AAND Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 30 avril 1998
[Français]
Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.)): Nous allons commencer la réunion.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous faisons une étude du développement économique autochtone.
Nous recevons aujourd'hui des témoins du Grand Conseil des Cris du Québec (Eeyou Istchee). Ce sont M. Brian Craik, directeur des relations fédérales; M. Norman Gull, directeur des services communautaires; M. Bill Namagoose, directeur général; et M. Paul Wertman, conseiller de la Nation crie Oujé-Boagoumou. M. Stephen Bearskin, président de la Cree Construction Co., n'a pu venir parce qu'il y a actuellement des réunions dans son village natal. Merci beaucoup.
Est-ce que vous avez une déclaration d'ouverture à faire, monsieur Namagoose?
[Traduction]
M. Bill Namagoose (directeur général, Grand conseil des Cris du Québec (Eeyou Istchee)): Oui, nous avons préparé une déclaration que j'aimerais présenter au comité permanent.
[Note de la rédaction: Le témoin s'exprime en langue autochtone]
Merci de nous avoir invités à rencontrer votre comité. Nous sommes très heureux d'être ici.
Le Grand conseil des Cris, Eeyou Istchee, représente les neuf communautés cries et les familles cries qui occupent les 372 territoires familiaux de chasse de la région subarctique du Québec. Nous occupons les terres drainées par les cours d'eau qui coulent du sud et de l'est vers la baie James et la baie d'Hudson. Nous appelons ce territoire Eeyou Istchee. Nous occupons ce territoire depuis des temps immémoriaux et nous en avons géré les ressources afin que la société Crie puisse s'y perpétuer pendant de très nombreuses générations.
Au début, c'est surtout à des fins de commerce que les Européens ont pris contact avec notre société. Durant les 300 premières années de la relation entre nos peuples, les Cris ont continué d'occuper leur territoire comme ils l'avaient toujours fait auparavant. Notre peuple et les Européens ont établi une relation de symbiose qui, même si ses avantages étaient parfois à sens unique, a continué d'exister jusqu'au milieu de ce siècle.
À cette époque, un chasseur Cri pouvait avoir des revenus équivalents à 30 000 $ d'aujourd'hui grâce à la vente des fourrures qu'il tirait de son territoire de chasse. En outre, dans les années 50, les Cris ont commencé à obtenir certains services gouvernementaux, dont des services limités de santé, certains services d'éducation et la pension de vieillesse, ce qui les a amenés à s'établir de plus en plus autour des anciens postes de traite.
Jusqu'alors, notre société était organisée en fonction de l'unité de famille élargie et de l'ochimaw, c'est-à-dire le chef de famille. Également dans les années 50, cette organisation a été complétée et même supplantée, dans une certaine mesure par un système gouvernemental fondé sur le chef et le conseil de bande.
À la fin des années 60 et au début des années 70, les sociétés forestières, les sociétés minières et Hydro-Québec se sont de plus en plus intéressés à Eeyou Istchee. Au début, les activités d'exploitation forestière et minière fournissaient un revenu supplémentaire à certains Cris qui joignaient la chasse de subsistance à des emplois à temps partiel dans les domaines du bûcheronnage, et d'autres activités liées à l'exploitation et à l'exploration minière. Ces activités ont également engendré des tensions sociales accrues dans le territoire puisque ses premiers habitants étaient de plus en plus traités comme des squatters sur leur propre terre.
Les collectivités de Nemaska, Waswanipi et Oujé-Boagoumou en sont de parfaits exemples. Toutes ces collectivités ont été fermées pour cause d'exploitation minière ou d'activités de développement. Les Cris qui voulaient participer à l'économie de salaires ont construit des villages de baraques à la périphérie des villages de sociétés qui ont poussé autour de ces chantiers de développement. La collectivité de Oujé-Boagoumou, par exemple, qui essayait de rester unie, a été déplacée de force à plusieurs reprises pour exaucer les voeux d'entrepreneurs miniers, pour enfin être divisée progressivement en cinq collectivités satellites.
En 1972, les Cris se sont rendu compte que les projets d'Hydro-Québec visant à construire des barrages dans plus d'une douzaine de cours d'eau de notre territoire mettraient fin à notre mode de vie. Nos leaders à l'époque se sont réunis pour former le Grand conseil des Cris afin de lutter contre ces projets et de protéger les droits des Cris à de leur territoire. Collectivement, nous avons demandé au tribunal de rendre une injonction pour mettre fin au projet La Grande qui était alors en construction. Après avoir entendu des témoignages pendant six mois, la Cour supérieure du Québec a ordonné que l'on mette fin au projet, car il entraverait l'exercice des droits des Cris sur leur territoire. Une semaine à peine plus tard, la Cour d'appel du Québec annulait cet arrêt et décidait que la réalisation de ce projet était conforme à l'intérêt de tous les Québécois, que l'intérêt de la majorité l'emportait sur l'intérêt de la société Crie.
Nous avons interjeté appel de cette décision auprès de la Cour suprême, mais elle a refusé de faire droit à notre demande, alléguant que nous ne pouvions intenter de poursuites judiciaires pour défendre nos droits, que devant des tribunaux inférieurs. Nous avons bien vu que cette décision permettait l'achèvement du projet du complexe La Grande. Plutôt que de faire subir à notre peuple les répercussions sociales constantes d'un développement non contrôlé, nous avons décidé d'avoir à la fois recours aux tribunaux et d'entreprendre des négociations avec le gouvernement du Canada, le gouvernement québécois et Hydro-Québec pour déterminer s'il était possible d'en arriver à un arrangement.
Il faut comprendre qu'à cette époque, les droits des Autochtones n'étaient pas reconnus au Canada. La coutume était alors de refouler les Autochtones ailleurs pour permettre aux entrepreneurs d'exploiter le territoire comme bon leur semblait. C'est ce qui s'est fait sur la Côte Nord du Québec, au Manitoba, en Colombie-Britannique, dans les années 60 et 70.
Après une année de discussions, en 1974, nous estimions avoir suffisamment de raisons pour poursuivre les négociations et nous avons signé un accord de principe. À la fin de la deuxième année, le 11 novembre 1975, les parties ont signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Cette convention constituait la première et peut-être la seule convention de règlement des revendications territoriales, outre la convention sur l'inondation des terres du Nord, qui ait été signée au Canada. Elle contient des chapitres sur le territoire, les membres, l'administration locale, l'administration régionale, l'indemnisation, l'éducation, la santé, les services policiers et juridiques, la protection environnementale, la chasse, la pêche et le piégeage, la sécurité du revenu des chasseurs, ainsi que le développement communautaire et économique. Les Inuits du nord du Québec ont signé la même convention et en 1978, les Naskapis du Québec en ont signé une version modifiée. Dans ce dernier cas, il s'agit de la Convention du Nord-Est québécois.
• 1120
La Convention de la Baie James et du Nord québécois visait à
fournir aux Cris le moyen de développer leurs collectivités et de
prendre une part plus grande au développement économique de tout le
territoire. Parallèlement, elle visait aussi à protéger le peuple
cri et à lui fournir la possibilité de conserver son mode de vie
traditionnel. À cette époque, en 1975, la chasse, la pêche et le
piégeage étaient les activités principales d'une majorité de nos
gens. On a estimé que la société crie se tirait de cette activité
environ 1,5 million de livres de viande fraîche chaque année, en
plus de revenus annuels d'environ 2 millions de dollars provenant
des fourrures.
L'article 24 de la convention, qui crée le régime relatif à la chasse, à la pêche et au piégeage, énonce comment ces activités doivent être protégées dans le contexte d'une augmentation de la chasse sportive et du tourisme en territoire cri. Ce régime entraîne la participation des Inuits, des Naskapis, des Cris, du gouvernement canadien et du gouvernement québécois.
L'article 22 de la convention garantit que les collectivités et les économies cries, ainsi que les droits garantis par la Convention de la Baie James et du Nord québécois, seront protégées dans tous les projets futurs de développement. Ce chapitre offrait aux Cris la possibilité de s'opposer à des projets de développement qui, à leur avis, nuiraient soit à leurs occupations traditionnelles, soit à leur participation accrue aux activités contemporaines d'aménagement territorial. Dans cet article de la convention, on met l'accent sur les répercussions sociales et économiques, mais aussi sur les répercussions environnementales de ces projets.
L'article 28 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois prévoit la construction de l'infrastructure des collectivités cries, y compris les infrastructures sanitaires et communautaires, ainsi que la construction de divers bâtiments. Ce chapitre établit également un régime qui permette aux Cris de participer plus activement aux activités de mise en valeur du territoire. Que ce soit pour l'octroi de contrats, pour l'emploi ou pour le développement, la priorité devait être accordée aux Cris. Cet article créait également un régime spécial de formation et de mesures d'aide à l'intention des entrepreneurs cris.
Depuis la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, en 1975, nous avons renforcé nos collectivités. Toutefois, les mesures spéciales contenues dans cette convention n'ont pas été mises en oeuvre d'une façon qui respecte les engagements qu'avaient pris le Canada et le Québec dans cette même convention.
En 1982, le gouvernement fédéral déclarait, dans un rapport spécial, qu'il n'avait pas réussi à mettre en place les mécanismes de mise en oeuvre ni à fournir les budgets nécessaires à l'application de la convention. Étonnamment, cet examen évitait d'aborder la question du développement économique cri sous le régime de l'article 28. Depuis la publication de ce rapport, le gouvernement fédéral n'a toujours pas réussi à mettre en oeuvre la convention. Faisons un bref tour d'horizon à ce sujet.
L'article 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, qui porte sur les répercussions sociales et environnementales du développement, exigeait la mise en place de mesures spéciales pour faire participer les Cris à ces activités. Ni le Canada ni le Québec n'ont adopté de règlements, politiques ou lois dans ce domaine. Ils n'ont pas non plus réservé les fonds nécessaires à l'application de cet article. Par conséquent, le développement de ce territoire se poursuit sans aucune mesure, des mesures semblables à celles exigées sous le régime de l'Entente sur les répercussions et les retombées pour les Inuits du Nunavut. La convention permettrait de telles ententes, qui auraient pu accroître la participation des Cris au développement.
Moins de 100 Cris travaillent actuellement dans le secteur forestier, dans notre territoire. Les plans d'aménagement des terres, dans lesquels on aurait dû tenir compte de la présence des Cris, et les plans d'aménagement forestiers, qui auraient dû être élaborés avec la participation des Cris, ne l'ont jamais été. L'exploitation forestière se poursuit pourtant dans le territoire selon des méthodes qui détruisent la capacité des Cris d'exercer leurs activités traditionnelles.
Le secteur forestier rapporte à l'heure actuelle 1,2 milliard de dollars au Québec et emploie plus de 15 000 personnes. Très peu de Cris profitent de cette activité.
• 1125
Les projets de développement hydro-électrique n'ont pas eu non
plus pour nous les effets escomptés. En 1975, nous pensions que les
réservoirs d'Hydro-Québec pourraient servir aux activités
traditionnelles cries. En fait, les poissons qui vivent dans ces
réservoirs sont contaminés par le mercure. Les berges de ces
réservoirs ne peuvent servir d'habitat à la faune. On nous avait
fait croire, à l'origine, que nous pourrions établir des camps près
de ces réservoirs pour pratiquer la chasse hivernale.
En outre, les projets de développement hydro-électrique n'ont pas fourni aux Cris de possibilités d'emploi à long terme. À l'heure actuelle, le projet La Grande compte environ 150 employés permanents. Pour la plupart ces employés viennent du sud du Québec et travaillent au fonctionnement et à l'entretien du projet pendant des périodes qui durent généralement deux semaines à la fois. Hydro-Québec n'a jamais embauché plus de cinq employés Cris, ce qui représente une proportion de 0,007 p. 100 de tous ses employés au projet. Les Cris ont certes obtenu certains emplois durant la construction des installations de ces projets, mais une fois rendus à l'étape du fonctionnement, l'accès aux emplois est devenu extrêmement limité. Le manque d'accès aux cartes de qualification accréditées par les syndicats, les restrictions linguistiques qui empêchent l'embauche de personnel bilingue cri-anglais, le manque d'instruction et de formation, sont les principaux obstacles à l'emploi.
Imaginez qu'une société ontarienne bâtisse un grand projet hydro-électrique aux portes de Québec et refuse d'embaucher la main-d'oeuvre locale! Imaginez qu'un tel employeur ne crée même pas de programmes pour offrir des emplois à plein temps aux citoyens de la ville! Eh bien, c'est la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Dans le secteur minier, les Cris avaient jusqu'à récemment pu obtenir des emplois à contrat pour déboiser des lignes de levées aux fins de jalonnement de claims. Le nombre de ces emplois a récemment diminué parce qu'on a mis en place à Québec un nouveau système informatique d'enregistrement des claims.
