
avantageux pour la Nation crie de Norway House.
Monsieur le président, je vais aborder pendant quelques instants la question juridique, mais c'est qu'il s'agit là de l'accord de mise en oeuvre. Cet accord de mise en oeuvre continue à s'appliquer que l'on adopte ou non la législation. Il s'applique dans de meilleures conditions si la loi est adoptée. Toutefois, il ne disparaît pas en cas de non-adoption de la loi.
Il y a eu des contestations judiciaires—et je vous en parlerai en deux minutes—depuis que nous avons lancé cette procédure. En 1994, certaines personnes—et c'est le même groupe qui est déjà allé en justice à plusieurs reprises—a demandé et obtenu une injonction au Manitoba empêchant le chef et le conseil de faire avancer cette procédure. Il a été jugé dans la requête que la réunion communautaire et que la motion sur laquelle elle s'appuyait étaient mal fondées. Il s'agit là d'un résumé du jugement, mais c'est ce qui a été conclu.
On a tenu une réunion communautaire à Norway House, à laquelle ont assisté 705 personnes. Deux choses en sont sorties. On a adopté une motion pour régler le problème technique et on a essentiellement fait savoir au chef, à son conseil et aux gens qui s'opposaient de se ressaisir et de faire avancer les choses. On est parvenu à un nouvel accord, l'ordonnance a été écartée par consentement mutuel et l'on a procédé aux négociations.
Il y a eu ensuite la question des votes. Nous avons passé deux jours au tribunal devant le juge Muldoon en compagnie de ce groupe qui réclamait une injonction, qui voulait que l'on déclare que le deuxième vote était illégal et mal fondé, qui demandait que l'on déclare que l'accord était nul et non avenu. Cette requête a été refusée.
Je vais vous citer très brièvement les passages du jugement du juge Muldoon sur ces trois points particuliers. C'est une injonction qui était demandée. Le premier point se trouve à la page 5 du jugement du juge Muldoon et si cela peut vous être utile, monsieur le président, je pourrais vous en laisser par la suite des copies.
Voici ce qu'a déclaré le juge Muldoon:
-
Le lecteur non informé des détails de ce conflit pourrait penser
qu'il est arbitraire et même despotique de tenir un deuxième [et
peut-être d'autres] référendum sur la même question jusqu'à ce que
le résultat souhaité soit obtenu. Toutefois, ce n'est pas ce que
les faits révèlent.
C'est ce que le juge a conclu après avoir entendu pendant plus de deux jours les arguments présentés au sujet des affidavits et de l'historique de ce conflit.
Le juge nous dit ensuite, à la page 14 de son jugement:
-
L'expression démocratique de la volonté de la population a été
entièrement respectée dans l'application de cette procédure, dont
l'initiative a été prise par le chef et le conseil.
C'est ce qu'affirme le juge après avoir entendu pendant deux jours des gens soutenir qu'il n'y avait pas eu de réunion, que personne ne savait ce qui se passait, etc.
Le dernier point de son jugement sur lequel j'attire l'attention de votre comité figure à la page 17. Dans tous les procès-verbaux des travaux de la Chambre des communes que j'ai pu consulter—j'étais d'ailleurs présent mardi et j'ai pu entendre les témoignages qui ont été apportés, et j'ai lu par ailleurs les affidavits de Mme Gamblin et d'autres intervenants—on nous parle d'atteintes aux droits issus de traités, de non-protection des droits issus de traités, de non-respect des droits issus de traités.
Le juge Muldoon aborde précisément la question en ces termes:
-
[...] la Cour est obligée de défendre la Constitution, notamment
l'article 35 qui confirme les droits existants des peuples
autochtones, qu'ils soient ancestraux ou issus de traités. Les
requérants prétendent que la CCA porte atteinte à leurs droits
issus de traités.
Citant alors l'article 13.13.3 de la convention, il déclare:
-
Au vu de la disposition ci-dessus, la Cour est convaincue que
l'article 35 ne sera pas enfreint, et cela suffit dans les
circonstances.
Le juge conclut en définitive que cet accord n'enfreint pas les droits issus de traités.
Vos listes de témoins comportent de nombreux noms, la plupart de gens que je connais, avec lesquels j'ai eu de longues discussions jusqu'à présent. J'en reviens toujours à la même question. Dites-moi ce que l'on a enfreint. Je n'ai toujours pas de réponse.
• 0940
Monsieur le président, il ne s'agit pas ici d'un accord
mettant fin à des droits. Il s'agit d'un accord de mise en oeuvre.
Mon ami, M. Allmand, a évoqué l'article 25 de la Convention sur la
submersion des terres du Nord et le fait qu'il devait rester en
vigueur pendant toute la durée du projet. Cet accord doit se
prolonger au-delà de la durée du projet. Le fondement de cet
accord, avec des soldes minimums qui augmentent de 15 p. 100 des
revenus tous les ans, a une existence garantie jusqu'à la fin de
l'accord.
Mon ami, M. Muskego, vous a indiqué ce que nous avions pu faire pendant les premières années de l'accord. Cet accord s'est traduit par le versement de près de 80 millions de dollars à la Première nation sur une certaine période. Il a permis le transfert de terres d'une superficie bien supérieure à ce que prévoyait la Convention sur la submersion des terres du Nord—et personne ne peut contester mes chiffres quant à la superficie exacte. La superficie concédée était de 12 000 acres aux termes de la Convention sur la submersion des terres du Nord, alors que le transfert a porté sur 50 000 à 60 000 acres. Un conseil mixte de gestion des ressources a été créé, ce qui lui confère un intérêt dans la gestion de l'ensemble de la région.
Pour conclure, monsieur le président, je voudrais aussi évoquer le fait que l'on revient toujours sur la question de l'abrogation des droits de chasse et de pêche. Monsieur le président, comme nous n'avons pas pu trouver une meilleure formulation, nous avons repris la formulation exacte de la Convention sur la submersion des terres du Nord pour l'insérer dans cet accord. La formule qui protège désormais nos intérêts est exactement la même que celle qui figurait dans la Convention sur la submersion des terres du Nord. Je suis difficile à décourager, mais j'en ai assez de me battre contre des moulins sans que l'on me fournisse d'exemples concrets.
Il y a des gens qui s'opposent à cet accord. Certains d'entre eux s'y opposent depuis le premier jour. Je respecte leur droit de s'opposer à cet accord. Nous avons fait de notre mieux pour répondre à leurs préoccupations.
J'arrêterai ici mes observations, monsieur le président, en précisant que nous avons joint à l'accord, en annexe, un rapport de consultation communautaire. C'est l'annexe 13.1. On y dresse la liste des réunions que nous avons tenues et des gens qui y ont participé. On y indique, sauf dans quelques cas où l'on a omis de le préciser, le nombre de personnes qui ont assisté à ces réunions. Les affidavits se réfèrent constamment au résumé de cet accord. Je crois comprendre que l'on allègue que ce résumé était dans une certaine mesure trompeur. Cet accord a été distribué à tous les foyers de la réserve et à tous ceux de Winnipeg pour lesquels nous avions une adresse avant le vote de ratification. Le résumé de l'accord a été distribué. Il y a eu des émissions à la télévision. Tout cela est consigné dans le rapport. Toutes ces choses ont été faites. Il n'y a pas eu un manque d'information.
Monsieur le président, voilà quels sont mes commentaires. Voilà quel est l'historique de la Convention sur la submersion des terres du Nord, en quoi elle consiste, quelles sont ses origines et comment elle a été contestée en justice.
Je ferais respectueusement remarquer que ceux qui s'opposent à cet accord ont pu faire valoir leur cause en justice. Ils ont bénéficié de deux jours d'audience devant le tribunal. Ils ont ensuite présenté une requête ex parte au printemps 1998, devant le juge Jerome, en s'appuyant sur un affidavit de 37 pages du professeur Russell, que ce dernier a omis de mentionner au comité l'autre jour, et ils ont été déboutés. Ils n'ont jamais signifié ces documents. Ils ont pu faire valeur leur cause en justice et les tribunaux ont conclu que cet accord était bien fondé, qu'il avait été dûment ratifié et qu'il n'enfreignait pas les droits issus de traités, et c'est pourquoi cet accord est aujourd'hui présenté devant votre comité.
Mesdames et messieurs, je reconnais que vous avez une responsabilité qui va au-delà de ce simple projet de loi, mais il s'agit là d'un type de législation que l'on a déjà présenté à trois reprises devant votre comité et qui a été adopté avec l'appui des trois partis.
Voilà qui termine mon intervention, monsieur le président, et je suis prêt à répondre aux questions que vous voudrez me poser.
[Français]
Le président: Merci, messieurs. Nous allons passer à la période de questions.
Monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Merci beaucoup de nous avoir présenté des exposés très instructifs.
Je dirais pour commencer, monsieur Muskego, que, d'après ce que vous avez dit, on vous a demandé de vous occuper de la Convention sur la submersion des terres du Nord sans vous donner le temps de vous préparer ou d'étudier ce sujet et c'est peut-être ce qui explique une grande partie des difficultés et des problèmes qui sont apparus quelques années après. Est-ce bien exact?
M. Fred Muskego: Je n'ai pas très bien compris votre question.
M. Derrek Konrad: Lorsque la première convention a été signée et que l'on vous a confié la tâche de la mettre en oeuvre, on vous a remis une convention qui n'était pas suffisamment détaillée pour pouvoir l'appliquer. Vous n'avez pas non plus reçu une formation suffisante. Vous avez dû essayer de comprendre vous-même ce que voulait dire cette convention et c'est pourquoi il a fallu adopter par la suite cet accord de mise en oeuvre.
M. Fred Muskego: Ils m'ont mis dans un bureau, ils m'ont lancé la convention, ils m'ont dit de la lire et que j'avais un emploi. J'ai demandé à quatre avocats différents ce que voulait dire cette convention et j'ai obtenu quatre réponses différentes. Je n'y comprenais absolument rien, inutile de vous le dire.
M. Derrek Konrad: Merci. Est-ce que les autres accords de mise en oeuvre qui ont été présentés ont suscité une opposition aussi forte? Ou est-ce un cas tout à fait différent?
M. Robert Roddick: Si vous le permettez, les résultats du vote vous ont été présentés par les fonctionnaires du ministère lorsqu'ils sont venus témoigner. Le troisième seuil, qui était 51 p. 100 des votants, n'a pas été atteint lors du premier vote, parce qu'il manquait cinq voix. Il est intéressant de noter que ce seuil a été largement dépassé au cours du second vote. Le seuil a été modifié mais ils ont légèrement dépassé le premier. Pour ce qui est de l'opposition, les chiffres les plus récents indiquent qu'il y a eu 17 personnes sur une population adulte d'environ 2 000 personnes qui ont entamé des procédures judiciaires. Ce sont ces mêmes personnes qui ont intenté ces poursuites. Cela est évident. Il y a 17 personnes qui agissent à titre de demandeurs dans cette action. Les opposants et les insatisfaits, si c'est bien le mot qui convient, ne sont pas venus dans les isoloirs et ils n'ont pas non plus joint leurs noms à ces poursuites.
Je signalerais qu'à Nelson House il y a deux scrutins. À ma connaissance, cela n'a pas suscité un débat devant le comité ou même ailleurs. Je n'ai pas participé à cette négociation mais je sais qu'on a tenu deux votes à Nelson House. Ce n'est pas inhabituel.
M. Derrek Konrad: Très bien.
M. Fred Muskego: Excusez-moi, mais je tiens à signaler que même pour les droits fonciers issus de traités, un accord apparemment simple qui nous permettait de récupérer une partie des terres auxquelles nous avions droit, il y a une de ces 17 personnes qui a contesté le processus. Et cette personne a en fait gagné, pour une raison de procédure.
M. Derrek Konrad: J'aurais une dernière question. Y a-t-il des personnes qui souhaitent se soustraire à l'application de l'accord et obtenir leurs droits fonciers sans recourir aux mécanismes de la Convention sur la submersion des terres du Nord et des autres parties de l'accord?
M. Robert Roddick: Aucune disposition ne prévoit la possibilité de se soustraire à l'accord.
M. Derrek Konrad: Je comprends cela. Je vous demande si des personnes ont demandé qu'on leur offre cette possibilité.
M. Robert Roddick: Pas que je sache. Je n'ai pas entendu parler d'une telle demande. Et je n'essaie pas de jouer sur les mots. Il y a des gens qui s'opposent à l'accord. On pourrait y voir le désir de s'y soustraire ou de souhaiter autre chose mais personne n'a demandé, à ma connaissance, s'il était possible de se retirer de l'accord et s'il existait un mécanisme pour le faire. Tel que l'accord est structuré, il existe un certain nombre de questions qui ne sont pas couvertes. Il y a une demande concernant l'eau et les égouts qui a été expressément exclue de l'accord et qui est en train d'être examinée. Hydro demeure responsable pour les décès et les lésions personnelles, les dommages dus au mercure et tous les effets préjudiciables inconnus et imprévus constatés à la date de l'accord.
Cet accord n'a pas pour effet de mettre fin à la convention. Celle-ci continue à avoir des effets. Pour ce qui est de se soustraire à cet accord, je dirais que non, il n'existe pas de dispositions prévoyant cette possibilité.
M. Derrek Konrad: Pensez-vous que c'est un aspect qui mériterait d'être examiné?
M. Robert Roddick: Sur le plan administratif et pratique, ce serait très difficile à aménager. Je ne connais pas la réponse à cette question. Ce n'était pas un des sujets qui ont été négociés. C'est un souhait que personne n'a exprimé.
