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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 mars 1999

• 0915

[Traduction]

Le vice-président (M. John Finlay (Oxford, Lib.)): Le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord entreprend ses travaux. Suffisamment de membres sont présents pour recevoir les mémoires de nos témoins. Nous discuterons aujourd'hui du projet de loi C-56, Loi concernant l'accord conclu avec la nation crie de Norway House sur le règlement de questions liées à la submersion de terres et concernant la création de réserves au Manitoba. Le comité poursuit son examen des articles 2 à 8.

Je suis le vice-président du comité. Le président sera dans le nord du Québec au cours des trois prochains jours, mais nous ferons de notre mieux pour poursuivre les travaux.

Nous entendrons aujourd'hui Andrew Clarke, Bryan Hart, Luke Hertlein et Leonard McKay, tous membres de la nation crie de Norway House.

Je suggère d'accorder à chacun 10 minutes pour son allocution, qui sera suivie d'une période de questions de 20 minutes, après quoi nous passerons à l'interlocuteur suivant. Nous consacrerons donc une demi-heure à chacun, si vous êtes tous d'accord. Des commentaires?

Monsieur Andrew Clarke sera notre premier témoin.

M. Andrew Clarke (membre de la nation crie de Norway House): Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je me nomme Andrew Clarke et je suis membre de la nation crie de Norway House. J'habite à Winnipeg, au Manitoba. Je suis planificateur financier commercial. Mon numéro de traité est le 3961.

Je n'ai participé à aucune instance judiciaire ni à aucune coalition, contrairement à ce qui a été dit devant le Comité. Je témoigne ici au nom de ma famille, dont une partie se trouve encore à Norway House, dans d'autres réserves ou à l'extérieur, dans des endroits comme Thompson et Winnipeg.

Quand j'étais petit, je ne savais pas grand-chose des projets d'Hydro. Il pouvait arriver que, en marchant dans les bois, on rencontre des piquets d'arpentage. Pour l'enfant que j'étais, ils faisaient de merveilleuses épées.

Au milieu des années 1990, j'ai reçu des versements d'indemnisation après les inondations. C'était dans le temps de Noël, et nous avons dû nous rendre au centre-ville, à l'édifice des Affaires indiennes. Nous avons dû attendre en ligne—nous étions nombreux, parce que beaucoup de membres de notre bande habitent à Winnipeg—et, quand j'ai finalement atteint le premier rang, j'ai demandé aux gens qui nous remettaient l'argent ce qu'il fallait faire. Ils ont ri de moi et m'ont dit que c'était un cadeau de Noël, et de ne pas m'en faire avec l'argent parce qu'il y en avait beaucoup d'autre à venir.

En juin 1997, ma mère et un autre membre de la bande m'ont annoncé la tenue imminente d'un vote sur la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. J'ai commencé à m'inquiéter. J'ai assisté à l'assemblée publique au centre autochtone de Winnipeg. Durant tout le temps que j'y ai passé, je n'y ai vu aucun chef ni conseiller municipal. J'y suis resté une heure et demie. Les conseillers y étaient, mais ils ne pouvaient répondre à mes questions sur le partage des revenus, la gestion de la faune et l'investissement dans la fiducie.

Le premier vote référendaire s'est terminé le 29 juillet 1997. J'ai refusé de voter. Personne n'avait répondu à mes questions. Le référendum a échoué par cinq voies. L'un de nos anciens aurait dit que les cinq doigts de Dieu avaient traversé les cieux pour épargner les nôtres. Près de 1 000 personnes n'ont pas voté.

Une période difficile a débuté en 1997. Après de nombreuses conversations téléphoniques, j'ai finalement mis la main sur une lettre datée du 1er août 1997, expédiée par Sandra Jackson à Robert Roddick. Cette lettre revêtait une importance capitale. Sandra Jackson, des Affaires indiennes, l'avait écrite trois jours après la fin du premier vote. Elle y faisait des allégations relatives à des irrégularités dans la liste des votants, qui avait été préparée par Affaires indiennes et par la Première nation. Dans cette lettre, Mme Jackson affirme que, en raison de possibles irrégularités, le gouvernement du Canada accepterait la tenue d'un deuxième référendum.

• 0920

Le 8 septembre 1997, j'ai demandé à Mme Jackson de me fournir les documents qui avaient servi de fondement à l'approbation du Canada d'un deuxième référendum. Le 18 septembre, j'ai reçu une lettre de Mme Jackson me disant que le premier vote n'avait pas été un échec. Une fonctionnaire du gouvernement m'écrivait qu'une défaite par cinq voies ne pouvait être considérée comme telle.

Le deuxième référendum a été tenu le 23 septembre 1997. Tôt ce matin-là, j'ai organisé un piquet informatif sur le trottoir public, devant le Centre autochtone de Winnipeg, où les votants allaient exprimer leur opinion. J'ai observé M. Robert Roddick, à l'intérieur et à l'extérieur de l'édifice. Je l'ai regardé parler et donner des directives à deux gardes de sécurité qui surveillaient l'édifice. À un moment donné, M. Roddick s'est dirigé droit sur moi et il s'est mis à me photographier. Je lui ai demandé d'arrêter, mais il a refusé. Je me sentais très intimidé. Malgré mes efforts, j'ai été agressé sur la voie publique par l'un des deux gardes de sécurité présents ce jour-là. Il m'a empoigné et m'a jeté par terre, sur le trottoir.

J'ai voté non ce jour-là. Et je peux vous affirmer que les bulletins de vote étaient en anglais seulement. Pas un mot de cri sur les bulletins. J'ai vu un interprète cri quitter l'édifice à diverses reprises et revenir avec des sacs d'emplettes. J'ai aussi observé les allers et retours de l'observateur du gouvernement provincial tout au long de la journée.

Les gens qui se trouvaient dans le bureau de scrutin ne portaient aucun insigne d'identification. Tôt le matin, j'avais fait la tournée pour demander à chacun leur nom. Ces personnes se trouvaient dans l'aire de scrutin, là où le scrutin se déroulait.

J'ai observé les audiences du tribunal fédéral. J'ai écrit de nombreuses lettres au premier ministre du Manitoba. J'ai aussi écrit à Jane Stewart, membre du comité. J'ai reçu quelques réponses, mais pas à toutes mes lettres. Il me reste de nombreuses questions.

En vertu de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba (la CITNM), nous avons le droit de naviguer librement sur les cours d'eau, ce que ne nous permet pas l'AMOP. La CITNM nous accorde la gestion des ressources fauniques. L'AMOP nous retire ce privilège.

L'impossibilité d'interjeter un appel après le premier vote a sonné le glas du processus référendaire. Le guide qui nous avait été servi comme appât nous promettait le recours en appel. Le processus n'a jamais été suivi. Les quatre parties intéressées ont pris la décision d'organiser un deuxième scrutin, sans toutefois avoir le consentement ni le mandat des membres de la nation crie Norway House. Nous n'avons joui d'aucune liberté de parole. J'ai demandé à la station de télévision de faire jouer une bande vidéo, mais elle a refusé. La bande vidéo, tournée à Cross Lake, illustrait comment se déroulait le processus de négociations. Il était interdit de la visionner à Norway House. Le processus démocratique n'a pas été appliqué. On voyait seulement la colère des quelques fonctionnaires qui transigeaient avec les quatre parties.

L'AMOP abroge toutes les obligations passées, présentes et futures qu'imputaient au Canada, au Manitoba et à Hydro la CITNM envers notre nation.

• 0925

David, quand je vous ai rencontré dans votre bureau le printemps dernier, vous vous disiez l'ami des Autochtones. Vous m'avez dit que vous vous intéressiez à leur situation. Quand je lis dans Internet les déclarations que vous avez faites devant le comité au cours des deux dernières semaines, j'ai toute raison de croire que ce n'est pas vrai.

Merci.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Clarke.

Monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Merci beaucoup de ce témoignage et d'avoir fait tout ce chemin. J'ai lu de nombreux témoignages dans les documents qui sont préparés à notre intention. Croyez-moi, ils contiennent beaucoup d'informations.

L'une des interrogations que j'ai concerne les indemnités. Un témoin nous a dit la semaine dernière qu'une disposition de la convention originale sur l'inondation des terres indiquait que quatre acres seraient données contre chaque acre submergée. L'Accord de mise en oeuvre augmente cette indemnisation à seize contre un. À mon sens, un accord de mise en oeuvre vise la mise à exécution des conditions d'une convention, et non la reformulation de la convention au profit de l'une des parties. Pourquoi pensez- vous que la disposition relative aux seize acres a été ajoutée, alors que d'autres dispositions ont été abrogées? Comment expliquer cela?

M. Andrew Clarke: Si vous connaissez la situation géographique de Norway House, vous savez que nous sommes en plein milieu d'un champ, et que vous pouvez donner des milliers d'acres sans nuire aux intérêts de quiconque. En ce qui a trait aux terres, je crois que l'on s'est rendu compte que les terres submergées existaient depuis des milliers d'années et qu'elles abritaient un écosystème. Les travaux effectués ont modifié le tracé du littoral et il faudra longtemps avant de réparer les dégâts. Il faudra des centaines, peut-être des milliers d'années avant que cette terre ne soit de nouveau productive. Peut-être s'est-on rendu compte que nous devrions recevoir plus de terres. Mais vous pouvez en donner tant que vous voulez dans le nord du Manitoba; il n'y aura pas grand- monde pour s'en plaindre.

M. Derrek Konrad: Vous affirmez donc qu'ils donnaient des terres qui avaient très peu d'importance...

M. Andrew Clarke: Exactement.

M. Derrek Konrad: ... et qu'ils avaient saccagé celles qui comptaient vraiment?

M. Andrew Clarke: Oui.

M. Derrek Konrad: Faites-moi savoir quand le temps alloué sera échu. Je n'ai que de brèves questions à poser.

Quels éléments rendraient un deuxième referendum acceptable? Ou sera-t-il jamais acceptable?

M. Andrew Clarke: Il aurait fallu obtenir un mandat de la part du peuple. Un premier référendum avait déjà eu lieu. Il a échoué; il a été rejeté. Je crois qu'à ce moment, le chef et le Conseil auraient dû revenir avec un nouveau mandat et dire: «Écoutez, le premier a échoué, et des raisons expliquent sûrement ce fait. Nous aimerions revoir la question et reprendre les négociations. Nous allons ensuite vous proposer une autre entente, sur laquelle vous pourrez voter».

Rien n'a changé entre les deux référendums, à part les exigences relatives au scrutin, qui avaient été abaissées.

M. Derrek Konrad: À l'évidence, vous n'attendez pas impatiemment l'adoption de cette loi. Vous aimeriez qu'on suspende les travaux jusqu'à ce que la nation se soit de nouveau prononcée par vote?

M. Andrew Clarke: Je ne dis pas qu'il faudra nécessairement faire voter la nation. Je dis qu'il faut donner à la population la possibilité d'expliquer pourquoi elle a rejeté la première offre, et donner au chef et au Conseil un nouveau mandat qui leur permettra de présenter une nouvelle entente. Nous avons revu les parties qui n'obtiennent peut-être pas l'assentiment de la population.

M. Derrek Konrad: Et qu'arriverait-il s'ils revenaient avec la même entente et que les gens...

M. Andrew Clarke: C'est en gros ce qui s'est passé. Ils sont revenus avec la même entente, mais ils ont réduit les exigences par surcroît.

M. Derrek Konrad: Mais si les exigences étaient les mêmes que les précédentes et que la population était d'accord, la question serait réglée.

M. Andrew Clarke: Avec du recul, après considération, oui.

M. Derrek Konrad: Pourvu que les exigences soient les mêmes?

M. Andrew Clarke: Oui.

M. Derrek Konrad: Bien, merci.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup, monsieur Konrad.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): J'aimerais faire une observation générale sur le processus référendaire. L'une de mes collègues s'est rendue à Montréal durant le référendum du Québec. Elle est allée dans l'un des quartiers les plus ethniques de Montréal, où vivent des allophones. Elle a fait du porte à porte pour persuader les gens d'aller voter au référendum. A son grand étonnement, une rue sur deux environ n'avait même pas été recensée. Autrement dit, beaucoup de personnes qui voulaient voter, et qui auraient voté non au référendum parce qu'elles préfèrent un Canada uni, n'étaient même pas inscrites sur les listes. Beaucoup d'entre nous en ont conclu à des manipulations durant le référendum.

• 0930

Je suis donc d'avis que tous les processus référendaires sont sujets à des manipulations. C'est un mécanisme très aléatoire; on ne sait pas vraiment ce que les gens pensent si on tente de manipuler les résultats. Et il est à toutes fins utiles impossible d'empêcher ces tentatives.

Avez-vous des solutions de rechange? Aurait-on dû recourir à un autre moyen qu'au référendum pour connaître l'opinion de la population envers l'accord?

M. Andrew Clarke: Selon la tradition, la nation crie prend des décisions par consensus. Le processus référendaire est donc un peu obscur pour nous. Je pourrais proposer que l'on recoure au processus consensuel pour sonder la population. Je souligne que j'ai écrit une lettre à Sandra Jackson et à Robert Roddick au sujet d'un scrutin postal, une proposition qui a été rejetée. Je peux aussi vous dire que trois membres de ma famille se trouvaient en Alberta et qu'ils ne pouvaient se rendre à Winnipeg au moment du référendum. Ils n'ont donc jamais pu voter.

M. John Bryden: Je reviens au point soulevé par M. Konrad. Les discussions ne peuvent pas durer éternellement. Il faut aller de l'avant et admettre que le processus référendaire a échoué. Mais il faut poursuivre les travaux autour du projet de loi et ratifier un accord. Il faut laisser le passé derrière, en sachant très bien que tous ne seront pas d'accord. N'est-ce pas le temps de nous concentrer sur ce qui cloche dans le projet de loi C-56? Ne vaudrait-il pas mieux se concentrer sur cet aspect plutôt que de nous étendre sur le processus référendaire, qui aurait de toute façon échoué, peu importe la méthode choisie?

M. Andrew Clarke: J'entends dans vos propos qu'il est normal que le processus ne soit pas rigoureux s'il s'adresse à des Autochtones. Cela me semble inacceptable. Tant de considérations sont en cause et je ne crois pas que l'on puisse clore le dossier maintenant.

M. John Bryden: Nous allons donc revenir au processus consensuel. Comment parvenez-vous au consensus? Par vote? Par le truchement des porte-parole de la collectivité crie de Norway House? Comment mandatez-vous une personne qui fera part au gouvernement, ou à toute tierce partie, de l'opinion de la population à laquelle il faut se conformer? Il faut trouver une méthode qui tienne compte du fait qu'il se trouvera toujours des personnes pour s'objecter. L'un des écueils du processus démocratique est qu'il y aura toujours des gens pour s'objecter, quoi que l'on fasse.

M. Andrew Clarke: Le processus consensuel prend plus de temps, mais il est faisable. Pour vous en convaincre, il suffit d'aller voir du côté de la population de Cross Lake, où un processus consensuel est actuellement à l'oeuvre. C'est faisable.

Cette question nous occupe depuis seulement 20 ans après tout. D'autres bandes ont entrepris ce processus depuis bien plus longtemps que nous et viennent tout juste de l'achever. Je pense par exemple à Nishga.

M. John Bryden: Merci.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je ne peux pas laisser passer comme cela l'intervention de M. Bryden sur le référendum soi-disant antidémocratique au Québec. On devrait laisser de côté ce référendum par rapport à ce que nous étudions aujourd'hui parce que, selon moi, le référendum au Québec a été très démocratique. Il y a environ 95 p. 100 des gens qui sont allés voter. Si on veut parler de démocratie, on pourrait fouiller très longtemps à propos de l'argent qui a été dépensé par le Conseil pour l'unité canadienne. Les dépenses de cet organisme ont été trois fois supérieures à celles du Québec. Nous avons d'ailleurs posé des questions à la Chambre à ce sujet. On devrait donc laisser de côté le référendum au Québec, à moins que M. Bryden et moi puissions éventuellement avoir un débat contradictoire à ce sujet. Je ne suis pas certain qu'on pourrait déterminer qui a raison lors d'un tel débat.

• 0935

Ma question au sujet du processus référendaire s'adresse à mes amis. Dans votre présentation, vous dites clairement que lors du deuxième référendum, les paramètres ont été changés et que, finalement, les gens ont réussi à faire passer ce qu'ils voulaient faire passer. Maintenant, vous dites que le conseil de bande aurait pu faire une consultation avant de tenir le deuxième référendum.

Il y a toujours un problème à l'égard des membres des conseils de bandes. Nous considérons que ce sont des personnes qui ont été élues démocratiquement par l'ensemble de la population de la réserve. Dites-vous que vous remettez en question le processus démocratique d'élection du conseil de bande? Il me semble qu'il y a là un problème. On est toujours confrontés à cela ici. Il y a des gens qui viennent et qui nous disent que le processus n'a pas été respecté, mais je leur réponds toujours que ce sont eux qui élisent les membres des conseils de bande. Il n'ont qu'à ne pas les élire la prochaine fois.

J'aimerais vous entendre là-dessus. Avez-vous encore confiance en votre conseil de bande?

Pour ce qui est des versements d'indemnités, les porte-parole officiels qui sont venus nous rencontrer nous ont clairement dit que l'ensemble de la communauté savait exactement de quelle façon les indemnités seraient versées. Êtes-vous d'accord sur cela? Ils disent qu'ils n'ont pas changé la séquence de versements des indemnités après le deuxième référendum. Ils nous ont dit: «Les gens le savaient et ont tout simplement voté sur les mêmes propositions qu'on avait faites lors du premier référendum.»

Ma dernière question est la suivante. Dans les autres communautés, comme Split Lake, Nelson House et York Landing, il y a un programme d'action pour éradiquer la pauvreté. Selon vous, la pauvreté est-elle encore omniprésente sur les réserves en question? Quelle est l'attitude qui prévaut actuellement à Norway House? Est-ce que la communauté semble divisée sur ce deuxième référendum et sur les indemnités qu'elle a reçues? Quelle est l'atmosphère dans la réserve? Est-ce que vous pouvez nous le dire?

[Traduction]

M. Andrew Clarke: J'ai parlé à mes grands-parents avant le premier référendum, pour qu'ils me disent ce qu'ils pensaient des indemnités qui seraient versées. Je leur ai dit: «Vous avez reçu des documents du chef et du Conseil, vous voyez des vidéos à la télé, il y a des assemblées publiques». L'une des premières choses que mon grand-père m'a dites est qu'il ne savait ni lire ni écrire, pas plus que ma grand-mère. Je ne le savais pas. Mon grand-père avait travaillé pour le provincial pendant des années et ma grand- mère travaillait à l'hôtel. Ils ne peuvent ni lire ni écrire. Pour eux, les indemnités serviraient à acheter des cadeaux pour le reste de la famille, et ils ne comprenaient pas vraiment ce qu'ils devaient donner en échange de l'argent.

Je ne suis pas contre le chef ou le Conseil. Ils ont fait un énorme travail étant donné les circonstances. Ils ont subi une pression énorme, de la part de la collectivité autant que de celle du gouvernement du Canada. Je ne crois pas que nous puissions dire que le chef et le Conseil auraient dû être limogés et qu'un autre scrutin aurait dû avoir lieu. Mais il est vraisemblable que, oui, il aurait fallu tenir d'autres élections pour appliquer dans les règles le processus démocratique. Parce que, dans les faits, on nous a reposé la question même que nous avions rejetée la première fois.

On ne devrait pas verser d'argent—c'est une opinion personnelle—surtout pas à l'approche d'un scrutin et si les versements sont conditionnels à l'issue du scrutin. Si le résultat du référendum avait été négatif, personne n'aurait reçu d'argent. Mais, dans l'éventualité d'un résultat positif, on avait promis 1 000 $ à chacun. Pour les aînés, c'était 1 500 $. Le résultat positif du référendum, à mon avis, a largement été influencé par ces promesses, ce qui n'est pas juste. On n'aurait pas accepté un tel processus ailleurs au Canada. J'en déduis qu'il est acceptable seulement pour des Autochtones qui vivent sur des réserves isolées.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci.

D'autres questions?

Nancy, s'il vous plaît.

• 0940

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Non.

Le président: Madame Hardy.

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Quel était le but de votre témoignage ici? Aviez-vous un objectif, vouliez-vous en retirer quelque chose de précis?