Depuis 1996, les travailleurs Cris ont obtenu des emplois au projet de la mine Troilus, à l'ouest de la collectivité de Mistissini. Malgré l'opposition qu'avaient exprimée le gouvernement québécois et l'Association minière du Québec à l'égard de l'entente négociée entre les Cris et le promoteur, Metale Corporation, une version réduite de l'entente a été signée. Dans cette entente, les parties fixaient un objectif d'emploi de 25 p. 100 de main-d'oeuvre crie. La société et la bande de Mistassini ont mis sur pied des programmes spéciaux de formation et des programmes de recrutement, ainsi que des mesures spéciales qui permettent aux Cris de négocier des contrats pour la fourniture de certains services. Les résultats ont été remarquables.
Non seulement une entreprise crie fournit des services de restauration à tous les employés de la société, mais on trouve également maintenant des employés Cris dans tous les secteurs de l'exploitation minière. Six pour cent de tous les employés salariés de la société sont des Cris. Ils travaillent au service des ressources humaines et de la comptabilité. Trente-quatre pour cent des employés payés à l'heure et 33 p. 100 des employés temporaires sont des Cris. Cela signifie que sur un total de 289 employés, 74, soit 26 p. 100, sont des Cris.
Les Cris continuent de faire des efforts pour augmenter leur nombre d'employés salariés dans la société. Le projet Troilus a été profitable tant pour le promoteur du projet que pour la communauté crie locale. Cet exemple montre bien que les Autochtones sont prêts à participer aux activités de développement lorsque des mesures spéciales sont prises pour éliminer les obstacles.
Quant au secteur minier dans le nord du Québec, l'agence régionale de développement, la Société de développement de la Baie James, une entité non autochtone dont les bureaux sont situés à Matagami et à Chibougamau, a oeuvré ces dernières années à saper la participation des Cris à ce secteur. Des mesures qui sont considérées positives partout au monde pour offrir des possibilités d'emploi aux populations sous-représentées sont, selon la Société de développement de la Baie James, discriminatoires et injustement favorables aux Cris.
Je vais maintenant demander à Norman Gull, directeur des services communautaires, de continuer cet exposé.
M. Norman Gull (directeur des services communautaires, Grand conseil des Cris du Québec (Eeyou Istchee)): Les Cris ont créé un certain nombre d'entreprises de tourisme, y compris des camps de pêche à Mistissini et Chisassibi, des camps de chasse au caribou et des pourvoiries à Chisassibi, ainsi que des entreprises d'écotourisme à Whapmagoostui, Oujé-Boagoumou et Waskaganish.
• 1130
Ces entreprises commencent à peine. Toutefois, en plus de
problèmes que connaissent les entreprises débutantes qui doivent se
trouver des marchés, elles doivent composer avec le Conseil de
développement régional de Radissonie, qui s'est opposé à la
création de l'Association crie de pourvoirie et de tourisme. Cette
association, dont l'existence avait été promise par le Québec et le
Canada sous le régime de l'article 28 de la Convention de la Baie
James et du Nord québécois de 1975, n'a été mise sur pied que l'an
dernier—je dois ajouter que sa mise sur pied n'est pas encore
terminée.
Le gouvernement du Canada, par le truchement du Bureau fédéral de développement régional (Québec), et le gouvernement québécois ont tous deux entrepris de contrecarrer la participation de l'organisme cri au secteur du tourisme dans le territoire. Le Québec a essayé de contrôler les opérations de l'Association de tourisme crie en insistant pour qu'elle relève de l'Association de tourisme non autochtone de Radissonie. L'existence même du Conseil de développement régional de Radissonie va à l'encontre de l'esprit de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Depuis la signature de cette convention, en 1975, les Cris ont réalisé de grands progrès dans l'établissement d'une administration locale et régionale, ainsi que les institutions qui en découlent. Le Conseil cri de la santé et le Conseil scolaire cri sont des exemples de réussite relative quant à la mise en oeuvre de chapitres de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Grâce à ces efforts, environ 30 p. 100 de la main-d'oeuvre crie travaille actuellement à certaines activités d'administration publique et de prestation des services sociaux. Le Conseil scolaire cri emploie plus de 300 enseignants et employés de soutien cris. Il s'agit d'une énorme amélioration, comparativement à l'époque où le gouvernement fédéral régissait le système et où à peu près personne, si ce n'est les concierges des écoles, n'était de souche crie. Il en va de même du Conseil cri de la santé. Les Cris sont de plus en plus attirés par des métiers et professions occupés auparavant par des employés non autochtones.
Le programme de la sécurité du revenu, qui fournit un supplément de revenu aux Cris dont le principal gagne-pain est la poursuite d'activités traditionnelles, offrait des prestations à 1 742 adultes en 1996-1997. Cela représente approximativement 38 p. 100 de la main-d'oeuvre active crie. Environ 1 500 autres Cris travaillent à plein temps, ce qui signifie qu'environ 1 300 à 1 400 Cris, 30 p. 100 de la main-d'oeuvre active, est au chômage. Ces chiffres ne tiennent pas compte des chasseurs qui reçoivent des prestations de sécurité du revenu et qui cherchent activement un emploi rémunéré à plein temps.
En outre, on estime que, en 1999, il faudrait créer environ 2 000 nouveaux emplois pour que le plein emploi règne dans les communautés cries. Le nombre d'emplois à créer augmente chaque année d'environ 400, compte tenu du nombre de personnes qui atteignent l'âge d'avoir accès au marché du travail.
Comparativement à la population du reste du Canada, la population crie est relativement jeune. Grâce à un taux de naissance de près de 3 p. 100, taux qui est demeuré inchangé depuis 1975, lorsque les chiffres ont commencé à être recueillis, environ 35 p. 100 de la population des communautés cries est actuellement âgée de moins de 15 ans. Au Canada, environ 21 p. 100 de la population est âgée de moins de 15 ans. Il est donc nécessaire de créer des possibilités d'emploi dans les communautés cries de Eeyou Istchee et pour les Cris du territoire visé par la Convention de la baie James et du Nord du Québec, Eeyou Istchee, et les territoires de chasse traditionnels cris.
L'une des leçons que nous tirons jusqu'à présent du développement cri, c'est que l'amélioration des services sociaux et l'accroissement de l'emploi cri dans le secteur public en général ne suffisent pas à répondre aux besoins de possibilités d'emploi des communautés. Bien qu'il soit encore nécessaire accroître les emplois dans le secteur public, surtout dans le domaine des services sociaux liés à la santé—le counselling social et psychologique et les cercles de guérison—ainsi que dans certains secteurs d'administration régionale, il n'en reste pas moins que l'augmentation annuelle du nombre de Cris qui ont besoin d'emploi crée un déficit de l'emploi dans les communautés, lequel prend des proportions de crise.
• 1135
Certains Cris ont réalisé une initiative intéressante. Il
s'agit des efforts déployés par la communauté Oujé-Boagoumou pour
résoudre ses problèmes de développement communautaire.
[Note de la rédaction: Le témoin s'exprime en langue autochtone]
M. Paul Wertman (conseiller, Nation crie Oujé-Boagoumou, Grand conseil des Cris du Québec (Eeyou Istchee)): La communauté de Oujé-Boagoumou a vu son village déplacé de force à plusieurs reprises, dans les années 50 et 60, en raison de travaux miniers. De concert avec le Grand conseil des Cris, il a réussi à presser le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec à négocier la création d'un nouveau village qui a eu lieu en 1991.
La communauté a obtenu des fonds des gouvernements fédéral et provincial pour la construction du village, pour la création d'un fonds spécial de logements et pour la mise en place d'un fonds spécial de développement économique.
Pour commencer, la communauté a installé un système de chauffage urbain afin de diminuer la facture totale d'énergie que paient ses résidents. Toutes les habitations et tous les bâtiments publics sont chauffés grâce à un système de canalisation d'eau chaude enfouie dans le sol. Ce système est pourvu en énergie par le brûlage des sciures de bois dont se débarrasse une scierie avoisinante près de la localité de Chapais.
L'énergie coûte très cher dans les collectivités autochtones en raison de la distance. Le transport du mazout vers les collectivités cries et le chauffage à l'électricité des habitations et des bâtiments publics coûtent également très cher. C'est pour limiter ces coûts que les chefs de la communauté Oujé-Boagoumou ont entrepris ce projet spécial. Ce système de chauffage urbain a non seulement permis de réduire les coûts de chauffage des bâtiments et des habitations, mais il a également créer des emplois locaux.
En outre, la communauté a élaboré un projet de tourisme culturel ainsi que d'autres initiatives de développement économique local.
La communauté Oujé-Boagoumou n'a pas encore comblé tous ses besoins en emploi, mais elle a créé un bon exemple pour ce qui est de définir certaines orientations de développement futures.
La communauté Oujé-Boagoumou a eu la chance de pouvoir élaborer ses plans de chauffage urbain dès le début de la construction du village. Les autres collectivités n'ont pas eu cette chance. Elles se sont développées au moyen de divers investissements, de subventions au logement et à l'infrastructure, dont l'octroi n'est prévisible que sur une période d'un an.
En raison des méthodes de planification qu'applique le gouvernement fédéral au développement des collectivités cries, on n'a pas jusqu'à présent tenu compte encore des exigences de financement à long terme dans la planification à long terme du gouvernement fédéral ou de ses programmes. Les projets comme ceux qui visent à réduire les coûts d'énergie, dont la période de récupération de l'investissement s'étend sur 10 et 20 ans, sont difficiles à inscrire dans les cycles de planification financière fédéraux et provinciaux, dont l'horizon est limité à trois ans. Cette planification à courte vue cause des problèmes financiers à long terme énormes.
Les Cris participent actuellement à des discussions avec le gouvernement fédéral pour trouver des moyens plus durables de développer les communautés cries. Il est essentiel pour cela d'effectuer une planification financière à long terme et de tenir compte des besoins des communautés.
Il est possible d'améliorer l'efficacité des projets des collectivités cries en profitant de certains facteurs locaux, comme la proximité d'une scierie, dans le cas du projet du peuple Oujé-Boagoumou. Pour bien planifier, il faut tenir compte de ces facteurs, au cas par cas.
M. Bill Namagoose: Monsieur le président, je vais continuer.
Outre le projet de développement des communautés et de l'infrastructure communautaire, les Cris ont entrepris des projets de nature commerciale. Collectivement, les Cris possèdent une entreprise, la Compagnie des entreprises cries de développement économique ou Creeco. Il s'agit d'une société de portefeuille composée d'un certain nombre d'entreprises cries. Elle compte entre autres Air Creebec, la compagnie de construction et de développement crie, Servinor, un grossiste en alimentation, et Valpiro, une société qui fournit des services à l'aéroport de Val d'Or.
En 1997, ces entreprises ont gagné au total environ 87 millions de dollars. Cette année-là, la marge de profit a été relativement faible en raison des pertes subies par l'entreprise Servinor, qui venait d'être mise sur pied.
Les Cris ont entrepris de distribuer des aliments en gros aux sociétés de la région de Val d'Or, aux communautés cries et aux localités de l'ouest de l'Extrême Arctique. Dans ces sociétés, environ 25 p. 100 du personnel affecté aux opérations ordinaires est cri. Ces pourcentages augmentent durant les périodes d'activité de construction plus intenses en raison du nombre de Cris qui occupent des emplois saisonniers dans la compagnie de construction crie.
À l'heure actuelle, toutes ces sociétés fonctionnent à partir de la localité de Val d'Or. Les Cris apportent une contribution économique importante à cette localité non autochtone grâce aux activités de ces sociétés. Les Cris exploitent également Énergie Crie, entreprise qui vend du carburant en gros à certaines localités cries et à certains détaillants des régions de Val d'Or et Amos.
• 1140
Sous un angle plus vaste, les Cris doivent trouver des sources
de revenu qui leur permettront de soutenir le développement d'un
secteur privé dans les collectivités cries et à l'extérieur de
celles-ci, dans le territoire visé par la Convention de la baie
James et du Nord québécois.
Ces fonds pourraient être obtenus de façon évidente grâce au partage des revenus provenant de la mise en valeur des ressources dans le territoire visé par la Convention. À l'heure actuelle, toute la mise en valeur des ressources dans le territoire cri profite au Sud.
Les Cris reçoivent des prestations sous forme de paiements d'indemnisation, qui constituent en fait des paiements de dommages intérêts. Ces prestations empêchent les Cris de participer aux activités de développement plutôt que d'y participer davantage. Un régime de partage des revenus, s'il était mis sur pied, devrait fournir une assise de financement à long terme sur laquelle puissent reposer tant le développement des communautés cries que le développement économique du territoire.