M. Derrek Konrad: Je vais peut-être poser la question à Fred.
M. Fred Muskego: Tout le monde parle d'un processus démocratique et c'est le processus que nous avons utilisé. Évidemment, lorsque l'on propose quelque chose, il est impossible que 100 p. 100 de la population appuie le projet. Nous avons obtenu un soutien se situant entre 75 et 80 p. 100 des électeurs. Je crois que le Canada connaît le même problème avec le Québec. Cette province voulait se retirer. Je pourrais peut-être adresser cette question aux députés. Je ne pense pas que cela soit le cas non plus de la Convention sur la submersion des terres du Nord.
Le président: Merci.
[Français]
Avant de céder la parole à M. Perron, j'aimerais demander à M. Muskego, qui nous a parlé de motels et centres d'accueil, s'il a en main une ventilation de tous les projets réalisés depuis le début de cet accord ou convention. Est-ce que vous avez une ventilation des sommes d'argent que les Cris ont reçues? Si oui, pourrions-nous en obtenir une copie?
[Traduction]
M. Fred Muskego: J'ai ici les deux plans annuels. Ils montrent la façon dont ces fonds ont été dépensés. Si vous en voulez un exemplaire, je pourrais vous en remettre.
[Français]
Le président: Merci.
[Traduction]
Pouvez-vous nous en remettre une copie ce matin?
M. Fred Muskego: Oui.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Perron.
M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Bonjour, monsieur le président, et merci beaucoup.
Soyez les bienvenus, messieurs. Vous représentez le beau côté de la médaille ou de l'histoire. Il y a sûrement un autre côté que d'autres gens pourraient nous présenter.
Ce que je retiens avant toute chose, c'est que le problème semble surtout être une question de sous, de gros sous. Je me demande si on a bien informé et consulté la nation crie de Norway House. On sait que, peu importe le peuple, que ce soit le peuple francophone ou la nation crie de Norway House, toutes les personnes n'ont pas le même niveau de compréhension des choses. J'aimerais que vous me disiez si les membres de la nation crie de Norway House ont vraiment été bien informés.
Ma deuxième question, qui me laisse un peu mal à l'aise, a trait à la démocratie lors des deux référendums. Vous savez qu'au Québec, nous sommes habitués aux référendums. Lorsqu'on fait deux référendums en quelques jours ou en quelques mois, est-ce qu'on peut être assuré que l'aspect démocratique peut prévaloir? Selon ce qu'ont affirmé deux témoins qui ont comparu ici la semaine dernière et à qui vous avez fait allusion, MM. Allmand et Russell, vos référendums ont été pas mal chaotiques. Par exemple, il était question d'une ristourne de 1 000 $ si on votait favorablement ou non.
J'aimerais que vous précisiez votre pensée à ce sujet-là, monsieur Muskego ou monsieur Roddick.
[Traduction]
M. Robert Roddick: Monsieur le président, pour commencer par la question de l'information, l'accord contient un rapport sur les consultations communautaires. C'est l'annexe 13.1. On y trouve une liste des dates, lieux, types de réunions et, à quatre ou cinq exceptions près, le nombre des personnes qui ont assisté à la réunion.
Je me fie à ma mémoire là-dessus mais on a tenu plus de 55 réunions, des assemblées générales, des réunions avec des groupes d'intérêt. Il y a eu des messages qui ont été diffusés régulièrement par la chaîne de télévision locale à Norway House.
Avant le vote, une brochure a été distribuée dans tous les foyers de Norway House. Il y a eu des réunions dans les bureaux de la bande pendant plusieurs jours auxquels les gens étaient invités pour parler de l'accord, pour poser des questions à ce sujet.
Lorsque l'accord a été négocié, il a donné lieu à des consultations permanentes avec la collectivité à qui l'on a présenté les idées, les positions; on a obtenu les commentaires de la population qui ont ensuite été communiqués à la table des négociations.
L'accord contient deux parties importantes qui traitent des trappeurs et des pêcheurs. Ces deux parties ont été approuvées par les trappeurs et les pêcheurs avant qu'elles ne soient présentées à la table des négociations et éventuellement adoptées. Il y a donc eu une consultation très large.
Pour ce qui est de ce montant de 1 000 $, il n'a jamais été question de modifier le montant qui allait être versé entre le premier et le deuxième vote. Personne n'a eu l'intention de verser 1 000 $ pour le second vote parce que le premier vote n'a pas donné le résultat escompté.
M. Gilles Perron: On dirait pourtant que c'est ce qui s'est passé.
M. Robert Roddick: Non. Mais selon le processus, ces sommes avaient été approuvées avant le premier vote. Si ce premier vote avait été positif, les électeurs auraient reçu exactement le même montant que celui qu'ils ont reçu, après le deuxième vote positif. Le montant du versement n'a pas été changé. On n'a pas ajouté de nouvelles conditions. Il s'agit exactement de la même somme. Ces versements avaient été approuvés plusieurs mois auparavant, lors d'une réunion communautaire. La seule modalité était que cet argent serait versé une fois l'accord ratifié. Cette condition s'appliquait au premier vote et au second vote. Elle n'a pas changé.
Personne n'est venu dire aux gens entre le premier et le deuxième vote que s'ils votaient bien la deuxième fois, ils obtiendrait une somme de 1 000 $. Cet argent devait être versé, cela était prévu. Cela était prévu par l'accord. Le montant de ces versements n'a pas été augmenté. C'était une indemnité individuelle. Il était prévu qu'elle serait versée au moment du premier vote, il était prévu qu'elle serait versée au moment du second vote, et le montant de cette indemnité n'a jamais changé.
[Français]
M. Gilles Perron: Il me semble que les plus gros problèmes, ce sont les parties 1 et 2 du projet de loi; la première porte sur les terres submergées, tandis que l'autre traite de la création de réserves. Ce sont les deux sujets dont nous avons à débattre aujourd'hui. Est-ce que les membres de votre nation ont été consultés au sujet de ces deux parties?
[Traduction]
M. Robert Roddick: Oui, je crois que c'est le cas, monsieur Perron. Il y a une liste de toutes les assemblées, avec un résumé des discussions. Ces questions ont donné lieu à une large consultation.
Les autres parties voulaient que l'on procède à une large consultation. Elles voulaient être certaines que les électeurs prennent une décision éclairée et elles voulaient que toutes ces personnes soient bien informées avant le vote. Je suis certain que c'est ce qui s'est passé.
M. Fred Muskego: Pour l'accord relatif aux droits fonciers issus de traités, on avait créé un comité. Deux anciens, un pêcheur ou peut-être les deux étaient à la fois pêcheurs et trappeurs, y ont participé. Il y avait également deux jeunes et un adulte qui faisaient partie de ce comité. Ils ont participé au volet information de l'accord sur les droits fonciers et ils vont également participer au choix des terres découlant des droits fonciers issus de traités.
Le président: Merci.
[Français]
Merci, monsieur Perron.
Monsieur Iftody.
[Traduction]
M. David Iftody (Provencher, Lib.): Je remercie le conseiller Muskego et M. Roddick pour les exposés qu'ils nous ont présentés.
Les sujets que vous avez abordés, au cours des dernières minutes en particulier, sont ceux dont nous avons principalement parlé au cours de notre dernière audience qui portait sur un certain nombre de questions litigieuses, la principale étant les irrégularités graves qui avaient pu entacher le processus suivi. Vous avez toutefois cité la décision du juge Muldoon de la Cour fédérale et il me paraît assez clair que le processus était équitable.
J'aimerais vous poser une question sur certains faits, monsieur le conseiller Muskego. Pourriez-vous me dire quels étaient les résultats, les résultats du premier et du second vote au sujet du référendum? Possédez-vous ces chiffres?
M. Robert Roddick: Monsieur Iftody, je peux vous les trouver. Je ne les ai pas avec moi mais ils se trouvent dans le procès-verbal de la première journée d'audience. Ce sont des fonctionnaires des Affaires indiennes qui les ont présentés. Si vous me donnez un moment, je vais les trouver.
M. David Iftody: Oui, je l'apprécierais.
Très bien. J'ai les résultats du premier vote: électeurs inscrits, 2 872; votants, 1 922; nombre des membres résidant habituellement dans la réserve: 1 930; nombre des membres résidant habituellement dans la réserve ayant voté: 1 517; nombre des bulletins déposés par les membres résidant habituellement dans la réserve sur la question posée: 961 pour et 551 contre. Voilà des chiffres qui me paraissent tout à fait significatifs. Il y avait une majorité claire, même lors du premier vote.
Monsieur le conseiller Muskego, je ne sais pas si vous connaissez ces chiffres mais lorsque le chef de Norway House a été élu, vous souvenez-vous quels étaient les résultats de la dernière élection?
M. Fred Muskego: Je crois qu'il a obtenu plus de 650 voix au premier scrutin. Le dernier a donné à peu près le même résultat, soit entre 600 et 700 voix. Il a obtenu une majorité claire.
M. David Iftody: C'était une majorité claire mais le chef a tout de même obtenu moins de voix pour son élection que lors de la première consultation référendaire.
La réflexion que m'inspirent ces résultats est qu'il me paraîtrait tout à fait inhabituel que l'on remette en question, par exemple, le vote d'une collectivité qui se choisit un chef, mais obtenir 600 voix dans la collectivité et entendre quelqu'un dire que cela n'est pas suffisant et remettre en question le droit démocratique de la Première nation de Norway House d'élire son propre chef... Même avec les résultats du premier référendum, j'ai l'impression que les résultats n'étaient peut-être pas suffisants pour répondre aux normes de la collectivité mais ils étaient tout de même bien plus élevés que ceux que l'on a enregistrés pour l'élection du chef de la collectivité. En fait, la participation a été très forte.
Je voulais que cela soit consigné au procès-verbal, monsieur le président, cette question des différents scrutins qui ont été tenus dans cette collectivité. Nous avons effectivement eu une discussion au sujet du processus démocratique et son application dans les localités situées dans la réserve. En fait, j'ai appris en travaillant avec les Premières nations que le taux des abstentions est parfois élevé. Il n'empêche qu'il y a des gens qui viennent voter le jour fixé; le chef est élu chef et il n'y a rien à dire. Tous les Canadiens respectent ce processus, comme les membres de la collectivité.
Merci.
[Français]
Le président: Merci.
Monsieur Keddy.
[Traduction]
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Merci, monsieur le président. Comme les autres membres du comité l'ont fait aujourd'hui, j'aimerais souhaiter à mon tour la bienvenue à nos témoins.
Monsieur Muskego, j'aimerais mentionner que, d'après moi, vous avez très bien expliqué le processus électoral et ce qui est arrivé là-bas, ainsi que le fait qu'il y ait eu un premier vote et que le chef n'a peut-être pas expliqué tout cela très bien. Je suis certain que nous allons entendre une autre version de ces événements avant la fin des audiences. Cela est tout à fait compréhensible et je crois que cela s'explique fort bien. Lorsque l'on dit aux gens qu'il y a cette possibilité, qu'il y a de l'argent pour eux et non pour la collectivité, les gens sont sensibles à ce genre d'argument. C'est un fait. Il est très difficile d'empêcher cela.
J'aimerais poser quelques questions. Vous avez affirmé que toutes les demandes présentées contre Manitoba Hydro ont été contestées et que cette attitude est simplement celle qu'adopte automatiquement les grandes entreprises. Elles n'acceptent jamais les demandes, elles les contestent automatiquement parce qu'elles ont les avocats et les fonds qui leur permettent de le faire. Pourriez-vous toutefois m'indiquer sur quoi porte la demande moyenne, même si c'est peut-être M. Roddick qui serait mieux placé pour en parler?
M. Robert Roddick: Je suis désolé, je ne peux vous dire en quoi consiste la demande moyenne parce qu'il y a en fait deux grandes catégories de demandes. La première est celle des demandes de type personnel qui sont présentées lorsque quelqu'un est blessé, a perdu l'hélice de son moteur ou ce genre de choses. Ces demandes portent en moyenne sur quelques centaines voire sur quelques milliers de dollars. Il y a ensuite les demandes plus importantes, celles qui portent sur la perte de jouissance de la vie. Ce sont des demandes beaucoup plus importantes. La demande relative à l'approvisionnement en eau et aux égouts qui est devant les tribunaux en ce moment porte sur un montant qui se situe entre 50 et 100 millions de dollars.
Ces demandes varient énormément, monsieur Keddy, et il n'est peut-être guère utile d'essayer d'établir une moyenne. Tout d'abord, je ne l'ai pas fait. Deuxièmement, il y avait ces deux catégories de demandes: les demandes individuelles et ce que j'appellerais les demandes collectives, et ces deux catégories sont très différentes.
M. Gerald Keddy: Ce projet de loi va-t-il modifier le traitement des demandes relatives à l'eau et aux égouts?
M. Robert Roddick: La demande concernant l'eau et les égouts n'est pas visée par cet accord. Les demandes individuelles sont maintenant régies par l'accord selon un processus accéléré.
M. Gerald Keddy: Très bien.
J'aurais d'autres questions. Il s'est tenu une réunion communautaire à Norway House et je pense que c'est la première ou la seconde de ces réunions, celle à laquelle 705 personnes ont assisté.
