AAND Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 9 mars 1999
Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.)): Bonjour à tous. Avant que nous entendions nos témoins, j'aimerais vous faire part du fait que la réunion du Sous-comité du programme et de la procédure prévue à 9 heures aujourd'hui a dû être annulée puisque quatre de ses membres ne pouvaient y assister.
• 1115
J'ai donc travaillé avec nos attachés de recherche et
Mme Fisher afin d'établir l'horaire des
réunions au cours desquelles nous poursuivrons notre étude
du projet de loi C-56. J'ai choisi des
témoins à partir de la liste dressée par notre greffier
le 3 mars à la suite de la
discussion des députés de tous les partis.
Comme l'indique le document que vous avez en main, nous
avons prévu convoquer le mardi 16 mars
1999 les représentants de la nation crie de Norway House et
ceux de la
Manitoba Aboriginal Rights Coalition, et le jeudi 18
mars, ceux de la Cross Lake First Nation et du Grand
Council of the Crees.
Ce choix n'empêche nullement la comparution d'autres témoins que les membres du comité désireraient convoquer. Vous pourriez consulter la liste compilée le 3 mars et relever le nom d'autres organisations qui pourraient vous intéresser. Vous pourriez y ajouter d'autres noms puisque cette liste est ouverte. Merci beaucoup.
Nous allons passer à l'ordre du jour d'aujourd'hui qui prévoit l'étude du projet de loi C-56, Loi concernant l'accord conclu avec la nation crie de Norway House sur le règlement de questions liées à la submersion de terres et concernant la création de réserves au Manitoba.
Nous accueillons aujourd'hui M. Warren Allmand, ancien ministre des Affaires indiennes, qui témoigne à titre personnel et M. Peter Russell, professeur d'université.
Monsieur Allmand, est-ce que vous avez une déclaration d'ouverture?
[Traduction]
M. Warren Allmand (témoignage à titre personnel): Je tiens tout d'abord à remercier le comité de m'avoir invité à comparaître.
Si je suis ici, c'est parce qu'en tant que ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien j'ai supervisé en 1977 la négociation de la Convention sur la submersion des terres du Nord. Bien entendu, nous avons réussi à parvenir à un accord et, alors que j'étais ministre, j'ai signé le décret autorisant l'adoption et la signature de l'accord et j'ai envoyé par la même occasion une confirmation officielle de l'accord au Comité sur la submersion des terres du Nord, qui représentait les cinq nations habitant la région visée par la submersion. J'ai décrit cette confirmation officielle comme étant l'émanation de la charte des droits et des avantages dus aux bandes visées par la submersion dans le Nord. Il est intéressant de relever que la Bande de Cross Lake a placé en tête de son mémoire ce document que je lui avais envoyé à l'époque.
Lors d'un remaniement, j'ai quitté ce portefeuille à la fin septembre 1977 pour devenir ministre à la Consommation et aux Corporations et je n'étais donc pas en fait titulaire de ce portefeuille lors de la signature officielle de l'accord. La convention officiellement signée en décembre 1977 était exactement la même que celle que j'avais négociée en tant que ministre.
La Convention sur la submersion des terres du Nord visait à indemniser les cinq collectivités du nord du Manitoba pour compenser les terrains perdus et les bouleversements survenus dans leur mode de vie en raison de l'inondation de leurs terres par le projet hydroélectrique du Manitoba qualifié de projet de détournement du fleuve Churchill. Cette convention prévoyait toute une série d'avantages, et j'imagine que les membres du comité ont un exemplaire de cette Convention sur la submersion des terres du Nord et sont en mesure de constater que tout un ensemble d'avantages ont été mis à la disposition des cinq collectivités.
Je vais vous lire les dispositions du paragraphe 25(1) de la convention, car elle dispose que cette entente doit rester en vigueur tant que le projet durera. Les dispositions du paragraphe 25(1) sont les suivantes:
-
Cette Convention, à l'exception de [...] L'article 24, restera en
vigueur et continuera à lier les parties pendant toute la durée du
projet, y compris s'il est largement réaménagé sur un même plan. Il
est convenu et accepté que cette disposition restera en vigueur et
liera tous les ayants droit à l'une ou l'autre des parties ainsi
que les héritiers, les exécuteurs testamentaires et les ayants
droit de tout demandeur.
Il s'agit là d'un article très important parce que, comme je le préciserai dans une minute, j'estime que ce projet de loi abroge la convention.
L'année dernière, à ma grande surprise, j'ai constaté que la plus grande part des dispositions de la Convention sur la submersion des terres du Nord n'avait jamais été appliquée. Vingt et un ans plus tard, pratiquement rien n'a été fait. Bien sûr, après que j'ai changé de portefeuille, nous avons perdu les élections, nous nous sommes retrouvés dans l'opposition et je n'ai plus entendu beaucoup parler de la convention. J'ai été toutefois contacté l'année dernière par certains membres de la Bande de Norway House, qui intentaient une action en juste contre cette convention, et ces derniers m'ont demandé de leur remettre un affidavit leur précisant mon interprétation de la convention.
• 1120
Il convient de signaler que du fait de l'inondation de ces
terres et de la disparition du mode de vie de ces gens, nombre
d'entre eux, qui n'avaient déjà pas une situation brillante au
départ, se sont encore appauvris. Alors que toute cette situation
a été créée par l'immersion des terres, la Société hydroélectrique
du Manitoba en a retiré des avantages considérables. Elle a
d'ailleurs bénéficié de 800 millions de dollars de recettes au
titre de l'électricité tirée de ce projet pour la seule année 1997,
et les ventes faites aux États-Unis ont elles aussi produit de
fortes recettes.
Nous avons donc d'un côté des terres qui sont détruites et de l'autre une centrale hydroélectrique ayant entraîné l'inondation des terres qui produit des recettes aux bénéfices du Manitoba et de sa société d'hydroélectricité alors que la convention n'a jamais été appliquée. Voilà un autre exemple, à mon avis, de trahison de nos peuples autochtones.
Il y avait quatre accords généraux de mise en oeuvre (AGMO), un pour chacune des nations impliquées, débouchant sur le présent texte. Toutefois, à la lecture, on constate qu'il ne s'agit pas vraiment d'accords de mise en oeuvre puisqu'ils reviennent en fait à abroger et à supprimer les avantages dispensés par la Convention sur la submersion des terres du Nord. Ils dispensent bien certains avantages, mais qui sont de nature différente. Un véritable accord de mise en oeuvre partirait de la Convention sur la submersion des terres du Nord et établirait des moyens d'application plutôt que de mettre fin aux prestations dispensées par la convention prévue à l'origine.
Lorsqu'on cherche à comprendre ce qui s'est passé, il semble qu'il y ait eu un réexamen ou une révision de ce que nous avions fait en 1977 puisque, comme je vous l'ai indiqué, lorsque j'ai accepté cet accord, je l'ai fait avec le plein consentement du conseil des ministres, de mon parti au Parlement et, dois-je dire, de bien d'autres partis à ce même Parlement. Il y avait un accord, sérieux et officiel, mais quelque chose a dû se passer après 1979. Nous avons perdu les élections face à M. Clark, un gouvernement conservateur a pris la relève et, lorsque nous sommes revenus au pouvoir en 1980, je ne m'occupais plus de ce portefeuille. Ensuite, nous avons eu le gouvernement Mulroney. Toutefois, à un moment donné, il faut que les fonctionnaires du gouvernement en soient venus à la conclusion que la convention ne leur convenait pas. Qu'elle ait été bonne ou non pour les gens avec lesquels ils avaient signé, c'est une tout autre question; il semble toutefois qu'ils aient entrepris de bloquer l'application, de détruire la convention et finalement de l'abroger par l'entremise de ces accords de mise en oeuvre et de ces projets de loi, ce que je juge inadmissible et honteux.
La stratégie des gouvernements, et je mets gouvernements au pluriel parce qu'il s'agit aussi bien du Canada, du Manitoba que de la Société hydroélectrique du Manitoba, semble avoir été de diviser pour régner parmi ces bandes—de les acheter les unes après les autres, parce que c'est ce qu'ils ont fait. Ils ont commencé par les plus petites bandes. Bien entendu, celle qui ne s'est pas encore rangée avec les autres, la plus grosse, c'est celle de Cross Lake, qui compte 5 000 membres. Dans toute la région, il y a 10 000 Autochtones, et la Bande de Cross Lake, qui en compte à peu près la moitié, continue à se battre sur cette question. D'après vos propos, je crois comprendre qu'elle s'apprête à comparaître.
J'ai le sentiment que votre comité et que le Parlement ont l'obligation d'étudier de près cette question. Je suis pleinement d'accord pour dire que toutes les Premières nations ont le droit de décider ce qu'elles veulent faire. Elles peuvent décider dans quelle mesure elles veulent vendre ou ne pas vendre leurs terres et si elles veulent passer ou non des accords. Il appartient toutefois à votre comité de décider si les décisions prises par ces Premières nations dans le cadre de cette procédure étaient constitutionnelles et conformes aux traités internationaux ratifiés par le Canada tel que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il lui convient d'examiner dans quelle mesure le gouvernement fédéral a mérité la confiance qui a été placée en lui. Bien des gens considèrent que le gouvernement fédéral ne s'est pas acquitté de ses responsabilités. Enfin, il faut que votre comité examine dans quelle mesure les règles de base de la justice et de l'équité ont été respectées. Je considère que ces règles n'ont pas été respectées lors de la prise de décision, mais je vous dis toutefois que vous avez l'obligation de le vérifier.
Tout d'abord, pour expliquer mon point de vue, nous devons nous pencher sur les référendums. Le premier référendum qui a été organisé en juillet 1997 au sujet de cet accord général de mise en oeuvre n'a pas été adopté. Il a échoué; il n'a pas reçu l'assentiment de la nation crie de Norway House. Le gouvernement fédéral et d'autres intervenants ont donc alors décidé d'organiser un deuxième référendum deux mois après le premier, et bien entendu ils l'ont gagné.
• 1125
Je me souviens que lorsque j'étais député, et en tant que
simple citoyen canadien j'ai toujours le même sentiment, j'estimais
que lorsqu'on perdait un référendum... Nous avons critiqué le
gouvernement du PQ au Québec qui, après avoir perdu un référendum,
en a organisé un autre. Après avoir perdu le premier, il est passé
au deuxième. Mais au moins, il faut reconnaître qu'au Québec, au
niveau fédéral et dans nos municipalités canadiennes, on ne peut
pas organiser un deuxième référendum sur la même question tant
qu'une élection n'est pas survenue dans l'intervalle. C'est la loi
fédérale, la loi du Québec et la loi des municipalités, qui
organisent très souvent des référendums.
Nous avons donc ici organisé deux référendums en deux mois sur la même question, et je dis que c'est totalement contraire à la coutume et au droit qui se pratiquent ailleurs.
En second lieu, on a abaissé le seuil permettant de gagner ce deuxième référendum. Donc, lorsqu'on ne parvient pas à gagner le premier référendum, on abaisse le seuil fixé pour pouvoir gagner le deuxième.
Enfin, ce qui est particulièrement choquant, on a promis de verser 1 000 $ à chaque homme, chaque femme et chaque enfant si l'accord était adopté. Imaginez-vous un instant qu'un parti politique ou qu'un gouvernement au Canada puisse penser faire la même chose lors d'une élection générale ou d'un référendum. Imaginez, si M. Bouchard ou M. Chrétien avait promis à chaque homme, chaque femme et chaque enfant de lui verser 1 000 $, 2 000 $ ou 3 000 $ si l'on votait en sa faveur. C'est tout à fait inouï. À mon avis, toute cette opération sent mauvais. Elle sent la manipulation. Dire: «Je représente le gouvernement, je vous fais une proposition: si vous acceptez je verserai 1 000 $ à chacun des membres de la bande», c'est totalement inacceptable.
Il y a ensuite la question de l'intégration à la constitution de cette convention. Selon moi, la Convention sur la submersion des terres du Nord est comme la Convention de la Baie James et du Nord québécois pour les Cris et les Inuit. Dans ce cas particulier, Hydro-Québec a inondé les terres du nord du Québec, les Cris et les Inuit se sont ensuite adressés aux tribunaux et au moment où la cause était portée en appel, le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral ont décidé de régler le dossier et ils se sont entendus pour indemniser les Cris et les Inuit. Le président sait très bien de quoi je parle car il habite cette région et il connaît les populations en cause. Les parties ont conclu la Convention de la Baie James et du Nord québécois, ou quelque chose du genre, qui a été reconnue comme un traité moderne et considérée comme constitutionnalisée en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Aujourd'hui, nous avons une situation similaire dans le nord du Manitoba et Manitoba Hydro inonde les terres des bandes indiennes. On a conclu une entente. Selon moi, cette entente devient un traité sujet à constitutionnalisation en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Soit dit en passant, je ne suis pas le seul à voir les choses de cette façon. Dans le rapport d'enquête sur la justice et les Autochtones au Manitoba, publié en 1991—un rapport très important—, le juge en chef du Manitoba, M. A.C. Hamilton, et le juge en chef adjoint, M. C.M. Sinclair, conviennent, aux pages 172 à 175, que la Convention sur la submersion de terre du Nord est un accord sur les revendications territoriales conformément à l'article 35 de la Loi constitutionnelle canadienne et que, par conséquent, elle devrait être considérée comme accordant des droits découlant de traités, constitutionnalisée en vertu de l'article.