M. Andrew Clarke: Oui. Je voulais que le Comité entende ma version personnelle par rapport à ce qui s'est passé au cours des 20 dernières années, depuis le temps où, enfant, j'enlevais des piquets d'arpentage pour m'en faire des épées. Je ne savais pas alors ce qu'étaient les piquets d'arpentage. Maintenant, je sais vraiment ce que ces piquets représentent.

Ces piquets représentent des enjeux très élevés. Hydro réalise des profits de plus de 100 millions de dollars par année sur le dos de mon peuple. C'est ce qui permet au Manitoba d'offrir l'un des coûts énergétiques parmi les plus bas sur la planète. Je crois qu'il est extrêmement important que tous les membres du Comité comprennent que, oui, un processus a été mis en oeuvre—et je me suis vraiment réjoui de voir la mise en oeuvre de ce processus—mais qu'il était défectueux. J'aimerais beaucoup que l'on arrive à une entente, mais je voudrais que cette entente soit fondée sur la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, conclue en 1977. C'est le but que je veux atteindre en venant témoigner ici.

Mme Louise Hardy: Qu'est-il arrivé après qu'on vous a projeté au sol?

M. Andrew Clarke: On a appelé la police, qui est venue et qui a fait un rapport. Je suis allé voir un médecin deux jours plus tard parce que j'avais une raideur dans l'épaule. C'était un peu surréaliste. Je ne pouvais croire ce qui se passait, mais deux gardes de sécurité distincts patrouillaient à l'intérieur et à l'extérieur de l'édifice.

Mme Louise Hardy: Est-ce normal?

M. Andrew Clarke: Je ne sais pas. Je ne crois pas.

Mme Louise Hardy: Était-ce le cas lors du premier référendum? Y avait-il des patrouilles?

M. Andrew Clarke: Comme je n'ai pas voté au premier référendum, je ne pourrais vous le dire. Je ne me suis même pas approché de l'édifice. Mais je peux certifier que c'est ce qui s'est passé lors du deuxième référendum.

Mme Louise Hardy: Merci.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: J'ai une question de suivi.

Vous avez parlé de consensus. Pouvez-vous me décrire le processus auquel vous faites référence? Comment arrivez-vous à un consensus qui soit significatif? Y a-t-il scrutin? Que faites-vous au juste? Comment amenez-vous les gens à participer? Dans chaque processus démocratique, il se trouve des personnes qui ne participent pas, qui ne votent pas, qui ne peuvent se rendre, qui ne sont pas au courant, qui ne sont pas intéressées par le sujet du débat. Je rejette formellement l'affirmation que vous avez faite voulant qu'une personne illettrée ne peut comprendre ce qui se passe. Je ne suis pas du tout d'accord.

Expliquez-moi ce que vous entendez par consensus. Quel serait le processus mis en oeuvre? Comment cela fonctionnerait-il?

M. Andrew Clarke: C'est une très bonne question. Je vais donner en exemple l'organisme dont je fais partie, Aboriginal Business Leaders and Entrepreneurs, ou ABLE. Il est constitué de chefs d'entreprise et d'entrepreneurs autochtones du Manitoba. Nous avons utilisé la méthode du consensus pour définir les relations entre nous et avec le restant de la société.

Le groupe a été créé voilà quatre ou cinq années, après un processus très lent. C'est beaucoup plus long que le processus démocratique, parce que tous doivent participer. Les entreprises en cause peuvent avoir entre 30 et 40 employés et générer des millions de dollars de revenus, ou il peut s'agir d'entreprises à domicile avec un seul patron-employé. Tous les membres sont des Autochtones, et nous tenons de grands rassemblements où chacune et chacun peuvent exprimer des sujets de préoccupation. Personne n'est laissé pour compte. Chaque sujet est débattu jusqu'à ce que le membre en question soit satisfait. Le processus est parfois très long. La plupart du temps, on se rend compte que la personne qui a soulevé un problème avait tout simplement mal compris un aspect ou qu'elle entretenait des idées fausses.

Je peux vous assurer que les gens sont satisfaits à la fin de la journée, quand la réunion se termine. Il est très rare que l'on ait à voter. La personne qui a soumis une préoccupation ou une difficulté est contente qu'on lui ait accordé toute l'attention voulue. Ensuite, nous discutons du mandat à réaliser par le groupe. En fait, ce sont les membres eux-mêmes qui exécutent le processus.

• 0945

M. John Bryden: Vous nous dites en fait que vous ne croyez pas au processus démocratique. Vous affirmez que le processus consensuel est le fait d'une élite intellectuelle qui décide ce qui est bien pour le peuple, après avoir écouté chaque membre de la collectivité. Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Andrew Clarke: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. John Bryden: C'est ce que j'ai compris.

M. Andrew Clarke: C'est peut-être ce que vous avez compris, mais le processus ne fonctionne pas de cette façon. Des personnes de tous statuts peuvent venir présenter leurs préoccupations et dans les faits faire changer...

M. John Bryden: On lira dans le compte rendu que vous ne croyez pas au mode du scrutin. C'est ce que vous avez dit.

M. Andrew Clarke: Non, je crois qu'il existe divers processus. Le processus démocratique en est un.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci.

Monsieur Konrad, vous avez deux minutes pour poser une question très brève.

M. Derrek Konrad: Merci.

Je me demandais tout simplement ce que vous pensiez de modalités d'indemnisation différentes pour les personnes qui décideraient de rejeter l'AMOP—qui préconise une indemnisation fondée sur les réserves. Elles pourraient par exemple choisir des versements en espèces per capita, dont vous avez déjà bénéficié, j'imagine, jusqu'à ce qu'ils soient arrêtés, ou un simple achat en espèces ou, encore, un immeuble en propriété qui ne ferait pas partie de la réserve. Je sais que vous habitez Winnipeg et que, par conséquent, vous ne pourrez profiter des bénéfices de l'AMOP tant que la bande n'aura pas enregistré des dividendes.

M. Andrew Clarke: J'ai toujours été convaincu que l'entente aurait dû stipuler un partage des revenus. La bande aurait dû être reconnue comme un partenaire égal d'Hydro et obtenir des profits continus découlant de l'entente. À mon avis, si elle partageait les revenus, la bande tirerait beaucoup plus de profits et jouirait d'un plus grand contrôle sur cette ressource. On n'aurait jamais dû verser des indemnités per capita. Pour le plus grand bien de la collectivité, les projets d'infrastructure auraient dû être mis en place bien avant. Le chef et le Conseil ont fait de leur mieux pour que ces projets soient mis en oeuvre, mais nous avons souffert pendant des années.

M. Derrek Konrad: Très bien. Je veux vous amener à répondre à ma question: les infrastructures sur la réserve sont importantes pour les personnes qui y vivent. Celles qui n'y vivent pas mais qui sont membres de la bande ne bénéficient pas de ce type d'indemnités. Est-ce acceptable pour tous ceux qui vivent hors réserve?

M. Andrew Clarke: Même si on vit à l'extérieur de la réserve, comme c'est mon cas, on revient toujours à la collectivité. Le bien-être des familles qui vivent dans la réserve est un enjeu majeur. Personne ne souhaite recevoir un téléphone lui apprenant que son frère vient de faire une tentative de suicide parce qu'il ne peut pas se trouver de travail sur la réserve. Je ne retire pas beaucoup de bénéfices parce que je vis loin de la réserve, mais ma famille en profite, c'est certain. Et c'est suffisant pour moi.

M. Derrek Konrad: Mais est-ce suffisant pour tout le monde?

M. Andrew Clarke: Je peux seulement parler en mon nom. Je ne peux pas dire ce que pensent les autres, mais c'est ce que j'en pense personnellement.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup, monsieur Clarke. Vous êtes tout à fait dans les temps. Nous avons dépassé la limite de deux minutes seulement, au cas où certains nous minuteraient.

J'appelle maintenant M. Bryan Hart, s'il vous plaît.

M. Bryan Hart (membre de la nation crie de Norway House): Merci, monsieur le vice-président. Je tiens à remercier le Comité de me donner l'occasion d'exprimer mon point de vue sur cette importante question et sur d'autres thèmes liés à la partie A du projet de loi C-56.

Dans l'avion qui nous a conduits ici hier, je n'ai pu m'empêcher de remarquer que le secrétaire parlementaire était bien confortable dans son siège de la première classe, alors que Leonard McKay et moi-même étions dans la dernière rangée.

Nous allons tenter aujourd'hui de remettre les pendules à l'heure en ce qui concerne la partie A du projet de loi C-56. Si j'en juge par les comptes rendus des trois dernières audiences, ce ne sera pas facile. Je me réjouis cependant que nous soyons tous assis ici à égalité, sans égard à notre statut. En fait, je considère que nous sommes tous des égaux et je vous remercie encore une fois de m'avoir invité à me prononcer.

• 0950

Bonjour. Je me nomme Bryan Hart. Je suis ici à titre de membre inquiet de la nation crie de Norway House. Mes préoccupations concernent notre fiduciaire, sa majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, tel qu'il est écrit sur la couverture de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.

On pourrait parler longtemps de ce qui s'est passé à Norway House durant le processus référendaire, et beaucoup sera dit aujourd'hui à ce sujet, j'en suis sûr. Mais je ne perdrai pas une minute à critiquer notre chef et le Conseil. Je sympathise avec eux. Il n'est pas facile d'être le chef et le Conseil d'une première nation, quelle qu'elle soit. Mais pour être bien clair, j'ajouterai que notre chef et notre Conseil ont été mis en boîte dans le processus.

Si vous examinez mon mémoire—je ne sais pas si vous avez tous une copie—j'y traite de deux problèmes seulement: la partie A et la partie B. La partie C comporte des recommandations. Mais, avant de passer au mémoire, je dois préciser certains points clés.

On a parlé longuement de la décision du juge Muldoon du tribunal fédéral, notamment durant cette audience. En ma qualité de requérant dans cette cause, je veux m'assurer que le compte rendu indique bien que la cause portait essentiellement sur la légalité d'un deuxième référendum. C'est tout. En ce qui a trait à d'autres questions relatives à la suppression de droits, aux restrictions sur des moyens d'information à Norway House ou encore aux méthodes d'intimidation, elles n'ont pas été traitées devant Francis Muldoon avant qu'il énonce son jugement. Il faut absolument faire la lumière sur ce point. Il est honteux que le secrétaire parlementaire et certains membres du Comité se soient servis continuellement de cette décision pour dissimuler des aspects importants de la partie A du projet de loi C-56.

J'aborderai brièvement la question des droits issus de traités et le fait que l'Accord de mise en oeuvre principal donne l'impression de protéger ces droits, ou de contenir ce que nous appelons la «clause de non-dérogation». Il n'est d'aucune utilité pour le Comité que l'un de ses membres déclare catégoriquement que les droits issus de traités sont protégés, parce que c'est faux. Je n'ai jamais vu une clause de non-dérogation comme celle qui figure dans l'Accord de mise en oeuvre principal. Elle dit ceci: Rien dans cet accord ne vise à modifier les droits issus de traités et autochtones ni à exercer une influence sur eux. Si c'est le cas, si nous pouvons vraiment nous sentir confortables et à l'aise en ce qui a trait à la protection des droits issus de traités, alors pourquoi ne peut-on dire que rien dans cet accord ne modifie ces droits ou exerce une quelconque influence sur eux?

Cette clause de non-dérogation ne parle aucunement des droits découlant de la CITNM, qui sont à notre avis des droits issus d'un traité. Je serais beaucoup plus en paix si cette clause stipulait qu'aucun aspect de l'accord ne modifiait les droits autochtones et issus de traités, pas plus que les droits issus de la CITNM. C'est un point crucial parce que si, dans cinq ans, la Cour suprême du Canada édicte que la CITNM est un traité, la Couronne et les autres parties seront indemnisées par l'Accord de mise en oeuvre principal. Leur argumentation, si on simplifie à l'extrême, est fondée sur le fait qu'aucun aspect de l'accord n'est intentionnel. Nous n'avons jamais eu l'intention de toucher à vos droits issus de traités. Nous n'avons jamais eu cette intention.

• 0955

Ces arguments sont spécieux. Les droits découlant de la CITNM sont des droits issus d'un traité.

Je me pose aussi des questions sur les allégations de déformation des faits par Peter Russell. Je m'adresse encore une fois au secrétaire parlementaire. Il est outrancier de votre part, David, de remettre en question Peter Russell et d'affirmer qu'il était totalement dans l'erreur quand il a affirmé qu'il n'y avait pas de bulletins de vote en cri. Peter Russell a dit la vérité. Il n'y avait pas de bulletins de vote en cri. Le Comité ne gagnera rien à affirmer le contraire.

J'aimerais maintenant attirer votre attention sur mon mémoire. J'en lirai seulement quelques parties.

Le seul document formel accessible au public qui traite du statut de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba est un rapport d'enquête de la Justice autochtone, daté de 1991. On y écrit ceci:

    Nous croyons que la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba constitue un accord découlant d'une revendication territoriale, en vertu du paragraphe 35(3) de la Loi constitutionnelle de 1982, et que les droits consentis par la CITNM sont des droits issus d'un traité, en vertu du paragraphe 35(1). À titre de traité, la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba doit être interprétée libéralement par les Autochtones, de façon que son esprit et son intention réels soient respectés.

Aucun autre juriste n'a mis en jeu sa réputation de façon formelle et publique pour réfuter les conclusions du rapport d'enquête.

À cet égard, le juge en chef du Manitoba, Hamilton, et le juge en chef adjoint, Sinclair, ont répondu à cette question de façon ouverte et formelle. La même question a été soulevée 7 fois au total devant le Comité permanent, devant cette tribune même, soit 4 fois en 1994 lors des audiences de Split Lake, et 3 fois dans les présentes audiences sur la première nation de Norway House. Mais le Comité estime toujours que la réponse n'est pas claire. Chaque fois que la question est soulevée par un membre du Comité, la personne qui répond admet qu'elle ne connaît pas la réponse, ou que le statut de traité de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba n'est pas un élément pertinent. Chaque fois, on a totalement occulté la question la plus fondamentale dans ces audiences, en dépit des conclusions du rapport d'enquête et d'autres déclarations déjà anciennes voulant que la Convention soit un traité des temps modernes.

Mesdames et messieurs, voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Pour que l'on aborde la question des droits issus des traités. La Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba est bel et bien un traité. Je défie quiconque aujourd'hui de mettre sa réputation en jeu pour affirmer qu'il en est autrement. Entre-temps, vous avez la responsabilité, en vertu de votre obligation de rendre des comptes, en votre qualité de députés, de faire en sorte que l'on trouve enfin une réponse probante à cette question. Nous parlons de droits. Ce n'est pas un jeu.

J'ai joint à mon mémoire les annexes A1, A2 et A4. Il s'agit d'extraits de comptes rendus d'audiences au cours desquelles la question avait été posée et de l'exercice d'esbroufe, ou de la réponse, qui a suivi. L'annexe A3 contient un témoignage de Warren Allmand sur cette même question. Je ne suis pas le seul à faire cette affirmation, à affirmer que la CITNM est un traité. Je ne suis pas le seul. La reconnaissance de la CITNM à titre de traité sera déterminante pour le traitement des difficultés entourant son exécution, selon ce qui avait été convenu en 1997. Parce qu'il s'agit d'un traité, la CITNM doit être interprétée libéralement, de sorte que son esprit et son intention réels soient respectés.

Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Hart, vos dix minutes sont écoulées. Je veux bien vous accorder plus de temps pour votre allocution, mais je n'allongerai pas la période de questions si vous en décidez ainsi.

M. Bryan Hart: Bien, je vais conclure.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci.

• 1000

M. Bryan Hart: Merci, monsieur.

Autrement dit, les parties non cries—j'entends le Canada, le Manitoba et Hydro-Manitoba—ne peuvent s'en tirer en affirmant que la CITNM est truffée de phrases vagues ou ambiguës. La CITNM doit être considérée comme étant un traité des temps modernes, jusqu'à ce qu'on prouve publiquement le contraire de façon formelle et légale. Et je mets au défi quiconque de faire une telle démonstration.

Le thème de l'ambiguïté et du manque de clarté est primordial. C'est la raison qui nous amène ici, qui a mené à l'AMOP et à la partie 1 du projet de loi C-56. J'affirme devant ce Comité que la CITNM est un traité et que la Couronne, notre fiduciaire, enfreint ses obligations en invoquant la lettre du document plutôt que son esprit et son intention. C'est honteux.

J'aimerais enfin souligner que—je terminerai sur cela—l'AMOP contient une clause subtile qui exige clairement une évaluation environnementale. J'aborde cette question dans mon mémoire.

Je ferai trois recommandations avant de conclure.

À l'égard de la partie 1 du projet de loi C-56, on recommande au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de tenir des audiences publiques à Norway House, Manitoba, qui lui permettront de prendre des décisions plus éclairées sur les questions du consentement de la collectivité, de l'étouffement des points de vue opposés à l'Accord de mise en oeuvre principal et d'autres droits humains fondamentaux.

Le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord a deux choix: accepter les conclusions du rapport d'enquête de la Justice autochtone voulant que la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba est un traité, ou encore entreprendre un examen complet pour déterminer si la Convention est un traité.

Enfin, le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord doit faire un examen exhaustif de l'Accord de mise en oeuvre principal en regard des exigences de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Merci.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup.

Monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad: Si j'en juge par la teneur de vos recommandations, vous êtes prêt à ce qu'on reporte l'adoption du projet de loi C-56 pendant une période indéfinie, jusqu'à ce qu'on ait réglé ces questions?

M. Bryan Hart: J'estime que le contexte des questions, la profondeur des questions entourant les droits issus de traités, requièrent que vous, en votre qualité de députés responsables, ayez en main tous les faits—c'est une exigence que vous avez envers vous-même—avant de prendre une décision qui aura des incidences sur nos droits issus de traités.

M. Derrek Konrad: Je considère que vous avez répondu par l'affirmative à ma question.

M. Bryan Hart: Oui, absolument.

M. Derrek Konrad: Merci. Pourriez-vous parler un peu plus du rapport d'enquête de la Justice autochtone, s'il vous plaît? Pouvez-vous me donner des détails sur les antécédents? Qui était responsable et quel était son objet? Je suis un néophyte dans le domaine.

M. Bryan Hart: Le rapport d'enquête de la Justice autochtone, comme je le comprends, répondait—une réponse très attendue et nécessaire—à des questions en suspens qui concernaient le bien- être des Autochtones, les droits autochtones au Manitoba. Beaucoup d'incidents et de cas ont fait la manchette qui ont obligé le gouvernement provincial à se pencher enfin sur les questions autochtones. C'est ce qui a donné suite à l'enquête de la Justice autochtone; le juge en chef Hamilton, du Manitoba, et le juge en chef adjoint Murray Sinclair étaient les deux commissaires.

M. Derrek Konrad: Merci. J'ai une autre brève question, que je répète. C'est une question que je pose souvent. En ce qui a trait à l'indemnisation, si on vous offrait le choix de recevoir des indemnités sous une autre forme que le versement commun à la bande, seriez-vous d'accord? Ou connaissez-vous des gens qui seraient d'accord avec cette pratique?

M. Bryan Hart: Pouvez-vous répéter la question, s'il vous plaît?

M. Derrek Konrad: Faut-il explorer des modes d'indemnisation différents du versement global d'indemnités à la bande, qui les gère au nom de la collectivité? Serait-ce acceptable par des gens que vous connaissez, ou est-ce une option qu'ils préfèrent?

M. Bryan Hart: Je crois que la nation crie de Norway House est en droit d'être indemnisée pour ce qui s'est passé, et qu'elle est la mieux placée pour déterminer le mode d'indemnisation. Mais mon témoignage ne portait pas vraiment sur les compensations financières. Je voudrais que ce soit bien clair.

• 1005

M. Derrek Konrad: Mais c'est le thème de ma question.

M. Bryan Hart: C'est vrai, mais vous pourriez peut-être l'adresser à quelqu'un d'autre dans la salle.

Je m'inquiète principalement des droits en vertu du projet de loi C-56.

Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Bryden.

M. John Bryden: J'étais ici lors du témoignage de Warren Allmand, l'un des architectes de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. L'une des choses qui m'ont frappé est que le contexte d'élaboration de l'accord était assez différent du contexte actuel.