M. Robert Roddick: Oui.
M. Gerald Keddy: Était-ce la seconde ou la première?
M. Robert Roddick: C'était la seconde. Il y a eu un certain nombre de réunions entre les deux mais on avait tenu une réunion pour autoriser les négociations. Il y a ensuite cette contestation judiciaire et la décision qui s'en est suivie. On a tenu ensuite une autre réunion communautaire pour décider s'il y avait lieu de poursuivre ou d'arrêter le processus.
M. Gerald Keddy: Lors de cette réunion, et je sais qu'il est difficile de fournir des chiffres exacts, combien y avait-il environ de personnes qui s'opposaient au processus?
M. Fred Muskego: Dix-sept.
M. Gerald Keddy: Il y en avait 17.
M. Fred Muskego: Eh bien, je ne pourrais le dire exactement mais il n'y en avait pas beaucoup. Je pourrais sans doute vous fournir ces chiffres.
M. Gerald Keddy: Mais il y avait une forte majorité des personnes présentes à cette réunion qui souhaitaient poursuivre le processus.
M. Fred Muskego: Oui, c'est bien cela.
M. Gerald Keddy: Le transfert de terres prévu par la Convention sur la submersion des terres du Nord portait sur 12 000 acres, selon ce que vous avez déclaré, je souhaite obtenir uniquement un ordre de grandeur; nous pourrons trouver plus tard les chiffres exacts.
M. Robert Roddick: La CSTN visait à remplacer les terres submergées dans une proportion de quatre pour un. On a submergé près de 3 000 acres de terres appartenant aux Cris de Norway House, c'est un chiffre arrondi. Cela nous donnait droit, en vertu de la CSTN, à environ 12 000 acres. La province a convenu de nous transférer près de 50 000 acres et cela est en train de se faire.
M. Gerald Keddy: Ces terres sont-elles destinées aux quatre collectivités?
M. Robert Roddick: Non, c'est pour Norway House.
Au cours des négociations, la province du Manitoba a sensiblement augmenté la superficie des terres qu'elle était prête à transférer aux Premières nations, à titre de compensation partielle.
M. Gerald Keddy: Très bien. Merci beaucoup.
M. Fred Muskego: Pour préciser cette question des terres, je mentionnerai que Lac Molson est situé à environ 40 milles à l'est de Norway House et que l'on avait beaucoup parlé du fait que Hydro allait y construire un barrage avec tout ce que cela comporte. C'est pour répondre à ces préoccupations que nous avons choisi des terres de réserve situées à l'extrémité sud du lac Molson. La partie nord comprendra uniquement des terres découlant de droits fonciers issus des traités et ne sera pas touchée par des servitudes, à la différence des autres. Je voulais mentionner ceci à titre d'information générale.
M. Gerald Keddy: Puis-je vous poser une question sur ce point?
[Français]
Le président: Oui, allez-y.
[Traduction]
M. Gerald Keddy: Le lac Molson se prête-t-il à d'autres projets de mise en valeur hydroélectriques?
M. Fred Muskego: Je ne sais pas. Je ne suis pas spécialiste de la question. Nous voulions prendre des précautions...
M. Gerald Keddy: ... pour éviter cela.
M. Fred Muskego: Ce n'est pas la principale raison pour laquelle nous l'avons choisi. C'est un beau lac. On y fait de la pêche et il y a un grand chalet. Nous sommes en train d'essayer d'acheter ce chalet et de développer les possibilités économiques qu'offre ce lac.
M. Gerald Keddy: Je comprends. J'ai voulu en fait vous demander si vous aviez fait le projet de mettre en valeur le lac Molson? Si l'on voulait y réaliser un projet hydroélectrique, ce serait un projet dont Norway House prendrait la direction. Est-ce là une possibilité réelle?
M. Robert Roddick: Les terres qui ont été choisies près de Norway House visaient à faire en sorte qu'en cas de projet hydroélectrique dans le secteur, les Cris de Norway House y participeraient.
M. Gerald Keddy: Merci.
M. Robert Roddick: Il y a une autre Première nation, les Cris de Split Lake qui sont en train de négocier avec Manitoba Hydro et d'étudier la possibilité de mettre sur pied une coentreprise ou une entente commerciale concernant la construction d'un autre barrage sur le Nelson. Ces aspects sont donc très présents.
[Français]
Le président: Merci.
Monsieur Wilfert.
[Traduction]
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): J'aimerais vous remercier, messieurs, de nous avoir présenté vos témoignages, même si je dois vous dire qu'en écoutant vos exposés et en les comparant à ce que nous avons entendu mardi, je me demande si l'on parle vraiment de la même chose.
J'aimerais beaucoup avoir une copie de la décision du juge Muldoon. De mon point de vue, la différence qui existe entre les exposés d'aujourd'hui et ceux de mardi vient du fait que vous avez fourni des renseignements sur les documents qui ont été distribués, sur l'étude, vous avez apporté des précisions au sujet des référendums, sur les versements de 1 000 $ et le reste. Cela me paraît très important. De ce point de vue, j'ai été heureux d'entendre vos explications. Il semble qu'il y ait certaines convergences sur ce point entre ceux qui appuient le processus et ceux qui s'y opposent.
• 1010
Vous avez déclaré que si le projet de loi C-56 n'était pas
adopté, le processus se poursuivrait au moins pour ce qui est de la
mise en oeuvre. De façon concrète, comment le projet de loi C-56
va-t-il aider les personnes qui vont apparemment bénéficier de
l'adoption du projet de loi?
M. Robert Roddick: De deux façons. D'abord, il y a le fait que l'accord prévoit le versement d'une indemnité. Une partie de ces fonds constitue ce qu'on appelle de l'argent des Indiens au sens de la Loi sur les Indiens. Cet accord prévoit la création d'une fiducie. Il y a cinq fiduciaires de Norway House et une société de fiducie, le Trust Royal. La fiducie est régie par des règles très strictes. Si ce projet de loi n'est pas adopté, les derniers versements finals que doit faire Manitoba Hydro en particulier seront remis au Canada et non à la fiducie parce qu'il s'agit d'argent des Indiens.
Je crois que la fiducie doit respecter d'excellentes règles relatives à la conservation du capital et ce genre de choses mais qu'elle comporte également une souplesse sur le plan des investissements qui peut profiter aux Cris de Norway House, souplesse que le Trésor public du gouvernement du Canada n'a pas. Il y a donc aussi cet aspect.
Le deuxième aspect est que selon le processus d'examen des demandes prévu par la Convention sur la submersion des terres du Nord, les demandes visent Hydro, le Manitoba ou le Canada. Selon ce projet de loi, ces demandes doivent être adressées au fonds d'indemnisation qui est créé, de sorte que si l'on présente aujourd'hui une demande contre Hydro, Hydro doit examiner la demande, il doit ensuite négocier avec nous et nous devons ensuite avoir recours au fond d'indemnisation. Le projet de loi rationalise ce processus.
Ce sont là, d'après moi, les deux principales parties du projet de loi et l'effet qu'il a pour les Cris de Norway House et sur l'administration et la mise en oeuvre future de l'accord.
M. Bryon Wilfert: Voilà qui est utile. Les arbres cachent parfois la forêt. Je crois que si l'on regarde l'ensemble de la situation, si nous voulons que ceux qui ont été directement touchés par l'expropriation et la submersion de terres à l'époque... Avec le temps qui s'est écoulé depuis, je crois qu'il faut penser à mettre fin à tout cela. C'est une opération qui marquera la fin d'une époque difficile pour toutes les parties concernées.
Les commentaires que vous avez présentés aujourd'hui... J'avoue que le document m'a impressionné davantage. Je vais certainement lire cette décision avec un certain intérêt. Je vous en remercie.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Wilfert. Vous n'avez pas d'autres questions? Merci beaucoup.
Monsieur Perron.
M. Gilles Perron: J'aimerais faire un commentaire à la suite de la déclaration de David et de l'affirmation de M. Muskego au sujet du pourcentage de participation au vote et de toutes ces histoires-là.
Il y a un territoire autochtone non loin de chez moi, à Oka, qui compte environ 1 000 citoyens. Lors de l'élection de leur chef, à peu près le tiers des citoyens du territoire vont voter. Par exemple, lors du dernier référendum, les deux tiers sont allés voter. J'aimerais soulever le fait que lors d'un référendum, les gens vont généralement voter en plus grand nombre. Au Québec, 98 p. 100 des gens ont voté lors du référendum de 1995, tandis que 72 p. 100 ont exercé leur droit de vote lors de la dernière élection. Alors, il ne faut pas commencer à faire des jeux et à lancer de grandes affirmations au sujet du pourcentage de vote. C'est différent quand ils votent pour leur chef.
Lors des élections provinciales, tout au plus 100 ou 125 des 1 000 résidants du territoire d'Oka vont voter. C'est la participation maximale lors d'une élection qui est bien chaude. Lors du référendum, 250 d'entre eux sont allés voter. Monsieur Iftody, lorsque vous et moi nous présentons aux élections, il y a moins de gens qui vont voter que lorsqu'on tient un référendum ou un vote sur une question aussi importante que la création de réserves et l'inondation des terrains.
C'était le commentaire que je voulais faire, monsieur, afin qu'il soit consigné au compte rendu de notre séance. Merci.
Le président: Merci, monsieur Perron. Y a-t-il d'autres commentaires? Merci.
Monsieur Muskego.
[Traduction]
M. Fred Muskego: J'aimerais faire quelques derniers commentaires au sujet de la Convention sur la submersion des terres du Nord.
• 1015
Lorsque la CSTN a été signée en 1977, tout le monde espérait
obtenir une indemnité et voyait dans cette convention un moyen de
supprimer la pauvreté générale, comme cela est énoncé dans l'annexe
E. Nous avions à ce moment-là des attentes très élevées. Les gens
en sont arrivés à penser que la CSTN allait régler tous les
problèmes sociaux de Norway House. Ce n'est pas du tout ce qui
s'est produit.
Grâce à l'AGMO et à la façon dont il est structuré, en pensant à l'avenir de nos enfants et à la façon dont nous utilisons tous les ans les intérêts sur ces sommes, à un rythme d'environ 3 millions de dollars par an, nous réussissons peu à peu à régler certains de nos problèmes sociaux. Cela nous aide également à nous attaquer à nos problèmes économiques. Je ne dis pas que cela répond à tous nos problèmes mais cela permet d'en régler quelques-uns.
Les gens qui pensent que la Convention sur la submersion des terres du Nord répond parfaitement à nos attentes se trompent lourdement. Je tiens simplement à ce qu'il soit consigné au procès-verbal que cette convention reflétait d'excellentes intentions mais que c'est sa mise en oeuvre qui est à l'origine de tous ces problèmes. Avec l'AGMO, nous sommes maîtres de notre avenir. Nous sommes tenus de rendre des comptes et nous laissons la population choisir la façon dont elle entend dépenser ces fonds. Je crois que c'est comme cela que l'on devrait utiliser les fonds disponibles, qu'il s'agisse d'une réserve ou d'une municipalité.
Il est très important de bien comprendre, même pour les personnes qui seront ici la semaine prochaine, que cela ne répond pas à tous nos problèmes mais que cela nous a certainement permis de réduire de beaucoup la gravité de certains problèmes.
Une dernière chose. Nous pensions qu'aujourd'hui était le dernier jour consacré aux exposés et nous avons remarqué que certains membres de la bande qui ont entamé une contestation vont comparaître devant le comité la semaine prochaine. Je ne sais pas s'il existe un mécanisme qui nous permettrait de revenir ici jeudi pour prendre la parole à la fin de la réunion parce que, s'il y a d'autres allégations, nous aimerions pouvoir être ici pour y répondre, dans la mesure où ce ne sont pas les mêmes allégations que font ces personnes depuis quatre ans et demi.
Je me demande donc, monsieur le président, s'il est possible de nous inscrire sur la liste des témoins pour jeudi prochain.
M. David Iftody: J'invoque le Règlement, monsieur le président.
[Français]
Le président: Oui, monsieur Iftody.
[Traduction]
M. David Iftody: Je tiens simplement à signaler que lorsque le comité de direction s'est réuni pour choisir les témoins qui seraient appelés à comparaître devant le comité, il y a une chose qui m'a préoccupé, cela figure d'ailleurs dans le procès-verbal des réunions et j'ai également eu une discussion à ce sujet avec mes charmants collègues de l'opposition, à savoir que la façon dont les témoins ont été choisis, du moins d'après ce qui paraît à l'heure actuelle, semble favoriser ceux qui s'opposent à l'accord. Je suis d'avis qu'il convient de donner à tous les membres du comité le temps de prendre connaissance des faits et de corriger les erreurs éventuelles pour qu'ils puissent prendre une décision éclairée, je parle en particulier pour les membres du Parti réformiste. Ils ont grand besoin qu'on leur fournisse des faits.
Monsieur le conseiller Muskego, je vais vous dire ce que j'aimerais faire, parce que cela serait, je crois, utile. La plupart des témoins qui vont venir vivent dans la réserve mais il y en a qui vivent surtout à l'extérieur de la réserve, à Winnipeg. J'en ai rencontré un certain nombre; j'ai dîné avec eux. Ils se sont plaints à moi et m'ont présenté leurs points de vue. Mais j'aimerais entendre des membres de la bande, tant ceux qui vivent dans la réserve que ceux qui vivent à l'extérieur de celle-ci, des membres de Winnipeg et de Norway House par exemple, qui étaient favorables à l'accord ou qui ont voté pour qu'il soit adopté. Nous aimerions entendre aussi leur version des choses. Je ne sais pas si vous pouvez fournir au comité le nom de certaines personnes, ou comme dit le Parti réformiste, des personnes ordinaires, des personnes de terrain, des membres de Norway House qui étaient en faveur du projet de loi pour qu'elles puissent présenter leurs points de vue au comité.