Par conséquent, j'estime que le comité devra répondre à une autre question: Les membres du comité sont-ils d'accord avec le point de vue du juge en chef et du juge en chef adjoint du Manitoba? S'agit-il d'un traité constitutionnalisé en vertu de l'article 35? Si vous en convenez après avoir tous les témoignages, il sera nécessaire de modifier un document constitutionnalisé comme un traité constitutionnalisé. Habituellement, un document constitutionnel revêt une importance plus grande qu'une loi ordinaire ou qu'un document juridique ordinaire. Par exemple, notre Constitution prévaut sur toute autre loi ordinaire et ne peut être modifiée qu'à la suite de propositions particulières. Si je me souviens bien, la modification de la Constitution canadienne exige l'appui des deux tiers des provinces représentant 50 p. 100 de la population. Cela s'applique-t-il dans le cas actuel? En d'autres termes, existe-t-il une exigence supérieure pour modifier ou résilier un traité ou un document constitutionnalisé en vertu de l'article 35?
• 1130
Vous avez le devoir de vous pencher sur ces questions. Si vous
faites tout ce que je vous suggère de faire et que vous en venez à
la conclusion que tout a été respecté, il sera alors possible
d'accepter la décision prise par la Première nation de Norway House
lors du second référendum.
Si vous n'arrivez pas à cette conclusion, je pense que vous avez l'obligation de proposer des modifications à cette loi et à l'accord. Incidemment, il se peut qu'il y ait nombre d'excellentes choses dans l'AGMO que vous avez devant vous, mais il convient que l'on discute à partir de la CSTN de 1977 plutôt que de l'abroger.
Voilà ce que j'avais à dire. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions du comité lorsque le moment sera venu. Merci une fois encore de m'avoir convoqué. Je suis heureux de retrouver de vieux amis.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Allmand.
Avant de céder la parole à M. Russell, j'inviterai, si vous êtes d'accord, les députés à poser des questions à M. Allmand.
[Traduction]
Monsieur Duncan, avez-vous une question à poser à M. Allmand?
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Oui, en effet. Je commencerai par où vous avez fini. Sur toute cette question de la protection constitutionnelle, nous avons des formules d'amendement dans la Constitution. Êtes-vous d'accord pour dire qu'aucune des formules d'amendement n'a été en fait prévue comme devant s'appliquer à l'article 35, qui concerne l'enchâssement des conventions autochtones?
M. Warren Allmand: Il s'agit là d'une question juridique très complexe et je ne pense pas qu'elle ait jamais été portée devant les tribunaux. Votre comité pourrait peut-être convoquer certains juristes. Je sais que le paragraphe (3) dispose: «Il est entendu que sont compris parmi «les droits issus de traités»... les droits existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis.»
Le paragraphe 35(1) dispose: «Les droits existants—ancestraux ou issus de traités—des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés,» ce qui signifie qu'ils sont reconnus par la Constitution. Cela confère à ces traités un statut autre que celui que revêtent d'autres types de documents tels que les résolutions des conseils de bandes ou bien d'autres textes. Les traités ont un certain statut aux termes de la Constitution.
En réponse à votre question, je vous propose de demander à des juristes de vous indiquer ce qu'il convient de faire précisément pour modifier un traité ratifié en vertu des dispositions de l'article 35. Est-ce que cela doit se faire à la majorité des deux tiers comportant 50 p. 100 de la population, comme pour la Constitution en général, ou est-ce que c'est moins strict?
Lorsqu'on se penche sur la façon de procéder dans ce cas, un seuil moins rigoureux étant appliqué au deuxième référendum par rapport au premier, et compte tenu de l'intervention des 1 000 $ et de bien d'autres facteurs, est-ce qu'il s'agit là d'une façon acceptable de modifier un traité reconnu aux termes de l'article 35? Je n'ai pas la réponse parce que je ne pratique pas le droit à l'heure actuelle.
M. John Duncan: Ce n'est là qu'un aspect d'un très gros problème ici, parce que nombre de nos traités ne portent que sur une question qui ne touche en fait qu'une seule province. Toutefois, en ce qui concerne l'article 35, la formule d'amendement, la plupart des juristes auront du mal à accepter que l'on puisse apporter un amendement avec l'accord d'une seule province. C'est donc là une question très difficile.
Je ne cherche pas à obtenir d'autres commentaires. Je fais simplement remarquer que nous voyons ici pour la première fois les ramifications potentielles de l'enchâssement de l'article 35. La complexité ne fera qu'augmenter avec le temps.
M. Warren Allmand: Je suis pleinement d'accord avec vous. Je considère qu'il faut que votre comité se penche sur ces questions avant d'entériner ce projet de loi.
• 1135
Comme vous le signalez, la Loi constitutionnelle de 1982
prévoit certaines formules d'amendement. Il y a la formule des deux
tiers et des 50 p. 100 lorsque la question ne concerne qu'une seule
province. Il y a une autre formule qui requiert l'unanimité lorsque
la question concerne la Reine ou le Parlement. Toutefois, je ne
pense pas que le Parlement ait eu à se pencher sérieusement jusqu'à
présent sur ces traités qui sont enchâssés dans la Constitution en
vertu de l'article 35, et il vous faudra le faire avant d'adopter
ce projet de loi.
M. John Duncan: En effet. Nous n'avons pas manqué de recourir déjà à cet argument au sujet d'autres conventions autochtones.
J'aimerais passer à l'autre grande question que vous évoquez ici, celle de la démocratie et de la procédure démocratique.
Sur les questions fédérales au Canada, nous confions généralement à Élections Canada le rôle de gardien de la procédure—lorsqu'il s'agit d'assumer la supervision et de prévoir les mécanismes garantissant que l'on respecte la procédure démocratique dans tout ce qui relève de la compétence fédérale au Canada. La seule exception marquante est celle des questions autochtones. Je sais que vous occupez actuellement un poste—n'est-ce pas à Human Rights Watch?
M. Warren Allmand: Non, c'est au Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.
M. John Duncan: Il ne semble pas que notre pays se soit doté d'un gardien efficace dans toute circonstance de cette procédure démocratique. Nous savons que sur les questions autochtones de nombreuses critiques se font jour depuis longtemps en la matière et de nombreux exemples nous ont été signalés. En voici un nouveau.
Que pensez-vous de la possibilité d'utiliser le cadre actuel des services d'Élections Canada pour organiser les référendums et les élections, ou encore de faire appel à une organisation parallèle qui se chargerait de ce travail? Est-ce que c'est une question qui intéresse votre organisation?
M. Warren Allmand: Comme je l'ai indiqué, et je pense que vous serez d'accord avec moi, les nations autochtones ont le droit de prendre des décisions et d'organiser leurs propres affaires. Toutefois, ce droit de prendre des décisions doit se conformer aux règles de droit qui s'appliquent à tout le monde de sorte que lorsqu'on gagne ou lorsqu'on perd un référendum, on puisse savoir que cela s'est fait en fonction d'un ensemble de règles qui ont été acceptées.
Dans cette affaire, la difficulté vient du fait que les règles ont changé entre le premier et le deuxième référendum. Comme vous l'avez signalé, il arrive que dans les réserves ou dans les communautés des Premières nations, les règles soient modifiées assez souvent, ce qui est source de confusion et entraîne de profondes désillusions chez de nombreux membres de ces Premières nations, qui estiment que les règles ont été manipulées.
Oui, tout le monde a le droit de décider, et c'est ce qu'ont fait les municipalités, les provinces et le Canada en général, mais il faut que tout soit fait en respectant les règles du droit. Lorsque les règles du droit ne sont pas respectées, on peut aller devant les tribunaux pour contester la procédure.
Élections Canada aide à l'heure actuelle des pays dans le monde entier et supervise des élections en Afrique, en Asie et en Europe de l'Est avec l'appui de l'ACDI. On nous demande à l'occasion de contrôler des élections. Ce n'est pas l'une de nos principales tâches, mais nous l'avons fait à l'occasion. Je l'ai fait en Russie et au Salvador.
Vous avez raison: si nous apportons notre aide dans le cadre des élections et des référendums organisés par nos provinces, nos municipalités ainsi qu'au niveau national, et si nous apportons une aide à l'étranger, pourquoi Élections Canada ne pourrait-elle pas aider nos peuples autochtones? Bien entendu, il faudrait qu'il y ait un accord; il faudrait parvenir à une certaine forme d'entente. Il n'en reste pas moins que lorsqu'on procède ainsi, il faut respecter les règles du droit; sinon, on tombe dans la confusion et on court aux désillusions et même aux affrontements.
M. John Duncan: Vous nous avez cité le cas de la supervision effectuée par exemple dans les pays du tiers monde. À mon avis, la démocratie n'est pas négociable. L'obligation fiduciaire du gouvernement fédéral ne l'oblige-t-elle pas à s'assurer que la procédure démocratique est respectée?
M. Warren Allmand: Tout à fait. Je suis d'accord avec vous. Lorsque j'étais ministre—et j'ai fait partie aussi de ce comité pendant plusieurs années par la suite—nous traitions bien souvent de toute cette question du lien fiduciaire, de la responsabilité fiduciaire et du gouvernement fédéral. Lisez le rapport de la commission royale, le rapport Erasmus, on en parle. Il y a de nombreux exemples qui nous aident à procéder à cette évaluation.
Le ministre a par-devers lui la responsabilité de s'assurer que les gens avec lesquels il traite le sont de manière équitable et conformément aux principes démocratiques.
M. John Duncan: Nous n'y sommes pas parvenus.
M. Warren Allmand: À mon avis, nous n'y sommes pas parvenus ici. J'ai signé la convention à l'origine. Je pense que ces gens méritent une juste indemnisation. Ils auraient dû la recevoir il y a 20 ans, il y a 15 ans ou il y a 10 ans. J'aimerais qu'ils soient indemnisés rapidement et de manière équitable. S'il vous faut modifier ce projet de loi ou faire en sorte qu'il s'applique de manière juste, ce sera une bonne chose, mais il faut que Norway House soit indemnisée.
M. John Duncan: Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci, messieurs Duncan et Allmand.
Monsieur Iftody.
[Traduction]
M. David Iftody (Provencher, Lib.): C'est déjà à moi. Mon Dieu, je n'ai pas fini de me préparer.
Soyez le bienvenu, monsieur Allmand, devant le comité. Nous sommes heureux de vous revoir. Je vois que vous avez un sparadrap. Je ne sais pas si vous vous êtes battu avant de venir ici. Je sais que vous n'avez pas peur de vous battre. J'ai déjà joué au hockey contre vous et vous aviez l'habitude...
M. Warren Allmand: Oui, j'ai eu 10 points de suture.
M. David Iftody: Eh bien voilà. Quoi qu'il en soit, c'est un plaisir de vous accueillir à nouveau parmi nous. Bienvenue devant le comité.
Laissez-moi vous dire une chose. Vous avez fait référence aux juges Hamilton et Sinclair et au rapport d'enquête sur la justice et les Autochtones au Manitoba. Je connais bien ce document puisque j'ai préparé des documents de recherche pour le rapport vers la fin des années 80.
Permettez-moi de vous rapporter les propos de George Erasmus relativement à la Commission royale sur les peuples autochtones et plus particulièrement à l'Accord de mise en oeuvre de la Convention sur la submersion de terres du Nord:
-
La CSTN même a été très controversée (à bien des égards, elle est
devenue un modèle de solution impossible) dans la mesure où
pratiquement rien n'a été fait pour mettre en oeuvre les
obligations prévues dans l'entente et où il a fallu (et ce n'est
pas terminé) un interminable processus d'arbitrage [...]
D'autres témoins nous ont dit que 3 000 affaires d'arbitrage ont résulté de l'adoption de cette convention. Autrement dit, George Erasmus a écrit que dans la convention, telle qu'elle était conçue à l'origine, il était impossible à son avis de parvenir à une résolution. En l'occurrence, elle était si mal rédigée, sans aucune disposition précise, sans aucun encadrement et sans aucune voie de négociation pour les parties en cause, que tout bien considéré il était impossible de la mettre en pratique.
Que répondez-vous, Warren, à l'observation et à la critique de George Erasmus au sujet du rapport d'enquête sur la justice autochtone?
M. Warren Allmand: Tout d'abord, le rapport ne dit pas en anglais que c'est impossible; il emploie exactement les mots que vous avez cités. On n'y utilise pas le mot «impossible»; on nous dit que ce n'est pas la façon de procéder. Selon mon interprétation, cependant, tout cela tient à la façon dont on l'a appliqué. Selon moi, il y avait là un accord et à un moment donné il n'y a eu aucun effort, aucune volonté politique de la part du gouvernement, pour le faire appliquer. Je considère que tous ces arbitrages résultaient, entre autres, d'une obstruction.
J'ai été aussi le ministre qui a présidé au dépôt de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Nous l'avons adoptée. Nous avons considéré que c'était un magnifique accord. Je me souviens toutefois que devant ce même comité, à maintes reprises, Ted Moses et d'autres intervenants tel que le chef Billy Diamond sont venus vous dire qu'en dépit du fait que nous avions signé cette convention, nous ne la mettions pas en application—nous de même que les fonctionnaires du ministère.
• 1145
Donc, à mon avis, lorsque Erasmus a déclaré à la commission
royale que ce n'était pas la façon de procéder, ou que c'était la
pire façon de procéder, il ne critiquait pas en fait la convention;
il critiquait... Vous avez utilisé l'expression «réalisation de
l'accord», et je pense que vous auriez pu mettre en place des
accords de mise en oeuvre visant à mettre en application la
Convention sur la submersion des terres du Nord sans avoir à en
supprimer les avantages.
Aujourd'hui, vous supprimez les avantages permanents de la convention. Je vous renvoie au paragraphe 25.(1), qui était censé rester en vigueur tant que la centrale hydroélectrique du Manitoba resterait en activité. Que ce soit pendant 25 ans, 50 ans, 100 ans ou autre, les bandes devaient continuer à en retirer les avantages.
Vous auriez pu mettre en place des dispositions visant à faire appliquer la convention plutôt que de supprimer ces clauses et les remplacer par un paiement forfaitaire, ce qui semble être le cas ici. Vous allez faire un paiement forfaitaire à la bande, puis les bandes ou la nation, le gouvernement de Norway House et les autres nations, se chargeront de répartir ces avantages.