Quand vous parlez des obligations fiduciaires de la Couronne, vous parlez en fait du Parlement. Ce n'est plus la reine; c'est le Parlement, représenté par les membres du Comité. Le Parlement, pour sa part, reflète, en vertu du processus démocratique, les courants de pensée de la société contemporaine.

J'aimerais avoir votre réaction à cet égard. Cela m'a frappé: la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba telle qu'elle a été établie comporte des parties ambiguës et des imperfections. M. Allmand étant un grand idéaliste, peut-être la convention a-t-elle été tracée à très larges traits, beaucoup plus larges que si elle avait été rédigée aujourd'hui.

N'avez-vous pas l'impression que, si nous ne résolvons pas cette question, les gens qui ont signé l'accord en souffriront à long terme? Deux interprétations sont possibles: c'est un traité ou ce n'est pas un traité. Si la convention comporte des ambiguïtés et des points litigieux sur ce qui a vraiment été cédé, le temps ne travaille-t-il pas contre le peuple que vous représentez? Ne faudrait-il pas en arriver à passer outre et à aller de l'avant?

M. Bryan Hart: Si nous parlons d'idéalisme, en fin de compte et en vertu de notre idéalisme, nous avons attendu longtemps. Nous avons attendu pendant 20 ans, mais la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba n'a pas encore été exécutée à notre satisfaction. En fait, nous en sommes rendus à sa mise à mort. Si Warren Allmand n'a pas exactement prononcé ces mots, je crois que c'est vraiment ce dont il parlait.

Vous avez mentionné les obligations fiduciaires de la Couronne et du Parlement, etc. Il est pertinent de soulever cette question si on parle au nom du gouvernement. À tire de député libéral, il est tout à fait indiqué de poser cette question et de dire que nous attendons depuis tant de temps et qu'il est peut-être désavantageux pour nous de soulever ces problèmes aujourd'hui et de revenir en arrière sur des choses qui sont justes, auxquelles nous croyons de façon peut-être idéaliste. Il est très normal pour un représentant du gouvernement de nous dire cela parce que le gouvernement du Canada n'a rien fait d'autre que de refuser d'honorer la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.

J'aimerais faire référence au témoignage d'Allan Ross en 1994, alors qu'il était chef de la nation de Norway House. Il avait parlé de cette obstruction. De la façon dont le comité de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, le groupe qui représentait les cinq nations à ce moment, avait subi la méthode du «diviser pour mieux régner» de la part de notre fiduciaire—la Couronne ou le Parlement.

J'aimerais attirer votre attention à tous sur le rapport du groupe de travail Nielsen, daté de 1985. Ce document interne n'avait pas été rendu public. Il énonce clairement que, entre 1977 et 1983—une période de 5 ans—les nations qui avaient signé la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba n'avaient pas reçu d'indemnités suffisantes per capita. À ce moment, les premières nations du Canada recevaient 25 000 $ par personne par le biais du programme ordinaire de subventions aux premières nations.

Les 5 nations signataires de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, y compris la nation de Norway House, recevaient 10 000 $ par personne du programme de subventions ordinaire. C'est une preuve évidente de contrainte, d'appauvrissement.

Votre question, John, est très pertinente, et je crois que j'y ai répondu.

• 1010

M. John Bryden: Il y a quelque chose que vous n'avez pas bien compris: les comités permanents sont rattachés au Parlement, pas au gouvernement. La seule personne ici qui représente le gouvernement est le secrétaire parlementaire.

Je fais partie de ce comité pour tenter de trouver des solutions aux problèmes rencontrés par les gens sur le plan législatif. Je ne parle donc pas au nom de mon gouvernement. Vous constaterez, si vous examinez les questions que moi-même, M. Konrad, M. Bachand ou Mme Hardy posons, que nous essayons tous de trouver des réponses afin de vous aider. La difficulté vient de ce qu'une erreur du passé a semé la confusion en ce qui a trait à la nature de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba et à ses promesses. Nous tentons de résoudre cette difficulté avec le projet de loi C-56.

Je prends note de vos préoccupations par rapport à l'AMOP et à l'évaluation environnementale. Ce sont des questions qui méritent considération.

Je crois que j'ai dépassé le temps qui m'était imparti, mais je vous promets de donner suite à vos propos pour déterminer s'il faut ou non apporter des modifications à la loi. Nous discutons d'un processus législatif et de gens qui essaient de trouver des solutions à vos problèmes.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Bryden.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur Hart, merci de votre présentation. J'ai tendance à penser comme vous que le Northern Flood Agreement est vraiment un traité. Les cours de justice disent que les traités autochtones au Canada doivent être interprétés très largement, très libéralement, très ouvertement.

La présentation d'un amendement à la loi serait-elle une solution? Celui-ci stipulerait par exemple que tout ce qui a trait au projet de loi et qui doit être interprété devrait l'être en vertu du Northern Flood Agreement plutôt que de l'accord de mise en oeuvre principal. Il me semble que c'est cela qui est l'objet fondamental de votre présentation. Je suis tout à fait d'accord avec vous parce qu'on a reçu plusieurs lettres et entendu plusieurs présentations à ce sujet. Celles-ci nous indiquaient que l'accord de mise en oeuvre principal avait pour effet de mettre le Northern Flood Agreement au placard et de faire en sorte que le gouvernement fasse fi des principales promesses faites dans cette entente.

Pensez-vous qu'il serait bon de modifier le projet de loi que nous étudions pour faire en sorte que, s'il y avait des interprétations ou de l'arbitrage à faire, on se reporterait au Northern Flood Agreement plutôt qu'à l'accord? Est-ce que ce serait une bonne solution?

[Traduction]

M. Bryan Hart: Merci d'avoir posé cette question. À mon sens, l'enjeu le plus important ici est la nécessité de recueillir plus d'information et d'approfondir l'examen sur la question du traité. C'est une question qui prévaut sur toutes les autres. Je suis d'accord sur le fait qu'il existe une grande différence entre la mise à exécution d'un contrat et la mise en oeuvre d'un traité, parce que le tribunal le plus élevé du Canada a émis un jugement sur la façon dont le fiduciaire, la Couronne, est obligé d'honorer ses obligations en vertu d'un traité.

Je pourrais recommander beaucoup de modifications à ce projet de loi. Certaines pourront sembler irréalistes. Une modification me semble importante si le projet de loi devait être adopté et que les travaux devaient se poursuivre, sans égard à ce que j'ai dit aujourd'hui ou à ce qu'une autre personne a dit. J'aimerais que le gouvernement, le secrétaire parlementaire, soit très honnête par rapport à la partie 1 du projet de loi C-56.

Je recommande au secrétaire parlementaire d'inclure un article qui stipulerait que le gouvernement a agi de façon éhontée en ce qui a trait à l'exécution de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. À titre de fiduciaire de la Première nation, de fiduciaire de la nation crie de Norway House, nous avons manqué à toutes nos obligations de fiduciaire envers le peuple de la nation crie de Norway House. Cela étant dit, nous allons recommander l'adoption de la partie A du projet de loi C-56. C'est ma recommandation.

• 1015

Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Hart.

Monsieur Iftody.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Premièrement, monsieur le vice-président, durant le trajet qui m'a conduit ici aujourd'hui—à titre d'information seulement, pour donner suite aux propos de Bryan à ce sujet—j'étais assis en classe affaires, dans le siège 1C, et se trouvait juste à côté de moi un Autochtone, Phil Fontaine. Je ne souscris donc pas aux allégations du témoin selon lesquelles nous serions traités de façon inégale. En fait, je connais Vince depuis 20 ans, nous sommes de bons amis et nous sommes des égaux. Je voulais juste commencer par ces précisions pour les fins du compte rendu.

Je ne sais pas trop par quoi commencer. J'ai quelques...

Le vice-président (M. John Finlay): Vous n'avez pas beaucoup de temps, alors...

M. David Iftody: Je le sais.

Je m'interroge sur quelques points. Bryan, vous avez utilisé un ton très passionné, comme à l'habitude. Lors des réunions que j'avais eues avec vous auparavant, j'avais remarqué votre passion. Je comprends ce que vous ressentez à ce sujet, et je le dis en toute sincérité. À titre informatif, je souligne que j'ai eu une réunion avec le témoin à l'hôtel Sheraton. Nous avons pris le petit déjeuner ensemble. J'ai aussi reçu Andrew à mon bureau, à Steinbach. J'avais déjà entendu les deux témoins.

Depuis que je les ai rencontrés et après avoir examiné plus en profondeur l'information qui m'a été donnée, j'avoue que je suis de moins en moins convaincu devant les affirmations des témoins. Je ne veux pas remettre en question l'intégrité de leurs convictions. Je sais qu'ils sont tous deux très engagés envers cette cause; je comprends et je respecte cela. Mais je crois qu'ils se trompent tout simplement sur certains faits.

Andrew, monsieur le président, déclare dans son propre mémoire, à la page 2, qu'il a reçu des indemnités en vertu de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, à un certain moment au milieu des années 1990. Il poursuit en disant que des amis ont ri de lui. Je ne comprends pas ce qui s'est passé à ce moment. Ce que je veux dire, et là où j'en ai à l'endroit de son témoignage sur les versements d'indemnités, c'est qu'il n'est pas juste de laisser entendre que l'argent était versé comme un pot-de- vin, pour convaincre les gens de voter oui au deuxième référendum. Beaucoup de témoins ont proféré de telles allégations, à tort à mon avis.

J'ai devant moi—je l'ai montré à M. Russell et à mon collègue et bon ami M. Allmand—l'échéancier réel des versements, monsieur le président, qui a été établi au début du processus. En vertu de l'article 10.7.2, on y autorise des versements de 300 $ le 22 décembre 1994, ce à quoi fait référence Andrew je crois, et d'autres versements le 20 décembre 1995. C'est peut-être ceux auxquels il est fait référence. Ce n'est pas important. Ce qui compte, c'est que ces deux versements ont été effectués et reçus bien avant le référendum. Ils n'étaient pas exclusivement liés, comme le prétendent les témoins, au processus référendaire. En fait, un autre versement de 500 $ a été effectué après l'échec du premier référendum. Ils sont tous inscrits dans cet échéancier, qui a été adopté bien avant le début de ce processus. Il faut rétablir les faits pour que le débat soit juste.

L'autre point qui m'importe concerne les bulletins de vote en cri. Nous avons eu des témoignages divergents à cet effet, mais on nous a dit—nous pouvons appeler des témoins, et je fais faire d'autres vérifications, Bryan—qu'il se trouvait effectivement des bulletins de vote en cri sur les lieux. Nous allons faire confirmer cette information, bien entendu. Cette information a été donnée au juge Muldoon sous forme d'affidavit et, comme vous le savez et l'avez dit à juste titre, Bryan, le juge a édicté que le processus référendaire avait été respecté.

Il nous reste donc à répondre à quelques questions importantes.

Premièrement, y avait-il ou non des bulletins de vote en cri?

• 1020

Deuxièmement, peut-on parler de pots-de-vin, de méthodes immorales ou malencontreuses que les députés ici présents devraient reconnaître et être tenus de dénoncer pour sauver leur honneur, et ainsi de suite? Soyez honnêtes, comme vous l'avez dit, dites la vérité, etc.? Nous avons pu voir, en consultant l'échéancier des versements, que les versements avaient été prévus bien avant le référendum.

L'autre point d'interrogation concerne la légalité du référendum. Le juge Muldoon s'est déjà prononcé sur cette question, je crois. Ce sont les trois principaux sujets qui reviennent constamment.

Ce sont des faits importants parce que, comme je l'ai dit au professeur Russell, c'est sur la base de ces faits, Bryan, que tout le mouvement de discrédit a été édifié, et nous sommes maintenant considérés comme étant les prétendus architectes de ce processus. Je comprends bien la source de vos prétentions. Votre insatisfaction m'attriste vraiment, très sincèrement. Du moins, si j'en juge par les propos de Bryan et d'Andrew jusqu'à maintenant. Mais les faits invoqués sont inexacts, monsieur le président.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Iftody.

Je ne veux pas de longs commentaires, monsieur Hart. Il ne vous a pas posé une question. Je donne la parole à madame Hardy, si elle a des questions.

Mme Louise Hardy: Si on considère le document Rassemblons nos forces que le ministère a publié l'an dernier, comment s'inscrit tout ce processus à votre avis par rapport à cette nouvelle vision des partenariats, du travail en collaboration et du recours aux négociations plutôt qu'aux procès? C'est la première partie de ma question.

J'aimerais vous demander ensuite ce que vous comptez faire après? J'ai l'impression que le projet de loi sera adopté. Un homme nous a dit la semaine dernière: «Nous allons faire cela, tout simplement; c'est ce qui nous attend». Quelle est votre prochaine étape?

M. Bryan Hart: Merci. Pour répondre à votre première question, Rassemblons nos forces est en effet un document très intéressant. Il nous dit que notre façon ancienne de traiter avec les premières nations est révolue et qu'une autre époque vient tout juste de débuter. Rassemblons nos forces représente seulement des mots pour les habitants de Norway House. Ce qui nous préoccupe aujourd'hui c'est la dépossession continue des ressources des premières nations. La partie A du projet de loi C-56 vise l'exécution de dispositions cruciales de ce qui est connu sous le nom d'Accord de mise en oeuvre principal, qui appartiennent toutes à une époque que le ministre dit révolue. Pour répondre à votre question, je crois que le document Rassemblons nos forces ne sera jamais que des mots à Norway House.

Pour ce qui est de votre deuxième question, je ne baisserai pas les bras, peu importe ce qui arrive. Je n'ai pas l'intention de partir pour des vacances de deux ans en Europe. J'ai l'intention de soumettre ce dossier à un processus judiciaire, pour attirer l'attention sur ces questions, au meilleur de mes capacités. Et je ne serai pas seul. D'autres personnes inquiètes me rejoindront. Je crois que le Comité a tout intérêt à se pencher sur certaines de ces questions. Merci.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Hart.

Êtes-vous prêt, Luke?

M. Luke Hertlein (membre de la nation crie de Norway House): Je suppose que oui.

Le vice-président (M. John Finlay): Commencez et on verra. La présidence aurait beaucoup de commentaires à faire, mais je vais les garder pour la fin.

M. Luke Hertlein: Bien. Merci beaucoup.

Le vice-président (M. John Finlay): Allez-y. Ce sera inscrit au compte rendu de toute façon. Veuillez m'excuser de vous avoir interrompu.

M. Luke Hertlein: Je vais modifier mon allocution parce que nous avons déjà abordé beaucoup de points jusqu'à présent, et je ne savais pas ce dont mes amis allaient parler. Je vous ai aussi fait parvenir quelques documents, probablement un grand nombre parce que j'ai écrit rapidement des choses et je les ai expédiées. Ils servent d'antécédents à mon allocution.

En parlant d'antécédents, j'ai été adopté deux fois quand j'étais jeune: une fois à l'âge de trois ans et une autre fois à dix ans. J'ai retrouvé ma famille biologique après avoir terminé mon baccalauréat en droit. Je les ai rencontrés quand je suis revenu dans la réserve, en 1996. Je n'ai été impliqué dans aucune instance judiciaire contre le chef et le Conseil, auxquelles ont fait référence les témoins précédents, mais j'ai vu de mes yeux ce qui s'est déroulé dans la collectivité autour de la CITNM et de l'AMOP.

• 1025

J'ai pu en apprendre beaucoup sur les aspects techniques de la CITNM, de l'AMOP et du projet de loi, mais je suis loin d'être un expert en la matière. Il faut voir le nombre d'avocats et de conseillers qui ont participé à cette saga. Je témoigne aujourd'hui à titre de membre de la bande et de citoyen canadien qui s'interroge au sujet de ce projet de loi.

Le projet de loi C-56 est très pauvre sur le plan législatif, notamment la partie 1. Je m'en tiendrai à cette partie. Je vous ai remis des documents qui traitent de la partie 2, où je relève en particulier l'interaction—je crois qu'on en a déjà parlé auparavant—de l'AMOP avec les droits fonciers issus de traités et les intérêts des tiers. J'ai des interrogations à cet égard. En fait, je ne comprends pas vraiment de quoi il en retourne.

Le projet de loi C-56 ne devrait pas être adopté pour de nombreuses raisons, dont d'autres témoins vous ont fait part et qui font l'objet de recommandations que je vous ai soumises. Je ne tenterai pas de paraphraser d'autres témoins qui ont argué devant vous que le projet de loi était essentiellement fautif parce qu'il est issu d'un processus démocratique corrompu. Je suis aussi d'accord avec les témoins qui ont affirmé que le projet de loi abrogeait des droits autochtones issus de traités, soit les droits issus de la CITNM et ceux issus du traité no 5.

J'aimerais profiter de l'occasion pour commenter le contenu de ce projet de loi, le processus préparatoire et la décision du juge Muldoon.

En ce qui a trait au processus, à titre de membre de la Nation qui a voté au référendum, je certifie qu'aucun bulletin de vote en cri n'a été fourni lors du scrutin dans la réserve. Et je ne crois pas avoir vu notre ami autour des boîtes de scrutin ni au bureau de scrutin. Étant donné que les bulletins étaient en anglais seulement—j'imagine que c'est ma parole contre celle d'autres personnes, ou notre parole contre celle d'autres personnes—j'aimerais que le Comité permanent fasse vérifier les faits en ce qui concerne les bulletins de vote, l'endroit où ils se trouvaient et le moment de leur utilisation.

Je vais maintenant parler de certaines irrégularités procédurales, déjà mentionnées. Elles concernent les modifications à l'AMOP en vue de tenir un second référendum. Il y a eu aussi, si j'ai bien compris et selon l'interprétation que j'en ai faite, un incitatif financier pour le chef et le Conseil, et probablement pour le conseiller juridique, qui a indiqué à ces derniers de voter oui, ou qui les a conseillés en ce sens. On parle d'une somme de 500 000 $, promise au conseiller juridique seulement si le vote était positif. Vous pouvez vérifier l'article 13.11.1. J'arriverais peut-être à comprendre un peu mieux si quelqu'un m'expliquait cette partie.

L'offre d'argent en contrepartie d'un vote a conduit à des inquiétudes financières similaires, qui ont possiblement forcé les gens à voter oui. Ils se demandaient probablement, s'ils votaient non, ce qui adviendrait de l'argent déjà reçu et de celui qu'on leur avait promis. Je suggère au Comité de trouver ce qui serait effectivement survenu si le vote avait été négatif.

Je crois que vous avez reçu de l'information concernant des refus de verser des indemnités découlant de la CITNM. On a refusé de verser les indemnités à quelque 150 membres de la bande impliqués dans l'instance judiciaire à la Cour fédérale. Une décision a été modifiée à la suite de ces événements. Un possible résultat direct de cela est que certaines personnes ont retiré leur participation à cette instance de la Cour fédérale.

Sur le plan du contenu, j'aimerais indiquer que je souscris aux conclusions du rapport d'enquête de la Commission de la justice autochtone voulant que la CITNM est un traité. À mon avis, quand il s'agit de la CITNM, comme cela a été dit plus tôt, le gouvernement fédéral n'a pas le choix d'être très prudent et de reconnaître ses devoirs de fiduciaire.

• 1030

Il est très ironique que l'on se demande s'il s'agit d'un traité ou non, que l'on affirme qu'il est vague, que l'on peut l'interpréter dans un sens ou dans l'autre, alors que la CITNM a été établie voilà 20 ans à peine. La deuxième partie du projet de loi porte sur un document beaucoup plus ancien, dont la mise en oeuvre débute à peine par le truchement du processus relatif aux droits fonciers découlant des traités. Ce fut un processus très long, qui était peut-être beaucoup plus clair ou beaucoup plus vague. Cela n'importe pas. Je voulais seulement souligner que sa mise en oeuvre a été très longue et qu'il est aussi rattaché à ce projet de loi.

Dans mon mémoire, à la page 3, je traite brièvement des dispositions de la CITNM et de ce qu'en fait l'AMOP. Je pourrais les lire pour qu'elles soient consignées par écrit, mais je sais que mon mémoire fait déjà partie du compte rendu. On a déjà discuté de ces dispositions. Je ne m'y attarderai donc pas. Nous pourrons y revenir.