J'ai apprécié les excellents exposés que vous nous avez présentés. M. Roddick a été particulièrement précis pour ce qui est des faits et des arguments mais j'aimerais entendre également d'autres personnes sur ce sujet.
• 1020
Derrek s'apprête à me contredire mais j'aime bien le taquiner
de temps en temps pour qu'il se tienne sur ses gardes.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Iftody. En toute démocratie, je laisse la parole à M. Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: En fait, nous avions une liste des personnes, et je crois que M. Iftody le sait, qui souhaitaient comparaître. Ces autres personnes n'ont pas demandé à comparaître et nous n'avons donc pas pu choisir leurs noms.
Par contre, je ne suis pas aussi injuste et partial que M. Iftody aimerait vous faire croire. Je veux juger ce projet de loi en fonction de ses qualités. J'ai quelques principes et théories philosophiques et je crois que c'est à cela que sert un comité. Nous ne sommes pas tous assis du même côté. Vous êtes tout à fait bienvenus ici.
Nous ne formons pas encore l'Alternative Unie et c'est nous qui sommes encore la seule alternative.
[Français]
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
M. Robert Roddick: Nous serions heureux de vous proposer le nom de personnes qui vivent hors réserve. Je comprends fort bien que si vous n'avez pas de liste de noms, vous ne pouvez pas en choisir. Nous allons vous aider et vous fournir des noms.
Je suis heureux de voir que le comité n'a pas changé et qu'il y a encore de temps en temps des escarmouches. Mais nous allons vous fournir des noms et nous pourrions peut-être en parler un peu plus tard.
Le président: Merci beaucoup pour votre déclaration.
[Français]
Merci beaucoup. Vous nous transmettrez la ventilation des dépenses des projets réalisés.
J'invite maintenant le représentant de Hydro Manitoba à prendre la parole. Il s'agit de M. R.D. Bettner,
[Traduction]
Conseil de société adjoint et avocat principal.
Voulez-vous faire une déclaration?
M. R.D. Bettner (conseil de société adjoint et avocat principal, Manitoba Hydro): Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Pourriez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent?
[Traduction]
M. R.D. Bettner: Bien sûr, monsieur le président. Je suis accompagné de M. Robert Adkins du cabinet Thompson Dorfman Sweatman de Winnipeg, qui ont agi à titre de conseillers juridiques auprès de Manitoba Hydro pour les négociations concernant l'accord de mise en oeuvre conclu avec les Cris de Norway House. En fait, ils ont conseillé Manitoba Hydro pendant toutes les négociations relatives à la mise en oeuvre auxquelles ont participé la Nation crie de Split Lake, les Premières nations de Nelson House, de York Factory et comme je l'ai dit les Cris de Norway House.
• 1025
Je vais faire un bref exposé et ensuite, M. Adkins et moi
serons heureux de répondre aux questions que les membres du comité
souhaiteront nous poser.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, Manitoba Hydro est heureux de pouvoir expliquer au comité pourquoi nous sommes en faveur de l'adoption du projet de loi C-56. Comme les membres du comité le savent certainement, la partie 1 qui traite de la nation crie de Norway House est le quatrième texte législatif de ce type à être présenté au Parlement et à votre comité. Des projets de loi ont été adoptés à l'égard des accords conclus avec la Nation crie de Split Lake, avec la Première nation de Nelson House et avec celle de York Factory.
Comme M. Roddick l'a indiqué, la partie 1 de ce projet de loi est pratiquement identique à celle des trois autres textes. L'accord auquel il donne effet représente l'aboutissement de près de trois ans de discussions et de négociations entre le Canada, le Manitoba, la Nation crie de Norway House et Manitoba Hydro au cours desquelles les parties concernées ont tenté de résoudre les problèmes que soulevait l'exploitation des ressources hydroélectriques du nord du Manitoba ainsi que la Convention sur la submersion des terres du Nord.
Du point de vue de Manitoba Hydro, la convention et ce projet de loi offrent de nombreux avantages pour toutes les parties concernées. Premièrement et principalement, ces documents offrent aux parties la possibilité d'instaurer de nouveaux rapports parce qu'il restait des problèmes qui, au cours des années, avaient suscité de la colère, de la méfiance, de l'incertitude, qui avaient été soumis à l'arbitrage, ce qui avait entraîné des retards dans le versement des indemnités et l'attribution des avantages prévus par la Convention sur la submersion des terres du Nord. Ces documents vont aplanir toutes ces difficultés tant pour le passé et le présent que pour l'avenir. Ils vont permettre à la Nation crie de Norway House d'obtenir des sommes importantes que cette nation pourra, après l'adoption du projet de loi, administrer elle-même conformément aux mécanismes prévus dans l'accord ainsi que des territoires importants, deux éléments qui sont essentiels à la survie et à l'épanouissement des Cris de Norway House, en outre, ces terres et ces fonds pourront être administrés à Norway House pour le bénéfice des membres de la Nation crie de Norway House.
Lorsqu'on examine le projet de loi et la convention qu'il met en oeuvre, la première chose qui frappe le lecteur est le fait qu'un accord d'environ 130 pages, c'est-à-dire la Convention sur la submersion des terres du Nord, a débouché sur un accord de mise en oeuvre qui comprend plusieurs centaines de pages. Le volume du document de mise en oeuvre fait ressortir les lacunes que comportait la convention. En constatant ces lacunes, il serait facile de critiquer la convention mais il ne faut pas oublier que nous évaluons la façon dont ces ressources ont été mises en valeur, tous ces événements, avec le bénéfice du recul et avec nos connaissances actuelles.
La Convention sur la submersion des terres du Nord fournissait, ce que l'on pourrait appeler, les grandes lignes des obligations et des questions dont les parties devaient tenir compte dans la réalisation et la mise en route de projets hydroélectriques. Ce manque de précision combiné à des changements radicaux dans la dynamique de communautés autochtones du Nord qui étaient isolées auparavant a créé un problème pratiquement insurmontable pour les parties qui tentaient de répondre aux besoins de collectivités en pleine expansion et de déterminer quels étaient les problèmes ou les aspects de ces problèmes que l'on pouvait attribuer à la réalisation de ces projets.
Par contre, cette convention était précise, et certains le regrettent, pour ce qui est du mécanisme de résolution des litiges qui étaient confiés à un arbitre nommé conformément à la convention. À raison ou à tort, les parties ont constamment soumis à l'arbitrage la résolution des questions liées à cette convention.
Il y a lieu de signaler que certains de ces litiges étaient susceptibles d'être résolus par les parties sans avoir recours à l'arbitrage. Les questions d'indemnité reliées aux terres ont été résolues. Des règlements sont intervenus pour la pêche commerciale, le piégeage commercial et le piégeage de subsistance. Les demandes individuelles concernant des préjudices causés à des biens meubles ont été réglées. Il y avait par contre d'autres questions plus complexes notamment celles qui portaient sur la responsabilité des parties. Il s'agissait donc de problèmes importants que les parties n'étaient pas en mesure de résoudre elles-mêmes.
L'accord de mise en oeuvre et ce projet de loi représentent le fruit des négociations qui ont eu lieu, sur un pied d'égalité, entre les quatre parties. Chacune des parties avait accès aux conseils de spécialistes dans divers domaines, juridique notamment. On a mis sur pied un processus de consultation communautaire dont M. Roddick a parlé pour que les gens de Norway House soient informés des négociations et du contenu de l'accord. Les autres parties ont utilisé des processus semblables pour informer leurs membres et obtenir les approbations nécessaires.
• 1030
L'accord de mise en oeuvre a certes des détracteurs. Il y a
des membres de Norway House qui contestent l'accord, comme ils ont
parfaitement le droit de le faire. Il aurait en fait été assez
étrange que l'accord de mise en oeuvre soit accepté sans réserve
par chacun des membres de la Nation crie de Norway House. Il est
sain que ces différences d'opinions s'expriment et cela servira à
long terme les intérêts de tous puisque cela obligera les
intéressés à utiliser les mécanismes de contrôle et de
responsabilisation prévus par l'accord de mise en oeuvre. Il
faudrait également ajouter qu'il y avait également dans les entités
parties à l'accord des personnes qui s'opposaient à l'accord lui-même ou à
certaines parties de celui-ci. Finalement, les parties
ont utilisé leurs propres règles et procédures pour obtenir les
approbations nécessaires et en arriver à un consensus interne.
L'accord de mise en oeuvre introduit de nouveaux mécanismes qui permettront aux individus d'avoir accès au fonds d'indemnisation pour les dommages personnels qu'ils ont subis. C'est un mécanisme qui sera administré localement par les Cris de Norway House, qui seront particulièrement bien placés pour prendre connaissance des faits, et qui seront chargés de trancher en première instance les demandes individuelles d'indemnité.
Comme M. Roddick l'a indiqué, l'accord de mise en oeuvre ne met pas fin à la Convention sur la submersion des terres du Nord. Cette convention demeure le document fondamental pour l'accord et pour les parties. L'accord de mise en oeuvre règle les questions que soulèvent les projets à l'heure actuelle mais il y a des cas qui sont encore régis par les mécanismes prévus par la convention.
Pour ce qui est des projets futurs, l'accord de mise en oeuvre met sur pied un mécanisme global qui nous permettra, comme nous l'espérons, d'en arriver à un accord d'indemnisation préalablement à la réalisation des projets, et il comprend un mécanisme de résolution des conflits. Dans toute la mesure du possible, les projets seront toujours accompagnés d'un tel accord.
Manitoba Hydro n'a pas négocié et signé cet accord de mise en oeuvre dans le but d'abandonner Norway House, ou n'importe quelle autre collectivité du nord du Manitoba. Manitoba Hydro va préserver les rapports qu'il entretient avec Norway House et avec les autres collectivités. Ces rapports vont se poursuivre en raison des projets que nous avons réalisés, en raison du fait que nous fournissons sur une base quotidienne un service d'électricité et que nous espérons poursuivre le développement des possibilités énergétiques du Manitoba. Les progrès que nous pourrons réaliser dans ce but dépendront en partie des décisions que nous avons prises dans le passé, aussi bien celles qui ont été des erreurs, mais surtout de la façon dont nous avons rectifié ces erreurs et dont nous répondrons aujourd'hui et par la suite aux attentes toujours renouvelées que l'on entretient à l'égard des entreprises qui mettent en valeur les ressources.
Avant de terminer, j'aimerais parler brièvement de la partie 2 du projet de loi C-56, qui touche la création de réserves. J'ai également le plaisir de vous indiquer que nous appuyons la partie 2 du projet de loi en tant qu'entreprise qui exploite les ressources du nord du Manitoba, tant pour les importants projets que nous avons déjà réalisés que pour ceux que l'on pourrait mettre en oeuvre à l'avenir pour favoriser le développement de cette région. Les divers accords relatifs aux droits fonciers issus de traités ainsi que les accords de mise en oeuvre de la convention ont pour effet de transférer aux Premières nations des territoires considérables et il est important que le Canada et les Premières nations concernées aient le pouvoir d'administrer les terres de réserve en tenant compte des droits que des tiers possèdent actuellement sur ces terres et de ceux qu'ils pourraient obtenir par la suite.
La partie 2 encadre, de façon relativement complète, les activités des entreprises d'exploitation des ressources ou des terres et évitera, comme nous l'espérons, que des projets soient abandonnés faute d'avoir pu régler suffisamment rapidement la question essentielle de l'utilisation des terres. La partie 2 facilitera pour Manitoba Hydro les négociations avec les Premières nations au sujet des permis attribués en vertu de la Loi sur l'énergie hydraulique, des réseaux de transmission et de distribution et des autres ouvrages, dans la mesure où il permettra de résoudre les questions liées aux droits fonciers dans des délais acceptables.
En conclusion, Manitoba Hydro recommande au comité d'adopter ce projet de loi et M. Adkins et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Bettner.
Monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: À la page 3 du mémoire que vous avez présenté... excusez-moi, ce n'est pas le vôtre. Cela ne fait rien, je vais vous poser cette question parce que je suis sûr que vous connaissez la réponse.
On peut lire dans ce document que l'accord de mise en oeuvre prévoit des indemnités foncières renforcées. Pouvez-vous me dire quelle était l'indemnité foncière qu'accordait la convention et préciser comment cette indemnité a été renforcée?
M. R.D. Bettner: Selon l'article 3 de la Convention sur la submersion des terres du Nord, pour chaque acre de terre submergée ou visée par une servitude, l'indemnité était de quatre acres de terre. En fin de compte, je crois que cette indemnité est passée à près de 16 ou 17 acres par acre, au lieu des quatre que prévoyait la convention.
M. Derrek Konrad: Vraiment? Je me demande pourquoi cela n'a pas satisfait tout le monde. Comment ces terres seront-elles transférées à la Nation crie de Norway House?
M. R.D. Bettner: Je crois que mon collègue qui représente le gouvernement du Manitoba, la partie chargée de fournir ces terres, est peut-être mieux placé que moi pour en parler. Brièvement, je peux dire que les terres seront transférées du Manitoba au Canada et qu'elles seront ensuite mises de côté à titre de terres de réserve. Je crois qu'il y a deux ou trois parcelles qui seront détenues en fief simple, c'est-à-dire qui ne feront pas partie d'une réserve, mais la majeure partie des terres seront des terres de réserve.