En outre, il est essentiel d'embaucher des Cris dans les activités de développement et d'administration du territoire. Les communautés elles-mêmes ne sont pas en mesure de créer les 400 nouveaux emplois nécessaires chaque année. Les Cris doivent avoir un meilleur accès aux milliers d'emplois créés par les activités actuelles de développement dans le territoire cri, emplois qui à 99 p. 100 sont occupés par des non-Autochtones. Il est discriminatoire qu'une population qui occupe en majorité une vaste partie du territoire ne soit pas représentée au sein de la main d'oeuvre de la région proportionnellement à sa présence démographique.
Cette situation est particulièrement inquiétante si l'on tient compte du fait que les Cris ont signé une convention protégée par la Constitution qui est conçue tout spécialement pour amener les Cris à participer au marché du travail dans le territoire. Il faut avouer que les gouvernements du Canada et du Québec n'ont pas tenu, avec tout le sérieux nécessaire, les obligations et les engagements qu'ils avaient pris en signant la Convention de la baie James et du Nord québécois.
L'un des éléments clés de tout cela est la procédure d'évaluation des répercussions environnementales créée à l'article 22 de la Convention de la baie James et du Nord québécois. Même sous le régime de cette convention, le Canada a l'obligation de donner force de loi à l'article 22 s'il a des difficultés à l'appliquer, la procédure d'examen crie est encore aujourd'hui lettre morte et le Canada invoque des arguments juridiques sans valeur et fallacieux pour ne pas l'appliquer. Le Canada viole de toute évidence ses obligations constitutionnelles sous le régime de cet article.
En outre, on constate à la lecture de l'alinéa 28.10.4 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois qu'aucun règlement ne précise la nécessité d'employer des Cris et les priorités contractuelles pour la mise en valeur du territoire. Ces exigences devraient être établies et s'appliquer aux tierces parties. Or, ce n'est pas le cas. Encore une fois, le Canada esquive ses responsabilités législatives.
En conséquence, nous demandons au comité de continuer à surveiller la mise en oeuvre par le Canada de la Convention de la Baie James et du Nord québécois afin de faciliter l'adoption des mesures spéciales qui en assureraient l'exécution à long terme.
Nous espérons que ces mesures seront établies dans le cadre du processus actuel de négociations amorcé par les Cris et le gouvernement du Canada sous la direction de MM. Vennat et Moses. Nous croyons que ce processus a de bonnes chances de permettre aux Cris et au gouvernement du Canada de corriger la situation.
Nous avons l'occasion d'apporter les changements réclamés par la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones. Par ailleurs, nous pourrions également tomber dans le piège historique de la marginalisation persistante des Cris, avec tous les préjudices socio-culturels que cela suppose. L'avenir est entre nos mains. Donnons-lui une orientation nouvelle.
Merci beaucoup. Meegwetch.
Voilà qui met fin à notre exposé, monsieur le président.
[Français]
Le président: Meegwetch. Merci beaucoup. Votre déclaration était très bien. Nous savons tous que les Cris de la Baie James sont un exemple de leadership et un modèle pour tous les Canadiens.
Nous allons passer à la période des questions. Monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Merci beaucoup.
Je suis ravi de vous revoir.
J'aimerais préciser une chose ou deux. À la page 8 de votre rapport vous parlez du nombre de Cris employés par Hydro-Québec. Vous dites que ce nombre n'a jamais dépassé cinq personnes, soit .007 p. 100 de la main-d'oeuvre à quelque moment que ce soit. Vous parlez aussi des contraintes linguistiques qui empêchent les employés bilingues, cris-anglais de travailler au projet.
Dois-je comprendre qu'il y a au Québec des Cris qui ne parlent pas français?
M. Bill Namagoose: Oui.
M. Derrek Konrad: Comment est-ce possible?
M. Bill Namagoose: Cela s'explique par nos relations historiques avec le gouvernement fédéral. Dans les années 40 et 50, c'était le gouvernement fédéral qui assumait la responsabilité de l'éducation. On a fait en sorte que les Cris apprennent l'anglais avant le français, même si nous vivions au Québec.
Le Conseil scolaire cri a été créé en 1975 à la suite de l'adoption de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Les Cris sont maintenant responsables de l'éducation. Dans ma collectivité, plus de 60 p. 100 des élèves sont inscrits au programme de langue française, ce qui représente une transition très rapide par rapport à la situation antérieure. Depuis que les Cris assument la responsabilité de l'éducation, nous enseignons le français à nos enfants.
M. Derrek Konrad: Il s'ensuit que bientôt ce ne sera plus un problème, n'est-ce pas?
Vous avez parlé d'activités syndicales. Pourquoi les syndicats refusent-ils de donner aux Cris les cartes syndicales dont ils ont besoin pour travailler aux projets?
M. Brian Craik (directeur des relations fédérales, Grand conseil des Cris du Québec (Eeyou Istchee)): Essentiellement, la convention collective exige que les gens possèdent certaines compétences pour pouvoir postuler un emploi et les habitants des collectivités cries ont du mal à obtenir la formation nécessaire pour acquérir ces compétences. En effet, il n'y a aucun programme qui fournisse ce type de formation.
À l'heure actuelle, l'argent dont nous disposons pour la formation est surtout consacré à répondre aux besoins des communautés cries elles-mêmes. Nous n'avons pas beaucoup d'argent pour la formation. Et Hydro-Québec n'a pas de programme pour intégrer de nouveaux venus dans ses effectifs.
M. Derrek Konrad: D'accord. Vous avez dit qu'on essayait de répondre aux besoins des collectivités, mais il me semble que l'un des plus grands besoins est l'emploi, qui est un domaine que vous avez ciblé. Envisagez-vous une formation qui se donne dans la région ou la communauté crie est-elle disposée à payer pour envoyer des Cris à l'extérieur pour obtenir la formation nécessaire?
M. Brian Craik: Nous n'avons pas de fonds supplémentaires. À l'heure actuelle, nous finançons... Ainsi, nous formons des gens pour assurer l'entretien des systèmes d'aqueduc et d'égouts dans les collectivités. Nous formons des gens pour assumer dans la collectivité, des fonctions administratives et de secrétariat. Nous formons des gens pour diriger de petites entreprises car nous essayons de promouvoir la croissance du secteur privé chez nous. C'est pratiquement la totalité de nos fonds qui sont consacrés à ce genre d'activités.
Nous aimerions organiser certains programmes analogues à ceux mis sur pied par les habitants de Walpole Island. Si je ne m'abuse, on ciblait certains emplois dans une industrie locale et on obtenait la collaboration des employeurs locaux qui acceptaient d'accueillir les diplômés des programmes immédiatement. Nous voudrions faire quelque chose de semblable, mais nous n'avons pas encore réussi à négocier cela avec Hydro-Québec.
M. Derrek Konrad: Est-ce parce qu'Hydro-Québec n'embauche pas ou en raison du problème de la langue? Quelle est la raison principale pour laquelle Hydro-Québec n'a pas collaboré avec les Cris dans ce dossier?
M. Brian Craik: Comme vous le savez sans doute, les Cris n'étaient pas d'accord avec les plans de développement d'Hydro-Québec dans le Nord, de sorte que le contexte général ne se prêtait guère à la collaboration. C'est ce qui se passe depuis cinq ou six ans. Mais je dirais que même avant, Hydro-Québec ne faisait guère d'efforts pour intégrer les Cris à sa main d'oeuvre. Nous souhaiterions collaborer davantage avec Hydro-Québec à ce sujet.
M. Bill Namagoose: J'aimerais ajouter quelque chose.
En 1986, nous avons signé la Convention La Grande, qui élargissait le complexe existant de la Grande. Dans cet accord, Hydro-Québec s'est engagé à former et à embaucher 250 Cris. Telle était leur obligation. À ce jour, je crois que cinq Cris seulement ont été embauchés, 12 ans plus tard. L'une des raisons invoquées par les dirigeants d'Hydro-Québec pour justifier leur inaction, c'est qu'ils voulaient que le gouvernement fédéral finance la formation des candidats.
M. Derrek Konrad: J'ai une autre question qui découle de ce que vous dites à la page 10 de votre rapport. Je cite:
-
Voilà un exemple de la volonté des peuples autochtones de
participer aux activités de développement lorsque les obstacles à
leur participation sont levés grâce à des mesures spéciales.
• 1150
Au sujet de ces mesures spéciales dont il est question,
songez-vous à des mesures provisoires en attendant que l'économie
crie soit viable, ou à des mesures permanentes?
M. Bill Namagoose: En l'occurrence, nous parlions de la mine Troilus, dans la région Mistissini. Les dirigeants de l'entreprise ont contacté directement les Cris lorsqu'ils ont découvert le gisement. Ils souhaitaient négocier des arrangements ou une entente garantissant un développement harmonieux. Les Cris de Mistissini étaient ouverts à cette idée et ils ont amorcé des discussions sur le nombre d'emplois et de services qui pourraient être offerts.
Alors que ces discussions avaient cours entre les Cris et les représentants de cette entreprise métallurgique de Toronto, les dirigeants de l'entreprise ont reçu des coups de téléphone de porte-parole de l'Association minière du Québec et de députés du gouvernement québécois qui les ont découragés de négocier avec les Cris. Le message qui leur a été transmis était le suivant: «Nous avons déjà répondu aux préoccupations des Cris grâce à la Convention de la baie James et du Nord québécois. La question de leurs droits a déjà été réglée. Ils n'ont plus aucun droit sur ce territoire.»
M. Derrek Konrad: Vous n'avez pas répondu à ma question. Souhaitez-vous obtenir des mesures génératrices d'emploi pour chaque domaine d'activité? Maintenant que ces gens-là ont déjà participé à des projets, ils savent comment les choses se passent et ils devraient être en mesure de transférer les compétences qu'ils ont acquises à la prochaine mine sans «mesures spéciales». D'ailleurs, je ne sais pas trop ce qu'auraient bien pu être ces mesures.
M. Brian Craik: Essentiellement, nous souhaitons des mesures qui accroîtront les compétences de la population crie pour que ses membres puissent être concurrentiels et participer pleinement à l'économie régionale. Une fois arrivés à un certain point, nous n'aurons plus besoin de ces mesures spéciales. Mais on constate qu'il est nécessaire d'établir un certain niveau de compétence au sein de la main-d'oeuvre avant de pouvoir être vraiment compétitif.
Par exemple, nous allons embaucher des chauffeurs de camions à la mine Troilus. Ces gens-là sont qualifiés pour faire ce travail. Cependant, la mine Troilus est la seule mine à ciel ouvert dans la région, si bien que ses chauffeurs auront du mal à trouver une autre mine à ciel ouvert où l'on aurait besoin de compétences semblables. Avec le temps, nous espérons accroître le niveau de compétence de la main-d'oeuvre crie pour que les résidents puissent travailler dans certaines mines aux environs de Chibougamau ou plus au sud. Et les Cris le feront. L'histoire a démontré que les Cris l'ont déjà fait, mais pour cela, il faudra qu'ils bénéficient de mesures spéciales.
M. Derrek Konrad: Je suppose que c'est la réponse que j'attendais. Merci.
[Français]
Le président: Merci, monsieur. Je pense que le comité aurait avantage à se rendre à cet endroit lors de sa visite dans le Nord. À combien de milles de la ville de Chibougamau se trouve la mine Troilus?
[Traduction]
Combien de milles séparent Chibougamau de Troilus, une centaine?
[Français]
M. Brian Craik: C'est à deux heures de route.
Le président: Deux heures de route. Thank you.
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): J'ai trouvé votre présentation fort intéressante parce qu'elle décrit assez ouvertement et largement l'ensemble de vos activités économiques.
La Cree Construction Co. est la maison mère de plusieurs compagnies cries. Vous nous dites qu'elle inclut Air Creebec, la Cree Construction and Development Company, Servinor et Valpiro. Est-ce qu'il y a d'autres compagnies cries qui sont sous l'égide de la Cree Construction Co. ou si ce sont les seules?
[Traduction]
M. Bill Namagoose: Ce sont les seuls.
M. Claude Bachand: Ce sont les seuls. D'accord.
[Français]
Maintenant, en ce qui concerne le tourisme, je suis surpris d'apprendre, à la page 11, qu'il y a un problème avec la Radissonie, le gouvernement du Québec et l'Association crie de pourvoirie et de tourisme. Il semble y avoir des problèmes. D'abord, pourquoi le Conseil régional de la Radissonie a-t-il été mis sur pied s'il est contraire à l'esprit de la Convention de la Baie James? Quel est exactement le problème? J'ai cru comprendre que le gouvernement du Québec voulait que tout le développement du tourisme cri soit sous l'égide de la Commission touristique de la Radissonie. Est-ce que c'est cela, le problème?