Un commentaire a été émis à l'effet que l'AMOP favorisait une espèce d'imputabilité relativement à la mise en oeuvre ou à la supposée mise en oeuvre de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. On en a probablement déjà parlé auparavant quand on discutait des positions du chef et du Conseil. Je ne suis pas ici pour blâmer le chef et le Conseil mais, si nous parlons de démocratie, du gouvernement, du respect des gouvernements locaux, du respect du droit intrinsèque à l'autodétermination, et de la mise en oeuvre ou de la possible mise en oeuvre de l'autonomie gouvernementale, je crois qu'il est très important d'aborder le thème de l'imputabilité des dirigeants.

Le thème de l'instance judiciaire a déjà été abordé. Je voulais seulement ajouter que j'ai eu l'occasion d'assister aux audiences à la Cour. À mon avis, il y a probablement eu—comme c'est le cas pour la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba—une mauvaise interprétation des propos du juge Muldoon et des éléments qu'il a étudiés. Si vous examinez sa décision... J'aimerais attirer votre attention... Je peux vous faire envoyer les transcriptions et les documents qui lui ont été soumis. Cela vous permettra peut-être de voir s'il a examiné la question des obligations de fiduciaire du Canada et celle des droits issus des traités, ainsi que la connaissance d'office de l'absence de bulletins de vote en cri.

Le fait que la décision ne traite pas de l'absence de bulletins de vote en cri—et que je n'ai pas vu de bulletins de vote en cri quand j'ai voté—constitue, je crois, un moyen facile pour le Comité permanent d'examiner et de recueillir certains faits.

Enfin, nous avons entendu dire que l'AMOP devait être tout à fait indépendant du Projet de loi C-56. L'AMOP, semble-t-il, ne sera pas écarté si le projet de loi n'est pas adopté. Il faut continuer dans cette voie. N'utilisez pas un processus législatif pour légitimer un processus corrompu. Je vous recommande de ne pas adopter ce projet de loi pour les raisons que je vous ai soumises le 1er mars 1999. Cependant, vous avez entendu des témoignages opposés. Après avoir écouté attentivement ce qui a été dit, il semble que vous devrez adopter quelques éléments du projet de loi C-56. Je vous propose de supprimer toute la partie 1 et d'adopter la partie 2, en ce qui concerne la nature omnibus du projet de loi.

• 1035

J'aimerais tout de même vous proposer deux autres recommandations. Premièrement, le Comité permanent devrait continuer d'étudier cette question et faire en sorte de recueillir tous les faits exacts et pertinents. Vous avez déjà reçu cette suggestion. Deuxièmement, le Comité permanent devrait déterminer si la CITNM est un traité, de l'une des façons suivantes: a) en commandant un examen indépendant à des avocats qui ne sont pas au service du gouvernement, qui auraient pour tâche de comparer l'AMOP et la CITNM ou b) en soumettant le dossier à un organisme des Nations unies, pour qu'il fasse un examen indépendant.

Merci de m'avoir permis de présenter cette allocution à des audiences nationales.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Hertlein. Pourrais-je vous demander, pour mon édification personnelle, de me donner votre deuxième recommandation?

M. Luke Hertlein: Oui. J'en ai un exemplaire supplémentaire, mais je peux aussi la lire. Elle demande au Comité permanent de déterminer si la CITNM a été totalement mise en oeuvre ou si elle est abolie, et de considérer les questions constitutionnelles afférentes aux incidences du projet de loi, dont la détermination du statut de traité ou non de la CITNM, de la façon suivante: a) en commandant un examen indépendant à des avocats qui ne sont pas au service du gouvernement, qui auraient pour tâche de comparer l'AMOP et la CITNM ou b) en soumettant le dossier à un organisme des Nations unies, pour qu'il fasse un examen indépendant.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup, monsieur. Y a-t-il des questions?

Monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad: Merci. Votre allocution était l'une des plus complètes que j'aie entendues jusqu'à maintenant. Je suivrai le dossier avec intérêt. Vos recommandations sont claires. Nous allons sûrement en discuter quand notre comité directeur se réunira.

Si le projet de loi C-56 devait échouer, ou si on supprimait la partie 1 et que Norway House devait continuer sur la lancée de cette réussite, savez-vous ce que seraient les incidences pour les autres bandes qui ont signé des accords de mise en oeuvre dans le passé?

M. Luke Hertlein: Non.

M. Derrek Konrad: Eh bien, on naviguerait en eaux inconnues.

Je répéterai une question que j'ai posée et posée, et que je vais poser encore, concertant un élément qui n'est pas couvert par le projet de loi C-56: le mode de versement des indemnités aux personnes. Des nouveaux inscrits m'ont affirmé que leurs droits ou les indemnités découlant des droits fonciers issus de traités peuvent être hérités. Autrement dit, s'ils ont été promis à votre ancêtre, ils vous reviennent en droite ligne. De nombreuses personnes, comme vous, ont été élevées à l'extérieur de la culture indienne et n'ont jamais vécu dans une réserve. Quand les bénéfices sont remis à la bande et qu'ils sont utilisés à l'intérieur de la réserve, ces personnes ne reçoivent pas de logement ou sont privées de possibilités d'accès à l'éducation et d'autres avantages. Que pensez-vous d'une autre méthode pour que ces personnes puissent jouir de leurs droits ou de leur héritage en vertu des droits fonciers issus de traités?

M. Luke Hertlein: Je ne sais pas trop. Vous parlez des droits fonciers issus de traités, mais vous parlez aussi des bénéfices qu'on retire quand on vit dans une réserve, y compris l'éducation et autres bénéfices. Me posez-vous une question sur la partie 2 du projet de loi ou...

M. Derrek Konrad: Oui.

M. Luke Hertlein: Bien.

M. Derrek Konrad: C'est en vertu des droits fonciers issus de traités que... Comme ils concernent aussi l'AMOP, dans une certaine mesure, que pensez-vous d'une disposition qui habiliterait les personnes à jouir de leurs droits, mais pas nécessairement à titre de membre d'une bande? Autrement dit, les personnes jouiraient de droits individuels, en recevant des versements en espèces ou un fief simple, mais pas à titre de membre d'une bande?

• 1040

M. Luke Hertlein: Un droit individuel découlant d'un droit issu d'un traité.

M. Derrek Konrad: Elles jouiraient d'avantages conférés à des Indiens de plein droit, en vertu d'un traité.

M. Luke Hertlein: J'ai eu la possibilité de revenir dans ma collectivité en 1996. Même avant d'y retourner, j'avais droit aux bénéfices ou d'exercer les droits associés au statut d'Indien. Mes études ont été payées, etc.

Pour répondre à votre question, je crois que c'est une question personnelle aux yeux de la collectivité, et une question personnelle pour quiconque envisage cette possibilité. Je n'envisagerais jamais la situation que vous me présentez, alors je ne peux pas vraiment répondre.

M. Derrek Konrad: Mais des gens m'ont appelé. Pas plus tard que la semaine dernière, une personne m'a téléphoné et m'a demandé: «Comment puis-je m'en sortir? J'aimerais avoir des terres ou avoir l'argent, mais je ne veux pas faire partie de la bande.» Ces personnes veulent couper les ponts, recevoir leurs avantages et s'en aller. Il s'agit de nouveaux Indiens. Un règlement est imminent, et ils veulent recevoir tout ce qui en découlera, qui fera l'objet d'un versement commun—mais ils veulent le recevoir sous forme de fief simple ou de vente, et s'en aller vivre ailleurs.

M. Luke Hertlein: Vous avez utilisé un mot très significatif: la «vente». Je ne recommanderais jamais à quiconque de vendre ses droits autochtones ou issus d'un traité.

M. Derrek Konrad: Vous ne le recommanderiez peut-être pas, mais êtes-vous...

M. Luke Hertlein: Je n'ai rien à dire sur ce sujet.

M. Derrek Konrad: Bien. Merci.

M. David Iftody: Monsieur le président, je tiens à dire à quel point les trois témoignages entendus aujourd'hui m'ont impressionné. J'ai très hâte aussi d'entendre ce que Leonard McKay nous dira. Luke, je suis très impressionné par vos propos et par la recherche que vous avez faite—par vous trois, en fait.

Luke, je veux faire quelques remarques. Tout d'abord, j'ai en main une copie de l'accord principal. Vous avez fait allusion aux 500 000 $ versés à Duboff, Edwards, Haight & Schachter, qui était je suppose le cabinet d'avocats le plus engagé dans l'accord. Vous avez fait un commentaire, une suggestion ou une allégation à l'effet que ce versement était conditionnel à la victoire du oui.

J'ai beau regardé l'accord, à la section 13.11.1, comme vous me l'avez indiqué, et à l'appendice 4, auquel nous reporte le paragraphe 13.11.1, mais je ne vois rien qui indique qu'il s'agit d'un versement conditionnel. Avez-vous des renseignements supplémentaires à fournir au Comité à cet effet?

M. Luke Hertlein: J'ai tout simplement dit, au sujet de cet article, qu'un demi-million de dollars serviront à couvrir les frais afférents à l'AMOP. Je suggérais simplement au Comité de déterminer le rôle réel de cet article.

Si vous examinez la situation financière de la bande à cette période, et si vous regardez à ce qui s'est passé avant en ce qui a trait au partage des coûts entre les parties—le Manitoba, Hydro- Manitoba et le gouvernement du Canada—la nation crie de Norway House ne recevait pas, et je me trompe peut-être, mais je crois que le Comité permanent pourrait faire les vérifications nécessaires... Si je comprends bien, les coûts ont toujours été partagés et ils ont toujours été payés. Jamais ils n'ont été intégrés dans un accord final ou un règlement final. Et des années et des années, j'imagine, de vérifications et d'explications et de factures pourraient nous expliquer comment les coûts étaient remboursés avant que cet article ne commande un vote affirmatif.

• 1045

M. David Iftody: Merci. N'aurait-il pas été plus prudent pour les dirigeants de la collectivité de Norway House, étant donné les factures d'avocats à payer, de rendre public ce qui était écrit de toute façon, les échéanciers de paiement, afin que la collectivité constate que rien ne serait camouflé et que la procédure serait transparente, que le tout apparaîtrait dans l'accord principal, aux yeux de tous? On a nommé le cabinet d'avocats, les avocats qui le composent, les parties principales.

Ne s'agit-il pas d'une intention, et non d'une sorte de subterfuge?

M. Luke Hertlein: Rien n'est camouflé, parce que tout figure dans l'accord. Je suggère simplement que les coûts étaient payés auparavant. Mais, avant le référendum, ou possiblement parce que l'AMOP autorise un versement de 500 000 $ en cas de vote affirmatif, même mon chef et le Conseil auraient pu être incités à dire: «Nous avons des factures à payer; nous devons faire en sorte que le oui l'emporte.» Avant, ils n'avaient pas à se préoccuper de telles questions parce que les coûts étaient partagés et qu'ils étaient déjà payés.

M. David Iftody: Je vois ce que vous voulez dire.

J'aimerais poser une brève question pour clarifier un point, monsieur le président, de l'enquête de la Commission de la justice autochtone. Plus précisément, j'aimerais clarifier quelque chose au sujet des commentaires cités par le juge en chef Hamilton et le juge Sinclair à ce moment, et de leurs commentaires concernant la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.

Je cite des extraits du rapport de la commission royale, présidée, comme vous le savez, par l'ancien chef national, Georges Erasmus. C'est ce qu'il disait de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Nous avons dit que c'était un traité, avec des points précis, et Bryan, en particulier, a affirmé que nous devrions nous en servir comme modèle. A la question de l'un des membres de l'Opposition, il a répondu: «Nous devrions aller dans cette direction; cette convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba représente le début et la fin du processus. Voici ce qu'on en dit:

    La CITNM [...] a été l'objet d'une intense controverse (sous plusieurs angles, l'accord est un modèle de méthode pour ne pas arriver à une entente). Son histoire est marquée par l'absence ou par la faiblesse des mesures de mise en oeuvre des obligations découlant de la CITNM et par l'interminable processus d'arbitrage, encore en cours [...]

Nous sommes depuis, Luke, aux prises avec presque 3 000 instances d'arbitrage individuelles ou collectives. On peut certes dire que cette affaire fait travailler les avocats!

J'estime donc, Luke, que la commission royale, après avoir examiné le rapport d'enquête de la Commission de la justice autochtone, après avoir réfléchi aux recommandations, conclut dans son rapport que la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba est tellement mal rédigée qu'il serait impossible de l'appliquer—et c'est ce qui s'est passé. On pourrait la comparer avec, par exemple, le traité de Nishga, clairement rédigé et expliqué, beaucoup plus précis.

Luke, pourriez-vous commenter les commentaires du chef Erasmus—du commissaire Erasmus—à l'effet que ce document est tout simplement inutilisable? Je cite un chef très respecté.

M. Luke Hertlein: Mon premier commentaire concernera le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Notre amie—elle n'est pas présente—a parlé du document d'interprétation, Rassemblons nos forces, qu'a produit le Parti libéral au sujet du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Une analyse suggère que le gouvernement fédéral a peut-être traité avec légèreté le rapport de la CRPA, et qu'il lui a imposé des priorités. Des questions soulevées dans les quelque 3 000 pages produites par les commissaires sont restées lettre morte.

• 1050

Je pense que si on analyse les choses en disant qu'il pourrait ou ne pourrait pas s'agir d'un traité, et maintenant cela est déterminant parce c'est l'avis de la CRPA, c'est un peu dangereux. L'approche qu'ils adoptent, ou ce qu'on pourrait considérer comme une approche—je lis l'article en question d'une manière quelque peu différente de la vôtre—laisse donc penser que les accords dont on dit qu'ils sont difficiles à appliquer, qu'ils sont difficiles à interpréter, peuvent être appliqués à mon Traité no 5 également.

Comme je l'ai mentionné précédemment, il est ironique que la mesure législative qui est devant vous maintenant ait trait uniquement à un aspect mineur de mes droits conférés par traité, qui ont pris plus de cent ans à être appliqués dans cette partie 2. C'est pourquoi je ne suis pas sûr que, simplement parce que quelqu'un dit dans un rapport que le gouvernement libéral—je suppose que c'est mon gouvernement libéral à moi aussi...

M. David Iftody: Oui, c'est vrai.

M. Luke Hertlein: Que les Libéraux aient décidé de l'interpréter comme si, d'un côté, il le renforçait, mais d'un autre côté, pas nécessairement. Je crois qu'on peut dire qu'il faut laisser les tribunaux décider, selon les critères que la Cour suprême a énoncés en ce qui a trait à l'interprétation des traités et à l'application d'accords.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur Hertlein, merci de votre présentation.

On parle souvent de traités qui sont praticables à cause de la façon dont ils ont été rédigés. Ce que je constate dans les traités numérotés, comme dans les traités qui relèvent de l'article 35 de la Constitution comme celui du Northern Flood Agreement—parce que je considère que c'en est un—, c'est que les gouvernements disent toujours que c'est impraticable quand vient le temps de respecter leurs obligations fiduciaires. Toutefois, c'est très praticable, par exemple, quand vient le temps d'encaisser des centaines de millions de dollars générés par les ressources naturelles ou les projets hydroélectriques. Pendant qu'on dit qu'on est incapable de respecter les obligations fiduciaires à votre égard, Manitoba Hydro continue de faire des centaines de millions de dollars de profit par année.

J'essaie souvent d'apporter des correctifs à cet égard, bien que ce ne soit pas facile. Il y a peut-être des choses qu'on dit impraticables dans le Northern Flood Agreement. Toutefois, un aspect qui est certainement praticable est l'article 16, qui parle de planification du développement et surtout de planification du développement communautaire. Nous n'y avons pas suffisamment fait allusion ici aujourd'hui.

Ils ont été obligés, à l'époque, de mettre sur pied un important plan communautaire pour l'ensemble des cinq communautés. On me dit que les gens de ces cinq communautés ne roulent sur l'or. Encore une fois, le gouvernement n'a pas respecté son obligation fiduciaire bien qu'il ait signé ce document-là. Il devait mettre de l'avant des mesures pour aider les gens à se sortir du chômage et à surmonter leurs problèmes sociaux. Absolument rien de cela n'a été fait.

Je voudrais avoir votre avis là-dessus parce qu'on n'a pas, à mon sens, suffisamment parlé de l'état dans lequel sont les communautés autochtones à l'heure actuelle, quelque 20 ans après la signature de ce traité. Le gouvernement n'a même pas été capables de respecter les obligations fiduciaires signées à l'époque.

Est-ce qu'il y a, dans l'accord principal de mise en oeuvre, des dispositions qui tentent au moins de corriger ce qui n'a pas été fait depuis 20 ans? Cela semble inquiéter beaucoup de gens. Certains disent qu'il y a des obligations qui ne sont pas respectées par le traité et qu'on aura maintenant un accord qui ne reprend même pas ces obligations-là.

Enfin, j'aimerais connaître votre opinion sur la question suivante. Quels sont, dans les communautés, les impacts des centaines de millions de dollars qu'a faits Manitoba Hydro? Dans quel état sont les communautés autochtones aujourd'hui? Est-ce qu'elles ont bénéficié de l'obligation fiduciaire énoncée dans le Northern Flood Agreement adopté il y a 20 ans?

• 1055

[Traduction]

M. Luke Hertlein: Je pense qu'il y a probablement d'autres gens qui sont en mesure de répondre à cette question. Je voudrais faire remarquer qu'il y a, ou qu'il y a eu, des négociations dont peut dire qu'elles étaient fondées sur l'ensemble de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba (CITNM), mais il s'agit d'un point sur lequel le Comité peut se pencher. Je ne peux vous donner ce renseignement comme ça ou le trouver dans un document quelconque. Je ne suis pas sûr de pouvoir vous fournir de tels renseignements aujourd'hui, mais je suis prêt à vous en fournir peut-être bientôt.

Le vice-président (M. John Finlay): Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Vous avez mentionné—et cela a été mentionné par le premier intervenant, M. Clarke—quelque chose concernant le fait que lorsque le vote a eu lieu, le bulletin de vote n'était pas également en cri. Nous avons maintenant entendu cela de quelqu'un qui a voté dans la réserve et à Winnipeg. Monsieur, il doit bien y avoir des exemplaires de ces bulletins de vote comme preuve. Nous imaginons que tout est détruit après une élection, et parfois cela est indiqué. Mais y a-t-il des exemplaires des bulletins de vote? Ont-ils été fournis par l'entremise du MAINC ou par l'entremise de la première nation?

M. Luke Hertlein: J'ai un bulletin qui était prévu pour la deuxième votation, et il est anglais. La question est plus brève que celle qui figurait sur le bulletin de la première votation, qui était également rédigé en anglais. Je ne suis pas sûr si nous avons un exemplaire de ce bulletin—et par «nous», j'entends les gens qui sont ici. À vrai dire, je n'ai parlé à personne, de sorte que je ne suis pas sûr si quelqu'un en a, mais je pourrais certainement vous donner un exemplaire de ce bulletin de vote.

Mme Bev Desjarlais: Savez-vous si les bulletins de vote ont été préparés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ou s'ils ont été préparés par le Conseil de bande? Avez- vous une idée?

M. Luke Hertlein: Je ne possède pas d'informations directes à ce sujet.

Mme Bev Desjarlais: Je vais voir si nous pouvons en obtenir auprès du MAINC.

J'ai une autre petite question. Dans votre exposé, vous dites:

    Cent cinquante membres de la bande se sont vus refuser leur paiement découlant de la CITNM jusqu'à ce qu'ils eurent dénoncé leur participation dans l'action en justice déposée devant la Cour fédérale, ce qui soulève des questions quant à savoir si les principes de la justice naturelle ont été respectés dans cette affaire.

Vous avez peut-être mentionné cela dans votre présentation—si tel est le cas, je m'excuse—mais, qu'est-ce qu'on leur a refusé? Nous avons entendu un témoin précédent nous dire que tout le monde avait reçu son paiement, que cela faisait partie de l'accord selon lequel ils devaient recevoir ce paiement. Vous mentionnez un chiffre précis: 150 membres de la bande. Avez-vous la liste des 150 membres, et qu'est-ce qu'on leur a refusé? Leur a-t-on dit carrément qu'ils ne pouvaient recevoir le paiement?