M. Robert J. Adkins (Conseil juridique externe du Manitoba; associé, Thompson Dorfman Sweatman): Permettez-moi de répondre également à cette question; en tant qu'avocat, j'ai assisté à la négociation et à la signature de tous les accords globaux. Dans chacun de ces accords, les indemnités foncières ont été sensiblement augmentées. Elles sont à peu près équivalentes. Je crois que ces renseignements ont été fournis par les représentants du Canada lorsqu'ils ont comparu devant le comité.
Il y aura 16 acres qui deviendront des terres de réserve pour chaque acre utilisée, comme cela a été mentionné. Tout cela a fait l'objet d'un examen environnemental. On a préparé des rapports. Si vous le souhaitez, nous pourrions vous remettre une copie de ces rapports. Ce sont les Premières nations qui ont choisi les terres. Le Canada, le Manitoba et Manitoba Hydro ont assumé les coûts relatifs à la recherche de terres, à l'examen environnemental de ces terres et à toutes les mesures nécessaires; les parties voulaient ainsi s'assurer que les Premières nations recevraient effectivement les terres qu'elles souhaitaient avoir.
M. Derrek Konrad: Je vais laisser la parole à quelqu'un d'autre pendant que je réfléchis à tout cela.
[Français]
Le président: Merci. J'aimerais vous demander, monsieur Bettner, si vous avez une ventilation de toutes les sommes d'argent que vous avez accordées en vue de la réalisation de différents projets depuis la signature.
[Traduction]
M. R.D. Bettner: Nous avons un résumé partiel et nous pouvons certainement obtenir ces renseignements. Il y a des sommes qui ont été versées à des particuliers à la suite de demandes individuelles, d'autres qui ont été versées à la suite d'un arbitrage, ce qui veut dire que la demande a fait l'objet d'un règlement. Je n'ai rien de précis à remettre au comité aujourd'hui mais je pense que nous pourrions vous donner ces chiffres.
[Français]
Le président: Je vous en saurais gré. Merci beaucoup.
[Traduction]
M. Robert Adkins: Pour ce qui est de l'accord, je peux dire que les paiements déjà effectués ont été un des sujets sur lesquels ont porté les négociations. En fait, dans l'accord et je pense que tous les membres du comité en ont un exemplaire, parce qu'il est très clair sur ces questions, on indique quels sont les montants exacts qui ont été fournis par les trois parties, le Canada, le Manitoba et Manitoba Hydro et ces montants figurent à l'article 1.
Le président: Merci.
Monsieur Iftody.
M. David Iftody: Merci, monsieur le président.
J'ai deux questions. L'une d'entre elles porte sur la question des droits fonciers issus des traités, et sur les commentaires qu'a formulés le chef Thunder et sur toute la question des droits des tiers du point de vue de Manitoba Hydro. Avant de poser cette question, j'aimerais profiter de la présence de représentants d'Hydro ici, ce qui est rare, pour leur poser une question.
La dernière fois que notre comité a siégé, nous avons entendu le témoignage de l'ancien ministre des Affaires indiennes et de Peter Russell, un constitutionnaliste bien connu. Ces deux personnes ont critiqué l'accord mais à un moment donné, je crois que c'est M. Allmand qui l'a dit, si je ne me trompe pas, ils ont affirmé qu'il y avait des personnes qui avaient profité de la submersion de ces terres et de ce projet, à la suite des longues négociations tenues avec Manitoba Hydro et de la conclusion de la convention. Je crois que quelqu'un a déclaré que Manitoba Hydro avait amassé littéralement des milliards de dollars grâce à la submersion de ces terres et que les Premières nations indiennes n'avaient reçu que des miettes par comparaison. Autrement dit, cette opération a représenté une manne pour Manitoba Hydro et les indemnités qu'a versées cette entreprise ont été tout à fait insuffisantes.
• 1040
Comment réagissez-vous à ces observations?
M. R.D. Bettner: MM. Allmand et Russell ont droit à leur opinion, comme n'importe qui. Malheureusement, les faits indiquent que la situation est toute autre.
La Convention sur la submersion des terres du Nord a été principalement conclue pour les projets de régularisation du lac Winnipeg et de détournement du Churchill. Ces deux projets avaient pour but d'augmenter le débit du Nelson pour accroître sa capacité hydroélectrique. Cette capacité existait déjà. Ces projets ont eu pour effet de l'augmenter et de la rendre plus régulière.
Il serait difficile de répartir entre ces projets les avantages qui en ont découlé. Je dirais que tous les ans la vente d'électricité tant à l'intérieur du Manitoba qu'à l'extérieur génère des recettes. Manitoba Hydro est une société d'État qui a pour mandat de produire de l'électricité au moindre coût. Les bénéfices reviennent à l'ensemble de la population du Manitoba.
L'utilisation des terres et des ressources est régie par ces accords de mise en oeuvre et par la convention. Les indemnités sont-elles trop élevées ou insuffisantes, chacun a son opinion sur cette question. Manitoba Hydro paie des redevances au gouvernement pour l'usage qu'il fait de l'eau pour produire de l'électricité. Elle paie des droits au gouvernement pour l'utilisation de certaines terres et le gouvernement utilise ces fonds comme il l'entend.
M. David Iftody: Avez-vous un tableau des recettes que vous avez reçues pour les derniers cinq ou vingt ans? À combien s'élèvent les recettes qui découlent du projet visé par la convention? S'agit-il d'un milliard de dollars sur 10 ans? Avez-vous les chiffres globaux? Si vous ne les avez pas, savez-vous quel est le rendement sur l'investissement? Quels sont les chiffres que vous avez sur cette question?
M. R.D. Bettner: Nous ne sommes pas réglementés sur la base du rendement sur les investissements; nous sommes réglementés en fonction du coût du service, à la différence d'une société privée qui doit obtenir un rendement sur ses capitaux.
Les rapports annuels de l'entreprise indiquent chaque année quelle a été notre performance financière. Nous avons trois principales sources d'hydroélectricité. Il y a l'électricité produite sur la Winnipeg, qui se trouve dans la partie sud du Manitoba. Il y a également des usines à Grand Rapids. Il y a quelques autres petites usines hydroélectriques mais le gros de notre hydroélectricité vient du bassin du Nelson.
Pour ce qui est des recettes annuelles, elles varient sensiblement. Le gros des recettes vient sans doute du Nelson, ne serait-ce qu'à cause de la puissance des usines qui s'y trouvent mais la production varie selon les niveaux d'eau. Lorsque ces niveaux sont élevés, nous produisons de grandes quantités d'électricité que nous pouvons ensuite vendre pour absorber d'autres coûts et maintenir nos tarifs à un niveau raisonnable. Il arrive également que les débits soient insuffisants et que nous soyons obligés d'importer de l'électricité.
M. David Iftody: Ce sont là des questions importantes, monsieur le président, parce qu'il y a eu les mêmes discussions entre Hydro-Québec et les Cris du nord du Québec.
Je mentionnerais en passant, si cela peut vous intéresser, que j'habite au bord de la Winnipeg dont vous venez de parler et qu'il y a cinq petits barrages entre Pointe du Bois, Seven Sisters, Great Falls, McArthur Falls et les autres. Je suis né et j'ai grandi sur les bords de cette rivière et ma note d'électricité ne fait qu'augmenter. J'aimerais vous montrer mes factures de chauffage, monsieur Bettner, pour ces dernières années. Je ne sais pas pourquoi j'habite près de cinq barrages. J'aimerais déposer ces factures à titre de document officiel parce que mes factures d'électricité ne cessent d'augmenter.
M. R.D. Bettner: Encore heureux, monsieur Iftody, que vous n'habitez pas en Ontario.
M. David Iftody: Oui. Je suis toujours heureux de ne pas vivre en Ontario.
M. Gilles Perron: Vous devriez déménager au Québec. L'électricité y est moins chère.
M. David Iftody: Ma seconde question porte sur les droits des tiers et l'accord-cadre relatif aux droits fonciers issus de traités. Qu'en pensez-vous? Le chef Thunder estime que ces documents répondent pour l'essentiel à toutes les préoccupations exprimées par les parties; et vous figurez dans la catégorie des droits des tiers dans toute cette discussion. Cela me paraît quelque peu inhabituel. J'aimerais tout de même savoir ce que vous pensez des rapports qu'aménage l'accord sur les droits fonciers issus de traités et quelle est la position de Manitoba Hydro à ce sujet?
M. R.D. Bettner: L'accord conclu par les Premières nations, comme vous le savez et comme le représentant du Manitoba l'indiquera certainement, porte sur un territoire considérable. L'annexe de la partie 2 vise également des terres qui seront fournies en vertu des accords de mise en oeuvre de la Convention sur la submersion des terres du Nord.
Pour ce qui est de ces terres, lorsque, par exemple, une Première nation choisit des terres sur lesquelles passent des lignes de transmission, nous avons besoin d'avoir accès à ces terres pour entretenir les lignes et continuer à offrir le service. Il est important pour nous de régler dans un délai raisonnable les questions d'accès et ses modalités et de pouvoir continuer à utiliser ces terres pour les fins limitées qui sont les nôtres au moment où ces terres sont en train d'être choisies et avant que ne s'opèrent les transferts. Cela donne à tous les intéressés des garanties, cela permet de planifier leurs activités et donne aux parties le temps de résoudre leurs différends avant que ces terres ne deviennent tout à coup des réserves sans qu'il y ait d'entente sur l'utilisation que nous voulons continuer à en faire.
M. David Iftody: Estimez-vous que la plupart de vos préoccupations au sujet du droit d'accès ont été prises en considération et que ces accords ne dissimulent pas une bombe à retardement? Pensez-vous qu'une des parties risque de dire plus tard qu'elle n'a jamais accepté telle ou telle partie de l'accord-cadre?
M. R.D. Bettner: Ce n'est pas du tout ce que nous prévoyons. Nous sommes heureux de nous être entendus sur un processus qui nous permet de régler ces aspects dans un délai acceptable; autrement, nous serions obligés d'examiner l'ensemble des droits existants chaque fois qu'il se produit quelque chose. Avec ce processus, les Premières nations peuvent prendre les arrangements qui leur conviennent. Le Canada est également amené à intervenir à son tour pour qu'il n'y ait pas d'hiatus pour les approbations et les responsabilités.
M. David Iftody: Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Merci. Monsieur Perron.
M. Gilles Perron: Monsieur le président, je vais essayer de m'en tenir à deux questions seulement.
Bonjour, messieurs. Je vous remercie d'être venus témoigner. On a appris qu'en vertu de la Convention sur la submersion des terres du Nord, les demandes d'arbitrage étaient pratiquement monnaie courante. J'aimerais savoir quelle est l'expérience d'Hydro Manitoba à ce chapitre. On parle de demandes d'arbitrage portant entre autres sur les terrains.
[Traduction]
M. R.D. Bettner: Il me paraît important, monsieur Perron, de comprendre que la plupart des demandes soumises à l'arbitrage ont été présentées entre 1982 et 1984. Cela s'explique en partie par une clause sur la prescription qui figurait dans la Convention sur la submersion des terres du Nord et qui accordait une période de cinq ans après la date de la signature de la convention ou dans un délai de quatre ans après avoir découvert le fait à l'origine de la demande ou du préjudice, si vous voulez, pour soumettre la demande à l'arbitrage.
• 1050
Nous avons donc reçu toute une série de demandes pendant cette
période, et la plupart d'entre elles n'ont pas été examinées.
M. Gilles Perron: Pourquoi?
M. R.D. Bettner: Les demandes n'ont pas été examinées parce que personne ne savait comment s'y prendre pour certaines d'entre elles. Il y en avait qui soulevaient des questions extrêmement complexes. Elles ne portaient pas sur un préjudice particulier qu'il était facile de relier au projet. D'autres étaient bien plus faciles à traiter, monsieur.
Il y a eu des demandes relatives aux entraves à la pêche commerciale. Il a été relativement facile de les traiter. Il fallait disposer de données, parfois d'un grand nombre de données. Il a parfois fallu du temps pour négocier et mettre sur pied un programme mais finalement, ces demandes ont été réglées par une entente et non pas par une décision imposée de l'extérieur.
Les aspects économiques du piégeage, par exemple, ont parfois donné lieu à des demandes d'arbitrage qui figurent dans les registres. Ces demandes ont fait l'objet de négociations et d'un règlement. Cela s'est produit dans un certain nombre de collectivités.
Le fait de procéder par voie de demande a toutefois influencé la façon de penser des parties et bien souvent dans un mauvais sens. Par exemple, il y a eu des demandes qui concernaient les effets préjudiciables sur la culture mais en quoi consiste la culture? La culture est la résultante de toutes les activités d'une collectivité donnée. Elle comporte des aspects récréatifs, spirituels et économiques. Il y a également d'autres activités qui peuvent en faire partie. Mais lorsque l'on utilise ce mécanisme d'examen des demandes, on perd parfois cette vue d'ensemble. Cela explique en partie pourquoi le mécanisme d'examen des demandes n'a jamais donné de très bons résultats.
Les demandes concrètes comme les dommages directs sur les ressources, les dommages physiques ou la perte de meubles, étaient faciles à traiter. Dans l'ensemble elles l'ont été. Quelqu'un a parlé de 3 000 demandes d'arbitrage. Eh bien, ce n'est pas tout à fait exact. Il y en avait probablement 125 à 130 qui concernaient les Premières nations visées par la CSTN.