[Traduction]
M. Norman Gull: Assurément.
[Français]
M. Claude Bachand: C'est cela. Savez-vous pourquoi le Conseil régional de la Radissonie a été mis sur pied l'an passé? Pourquoi a-t-il été mis sur pied alors que c'est un peu contraire à l'esprit de la Convention de la Baie James? Est-ce un coup du gouvernement du Québec, d'après vous?
[Traduction]
M. Norman Gull: La position des Cris a toujours été que les paragraphes 28.4 et 28.6 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois garantissaient aux Cris leur propre association de tourisme et de pourvoirie longtemps avant qu'il y ait quoi que ce soit dans la région de la Radissonie.
Le problème, c'est qu'on nous a demandé d'adhérer à l'Association régionale touristique et que cela fait de nous un intervenant mineur dans le domaine du tourisme dans la région. Cela sera contrôlé par la Radissonie et par Québec. On nous demande d'adhérer à cette association, ce qui va à l'encontre de ce que nous considérons être un droit issu de traité, compte tenu de la Convention de la Baie James.
Incidemment, Québec est parti à la création de l'Association crie de pourvoirie et de tourisme, qui est censée être un organisme tripartite. Nous avons eu beaucoup de mal à obtenir que des représentants du gouvernement du Québec discutent avec nous de cet arrangement tripartite prévu dans la Convention.
On nous dit que la région appartient à tout le monde et que s'il doit y avoir une association, il faut qu'elle soit ouverte à tous. Mais nous avons l'impression que nous tomberons sous la coupe du conseil régional, que les Cris ne seront que des intervenants mineurs et que leur association sera régie par un conseil régional. Voilà notre problème.
[Français]
M. Claude Bachand: Si j'ai bien compris, l'article 22 porte sur les impacts sociaux et environnementaux de l'ensemble des projets du Québec. Vous précisez à la page 19 que le gouvernement du Canada est en bris fiduciaire, qu'il ne fait pas son travail. En ce qui concerne cet article 22 ainsi que l'article 28.10.4, dont vous parlez à la page 19, demandez-vous aujourd'hui au gouvernement du Canada de légiférer? Je n'ai pas vu l'article en question, mais j'ai compris que les parties devaient faire un effort pour mettre en oeuvre les articles 22 et 28.10.4 et que, si les efforts n'étaient pas suffisants, le gouvernement du Canada avait la capacité de légiférer pour assurer leur mise en oeuvre. Nous demandez-vous aujourd'hui d'adopter une loi pour la mise en oeuvre des articles 22 et 28.10.4?
M. Brian Craik: Oui, c'est plus ou moins cela. À l'article 22.2.2, on établit un processus pour le passage des lois sur les impacts environnementaux et sociaux des développements dans la région. Cela inclut les lois et les règlements. On n'a adopté aucune loi et aucun règlement depuis la signature de la Convention de la Baie James, et les comités qui ont cette responsabilité n'ont pas les moyens nécessaires pour recommander des lois et des règlements aux gouvernements.
Dans l'article 28.10.4, on lit que le Québec et le Canada devraient prendre des mesures raisonnables, incluant des règlement, mais ne s'y limitant pas, pour établir les priorités des gens des communautés locales et des entrepreneurs en ce qui concerne les contrats et l'emploi créé par le développement sur le territoire. Il n'y a aucun règlement sur cette question. C'est une obligation du Canada et du Québec.
Finalement, à l'article 22, on lit que le Canada a l'obligation de légiférer sur cet article s'il y a des problèmes de mise en application de cet article. Le Canada a maintenant de la difficulté à mettre en application cet article car il n'y a aucune loi.
M. Claude Bachand: Pourquoi a-t-on de la difficulté à appliquer l'article 22? Vous dites même qu'ils ont des textes juridiques pour empêcher cette mise en application. Pourquoi se comportent-ils de cette manière?
M. Brian Craik: On a actuellement des différends concernant l'interprétation de cet article. Le juge Décary, lors du projet Eastmain, a décidé que l'application du régime était déterminée par le type de projet et non par le type de juridiction qui est touchée. Pour nous, ce sont les juridictions qui sont en question. Le commentaire du juge ne faisait pas partie de sa décision. Ce n'était qu'un commentaire en obiter dictum, je crois, mais le Canada se sert de cela pour interpréter cet article de la Convention. À cause de ça, dans un projet récent, le Canada a invité une compagnie du Nouveau-Brunswick à donner son avis sur un projet en territoire cri, et les Cris qui siègent au comité en vertu de cet article ne sont pas impliqués dans la revue de ce projet. Donc, les fins de la Convention de la Baie James sont complètement négligées par le Canada.
Le président: Merci.
J'ai une petite question à vous poser. On entend souvent les Inuits, notamment Zebedee Nungak de Kangirsuk, parler de la Convention de la Baie James, des Cris et des Naskapis. Selon la carte de la Convention de la Baie James, le territoire s'étend-il assez loin au sud, même jusqu'à Baie-Carrière au sud de Val-d'Or? Beaucoup de personnes nous demandent quelle est l'étendue du territoire.
M. Brian Craik: Le territoire de la Baie James est décrit dans la Convention. Il inclut les communautés de Val-d'Or, de Senneterre, de La Sarre, d'Amos, de Quévillon...
Le président: Je m'attendais à cette réponse-là. Merci beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Earle.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président. Je ne voudrais pas trop simplifier la question en réagissant à la question soulevée par mon collègue quant à savoir pourquoi la mise en oeuvre de la Convention pose des problèmes, mais j'estime que tout cela est fondé sur une question de discrimination et de préjugés. C'est une question d'attitude. Si les êtres humains voulaient vraiment collaborer entre eux, dans une atmosphère de respect mutuel, je pense que nous trouverions les solutions pour appliquer ces conventions.
À la page 14 de votre exposé, vous parlez des efforts de la communauté Oujé-Boagoumou. Vous avez dit que dans les années 50 et 60, le développement—et je crois que, vous avez précisé l'exploitation minière—avait forcé à maintes reprises les gens à quitter leur village.
Cela me rappelle qu'à Halifax, la collectivité d'Africville a été forcée d'abandonner son quartier sous prétexte qu'on voulait améliorer son sort. En réalité, on y a installé ultérieurement les bretelles du nouveau pont, tout cela au nom du développement. Essentiellement, le gouvernement s'est montré insensible aux préoccupations des habitants du quartier. Il s'agissait d'un cas d'insensibilité et de discrimination raciale. C'est souvent ce qui se produit.
J'en arrive maintenant à la question que je pose souvent. Dans le contexte de l'exploitation minière, particulièrement dans le Nord, je constate que cela a souvent provoqué l'évacuation des habitants de leur village. À l'heure actuelle, prend-on des mesures pour s'assurer que les résidents de vos collectivités vont bénéficier de façon durable de l'activité minière? Je ne parle pas uniquement des retombées sur le plan de l'emploi, mais du partage des redevances et des ressources tirées de ces mines. Fait-on quelque chose en ce sens?
M. Paul Wertman: Cela demeure très problématique.
• 1205
Dans le cas de Oujé-Boagoumou, dont vous avez parlé, la
collectivité n'a pas encore résolu tous les problèmes en souffrance
liés aux ressources naturelles et territoriales avec la province de
Québec et le gouvernement du Canada. Elle est sur le point
d'entreprendre des négociations au sujet d'un accord complémentaire
avec la Convention de la Baie James et du Nord québécois qui aurait
pour effet d'intégrer officiellement cette activité dans le champ
de la Convention.
Étant donné l'histoire de cette collectivité qui a été forcée de déménager à maintes reprises, il va de soi que l'incidence des activités minières revêt pour ces gens-là énormément d'importance. Dans le contexte de ces négociations, ses représentants veulent introduire des mesures qui garantiraient que cette fois, contrairement à ce que qui s'est produit dans le passé, la collectivité bénéficierait du développement qui a cours dans la région.
Pour ce qui est des autres collectivités cries, elles ne tirent aucun avantage direct de l'exploitation des ressources minières sur leurs terres traditionnelles et cela continue de faire problème.
M. Gordon Earle: Si j'insiste là-dessus, c'est qu'il me semble évident lorsque je constate ce qui se passe dans le nord du Canada, et je suppose qu'on pourrait ajouter ce qui s'est passé tout au long de l'histoire de notre pays, c'est qu'habituellement la société non autochtone arrive, exploite les ressources et tire des avantages durables de cette exploitation menée soit par le secteur privé ou le gouvernement. Quant aux collectivités installées sur les terres en question, elles ne jouissent d'aucun avantage et souvent se retrouvent marginalisées à la suite de ces activités de développement.
Dans votre mémoire, aux pages 9 et 10, vous citez l'exemple d'une entreprise minière qui semble avoir adopté une attitude positive particulièrement en ce qui a trait à l'emploi et à l'adoption d'initiatives spéciales. Mais même dans ce cas-là, j'ignore si l'on ira jusqu'à un partage des ressources ou des profits durables tirés de ces activités.
M. Bill Namagoose: Oui, il s'agit de la mine Troilus. Nous citons cela en exemple. Pour ce qui est des redevances, j'allais commencer à répondre à la question. Au moment des négociations avec l'entreprise Metale au sujet de l'emploi et des services, il y avait également sur la table la question des redevances. La société Metale avait convenu de verser aux Cris une certaine part de redevances, ce qui constituait un précédent et un progrès remarquables. C'est alors que le gouvernement du Québec et l'Association minière du Québec sont intervenus directement auprès de la société et ont exercé des pressions sur ses dirigeants pour qu'ils n'incluent pas les redevances dans les arrangements. On a menacé l'entreprise de lui retirer la subvention qu'elle devait obtenir si elle versait des redevances aux Cris.
Voilà le genre d'obstacles que nous devons surmonter. Il ne suffit pas d'instituer des mesures spéciales; il faut aussi tenir compte des habitants et être sensibles à leurs préoccupations. L'élimination de ces obstacles, c'est tout ce que nous demandons. Si les gouvernements ne nous mettaient pas de bâtons dans les roues, nous serions tout à fait en mesure de nous débrouiller.
M. Gordon Earle: Je suis d'accord avec vous. J'estime que c'est une question que le comité doit sérieusement examiner. Il ne faut pas rester à la surface des choses, mais s'attaquer au coeur du problème, c'est-à-dire le partage des ressources. Je pense que c'est très important et j'apprécie beaucoup vos commentaires à cet égard. Merci.
M. Bill Namagoose: Meegwetch.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Earle.
Avant de passer à M. Finlay, j'aurais une question à vous poser. Vous parlez des obligations de la Convention de la Baie James. On sait qu'il y avait huit villages lors de la signature. Parce que le fédéral et le provincial avaient des obligations envers les Cris de la Baie James, il s'est construit un nouveau village. Selon vous, ce village relève d'un concept mondial réputé. C'est un exemple d'une situation où les deux gouvernements ont dit: «Oui, on est obligés de construire un nouveau village.»
J'aimerais savoir quel a été le coût du village et j'aimerais aussi savoir si c'est à l'extérieur de la Convention que s'est construit ce neuvième village.
[Traduction]
M. Paul Wertman: Si j'ai bien compris votre question, vous voulez savoir quel était le coût de construction du village. Il en a coûté environ 45 millions de dollars pour construire le nouveau village. Vous avez tout à fait raison: le projet a suscité beaucoup d'intérêt à l'échelle internationale, et certains ont qualifié le village des Oujé-Boagoumou, de village autochtone modèle.
Cependant, il y a des difficultés liées au développement à long terme de la collectivité. À l'étape de la planification du village Oujé-Boagoumou, les membres de la collectivité ont organisé de multiples ateliers et séances de planification pour décider comment le village devait être construit. Les anciens de la collectivité ont dit aux dirigeants qu'il convenait de respecter trois principes de base.
• 1210
Premièrement, le village devait respecter l'environnement. On
ne voulait pas qu'il soit construit d'une façon qui aille à
l'encontre des valeurs traditionnelles cries de conservation et de
protection de l'environnement. Les anciens ont aussi exigé que le
village soit viable sur le plan économique. Inutile de construire
un village pour en faire une enclave d'assistés sociaux.
Troisièmement, il fallait qu'il ait une pertinence culturelle,
c'est-à-dire qu'il reflète la culture crie.
Bien que ces principes aient été exprimés en cri, ils reflètent une philosophie de développement durable. C'est cette même philosophie qui guide la collectivité dans ses efforts pour assurer son développement à long terme.