M. Luke Hertlein: Concernant le premier aspect, au sujet de la liste, nous avons les noms des gens qui participaient à l'action en justice. En outre, il se peut que mon chiffre soit inexact. Il se peut qu'il y en ait davantage. Je n'ai pas participé moi-même à cette action en justice, c'est pourquoi je ne suis pas en mesure de vous donner des renseignements concernant des preuves directes, mais je peux voir à cela.

Il y avait 186 membres de bande. Je crois que le comité permanent a reçu des renseignements à ce sujet. Si ce n'est pas le cas, je peux certainement obtenir des informations de la collectivité.

Mme Bev Desjarlais: Comment leur a-t-on refusé le paiement? Est-ce qu'on leur a dit cela directement? Leur a-t-on envoyé quelque chose par écrit? Que s'est-il passé? Est-ce qu'ils ont demandé le paiement pour ensuite se faire dire qu'ils ne pouvaient l'avoir?

• 1100

M. Luke Hertlein: Il y avait une liste de personnes qui participaient à l'action en justice. Dans la réserve, ils sont allés chercher l'argent au multiplex—je ne sais pas ce qui s'est passé en ville—mais il y avait une liste de personnes qui avaient droit à ce paiement et d'autres qui n'y avaient pas droit. Je connais des gens qui m'ont dit qu'on leur avait refusé le paiement. Mais je ne suis pas sûr comment vous voulez vous y prendre, parce que je ne suis pas quelqu'un qui a fait l'objet d'un refus directement. Si nous pouvions faire attendre le comité permanent, nous pourrions poser à tout le monde cette question.

Mme Bev Desjarlais: Je veux seulement clarifier les choses. De toute évidence, c'est dans votre exposé, et cela a déjà été mentionné auparavant que des gens se sont vus refuser le paiement. Je voudrais seulement savoir exactement ce qu'on leur a dit lorsqu'on leur a refusé ce paiement. Dans ça, on est très précis: «jusqu'à ce qu'ils eurent dénoncé leur participation à l'action en justice».

Lorsque nous avons obtenu les renseignements du MAINC, j'avais l'impression qu'il devait y avoir une entente selon laquelle si par la suite on intentait une action en justice, cet argent allait être déduit. C'est pourquoi je crois qu'en tant que comité, on nous avait donné l'impression que tout le monde avait reçu l'argent sur demande. S'il y a des précisions concernant des personnes à qui ont aurait refusé directement cet argent, je crois que c'est très important, parce que le représentant du MAINC a absolument fait savoir à ce comité que tout le monde avait droit à cet argent, et que cet argent allait être déduit de toute action en justice qui pourrait être intentée ultérieurement. Je n'ai pas interprété cela comme voulant dire une partie de cette action devant la Cour fédérale, mais plutôt comme partie d'une action en justice liée à des dommages subis à cause de l'inondation.

M. Luke Hertlein: Il y a des gens à qui on a refusé directement le paiement lorsqu'ils ont voulu l'encaisser. Par la suite, peut-être—et je ne suis pas tout à fait sûr dans le cas de toutes les personnes participant à l'action en justice—certains ont reçu de l'argent. Un grand nombre de personnes ont également dû signer un affidavit qui biffait leur nom de la liste lorsqu'elles allaient chercher l'argent.

Mme Bev Desjarlais: Merci.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup.

Monsieur Bryden, une brève question.

M. John Bryden: Pouvez-vous vous faire l'avocat du diable pour un moment et émettre quelques suppositions concernant la raison pour laquelle autant de personnes soutiennent l'Accord de mise en oeuvre principal (AMOP)?

M. Luke Hertlein: Premièrement, il faut considérer quelles étaient les exigences concernant la votation. J'appelle cela la double majorité. Je crois que certains ont parlé de triple majorité. Les majorités de la majorité nécessaire pour que ça passe effectivement. Chaque votant comptait vraiment, et bien qu'il semble que beaucoup de gens ont voté en faveur, il y en a eu beaucoup qui ont exercé leur droit en ne participant pas à la votation...

M. John Bryden: Là n'est pas la question.

M. Luke Hertlein: Vous présupposez qu'il y avait beaucoup de monde. Ce que je dis est qu'au...

M. John Bryden: Non, ce n'est pas beaucoup. Là n'est pas la question.

Le vice-président (M. John Finlay): Excusez-moi. Nous avons eu le dépouillement des votes, monsieur Hertlein, et ce dépouillement montre que la majorité de ceux qui ont voté... comme vous venez de le dire, triple ou double, c'est là qu'est la question.

M. John Bryden: Oubliez combien. Pourquoi les gens sont-ils en faveur? Nous pourrions entendre leur témoignage ici, mais il se trouve que nous ne les faisons pas témoigner parce que nous avons cherché des gens qui sont opposés à l'Accord de mise en oeuvre principal. Dites-moi alors pourquoi, à votre avis, un si grand nombre de personnes ont été en faveur de cet accord et continuent de l'être.

M. Luke Hertlein: Premièrement, il y avait de l'argent qui y était rattaché, et vous avez été informé au sujet de cet aspect en particulier. Deuxièmement, dans un document de plus de 400 pages, rempli de jargon juridique, je ne suis pas sûr que les gens comprennent vraiment le contenu de l'AMOP.

Vous avez reçu la version réduite, le guide. C'est le guide qui a effectivement été présenté aux gens de Norway House. Au début, on y parle d'argent. Il est en papier glacé, en couleurs, et il attire le regard. Les détails techniques—et pardonnez-moi d'entrer dans les détails techniques, mais ils sont très importants—ne sont pas énoncés dans ce guide. Mais il a une superbe apparence.

Il n'est pas non plus offert en cri. Il est offert uniquement en anglais. La plupart des «consultations»—et je mets ce mot entre guillemets—qui ont effectivement eu lieu, ont également été tenues en anglais. Toutes les questions techniques qui ont été soumises ne l'ont pas été par le chef et par le Conseil, mais par leurs avocats et leurs consultants, en anglais. Si on jette un coup d'oeil au processus de consultation, les gens ont dit: «J'ai compris que j'allais recevoir de l'argent et j'ai voté oui».

• 1105

M. John Bryden: Si je comprends bien, c'était essentiellement l'ignorance et l'argent qui ont incité les gens à appuyer l'AMOP.

M. Luke Hertlein: Je ne traite pas mes confrères de bande d'ignorants. Je dis qu'ils ignoraient les aspects techniques de l'accord et les choses qui étaient enfouies dans cet accord.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Savez-vous où sont passés les bulletins de vote des premier et deuxième référendums? J'espère qu'ils n'ont pas été détruits. Où sont-ils à l'heure actuelle? En avez-vous une idée?

[Traduction]

M. Luke Hertlein: Non.

Le vice-président (M. John Finlay): Dix secondes. Merci beaucoup. Ça va bien.

Merci, Monsieur Hertlein.

M. Luke Hertlein: J'ai quelque chose ici concernant une demande d'accès à l'information. Le fonctionnaire du MAINC était censé détruire les bulletins de vote, d'après un document intitulé Ratification Timeline and Tasks, qui a été obtenu par l'entremise d'une demande d'accès à l'information. Si vous voulez, nous pouvons vous fournir une copie de ce document.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup.

Nous allons passer à monsieur McKay. Il a été très patient. Nous avons un retard de seulement quelques minutes sur ce que nous avions prévu faire. Vous avez la parole, monsieur.

M. Leonard McKay (membre de la nation crie de Norway House): Merci de m'avoir invité. Je suis membre de la bande de Norway House et je vis à Norway House. Je suis bénéficiaire de l'aide sociale depuis quatre ans environ.

J'ai été là du début à la fin de tout ce processus. Je vous ai soumis un mémoire en 41 points qui présente quelques aspects. J'espérais pouvoir poser quelques questions sur ces points, mais je voudrais aborder la question du consentement. Je pense qu'elle a été abordée brièvement par quelqu'un, ici.

Au sujet du consentement, la manière dont nous procédons habituellement consiste à tenir des réunions de bande publiques. C'est de cette façon que nous procédons, aussi loin que je me souvienne. Je me souviens uniquement de deux réunions de bande où certains aspects de la CITNM ont été mentionnés. Une a eu lieu le 28 novembre 1994, et l'autre, au mois de décembre 1996. Ce sont les seules réunions dont je me souviens et auxquelles j'ai participé. Il y a eu d'autres réunions au cours desquelles on a pris des décisions. Nous avons des coutumes qui ont trait à ce genre de questions.

Il y a eu beaucoup de déclarations inexactes concernant la façon dont l'AMOP a été porté à la connaissance du public. Il n'y avait qu'une façon; il n'y avait pas de choix. La CITNM avait sa propre façon, mais les parties n'étaient pas prêtes à suivre cette voie; elles n'étaient pas prêtes à dire: la voilà. La bonne foi était disparue. Une des parties a été bernée. Nous avons essayé plusieurs fois de le faire savoir à l'autre partie. C'est dans mon mémoire. Il relate l'histoire, si vous prenez la peine de le lire, de ce qui s'est passé entre le mois d'octobre 1994 et le mois de septembre 1997.

L'autre aspect concernant la présentation trompeuse est que le guide dit que rien dans l'AMOP ne modifie quoi que ce soit. C'est le guide sur papier glacé qui vous a été exhibé. Le document que j'ai en ma possession a été exhibé dans la collectivité. Le document au sujet duquel nous avons voté portait la mention «ébauche». C'est au sujet de ce document que nous avons voté. C'est ce qu'avaient les gens à leur disposition. Ils n'avaient pas tout ça. J'avais demandé ça, mais on ne l'a pas fait circuler.

• 1110

Y a-t-il eu un problème touchant la votation? Cela est devenu un problème lorsque l'AMOP a perdu. Que serait-il arrivé si l'accord l'avait emporté? Y aurait-il eu un problème de votation? Mais c'est devenu un problème.

L'argent a été utilisé comme un instrument. Ce n'est plus de la compensation lorsqu'on commence à l'utiliser comme un instrument. Il y a plusieurs exemples où cela s'est produit. Il a été utilisé lors de la réunion de décembre 1994, afin que les gens puissent obtenir de l'argent à Noël. Toutes ces choses se sont passées autour de la période des fêtes, lorsque les gens avaient besoin d'argent.

En 1995, lorsqu'on a demandé l'autorisation ils ont dit: «Si vous nous donnez l'autorisation, nous vous donnerons l'argent». Les magasins du nord ont fourni l'argent pour le paiement de 1995, parce que la bande n'avait aucun fonds et parce que les gens voulaient de l'argent. En 1997, c'est l'accord de mise en oeuvre principal qui a été utilisé comme un instrument. Ils ont dit: «Si vous votez dans ce sens, vous allez recevoir l'argent». Des avances de prestation de bien-être social ont été versées entre le 29 juillet et le 4 août parce que les gens n'avaient pas d'argent. L'AMOP avait échoué, comment allaient-ils alors obtenir l'argent? Il y avait beaucoup de bénéficiaires de l'aide sociale qui voulaient de l'argent.

Lors de la distribution par habitant de 1989—je pense qu'elle a été mentionnée, et elle est toujours mentionnée—on avait demandé aux gens: «Voulez-vous des maisons pour les trois millions de dollars qui ont été reçus, ou voulez-vous des paiements par habitant?» Nous aurions pu avoir peut-être cinquante ou soixante maisons à l'époque pour les trois millions. Parce qu'une autre collectivité voulait de l'argent, nos gens voulaient aussi de l'argent. Il y en avait qui se démenaient avec une pétition. Je crois que quelqu'un a mentionné qu'en trois heures, ils avaient recueilli 800 signatures.

La même chose s'est produite entre le 29 juillet et le 5 août. Les gens voulaient de l'argent. On leur a dit: «Si vous voulez l'argent, signez la pétition». Certaines pétitions avaient été laissées en blanc, mais ils ont demandé: «Voulez-vous l'argent? Il est ici. Vous pouvez l'avoir, votre argent».

On avait supprimé toute opposition. Il y a eu des menaces lors de la réunion de 1995: «Si vous ne retirez pas votre nom, ou si votre nom paraît sur le registre de la Cour, peut-être que vous n'obtiendrez pas l'argent, ou on pourrait vous traîner devant les tribunaux.» Au cours de la période qui a précédé la réunion du mois de décembre, nous avions 450 membres, ainsi que leurs familles respectives. Lorsqu'on a annoncé que les gens couraient un risque, nous avons perdu 95 p. 100 de nos membres.

Nous ne pouvions rien faire concernant la radio et la télévision. Nous avons enregistré une cassette, mais elle n'a jamais été passée en ondes. Un des conseillers est arrivé et a pris la cassette. J'ai écrit des lettres pour essayer de la récupérer. Elle n'a jamais été mise en ondes parce que le chef et le Conseil, en tant qu'organe politique, avaient le contrôle sur la station de radio. J'ai écrit lettre après lettre au CRTC pour corriger le problème. Ils n'ont rien corrigé. J'ai même essayé de tenir les réunions de la collectivité au multiplex. On nous l'a refusé. Nous étions même prêts à payer, mais le Conseil a dit qu'il n'y aurait pas de réunion si nous étions présents.

• 1115

Pour ce qui est du statut de traité, il a été demandé en 1996, par l'entremise des négociateurs, par l'entremise du conseiller juridique. Ils avaient le temps d'obtenir cela. Nous le leur avions demandé, mais ils ont refusé de le faire.

Pour ce qui est de la Couronne, son honneur a été jeté par la fenêtre. Il n'y avait pas de foi, on ne croyait pas à l'honneur de la Couronne. J'ai des renseignements que vous devriez lire au sujet de l'honneur de la Couronne. Le MAINC fournit ses propres directives sur la politique relative à l'honneur de la Couronne.

Concernant la question de savoir ce qu'on peut régler avec l'AMOP, et le fait qu'il faut le régler, il a été réglé en 1977. Ils n'ont tout simplement pas voulu le mettre en oeuvre parce que ça leur coûterait trop d'argent. La lettre que je vous ai envoyée il y a un an contenait des indices concernant ce qui s'était passé. Nous avons je ne sais combien de milliers et de milliers de documents auxquels on pourrait se référer.

En ce qui a trait à la confusion au sujet de la mine—je crois que M. Bryden a mentionné cela—il n'y avait pas de confusion du point de vue de la bande. Le document avait été signé en bonne foi, ils s'attendaient à une compensation, et ils s'attendaient à ce que les règles soient respectées. Il n'y avait pas de confusion de ce côté-là, mais il y avait certainement beaucoup de confusion chez d'autres parties—beaucoup de confusion. Il y a eu des dénégations. Il y a eu des refus. Si ça vous intéresse de les lire, j'ai certaines preuves ici. Vous n'avez qu'à prendre le temps nécessaire.

Merci.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup.

Monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad: Merci beaucoup, monsieur McKay.

L'autre jour, au cours de notre première réunion au sujet du projet de loi C-56, on a soulevé la question de savoir si tout le monde avait reçu un paiement. Plus tard dans l'après-midi, un membre de mon personnel a reçu un message téléphonique de la part de quelqu'un—je ne me souviens pas de qui il s'agissait—disant qu'il connaissait des gens qui n'avaient pas reçu de paiement. Je vois que cette question subsiste. Est-ce que des gens se sont manifestés avec des affidavits disant qu'ils n'avaient pas reçu de paiement en raison de leur opposition à l'AMOP?

M. Leonard McKay: Je n'ai pas besoin d'un affidavit. Je suis un de ceux qui n'en ont pas reçu.

M. Derrek Konrad: Eh bien, dire une chose, puis dire la même chose sous serment, c'est différent, c'est tout.

M. Leonard McKay: Vérifiez les dossiers.

M. Derrek Konrad: Où est le dossier? L'avez-vous? Bien sûr, vous n'avez pas de chèque pour...

M. Leonard McKay: Vérifiez auprès du bureau du Conseil. Je ne sais pas.

M. Derrek Konrad: J'ai une autre question pour vous au sujet des paiements par habitant. Dans votre point 40, vous dites que vous avez utilisé un dictaphone pour enregistrer un discours du conseiller Fred Muskego dans lequel il propose que les paiements soient retenus. Avez-vous cet enregistrement?

M. Leonard McKay: J'ai l'enregistrement. J'ai la transcription.

M. Derrek Konrad: Vous l'avez ici?

M. Leonard McKay: Oui, j'ai la transcription ici.

M. Derrek Konrad: Est-ce que je pourrais en avoir une copie, s'il vous plaît?

M. Leonard McKay: Oui vous pouvez.

M. Derrek Konrad: Bien, merci.

J'ai une autre brève question. Combien de temps avez-vous été en possession de ce grand, immense accord de mise en oeuvre avant le vote qui a eu lieu, par opposition au petit guide?

M. Leonard McKay: Le guide a été publié autour du mois de juin. Je n'ai reçu ça que deux semaines avant l'AMOP, et je ne l'ai reçu que parce que je l'avais demandé.

M. Derrek Konrad: D'accord, combien de temps il vous aurait fallu pour le lire avant le vote?

M. Leonard McKay: Eh bien, il est pas mal épais.

M. Derrek Konrad: Oui, mais combien de jours avant le vote l'avez-vous reçu?

• 1120

M. Leonard McKay: Il faudrait probablement deux ans pour cela.

M. Derrek Konrad: Oui, mais combien de temps l'avez-vous eu avant le vote? C'est ce que je vous demande.

M. Leonard McKay: Pour moi-même?

M. Derrek Konrad: Oui.

M. Leonard McKay: Deux semaines.

M. Derrek Konrad: Merci.

M. Leonard McKay: Je vous en prie.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci.

Madame Karetak-Lindell.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

Depuis que je fais partie de ce comité, j'ai beaucoup essayé de comprendre les traités. En tant qu'autochtone du Canada, on s'occupe souvent de ce qui nous concerne dans notre région, c'est pourquoi je n'ai jamais vraiment eu l'occasion de me pencher sur des traités. Essentiellement, je crois que nous qui faisons partie du Comité devons comprendre ce qu'est un traité afin de comprendre un grand nombre des exposés que nous entendons ici.

Lorsque j'écoute tous les mémoires—et c'est pourquoi j'ai attendu jusqu'à la toute fin; j'ai voulu entendre tous les mémoires, afin d'essayer de comprendre d'où vous venez. Je suis parfois incapable de dire ce qu'est un traité. Un des problèmes est que l'AMOP n'est pas interprété de la même manière par des personnes différentes.

Il s'agit plus d'un commentaire qu'un tas de questions. D'une certaine façon je suis en train de me parler à moi-même afin d'essayer de récapituler ce que j'ai compris aujourd'hui et de comparer cela avec ce que j'ai en tant que bénéficiaire du Nunavut. Notre processus de revendications territoriales a pris environ vingt ans; j'essaie donc de comparer ce que nous faisons maintenant avec la façon dont nous avons mené les consultations du processus de revendications territoriales au niveau de la collectivité.

Encore une fois, le fait de ne pas comprendre l'anglais était une question importante pour beaucoup de gens, mais l'approche que nous avons adoptée était que nous avions des négociateurs à nos côtés, et leur rôle était d'expliquer le tout à tous ceux qui allaient faire partie de l'accord. Je peux dire honnêtement qu'il y a probablement des gens qui ne comprennent pas chaque élément de l'accord, mais ils l'ont accepté en principe et ont fait confiance au jugement des personnes élues qui nous représentent pour dire qu'il s'agissait d'un bon marché pour nous.

On peut toujours critiquer le niveau de consultation. J'essaie de comprendre ça, mais pour comprendre, je dois connaître certaines statistiques. Nous recevons beaucoup de mémoires. Souvent, cependant, nous n'obtenons pas beaucoup de faits fondamentaux. Je dois savoir combien de gens vivent à Norway House. Quel est le pourcentage de gens qui ne comprennent pas l'anglais et qui sont unilingues? Ce sont là deux questions, afin que je puisse comprendre un peu mieux d'où vous venez.

M. Leonard McKay: Combien de personnes vivent à Norway House? Il y en a environ un millier qui habitent en dehors de Norway House. Quelqu'un a dit qu'il y en avait environ 5 500; j'imagine donc que près de 4 000 vivent dans la réserve.

M. John Bryden: Il y en a 4 000 à Norway House?

M. Leonard McKay: Non, à l'extérieur de Norway House.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Ah, à l'extérieur de Norway House.