Je suis d'accord avec la commission royale pour dire que l'application de cette convention a été catastrophique, mais je ne pense pas que la solution soit d'abroger la convention; la solution est d'adopter un bon accord de mise en oeuvre.
M. David Iftody: Je ne sais pas si j'interprète bien cette phrase, mais il me semble que c'est révélateur...
M. Warren Allmand: Vous devriez peut-être appeler Erasmus.
M. David Iftody: Oui, nous donnerons un coup de fil à George.
Je pense d'ailleurs que je vais voir demain un certain nombre des chefs concernés. Je dois prendre la parole lors d'une conférence à Toronto et je vais donc être la cible des lazzis de ceux qui vont me reprocher mes propos d'aujourd'hui.
Je plaisantais l'autre jour, si l'on peut appeler ça une plaisanterie, en disant qu'il est difficile au Manitoba de trouver un avocat, un parent d'avocat ou même une personne quelconque qui n'ait pas pris part au cours des 20 dernières années à la Convention sur la submersion des terres du Nord. C'est probablement un secret de polichinelle, surtout au sein du ministère de la Justice.
On ne peut que constater avec intérêt, en face d'un accord... Je connais d'ailleurs nombre des principaux intervenants qui ont pris part à cette convention au Manitoba au cours des 10 ou 15 dernières années. Ils m'ont dit que pendant un certain nombre d'années, en raison du manque de rigueur et de l'imprécision de cette convention, on avait d'un côté la possibilité d'instituer des relations et des discussions permanentes, en maintenant éventuellement un lien fiduciaire, entre les parties en cause—ce qui est une bonne chose, cela permet la négociation—ainsi que de resserrer les relations avec les Premières nations en saisissant l'occasion d'entrer dans les détails. Je dois vous avouer toutefois qu'à partir du moment où il en est résulté 3 000 affaires d'arbitrage alors que chaque fois des gens bien intentionnés s'efforcent désespérément de résoudre les problèmes posés—la société hydroélectrique, bien entendu, dans son propre intérêt, le gouvernement du Canada, et les gens des Premières nations...
Dans bien des cas, nous nous sommes heurtés à des problèmes récurrents, comme celui de l'eau potable, sans pouvoir les résoudre. Bien entendu, des pressions se sont exercées sur les Premières nations pour les résoudre. Les conflits n'ont jamais débouché sur des accords, et chaque fois qu'il y a eu des divergences sur un point particulier ou sur l'interprétation de l'accord de mise en oeuvre, les négociations ont été rompues, chacun se retrouvant devant les tribunaux.
Je ferais valoir à votre comité qu'il serait bien difficile—et M. Russell pourra me corriger si je me trompe—de trouver au Canada un autre accord contractuel ayant soulevé de tels conflits au sein de la collectivité pendant 20 ans. Je considère donc—et je crois bien interpréter ici la commission royale—qu'il y a matière à se préoccuper, non pas passagèrement mais sérieusement du manque de rigueur de la convention adoptée à l'origine et des véritables difficultés qu'elle entraîne pour tous ceux qui cherchent à résoudre ces questions, quelle que soit leur bonne foi lorsqu'ils arrivent à la table des négociations.
M. Warren Allmand: Eh bien, David, voilà quelle est la convention. C'est un gros document. Elle comporte 25 articles et plus, et plusieurs annexes.
Vous nous dites que vous n'avez pas connaissance d'autres accords. Prenez le cas de tous les traités, jusqu'au Traité no 11. Ce sont de simples énoncés de principes. Lorsqu'ils ont fait l'objet d'une entente entre la Couronne et les Premières nations du Canada, et cela remonte au siècle dernier, les Autochtones faisaient confiance à ces traités; ils estimaient que la Couronne avait contracté certaines obligations. Toutefois ces traités, comparativement à la Convention sur la submersion des terres du Nord, ne comportaient aucun article d'application. L'application est liée à la bonne foi et à la volonté politique de la Couronne et des différents organismes de la Couronne, qui s'engagent à faire ce qui est convenu dans les traités. De plus, cette Convention sur la submersion des terres du Nord est un traité moderne, comme la convention de la baie James.
• 1150
D'ailleurs, la convention de la baie James est un gros
document, et pourtant elle pose encore des problèmes d'application.
Lorsqu'on la compare à tous les traités qui l'ont précédée, la
Convention sur la submersion des terres du Nord est très détaillée,
mais je conviens avec vous qu'elle ne comporte pas toutes les
dispositions d'application.
J'ai siégé au sein de ce comité pendant plusieurs années alors que John Munro était ministre et que Keith Penner en était le président. Le comité a reçu de nombreuses plaintes concernant la non-application des traités, des conventions, etc. Ce n'est là qu'un exemple de plus. Il se peut que le gouvernement ait voulu le renégocier après l'avoir revu au bout de dix ans. Il a déclaré qu'il n'en était pas satisfait et qu'il voulait le renégocier.
Je félicite le gouvernement d'avoir essayé de mettre en place des accords de mise en oeuvre, mais je ne pense pas qu'il faille pour cela qu'il revienne sur les engagements solennels pris lors de la signature de la convention. Ces engagements étaient censés durer, non seulement au bénéfice des signataires mais aussi de leurs héritiers, ayants droit, etc., tant que durerait le projet. Je pense que tout dépend comment on envisage les choses.
[Français]
Le président: Merci. Monsieur Perron.
M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Soyez le bienvenu chez nous, monsieur Allmand, ou peut-être devrais-je dire chez vous puisque vous étiez ici bien avant nous. Je suis heureux d'apprendre que le traité de la Baie James vous semble intéressant. On a conclu ce traité grâce à des gens comme vous et à des représentants du gouvernement du Québec, d'Hydro-Québec et des Cris, qui ont bien voulu s'asseoir autour d'une table et essayer de s'entendre, tout en respectant les droits humains et en travaillant à trouver une solution possible. Ce n'est pas encore le bonheur parfait qui règne, mais on a accompli des choses importantes. Comme notre président sera en mesure de la confirmer, les Cris de la Baie James ont maintenant une école de formation et ils participent aux activités quotidiennes d'Hydro-Québec. De plus, Air Creebec et Cree Construction ont émané de ce traité. Je crois que ce traité a permis à Hydro-Québec, au gouvernement du Québec et au gouvernement fédéral de réaliser des profits. Enfin, je termine cette petite histoire.
Lors de votre allocution, vous me sembliez amer et fâché qu'on ait essayé de tripoter la démocratie dans le cadre de cette entente avec les réserves du Manitoba, qui prévoit le versement de 1 000 $, etc. Croyez-vous qu'il serait bon de reprendre le même processus?
M. Warren Allmand: Pas du tout. Comme je l'ai mentionné, nous avons essayé de faire pour les nations autochtones du nord du Manitoba ce que nous avions fait dans le nord du Québec. Les deux situations apparaissaient semblables puisqu'il était question d'inondations et destruction de terrains dans les deux cas, au Québec par Hydro-Québec, et au Manitoba par Manitoba Hydro. On a essayé de faire un accord plus ou moins semblable, bien que celui du Québec ait peut-être été plus détaillé parce qu'on devait tenir compte des Cris et des Inuits. De plus, le territoire était plus vaste. Nous avons essayé de reprendre le même modèle et nous avons conclu un accord officiel et solennel avec ces cinq nations autochtones. Je crois qu'il y a eu des problèmes au niveau de l'accord et que sa mise en oeuvre a été mauvaise. Je suis amer parce que pendant 20 ans, j'ai cru que l'accord avait été mis en vigueur. Puisque je demeure à Montréal, je n'ai pas souvent l'occasion de me rendre au Manitoba. Lorsque j'ai entendu parler de ces problèmes l'an dernier, j'ai été très surpris et j'ai décidé d'intervenir afin de les aider. J'ai demandé à comparaître ici aujourd'hui pour vous raconter mon histoire au sujet des débuts de cet accord. Je suis amer parce que lorsqu'un gouvernement ou un Parlement s'engage à résoudre des problèmes en mettant en vigueur un accord, on s'attend à ce qu'il y donne suite et qu'il n'y ait pas obstruction.
Le président: Merci, monsieur Perron.
[Traduction]
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Vous conviendrez avec moi que la notion de gouvernement s'applique en fait à deux choses différentes. Il y a d'abord le gouvernement politique représenté par les gens au sein de ce comité, par le ministre ou par le premier ministre. Il y a aussi l'administration; en l'occurrence, les fonctionnaires qui font appliquer les lois et les propositions faites par le gouvernement politique. Le gouvernement politique peut être très idéaliste. Il obéit à toutes sortes de motivations. Je suis sûr que vous conviendrez que l'administration, dans notre pays du moins, est amorale; elle est pragmatique. En son âme et conscience, elle s'efforce de mettre en application ce que décide le gouvernement politique.
Cela étant, pourquoi estimez-vous que l'administration semble faire délibérément obstruction à l'application de la Convention sur la submersion des terres du Nord? Nous reconnaissons tous que le gouvernement politique serait très heureux que ce problème trouve une solution, mais il semble que vous accusiez fortement l'administration de ne pas vouloir mettre en oeuvre l'accord. Étant donné que l'administration est amorale, pragmatique et qu'elle s'efforce de bien faire son travail, qu'est-ce qui gêne tellement l'administration dans la Convention sur la submersion des terres du Nord?
M. Warren Allmand: Je souscris à votre observation générale selon laquelle bien souvent les fonctionnaires ne font pas vraiment ce que veulent les responsables politiques du gouvernement. On adopte des lois et on s'aperçoit ensuite qu'elles sont interprétées ou appliquées d'une certaine manière. Ça m'est arrivé lorsque j'étais solliciteur général. Nous nous disions, voici ce qui va se passer et, que ce soit au SCRS, à la GRC ou dans les prisons, il arrivait que l'on fasse le contraire. Ce n'est pas toujours signalé à l'attention des députés. Lorsqu'ils s'en aperçoivent, ils s'efforcent de corriger la chose. J'espère que ces audiences nous donneront la possibilité d'essayer de corriger un certain nombre de ces choses.
Lorsqu'on en arrive à certains ministères, notamment celui des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui exercent ses activités à l'échelle du pays, il est difficile dans les petites localités de l'Arctique auxquelles on ne rend pas souvent visite, de savoir si les politiques du gouvernement sont bien appliquées.
Ce qu'avait l'habitude de faire ce comité, et j'imagine qu'il continue à le faire, c'est d'être prêt à écouter les représentants des nations indiennes ou des Premières nations pour se pencher sur leurs problèmes. Vous êtes en quelque sorte leur médiateur. Une fois que vous connaissez la situation, vous vous efforcez de corriger ce que font les fonctionnaires lorsque ces derniers s'égarent ou lorsqu'ils font de l'obstruction. Pourquoi font-ils de l'obstruction? Je n'en sais rien.
Il y a parfois des fonctionnaires qui ne croient pas à l'action du gouvernement et qui remettent constamment les dossiers au bas de la pile. Il vous faut surveiller la pile et remettre les dossiers au-dessus si vous voulez que ça soit fait. Au bout du compte, une fois que les responsables politiques connaissent la situation, il leur faut corriger les fonctionnaires et les amener à faire ce que l'on veut faire, ce sur quoi le Parlement et le conseil des ministres se sont entendus.
Ce qui s'est passé en réalité, John, c'est que dès l'arrivée au pouvoir du gouvernement Mulroney, Erik Nielsen s'est mis à tout réexaminer et des compressions ont été pratiquées partout. On cherchait des secteurs dans lesquels pratiquer les compressions. Si vous vous souvenez bien, l'ensemble des opérations du gouvernement ont été réexaminées. On en est venu à la conclusion que certaines conventions comme celle-ci étaient peut-être trop généreuses. Ça ne s'est pas passé qu'ici, mais dans bien d'autres secteurs du gouvernement. On a essayé de pratiquer des compressions et l'on a examiné les moyens de... Cela a donné lieu à de nombreux arbitrages et à de nombreux points de vue différents.
Il est probable que les gouvernements des Premières nations au Manitoba ont estimé qu'ils avaient droit à certaines choses aux termes de la Convention sur la submersion des terres du Nord, et que les gouvernements leur ont répondu non à l'époque. Il y a donc eu de nombreux arbitrages, de nombreux problèmes. Les compressions ont commencé à être pratiquées vers le milieu des années 80 et se sont poursuivies jusqu'à récemment, jusqu'à l'année dernière ou quelque chose comme ça. Le rétablissement s'est maintenant opéré.
Le gouvernement est responsable à long terme, mais il ne lui est pas toujours facile de savoir comment ces choses sont interprétées au niveau de l'administration.
M. John Bryden: J'ai l'impression que l'administration canadienne, en dépit de ses carences, est probablement l'une des plus honnêtes et des plus désireuses de bien agir. Lorsqu'on lui donne des ordres, elle s'efforce de les mettre en pratique, du moins lorsqu'on la compare à toute autre administration dans le monde. Si l'on part donc du principe qu'au bout de tant d'années, l'administration s'efforce de bonne foi de mettre en oeuvre la Convention sur la submersion des terres du Nord sans pouvoir y parvenir, ne serait-ce pas, Warren, parce que la convention elle-même est impossible à mettre en application?
M. Warren Allmand: Non, je ne pense pas que cela soit dû à la convention. Je sais que c'est ce que pense le gouvernement lorsqu'il nous présente ce projet de loi au sujet de la convention. Ne me croyez pas sur parole, vous allez aussi entendre d'autres témoins, mais je pense que les responsables sont en fait venus à la conclusion il y a cinq ou dix ans qu'ils n'aimaient pas ces accords et ils se sont efforcés d'acheter les bandes les unes après les autres, en commençant par les plus petites, de façon à parvenir à une meilleure entente, à moindre frais.