Et c'est de là que provient la difficulté. Pour s'assurer que la collectivité continue d'être viable, non seulement maintenant mais pour les générations à venir, ses membres estiment devoir avoir accès aux ressources naturelles d'une façon qui permettra aux générations futures de pouvoir compter sur ces ressources, et c'est ce qui manque à l'heure actuelle. Ce sujet de vive préoccupation pour eux sera évidemment abordé au cours des négociations relatives à un accord parallèle à la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Wertman. Monsieur Finlay.
[Traduction]
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président. J'essaierai de me borner à poser trois questions.
Je tiens à remercier nos témoins de leur excellent exposé. La seule chose qui me déçoit beaucoup, monsieur le président, c'est que j'ai déjà entendu tout cela depuis quatre ans et que j'en ai assez d'entendre la même chose.
Premièrement, j'aurais souhaité que vous nous donniez certains chiffres quant à la population totale de la région, Cris et non-Cris confondus, même s'il s'agit d'une approximation. En effet, cela risque ou non d'avoir une incidence sur certains aspects dont il est question ici. Si vous ne pouvez le faire maintenant, vous pourriez peut-être nous envoyer ces données ultérieurement pour ne pas retarder nos travaux maintenant.
Ainsi, à la page 7, je lis ce qui suit:
-
À l'heure actuelle, l'activité forestière représente 1,2 milliard
de recettes fiscales annuelles pour le Québec et fournit 15 000
emplois, mais très peu de Cris bénéficient de cette activité.
Je suppose que la région en question est boisée et que, par conséquent, les Cris devraient tirer partie de l'exploitation forestière. Ma première question est la suivante. Puis-je avoir un peu plus d'information. Vous avez une très bonne carte. La mienne n'est pas aussi bonne. Je suis sûr que je peux obtenir un exemplaire de cet accord.
Ma deuxième question porte sur une question que vous avez mentionnée à deux reprises dans votre exposé, c'est-à-dire l'élargissement de la Convention La Grande de 1986. Ce n'est peut-être pas ainsi que vous l'appelez, mais son objectif est très clair. Vous avez dit, chef, que vous aviez réclamé 250 emplois et que jusqu'ici, vous en aviez obtenu cinq.
Je ne pense pas que l'on doive recourir aux avocats et aux tribunaux pour régler tous les problèmes de la société moderne. En fait, cela me répugne. Mais ne pouvez-vous pas poursuivre Hydro-Québec puisqu'il semble qu'il ne respecte pas ses engagements? Cela ne me semble pas un problème insurmontable que de s'attaquer aux préjugés et à l'attitude monolithique d'Hydro-Québec dans de nombreux dossiers y compris celui de Terre-Neuve et d'autres encore. Cela risque de vous coûter beaucoup d'argent et peut-être que cela n'en vaut pas la peine. Je pense qu'il serait préférable d'en venir à un compromis et de s'entendre, et je suis sûr que vous êtes d'accord avec moi. Cela dit, lorsque la survie d'une collectivité est en jeu, je ne pense pas qu'on puisse tolérer une apathie pareille.
• 1215
Je voudrais savoir quelle zone administrative relève du
Conseil de développement régional de la Radisonnie. Il me semble
que cet organisme fait double emploi, que c'est en quelque sorte
une façade pour s'assurer que c'est Québec qui prend les décisions
et non les Cris. Je suis ravi d'apprendre le succès d'Air Creebec,
entre autres.
Monsieur le président, ma troisième question m'amène à la fin du mémoire. J'ai dit tout à l'heure que j'avais déjà entendu tout cela. J'ai entendu les mêmes propos de la bouche du chef Coon Come qui nous a expliqué que les Cris accordent une certaine signification aux termes cogestion. Le terme veut dire quelque chose pour moi et, je crois, pour le ministère des Affaires indiennes également. Mais peut-être que le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec ne lui accordent-ils pas la même signification que les Cris car il est évident que ça ne va pas. Les choses n'allaient pas il y a trois ans et ça ne va pas mieux maintenant et je ne sais pas quand elles s'arrangeront. Je suis prêt à faire ma part, aussi modeste soit-elle.
Monsieur le président, il y a une chose que je tiens à savoir au sujet de l'article 22, page 19, qui porte sur l'environnement et les problèmes sociaux... Le Canada peut procéder par voie législative si une entente n'est pas possible. D'après ce que vous avez dit, monsieur Craik, il y a une divergence d'opinion entre les Cris et le gouvernement du Canada. Serait-il naïf de ma part d'affirmer qu'il y a un écart considérable entre le gouvernement du Québec et les Cris et que, dans le contexte politique actuel, le gouvernement du Canada est réticent à faire ce qu'il devrait faire? C'est bien ce que je pensais.
L'alinéa 28.10.4 précise qu'il faudrait prendre des mesures raisonnables pour assurer une représentation adéquate, si j'ai bien compris. Je connais mal cette disposition, monsieur le président. Avant longtemps, il nous faudra faire revenir les fonctionnaires du ministère pour savoir s'ils ont véritablement l'intention de régler certains de ces problèmes.
[Français]
Le président: Allez-y, monsieur Craik.
[Traduction]
M. Brian Craik: Permettez-moi de répondre à certaines de vos observations. Je commencerai par la dernière. L'article 22 porte surtout sur les répercussions sociales et sur la participation des Cris au développement. C'est essentiellement la teneur de cet article. Le problème, c'est que les ministères de l'environnement ont tendance à se préoccuper davantage du sort des chiens de prairies que des êtres humains. On est donc confronté à une ignorance totale et à des gens qui se soucient de l'impact écologique au détriment des sociétés qui vivent dans la région. Ce n'est pas que les Cris se désintéressent de l'environnement. Au contraire, ils s'y intéressent vivement.
D'après cet article, il y aura des lois, des principes et des règlements pour gérer le développement sur le territoire en question. Or, il n'y a rien de tout cela. Pourquoi? Il faudrait poser la question aux gens qui représentent le Canada au sein du comité. Le Canada scrute à la loupe ce qu'ils font au comité. On leur dit qu'ils ne peuvent se réunir à telle date et qu'une autre date convient mais on ne donne aucun temps de préparation. Par conséquent, les membres du comité qui représentent le Canada sont complètement inutiles. Ils n'ont pas suffisamment de temps. Ils ne sont pas payés pour faire autre chose que simplement ce qui leur est dicté.
Le comité lui-même a une secrétaire à temps partiel à sa disposition. Quant au gouvernement du Québec, il demande aux membres québécois du comité d'y participer bénévolement.
Comment s'atteler à la tâche? Les Cris abattent le plus de besogne qu'ils peuvent. Nous avons dépensé des centaines de milliers de dollars au fil des années pour faire bouger ce comité. Il s'agit du Comité consultatif pour l'environnement de la baie James. Ça ne sert à rien.
D'après moi, les ministères de l'environnement mettent en oeuvre une stratégie visant à torpiller la Convention de la baie James car il s'agit d'une des dispositions fondamentales de la convention.
• 1220
L'autre partie de la Convention de la baie James c'est que les
gouvernements visent à étouffer l'article 28, qui porte sur le
développement économique. Encore une fois, l'application de
l'article 28 est régi par un comité mixte. Il s'agit du comité sur
la politique de développement économique.
Le comité en question s'est réuni environ trois fois en 1978. Les membres représentant le Canada ont dit: «Nous n'avons pas de mandat pour faire quoi que ce soit, mais nous sommes prêts à siéger au comité et à vous écouter.» Les membres représentant le Québec ont dit: «Nous ne pouvons siéger au comité car la politique gouvernementale nous interdit de siéger directement à une table réunissant les Cris et les représentants du gouvernement du Canada en même temps. C'est une question de compétence.» Par conséquent, le comité est mort de sa belle mort et ne s'est pas réuni depuis 1978. Par conséquent, pendant 20 ans, il n'y a pas eu de politique de développement du territoire de la baie James. Il n'y a pas de mesures de développement économique spéciales visant à mettre en oeuvre la convention. Or, la convention exige ces mesures.
Pour en revenir au Conseil de développement régional de la Radissonie, le problème tient au fait que Québec... Selon ce qui avait été convenu entre les Cris et le gouvernement du Québec, une fois le projet de construction terminé, Radisson serait abandonné. On allait fermer la ville. Il n'était pas vraiment nécessaire qu'elle soit maintenue une fois le projet de construction achevé.
M. John Finlay: De quel projet parlez-vous?
M. Brian Craik: Du projet de La Grande.
Il y a effectivement quelques personnes, dans la région, qui essaient de sÂétablir et de s'intégrer à la collectivité, mais en réalité il n'y a même pas de cimetière à Radisson. Ce n'est la ville de personne. C'est simplement une espèce de communauté dortoir, un ancien camp pour les travailleurs du chantier. Et pourtant le Québec a donné au Conseil de développement régional de Radissonie la responsabilité du développement de tout le territoire.
Après avoir rencontré les chefs Cris pour parler de la scierie de Waswanipi, ce qui était d'ailleurs une très bonne initiative, M. Bouchard s'est rendu ensuite à Chibougamau et leur a dit «il faut occuper le territoire». Mais le territoire est déjà occupé. La convention dit que les Cris sont citoyens du Québec et du Canada. Où est le problème? Pourquoi les Cris ne peuvent-ils pas jouer un rôle significatif dans la gestion du développement?
Vous avez parlé ensuite de poursuivre Hydro-Québec, je dois dire qu'il y a beaucoup de choses pour lesquelles nous pourrions poursuivre Hydro-Québec et le Canada et même la province du Québec. Nous avons une espèce de procès général, qui avance très lentement, et qui nous coûte à peu près un million de dollars par an, et nous poursuivons précisément le Canada et le Québec à propos de la convention.
Comme vous le savez peut-être, il est très difficile d'obtenir qu'une société inscrive dans un accord une promesse d'employer, par exemple, 150 Cris à tel ou tel projet, puisqu'il y aura toujours les conditions de compétence à remplir. Certains critères doivent être fixés. Vous devez alors vous assurer que les employés en question vont effectivement être employés, qu'ils ne seront pas simplement inscrits sur les listes de paye. Il faut donc un peu de collaboration et de bonne volonté, on a besoin aussi de programmes. Tout cela doit être discuté.
L'avis que nous avons obtenu est donc que nous pourrions poursuivre Hydro-Québec, mais il serait toujours difficile d'obtenir une injonction exigeant que la société recrute maintenant 150 Cris. Le tribunal pourrait se contenter de demander que l'on crée des programmes pour employer des Cris, et pour cela nous pourrions très bien procéder à l'amiable.
M. John Finlay: Merci pour la réponse, et j'aimerais continuer à discuter du rôle des Cris; mais comme vous le savez, à toujours ressasser le même sujet, cela devient un petit peu désespérant.
La mise en valeur de Voisey's Bay a été quelque chose de remarquable. Je pensais peut-être, étant donné l'importance de la compagnie, avec laquelle j'ai un petit peu affaire en qualité de parlementaire, que l'on saurait cette fois-ci comment s'y prendre. Il semble pourtant que l'on n'ait pas beaucoup tiré de leçons du passé. Et pourtant, on a ici un exemple de la façon de bien faire les choses. Je sais qu'on ne peut pas former quelqu'un en 24 heures, et c'est là qu'il faut planifier. La mine ne va pas s'enfuir, les ressources ne vont pas disparaître, alors, pourquoi ne pas se donner le temps de bien faire les choses?
M. Bill Namagoose: Monsieur le président, vous avez parlé des avantages que l'on retire de la forêt. Vous savez que cela représente 1,2 milliard de dollars, pour le seul territoire des Cris.
En ce qui concerne les projets hydroélectriques, les ventes de courant produit sur le territoire cri représentent 3,5 milliards de dollars. Hydro-Québec produit 50 p. 100 de son électricité sur le territoire des Cris, soit les 3,5 milliards de dollars dont je parlais. Là-dessus le gouvernement fédéral empoche environ 200 millions de dollars de TPS, sinon plus.
• 1225
Et pourtant lorsque nous nous adressons aux gouvernements,
pour que l'on nous donne les services et le financement dont nous
avons besoin, nous faisons figure de personnes à charge. Comme si
nous étions un fardeau financier, alors qu'ils retirent tout cet
argent de l'exploitation de notre territoire.
Vous avez parlé de Voisey's Bay. Il y a déjà eu un chèque de 4 milliards de dollars pour Voisey's Bay, mais la population locale n'a toujours pas de village ni de véritable collectivité avec des services d'hygiène de base. Et pourtant 4 milliards de dollars ont déjà été versés. Je trouve qu'il y a là quelque chose qui ne va pas.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Finlay.