M. John Bryden: Il y en a 1 000 à l'intérieur et 4 000 à l'extérieur?

M. Leonard McKay: Oui.

Mme Nancy Karetak-Lindell: D'accord. Encore une fois, ne comprenant pas les traités, quelles sont les personnes qui peuvent voter alors?

M. Bryan Hart: Vous avez inversé les chiffres, Leonard.

M. Leonard McKay: Il y en 4 000 à Norway House, dans la réserve, et 1 000 à l'extérieur de Norway House.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Ah, d'accord.

M. Leonard McKay: Bien, vous avez demandé des chiffres approximatifs.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Pour comprendre ça aussi, lorsque vous dites Norway House, j'imagine que vous voulez dire les personnes de plein droit qui vivent à Norway House, lorsque vous me donnez ces chiffres?

M. Leonard McKay: C'est exact, oui.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Est-ce que ces gens ont pu voter?

M. Leonard McKay: Tous les 4 000 n'ont pas voté.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Mais est-ce qu'ils pouvaient voter?

• 1125

M. Leonard McKay: Non, sur les 4 000, certains étaient des enfants. Il y avait 2 800 personnes ayant droit de vote, en incluant ceux en dehors de la collectivité et ceux à l'intérieur.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Ainsi, sur les 2 800 personnes, environ quel pourcentage pensez-vous étaient des Cris unilingues et n'étaient pas en mesure de comprendre l'AMOP?

M. Leonard McKay: Je ne le sais pas dans le cas de ceux qui vivent à l'extérieur et qui ont quitté. J'imagine que certaines des personnes d'un certain âge qui vivaient à l'extérieur et qui ont quitté, qui faisaient partie du projet de loi C-31, ne le comprenaient peut-être pas. Un bon nombre de personnes ne le comprenaient certainement pas.

Ce n'est pas une question de comprendre la façon; c'est de comprendre ce qui est à l'intérieur. Je parle et je lis l'anglais, mais j'ai de la difficulté à comprendre ça. Beaucoup de nos gens ont terminé leurs études secondaires, mais ils n'avaient pas ça. Ils avaient le petit guide contenant les questions et les réponses juste là; c'était facile pour eux. Mais pour ce qui est de le comprendre dans leur langue... Les vieux ont dit: «Ça va être une bonne chose. Vous allez avoir des avantages. Vous allez avoir de l'argent». Dans ce sens, peut-être qu'ils comprenaient, mais ils ne comprenaient pas toute l'explication—pas même ceux qui parlaient l'anglais.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Je vais utiliser un exemple personnel pour essayer de comprendre ce qui s'est passé. Mes parents sont des Inuit unilingues. Je peux dire à tout le monde ici qu'ils ne comprennent pas tout le contenu de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Mais ils ont fait confiance à quelqu'un comme moi et à des gens dans notre parenté qui leur ont dit «Je suis persuadé que nous allons profiter de cet accord». Ils se sont donc fiés à mon avis selon lequel l'accord était une bonne chose et qu'ils pouvaient donner leur signature ou voter pour cet accord.

Il n'y a peut-être pas eu assez de gens, au niveau de la collectivité, qui étaient en mesure d'expliquer l'accord, non seulement aux personnes âgées, mais aux gens en général, au sein de la collectivité, qui pouvaient ne pas avoir compris. Je peux dire honnêtement que je ne comprends pas toujours tout moi-même. Si je prends le projet de loi C-56, tout le langage juridique qu'il contient est assez difficile à comprendre. Je suis un membre récent, mais même si j'avais été membre depuis dix ans, je ne suis pas sûre que je serais en mesure de comprendre chaque phrase d'un projet de loi. Mais nous acquérons une compréhension générale du projet de loi grâce aux divers mémoires et en écoutant des témoins.

Avez-vous l'impression qu'il n'y avait pas assez de personnes qui étaient en mesure d'informer des gens comme vous, si vous n'étiez pas en mesure d'obtenir ces informations, ou même si vous le pouviez?

M. Leonard McKay: Je vais vous répondre de la façon suivante. Lorsqu'on a signé la CITNM, pas beaucoup de gens le comprenaient. Nous avons eu beaucoup de gens—je crois qu'un monsieur a mentionné le circuit des avocats à un certain moment. Ce serait peut-être une bonne idée d'appeler deux personnes—notre ancien négociateur et notre ancien consultant. Je pourrais donner les noms au président s'il le souhaite. Ils seraient peut-être en mesure de donner une meilleure explication et de comparer les effets de la CITNM et de l'AMOP. Mais il doit y avoir d'autres questions auxquelles pourraient répondre ces gens.

• 1130

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur McKay, lorsqu'il y a un référendum, il y a forcément des gens qui sont pour et des gens qui sont contre. J'aimerais qu'on fasse ensemble la liste de ceux qui étaient pour et de ceux qui étaient contre. Est-ce que le conseil de bande a recommandé de voter oui lors du référendum?

[Traduction]

M. Leonard McKay: Je dirais que oui.

[Français]

M. Claude Bachand: Est-ce que le conseil de bande était unanime à recommander de voter oui lors du référendum?

[Traduction]

M. Leonard McKay: Oui, je peux l'affirmer catégoriquement, parce que j'étais présent à cette réunion du mois d'octobre où ce même point à été mentionné.

[Français]

M. Claude Bachand: D'accord. Et j'imagine que les fonctionnaires du ministère qui sont venus dans la communauté étaient aussi favorables à ce que le oui l'emporte.

[Traduction]

M. Leonard McKay: Bien sûr, c'était eux qui voulaient tenir le référendum. Ils avaient demandé ce référendum.

[Français]

M. Claude Bachand: La question que je veux poser est la suivante. D'après vous, pour quelles raisons le conseil de bande voulait-il que le oui l'emporte lors de ce référendum? Jusqu'à maintenant, on peut se demander ce que cela a rapporté à la communauté de Norway House, sinon quelques milliers de dollars par personne en compensation de ce qui a été fait avec le Northern Flood Agreement. Que pensez-vous que le conseil de bande poursuivait comme objectif en appuyant le oui et en demandant à la communauté de faire de même?

[Traduction]

M. Leonard McKay: Ils pensaient honnêtement qu'il s'agissait d'un bon accord—il mettrait en oeuvre l'accord—une modification très étendue de la CITNM, avec très peu de passages introduits à partir de la CITNM en ce qui a trait au mercure, aux effets nuisibles, ou inconnus, imprévus... toutes ces choses.

[Français]

M. Claude Bachand: Vous avez parlé de menaces. Est-ce que les gens qui proféraient des menaces étaient des gens en faveur ou contre?

[Traduction]

M. Leonard McKay: Vous voulez dire ceux qui proféraient des menaces? Je présume qu'ils étaient en faveur de l'AMOP. J'ai été la cible de menaces à deux reprises.

[Français]

M. Claude Bachand: Il me semble que faire des menaces est antidémocratique. Habituellement, lorsqu'on en fait, c'est parce que les enjeux sont très élevés. Est-ce que vous considérez que les enjeux étaient suffisamment élevés dans le cas de ce référendum pour que des groupes profèrent des menaces?

[Traduction]

M. Leonard McKay: Oui.

[Français]

M. Claude Bachand: Quels étaient les enjeux, selon vous?

[Traduction]

M. Leonard McKay: Réélection—le gouvernement fédéral pouvait s'en tirer avec un petit montant—19 millions de dollars, dont 16 millions de la province. Je crois que le montant d'Hydro était de 35 millions de dollars.

Ainsi, s'ils ont payé ces petits montants, comparativement à ce que serait la valeur réelle de la CITNM... C'est beaucoup d'argent. C'est quoi un milliard de dollars en français? Je ne sais pas; c'est beaucoup d'argent en cri. J'imagine que dans les cercles du gouvernement, c'est beaucoup d'argent, si on tient compte de ce que dit M. Martin, beaucoup d'argent.

Ainsi, les enjeux étaient importants. La réélection a été assurément un facteur. Les gens voulaient de l'argent pour Noël.

• 1135

C'est drôle de vous entendre poser cette question. Entre 1989, époque à laquelle a été effectué le premier paiement par habitant, et 1994, il ne s'est rien passé en matière de paiements par habitant—rien. Cette question n'a été soulevée qu'à partir de 1994, lorsque vous avez eu à faire la promotion de l'AMOP. Vous deviez le faire accepter. Le gouvernement payait sa part pour atteindre un objectif précis. Ils ont dit, réglons ça par tous les moyens possibles, car, comme en France, c'est beaucoup d'argent.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur McKay.

M. Leonard McKay: Je vous en prie.

Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Bryden.

M. John Bryden: J'ai quelques points. Sur les 2 800 électeurs admissibles, combien lisaient le cri, environ?

M. Leonard McKay: Bon nombre des personnes âgées lisaient le cri. Voyez-vous il y a une différence...

M. John Bryden: Combien, quand même? Une centaine ou...

M. Leonard McKay: Bien, combien de gens parlent français au Canada?

M. John Bryden: Nous avons un chiffre...

M. Leonard McKay: Je sais, c'est la même chose pour nous. Beaucoup de gens parlent...

M. John Bryden: Non mais, qui lit le cri?

M. Leonard McKay: Beaucoup de monde lit le cri. Laissez-moi vous dire ceci. C'était à cause de cette question-là, celle de parler et de comprendre le cri—le facteur langue—le gouvernement et les organisations religieuses nous ont enlevé notre langue dans une mesure importante. Nous avons fréquenté des pensionnats—un instant seulement, parce que je veux répondre à cette question—et ils nous ont pris notre capacité de communiquer efficacement et de savoir ce que nous disons dans les deux langues.

M. John Bryden: La question ici est, parce que des documents n'ont pas été traduits en cri, est-ce que cela a empêché des gens de comprendre ce qui se passait? Je reviens à la question de mon collègue. Combien de gens ont été privés de la possibilité de lire ou de comprendre les documents parce qu'ils n'étaient pas en mesure de lire l'anglais, parce qu'ils n'auraient pu les lire qu'en cri? Combien de personnes ne pouvaient les lire en anglais mais uniquement en cri?

M. Leonard McKay: Je ne sais pas. Si je pouvais voir dans l'esprit de chaque résident de Norway House...

M. John Bryden: Mais vous vivez à Norway House depuis de nombreuses années. Est-ce que les gens lisent le cri?

M. Leonard McKay: Oui, ils le lisent.

M. John Bryden: Est-ce qu'ils lisent le cri et pas l'anglais? C'est ce que j'essaie de comprendre.

M. Leonard McKay: Oui. Ils lisent le cri. Vous devriez les entendre le dimanche lorsqu'ils prêchent. Il existe une Bible en caractères cris. Ça existe. Jim en est la preuve. Jadis, nous parlions le cri mais nous ne savions pas le lire. C'est lui qui a dit: «Voici la possibilité de comprendre votre langue dans sa forme écrite».

M. John Bryden: J'apprécie beaucoup et je comprends très bien le fait de vouloir préserver sa langue et sa culture. Mon collègue d'en face soulignerait beaucoup ce point.

Mais la question ici est le fait que les documents n'étaient rédigés qu'en anglais. Est-ce que cela a empêché de manière importante les gens de comprendre ce qui se passait. Si vous êtes en mesure de répondre oui, c'est bien, mais donnez-moi une idée. Il est question de 2 800 personnes; s'agit-il alors de cent personnes, de dix personnes ou de 300 personnes? Donnez-nous simplement une idée.

M. Leonard McKay: Je vais vous donner une réponse en deux parties.

Certains aspects de la CITNM ont été rédigés dans un premier temps en cri, mais cela n'a jamais été montré à Norway House.

L'autre point est que dans l'ébauche de l'AMOP au sujet de laquelle nous avons voté, on disait expressément que l'accord serait rédigé en cri. La Constitution dit des choses précises. Elle ne dit pas voilà ce qui va se passer, pour ensuite changer d'idée et ne pas le faire.

• 1140

Concernant le nombre, il y en a peut-être une centaine, peut- être 200. Je ne sais pas. Mais il y a certainement beaucoup de gens qui...

M. John Bryden: Qui sont unilingues—qui savent lire le cri mais non l'anglais, ou le français, d'ailleurs.

M. Leonard McKay: Oui.

M. John Bryden: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais: Tout d'abord, vous avez mentionné qu'il y a eu une communication selon laquelle les gens seraient menacés. Est-ce que cela a un rapport avec la réunion que vous avez enregistrée? C'est à ce moment-là que la communication...?

M. Leonard McKay: Oui, c'était en rapport avec ça. Voici quelles étaient les circonstances. Lorsqu'on a compté les votes, le 23 septembre, un des conseillers a annoncé ceci: «Notre avocat nous recommande de retenir le paiement dans le cas des personnes qui participent à l'action en justice». L'AMOP n'avait pas été signé. C'est leur conseiller juridique indépendant qui recommandait cela.

Mme Bev Desjarlais: Et quel est le conseiller qui a fait l'annonce?

M. Leonard McKay: Je peux peut-être l'écrire pour vous.

M. Bev Desjarlais: C'est plutôt...

M. Leonard McKay: C'était une tribune publique. Ce n'était pas...

Mme Bev Desjarlais: C'est une déclaration importante, donc...

M. Leonard McKay: Oui. Le conseiller Miskago. Il a lu lettre devant nous.

Mme Bev Desjarlais: Et la lettre disait que l'avocat recommandait de refuser le paiement à ces gens.

M. Leonard McKay: Oui.

Mme Bev Desjarlais: Et c'était refuser le paiement à cause la non-acceptation de l'accord.

M. Leonard McKay: Non. Le paiement a été refusé parce que leur nom figurait dans l'action en justice.

Mme Bev Desjarlais: Dans l'action en justice, d'accord. On a mentionné également d'autres menaces et des choses qui se passaient. A-t-on jamais porté des accusations contre qui que ce soit relativement à l'une ou l'autre des menaces, ou quelque chose du genre?

M. Leonard McKay: Il y a eu un incident, et j'imagine qu'on le mentionnera à nouveau, lorsqu'on a porté des accusations par la GRC contre un groupe de personnes qui voulaient faire connaître leur opinion à la radio. Elles ont été accusées, mais les accusations n'ont jamais été portées. Elles n'ont pas été retirées. J'imagine que la GRC avait été envoyée par le chef Ron Evans, parce qu'elle est apparue soudainement. Il y avait certains conseillers qui étaient présents à cette rencontre-là.

Mme Bev Desjarlais: Y a-t-il eu d'autres communications qui ont eu lieu dans l'ensemble de la collectivité, pour ou contre? Est-ce que cela se passait de façon régulière par la filière de la collectivité?

M. Leonard McKay: Non. C'était très unilatéral. C'était leur journal. Nous n'avions pas accès à la station de radio et à la station de télévision. Nous avons essayé. Honnêtement, nous avons essayé. Ce n'est pas que nous n'ayons pas essayé.

Mme Bev Desjarlais: A-t-on fait des annonces à la radio ou à la télévision concernant le refus de paiement? Est-ce que cela s'est jamais produit?

M. Leonard McKay: Je suppose que la fois en décembre 1997 en est une. C'était celle qui a prédominé parce qu'elle a été faite à la radio et à la télévision.

Mme Bev Desjarlais: Qu'avait-on annoncé cette fois-là?

M. Leonard McKay: C'était ce que j'ai dit concernant la retenue des paiements.

Mme Bev Desjarlais: Comme ça, ça s'est passé à la radio et à la télévision?

M. Leonard McKay: Oui.

Mme Bev Desjarlais: D'accord. Concernant le nombre de personnes qui parlent le cri, en tant que personne qui a vécu dans le nord du Manitoba dans une collectivité urbaine, mais qui a connu et eu affaire à de nombreuses collectivités, je peux témoigner du fait que s'il y a eu une collectivité qui a eu l'avantage de pouvoir continuer à utiliser sa langue et son écriture syllabique... Comme vous l'avez mentionné, parce que le révérend Evans a réalisé une version de la Bible en écriture syllabique, il y a plus de gens à Norway House, et probablement les personnes d'un certain âge, qui connaissent probablement le cri et ont plus tendance à rester dans les limites de leur langue. Il ont eu cette possibilité, tandis que d'autres collectivités ne l'ont pas eue.

J'imagine donc qu'il doit y avoir un nombre suffisant de personnes qui ne connaissaient que le cri, en particulier les personnes âgées. Je crois qu'il est important reconnaître ce fait. Norway House est quelque peu différente des autres collectivités à cet égard, car d'autres collectivités ne commencent qu'à essayer d'encourager et de ramener l'écriture syllabique. Je pense également que depuis un certain nombre d'années, on enseigne le cri à l'école de Norway House, alors que ce n'est pas le cas pour d'autres collectivités.

• 1145

Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup.

M. Leonard McKay: Est-ce que je peux dire quelque chose?

Le vice-président (M. John Finlay): Vous pouvez certainement formuler un autre commentaire, monsieur.

M. Leonard McKay: Je souligne encore une fois ceci: il serait dans votre meilleur intérêt de rappeler ici notre ancien négociateur et notre ancien consultant. Je garantis que ce serait dans votre meilleur intérêt. Si vous voulez savoir leur nom, c'est libre à vous. C'est à votre discrétion, mais je ne sais pas...

Le vice-président (M. John Finlay): Peut-être, monsieur McKay, vous pourriez donner les noms au greffier, à notre intention, s'il vous plaît.

M. Leonard McKay: D'accord, ce serait fantastique.

J'ai beaucoup de preuves supplémentaires dans mon mémoire de 41 points.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci.

M. Leonard McKay: Je vous en prie.

Le vice-président (M. John Finlay): Messieurs, au nom du Comité, nous apprécions beaucoup votre visite de ce matin et le fait que vous ayez respecté autant que possible l'horaire que j'ai imposé. J'apprécie cela.

Je ne suis pas normalement le président, de sorte que j'ai habituellement l'occasion de dire quelque chose. Je ne veux pas faire de discours, mais je veux vous dire en revanche qu'il n'y a personne au sein de ce comité, et personne que je connais au sein des partis au Parlement, qui nie la lenteur du processus de conclusion d'accords avec nos peuples autochtones. Personne parmi nous ne nie l'existence des abus qui ont eu lieu dans le passé.

J'étais assis ici et j'ai eu une impression passagère de déjà vu. J'étais assis sur la chaise qu'occupe M. Bryden, et j'écoutais l'ancien grand chef de l'Assemblée des premières nations, Ovide Mercredi. Et quand vous étiez en train de parler, j'ai dit, «Mon Dieu, Bryan, ça aurait pu être Ovide». Si vous considérez cela comme un compliment, tant mieux. Sinon, eh bien, vous savez mieux que moi comment vous prendriez ça.

Pour ce qui est du processus démocratique, je dois formuler un commentaire. Une des bases d'un gouvernement démocratique, c'est la règle de la majorité—ceux qui obtiennent le plus de votes, gagnent. Mais je dois dire que les choses ne se passent pas toujours ainsi, car lors de la dernière élection, les Libéraux fédéraux... J'ai personnellement reçu moins de 50 p. 100 des voix dans ma circonscription, mais j'ai toujours la responsabilité de représenter les gens de ma circonscription, et cela est le cas pour un très grand nombre de députés à la Chambre.

Vous savez sans doute également que lors des dernières élections provinciales au Québec, les Libéraux ont obtenu plus de votes que le Parti québécois. Le processus comporte des circonscriptions et des partis, et ainsi de suite, mais ce processus a progressé durant une long laps de temps. Il a commencé aux alentours de 1066—ce n'est pas aussi loin en arrière que dans votre cas, je l'admets, et peut-être votre processus de consentement mutuel...

Nous écoutons avec intérêt et nous comprenons qu'il s'agit d'un processus qui fonctionne pour vous. Je ne suis pas sûr que nous allons réussir un jour à accorder le monde moderne avec ce processus, parce que nous sommes en train d'aller dans la direction opposée. Nous sommes en train d'aller dans la direction de «je vais cocher le bulletin de vote» ou «je vais appeler et nous allons faire un sondage, et après nous ferons quelque chose»—de la démocratie instantanée. Ça n'a jamais marché correctement, et je crois que votre système est nettement plus durable, mais nous sommes pris avec le système que nous avons et nous devons nous en accommoder.

Merci beaucoup d'être venus.

Nous allons faire une pause de cinq minutes avant d'entendre les prochains témoins—mais seulement cinq minutes.