Je ne crois pas que cela tienne à la convention elle-même. Lorsque nous l'avons signée, elle avait été entérinée par le conseil des ministres et discutée par un comité du conseil. Elle avait fait l'objet d'une large discussion au Manitoba. Elle avait d'ailleurs toujours soulevé des polémiques au Manitoba. Ed Schreyer, qui était le premier ministre du Manitoba, n'aimait pas ce que nous avions fait à Ottawa. Un dénommé Sid Green, qui faisait partie de son cabinet, estimait que les Autochtones étaient des gens comme les autres et qu'ils n'avaient pas de droits particuliers. Il y avait des dissensions dans son propre parti sur ce sujet. Il y a eu une élection au Manitoba, ce qui fait qu'à l'époque cette convention a été mise sur pied après qu'on y eut mûrement réfléchi. Je vous répète aussi que nous avions eu l'accord de la baie James, qui avait précédé cette convention sur les mêmes sujets.
Non, je ne pense pas que cela tienne à la convention. Je pense que cela tient à la volonté politique des gouvernements qui ont pris le pouvoir après 1979-1980. On ne peut pas blâmer les fonctionnaires sur cette question. Je me rends bien compte que le manque d'application peut être reproché à certains niveaux aux fonctionnaires; il y a de bons et de mauvais fonctionnaires à mon sens. Toutefois, ce sont les gouvernements qui sont les responsables, pas simplement le gouvernement fédéral—le gouvernement du Canada, celui du Manitoba et la Société hydroélectrique du Manitoba. Il faut qu'il y ait des programmes de mise en oeuvre, mais pas ceux qui nous sont présentés.
[Français]
Le président: Merci, Monsieur Bryden.
Madame Desjarlais.
[Traduction]
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): J'ai quatre ou cinq questions à vous poser, et j'espère que je pourrai le faire assez rapidement.
Puisque vous nous dites qu'à votre avis la Convention sur la submersion des terres du Nord est un traité qui fait force de droit, estimez-vous qu'en passant de la Convention sur la submersion des terres du Nord à ce nouvel accord de mise en oeuvre on établit éventuellement un précédent nous permettant à bon compte de nier l'application des autres traités?
M. Warren Allmand: Certainement.
Les enjeux sont tellement nombreux, et j'en ai déjà parlé. Tout d'abord, il vous faut vous demander si l'on peut modifier des traités enchâssés dans la Constitution comme on peut le faire comme pour tout autre document. Y a-t-il une norme particulière qui s'applique à l'amendement, à la modification ou à l'abrogation de traités enchâssés dans la Constitution aux termes de l'article 35? C'est l'une des questions qu'il vous faut examiner.
Il y a ensuite toute cette question des deux référendums, à deux mois d'intervalle, de l'abaissement du seuil et du fait que l'on a donné 1 000 $ à chacun pour que le document soit entériné.
Si vous adoptez ce projet de loi en l'état, vous confirmerez la validité de cette façon de procéder, ce qui à mon avis est un très mauvais précédent. Cela ne traduit pas vraiment ce que j'appellerais le droit des peuples autochtones à se déterminer conformément aux règles établies par le droit. Quelles sont les règles établies par le droit ici, si elles changent d'un mois sur l'autre?
Au Centre international des droits de la personne, nous nous occupons des pays non démocratiques ou des démocraties en transition en Afrique, en Asie et en Amérique latine, là où les gouvernements au pouvoir modifient les règles de mois en mois. C'est un peu la même chose ici; on ne sait jamais qu'elle est la règle établie par le droit. Ces règles sont fixées en fonction des objectifs des dirigeants. S'ils ne parviennent pas à gagner selon les règles établies, ils en changent.
Mme Bev Desjarlais: Je crois comprendre que l'on applique ici des règles entérinées par le ministère des Affaires indiennes. Pourquoi pensez-vous que le ministère des Affaires indiennes a autorisé cette façon de procéder?
M. Warren Allmand: Est-ce que votre comité a examiné au préalable ces règles?
Une voix: Non.
M. Warren Allmand: Parfois, les règles et les règlements sont établis par les administrateurs sans passer devant le Parlement. C'est très... Il y avait autrefois un comité mixte—je crois qu'il existe encore—se chargeant d'examiner l'ensemble des règles et des règlements, mais il est surchargé de travail. Je ne sais pas s'il peut s'occuper de tout.
Mme Bev Desjarlais: En tant qu'ancien ministre des Affaires indiennes, pourquoi pensez-vous que le ministère des Affaires indiennes a autorisé cette façon de procéder?
M. Warren Allmand: Je n'en ai pas la preuve, mais je crois qu'à un moment donné il y a quelques années—je ne sais pas si c'était sous le présent gouvernement ou sous le gouvernement précédent—on en est arrivé à la conclusion que l'on ne voulait pas de la Convention sur la submersion des terres du Nord, qu'elle comportait éventuellement trop d'obligations et qu'elle était trop généreuse, et que l'on a décidé de la remplacer par autre chose.
Dans un premier temps, on s'est efforcé de l'interpréter de manière très stricte, ce qui a donné lieu à un grand nombre d'arbitrages. Puis on s'est efforcé en fait de la remplacer par ce projet de loi et par l'AGMO qui vous est présenté.
Mme Bev Desjarlais: Vous avez pris part à certaines négociations de la convention de la baie James.
M. Warren Allmand: Pas aux négociations, mais à l'adoption de la législation.
Mme Bev Desjarlais: Et quant à son application?
M. Warren Allmand: Le ministre de l'époque était le premier ministre actuel. Il a négocié l'entente...
Mme Bev Desjarlais: Et son application?
M. Warren Allmand: ... puis il est devenu ministre et l'a fait adopter par le Parlement.
Mme Bev Desjarlais: Très bien. Il a donc pu, en tant que ministre des Affaires indiennes, mettre en application la convention de la baie James. Est-ce que selon vous cette convention est semblable à la Convention sur la submersion des terres du Nord?
M. Warren Allmand: Non. L'application de la convention de la baie James a été meilleure que celle de la Convention sur la submersion des terres du Nord, mais elle n'est pas allée sans difficulté. Lorsque j'étais député et que je siégeais au sein de ce comité, Billy Diamond, puis ses successeurs, venaient très fréquemment frapper à notre porte pour se plaindre du fait que le gouvernement fédéral n'appliquait pas l'accord tel qu'il avait été convenu.
Mme Bev Desjarlais: Est-ce que la convention en soi était similaire?
M. Warren Allmand: Non. La convention de la baie James est beaucoup plus... Notre document a cette épaisseur alors que la convention de la baie James a cette épaisseur. Il y a beaucoup plus de terres, il y a celles des Naskapis en plus de celles des Cris et des Inuit, sur lesquelles les règles sont différentes. La convention comporte plusieurs parties. Le territoire est aussi bien plus grand. Il va de la baie James au Labrador et s'étend jusqu'au détroit d'Hudson. C'est un énorme territoire.
Mme Bev Desjarlais: D'après ce que vous nous dites, j'ai l'impression que selon vous les Premières nations du Manitoba sont mal servies, comparativement aux Cris du Québec.
M. Warren Allmand: Non. La convention sur laquelle on s'était entendu et qui avait été signée, la Convention sur la submersion des terres du Nord, avait fait l'objet d'un accord, elle avait été ratifiée, etc., et l'on s'attendait à ce qu'elle soit appliquée. Elle n'a jamais été appliquée. Elle est postérieure à la convention de la baie James concernant les Cris. On a aussi affaire à deux gouvernements provinciaux différents. Je ne suis pas très au courant de la politique manitobaine. Mon ami David la connaît bien.
M. David Iftody: La situation est mauvaise, très mauvaise.
M. Warren Allmand: Quoi qu'il en soit, cela ne tient pas uniquement au gouvernement fédéral; il y a le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.
Au Québec, c'était la même chose. Les deux gouvernements ont dû coopérer, parce que les terres en vertu de notre Constitution, ces terres... Alors qu'aux termes de la Constitution le gouvernement fédéral était responsable des Indiens et des terres indiennes, c'est l'expression que l'on employait alors, le gouvernement provincial avait compétence sur les terres de la Couronne devant servir au règlement de la revendication.
Les habitants des cinq nations du Manitoba ont accepté la Convention sur la submersion des terres du Nord, je suis allé leur rendre visite à l'époque et je les ai rencontrés. Je me souviens qu'ils étaient satisfaits de la convention lorsque je me suis assis à la même table qu'eux à l'époque. Toutefois, cette convention n'a pas été appliquée et l'on nous présente aujourd'hui ceci à la place.
Mme Bev Desjarlais: Parlant des droits des Premières nations à disposer de leur propre gouvernement et à prendre des décisions en conséquence, que se passe-t-il, à votre avis, lorsqu'il y a un chef héréditaire en place. Par ailleurs, au sujet des clauses de la convention qui à votre avis devaient durer pendant toute la durée du projet, dans quelle mesure le gouvernement suivant de cette Première nation a-t-il alors la possibilité d'effectuer les changements qu'il veut apporter?
M. Warren Allmand: À mon avis, les modifications apportées aux traités qui sont reconnues par l'article 35 de la Constitution doivent... Il doit y avoir une possibilité de changement, mais ces changements doivent être apportés conformément aux règles établies par le droit. Autrement dit, les règles ne doivent pas changer d'un jour, d'un mois ou d'une année à l'autre. Il faut que les gens connaissent les règles, de sorte que celui qui perd ou qui gagne une élection ou un référendum puisse savoir que cela s'est fait dans les règles.
• 1210
Oui, je pense qu'il doit y avoir des dispositions permettant
de modifier la Convention sur la submersion des terres du Nord s'il
est nécessaire de la modifier, si les bandes, si la nation ou si
les gouvernements veulent le faire, mais il faut que cela soit fait
en vertu d'un accord, conformément aux règles établies par le
droit. Il faut que ceux qui perdent et que ceux qui gagnent dans ce
genre de référendum aient la garantie que tout a été fait de
manière impartiale et conformément aux règles établies par le
droit. Tout le monde y gagne lorsqu'on respecte les règles établies
par le droit.
[Français]
Le président: Merci. Monsieur Perron, je vous accorde la parole une dernière fois avant que nous entendions l'allocution de M. Russell.
M. Gilles Perron: J'aimerais que vous me donniez des éclaircissements, monsieur Allmand. Tout à l'heure, lorsque je vous ai demandé si on devait mettre ce projet de loi à la poubelle et recommencer, vous m'avez répondu non. Lors de votre discussion avec ma consoeur, vous notiez que l'adoption de ce projet de loi tel quel risquerait de créer des précédents. Vous êtes donc en profond désaccord sur une loi comme celle-ci. Il faudrait recommencer à zéro.
M. Warren Allmand: Je ne le sais pas. Je crois que ce projet de loi comporte des faiblesses et qu'il est mauvais. Vous pourriez peut-être y apporter des amendements ou corriger certaines dispositions. Je sais que dans son libellé actuel, cette loi mettrait fin aux bénéfices prévus dans le document original. Je doute qu'il soit légitime de modifier, d'abroger ou de mettre fin au document original.
Le président: Merci. Y a-t-il d'autres questions? Merci beaucoup, monsieur Allmand. Votre intervention devant notre comité a été très intéressante. Je vous remercie d'avoir partagé avec nous votre expérience canadienne et autochtone.
M. Warren Allmand: Puis-je demeurer ici?
Le président: Oui, bien sûr. Je sais que vous êtes un excellent joueur de hockey, monsieur Allmand. C'est pour cette raison qu'on a des cicatrices.
M. Warren Allmand: Je suis trop vieux maintenant.
Le président: Nous allons maintenant inviter M. Russell à faire sa déclaration d'ouverture au cours des cinq prochaines minutes, après quoi suivra la période des questions. Nous devrons ajourner la séance à 13 heures parce que les députés ont d'autres obligations.
[Traduction]
M. Peter H. Russell (professeur, témoignage à titre personnel): Très bien. Laissez-moi dire, cependant, que les Canadiens auraient bien eu besoin de M. Allmand hier soir.
M. Warren Allmand: C'est trop tard.
Une voix: Ça va si mal que ça pour eux?
M. Warren Allmand: Ils sont en bien mauvaise posture. Ils auraient pu aussi faire appel à vous. Voilà où en est la situation.
M. Peter Russell: Il s'agit là d'une affaire très importante, votre comité a un très grand défi à relever. Je suis pleinement d'accord avec le premier intervenant de l'opposition. Excusez-moi, monsieur, je n'arrive pas à voir votre...
M. John Duncan: John Duncan.
M. Peter Russell: Je devrais connaître votre nom. Ne négligez pas l'importance de ce que vous a dit M. Duncan au départ. Pour ma part, j'en suis bien conscient.
Vous avez à régler une question qui va se poser avec insistance à notre pays et au monde entier pendant les 20 prochaines années. Le Canada donne l'exemple dans le monde lorsqu'il s'efforce d'établir des relations consensuelles avec ses peuples autochtones. Souvent nous manquons d'indulgence et nous sommes trop critiques envers nous-mêmes, mais lorsque j'examine bien des situations avec les Autochtones à l'étranger, je vois que nous sommes les chefs de file. Le monde nous regarde.
Au coeur de notre action, il y a ces accords consensuels, que nous appelons traités et que nous avons enchâssés dans notre Constitution contrairement à ce qui s'est passé dans tous les autres pays du monde. Comme l'a fait remarquer M. Duncan, nous ne savons pas encore comment la Cour suprême va répondre à sa question. Il se peut que la réponse sorte tout droit de la contestation du traité des Nishgas. La question qu'il pose concerne la façon de procéder au plan constitutionnel pour ratifier au départ ou modifier par la suite un traité enchâssé dans la Constitution par l'article 35. J'y reviendrai à la fin parce que je dois dire à M. Duncan et aux membres du comité que je n'ai pas une réponse définitive à cette question.