J'ai une petite question pour M. Craik. Dans la circonscription fédérale d'Abitibi, il y a plus de 26 aéroports. Vous avez parlé de la carte de la Convention de la Baie James, des Cris et des Inuits. Le fédéral a mis en place le transfert des aéroports, surtout de l'aéroport régional de Val-d'Or, un gros aéroport d'une valeur de plus de 60 millions de dollars. Ils sont en train de le transférer pour un dollar à un comité. Vu que Air Creebec a son siège social à cet aéroport, et vu que Val-d'Or est dans le territoire de la Convention de la Baie James, est-ce que les Cris sont favorables à l'acquisition de cet aéroport au prix de un dollar, en partenariat avec le comité régional mis en place pour l'avenir des aéroports comme Waskaganish, Eastmain, Wemindji, Chisasibi et l'aéroport sur la rivière Grande-Baleine?
Ma question est plus précise. Est-ce que Transports Canada a communiqué avec le grand chef Matthew Coon Come dans le but de trouver une façon d'effectuer ces transferts d'aéroports aux Cris de la Baie James?
M. Brian Craik: Il n'y a eu aucun contact entre Transports Canada et le grand chef concernant ces questions. Est-ce qu'on est intéressés? On est très intéressés à ce type de développement.
Le président: Je trouve très bizarre que Transports Canada ne communique pas avec vous. Merci.
Monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: Mon Dieu, ça fait déjà presque un an.
[Français]
Le président: Monsieur Konrad, je n'ai pas eu un blanc de mémoire. Je représente les Cris qui habitent chez nous. Ce sont des amis. Ce sont des gens qui participent à l'économie canadienne. Allez-y, monsieur Konrad.
[Traduction]
M. Derrek Konrad: Très bien, revenons à la page 16, où l'on parle de la Compagnie des entreprises Cris de développement économique. Apparemment, elle ne s'en est pas très bien tirée l'an dernier. J'aimerais savoir qui sont les membres du conseil d'administration, le mode d'élection et de scrutin, et l'autorité de tutelle dont ils relèvent. Soyez bref, parce que j'ai encore des questions à poser. Cela simplement pour planter le décor.
M. Bill Namagoose: Creeco est la propriété du Bureau de l'indemnité crie, créée en 1975 pour gérer les fonds d'indemnisation qui ont été versés à la signature de la Convention de la Baie James et Nord québécois. Pour pouvoir se livrer à certaines activités économiques le Bureau a décidé de se lancer dans ce genre d'opérations, et a donc créé une société de portefeuille.
En ce qui concerne les membres du Bureau de l'indemnité crie, il y a deux représentants qui sont élus par l'ensemble de la population de chaque collectivité crie. Ce sont en quelque sorte les actionnaires de Creeco. Ces actionnaires nomment ensuite des gens compétents, capables de prendre des responsabilités, qui siègent au conseil d'administration de Creeco.
M. Derrek Konrad: Est-ce que des rapports annuels sont soumis aux collectivités cries?
M. Bill Namagoose: Oui. Chaque année, à notre assemblée générale annuelle, toutes les sociétés présentent leurs rapports à l'assemblée générale du Grand conseil des Cris.
M. Derrek Konrad: Très bien, cela répond en même temps à une autre question que je me posais.
Et comment les bénéfices sont-ils utilisés?
M. Bill Namagoose: Ils n'ont pas été très importants. En général, lorsqu'une société retire des bénéfices, une autre pourra... C'est justement l'avantage d'une société de portefeuille: vous pouvez utiliser les bénéfices que vous faites d'un côté pour éponger les pertes de l'autre. C'est ce qu'on a fait jusqu'ici. Mais en général ces sociétés dégagent peu de bénéfices.
Air Creebec a commencé il y a plus de 20 ans. J'aimerais faire remarquer que la compagnie n'a pas été subventionnée par le gouvernement fédéral ni le gouvernement du Québec. Nous ne sommes d'ailleurs pas les transporteurs régionaux attitrés de la région, comme Québec Air. Vous vous souvenez peut-être que Nordair avait obtenu des subventions du palier fédéral, ce qui n'est pas le cas de Air Creebec.
M. Derrek Konrad: Quel est le capital de cette Compagnie des entreprises cries?
M. Bill Namagoose: Le Bureau d'indemnité gère environ 136 millions de dollars de capital. Tout cela n'est pas liquide. Il faut faire la part du capital des sociétés en question. Nous ne savons pas exactement combien cela représente pour chacune.
M. Derrek Konrad: C'est justement ce que je voulais savoir, un chiffre net plutôt que brut.
Donc plus de 100 millions de dollars d'actif ne rapportent rien aux Cris.
M. Bill Namagoose: Le Bureau place cet argent, et c'est réparti entre les communautés cries par habitant. Il y a environ 15 millions de dollars de recettes qui reviennent ensuite. Environ 20 p. 100 sont réinvestis, et le reste est distribué aux collectivités cries, et au grand conseil des Cris, pour le financement de ses activités et certaines autres entités.
M. Konrad Derrek: Lorsque je considère le montant investi dans la Compagnie des entreprises cries de développement économique, je me demande combien a été la mise de départ, ou l'indemnité en question?
M. Bill Namagoose: Environ 50 à 60 millions de dollars ont été investis dans toutes ces entreprises.
M. Derrek Konrad: Et ça ne rapporte rien.
M. Bill Namagoose: Non, la compagnie aérienne s'en tire mal. Cree Construction est en perte de vitesse. Valpiro s'en sortait bien. Servinor ne s'en sort pas aussi bien que nous l'espérions.
M. Derrek Konrad: Pensez-vous qu'il soit alors préférable de placer cet argent à l'extérieur de la région, pour pouvoir faire un bénéfice dont on se servirait ensuite localement, et placer ensuite le reste dans des opérations locales?
M. Bill Namagoose: Beaucoup de ces entreprises donnent du travail aux Cris, ce qui d'une certaine manière est un avantage, je pense surtout à la Compagnie de développement et de construction crie. On pouvait toujours évidemment déposer le bilan de ces entreprises, et créer un portefeuille d'actions à Nesbitt Burns, pour ensuite toucher les dividendes; mais cela veut dire que l'on perd l'avantage des emplois.
M. Derrek Konrad: Effectivement, vous pourriez réinvestir les intérêts perçus, et c'est ce que d'autres feraient.
Merci.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Konrad.
Monsieur Bachand.
M. Claude Bachand: J'ai trois courtes questions. J'ai un énorme respect pour le grand peuple cri, qui était sur le territoire bien avant nous. À leur arrivée, les Européens ont eu tendance à mettre des frontières, mais cela n'a pas empêché les Cris de s'étendre en Ontario et même jusque du côté du Manitoba. Aujourd'hui, nous fonctionnons un peu avec les frontières que nous avons.
Les Cris de l'Ontario et du Manitoba sont un peu envieux des conditions socioéconomiques des Cris du Québec. Je voudrais savoir, dans un premier temps, si vous êtes d'avis que les conditions socioéconomiques des Cris du Québec sont supérieures à celles des Cris de l'Ontario et du Manitoba. C'est ma première question.
Deuxièmement, parlons du développement économique à venir. On a aujourd'hui un compte rendu de ce qui se passe, mais vous devez avoir une espèce de planification pour le développement de créneaux d'activité qui, selon vous, sont porteurs d'avenir. J'aimerais savoir si vous avez déjà identifié ces créneaux d'activité pour savoir dans quoi vous allez vous lancer dans les prochaines années.
Voici ma dernière question mais non la moindre. C'est celle de la nouvelle politique du gouvernement du Québec. Mes amis et moi convenons que ce n'est pas de façon juridique qu'il faut régler les questions; c'est de façon politique. Un des volets de la nouvelle politique du gouvernement du Québec est justement de créer une espèce de commission bipartite où siégeraient les nations autochtones et le Québec. On dirait dire: «Eh bien, discutons maintenant des problèmes des articles 22 et 28, du tourisme, qui est problématique, etc. Comment peut-on essayer de régler politiquement les problèmes plutôt que de les régler juridiquement?» J'aimerais avoir votre opinion sur la politique du gouvernement du Québec sur ce volet-là ainsi que sur les autres volets, c'est-à-dire le fonds de développement de 125 millions de dollars et la demande au fédéral de contribuer 125 millions de dollars de plus.
• 1235
J'aimerais avoir un aperçu de la façon dont vous considérez
cette politique. Je sais que votre grand chef ne
semble pas tout à fait d'accord, parce que j'ai entendu
aux nouvelles que Matthew Coon Come n'était pas
d'accord sur la politique du gouvernement du Québec.
J'aimerais avoir quand même votre opinion sur cette
politique-là.
[Traduction]
M. Bill Namagoose: La situation du nord de l'Ontario et du Manitoba ne peut pas se comparer à celle des Cris du Québec. Si l'on veut faire une comparaison, il faut la faire avec le niveau de vie moyen du Canadien. Dans le nord de l'Ontario, et au Manitoba, les gens devraient pouvoir atteindre le même niveau de vie que les autres Canadiens, et il ne s'agit pas de dire que l'on traite les Autochtones de telle province mieux que ceux de telle autre. C'est tout à fait inacceptable.
En ce qui concerne la politique du Québec, notre grand chef a dit publiquement, pour les chefs du Québec et par le canal du gouvernement du Québec, que toute démarche politique est un recul par rapport à ce que nous avons en ce moment, où le gouvernement du Québec a une relation contractuelle avec les Autochtones, plutôt que quelque chose de défini par la Constitution et les traités.
Je préfère la relation contractuelle... je préfère une relation administrative. Nous ne voulons pas un autre Radisson. Nous sommes protégés par la Constitution du Canada, article 35. C'est bien sa raison d'être. Les gens ont lutté avec acharnement pour obtenir cette protection constitutionnelle. Nous ne voulons donc pas d'une politique d'abandon de nos droits constitutionnels, pour obtenir des services communautaires de base auxquels nous avons droit de toutes façons. Voilà ce que j'en pense.
Nous savons par ailleurs que le gouvernement fédéral n'est pas prêt à verser sa part au fonds économique communautaire que M. Chevrette propose. Or ce fonds a bien fait l'objet de propositions, où l'on a dit que le Canada verserait 50 p. 100 de l'ensemble, ce qui à mon avis est moins que certain.
M. Norman Gull: Là il est question de partenariat. C'est précisément un de nos problèmes à propos de l'Association de tourisme et de pourvoirie. Nous en avons discuté avec le Québec. Nous avons également eu des discussions avec la Radissonie. Les Cris ne sont pas opposés à cette notion de partenariat, et d'entreprises en participation, etc. La difficulté c'est que nous devons travailler dans le cadre de ce que définit l'Association de tourisme et de pourvoirie des Cris.
Nous sommes prêts à avoir des ententes de coparticipation avec d'autres nations, que ce soit les Inuits ou la population de Radisson.
Mais avec le Québec c'est un petit peu difficile. Le Québec s'y oppose, en disant qu'il ne peut pas reconnaître notre association et en même temps travailler avec Radisson, dont nous sommes membres. Nous avons lutté contre cet argument pendant trois ans, par correspondance et lors des réunions.
M. Claude Bachand: John, j'ai encore une question à laquelle on n'a pas répondu.
Le vice-président (M. John Finlay): Je vous en prie.
[Français]
M. Claude Bachand: Quels seraient, selon vous, les secteurs d'activité économique à développer pour les Cris?
M. Brian Craik: Actuellement, sur le territoire, il y a beaucoup de développements économiques dans lesquels les Cris ne sont pas tellement impliqués. Donc, les Cris demandent à être impliqués à l'avenir. Ils aimeraient que le développement se fasse de façon à respecter l'intégrité de l'environnement et à permettre la continuité de la vie traditionnelle des Cris. Donc, s'il y a du développement hydroélectrique sur le territoire, ce développement ne devrait pas être imposé aux Cris. On devrait en discuter projet par projet, et le développement devrait avoir un impact minimal sur l'environnement.
• 1240
Les Cris
ne sont pas intéressés à ce qu'il y ait des projets de grande
envergure comme on en a déjà vu, qui ont de grands
impacts sociaux et environnementaux. Ensuite,
les Cris sont intéressés à être
impliqués dans le développement minier
et le développement
forestier, mais ils ont de la difficulté face au
développement forestier parce qu'il ne se fait pas
actuellement de manière à respecter l'intégrité de
l'environnement. On est d'avis que dans 20 à
30 ans, les communautés, même
non autochtones, qui dépendent actuellement du
développement forestier connaîtront
une dégringolade dans leurs affaires à
cause du fait qu'on récolte trop sur le territoire.
Le président: Merci.
Merci, monsieur Bachand.
Monsieur Earle.
[Traduction]
M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.