• 1149




• 1156

Le vice-président (M. John Finlay): Mesdames et messieurs, nous avons ici avec nous, au nom de la Manitoba Aboriginal Rights Coalition, Will Braun et Jack McLachlin, qui prétend que tous les McLachlin du Canada sont parents.

Est-ce que vous allez prendre la parole, Will?

M. Will Braun (porte-parole, Manitoba Aboriginal Rights Coalition): Monsieur Bianchi, dont le nom figurait initialement sur la liste, va commencer. Je crois qu'on est en train de préparer un insigne nominatif pour lui.

M. David Iftody: Monsieur le président, j'ai un rappel au règlement avant de commencer. Avec les quatre témoins précédents, ça nous a pris trois heures, et il nous reste une heure pour les trois témoins qui restent. Je voudrais rappeler aux témoins et aux membres que si nous voulons nous rendre à la période des questions et des réponses beaucoup plus rapidement, qui est le fruit de la discussion, on pourrait peut-être raccourcir quelque peu les exposés, si tout le monde était d'accord.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Iftody.

Si vous allez faire des exposés distincts, je vais limiter les questions à moins de temps, afin de pouvoir passer à chacun de vous, si c'est ce que vous voulez, ou peut-être voulez-vous tous parler d'abord et passer aux questions par la suite, comme vous préférez. Ed.

M. Ed Bianchi (coordonnateur national, Coalition pour les droits des Autochtones): Je serai très bref. Je n'ai pas rédigé ni présenté un mémoire à l'attention du Comité permanent; c'est pourquoi je n'avais pas l'intention de formuler un long propos.

Je suis ici principalement à titre de représentant de l'organisme national dont fait partie la Manitoba Aboriginal Rights Coalition (MARC). Comme vous pouvez voir, je m'appelle Ed Bianchi. Je suis coordonnateur national de la Coalition pour les droits des Autochtones. On nous appelait autrefois Projet nordique. Nous existons depuis environ vingt-cinq ans. Nous sommes une coalition d'églises et d'organismes ecclésiastiques. À l'heure actuelle, douze églises sont représentées au sein de notre coalition. Nous avons également un certain nombre de groupes constitués en réseau, principalement des groupes de bénévoles de collectivité, dont la MARC. Nos groupes en réseau se trouvent dans chacune des provinces du Canada. Nous collaborons également étroitement avec des organisations autochtones et avec les peuples autochtones dans l'avancement des causes liées aux droits des Autochtones et à la justice applicable aux Autochtones

Je voulais simplement planter le décor de cette façon pour les témoins qui représentent ici la Manitoba Aboriginal Rights Coalition, et ajouter peut-être très brièvement que la Coalition pour les droits des Autochtones accorde une très grande importance à cette question parce que nous la considérons avant tout comme une question qui touche les droits fondamentaux des Autochtones et la justice applicable aux Autochtones.

Que l'AMOP s'avère avantageux ou non pour la collectivité de Norway House n'a rien à voir avec la question. La question la plus important aux yeux de la Coalition pour les droits des Autochtones est celle de savoir si les droits des Autochtones de Norway House sont respectés ou non. Les gens de Norway House font partie de ce qu'on appelle le Traité no 5. Les gens de Norway House ont négocié la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, comme vous le savez. Les droits des gens de Norway House sont-ils respectés dans le processus que nous appelons maintenant l'Accord de mise en oeuvre principal (AMOP)?

• 1200

Il y a à peine quelques minutes, le président a parlé de ce qu'on pourrait appeler les lacunes ou les particularités du système démocratique. Ces particularités—le fait que dans certains cas, la majorité ne gouverne pas, alors que dans d'autres cas, elle gouverne effectivement—sont compensées, au sein d'un système démocratique, par les droits et libertés individuels. Nous avons une Constitution qui fait en sorte que les droits individuels des personnes qui composent notre société sont protégés dans les cas où il y a une tyrannie découlant d'une situation de majorité.

Les droits des Autochtones de Norway House sont également protégés, et ils sont reconnus sur le plan national, au Canada, et sur le plan international, à différents niveaux. La Coalition pour les droits des Autochtones s'efforce d'éduquer les gens au sujet des droits des Autochtones, de la justice applicable aux Autochtones et de la façon dont les droits des Autochtones ont été bafoués pendant des générations.

Monsieur le président, si je peux vous paraphraser encore une fois, vous disiez tout à l'heure que nous connaissons tous les injustices et les simulacres de justice qu'ont subis les peuples autochtones dans le passé. Je crois qu'il est plus important de ne pas oublier les injustices et les simulacres de justice que subissent les Autochtones de nos jours, parce que ces choses ne sont qu'une indication du fait que nous avons ici au Canada un problème systémique qui se manifeste dans des collectivités aux quatre coins du Canada, et qui prend la forme de l'AMOP à Norway House, par exemple, et de problèmes liés au référendum, etc.

Je pense donc que nous devons garder à l'esprit qu'il s'agit là d'une question de principe et de droits fondamentaux, et d'une question qui renvoie au rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, ou qui est reflétée par ce rapport, où les membres de la Commission avaient dit que fondamentalement, ce qu'il fallait au Canada pour pouvoir s'engager sur le chemin de la restauration d'une certaine forme de justice est une nouvelle relation entre les peuples autochtones et non autochtones. Ça doit être une relation où les deux parties sont égales, où il y a du respect mutuel et de la responsabilité, et où il y a un partage des ressources et de la richesse.

J'ai pensé de formuler ces remarques introductives afin de vous aider à mieux comprendre à quel genre de groupe appartient la MARC.

Avec ces mots, je suis ouvert à toute question. Il est peut- être préférable d'attendre que les deux autres témoins aient terminé. Par la suite, si vous avez des questions à me poser, il me fera plaisir d'essayer d'y répondre. Je vous remercie encore une fois pour l'occasion qui m'a été donnée d'être ici aujourd'hui.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup, monsieur Bianchi.

Will.

M. Will Braun: Merci, monsieur le président. Je voudrais saluer les membres du Comité et vous remercier de m'avoir donné l'occasion d'être ici aujourd'hui. Je vais parler de certains des aspects qui sont traités dans notre mémoire, dont vous avez, je crois, des copies.

La Manitoba Aboriginal Rights Coalition a un lien historique avec la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Nous avons succédé à un groupe qui s'appelait Inter-Church Task Force on Northern Flooding et qui avait été créé par M. McLachlin, en 1973. Ce groupe avait tenu une enquête publique sur les effets du projet hydroélectrique Churchill-Nelson sur les peuples autochtones. L'enquête en question avait eu lieu en 1975 et elle a contribué de manière importante à conclusion de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba en 1977. En tant qu'organisation qui a succédé à ce groupe, nous considérons que nous avons une obligation morale de voir à ce que la CITNM soit mise en oeuvre d'une façon honorable.

Je voudrais signaler que même si nous sommes en contact avec divers groupes autochtones, nous ne prétendons pas parler en leur nom, de quelque manière que ce soit.

Nous croyons que les questions sur lesquelles nous nous penchons aujourd'hui sont une source de préoccupation pour tous les citoyens. En tant que citoyens et clients d'Hydro, nous croyons que nous avons un intérêt direct, voire un enjeu éthique, dans ces questions. Nous reconnaissons le fait que le produit hydroélectrique a été construit et est exploité par nos gouvernements et par notre entreprise publique d'électricité dans notre intérêt, et nous reconnaissons que l'hydroélectricité bon marché qui provient de la rivière Nelson est un droit prévu par la CITNM dont nous bénéficions. Par conséquent, l'honnêteté de la mise en oeuvre de la CITNM reflète notre intégrité et notre honneur également. Si l'électricité que nous utilisons est obtenue par des moyens injustes, nous considérons avoir la responsabilité et le droit de nous pencher sur cette question.

• 1205

Je vais formuler quelques brefs commentaires sur le processus de ratification, et en particulier sur le rôle du gouvernement fédéral dans ce processus; je vais signaler à cet égard quatre simples faits. Premièrement, il y a eu deux référendums sur la même question au cours d'une période de soixante jours. Deuxièmement, dans le cas du deuxième référendum, les règles régissant les critères d'approbation avaient été changées, ce qui a augmenté les probabilités d'obtenir une approbation. Troisièmement, dans les deux cas, le vote s'est déroulé avec la promesse d'un paiement de 1 000 dollars à chaque membre de la bande après la ratification. Et quatrièmement, toutes les pratiques ont été administrées, sanctionnées et présidées par le gouvernement fédéral, à sa propre demande.

Nous trouvons ces pratiques tout simplement inacceptables et injustifiables, quelles que soient les circonstances. Nous ne pouvons imaginer comment ce genre de paiement par habitant pourrait ne pas avoir une incidence importante sur les votants. Les apparences et des preuves montrent que les modifications apportées aux critères d'approbation ont servi la cause de la partie qui administrait le processus. Nous avons vu des auditoires réagir avec incrédulité et avec dédain en entendant parler de ces pratiques administrées par le gouvernement fédéral lors de ces scrutins. Il s'agit de pratiques que nous n'accepterions jamais dans nos propres collectivités, et nous considérons que le processus administré à Norway House n'est pas une façon respectueuse d'obtenir le consentement souverain d'une première nation.

Concernant l'Accord de mise en oeuvre principal comme tel, nous nous inquiétons du fait que l'AMOP ne représente pas une mise en oeuvre honorable de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Les constatations de l'Enquête sur l'administration de la justice en milieu autochtone en ce qui a trait au statut de traité de la CITNM ont déjà été mentionnées ici aujourd'hui, et nous partageons l'avis selon lequel la CITNM est un pacte de confiance et d'honneur entre deux peuples. C'est un cadre servant à assurer une relation respectueuse et équitable entre deux peuples, les peuples aux deux extrémités de la ligne de transmission. De notre point de vue fondé sur la foi, nous affirmons la croyance souvent exprimée des Autochtones en la nature sacrée des traités. Cette notion de pacte est également au centre de nos traditions ecclésiastiques.

Dans une déclaration intitulée A New Covenant, des leaders ecclésiastiques canadiens ont dit ceci:

    Les droits des Autochtones sont reconnus tant en droit international que dans les documents historiques de ce pays. Nous estimons, cependant, que les droits des peuples autochtones ne sont pas simplement une question juridique ou politique, mais d'abord et avant tout une question morale qui touche l'âme et le coeur mêmes du Canada.

En comparant la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba avec l'AMOP, nous constatons ce qui suit: la CITNM exige que des mesures concrètes soient prises pour s'attaquer à tous les effets directs et indirects du projet hydroélectrique d'une façon juste et équitable. La CITNM prévoit un contexte et une structure pour des occasions continues d'amélioration. Nous considérons la CITNM comme une relation entre deux peuples qui trace la voie sur laquelle les deux parties peuvent agir dans le futur d'une manière juste et honorable. Il s'agit d'une assurance vaste et continue que des mesures concrètes seront prises pour combattre l'injustice. Et nous considérons également que la CITNM reflète les notions d'équité, de justice et d'attention à l'égard du prochain qui sont enchâssées dans les Écritures juives et chrétiennes.

Même si l'Accord de mise en oeuvre principal maintient plusieurs des dispositions permanentes de la CITNM, nous n'avons pas l'impression qu'il s'agit d'une structure ou d'un cadre pour une relation fondée sur la CITNM. En fait, nous croyons que l'AMOP représente une réduction et une restriction des droits prévus par la CITNM. L'AMOP dit que rien dans l'accord n'est «censé» modifier les droits des Autochtones ou les droits issus de traités. De bonnes intentions, c'est bien, mais nous ne sommes pas du tout convaincus que l'AMOP a effectivement l'effet qu'il est censé avoir.

Nous remarquons que la compensation est seulement un élément de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, à l'intérieur d'un contexte plus vaste de droits prévus par la CITNM. La CITNM ne prévoit aucun plafond en matière de compensation. Au coeur de la CITNM, il y a une disposition pour s'attaquer à la pauvreté et au chômage, ainsi qu'une disposition pour le développement à long terme des collectivités. Au coeur de l'AMOP, il y a des montants de compensation fixes, dans un cadre juridique restreint.

Nous reconnaissons le fait que l'AMOP a profité à Norway House. Il a profité à la collectivité, et nous approuvons cela entièrement. Mais nous nous demandons pourquoi le pacte d'équité et de justice semble avoir été perdu dans ce processus. La CITNM prévoit le droit à des moyens de subsistance, tandis que l'AMOP prévoit le droit à un règlement pécuniaire limité. Nous estimons que la nature de la CITNM est très différente de celle de l'AMOP. Dans le cadre de l'AMOP, les parties de la Couronne conservent leurs droits ouverts prévus par la CITNM, tandis que les droits des peuples autochtones sont limités et assujettis à un plafond. Nous en arrivons à la conclusion que l'AMOP impose de nouvelles restrictions aux droits et aux avantages de Norway House prévus par la CITNM, alors que les droits et les avantages prévus par la CITNM pour les parties de la Couronne demeurent intacts, et en fait ils sont accrus.

• 1210

Nous craignons que le pacte ait été rompu. L'AMOP n'est-il pas une bien meilleure affaire pour les gouvernements, pour Hydro Manitoba et, en dernière analyse, pour nous, que pour les gens de Norway House?

Je voudrais formuler seulement quelques commentaires sur le processus «donnant donnant» entre les parties autochtones et les parties de la Couronne. En échange de l'inondation de leurs terres, on a proposé aux Cris la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, et avec cela, le «donnant donnant» est devenu chose du passé et les négociations ont été terminées. Les parties autochtones ont entièrement respecté leurs obligations prévues par la CITNM. Elles ont tout donné ce qu'elles s'étaient engagées à donner, et cela leur a effectivement coûté cher. Il nous semble maintenant que si elles veulent voir la réalisation des obligations prévues par la CITNM, après quinze ou vingt ans de contraintes accumulées, elles vont devoir céder encore plus afin de les obtenir. On semble leur demander de renoncer à certaines des obligations que comporte la CITNM et à certaines des obligations continues à large portée.

Au sujet du traité qu'il était invité à signer, sous pression, en Saskatchewan, le chef Big Bear a dit: «Cela a toujours été un choix difficile: résister et mourir de faim—ou manger et être trompé».

De toute évidence, Norway House a eu à choisir entre l'AMOP et la non-mise en oeuvre de la CITNM, et cela ne nous paraît pas un bon choix à devoir faire. Nous considérons que les gens de Norway House n'auraient pas dû avoir à renoncer à des droits sous-jacents pour recevoir des prestations prévues par la CITNM. Ce à quoi ils ont déjà renoncé est beaucoup plus qu'assez.

En conclusion, nous demandons avec instance au Comité permanent de retarder la prise de décision concernant le projet de loi C-56, afin de laisser du temps pour étudier les effets de l'AMOP sur les droits issus de traités, sur les droits prévus par la CITNM et sur la viabilité à long terme de Norway House, ainsi que pour enquêter sur les faits liés au processus référendaire. Nous estimons que la nation crie de Norway House mérite mieux que l'AMOP, qu'en fait elle mérite tous les avantages qu'elle a obtenus en vertu de la CITNM, outre un pacte sacré de justice, de respect et d'équité.

Notre coalition planifie actuellement la réouverture de l'enquête qui a été menée en 1975. Ce processus d'enquête public sera centré non seulement sur la situation de Norway House, mais offrira également l'occasion d'effectuer un certain traitement public de l'information relative à cette enquête. Nous espérons qu'en définitive, cette prise de conscience publique profitera aux gens de Norway House et à d'autres collectivités touchées.

Je vais terminer en formulant à nouveau les propos des leaders ecclésiastiques canadiens: «Nous estimons... que les droits des peuples autochtones ne sont pas simplement une question juridique ou politique, mais d'abord et avant tout une question morale qui touche l'âme et le coeur mêmes du Canada».

Merci.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci.

Monsieur McLachlin.

M. Jack McLachlin (membre, Manitoba Aboriginal Rights Coalition): Je ne savais pas que j'allais comparaître jusqu'à ce que j'arrive ici, mais je suis prêt à répondre à des questions, et je peux faire une partie de l'historique, étant donné que j'ai participé à la formation du groupe de travail inter-églises sur l'inondation des terres du nord du Manitoba (Inter-Church Task Force on Northern Flooding).

Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup, Jack.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad: Je ne sais même pas par où commencer.

Vous avez dit que les droits sont vraiment plus importants que les avantages que l'on pourrait obtenir en vertu de cet accord. Comment voyez-vous la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba? Estimez-vous qu'elle instaure des droits ou qu'elle énumère des droits déjà existants? Considérez-vous que l'AMOP réduit ces droits? Je ne parle pas ici de droits universels comme le droit à la vie et la liberté, des choses comme ça. Je parle d'autres choses que vous êtes en train de considérer dans le cadre de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Pouvez-vous me donner des éclaircissements à ce sujet, s'il vous plaît.

• 1215

M. Will Braun: Dans la CITNM, on trouve les dispositions à portée large pour un traitement juste et équitable, et l'objectif de travailler à l'éradication de la pauvreté et du chômage généralisés, ainsi que des dispositions précises relatives à la planification du développement des collectivités, et ce genre de choses. Ce sont là certains des droits qui ont une portée plus large que le simple fait de dire: nous allons vous donner une certaine somme d'argent...

M. Derrek Konrad: Mais le développement économique des collectivités est-il un droit ou un avantage prévu par la convention? J'ai un peu de mal à comprendre ce que vous êtes en train de dire au juste.

M. Will Braun: Depuis notre point de vue en tant que clients d'Hydro, en tant que gens à l'autre bout, qui profitons de ce projet, nous voyons la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba comme un cadre pour une relation entre deux peuples, où les gens qui subissent des effets négatifs du projet sont en quelque sorte des cobénéficiaires de ce projet, et où, si nous en profitons, eux devraient en profiter également. La convention établit donc ce cadre, ce que nous considérons comme une chose complètement différente du simple fait de dire: nous allons vous donner un certain montant.

M. Derrek Konrad: Merci.

Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Iftody.

M. David Iftody: J'ai quelques questions. Je sais que pendant que vous étiez dans cette salle, vous écoutiez les témoignages. Vous avez soulevé les mêmes points que nous allons entendre de la part de quelque trente à trente-cinq personnes qui adoptent la même position que la vôtre. Mais il se peut que vous ayez entendu le débat, plus tôt ce matin, et vous avez peut-être lu la transcription des propos d'autres personnes qui ont témoigné.

Nous avons passé en revue tout le processus des problèmes relatifs au référendum; il n'y avait pas de bulletins de vote en cri, ou bien il y a eu un paiement. Nous avons parlé du calendrier des paiements qui a été établi longtemps avant la tenue du vote de 1997. Autrement dit, nous continuons à revenir sur ces points.

Il y a trois questions qui sont soulevées continuellement dans cette discussion: Y avait-il des bulletins de vote en cri? Qu'en est-il de l'honnêteté du référendum? Le calendrier des paiements était-il d'une certaine façon subversif? Nous avons fait valoir ceci et avancé cela dans chacun des cas où le juge Muldoon—je le répète—a statué que le processus référendaire était certainement légal. Nous avons des témoignages, et nous allons présenter des preuves qu'il y avait bien des bulletins de vote en cri. J'ai parlé ce matin des paiements qui ont été effectués longtemps avant le référendum de 1997. Ainsi, d'après ces trois réfutations des faits, où situez-vous votre préoccupation morale, comme vous dites—et je veux utiliser ces mots avec prudence ici, que je pense être appropriés—par rapport aux trois arguments qui je crois ont été réfutés au cours des derniers jours? C'est ma première question.

Vous parlez des droits et des avantages qui découlent de la convention, et je pense qu'il s'agit d'un point intéressant. Par exemple, dans le cas des Cris du Québec, que diriez-vous si les avantages offerts par Hydro-Québec et Hydro Manitoba retournaient dans la collectivité autochtone? Je crois qu'il s'agit d'une proposition raisonnable. Seriez-vous d'avis, par contre, que si Hydro-Québec, Hydro Ontario ou Hydro Manitoba faisaient faillite, l'inverse serait vrai également, c'est-à-dire que si les droits vont en amont, les dettes vont en aval? Hydro Manitoba vient de faire l'acquisition de Centra Gas, et si les prix du gaz chutent et s'il y a toutes sortes de problèmes, et s'ils tombent dans un déficit, est-ce que cela veut dire que les gens du Manitoba vont téléphoner aux gens de Norway House pour leur demander d'envoyer un chèque pour couvrir les pertes subies par leurs courtiers à la Bourse de New York?