• 1215
Il y a une chose sur laquelle nous pouvons être d'accord. Par
principe, nous savons que ce document doit être ratifié par les
signataires de façon à respecter l'intégrité et la légitimité de
l'opération. C'est une question de principe, nous le savons. Le
Parlement fédéral et l'assemblée législative provinciale le savent
bien, quel que soit le nombre d'intervenants à la ratification d'un
nouveau traité ou d'un amendement apporté à ce traité. En tant que
parlementaires, vous savez à quel point la procédure doit conserver
son intégrité et, à l'heure actuelle, il vous faut veiller à
l'intégrité de la procédure vis-à-vis des Autochtones.
Si j'étais vous, je serais quelque peu embarrassé au départ étant donné que dans le cadre de cette procédure il vous faut tenir compte du point de vue de l'autre camp. Est-ce que la procédure répond aux souhaits de la nation crie de Norway House... est-ce qu'elle a conservé son intégrité et sa légitimité? En tant que membres d'un comité de la Chambre des communes, vous aurez peut-être l'impression d'être dépassés par cette question.
Je vous ferai une proposition pratique à la fin étant donné que la question est posée, qu'il y a une controverse au sein de la collectivité autochtone—car il est certain qu'il y a une controverse dans la nation crie de Norway House au sujet de l'intégrité et de la légitimité de la procédure—lorsqu'on se demande ce que pourrait faire le pays pour régler la question sans se contenter de demander à un comité parlementaire ou simplement à une majorité à la Chambre des communes de se prononcer.
Laissez-moi tout d'abord aborder la question de la procédure à laquelle on a eu recours pour tenir compte de la volonté de la partie autochtone concernant cette modification de ses droits issus de traités. C'est en fait ce dont je veux vous parler ici.
Contrairement à M. Allmand, je n'aborderai pas la convention quant au fond. Je suis loin de la connaître aussi bien que lui ou que vous, mais j'en ai entendu largement parler et j'ai lu maintenant beaucoup de choses au sujet de la procédure employée à Norway House pour tenir compte de la volonté de cette Première nation et je suis très troublé par ce que j'ai constaté.
J'évalue le bien-fondé de mon trouble en mentionnant à ma femme ou à des membres de ma famille, par exemple, à des gens qui ne connaissent rien de l'affaire, que l'on a organisé deux référendums, le premier donnant un certain résultat, que certaines parties prenantes n'aiment pas, ce qui semble certainement être le cas du gouvernement du Canada ainsi que de certains membres de la population autochtone. Quelques mois plus tard, on organise alors un deuxième référendum, dont on modifie les règles. Dans le même temps, on promet que chaque homme, chaque femme et chaque enfant toucheront 1 000 $ aux alentours de Noël si le vote est positif, au moment même où les versements courants d'assistance sociale ont été effectués en avance et où la population a bien besoin d'argent.
La plupart des gens, lorsqu'on leur expose ainsi les faits, disent alors que l'affaire sent mauvais—je reprends l'expression de M. Allmand—et qu'il y aurait beaucoup à dire si elle se passait partout ailleurs dans le monde.
Je suis au courant de la décision prononcée par le juge Muldoon à la Cour fédérale; je l'ai lue. Je n'ai pas la formation juridique qui me permettrait de la critiquer, mais j'ai constaté cependant qu'elle ne soulève pas en fait la question qui me paraît fondamentale ici, qui fait appel à l'honneur de la Couronne, dans le cadre de l'obligation fiduciaire qu'a le Canada envers les peuples autochtones, et qui consiste à se demander si la procédure a été honorable.
Il se peut qu'elle soit conforme aux dispositions de la Loi sur les Indiens; je n'en sais rien. Toutefois, ce n'est pas en fonction de la Loi sur les Indiens que l'on doit juger dans quelle mesure les questions autochtones sont traitées au Canada comme il se doit et de manière légitime; ce sont des principes supérieurs qui s'appliquent, ainsi que la Cour suprême nous l'a souvent rappelé en insistant sur le principe de l'honneur qui doit régir les relations avec les Autochtones. Il m'est tout simplement impossible de conclure que la procédure, telle qu'elle m'a été décrite et telle qu'elle vous l'a été exposée, est honorable. Je ne peux tout simplement pas en être fier lorsque je vais de par le monde expliquer comment nous traitons nos Autochtones et comment nous procédons pour tenir compte de leur volonté.
• 1220
Sur un point de détail, précisons au sujet du changement des
règles entre le premier référendum du mois de juillet et le
deuxième du mois de septembre 1997, que l'exigence d'une majorité
qualifiée a été abandonnée. Dans le mémoire que j'ai présenté à la
Cour fédérale—et je vous l'ai apporté ici—j'expose la théorie
selon laquelle dans une démocratie il est souvent nécessaire
d'appliquer des règles imposant une majorité qualifiée. C'est pour
tenir compte des différences quant à l'importance des différents
intérêts et au fait qu'il existe un intérêt bien particulier au
sein d'une collectivité plus large.
D'après le peu que je sais de la situation qui règne au sein de cette Première nation, je suis frappé par le fait qu'il existe un intérêt bien particulier en ce sens que ceux qui habitent effectivement dans la réserve de cette région du nord du Manitoba seront immédiatement touchés par toute modification apportée aux droits issus de traités, par tout changement concernant l'application de la Convention sur la submersion des terres. Si vous préférez, ces habitants ont un intérêt particulier plus étendu que ceux qui ont déménagé à Winnipeg. J'ai été frappé par le fait que si l'on avait établi une exigence raisonnable lors du premier référendum, et elle était raisonnable—non seulement fallait-il obtenir la majorité d'ensemble, mais il fallait aussi que la majorité des électeurs de la réserve admis à voter au sein de la réserve disent oui—pourquoi fallait-il alors organiser un deuxième référendum? Pourquoi serait-il légitime, lorsqu'on ne parvient pas à respecter cette exigence, d'écarter cette règle et de ne plus exiger son application? Ça me paraît tout simplement lamentable. Si c'était justifié dans un premier temps, il fallait conserver cette règle.
Le fait qu'un deuxième référendum ait été organisé aussi rapidement après le premier m'a lui aussi dérangé. Il y a de nombreuses raisons pour ne pas imposer de multiples référendums à un électorat. J'ai critiqué comme les autres le gouvernement du Québec qui nous menace d'un référendum tous les cinq ans, mais au moins ce n'est que tous les cinq ans, chaque fois qu'il y a un nouveau mandat. Je pense que c'est faire un usage particulièrement cynique de la procédure référendaire que de dire que l'on va organiser des référendums jusqu'à ce que l'une des parties prenantes obtienne le résultat qu'elle souhaite. C'est là se moquer de la légitimité de la procédure référendaire dans une démocratie.
Il y a d'autres éléments qui me préoccupent, particulièrement ce qu'affirme Maggie Myrna-Dunler devant la Cour fédérale dans son affidavit au sujet de l'organisation du référendum, le fait par exemple que les bulletins n'étaient rédigés qu'en anglais ou que l'on a refusé aux opposants l'accès à certaines sections de la salle commune et l'accès à la station de radio locale. Tout cela ne me paraît pas très honnête et, si cela est avéré, nous voulons qu'on nous l'explique.
Je vous pose la question: Que penseriez-vous—M. Allmand a déjà évoqué la chose, mais reprenons l'exemple—si le gouvernement du Québec, après avoir perdu de peu un référendum, déclarait qu'il allait très bientôt en organiser un autre, quelques mois plus tard, qu'il allait alors changer les règles et qu'il promettait de verser 1 000 $ à tout le monde si l'on votait oui, empêchant les opposants d'avoir accès à certains médias au Québec? Diriez-vous que c'est une façon honorable de procéder? Ce ne serait pas mon avis. Et si cette façon de procéder n'est pas honorable pour les Canadiens non autochtones, pourquoi le serait-elle pour les Autochtones? Est-elle bien honorable?
• 1225
J'ai dit que j'allais conclure en faisant une proposition
pratique. M. Duncan, M. Allmand et moi-même estimons—et je pense
que c'est peut-être aussi le cas des autres personnes ici
présentes—que nous traitons ici d'un amendement à un traité
enchâssé dans la Constitution, et que nous débattons de la bonne
procédure à suivre.
Souvenons-nous qu'il y a une disposition de la Loi constitutionnelle de 1982, l'article 35.1, qui traite des modifications apportées à certaines parties de la Constitution concernant les Autochtones. Le point 24 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 en fait partie, comme vous le savez. Il confère au gouvernement fédéral la compétence exclusive sur les Indiens et leurs terres. L'article 25 de la loi de 1982 protège bien entendu les conventions autochtones et autres dispositions contre tout empiétement à la Charte. Enfin, l'article 35.1 lui-même, celui-là même dont nous traitons ce matin, dispose que chaque fois que l'un de ces textes est visé, les premiers ministres du pays doivent se rencontrer et inviter à cette rencontre: «des représentants des peuples autochtones du Canada».
Étant donné ce qu'a déclaré M. Duncan au début de la séance, et je souscris à ce qu'il a dit, je propose—et vous allez peut-être penser qu'il s'agit là d'une mesure assez radicale, étant donné que nous aurions souhaité ne pas avoir à recommencer trop souvent ces grandes rencontres constitutionnelles—et puisque nous allons peut-être nous retrouver dans ce genre de situation, que l'on évite, car ça me paraît inapproprié—et je dirais même que c'est inconstitutionnel—de se mettre à établir des règles et à fixer des précédents concernant la procédure à suivre pour modifier les droits autochtones issus de traités qui sont enchâssés dans la Constitution sans avoir consulté les représentants des peuples autochtones du Canada. Je pense qu'il est tout à fait indispensable de leur donner voix au chapitre si l'on veut prendre des décisions légitimes. Ce n'est pas une question facile à régler.
Monsieur le président, voilà essentiellement ce que je voulais vous dire aujourd'hui.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Russell.
De nombreux députés veulent vous poser des questions. Puisque notre séance devra se terminer à 13 heures ou 13 h 5, je n'accorderai à chaque député que cinq minutes.
Commençons par M. Duncan.
[Traduction]
M. John Duncan: Je vous remercie.
Votre témoignage est très intéressant. Pouvez-vous nous rappeler rapidement vos qualifications? Je n'ai pas une idée précise de ce que vous faites exactement.
M. Peter Russell: Disons que je suis professeur depuis 40 ans. À l'heure actuelle, j'ai uniquement la qualité de professeur d'université, de sorte que je n'ai plus à enseigner, même si je le fais à l'occasion. J'ai rédigé de nombreux écrits concernant la procédure constitutionnelle au Canada et la Cour suprême. J'ai fait un certain nombre d'ouvrages concernant la Cour suprême et la procédure constitutionnelle ainsi que la question autochtone.
Surtout, j'imagine, il me faut préciser que j'étais l'un des cinq membres du groupe de travail Coolican qui a revu en 1985 la politique de revendications territoriales globales et qui s'est penché sur ce processus. Je n'ai pas présidé le comité de recherche pour le compte de la Commission royale sur les peuples autochtones, que George Erasmus a coprésidé avec René Dussault, mais en compagnie de cinq autres Canadiens éminents, j'ai présidé le comité consultatif de recherche de la CRPA.
J'ai récemment agi en qualité d'envoyé du ministre des Affaires indiennes auprès du peuple Deh Cho dans les Territoires du Nord-Ouest, afin d'essayer d'arrêter une procédure donnant satisfaction aux deux parties.
Je rédige à l'heure actuelle un livre sur Christophe Colomb et Mabo, Mabo étant un Autochtone australien, un insulaire originaire du détroit de Torres qui est mort après avoir cependant établi les droits autochtones en Australie, le pire pays pour les droits autochtones dans la tradition britannique. Les choses progressent lentement là-bas et il est indéniable que le Canada constitue ou s'efforce de constituer un modèle pour ce pays. C'est pourquoi, lorsque je me rends à l'étranger, je suis assez fier de parler de nos réalisations.
Excusez-moi de m'être tellement étendu sur le sujet.
M. John Duncan: Non, c'est très bien. À titre de précision, cependant, vous n'êtes pas rémunéré pour représenter quelqu'un ici?
M. Peter Russell: Non, je suis ici en tant que citoyen s'intéressant de très près à ce domaine de notre vie publique et à l'évolution de notre Constitution.
M. John Duncan: Très bien.
Je ne vais pas reprendre toute mon argumentation, mais vous m'avez entendu tout à l'heure poser une question au sujet du rôle joué par Élections Canada ou par une organisation parallèle. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Peter Russell: Là encore, monsieur Duncan, je n'aimerais pas voir Élections Canada se présenter devant une collectivité autochtone pour contrôler, si l'on peut dire, la légitimité démocratique de sa façon de procéder à moins que cela se fasse en association avec les représentants des Autochtones au Canada et à moins que ces derniers le jugent opportun. J'imagine qu'ils préféreraient un autre organisme de contrôle qui soit davantage biculturel—si vous me passez le mot—pour qu'il y ait une bonne participation autochtone en plus d'un apport non autochtone. Il est probable qu'Élections Canada ne répond pas à ces critères.
M. John Duncan: Vous semblez cependant nous dire qu'un certain type d'organisme pourrait être indiqué.
M. Peter Russell: Oui, je pense que l'on pourrait éventuellement faire preuve ici d'une certaine imagination. Il faut faire quelque chose, mais j'aimerais que cela soit fait en collaboration avec les dirigeants autochtones.
M. John Duncan: Est-ce que j'ai le temps de poser rapidement une autre question?
Le président: Rapidement, oui.
M. John Duncan: Monsieur Allmand, l'autre question que j'ai posée et qui est restée sans réponse est de savoir si votre organisation, le Centre international des droits de la personne et du développement économique, serait oui ou non en mesure de prendre position sur cette loi ou sur cette question.