Il y a eu plus de 3 000 demandes individuelles qui ont été présentées par des personnes qui avaient perdu une hélice, des filets, ou dont le moteur était endommagé et qui n'ont jamais été soumises à l'arbitrage. Ces demandes ont été réglées directement entre Manitoba Hydro et les personnes qui avaient subi un préjudice. Je crois que les chiffres indiquent qu'il y a eu près de 3 200 demandes individuelles de déposées, dont environ 100 ont été retirées, une autre centaine ont été rejetées et plus de 2 900 réglées par le versement d'une indemnité.
[Français]
M. Gilles Perron: J'aimerais vous poser une sous-question. Vous parlez toujours au passé. Est-ce qu'on pourrait transposer vos paroles au présent? Est-ce que des demandes d'arbitrage continuent de surgir et, si tel est cas, quel en est le volume?
[Traduction]
M. R.D. Bettner: Il y a des demandes d'arbitrage soumises par la Première nation de Cross Lake qui n'ont toujours pas été réglées. Par contre, les accords de mise en oeuvre ont permis de régler les demandes d'arbitrage en suspens des quatre autres Premières nations. Il y a aussi quelques demandes d'arbitrage pour des questions reliées à des blessures ou des décès, de même que des demandes formulées par certaines personnes qui habitaient autrefois la collectivité de South Indian Lake.
[Français]
M. Gilles Perron: Ma deuxième question sera très brève. Nous parlons aujourd'hui de l'accord principal. Est-ce qu'il s'avérera moins problématique face aux demandes d'arbitrage et, si oui, pourquoi?
[Traduction]
M. R.D. Bettner: Voulez-vous dire cet accord?
M. Gilles Perron: Oui.
M. R.D. Bettner: Cet accord permettra de régler les demandes d'arbitrage en suspens. Je ne crois pas qu'il y ait de demandes en suspens de membres de Norway House concernant des blessures personnelles ou des décès.
Par exemple, les demandes d'arbitrage portant sur des questions de culture, de récréation, de piégeage, de pêche, de chasse, de gibier d'eau, toute une série de questions—les demandes relatives au développement actuel—sont réglées dans le cadre de cet accord.
M. Robert Adkins: Pour répondre en partie à votre question, je dois vous dire que pour chacun de ces accords nous avons échangé pendant plusieurs mois avec les représentants de la collectivité pour savoir comment il conviendrait le mieux de traiter de leurs demandes. En d'autres mots, il s'agirait de créer un fonds pour répondre à toutes les demandes de plus de 3 300 $ sur la période de 21 ans, ce qui ne représente pas beaucoup d'argent pour une année mais qui représente beaucoup de travail. Chacune des Premières nations aborde le processus un peu différemment, et chacun des accords généraux—dont les trois que vous avez déjà examinés et celui-ci que vous considérez actuellement—établit une démarche que la Première nation juge appropriée.
Les autres parties, c'est-à-dire Manitoba Hydro et le Canada, voulaient s'assurer que le processus choisi et mis de l'avant par les Premières nations pour répondre aux demandes serait tout aussi favorable pour la partie qui présente la demande que la Convention ne l'est. Selon moi, il n'y a pas d'exception—j'en suis même certain parce que j'ai participé à la rédaction de chacun des accords. On a favorisé la personne qui présente la demande conformément à la Convention. Maintenant, la demande peut être soumise localement, aux membres de la collectivité, qui l'examinent. Si la demande est approuvée, l'indemnité peut être versée plus rapidement pour régler la demande. Si on juge que la demande est appropriée mais qu'on n'est pas disposé à recommander qu'elle fasse l'objet d'un paiement, le demandeur peut se prévaloir d'un mécanisme d'appel qui est exactement le même que celui qui est prévu dans la Convention sur la submersion des terres du Nord, et qui prévoit la nomination d'un arbitre, le paiement des frais, le paiement des honoraires d'avocats, l'inversion du fardeau de la preuve. Bref, tout y est.
L'intention est ici d'élaborer un mécanisme qui soit viable et qui ne prive pas les gens de leurs acquis. Ce n'est pas ce qui s'est produit et tous ici ont fait très attention à ce que cela ne se produise pas.
Le président: Merci.
Monsieur Keddy.
M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président. Ma question porte sur le caractère irrévocable de cet accord. J'entends toutes sortes d'opinions sur le sujet et il me semble que tout accord doit permettre de régler une situation une fois pour toute. Il peut y avoir des obligations continues, des responsabilités juridiques, mais pour ce qui est du processus de demande d'arbitrage, est-ce que l'accord permet d'y mettre un terme ou non?
M. Robert Adkins: Le mécanisme de demandes est maintenu. À l'heure actuelle, les demandes se font en vertu de l'accord et faute de législation, il y aurait un double processus. Les gens pourraient présenter une demande d'indemnisation localement s'ils le veulent ou ils pourraient continuer de s'adresser à Manitoba Hydro parce qu'ils ont toujours ce droit pour le moment. Ainsi, ce mécanisme serait maintenu.
M. Gerald Keddy: S'agit-il de la demande actuelle ou d'une demande future?
M. Robert Adkins: Toutes les demandes de la Nation crie de Norway House ont été réglées. Si certaines demandes individuelles qui ne sont toujours pas réglées, elles pourraient être examinées en vertu de la CSTN. Le cas échéant, si on rendait une décision défavorable à Manitoba Hydro, au gouvernement du Manitoba ou à celui du Canada, le demandeur pourrait s'adresser de nouveau à la Première nation et celle-ci devrait indemniser Manitoba Hydro, le gouvernement du Manitoba ou celui du Canada à même le fonds. Le projet de loi vous offre deux choix et vous pouvez prendre la voie directe plutôt qu'indirecte.
M. Gerald Keddy: D'accord, mais examinera-t-on d'autres demandes avant de s'occuper de celles qui sont déjà en attente? Ne risque-t-on pas, à cause des demandes qui ont déjà été présentées, de se retrouver, l'an prochain, avec une réclamation pour une hélice cassée ou la perte d'un habitat du poisson?
M. Robert Adkins: Celui ou celle qui briserait une hélice sur une bille présenterait une réclamation. Cette personne la soumettrait au niveau local et obtiendrait un remboursement à même le fonds prévu à cette fin.
M. Gerald Keddy: Je veux bien, mais j'ai toujours certaines réserves. Je crois que le processus a été suivi et je suis sûr que nous ne voulons plus y revenir, mais...
M. R.D. Bettner: Votre question, monsieur Keddy, est de savoir si nous nous attendons à une autre demande de règlement, par exemple de la part d'une association de pêcheurs ou de la Nation crie de Norway House concernant des répercussions pour la pêche commerciale. Vraisemblablement, non. Pour le moment, une telle perspective serait imprévue ou imprévisible, et il faudrait que ce soit dans des circonstances assez extraordinaires.
M. Gerald Keddy: Mais la poursuite des activités de pêche comporte certains risques.
M. R.D. Bettner: J'en conviens.
M. Gerald Keddy: Certains de ces risques seraient des billes submergées, des roches, des affleurements rocheux. Je comprends qu'au début de l'application de l'accord toutes ces demandes seraient reçues sans contestation, mais à plus long terme, cela me pose des difficultés, comme c'est le cas pour Manitoba Hydro, selon moi. Mais cela est établi. C'est le processus et vous le suivez.
M. R.D. Bettner: Je comprends ce que vous dites maintenant. Vous envisagez un cas qui se poserait une fois le projet terminé et le régime bien établi, où tous seraient au courant, où l'on s'attendrait à ce que...
M. Gerald Keddy: Dans 25 ans, serez-vous prêt à traiter de certaines...
M. R.D. Bettner: En d'autres mots, vous revenez toujours à la même question.
M. Gerald Keddy: Exactement.
M. R.D. Bettner: En vertu de ce processus, ce sera une décision de première instance qui appartiendra à la Nation crie de Norway House. Elle aura à prendre la décision. S'agit-il d'une situation qui met en cause des faits importants ou imprévus, ou quelqu'un a-t-il été négligeant ou a tout simplement oublié?
M. Gerald Keddy: Mais la Première nation de Norway House appliquera le processus.
M. R.D. Bettner: Oui.
M. Gerald Keddy: Vous verserez un montant forfaitaire.
M. R.D. Bettner: Ce montant a déjà été versé.
M. Gerald Keddy: D'accord. Ce montant doit servir à perpétuité.
M. R.D. Bettner: Oui.
M. Gerald Keddy: Ainsi, il est possible qu'à un moment donné, la Première nation de Norway House décide de ne plus accepter ce type de réclamations, mais ce serait sa décision.
M. Robert Adkins: C'est exact.
M. Gerald Keddy: Merci, messieurs. Voilà une clarification importante.
[Français]
Le président: Merci. Vous n'avez pas d'autres questions? Merci, messieurs Bettner et Adkins.
Nous passons maintenant au représentant du gouvernement du Manitoba.
[Traduction]
Monsieur Hannon, vous avez une déclaration à faire.
M. Gord Hannon (Crown Counsel, Civil Legal Services, Manitoba Department of Justice, gouvernement du Manitoba): Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de l'occasion qui m'est offerte de faire une déclaration d'ouverture à votre comité au nom du ministère des Affaires du Nord du Manitoba. Comme vous le savez, le ministère des Affaires du Nord du Manitoba est l'organisme responsable pour la Convention sur la submersion des terres du Nord et des revendications relatives aux droits fonciers découlant de traités au Manitoba. J'ai eu le privilège d'agir pendant plus de 13 ans comme avocat principal du ministère des Affaires du Nord du Manitoba relativement à la Convention sur la submersion des terres du Nord et aux droits fonciers issus de traités. J'ai aussi agi comme avocat du Manitoba lors de la négociation de l'Accord cadre sur les droits fonciers issus de traités, qui a fait l'objet d'un examen assez détaillé en comité, et je suis toujours avocat du ministère relativement à la Convention et aux droits fonciers issus de traités.
• 1105
À cet égard, monsieur le président, on m'a demandé de
commenter le projet de loi C-56. Je tiens à préciser, d'entrée de
jeu, que le ministère des Affaires du Nord du Manitoba et le
gouvernement du Manitoba appuient les deux parties du projet de loi
C-56. Nous estimons que ce projet de loi est un élément important
de l'application de l'Accord cadre de mise en oeuvre de Norway
House pour la Convention sur la submersion des terres du Nord, et
aussi pour l'application des droits fonciers issus de traités au
Manitoba.
Comme l'a mentionné M. Roddick, le projet de loi C-56 n'est pas obligatoire pour que le Manitoba Treaty Land Entitlement Framework Agreement ou que l'Accord cadre de mise en oeuvre de Norway House soit légalement valide. Ce sont des accords valides et exécutoires, actuellement en vigueur. Le but du projet de loi est de faciliter la mise en oeuvre de ces accords, et à ce sujet, je suis entièrement d'accord avec les observations de M. Roddick.
Les parties à la négociation de l'Accord cadre sur les droits fonciers issus de traités et des divers accords de mise en oeuvre de la Convention sur la submersion des terres du Nord ont reconnu qu'il pourrait être souhaitable d'apporter certaines modifications à la loi pour faciliter la mise en oeuvre des accords résultant de ces démarches. En conséquence, nous avons ici le projet de loi C-56.
Selon moi, il importe de reconnaître que le projet de loi C-56 n'apporte pas de modifications générales à la loi. Ce sont des modifications très ciblées applicables à des accords particuliers. De fait, en ce qui a trait à la partie 2 qui porte sur la création de réserves, les changements s'appliquent uniquement lorsque le conseil d'une Des terres du Nord accepte que les changements s'appliquent.
Je dois également faire remarquer que les changements législatifs ne se font pas seulement au Parlement. L'Assemblée législative du Manitoba a présenté et adopté un projet de loi relativement aux droits fonciers issus de traités et à la Convention sur la submersion des terres du Nord. Il y a déjà eu d'autres textes de loi au Manitoba concernant trois autres accords de mise en oeuvre en vertu de la Convention et qui mettaient en cause Split Lake, York Factory et Nelson House. Ce sont des lois complémentaires à celle qui a été adoptée au Parlement, et la loi qui se rapporte à Norway House a été adoptée par l'Assemblée législative du Manitoba en juin 1998.
Je dois dire aussi que les deux parties du projet de loi C-56 ont fait l'objet de consultations avec le Manitoba. La partie 1, qui se rapporte à Norway House, a fait l'objet de consultations avec le gouvernement du Manitoba, Manitoba Hydro et la Nation crie de Norway House. La partie 2 a fait l'objet de consultations avec le Manitoba et le comité des droits fonciers issus de traités, qui sont tous deux parties à ces accords.
J'ai participé personnellement au processus de consultation et je puis vous dire que malgré qu'il y ait eu certaines divergences lors de la rédaction du projet de loi, le gouvernement du Manitoba a été en mesure d'appuyer le projet de loi après les consultations. Nous comprenons que la Première nation de Norway House appuie la partie 1 du projet de loi C-56 et que le comité des droits fonciers issus de traités appuie la partie 2.
Permettez-moi de prendre quelques minutes pour formuler certaines observations générales—et je vous prie de m'excuser si je me répète au sujet de la situation applicable à l'Accord de mise en oeuvre de Norway House. Au départ, je tiens à dire au nom du gouvernement du Manitoba que la province estime que l'Accord de mise en oeuvre est une façon équitable et honorable pour le gouvernement du Manitoba et aussi pour les autres parties à la Convention sur la submersion de terres à Norway House de s'acquitter de leurs obligations.