J'ai ici un document intitulé «Partnership, Development and Achievement», dont je dois dire que je n'ai pas encore eu le temps de prendre connaissance en profondeur. Je ne sais pas si c'est le même document dont parlait mon collègue à propos des relations entre le Québec et les Cris, sur le plan bilatéral. Mais en le feuilletant, je vois que l'on parle beaucoup de travailler à trois, d'entendre tripartite... et du rôle du gouvernement fédéral.
Ce qui me frappe, à première lecture, c'est que l'on utilise de belles paroles, et que l'on invoque les mêmes grands principes que dans le document fédéral Rassembler nos forces. Je regarde un petit plus loin, et je cherche à voir si cela va permettre de pallier à certaines des insuffisances dont vous nous avez parlé. Ce n'est pas du tout mon impression.
J'aimerais savoir ce que vous pensez des paragraphes de ce document sur le développement économique, et deuxièmement, sur la question de la fiscalité des Autochtones. La tendance actuelle semble être de s'écarter d'un statut fiscal spécial pour les Autochtones, pour les laisser responsables eux-mêmes de leur propre fiscalité, et des recettes qui en découleraient. Je pense qu'il y a du pour et du contre.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce document, et de ce que cela pourrait vous permettre de faire sur le plan économique.
M. Brian Craik: Ce document dit d'abord qu'il faut oublier l'histoire. Nous allons repartir à zéro, avec de nouveaux contrats, et on demande aux gens de faire confiance.
Précisément, les Cris, et beaucoup d'Autochtones, ont le sentiment que l'on ne peut plus faire confiance à qui que ce soit, que les contrats seront révisés et remodelés. Il y a même des indications selon lesquelles, dans certaines circonstances, ces contrats pourraient être résiliés.
Le document précise également qu'il n'est pas question d'avoir droit aux protections internationales que peuvent avoir les nations du monde. Remarquez bien que le document évite prudemment d'utiliser le terme «peuple». Ce n'est d'ailleurs que récemment que le Canada en accepte l'usage. Maintenant le Canada semble d'accord avec l'utilisation du terme «peuple», et ouvert à l'idée de donner aux peuples autochtones du Canada le droit d'invoquer les protections internationales. Dans ce document, par contre, il n'en est pas question.
On peut dire que le Québec a 10 ou 20 ans de retard pour ce qui est de la compréhension des droits des autochtones et de ce qui peut en découler.
Le document parle également de la création d'un fonds de 250 millions de dollars. Il y a environ 64 groupes autochtones au Québec, et il est question de répartir l'utilisation du fonds sur cinq ans. Ça fait environ 50 millions de dollars par an pour 64 groupes, ce qui fait donc environ 800 000 $ supplémentaire par an et par groupe. Tous ceux qui connaissent la situation de ces groupes d'autochtones savent que c'est une goutte d'eau dans la mer.
Le problème que nous avons d'abord, problème très réel, c'est d'arriver à un point où ces groupes d'autochtones pourront penser à la possibilité d'avoir un travail et une formation, c'est-à-dire oublier les simples problèmes de survie dans des logements surpeuplés, sans système d'égouts, sans adduction d'eau, et ce genre d'insuffisance. Une fois qu'on aura dépassé ce stade, on pourrait peut-être penser à l'éducation des enfants, l'instruction, un petit peu d'épargne, et une amélioration de la situation. Mais pour le moment ces collectivités autochtones n'en sont encore pas là. Les Cris sont peut-être mieux lotis que les autres, mais l'avenir reste très incertain, étant donné que les Cris n'ont pas les moyens de prendre en main leur propre développement.
• 1245
Il semble que l'on ait au Canada cette formule de
développement, en ce qui concerne les Autochtones, qui consiste à
leur interdire l'accès à l'exploitation des richesses naturelles,
alors que depuis des millénaires leur société vivait de ses
richesses naturelles. C'est-à-dire qu'on les prive subitement de
l'exploitation de ces richesses, en leur disant qu'ils sont
maintenant sous la tutelle du gouvernement fédéral. Et ensuite tout
le monde se plaint de ce que les autochtones ont besoin de l'aide
fédérale, et de ce que cela coûte très cher.
Il faudra beaucoup plus que 250 millions de dollars pour donner à ces 64 groupes autochtones un niveau de vie moderne, et pour les intégrer au reste de l'économie. Cet argent est insuffisant. Vous pourrez penser que c'est une tâche au-dessus de nos forces, je répondrai simplement qu'il faut en trouver les moyens. C'est-à-dire que nous devons avoir nos propres sources de revenu. Il faut mettre fin à ce cercle vicieux.
M. Gordon Earle: La question du coût me ramène à ce que vous avez dit vous-même, et aussi à ce que notre président a déclaré à propos du transfert des responsabilités aéroportuaires à des administrations locales, ce qui est la politique de Transport Canada.
Au départ cette politique a donné de bons résultats. Maintenant, cependant, au fur et à mesure que les budgets sont réduits, certains aéroports, en raison de leur endettement, et de ce que tout cela coûte, ont du mal à trouver acquéreur.
Je sais, par exemple, que dans la région de Halifax, dans les Maritimes, la question de l'aéroport et de son transfert à une administration locale pose des tas de problèmes. On se demande en effet ce que cela va coûter à une administration locale de reprendre l'aéroport, de le remettre en état, de le moderniser etc.
Je dis tout cela pour vous inciter à la prudence. Même si vous avez l'impression que la gestion de ces aéroports représente pour vous un potentiel de développement économique, faites bien attention à ne pas vous retrouver dans une situation où les ressources vous manqueraient pour faire les choses comme il faut; c'est cela le revers de la médaille.
[Français]
Le président: Merci.
J'ai une petite question. On parle du développement économique des Cris de la Baie James, mais quand les gouvernements et les Canadiens et Canadiennes participent à la Convention de la Baie James, les gens disent: «Ils reçoivent des subventions; ils reçoivent ceci et cela.» Mais quel est votre apport à l'économie canadienne et québécoise? Quand on vous a donné des subventions, il y a quelques années, il y a eu un retour pour les travailleurs du Québec et du Canada, les compagnies et tous ceux qui vous ont aidés à construire et qui ont travaillé avec vous.
On disait toujours que, quand on vous donnait un dollar, il y avait 97 ¢ qui revenaient dans les poches des Blancs. Aujourd'hui, on sait que vous travaillez très fort sur le terrain et que vous voulez créer chez vous avec le dollar qu'on vous donne. Quel a été votre apport économique depuis la Convention de la Baie James dans l'ensemble du Canada et du Québec?
[Traduction]
M. Bill Namagoose: En ce qui concerne les subventions accordées aux collectivités cries pour le logement et autres infrastructures, tous nos fournisseurs sont Canadiens, et la plupart du temps installés au Québec. On peut dire que cet argent est donc reversé à la société québécoise, aux usines et aux fournisseurs du Québec.
Quant aux salaires que gagnent les Cris, nous nous procurons des produits et services dont nous avons besoin auprès de sociétés québécoises, notamment dans la région de Val d'Or, Chibougamau, Chapais et Quévillon. Cet argent est réinvesti dans l'économie québécoise.
La communauté de Val d'Or a beaucoup profité de la présence des Cris. Nous y avions nos bureaux il y a dix ans. On disait à cette époque qu'il y avait à Val d'Or de vieux arbres et des Cris. Cela n'a pas changé.
La société québécoise ou la société canadienne en profite donc. Nous n'allons pas chercher des travailleurs aux États-Unis. Nous n'achetons pas auprès de sociétés américaines. Nos fournisseurs sont des entreprises québécoises et canadiennes.
[Français]
Le président: Merci. C'est une excellente réponse.
Monsieur Bryden.
[Traduction]
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Merci beaucoup.
Je vous prie d'excuser mon retard, messieurs, mais j'ai bien lu vos différents textes. Votre témoignage m'attriste beaucoup car il ne fait aucun doute que les choses auraient dû réussir. La Convention de la Baie James aurait dû donner de bons résultats. Je ne comprends toujours pas pourquoi ce n'est pas le cas.
Une partie des problèmes vient peut-être de ce que vous êtes pris entre les aspirations politiques provinciales et vos propres besoins. Je ferais remarquer que Terre-Neuve est une autre société qui a été lésée, dirons-nous, dans l'histoire du développement de la Baie James.
• 1250
Je ne sais pas trop ce qu'il convient de faire, mais je puis
vous assurer que nous examinerons les choses.
J'aimerais toutefois avoir une précision. Au lieu de parler de développement économique, pourriez-vous m'expliquer la raison d'être des communautés qui vivent là-bas. C'est bien beau de dire qu'il faut des emplois, mais de quoi les gens ont-ils besoin spirituellement, si vous voulez, pour continuer à vivre dans le territoire cri? Quel maillon de la chaîne nous reste-t-il à trouver?
M. Bill Namagoose: Nous pensions que la Convention de la Baie James et du Nord québécois permettrait de répondre en grande partie à cette question. Lorsque nous avons signé la convention, on nous avait assuré que nous aurions le choix de continuer à vivre selon notre mode de vie traditionnel ou de participer à l'économie de salaires. Le simple fait d'avoir ce choix est très important. Les gens ressentent un sentiment de fierté et de dignité lorsqu'ils peuvent choisir plutôt que d'être entraînés dans une voie qui leur déplaît ou pour laquelle ils ne sont pas prêts.
Les Cris ont traversé un siècle en l'espace de 20 ans depuis que nous avons signé la Convention de la Baie James. Nous nous adaptons lentement. Il faut du temps aux terres et aux gens pour guérir des blessures du complexe la Grande qui a affecté les deux cinquièmes de notre territoire.
Comme je l'ai dit, nous avons investi une bonne part de nos paiements d'indemnisation et fait beaucoup d'efforts pour créer une économie de salaires, pour offrir cette alternative à la population. Mais il est très important que ce choix existe.
Pour la prochaine étape, il faudrait faire participer les Cris et tous les Autochtones du Canada à la mise en valeur des ressources. Les Autochtones vivent toujours dans les régions forestières ou minières, ou encore dans d'autres zones appelées à être mises en valeur. Il faut cesser de marginaliser les Cris et les Autochtones et de les empêcher de tirer des revenus de ces terres.
On me dit que les ventes d'électricité rapportent 3,5 milliards de dollars et que seul le produit forestier rapporte 1,2 milliard de dollars. Pourquoi n'avons-nous pas accès à ces revenus? Nous cesserions d'être un fardeau et nous pourrions créer nos propres économies.
Il ne suffit pas que nous demeurions dans nos collectivités ou dans nos réserves; nous devons en sortir et, surtout dans notre cas, participer aux activités qui nous entourent. Nous ne voulons pas être placés dans des réserves-ghettos qui seront créées dans notre région.
M. Paul Wertman: J'aimerais ajouter deux observations à ce qu'a dit Bill. Vous avez raison lorsque vous faites remarquer certaines des difficultés qui sont d'ordre strictement local. Mais il y a également des questions plus générales qui entrent en jeu, dont la place que doivent occuper les Autochtones dans toute la société canadienne. Ce qui se passe dans le territoire de la Baie James est un reflet très fidèle de ce que vivent les Autochtones de tout le pays, de ce qui se produit lorsqu'ils sont marginalisés, lorsqu'ils sont dépossédés et qu'ils sont privés de toute voix politique.
C'est une situation qu'il faut examiner minutieusement. Il faut trouver des moyens d'accepter la vie autochtone au sein de la vie civile et comprendre ce que cela signifie pour assurer leur viabilité à long terme.
La convention de la Baie James et du Nord québécois n'est pas comme les autres traités historiques dont il est parfois difficile de comprendre l'intention ou de savoir ce dont les parties ont vraiment convenu. L'intention qui sous-tend la convention de la Baie James est exprimée expressément dans son préambule.
En signant cette convention, les Cris étaient persuadés d'adhérer à un processus qui leur permettrait de participer pleinement à la vie économique, sociale et politique de ce territoire. Depuis lors, ils n'ont connu que des difficultés lorsqu'il s'agit d'amener les diverses parties à la convention à respecter les engagements qu'elles ont expressément pris dans la convention.
• 1255
Dans le préambule de la convention, on trouve un certain
nombre de conditions qui doivent être remplies pour que les
communautés cries puissent se développer et garantir leur viabilité
à long terme. Certains de ces éléments sont définis expressément
dans la convention, d'autres pas. Néanmoins, l'intention est bien
exprimée, et si les Cris ont de la difficulté à faire appliquer ces
articles pourtant très clairs, ils en ont bien davantage lorsqu'il
s'agit d'essayer de réaliser la vision qu'on envisageait lorsque la
convention a été signée.