M. Warren Allmand: Notre centre a pour mandat de défendre et de promouvoir les droits établis dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Nous agissons au plan international et toujours en association avec des partenaires. Si le Canada ne s'acquittait pas de ses obligations aux termes de la déclaration universelle ou de ces deux pactes, nous signalerions ce fait à son attention et nous le critiquerions. Par contre, lorsque le Canada fait avancer la cause des droits de la personne, comme il l'a fait pour les mines terrestres ou pour le tribunal pénal international, nous collaborons avec lui pour atteindre ces objectifs.
Il n'est pas question pour nous d'intervenir dans une affaire canadienne à moins que l'on ait clairement enfreint la convention internationale sur les droits de l'homme. Nous n'avons pas pour rôle de l'administrer. Nous pouvons faire des propositions—et c'est ce que je fais aujourd'hui—mais nous ne nous en chargeons pas nous-mêmes.
M. John Duncan: Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci, messieurs Duncan et Allmand.
Monsieur Bryden.
[Traduction]
M. John Bryden: Si je vous comprends bien, professeur Russell, vous êtes fermement convaincu que les parties prenantes à un processus référendaire ne devraient pas organiser un deuxième référendum lorsqu'une première décision est intervenue, à moins qu'une élection n'ait lieu dans l'intervalle. C'est bien ça?
M. Peter Russell: Sans qu'il y ait nécessairement une élection, j'estime cependant qu'il faut avant tout qu'un certain temps se soit écoulé afin de respecter le premier référendum. C'est un premier point. Si à la suite d'un référendum pratiquement gagné on n'en respecte pas le résultat et si on organise immédiatement après un deuxième référendum, cela signifie qu'on ne respecte pas la décision prise. Il faut au minimum qu'un certain temps se soit écoulé de façon à respecter la légitimité du premier référendum.
M. John Bryden: Est-ce que dans certaines circonstances on ne peut pas assouplir les règles et organiser légitimement un deuxième référendum à brève échéance?
M. Peter Russell: Effectivement. Dans le cadre d'un mécanisme d'appel bien conçu, s'il était établi qu'il y a eu des irrégularités lors du premier référendum et si les règles n'ont pas été respectées, il est probable qu'on veuille en organiser un deuxième.
M. John Bryden: Si donc le gouvernement du Québec gagnait son référendum, estimez-vous par exemple que les Libéraux du Québec auraient le droit d'exiger rapidement un autre référendum au motif que le premier ne portait pas sur une question claire?
M. Peter Russell: Ne portait pas sur une question claire? C'est quelque chose que le gouvernement fédéral...
M. John Bryden: En tant que parties prenantes, je parle du Québec.
M. Peter Russell: Le gouvernement fédéral représente nombre de parties prenantes au Canada, monsieur Bryden. Malheureusement, avant le dernier référendum québécois il n'a pas pris position sur la légitimité de la question ou sur ce qu'il ferait si le oui était majoritaire. J'ai été mortifié par son silence sur des questions aussi fondamentales que celle-ci.
M. John Bryden: Vous nous dites donc que les parties prenantes, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou des Libéraux du Québec, ne seraient pas fondées à réclamer rapidement un autre référendum au motif que la question n'était pas claire ou, subsidiairement, parce que les vainqueurs du référendum ont déclaré qu'il suffisait d'obtenir 50 p. 100 des voix plus une, alors que cela n'a pas été défini au préalable.
M. Peter Russell: Si l'on procède à un référendum portant en fait sur un mécanisme s'appliquant à un traité, il faut que les parties s'entendent à l'avance sur les règles de base à suivre—qu'est-ce qu'une majorité acceptable si la réponse est oui, et quelles sont les conséquences d'un oui. Le gouvernement fédéral n'ayant pas explicité cela, n'ayant fait aucun effort pour le faire, et semblant être parti du principe que la réponse allait être non, il ne s'est pas acquitté de ses obligations envers nous tous. Je ne pense pas que cela se reproduira. J'espère que non.
M. John Bryden: En conséquence vous nous dites—et cela s'applique effectivement au Québec—que si la question est litigieuse parce que l'une des parties prenantes n'a pas fait son travail, et c'est certainement le cas pour le référendum du Québec, le résultat du référendum doit alors être accepté. Je peux vous dire, professeur Russell, que si le Québec avait gagné le référendum, il est probable que j'aurais été l'un des derniers Canadiens à adopter votre point de vue, parce que j'aurais voulu un autre référendum comportant une question claire définissant précisément quelle était la majorité exigée, afin que ce référendum soit légal.
M. Peter Russell: Je suis tout à fait d'accord avec vous.
M. John Bryden: Dans ce cadre, je trouve votre point de vue difficile à accepter. D'après moi, le gros problème ici, ce n'est pas le fait qu'un deuxième référendum ait suivi le premier et qu'il y ait eu un court intervalle entre les deux ou toute autre chose de ce genre, parce que si l'on fait l'analogie avec le Québec, on peut s'attendre à ce que la succession soit rapide. Le problème, c'est que l'on ait recours à des référendums dans ce cadre.
J'en reviens à ce qu'a déclaré M. Duncan. J'aurais préféré un processus démocratique, une décision étant prise par les dirigeants de Norway House ou par tout autre représentant élu et habilité à parler en son nom. Mais bien entendu, si l'on procède à un référendum, il y a toujours des difficultés dues à la formulation et à l'établissement des règles. Celui qui perd peut, dans l'intérêt général, vouloir très rapidement organiser un autre référendum. Par conséquent, je ne sais pas.
M. Peter Russell: Vous vous référez uniquement au deuxième référendum. Pensez-vous qu'il soit juste et légitime d'offrir 1 000 $ à chaque homme, chaque femme et chaque enfant si l'on obtient un certain résultat? S'il est vrai que les bulletins n'étaient rédigés que dans une seule langue, pensez-vous que cela soit légitime? Estimez-vous qu'il soit justifié d'interdire aux gens l'accès à la salle et à la station de radio? Est-ce normal? Est-il normal de modifier les règles concernant le référendum?
M. John Bryden: Je pense que vous constaterez, lors des référendums dont nous parlons au sujet du Québec, que l'on a refusé l'accès au scrutin...
M. Peter Russell: Monsieur Bryden, nous ne parlons pas aujourd'hui du Québec.
M. John Bryden: Professeur Russell, mes questions ne portaient pas sur ces autres points. Elles traitaient exclusivement des référendums. Je vous remercie; vous y avez répondu.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Bryden.
Monsieur Perron, suivi de M. Nault et Mme Desjarlais.
M. Gilles Perron: Monsieur le président, mon sang bout.
Le président: Vous êtes un bon député et vous posez de bonnes questions.
M. Gilles Perron: Mon sang bout. Parlons du référendum lors duquel les gens de la réserve ont dit non. Je crois que quelques années plus tôt, on s'était déjà exercé à un tel processus. En 1995, les bureaux d'immigration étaient ouverts 24 heures par jour afin qu'on puisse accorder la citoyenneté canadienne à un très grand nombre d'immigrants pour qu'ils puissent ensuite voter. On a aussi fait fi de la loi référendaire québécoise, qui demande qu'on comptabilise toutes les dépenses et revenus des camps du Oui et du Non. On pourrait aussi faire allusion à cette somme de 1 000 $, monsieur Russell, ou aux gens de Vancouver qui sont venus à la parade «Québec, je vous aime» et qui avaient déboursé 74 $ pour un billet d'avion aller-retour, monsieur le président. Si on veut parler de choses pareilles, c'est fini, monsieur le président. On ferme.
Monsieur Russell, vous avez fait état d'un désaccord entre les Cris du Québec et la nation crie de Norway House. Pourriez-vous élaborer sur cette question?
[Traduction]
M. Peter Russell: Cela ne se situe pas entre les Cris du Québec et les gens de Norway House; il y a une divergence d'opinion au sein des Cris de Norway House.
M. Gilles Perron: En quoi consiste cette division?
M. Peter Russell: Un certain nombre de membres de cette collectivité estiment que la procédure que M. Allmand et que moi-même avons décrite n'est pas légitime. Selon eux, les différentes caractéristiques des référendums—la modification des règles, l'organisation d'un deuxième référendum immédiatement après le premier, le fait que les opposants à la campagne référendaire n'ont pas pu accéder dans les mêmes conditions aux moyens de communication et se réunir dans certains lieux, et la rédaction des bulletins dans une seule langue—les rendent injustes. Ces gens-là estiment que la procédure ne leur a pas rendu justice. Il y a une divergence d'opinion au sein de la collectivité autochtone.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Perron. Vous avez fait une bonne intervention.
Monsieur Nault.
[Traduction]
M. Robert D. Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais que les deux intervenants m'apportent quelques précisions. Ils nous ont indiqué que nous étions en présence d'un traité aux termes des dispositions de l'article 35 de la Constitution.
J'aimerais faire appel à la mémoire de M. Allmand alors qu'il était ministre et qu'il a signé la Convention sur la submersion des terres du Nord. Lorsqu'elles ont signé ce texte, est-ce que les Premières nations avaient le sentiment qu'il s'agissait là d'un amendement à leur traité d'origine?
M. Warren Allmand: Elles n'avaient pas le sentiment qu'il s'agissait d'un amendement à leur traité d'origine. Elles considéraient qu'il s'agissait d'un règlement moderne d'une revendication territoriale. Je signale en passant que cela est antérieur à la Constitution de 1982, de sorte que lorsque nous avons conclu cette convention en 1977, l'article 35 n'existait pas. Lorsque nous avons conclu l'accord de la baie James, nous n'avions pas non plus l'article 35.
C'était considéré comme une convention de règlement moderne et solennelle des revendications territoriale. Lorsque nous en sommes venus à discuter de la Constitution—et je siégeais à l'époque au sein du comité parlementaire—on a estimé que ces conventions modernes devaient être considérées comme des traités et on les a alors intégrées à l'article 35. Ce n'était pas comme si on avait amendé le Traité 5.
M. Robert Nault: Je ne vous demande pas ce que les hommes blancs du comité en ont pensé, parce que c'est ce que nous faisons ici—c'est ce que nous faisons à nouveau. Je veux savoir ce que les chefs au sein des collectivités ont pensé lorsqu'ils ont signé la convention. Je crois comprendre, en employant une terminologie actuelle, que ces accords que l'on est en train de signer—que le gouvernement du Canada les qualifie d'accord d'autonomie gouvernementale ou de rectification du préjudice causé par le passé lorsque les réserves ont été lésées du fait que l'on a intéressé des tiers, par exemple—aux yeux des chefs et des anciens au sein des collectivités, ce ne sont pas là des traités modernes mais des accords administratifs.
Les traités eux-mêmes, qu'il s'agisse des Traités 11, 3, 5 ou 9, restent tels qu'ils étaient conçus lorsqu'ils ont été signés. Il n'est pas question de les remanier et les droits qu'ils comportent ne seront pas abolis.
Je vous demande, en votre qualité de ministre ayant signé la convention—vous y étiez—si les personnes présentes avaient l'intention d'ouvrir le Traité 11 ou le Traité 5 pour y apporter des changements majeurs ou si elles envisageaient de passer un accord administratif pour remédier au fait que certains non-Autochtones avaient décidé d'inonder une partie de leur territoire?
Ceci est très important puisque vous laissez entendre qu'il s'agit là d'un traité. J'affirme qu'il n'en est rien, que dans les faits vous avez tort et qu'il s'agit là d'un accord administratif visant à remédier à certains torts du passé.
M. Warren Allmand: Je me souviens que dans leur esprit c'était plus qu'un simple accord administratif parce que dans leur traité d'origine auquel vous faites allusion—le Traité 5 ou le Traité 11, je ne sais plus lequel, je crois que c'était plutôt le Traité 5—une clause prévoit que des terres seront données à ces gens. Du fait de la submersion, certaines terres leur ont été enlevées. Il fallait donc les indemniser du fait de la réduction de leurs terres en raison de la submersion et du détournement du fleuve Churchill—comment s'arranger avec la quantité d'acres qu'ils étaient censés recevoir aux termes du traité, etc.
La Convention sur la submersion des terres du Nord était censée être davantage qu'un simple accord administratif. Elle devait traiter des terres que ces gens étaient censés obtenir et des droits dont ils disposaient en vertu du traité d'origine.
Je conseille de le demander aux chefs qui étaient présents. Autant que je m'en souvienne—c'était il y a 21 ans—ils considéraient ce texte plus important qu'un simple accord administratif parce qu'il touchait aux terres, aux droits de chasse, etc. En raison de la submersion des terres, ces gens ne pouvaient plus faire comme avant. Ils n'avaient plus la même quantité de terres et, aux termes de la Convention sur la submersion des terres du Nord, ils étaient censés être indemnisés en terres et à d'autres titres pour compenser. Je suis d'accord avec vous sur ce point.
M. Robert Nault: J'en suis heureux. Je comprends bien que ce texte s'efforçait de remédier au fait que certaines terres avaient été réservées aux termes du traité. Une formule permettait de traiter le cas de chaque famille; chacune devait recevoir tant d'acres. Je le comprends bien. On a commencé par le Traité 3, puis on est passé au Traité 5. Tous les traités numérotés ont été mis en oeuvre en fonction des critères établis pour le Traité 3. J'en suis donc bien conscient.
Lorsqu'on parle aux anciens et aux chefs, j'ai l'impression que chaque fois que l'on étend les frontières d'une réserve en raison de la croissance de la population, ces derniers ne considèrent pas pour autant que l'on rouvre leur traité. Ils y voient la responsabilité fiduciaire de la Couronne, qui doit prendre soin des Premières nations. Il y a là une grosse différence. Vous donnez ici l'impression que la Convention sur la submersion des terres du Nord était en réalité un amendement apporté au traité.