L'une des raisons est que la convention aborde les questions de manière beaucoup plus précise et étoffée que la Convention de 1997 ne le fait. De façon générale, la CSTN de 1977 établit des principes généraux relatifs à la fixation d'une indemnisation pour les cinq Premières nations dont les terres ont été affectées par les projets d'aménagement du lac Winnipeg et de dérivation du Churchill. Comme M. Roddick l'a souligné ce matin, la meilleure façon d'obtenir les terres appartenant à ces Premières nations était de les exproprier en vertu de l'article 35 de la Loi sur les Indiens, avec le consentement du gouvernement du Canada.
• 1110
Toutefois, une des difficultés d'une déclaration générale est
qu'avec le temps, il est devenu de plus en plus évident pour toutes
les parties que la convention n'était pas assez spécifique dans ses
mesures de mise en oeuvre. Dans certains cas, c'est parce que les
principes étaient trop larges et dans d'autres, parce que le texte
comportait des lacunes évidentes.
M. Roddick a mentionné, à titre d'exemple, les annexes qui n'ont pas été préparées dans la CSTN. Il devait y avoir, dans la CSTN de 1977, une annexe particulière précisant les secteurs qui devaient être des réserves, et ces annexes n'ont jamais été ajoutées à la convention.
Les parties à la CSTN de 1977 prévoyaient régler les conflits ou les désaccords en imposant l'arbitrage—et cela peut avoir une certaine efficacité—mais cela a aussi entraîné, comme l'ont mentionné les personnes qui ont pris la parole avant moi, la présentation d'un grand nombre de demandes complexes à l'arbitre de la convention. De fait, presque toutes les dispositions de la convention ont fait l'objet d'une demande ou d'une série de demandes auprès de l'arbitre. Il a été très difficile d'y donner suite à cause de leurs complexités et des incertitudes qui les entouraient.
En conséquence, les parties—et je dis bien toutes les parties—ont cherché une façon d'appliquer entièrement la convention, et aujourd'hui, quatre des Premières nations ont choisi et approuvé des accords de mise en oeuvre, dont le plus récent est l'Accord cadre de mise en oeuvre de Norway House.
Du point de vue du gouvernement du Manitoba, certains aspects de l'accord sont particulièrement importants. Premièrement, il précise des montants et des superficies de terre en guise d'indemnités. Ces chiffres sont beaucoup plus importants que ce qui avait été envisagé dans la convention de 1977. Nous en avons parlé un peu plus tôt. La valeur n'est pas simplement le montant, mais le fait que l'emplacement du terrain soit précisé dans l'accord. La convention de 1977 énonçait le principe selon lequel il y avait quatre acres de terre pour remplacer chaque acre de terre affectée, mais sans préciser où ces terres se trouveraient ni quelle superficie serait touchée dans chaque collectivité.
Les accords de mise en oeuvre précisent quelles terres seront fournies en guise de compensation. Le conseiller Muskego a dit des terres à Molson Lake qu'elles ont une importance particulière pour Norway House. Pendant les négociations, le gouvernement du Manitoba a été en mesure d'établir la disponibilité de terres à Norway House et il a pu s'assurer que ces terres soient transférées au Canada pour qu'elles constituent une réserve pour la bande de Norway House.
Un autre aspect important pour le gouvernement du Manitoba est l'élaboration d'un régime de cogestion des terres et des ressources énoncé de manière détaillée dans l'accord de mise en oeuvre. Cela prévoit la gestion coopérative de la zone de ressources définie dans l'accord. Comme M. Roddick l'a mentionné, certains des principes contenus dans la convention se retrouvent directement dans les nouvelles dispositions relatives à la gestion des ressources, mais nous croyons qu'il y a davantage de structures et de possibilités pour un développement positif de la gestion des ressources et l'utilisation des terres dans la zone prévue.
Cela m'amène à faire quelques observations sur des aspects très particuliers de la partie 1 du projet de loi C-56. Au risque de sembler répétitif, j'aimerais d'abord souligner que le premier aspect de la partie 1 est la question de l'argent des Indiens, dont a parlé M. Roddick. Il s'agit d'une modification très précise à la Loi sur les Indiens pour que les montants d'indemnisation qui seront versés le soient en vertu de cet accord, c'est-à-dire à même le fonds plutôt que par l'entremise du gouvernement du Canada, lorsque toutes les parties se trouveront là où elles estiment devoir être. La Loi sur les Indiens n'est pas conçue pour ce genre de situation. Toutes les parties qui ont participé aux négociations conviennent qu'il s'agit d'une démarche légitime et appropriée en l'occurrence.
• 1115
Le deuxième aspect concerne les demandes en vertu de l'accord
de mise en oeuvre. Je ne répéterai pas ce qu'ont dit MM. Roddick,
Adkins et Bettner, mais il s'agit d'un aspect important et très
particulier du projet de loi qui fait en sorte que les demandes
puissent être traitées localement, dans la collectivité, et réglées
à même le fonds prévu. Il s'agit manifestement d'un objectif que
toutes les parties voulaient atteindre, et c'est ce qui explique
cet élément du projet de loi C-56.
J'ai mentionné il y a quelques minutes à peine que l'Assemblée législative du Manitoba avait proposé et adopté une loi complémentaire en juin 1998. J'ajoute que, outre l'appui des quatre parties en faveur de l'accord de mise en oeuvre, tous les partis à l'Assemblée législative du Manitoba ont appuyé le projet de loi, comme ce fut le cas des trois textes législatifs précédents qui se rapportaient à trois autres accords de mise en oeuvre.
Selon nous, le dernier aspect intéressant de la partie 1 du projet de loi C-56 est que les droits ancestraux ou issus de traités ne sont pas affectés par l'accord. M. Roddick l'a dit de manière plus éloquente que je n'ai pu le faire—ou peut-être M. Roddick a-t-il cité le juge Muldoon—mais il s'agit d'une disposition expresse de l'accord visant à protéger les droits ancestraux ou issus de traités. De plus, cet accord de mise en oeuvre de même que les autres accords qui ont déjà été signés et qui sont appliqués n'affectent pas les droits des autres Premières nations, y compris de manière très spécifique, la Première nation de Cross Lake.
Nous reconnaissons qu'à l'heure actuelle, la bande de Cross Lake ne cherche pas à retenir une approche de mise en oeuvre complète. C'est son choix, et le Manitoba respecte ce choix. Par exemple, un groupe de travail a été créé par les quatre parties afin de déterminer les priorités en matière de mise en oeuvre à Cross Lake, et nous comptons bien que cette approche donnera des résultats. Je le répète, c'est le choix de la bande. La collectivité de Norway House et les autres collectivités qui sont parties à la convention ont fait leur choix et nous respectons également le choix.
En ce qui a trait à la partie 2, qui vise la création de réserves, le projet de loi donne effet à la convention qui est déjà en vigueur, comme c'est le cas pour la partie 1. Il vise à faciliter la création de réserves sur les terres cédées en vertu d'un traité et d'autres initiatives. Il n'affecte en rien la validité de l'accord cadre ni les ententes particulières envisagées en vertu de l'entente cadre. Il ne fait qu'en faciliter le fonctionnement.
Je sais que la chose a déjà été dite devant votre comité, mais je crois qu'il vaut la peine de la répéter: l'accord cadre permet de mettre de côté jusqu'à 1,1 million d'acres de terre à titre de réserve pour 19 Premières nations particulières du Manitoba, sur une période de trois à cinq ans. La loi est conçue pour que cet objectif puisse être atteint le plus tôt possible.
Il faut préciser qu'il y a, outre les 19 Premières nations représentées par le comité des droits fonciers issus de traités dirigé par le chef Thunder, sept autres Premières nations qui ont conclu des accords sur des droits fonciers issus de traités, et il faut s'attendre à ce que 155 000 acres de plus soient mises de côté à titre de réserve en vertu de ces sept accords. Cela est important du point de vue du Manitoba. La province a une obligation constitutionnelle, en vertu de la Loi sur le transfert des ressources naturelles du Manitoba, de rendre les terres au Canada afin que le Canada puisse s'acquitter des conditions prévues aux traités. Pour le Manitoba, il est prioritaire que ces obligations constitutionnelles soient mises en oeuvre en temps opportun et de manière efficace. Nous estimons que la négociation a permis d'élaborer l'accord cadre d'une manière qui aidera toutes les parties à s'acquitter de cet objectif important.
Plus spécifiquement, certains aspects de la Loi sur les Indiens rendent difficile l'établissement de réserves lorsque des tiers ont des intérêts fonciers. C'est là un aspect très important de l'accord cadre. Il a fallu négocier longtemps sur la façon d'accommoder les intérêts actuels et légitimes de tiers lorsque toutes les parties souhaitent que les terres deviennent des réserves, mais aussi afin de protéger les intérêts de ces tiers.
• 1120
Le mémoire que je vous ai remis comprend un extrait de
l'article 10 de l'accord cadre. Ce texte montre qu'il y a de
nombreuses façons de tenir compte des intérêts de tiers. Il faut
tenir compte de faits précis se rapportant à la situation et des
intérêts des tiers tout en facilitant la création de réserves et en
protégeant les intérêts des tiers. Le projet de loi C-56 fait
partie de ce processus. L'article 10 de l'accord cadre le prévoit
de manière spécifique. Dans certains cas, le projet de loi
permettra de mettre de côté des terres à titre de réserve tout en
protégeant les intérêts de tiers et en permettant aux Premières
nations de désigner des terres à louer ou à affecter à d'autres
fins avant qu'elles ne soient mises de côté.
Un autre élément du projet de loi C-56 autorise le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien à agir au nom du Canada pour mettre des terres de côté à titre de réserve. Nous estimons que cela réduira de plusieurs mois le temps nécessaire à la création de réserves en éliminant tout simplement l'obligation d'obtenir un décret du gouverneur en conseil. De fait, la Loi sur les Indiens ne précise pas qu'il faille un décret du gouverneur en conseil pour mettre des terres de côté à titre de réserves, mais je crois comprendre que c'est la façon habituelle de procéder.
Bref, le projet de loi C-56 nous paraît être une façon légitime et appropriée de permettre aux parties d'atteindre les objectifs visés par l'Accord cadre sur les droits fonciers issus de traités et par l'accord de mise en oeuvre de la Convention sur la submersion des terres du Nord à Norway House.
J'aimerais ajouter une dernière chose, monsieur le président, qui est source d'une certaine fierté pour moi et pour toutes les parties à l'accord cadre. L'accord prévoit également une approche plus détaillée et plus créatrice pour le règlement des différends et prévoit la création d'un comité de surveillance de la mise en oeuvre composé de représentants de chacune des trois parties à l'entente: le gouvernement du Canada, le gouvernement du Manitoba et le comité des droits fonciers issus de traités. Les objectifs de ce comité de surveillance sont d'établir un mécanisme de règlement des différends par consensus, de favoriser les discussions et l'examen de faits et de situations juridiques parfois très compliqués, puis de trouver une solution. Compte tenu que cela n'est pas toujours possible, le comité de surveillance est assorti d'autres méthodes établies de règlement des différends, y compris l'établissement d'un comité consultatif principal composé de représentants de haut niveau de chacune des trois parties. Si cela ne donne pas les résultats escomptés, on passe ensuite à un mécanisme de règlement des différends qui comporte une médiation pour l'établissement des faits, l'arbitrage non exécutoire ou l'arbitrage exécutoire.
Je me résume, monsieur le président. Je le répète, le Manitoba, par l'entremise du ministère des Affaires du Nord du Manitoba, appuie le projet de loi C-56 et incite votre comité à en recommander l'adoption.
Je vous remercie, monsieur le président.
[Français]
Le président: Merci pour votre déclaration, monsieur Hannon. Nous allons passer à la période de questions.
Monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: Je vous remercie beaucoup de votre exposé. J'ai plusieurs questions à vous poser, mais trop peu de temps pour le faire, malheureusement.
Selon le document qui nous a été remis, près de 2 000 milles carrés de terre seront mis de côté à titre de réserve. Cela représente 55 cantons. C'est beaucoup de terrain. Il doit aussi y avoir une somme d'argent équivalente, parce que vous ne trouverez pas autant de terres à mettre de côté, j'en suis sûr. Le cas échéant, quel montant? Pouvez-vous y répondre rapidement? J'ai quelques autres questions à poser.
M. Gord Hannon: Oui, monsieur Konrad, l'accord comprend une annexe qui permettrait de répondre très rapidement à la question. Toutefois, la plus grande partie des terres seront choisies dans le nord du Manitoba—contrairement à ce qui s'est fait en Saskatchewan, c'est un des avantages que nous avons au Manitoba—dans une région qui ne fait pas partie de la ceinture de terres agricoles, qui ne sont pas des terres colonisées. Nous prévoyons—et c'est mentionné à l'annexe huit de l'accord de mise en oeuvre—que près de 986 000 acres sur un total de 1,1 million d'acres proviendront de terres de la Couronne. Seulement 114 000 acres proviendront de terres privées. Un total de 24 461 745 $ sont prévus pour l'acquisition de terres en vertu de l'accord, pour seulement six des Premières nations visées par l'accord et qui sont situées surtout au sud du Manitoba.