M. John Bryden: Merci. J'ai une autre question à poser.
Vous avez mentionné l'éducation en passant. Pourriez-vous m'en dire davantage? Comment l'éducation est-elle administrée? Qui l'administre? L'enseignement permet-il aux étudiants d'être concurrentiels par rapport à l'ensemble de la société?
M. Brian Craik: Je vais répondre à cette question.
Avant la signature de la convention de la Baie James, l'éducation était un secteur partagé entre le gouvernement du Québec et le ministère des Affaires indiennes. Il n'y avait pas de comité de parents. Il n'y avait, je crois que deux enseignants cris. Envoyer ses enfants à l'école le matin, c'était comme les envoyer dans un autre monde. La communauté ne participait pas plus à l'école que l'école ne participait à la communauté.
Aujourd'hui, toutes les communautés ont des comités scolaires primaires et secondaires. Près de 300 Cris travaillent dans le système. Je ne me souviens pas exactement combien il y a d'enseignants, mais dans le cas des enseignants à plein temps, je crois qu'il y a environ 75 ou 80 enseignants cris.
Nous n'avions que deux Cris en 1973, dans le système d'enseignement postsecondaire, je crois, et il n'y en a maintenant plus de 400. Nous aimerions que davantage de Cris aillent à l'université. Nous avons beaucoup de gens dans les collèges techniques et d'autres sortent de collèges. Il y a du progrès. Il y a maintenant un étudiant en médecine et quatre autres en droit.
M. John Bryden: Qui gère les établissements? Le gouvernement du Québec s'occupe-t-il maintenant de l'enseignement au nom des Cris ou les Cris assument-ils maintenant la totalité de cette responsabilité?
M. Brian Craik: C'est une erreur qui se trouve dans la Commission royale sur les peuples autochtones. La commission n'a jamais compris ce qui se fait au sein du conseil scolaire cri.
Le conseil scolaire cri est peut-être le meilleur exemple au Canada de la prise en main de l'éducation par un peuple autochtone. Nous avons toute une équipe de gens qui élaborent les programmes de cours. Les communautés ont choisi le cri comme langue de base dans les écoles. Dans toutes les communautés, c'est ce qui se fait en première et deuxième années du primaire. Dans certaines communautés, cela se fait également en troisième année, mais nous espérons faire davantage pour que le cri devienne la langue de base. La langue qui sera parlée tous les jours sera le cri.
On constate que les diplômés de ce programme ont davantage confiance en eux. Les gens disent que ces enfants parlent le cri comme les anciens. Ils n'hésitent pas et ont un meilleur vocabulaire. Ils ont davantage confiance en eux-mêmes.
Ce que nous espérons, et ce que dit le conseil scolaire à tout le monde, c'est que ces enfants s'acceptent enfin en tant que Cris et que, nantis de cette confiance, ils sont capables d'étudier autre chose, l'anglais, le français, les sciences, etc. Ils commencent à le faire. Il y a cinq ans à peine que ces jeunes commencent à arriver au secondaire. Nous verrons ce qui se produira dans les prochaines années.
M. John Bryden: M. Namagoose, ou vous peut-être, a dit que les Cris ne sont pas embauchés dans les projets... Quelqu'un a fait observer que les employeurs invoquent le manque de compétence, entre autres. Si votre système d'éducation fonctionne aussi bien que vous le dites, il devrait produire des gens employables. Si les travailleurs sont qualifiés mais qu'ils ne sont pas embauchés, qu'est-ce qu'il ne va pas?
M. Brian Craik: La langue pose toujours un problème. Cela empêche environ la moitié des diplômés d'obtenir des emplois, à l'heure actuelle.
M. John Bryden: Vous parlez du français?
M. Brian Craik: Leurs compétences en français sont trop limitées.
Certains de nos diplômés pourraient être embauchés par les entreprises, c'est certain. Nous avons des gens qui possèdent des connaissances et de l'expérience en administration et qui pourraient de ce fait travailler à Hydro-Québec ou dans les sociétés forestières. Mais on ne les embauche pas. Pourquoi? Cela tient en partie au fait qu'il faut renforcer les programmes d'orientation dans les écoles et intégrer progressivement les enfants dans une voie qui leur permettra d'obtenir les qualifications nécessaires pour participer au développement du territoire.
Comme je l'ai dit, certains de nos diplômés pourraient être embauchés mais ils ne le sont pas. Les entreprises ne font aucun effort pour trouver des gens dans les communautés cries. Les Cris devraient peut-être exercer davantage de pression auprès de ces entreprises pour qu'elles mettent sur pied des programmes et collaborent avec nous en organisant des foires de l'emploi dans les communautés, par exemple. Mais cela n'existe pas encore.
[Français]
Le président: Merci.
Monsieur Bryden.
[Traduction]
M. John Bryden: J'ai quelques brèves observations. Je tiens à vous faire savoir que pour ma part du moins—et je ne saurais parler pour les autres membres de ce comité—votre message me tient à coeur et j'ai l'intention de continuer à chercher des réponses.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Bryden.
Monsieur Finlay, vous avez une autre question?
[Traduction]
M. John Finlay: Je me demande si M. Craik... J'ai entendu vos propos et ils illustrent, j'en suis sûr, un obstacle que nous devons tous surmonter.
Les membres de notre comité devraient au moins lire le résumé du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, parce que le respect et la reconnaissance, lorsque nous discutons de cogestion et de gestion tripartite... J'ai beaucoup de difficultés à comprendre comment il est possible d'avoir suffisamment son mot à dire lorsqu'il y a trois parties qui négocient, à moins d'avoir davantage d'influence, d'intérêt politique ou d'autre chose de ce genre.
Je répète simplement l'histoire qu'on m'a racontée. Il y avait un jeune Autochtone très bien—je ne dirai pas s'il était Cri ou Inuit—qui est allé travailler à l'usine où il est resté. Il y a travaillé un mois ou deux, semble-t-il. Lorsque quelqu'un a demandé comment il allait, on lui a répondu qu'il était parti. Pourquoi était-il parti? Eh bien, c'est que pendant un mois, il a mangé son lunch tout seul dans un coin de la salle à manger. Personne ne lui parlait et cela l'a amené à partir.
Les humains peuvent être très ignorants, lorsqu'il s'agit de savoir ce qui est nécessaire. La seule façon de régler ce problème c'est d'essayer d'amener quelqu'un des échelons supérieurs, ou quelqu'un des relations humaines, à comprendre quelque chose auquel les Canadiens accordent énormément de prix... Nous en parlons beaucoup, mais nous ne l'appliquons pas très souvent dans nos propres communautés.
Le problème dont je parle, c'est les préjugés.
M. Brian Craik: Dans les discussions avec Metale, dans cadre du projet Troilus, si nous n'avions pas pu compter sur les cadres supérieurs, si nous n'avions discuté qu'avec les cadres moyens, il n'y aurait pas eu d'entente
M. John Finlay: Voilà.
[Français]
Le président: Merci. Il y a des questions dont nous n'avons pas eu le temps de discuter aujourd'hui, notamment du côté du sport. Le sport est aussi une question économique. On n'a pas eu la chance de parler des jeunes sportifs cris, mais il y a des leaders qui s'en viennent. J'aimerais parler un peu de sport en terminant. Comment vont les choses, dans les communautés cries, du côté du hockey, du baseball, du ballon sur glace? J'aimerais que vous nous en parliez un peu.
Vous souriez, monsieur Gull.
[Traduction]
M. Norman Gull: Il se fait beaucoup de choses dans les sports et les loisirs. Un grand nombre de jeunes Autochtones et de jeunes Cris de la région font partie de diverses équipes de sport. Il existe un bon esprit de compétition entre les Cris et les non-Cris. Ces activités ont pris beaucoup d'expansion ces dernières années, surtout en raison de... Comme je l'ai dit, plus de la moitié de la population est âgée de moins de 25 ans. Il y a beaucoup de sports, du hockey, du base-ball, etc.
[Français]
Le président: Merci beaucoup. Monsieur Bryden, vous voulez poser des questions?
[Traduction]
M. John Bryden: Dernière question. Vous avez mentionné quelque chose au sujet duquel j'aimerais en savoir davantage.
Il existe un problème linguistique entre l'anglais et le français, qui empêche les Cris de trouver des emplois. C'est bien ce que vous dites?
M. Bill Namagoose: Oui, il y a un problème linguistique. À Hydro-Québec, la langue de travail dans toutes les installations, toutes les opérations et tous les emplois liés à l'équipement, c'est le français—au Complexe La Grande.
M. John Bryden: Il n'existe donc pas à Hydro-Québec, comme ailleurs au pays, des dispositions sur le bilinguisme. Hydro-Québec n'a pas de politique qui permette à ses employés de travailler dans les deux langues, et ce, même s'il s'agit d'un service public appartenant au gouvernement.
M. Bill Namagoose: Au Complexe La Grande, tout est en français. Les panneaux, les manuels, les manuels techniques et les opérations techniques, tout est en français.
M. John Bryden: On ne fournit rien en anglais?
M. Bill Namagoose: Non.
M. John Bryden: Je vois. Ce qui est bon pour les uns n'est pas bon pour les autres.
M. Paul Wertman: Il faut dire qu'il existe un double problème. Il y a d'une part celui dont nous venons de discuter, c'est-à-dire le problème linguistique, mais aussi le problème que M. Finlay a mentionné tout à l'heure
M. John Bryden: Merci.
[Français]
Le président: Ça commence à être intéressant. Allez-y, monsieur Finlay.
[Traduction]
M. John Finlay: Je suis d'accord avec M. Bryden, mais la situation à Hydro-Québec serait la même que les installations soient à Sept-Îles, à Montréal ou ailleurs, n'est-ce pas?
M. Bill Namagoose: C'est exact.
M. John Finlay: À l'heure actuelle, les lois linguistiques du Québec...
M. John Bryden: Cela n'a rien à voir.
M. John Finlay: Je ne voudrais pas...
M. John Bryden: Dans le même ordre d'idées, pour aller plus loin, je suppose que la Convention de la Baie James ne comportait aucune disposition sur l'emploi des Cris ou la participation des Cris dans les deux langues. La Convention de la Baie James ne comportait donc aucune disposition sur la langue? Le français est-il la seule langue par défaut?
M. Brian Craik: À cette époque, ce n'était pas un grand problème. Le projet a été construit en partie par la Société Bechtel, donc on parlait beaucoup l'anglais. Le problème, c'est que les dispositions relatives à l'éducation permettent aux Cris de choisir s'ils veulent que leurs enfants reçoivent leur enseignement en cri, en anglais ou en français. Mais ceux qui reçoivent leur enseignement en anglais dans la communauté crie ont bien peu de chance d'être employés, du moins dans les sociétés publiques.
M. John Bryden: Enfin, il n'existe pas dans la Convention de dispositions selon lesquelles les employeurs du secteur public doivent offrir les services et les possibilités d'emploi dans les deux langues.
M. Brian Craik: Il existe certaines dispositions selon lesquelles les employeurs doivent offrir des possibilités en langue crie, mais la plupart ne l'ont pas fait.
M. Paul Wertman: Entre parenthèses, je signale que la Convention de la Baie James contient des dispositions qui exemptent les Cris de l'application de la Loi 101.
M. John Bryden: C'est très intéressant. Il serait sans doute très intéressant d'examiner cette question.
Merci.
[Français]
Le président: Merci, monsieur. En terminant, j'ai visité cet hiver presque toutes les communautés cries de la Baie James. Sur vos terres, dans les communautés de catégories I, II et ainsi de suite, quand on arrive dans votre ville, on voit que vous respectez les langues officielles. Les panneaux sont en français, en anglais et en cri. Est-ce vrai? J'ai vu beaucoup de panneaux en anglais et en cri...
M. Brian Craik: C'est plus au sud.
Le président: C'est plus au sud, n'est-ce pas? D'accord, merci.
Membres du comité, nous avons entendu aujourd'hui des témoins qui nous ont expliqué la situation économique des Cris de la Baie James. Pour moi, les Cris de la Baie James ont toujours respecté les lois canadiennes. Je suis fier de votre travail et du travail des deux Cris de la Baie James pour l'avenir des Cris et des jeunes cris.
Les Cris de la Baie James ont toujours voulu s'asseoir à la table pour trouver des solutions avec les gouvernements, du Canada ou du Québec, selon la Convention de la Baie James.
• 1310
Mais quand il n'y a plus de dialogue ou que
c'est bloqué quelque part, les
recours à la justice sont les mêmes pour les Cris de la
Baie James et pour les gouvernements et les Canadiens.
Continuez vos demandes. Vous aurez mon respect dans
toutes vos revendications à venir. Meegwetch.
Merci beaucoup. À la semaine prochaine.
La séance est levée.