Si je faisais venir devant le comité les gens qui étaient là en 1977, il est probable... Je n'en sais rien, parce que je ne leur ai pas encore demandé, mais j'espère que nous le ferons. Si nous leur demandons dans quelle mesure il s'agissait d'un amendement apporté à leur traité, je suis sûr qu'ils vont vous répondre non, de même que les gens nous disent aujourd'hui, au sujet de l'accord de Norway House, que l'intention n'était pas...
M. Warren Allmand: Je n'ai jamais dit qu'il s'agissait d'un amendement.
M. Robert Nault: Non, mais nous nous sommes mis à discuter de l'ensemble de l'article 35, de son importance et de la question des traités, alors qu'en réalité il ne s'agit absolument pas ici de traités. Nous parlons d'un accord qui permettra d'effectuer une indemnisation du fait que nous n'avons pas respecté notre obligation fiduciaire. Cela découle non seulement du traité, mais aussi du droit inhérent à l'autonomie de gouvernement. Autant que nous puissions en juger, c'est bien plus significatif que l'article 35 lorsqu'on parle aux gens concernés.
J'aimerais bien comprendre pourquoi vous-même et M. Russell semblez penser que cela s'oppose à l'article 35...
M. Warren Allmand: Je n'ai jamais dit cela.
M. Robert Nault: ... ou que nous n'abordons pas la question du traité comme nous le devrions.
M. Warren Allmand: Excusez-moi, mais je ne crois pas avoir dit dans mon exposé d'ouverture que la Convention sur la submersion des terres du Nord était un amendement apporté au traité. J'ai dit qu'elle avait pour but d'indemniser les bandes en contrepartie de la perte de leurs terres, de la submersion de leurs terres qui leur étaient réservées en vertu du traité. Je n'ai jamais parlé d'amendement apporté à leur traité; je n'ai jamais dit ça.
Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que les mieux placés pour interpréter la façon dont était envisagée la Convention sur la submersion des terres du Nord, ce sont ceux qui ont signé en leur nom. Je peux vous dire simplement que j'étais à Winnipeg en novembre et que j'ai rencontré certains représentants des collectivités inondées dans le Nord. Ils n'ont pas parlé d'un «amendement au Traité 5», mais ont considéré qu'il s'agissait là d'un traité moderne qui devait être reconnu comme étant enchâssé dans la Constitution aux termes de l'article 35.
Je ne suis pas un spécialiste de ces choses, mais le juge en chef du Manitoba et le juge en chef adjoint ont déclaré à la commission royale du Manitoba que ces documents devaient être considérés comme étant enchâssés dans la Constitution aux termes de l'article 35.
M. Robert Nault: Je poserai la question aux gens que vous indiquez.
[Français]
Le président: M. Russell voudrait intervenir.
[Traduction]
M. Robert Nault: Avant que M. Russell réponde...
[Français]
Le président: D'accord, allez-y.
[Traduction]
M. Robert Nault: ... j'aimerais que M. Allmand le vérifie pour moi.
Lorsque vous étiez ministre, si vous pouvez remonter aussi loin dans le temps—je sais que ce n'est pas facile—lorsque vous siégiez dans la même salle que les représentants de ces Premières nations, avaient-ils le sentiment que tout cela...? Je ne veux pas jouer sur les mots, mais lorsque vous nous dites en réalité qu'ils considèrent ce texte comme un traité moderne, il faut qu'il y en ait un qui ait priorité sur l'autre.
À partir du moment où l'on signe aujourd'hui un traité moderne, on change essentiellement jusqu'à un certain point le traité signé à l'origine sous le nom de Traité 5 ou de Traité 11. Vous savez certainement que la majorité des représentants des Premières nations vont vous dire aujourd'hui que ce n'est pas parce que l'on signe ce nouvel accord qu'il faudrait avoir la fausse impression que l'on modifie le traité signé en 1873 ou encore en 1875, parce que ce n'est pas du tout le cas. Vous étiez là. Aviez-vous l'impression qu'ils signaient en fait une certaine forme de traité moderne?
M. Warren Allmand: Personne ne pensait, que ce soit chez les Autochtones ou dans notre camp, qu'ils modifiaient leur traité d'origine. Ils pensaient être en train d'accepter... Le projet de Manitoba Hydro leur retirait des terres qu'ils voulaient conserver. Ils n'étaient pas d'accord avec la submersion des terres, mais ils ne pouvaient pas s'y opposer. Il y a eu un énorme mouvement visant à s'opposer à cette submersion. Ils voulaient conserver leurs terres en l'état. Lorsqu'ils ont échoué, ils se sont rabattus sur la meilleure solution de rechange. Ils ont convenu de signer cette convention, mais jamais ils n'ont laissé entendre qu'ils modifiaient leur traité d'origine. Il s'agissait d'un accord moderne qui plus tard, en 1982, a pu être enchâssé dans la Constitution. À l'époque, nous n'avions aucune disposition permettant d'envisager de l'intégrer à la Constitution.
Le président: Je vous remercie.
M. Peter Russell: J'espère que l'on aura pris acte du fait que je n'ai pas dit qu'il s'agissait d'un amendement apporté au Traité 5. Je ne pense pas que les signataires de cette convention, quels qu'ils soient, aient autorisé une modification du Traité 5. Je n'accepte pas la logique de l'auteur de la question, qui laisse entendre que si ce n'est pas un amendement apporté au Traité 5, il s'ensuit que ce n'est qu'un accord administratif et que l'intégrité de la procédure n'a alors aucune importance.
Je pense qu'il s'agit d'un accord moderne ayant l'importance qu'un traité doit avoir, en ce sens qu'il convient de l'adopter solennellement, avec un grand soin, chacune des parties faisant preuve d'intégrité sans le soumettre à des changements unilatéraux. C'est ce qui est toujours fondamental dans ce genre d'entente: aucune des parties ne peut la modifier unilatéralement et la procédure doit faire preuve d'intégrité. Il est très inquiétant de laisser entendre que s'il ne vient pas modifier un ancien traité classique, un accord moderne n'a pas besoin alors de comporter les qualités inhérentes à un traité et être protégé d'un point de vue constitutionnel.
[Français]
Le président: Merci, messieurs Russell et Nault.
Monsieur Iftody.
[Traduction]
M. David Iftody: Merci beaucoup. Mes questions s'adressent à M. Russell, monsieur le président.
Je sais qui vous êtes, monsieur. Vous avez écrit l'ouvrage Federalism and the Charter: Leading Constitutional Decisions. Ce fut l'un de mes premiers manuels de sciences politiques et j'ai donc contribué d'une manière ou d'une autre à défrayer votre régime de pension. Me voici bien des années plus tard en train de vous interroger. La vie n'est-elle pas merveilleuse?
Monsieur Russell, je suis préoccupé par un certain nombre de faits que vous évoquez, parce que je dois dire que certains d'entre eux sont en réalité tout à fait faux.
Lorsque vous nous parlez de la déclaration assermentée faite par l'un des membres de la bande, je ne sais pas quel nom vous avez cité, mais vous avez déclaré, par exemple, que l'on n'avait pas respecté les règles électorales étant donné que les bulletins n'étaient pas rédigés en cri mais uniquement en anglais. Cela n'est pas vrai. Ce fait est inexact, et je crois que cela a été inscrit par ailleurs dans le procès-verbal et dit lors de la communication de la preuve devant la cour d'appel qui a entendu cette affaire. Ce n'est donc pas vrai.
Quant à la personne qui allègue qu'on lui a refusé l'accès à la station de radio parce qu'elle s'opposait à l'accord, nous ne connaissons pas tous les faits en la matière. Cette allégation est faite par un particulier. Il est possible que cela ne tienne pas non plus.
Le troisième point que je veux signaler, c'est lorsque vous nous parlez de... Je comprends l'émotion soulevée en raison des faits que vous présentez, mais là aussi ils sont erronés. En réalité, dans le cadre de l'accord lui-même, pour ce qui est des paiements effectués aux particuliers, le barème des paiements était établi depuis bien longtemps, avant même que l'accord soit finalement rédigé. En réalité, les premiers paiements ont été effectués en 1995-1996, puis un autre paiement a été fait immédiatement après le premier référendum qui a échoué. Voilà donc qui est en contradiction totale avec les arguments que vous nous présentez ici, monsieur, en laissant entendre que d'une certaine façon on a acheté des électeurs. Qu'on les ait achetés, ce n'est qu'une impression, car bien évidemment si je voulais vous influencer et si vous votiez non au référendum, pourquoi vous verserais-je 1 000 $ comptant?
Je dis qu'ici sur trois ou quatre points, monsieur le président... Je ne voudrais pas que le comité ait l'impression que tout cela est vrai, parce qu'il est démontré que sur certains points c'est faux et que sur d'autres c'est litigieux, parce que tout provient des déclarations faites par une seule personne. Nous n'avons pas eu la possibilité de les vérifier alors que pour ce qui est du calendrier de paiement lui-même, certaines formes de paiements ont été clairement établies quels que soient les résultats, indépendamment même de la décision de faire appel du référendum. Ces paiements ont été effectués avant et ils n'étaient pas inhabituels.
Comme le sait probablement Warren, il y a 20 ans, lorsqu'elle a procédé aux règlements de ses revendications sur des concessions pétrolières en Alberta, la Bande Hobbema a effectué des versements aux membres de la bande à partir de 21 ans. Personne n'a laissé entendre à l'époque, par exemple, qu'il pourrait s'agir d'un «pot-de-vin», si l'on peut utiliser cette expression. Je l'utilise; vous ne l'avez pas fait.
C'est peut-être aller un peu loin que de faire ce genre de suppositions sans que les faits soient clairement établis.
De plus, monsieur le président, le juge Muldoon a tranché dans cette affaire. Les règles du droit ont été suivies. Tout ce qui était à notre disposition, dirais-je... Nous avons les tribunaux, puisque c'est essentiellement votre argument. L'essentiel de votre argumentation c'est qu'il nous faut suivre les règles du droit en démocratie. C'est bien ce que nous avons fait.
• 1255
Enfin, le problème plus large qui se pose si vous n'acceptez
pas, comme certains députés le soutiennent, qu'une décision commune
a été prise par les collectivités en la personne du chef de leur
conseil, et que si l'on remet cela en question et si l'on demande
à d'autres organismes de réglementation d'en prendre le contrôle,
on s'en prend alors, comme l'a dit M. Nault, au fond même de
l'autonomie de gouvernement, au fondement de l'article 35, qui
établit la dignité et le droit de ces peuples, à tort ou à raison,
M. Russell, de prendre leurs propres décisions.
[Français]
Le président: Merci.
Monsieur Russell.
[Traduction]
M. Peter Russell: Je suis tout à fait d'accord avec votre dernier argument. C'est pourquoi je m'abstiendrais de faire quoi que ce soit sans recevoir les conseils et l'accord des peuples autochtones afin d'être sûr d'agir légitimement.
Quant aux versements d'argent, si je comprends bien la situation, certains versements avaient été effectués mais il s'est trouvé que si l'on votait oui on devait recevoir un autre paiement alors que si l'on votait non on pouvait penser qu'on ne recevrait rien. Je crois que c'est une situation très regrettable.
Quant aux allégations au sujet de la salle de réunion, de la langue, etc., je ne dispose que d'un affidavit. S'il y a là de fausses accusations, c'est lamentable, mais j'espère que le comité fera témoigner les gens à ce sujet, parce que...
M. David Iftody: Faisons venir devant le comité certaines personnes favorables à l'accord. Nous n'avons pas encore réussi à le faire. Mais passons, vous pouvez continuer.
M. Peter Russell: Je pense que c'est très important. Il se peut que je me trompe complètement sur les faits. Ce que je dis en fait ici, c'est que nous devons pouvoir disposer d'un mécanisme dont l'intégrité est reconnue par tout le monde, par vous tous.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Iftody.
Madame Desjarlais.
[Traduction]
Mme Bev Desjarlais: J'allais en fait apporter un commentaire au sujet de l'information qu'on nous a donnée lors de la dernière séance du comité et aux termes de laquelle un calendrier de paiement avait été mis en place, toutes les dates étant censées avoir été fixées à l'avance. Il est indéniable que certains membres ont fait savoir que dans la pratique on a procédé d'une certaine manière, et au cas où des irrégularités et où des illégalités auraient été commises, l'affaire sera traduite devant les tribunaux et nous saurons exactement à quoi nous avons affaire, plutôt que de nous en tenir à des déclarations ou à des suppositions.
J'aimerais aussi faire une observation au sujet de l'acceptation, peut-on dire, de certains paiements, quelle qu'en soit la raison, en période d'élections. Récemment, on a parlé de bons d'achat d'essence distribués avant les élections dans le sud du Manitoba. Je me demande comment de telles choses en sont venues à exister—je sais que c'est à M. Russell que je devrais poser la question, mais vous pouvez aussi intervenir—dans la culture autochtone et dans le cadre de l'autonomie de gouvernement des Autochtones. De toute évidence, nous n'avions pas de bons d'achat d'essence à l'époque, comment se fait-il donc que l'on ait pu concevoir un tel système au sein des Premières nations?
M. Warren Allmand: C'est nous qui le leur avons enseigné. Nous avons toujours fait cela.
Mme Bev Desjarlais: Je voulais simplement qu'il en soit pris acte.
M. Warren Allmand: Je me souviens, lorsque j'étais jeune à Montréal... En Nouvelle-Écosse, on distribuait du rhum. Ce sont des trucs que nous leur avons enseignés.
Mme Bev Desjarlais: Nous reconnaissons cette pratique. Je voulais en fait qu'il en soit pris acte dans notre procès-verbal.
M. Warren Allmand: Ça se faisait beaucoup plus avant qu'aujourd'hui.
Mme Bev Desjarlais: C'est exact.
Nous reconnaissons que c'est une pratique inacceptable.
M. Warren Allmand: Oui.
Mme Bev Desjarlais: Il est indéniable à mon avis qu'il s'agit là d'une pratique inacceptable dans une démocratie et je suis fermement convaincu que les Premières nations, comme toute démocratie et tout gouvernement, remédieront à ces problèmes dans le cadre de l'autonomie de gouvernement.