M. Derrek Konrad: Merci. Voici ma question suivante: Il semble que les personnes qui sont des Indiens au sens de la loi (C-31) ne sont pas tellement heureuses de ce qui se passe. J'ai reçu un appel, hier, de quelqu'un de l'extérieur de ma circonscription qui veut se prévaloir de ses droits fonciers et qui ne veut pas faire partie du processus visant les droits fonciers issus de traités. A-t-on envisagé la création d'un mécanisme qui permettrait à certaines personnes de profiter de leurs droits, soit sous forme monétaire, soit en fief simple? Y a-t-on songé? Si on l'a envisagé et que la chose a été rejetée, pourquoi en est-il ainsi? Si on ne l'a pas envisagé, pourquoi cela n'a-t-il pas été fait?
M. Gord Hannon: Je vais tenter de vous répondre en faisant appel à mes souvenirs des discussions. Cette possibilité n'a pas été réellement envisagée, mais des questions qui se rapportent par exemple aux Indiens vivant hors-réserve ou à ceux qui sont assujettis à la loi (C-31) ont été abordées de certaines façons. Il y a d'abord le processus d'approbation par la collectivité, c'est-à-dire un processus de ratification et de consultation, où tous les membres de la Première nation ont le droit de voter sur des accords individuels applicables à chacune des Premières nations.
De plus, le comité des droits fonciers issus de traités a soutenu lors des négociations que le fait d'avoir des terres supplémentaires aiderait les Indiens et les autres personnes vivant hors réserve qui le voudraient retourner vivre sur une réserve.
Le troisième aspect concerne le paiement fédéral prévu dans l'accord, qui vise non seulement à acquérir des terres mais qui permettrait à une Première nation d'en faire bénéficier l'ensemble de la collectivité.
M. Derrek Konrad: D'accord. Je tiens à vous dire que plusieurs de ces personnes ne sont pas intéressées à vivre sur une réserve, point. Il peut y avoir des retombées, mais elles sont liées à un endroit géographique, ce qui limite un peu la liberté, et même le droit à la mobilité garanti par la Constitution. Je crois qu'il faudra se pencher sur cette question.
Est-ce qu'il me reste encore quelques minutes?
Le président: Non.
[Français]
Mais puisque c'est un sujet important, on va vous accorder deux autres minutes, monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: Merci. Les recettes fiscales et le zonage sont deux questions qui ont fait surface en Saskatchewan, où les municipalités régionales semblent être obligées d'apporter des modifications au zonage qui ne sont pas conformes aux pratiques habituelles et qui entraînent des pertes de recettes. Pourriez-vous élaborer sur ces deux questions?
M. Gord Hannon: Oui, monsieur Konrad. Il y a des dispositions à cet effet. De fait, le paragraphe 3.07 de l'accord cadre, qui fait une page et demi, porte sur le choix ou l'acquisition de terres dans une municipalité.
En termes simples, disons qu'avant qu'une terre soit mise de côté à titre de réserve soit à la suite d'un choix, ce qui signifie qu'elle est tirée de terres de la Couronne, soit d'une acquisition, ce qui signifie qu'elle est achetée de propriétaires privés, il doit y avoir un processus de consultation avec la municipalité pour aborder les préoccupations raisonnables de la municipalité relativement à ce que vous avez mentionné, notamment le zonage, la fiscalité et la prestation de services. La méthode de choix prévue dans l'accord de mise en oeuvre pour aborder ces questions est une convention de développement et de services municipaux, qui vise à établir la plus grande compatibilité possible entre les services juridiques et de prestation de services municipaux sur réserve et avoisinants.
[Français]
Le président: Monsieur Iftody, suivi de M. Perron.
[Traduction]
M. David Iftody: Merci, monsieur le président. M. Hannon, dans une partie de votre exposé vous avez exprimé l'avis que l'accord de mise en eouvre n'abroge ni ne restreint ni n'affecte de quelque manière que ce soit les droits ancestraux ou issus de traités. C'est ce que vous avez déclaré.
• 1130
J'aimerais que vous me donniez plus de précisions. Cela
signifie-t-il que l'accord cadre de mise en eouvre doit être relié
à la convention ou qu'il pourrait l'être à un traité actuel sur les
droits autochtones des Premières nations affectées? Si tel est le
cas, et je tiens pour acquis que ce l'est, parce que vous dites
qu'il n'y a pas d'effets, serait-il possible alors selon vous que
l'accord initial, la Convention sur la submersion des terres du
Nord elle-même, bénéficie d'une certaine façon d'un semblant de
protection, en tant que traité, en vertu de l'article 35?.
M. Gord Hannon: Voilà une question juridique complexe, parce qu'au moment de la négociation des accords cadres de mise en eouvre, les parties estimaient qu'elles ne pouvaient y apporter de réponse définitive, même si elles le voulaient. L'objectif était donc d'élaborer un accord de mise en eouvre qui soit juste et légitime, et efficace aussi, peu importe que la CSTN de 1977 obtienne éventuellement le statut de traité au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle. L'accord s'applique et il donne des résultats parce qu'il permet de réaliser des objectifs de la Convention sur la submersion des terres du Nord. On s'interroge aussi très sérieusement sur la qualité de traité de la convention.
Il est évident qu'au moment de la signature de la convention, en 1977, cela revêtait moins d'importance parce que les amendements constitutionnels de 1982 n'avaient pas été adoptés et que l'importance de la caractérisation du document comme traité n'aurait pas été, si je comprends bien, une notion à laquelle pensaient nécessairement les parties, parce qu'elle n'avait pas de répercussion au plan constitutionnel à l'époque. Par contre, l'accord cadre de mise en eouvre s'applique peu importe le statut de la CSTN de 1977.
M. David Iftody: Je comprends ce que vous dites, mais si la position de toutes les parties—nous nous adressons à vous ce matin—est qu'il n'affecte aucunement les droits issus de traités en tant qu'objet juridique signé et convenu, nous disons qu'il n'affecte pas du tout les droits issus de traités. La première démarche en vue de l'établissement de relations selon les droits découlant de traités ne serait-elle pas la Convention sur la submersion des terres du Nord, qui a donné naissance à l'accord cadre de mise en eouvre? Il y a un lien manifeste entre les deux.
Si le gouvernement du Manitoba est d'avis que vous protégez un droit issu de traité, que vous acceptez cela dans la convention et que vous le précisez clairement dans le texte, n'est-ce pas le premier lien logique de ce droit et la première démarche qui mène de l'accord cadre à la convention?
M. Gord Hannon: Selon moi, l'accord cadre de mise en eouvre reconnaît expressément le passage de la convention à une entente plus détaillée et plus spécifique visant à mettre en eouvre les objectifs particuliers contenus dans la Convention sur la submersion des terres du Nord.
Je crois me souvenir que le préambule de la convention reconnaît que les Premières nations ont certains droits ou avantages découlant du Traité no 5, que toutes les Premières nations signataires de la convention sont des descendants des signataires du Traité no 5, qui s'applique au nord du Manitoba. En soit, il y a une reconnaissance de la convention.
J'espère que je ne me répète pas trop. L'accord de mise en eouvre permet d'atteindre les objectifs de la convention d'une manière qui n'affecte en rien les droits ancestraux ou issus de traités, et il est valide et effectif peu importe que l'on établisse plus tard que la convention est un traité en vertu de la Constitution.
M. David Iftody: La signature de l'accord n'affecte en rien les droits issus de traités prévus dans la Convention sur la submersion des terres du Nord, ou de façon plus générale dans le Traité no 5, mais il y a—comme vous le dites—une espèce de relation juridique curieuse et complexe entre les trois documents.
M. Gord Hannon: Le problème, si je puis m'exprimer ainsi, est que je me refuse de décrire la Convention sur la submersion des terres du Nord comme un traité. Je sais qu'il y a des divergences d'opinions sur la question et que le problème n'a jamais été résolu. À mon avis, l'élément principal du paragraphe 13.13.(3) de l'accord cadre est qu'il n'a pas cette intention. Je vous en donne lecture:
-
L'Accord n'a pas pour but de modifier les droits ancestraux ou
issus de traités de la Nation crie de Norway House, ou d'autres
peuples autochtones, reconnus et confirmés par l'article 35 de la
Loi constitutionnelle de 1982.
Il ne vise pas à le faire et je crois que les parties croient qu'il en est ainsi.
[Français]
Le président: Monsieur Perron.
M. Gilles Perron: Soyez le bienvenu, monsieur Hannon.
En vertu de la Convention sur la submersion des terres du Nord, le gouvernement du Manitoba et le gouvernement fédéral s'étaient engagés à fournir des ressources pour permettre aux cinq nations de formuler un plan de valeurs communales globales. On sait qu'en vertu de l'article 16 et de l'annexe E de la convention, le plan visait à élaborer un programme conjoint d'action aux chapitres de l'éducation, de la pauvreté, du chômage chronique, de l'amélioration des conditions matérielles, sociales et économiques, et ainsi de suite. A-t-on réalisé quelques progrès en vue de s'acquitter de cette obligation-là, monsieur Hannon?
[Traduction]
M. Gord Hannon: Nous sommes d'avis que l'accord de mise en oeuvre permet d'atteindre ces objectifs. Je crois qu'il est juste de dire que l'article 16 et l'annexe E contiennent des dispositions qui sont difficiles à interpréter et à comprendre relativement à ce qui peut être fait. Par contre, nous sommes d'avis que les dispositions de l'accord de mise en oeuvre et les modalités fiduciaires, de même que les engagements relatifs à la gestion des ressources, la fourniture de terres supplémentaires à laquelle le gouvernement du Manitoba s'est engagé et les rapports courants avec Norway House et les autres parties permettent d'aborder ces dispositions de la Convention sur la submersion des terres du Nord.
Un aspect important de l'article 16 et de l'annexe E, et, je le reconnais, l'une des choses très difficiles à comprendre en vertu de la CSTN de 1977, est le lien avec l'article 14, qui reconnaît expressément que ce genre de questions met en cause la politique du gouvernement, celle des gouvernements du Canada et du Manitoba. Si je comprends bien, le but de l'accord cadre est d'énoncer des éléments précis permettant d'atteindre ces objectifs.
[Français]
M. Gilles Perron: Vous croyez donc que l'article 16 est inclus dans le nouvel accord, dans le projet dont on parle ce matin, et que cela va être réalisable?
[Traduction]
M. Gord Hannon: Oui, vous avez raison.
[Français]
M. Gilles Perron: On parle du transfert de territoires et de terres qui sont la propriété du Manitoba au gouvernement fédéral, en vue de les retransformer en réserves. Dans le projet de loi dont nous discutons, on n'a prévu aucun mécanisme pour effectuer ces transferts. Devrait-on le faire? Est-ce que le Manitoba a des lois qui prévoient des manières de le faire, à l'exception de prévoir la satisfaction aux intérêts des tierces parties?
[Traduction]
M. Gord Hannon: L'accord de mise en oeuvre prévoit—plus particulièrement à l'article 10, qui est annexé à notre mémoire—diverses façons d'aborder et de régler les intérêts des tiers en ce qui a trait aux droits fonciers issus de traités. Selon moi, cela aide les parties à déterminer la meilleure façon de tenir compte de ces intérêts. Le principe de base est que si un tiers, quelqu'un d'autre que les gouvernements et la Première nation, a un intérêt foncier, cet intérêt pourra être maintenu. Mais il y a bien d'autres façons de faire en sorte que la terre puisse devenir une réserve. Nous les avons précisées ici.
• 1140
Selon nous, s'il s'avérait nécessaire d'apporter une
modification quelconque à la législation provinciale, cela pourrait
être fait. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas jugé nécessaire de
modifier quelque loi provinciale que ce soit pour aborder les
processus décrits à l'article 10. Nous disons qu'il est utile de
modifier la loi fédérale comme le prévoit le projet de loi C-56
relativement à la création de réserves. Cela est prévu de manière
expresse au paragraphe 10.02(3) de l'accord cadre.
[Français]
M. Gilles Perron: J'aimerais vous demander si vous êtes allés vérifier si l'accord du gouvernement fédéral et des Premières Nations était acceptable. Je pourrais écrire une foule de beaux mots sur un bout de papier, mais les laisser mourir. Est-ce que c'est un test qui serait possible face à des conflits d'intérêts, à des conflits et à des batailles éternelles? Est-ce qu'il ne faudra pas revenir au point zéro parce qu'on n'aura trouvé de solution à aucun problème?
[Traduction]
M. Gord Hannon: Si je comprends bien, monsieur, il y a eu des consultations entre les parties pendant la négociation de l'accord, et le ministère des Affaires du Nord du Manitoba, au nom du gouvernement du Manitoba, a participé à d'autres discussions relativement à d'autres intérêts au Manitoba. J'ai participé à certaines de ces discussions, par exemple avec l'industrie minière, l'industrie forestière, Manitoba Hydro et les municipalités. L'Union des municipalités du Manitoba s'intéresse grandement à la question. Nous avons tenu des consultations avec elle également. Nous avons abordé certains de ces principes.
On peut donc dire qu'il y a eu passablement de consultations générales au Manitoba, et je crois qu'elles ont permis d'en arriver à une très bonne compréhension des objectifs de l'accord cadre.
[Français]
M. Gilles Perron: Merci.
Le président: Merci, monsieur Perron.
Monsieur Keddy.
[Traduction]
M. Gerald Keddy: Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président, merci.
[Français]
Le président: Merci. Vous n'avez pas d'autres questions? Merci beaucoup.
[Traduction]
Merci beaucoup, monsieur Hannon.
[Français]
Nous apprécions que vous soyez venu témoigner.
La séance est levée jusqu'à la semaine prochaine.