Pour ce qui est des nouvelles terres qui leur sont remises aux termes de l'accord sur la submersion pour compenser celles qui ont été inondées, tous les droits issus du traité s'appliqueront de la même manière à ces terres. C'est bien ça?
M. Warren Allmand: Il me faut... J'ai mis le document de côté. Il est très épais.
Mme Bev Desjarlais: Ne le reprenez pas.
M. Warren Allmand: Oui, d'après ce que je peux comprendre, sur la question des droits issus du traité, on s'efforce d'indemniser les bandes de la perte des terres et de la perte de leur mode de vie quant à la chasse, la pêche, etc. antérieur à la submersion des terres.
Mme Bev Desjarlais: En effet. Par conséquent, si une entente intervenait au sujet des droits miniers ou de toute autre chose concernant les terres qui relèvent aujourd'hui de leur traité, tout cela continuerait à s'appliquer comme s'il s'agissait des terres d'origine?
M. Warren Allmand: À l'origine, pour ce qui est de la Convention sur la submersion des terres du Nord, non seulement le Comité sur la submersion des terres du Nord, qui représentait toutes les bandes, toutes les nations de l'époque, a pris part aux négociations, mais il lui a fallu ensuite ratifier la convention—il n'a pas fallu seulement la signer, chacune des bandes a dû ensuite la ratifier.
Mme Bev Desjarlais: Très bien.
M. Warren Allmand: Je ne pense donc pas qu'elles aient accepté de renoncer à une partie quelconque de leurs droits en vertu du Traité 5.
Mme Bev Desjarlais: Bien. Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci, madame Desjarlais.
Monsieur Wilfert.
[Traduction]
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le président, comme je passe en dernier, je m'aperçois souvent que la plupart des questions que je voulais poser ont déjà fait l'objet d'une réponse.
• 1300
J'ai entendu parler «d'illégitimité» et «d'intégrité», et cela
nous amène naturellement à nous poser la question de la nature du
projet de loi qui nous est présenté et s'il est ou non... La façon
de procéder est tout à fait fondamentale dans tous les cas. Il
manquait cinq voix pour que le référendum soit adopté en juillet
1997. On en est venu à organiser un autre référendum. Il y a eu la
question des paiements, pour lesquels un calendrier avait été
établi à l'avance, et je voulais demander entre autres si cela
était ou non une bonne chose, mais cela a déjà été fait.
Généralement, les gens qui nous écrivent et qui viennent nous voir n'ont pas tendance à nous faire des compliments. J'ai constaté qu'ils viennent généralement parce qu'ils ne sont pas d'accord sur un ou plusieurs points. Nous avons reçu des lettres que j'ai lues ici et dans lesquelles les gens nous disent que la bande n'a pas été vraiment consultée, que les dirigeants ne les ont pas vraiment représentés, que les chefs ne les ont pas représentés. Par conséquent, ils remettent en cause la légitimité de l'opération, même au niveau de la négociation.
Aux termes de ce projet de loi, nous sommes censés nous occuper de régler les questions découlant de l'inondation des terres et essayer d'indemniser les gens qui en ont été affectés. Lors de la première partie de cette séance, je vous ai demandé, messieurs, quelle était la procédure que vous nous recommandiez—fallait-il abandonner l'ensemble du projet de loi et tout recommencer, l'opération étant bien mal engagée compte tenu de tout ce que j'entendais dire.
Il semble que l'on ait assez bien traité l'ensemble. Que ce soit ici en termes de procédure ou de la façon d'aborder ce projet de loi, il y a deux questions distinctes dans ce que l'on qualifie de projet de loi omnibus. M. Russell, vous avez eu l'occasion d'aborder par le passé des questions étudiées indépendamment. La chose est ici différente. Que pensez-vous de la méthode employée et estimez-vous qu'elle présente des difficultés?
M. Peter Russell: Pourriez-vous préciser?
M. Bryon Wilfert: Dans le projet de loi tel que je le comprends—je lis mes notes ici—deux questions distinctes sont traitées dans le cadre d'une législation qualifiée d'omnibus. Par le passé, le gouvernement a abordé ces conventions sur la submersion des terres en traitant les questions individuellement, indépendamment les unes des autres. Selon la façon dont on a procédé ici, on peut se demander si la méthode est justifiée. C'est à l'article... Je vois que vous l'avez ici; très bien.
M. Peter Russell: Je sais que l'on y invoque en termes généraux toute première nation au Manitoba. Je me demande alors si les différentes Premières nations du Manitoba souhaitent être traitées ainsi au moyen d'une loi omnibus.
Le critère que j'emploie, mon point de départ, c'est la nécessité de procéder avec l'accord des Autochtones si l'on veut instaurer une relation que je qualifierais de décolonisée. S'ils ont consenti à cette opération et si le Canada en est satisfait, j'en suis moi aussi satisfait. Toutefois, je ne sais pas ce qu'en pensent les Premières nations, en tout ou en partie, au Manitoba—et certaines d'entre elles sont intégralement du même avis et d'autres seulement en partie—sur cette question.
M. Bryon Wilfert: Que nous conseillez-vous pour tenir compte de cet avis?
M. Peter Russell: Votre ami M. Bryden a évoqué la branche politique du gouvernement et l'administration. Je pense que cela relève avant tout de la branche politique du gouvernement et qu'il appartient au ministre de régler la question. Comment s'assurer que l'on a l'appui des Premières nations du Manitoba? Probablement en consultant Phil Fontaine et les dirigeants de son Assemblée des premières nations.
M. Warren Allmand: Je vous propose d'entendre les deux camps et de leur poser les questions qui s'imposent. Par exemple, ce que chacun doit faire et...
M. Peter Russell: Pour ce qui est de l'intégrité de la procédure.
M. Warren Allmand: Oui, pour veiller à l'intégrité de l'ensemble du système et régler les questions de fond.
Il m'apparaît, comme je l'ai dit, que les lois municipales n'autorisent pas l'organisation de deux référendums dans la même... Selon la loi du Québec, on ne peut pas organiser deux référendums pendant le même mandat. C'est un manque de respect, comme l'a déclaré M. Russell, je crois, pour le premier référendum, en dépit de ce qu'a dit M. Bryden. En cas de fraude ou autre chose de ce genre lors du premier référendum, je pourrais alors comprendre la chose.
• 1305
Il y a aussi la rhétorique de la campagne électorale et le
recours à des dispositions légitimes ainsi qu'au paiement de sommes
d'argent. Toutefois, lorsque cela se passe au cours d'une
campagne... Vous avez participé à des campagnes électorales comme
nous tous. Parfois, lors d'une campagne électorale, nous disons:
«Si vous ne faites pas cela, vous n'aurez pas ce pont, cette route
ou toute autre chose». Il est entendu toutefois que ce n'est pas
toujours là la meilleure façon de faire de la politique. De toute
évidence, la Loi électorale comporte aujourd'hui des dispositions
qui n'existaient pas lorsque j'ai commencé: la nécessité de
déclarer les dépenses électorales, le contrôle de ces dépenses. Il
y a 20 ou 30 ans, nous n'avions pas ces dispositions.
Ce que je souhaiterais personnellement que l'on fasse, c'est éventuellement que l'on impose un moratoire à ce projet de loi de façon à avoir le temps de se demander si nous avons bien affaire ici à un traité enchâssé dans la Constitution, comment nous allons aborder toute la question évoquée tout à l'heure et dans quelle mesure il y a vraiment eu des irrégularités lors du vote. Il vous faut parler aux représentants des deux camps.
Il n'y a aucune raison d'accélérer la procédure et de tout boucler en une semaine ou deux. Je ne sais pas quel est le calendrier des travaux, mais il serait bon de procéder à une véritable audition. Je pense que la façon d'aborder ces nouvelles formes de traités modernes qui relèvent de l'article 35 revêt une grande importance, qu'il y aura des répercussions, que la question continuera à se poser à l'avenir et que cela créera des précédents. Si vous vous trompez aujourd'hui, cela pourra constituer un précédent pour l'avenir. Il serait peut-être bon de préciser la question. Je pense que ce pourrait être une bonne chose.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Wilfert.
Monsieur Duncan et madame Desjarlais, est-ce que vous désirez poser une dernière question?
[Traduction]
M. John Duncan: Je n'ai pas de question à poser, je ferais une simple observation à l'intention de M. Allmand. Il est très intéressant d'observer deux générations de Libéraux qui sont en désaccord et qui s'efforcent de faire valoir leurs arguments.
M. Warren Allmand: Nous ne sommes pas totalement en désaccord. Je suis d'accord avec lui sur bien des points.
M. John Duncan: Oh, j'entends bien.
M. Warren Allmand: J'aimerais faire partie du groupe parlementaire. Nous avons toujours été en désaccord sur différents points.
M. John Duncan: Je peux être d'accord sur certaines choses.
M. Warren Allmand: C'est la vraie démocratie.
M. John Duncan: À l'intention de M. Russell, il serait peut-être plus intéressant, plutôt que de se pencher sur le calendrier des paiements, d'examiner à quel moment est intervenu le deuxième vote relativement au calendrier des paiements prévu à l'avance.
Je ferais observer pour finir que nous sommes ici en première ligne sur ce qui va constituer la principale question sociale dans une grande partie du Canada au cours des 25 prochaines années. Nous nous révélons tout à fait incapable de traiter la question de manière réaliste. Nous allons procéder à coup de projets de loi individuels et nous embrouiller tellement que nous serons dans l'impossibilité par la suite de nous y retrouver. Je conclus sur cette observation. Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Duncan.
[Traduction]
M. Peter Russell: J'insiste sur l'importance de l'argument de M. Allmand lorsqu'il nous dit que nous avons l'obligation de dégager les faits. Ce que j'ai cru voir dans cet affidavit est peut-être erroné, ce n'est peut-être pas exact. Je n'en sais rien. Il n'en reste pas moins que vous n'en savez rien non plus. Quant au jugement de M. Muldoon, si vous le lisez, vous constaterez qu'il n'évoque pas ces faits. Ces faits n'ont pas été débattus devant les tribunaux. Il convient donc à mon avis que votre comité cherche à les établir.
M. David Iftody: J'aimerais répondre sur ce point.
[Français]
Le président: Monsieur Iftody, je m'excuse.
[Traduction]
M. David Iftody: Vous avez tort sur ce point. Et je dirais que...
[Français]
Le président: Monsieur Iftody, je m'excuse. Madame Desjarlais.
[Traduction]
Mme Bev Desjarlais: En fait, je vais insister ici parce que je n'oublie pas que je vous ai abandonné ma dernière question pour que vous puissiez partir plus tôt, mais étant donné que vous êtes encore là, j'imagine que vous allez pouvoir attendre cette fois-ci que je parle à mon tour.
Je voudrais simplement souligner ici qu'il ne faudrait pas que l'on croit que notre comité ne cherche pas à entendre les représentants des deux camps, parce que c'est en fait pleinement son intention. En réalité, nous n'avons pas vraiment eu la possibilité d'arrêter la liste complète la semaine dernière parce que l'on a laissé entendre que les membres des différents parties n'étaient pas tous là. Je ne pense pas qu'il y ait une quelconque volonté de ne pas entendre les deux camps.
Je crois savoir que les représentants du conseil de Norway House vont se présenter, et je suis tout à fait convaincu qu'ils appuient le projet de loi. Je pense que je peux le dire sans risque de me tromper. Il est donc inexact de dire que nous n'allons pas entendre les représentants des deux camps, et je veux qu'il en soit pris acte dans notre procès-verbal. Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci.
Monsieur Iftody.
[Traduction]
M. David Iftody: Merci.
Il est un peu tard, mais je m'efforcerai de confirmer ces faits à votre intention, professeur Russell. Je pense que c'est particulièrement important, parce que vous avez exprimé avec force une indignation légitime qui part à mon avis d'une bonne intention mais qui s'appuie sur des faits inexacts. Toutefois, je vous les ferai parvenir.
• 1310
J'ajouterai simplement, monsieur le président, pour rendre
compte de notre dernière séance en comité après la séance plénière,
que j'ai fortement regretté, vous vous en souviendrez, de ne pas
pouvoir faire accepter aux députés de l'opposition—et je pense
qu'il en est pris acte dans le hansard—l'audience d'un nombre
suffisant de témoins en faveur de l'accord. Je pense que les
témoins l'ont souligné ici aujourd'hui—si l'on veut pouvoir
véritablement organiser la discussion et le débat sur cette
question, il nous faut avoir tous les faits, dans un sens comme
dans l'autre.
Si vous consultez la liste des témoins, vous constaterez que 99 p. 100 des quelque 35 témoins qui y figurent—Warren, par exemple—s'opposent à l'accord. Si l'on veut que la discussion soit impartiale sur cette question, il faut donc que les deux camps soient représentés. Si je me souviens bien, la plupart des députés de l'opposition, notamment mon collègue et ami du NPD, se sont carrément opposés à ce que l'on fasse venir ces autres personnes. Je voudrais donc qu'il en soit pris acte dans notre procès-verbal.
[Français]
Le président: Madame Desjarlais et monsieur Iftody, je m'excuse, mais je dois clore la séance.
Le jeudi 11 mars comparaîtront M. Robert F. Roddick, de la nation crie de Norway House; R.D. Bettner de Manitoba Hydro; et Gord Hannon, du ministère de la Justice du gouvernement du Manitoba. Le 2 mars dernier comparaissaient d'autres fonctionnaires dont Ralph Abramson.
Nous avons apprécié vos témoignages et nous aimerions remercier l'équipe technique, les interprètes et tout le personnel qui nous a appuyés. Les membres du comité ont été très patients, comme il se doit lors de l'étude d'un projet de loi. Je vous remercie de votre patience.
À la prochaine réunion, demain après-midi.
La séance est levée.