M. Will Braun: J'aborderais peut-être la dernière question en premier.

Si on considère l'historique de cette situation qui dure depuis plus de vingt ans, il est patent que Hydro Manitoba a profité énormément du développement hydroélectrique de la rivière Nelson et que ce même projet a eu des effets très négatifs sur les Cris. Quelque chose cloche donc ici. Cela paraît comme une très simple injustice dans des proportions assez extrêmes. Ainsi, concernant la question de savoir si les Cris devaient partager d'éventuelles dettes de Hydro Manitoba, je ne suis pas sûr qu'il s'agisse là de quelque chose de particulièrement pertinent par rapport à cette situation. Nos tarifs d'électricité au Manitoba sont maintenant subventionnés par la pauvreté des Cris du nord, et cela ne me paraît tout simplement pas la façon dont les choses devraient se passer.

• 1220

Pour répondre à la première question concernant les trois piliers dont vous avez fait mention, je pense que ce que nous avons dit aujourd'hui, comme l'a mentionné M. Hart un peu plus tôt, que ce qui importe le plus c'est la question des droits découlant des traités. Nous prions le Comité de fonder ses conclusions concernant le projet de loi C-56 sur un avis juridique, ou peut-être sur plusieurs avis juridiques provenant de différentes sources. Il me semble assez risqué d'aller de l'avant avec le projet de loi C-56 sans ce renseignement de première importance.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: En guise d'introduction, je voudrais dire qu'on ne pourra jamais entièrement rembourser les premières nations de ce qui leur a été pris. On n'a qu'à regarder les profits que font Hydro-Québec et Manitoba Hydro.

Ces personnes vont accepter des règlements de quelques milliers de dollars, alors qu'Hydro-Québec et Manitoba Hydro vont continuer de faire des millions et peut-être même des milliards de dollars de profit. Si jamais Hydro-Québec devenait déficitaire, je ne crois pas qu'elle devrait envoyer une facture aux Cris du nord du Québec.

C'est prendre l'histoire à l'envers parce que, fondamentalement, on a pris les terres et les rivières des autochtones, on les a cantonnés sur des réserves et on leur dit maintenant qu'on va leur donner quelques milliers de dollars à la veille de Noël. Les gens sont un peu tentés. C'est important également. Ce ne sont pas seulement les Indiens qui sont tentés par l'argent. Nous le sommes également. Quand on se fait offrir quelques milliers de dollars, on a tendance à vouloir les prendre, surtout quand on est mal placé comme le sont autochtones. Ils font face à une pauvreté épouvantable.

Si on peut effectivement considérer que, lors du référendum, il y a eu un nombre de votes suffisant—et je pense, monsieur le président, que vous avez fait le rapprochement tout à l'heure avec ce qui s'est passé au Québec ou ce qui s'est passé au Canada avec les libéraux qui ont été élus avec 38 p. 100 des suffrages—, il n'en demeure pas moins qu'il y a d'autres facteurs qui peuvent influencer la démocratie. Ces gens-là étaient dans la pauvreté, et on leur a offert des chèques au temps des Fêtes en leur disant: «Si vous votez en faveur...». Je crois que cela peut influencer la démocratie.

M. Braun a parlé de rouvrir une enquête que lui ou quelqu'un autre aurait faite en 1975. Qui a fait une enquête en 1975? Est-ce que je vous ai bien entendu quand vous avez dit que vous vouliez rouvrir l'enquête de 1975?

[Traduction]

M. Will Braun: Peut-être que monsieur McLachlin pourrait nous expliquer un peu le contexte de cette enquête de 1975.

M. Jack McLachlin: Oui, merci beaucoup.

Je vais vous raconter un petit bout de l'histoire. Au début des années 70, en 1973, nous avons pris conscience de l'énorme problème qui se propageait dans le nord du Manitoba. Nous avons appris que bon nombre des collectivités dont le nom a été mentionné ici étaient aux prises avec d'énormes difficultés. Nous avons également examiné la nature des traités, comme le Traité no 5, et nous sommes aperçus que ce traité, tout comme d'autres traités en vigueur au Manitoba, constituait un compromis pour tout le Manitoba. Nous avons reçu le Manitoba, eux ont reçu ces petits bouts de terre roses sur la carte.

Pendant ma tournée du nord du Manitoba à cette période, j'ai découvert que dans un cas, un trappeur avait reçu 500 $ et un autre 700 $ pour une ligne de piégeage, un autre pour un quai, un autre pour une maison et ainsi de suite. Si une convention existait dans une collectivité, elle pouvait alors être utilisée pour conclure un autre accord dans une autre collectivité, et ils parlaient de 500 $, de 700 $ ou de 1 000 $. C'est alors devenu une question de diviser pour régner.

Aussi, j'ai parlé de cela avec un agent de développement d'une autre collectivité à Thompson, et nous avons pensé que les cinq bandes pourraient peut-être se regrouper et former le Comité des inondations dans le Nord. C'est de ce comité qu'est née l'idée d'une entente sur les inondations dans le Nord, quand nous avons pris conscience des grandes injustices perpétrées, parce que Hydro et les gouvernements, fédéral et provincial, possédaient toutes sortes de données sur la nature des inondations, les niveaux hydro- électriques, l'effet sur le littoral, qui représente les terres agricoles de ces collectivités, et il devenait évident qu'il allait y avoir dans le futur de profonds écarts.

• 1225

On a même suggéré à cette époque de déplacer des bandes entières dans le sud du Manitoba, dans le sanatorium Ninette, idée qui fut abandonnée plus tard. Nous avons même eu connaissance d'un cas où une petite bande de Gillam qui était sortie voir ses lignes de piégeage est revenue pour constater que toutes les maisons avaient été rasées, avec tout leur contenu. C'est ce genre de renseignements qui a échappé à la presse.

J'ai entendu que vous avez discuté ce matin au sujet d'une nouvelle convention. Je dois dire qu'il existe déjà une convention. Nous avons travaillé en 1975 avec le Comité des inondations dans le Nord pour mettre sur pied cette convention.

Concernant cette convention, j'ai parlé avec Ed Schreyer et Sterling Lyon et d'autres membres du NPD et du Parti conservateur, et ils avaient tous convenu de la signer. Ma dernière conversation a eu lieu avec Sterling Lyon, et maintenant... Donc, c'est de là qu'est née cette convention, des audiences et des conséquences de ces audiences sur le public. Elle est née d'un besoin fondamental de justice, et je vois la même chose aujourd'hui.

J'ai entendu ici ce matin qu'on considérait un peu que c'était comme s'il n'y avait pas de convention. Il y a une convention, et nous l'avons signée. Et je dis «nous» parce que je fais partie du nombre. J'appartiens au peuple européen blanc. Nous l'avons signée pour pouvoir bénéficier des avantages qui en découlent, et la convention fait partie intégrante du Traité no 5. On ne peut les séparer.

Je ne sais pas si ces renseignements peuvent vous aider, mais ils vont vous permettre de comprendre un peu la toile de fond.

Le vice-président (M. John Finlay): Oui, c'est exact.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Merci.

Nous savons que le chef et les membres du conseil de Norway House ont appuyé l'Accord de mise en oeuvre principal. Auriez-vous trouvé ce genre d'appui acceptable pour poursuivre le travail sur le projet de loi C-56 s'il avait existé sans un référendum, en gardant à l'esprit qu'on parle des représentants élus du peuple ayant endossé l'Accord de mise en oeuvre principal? À votre idée, le processus démocratique aurait-il alors été entièrement respecté?

M. Will Braun: Mon commentaire à ce sujet, c'est que les dirigeants de Norway House ne se trouvaient sans doute pas dans une position idéale à ce moment, puisqu'ils avaient signé la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba en 1977, et que pendant des années elle n'avait pas été respectée et que les contraintes s'accumulaient; ils se sont retrouvés dans une position où il fallait obtenir une autre entente à ce sujet.

M. John Bryden: Mais peu importe les raisons pour lesquelles ils l'ont fait, ils étaient les représentants élus du peuple et ils ont endossé l'Accord de mise en oeuvre principal. N'est-ce pas là une preuve de la réalisation du processus démocratique, mis à part le référendum? Vous n'aviez pas à tenir le référendum, n'est-ce pas, pour que soit respecté le processus démocratique?

M. Will Braun: Je ne suis pas certain de bien comprendre l'intention de la question.

M. John Bryden: Je fais allusion à la question de ma collègue posée un peu plus tôt. Elle a souligné que dans les différentes communautés qu'elle connaît, les communautés autochtones, certains dirigeants sont chargés de négocier et de comprendre les termes de la négociation et de faire rapport au peuple avant qu'une décision soit adoptée. Et c'est en fait le processus démocratique.

• 1230

Je suis ici en tant que député et je représente les gens qui ont voté pour moi, parce que ces derniers sont un peu trop occupés et sans doute pas aussi familiers que moi avec ces questions. Aussi je veux revenir sur le point suivant: le processus démocratique a-t-il vraiment été renié, puisque le chef et les membres du conseil ont examiné la question et dit à leur peuple qu'ils endossaient l'accord proposé? Vous n'avez même pas besoin d'un référendum.

M. Will Braun: Je pense qu'il y a peut-être deux principes de démocratie qu'on pourrait remettre en question ici. Il y a l'aspect du principe de la représentation de la majorité, et je pense qu'il faut aussi reconnaître que cette représentation de la majorité doit aller dans le sens des droits humains fondamentaux. Si la majorité vote, prenons un exemple extrême, pour exterminer le peuple de Cross Lake ou de Norway House parce qu'il représente une si petite minorité, il est évident que même si c'est une décision légitime de la majorité, ce n'est pas une décision démocratique légitime.

Donc, j'ai souligné qu'il fallait avoir du respect pour les droits comme pour la représentation de la majorité; par conséquent, notre problème avec le processus en cause ici, c'est que certains traités et certains droits autochtones ont été touchés.

M. David Iftody: Il n'a pas répondu à la question.

M. John Bryden: On ne s'en va pas où je voulais aller. Laissez-moi essayer d'une autre façon.

Les référendums sont connus pour être des processus imprécis. C'est pourquoi on les utilise si rarement en démocratie, parce que les gens qui viennent voter comprennent rarement la question. Vous êtes très chanceux, même pour le référendum au Québec—en fait là était toute la question, les gens comprenaient-ils vraiment la question.

M. Claude Bachand: La question était très claire.

M. John Bryden: En effet.

Pour revenir à ce que je disais, et nous laissons de côté les référendums, ce que je comprends, c'est que les représentants élus du peuple, qui avaient le mandat de comprendre la question et de donner un avis sur cette question, ont donné un avis favorable. Dois-je comprendre, à partir de ce que vous dites, que vous êtes meilleur juge que ces représentants élus—et non seulement êtes- vous meilleur juge et contestez-vous le fait qu'ils ont pris une mauvaise décision, mais vous dites aussi que leur décision n'était pas une décision morale correcte? Ai-je tort quand je prétends que vous vous placez au-dessus des représentants élus du peuple, soit le chef et les membres du conseil de Norway House?

M. Will Braun: Nous ne parlons que du rôle du gouvernement fédéral dans ce processus. Je vais passer la parole à monsieur Bianchi.

M. Ed Bianchi: Je pense que vous touchez quelques points très importants, mais du mauvais côté de la barrière.

En réponse partielle à l'une des choses qu'a dites M. Braun, vous avez dit «peu importe les raisons pour lesquelles ils l'ont fait», mais je pense que ces raisons constituent justement l'élément le plus important. Je pense que ce que nous voyons aujourd'hui à Norway House avec l'AMOP, c'est la perpétuation d'un processus qui a débuté très tôt après la signature des traités.

Les premières nations ont été reconnues comme des peuples souverains, propriétaires des terres sur lesquelles elles vivent, et depuis lors ce qui s'est passé—et si vous ne me croyez pas vous pouvez aller consulter le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones; la première moitié des 4 000 pages du rapport parle de ce type de procédés—c'est que le gouvernement du Canada, pour quelque raison que ce soit, a utilisé différents procédés pour déposséder les peuples autochtones de leurs terres et de leurs droits.

M. John Bryden: Mais je parle des chefs. Je parle des représentants élus. Je suis désolé monsieur le président.

Le vice-président (M. Derrek Konrad): Bev aura la parole ensuite.

M. Ed Bianchi: C'est certain, je ne nie pas que les représentants élus de la communauté ont agi sans doute au mieux des intérêts de leur peuple, mais comme l'a mentionné M. Braun, ils n'avaient pas beaucoup le choix: ou ils prenaient ce qu'on leur offrait, ou ils attendaient simplement un autre 50 ans, parce que contrairement à ce qui avait été dit il y a vingt ans, rien ne serait fait à propos de la CITNM. Comment voteriez-vous monsieur Bryden, en tant que représentant de vos électeurs, dans ce genre de situation, alors qu'on ne vous laisse qu'un seul choix, donner quelque chose à vos électeurs ou ne rien leur donner du tout?

M. John Bryden: Je vais répondre à cela. Je voterais selon ma conscience, et ce que vous suggérez, c'est que ces chefs et ces conseillers n'ont pas voté avec leur conscience.

M. Ed Bianchi: Non, je ne crois pas que nous ayons suggéré quelque chose de ce genre.

Une voix: Excusez-moi, il faudrait ramener un certain ordre monsieur le président.

Le vice-président (M. Derrek Konrad): Nous allons passer la parole à madame Desjarlais du NPD.

M. Ed Bianchi: Je croyais que nous allions enfin avoir une bonne discussion ici.

Le vice-président (M. Derrek Konrad): Bien, si nous souhaitons avoir une autre rencontre, mais terminons d'abord celle-ci.

M. Ed Bianchi: Il nous reste encore 25 minutes.

Mme Bev Desjarlais: À votre avis, vous qui avez sans doute eu souvent affaire à ce type de situations et vu de quelle façon les Canadiens aident les autres pays qui ne font que commencer à apprendre la démocratie, et je sais que le Canada offre souvent son aide dans ce domaine, le processus utilisé à Norway House pourrait- il être considéré comme un processus de votation démocratique? D'après ce que nous avons entendu, le processus utilisé passerait- il l'examen?

• 1235

M. Will Braun: Comme je l'ai dit, je crois qu'aucun d'entre nous n'accepterait ce genre de processus dans sa propre communauté. L'autre jour, j'ai discuté avec une femme qui avait agi comme observateur d'élection en Amérique centrale, une Canadienne, et je lui ai demandé—sans nécessairement lui donner tout le contexte—si ces pratiques, cette promesse d'un versement de 1 000 $ et ce deuxième référendum avec des critères différents, seraient acceptables. Elle a hoché la tête, émis quelques jurons, et répondu: «absolument pas, ce n'est pas ainsi que doit se pratiquer la démocratie». Et je pense que M. Russell a aussi abordé précédemment ce type de question.

Mme Bev Desjarlais: Pour ce qui est de savoir si un référendum est nécessaire ou non, est-ce que la pratique des premières nations n'a pas été justement de tenir des référendums sous prétexte que de l'avis général, chacun a son mot à dire dans ce qui arrive à la communauté? N'est-ce pas la pratique pour les premières nations de tenir un vote sur des questions spéciales?

M. Will Braun: J'ai bien peur qu'il faille leur poser la question. Ce qui nous préoccupe, c'est le fait que le gouvernement fédéral semblait avoir un objectif précis tout au long de ce processus, et qu'il cherchait à obtenir le résultat qu'il souhaitait.

Mme Bev Desjarlais: Oui, dans ce cas précis. En fait, la personne chargée de la recherche a souligné plus tôt, quand j'ai posé une question sur les bulletins de vote et cherché à savoir qui était responsable de préparer et de livrer les bulletins de vote, que c'était le gouvernement du Canada. C'était le rôle du gouvernement du Canada. Il était en charge du scrutin et je suppose qu'il agissait pour ainsi dire comme le directeur général des élections; il revenait donc au gouvernement du Canada, le MAIN étant le ministère concerné, de s'assurer que le tout se déroule selon un processus démocratique approprié. Et si ça n'avait pas été le cas, le gouvernement du Canada en aurait été responsable et les gens auraient déposé des plaintes contre le processus utilisé, en vertu duquel ils auraient perdu ce que je considère être le droit de conclure des traités.

Pensez-vous que c'est le Canada lui-même, le ministère des Affaires indiennes et du Nord, le gouvernement du Canada, qui a supervisé le tout et que le travail a été mal fait?

M. Will Braun: Comme on l'a souligné plus tôt et mentionné dans notre présentation écrite, le ministère des Affaires indiennes et du Nord a apparemment demandé d'administrer ou de mener le scrutin.

Mme Bev Desjarlais: Le référendum. D'accord. Donc, était-ce leur idée de tenir un référendum parce qu'ils en voyaient la nécessité?

M. Will Braun: Les apparences vont dans ce sens, bien que je ne sois pas certain de la façon dont est née l'idée de tenir un référendum.

M. Ed Bianchi: Mais je pense qu'il faut revenir à ce que disait M. McLachlin et se demander pourquoi le gouvernement a voulu s'en tenir à ce processus et à cet AMOP alors qu'il y avait déjà une convention en place. Pourquoi se donner tout ce trouble quand il y a déjà une convention en vigueur, convention négociée vingt ans auparavant? Peut-être est-ce une question valable. Je ne comprends pas pourquoi nous continuons d'éviter le sujet. Je crois qu'il s'agit là d'une question intéressante.

Mme Bev Desjarlais: Je pense que c'est probablement une question valable, et je suis certaine que... J'ai parlé à un certain nombre des personnes directement touchées, et les témoins entendus précédemment ont indiqué qu'ils pensaient également que le chef et les membres du conseil avaient agi au mieux de leurs intérêts. Aussi, je pense que nous sommes rendus à un point où il nous faut décider s'il s'agissait ou non d'un processus démocratique, parce que je pense, puisque nous sommes des représentants élus, que nous nous devons de faire connaître les souhaits de nos communautés. C'est assez juste. Mais si un processus est en place, et que nous découvrons que les résultats obtenus l'ont été de manière non démocratique, je pense que cela peut avoir des conséquences sur ce qui arrive.

M. Ed Bianchi: Mais où commence la démocratie? Est-ce qu'elle commence avec l'imposition d'un processus qui est injuste au départ? Puis après on détermine s'il est démocratique? Ou est-ce qu'elle commence avant cela? Si vous voulez réellement parler de démocratie et de sa signification, vous pouvez prendre un seul instant isolé dans le temps et dire, eh bien, il nous faudra décider s'il est démocratique ou non.

Le vice-président (M. Derrek Konrad): Nancy, avez-vous une question ou un commentaire? Sommes-nous tous en faveur d'un second tour de table? Nous allons le permettre?

M. David Iftody: Oui. Je voulais juste poser une question à monsieur McLachlin, monsieur le président, si je puis. Je ne sais pas si je veux...

• 1240

Monsieur, vous avez mentionné avoir été engagé dans ce processus depuis très, très longtemps, et vous avez mentionné les noms d'Ed Schreyer et de Sterling Lyon. Vous semblez à mes yeux avoir une grande expérience personnelle du processus, et vous avez eu, cela ne fait pas de doute, de nombreuses discussions avec les autorités provinciales concernées, et le gouvernement du NPD à l'époque. Je peux avoir tort, mais je pense que les professeurs Russ Rothney et John Loxley ont agi à titre de conseillers pour le bureau du premier ministre à l'époque. Je peux me tromper, mais ils m'ont tous deux enseigné à l'Université du Manitoba. Et j'ai beaucoup de respect pour eux.

Lorsqu'ils ont conçu ce grand projet au début des années 70, et Ed Schreyer et le gouvernement néo-démocrate y travaillaient, je pensais à l'époque que cela s'inscrivait dans le grand plan économique du gouvernement néo-démocrate pour le Manitoba, que cela servait de modèle de renouvellement et d'espoir pour les Manitobains lorsque M. Schreyer a pris le pouvoir et qu'ils ont mis ce projet de l'avant. Était-ce là votre idée de la politique du NPD à l'époque, et avez-vous eu des discussions avec le premier ministre, Ed Schreyer, au sujet de vos préoccupations relativement à ce qui arrivait avec les politiques du NPD au Manitoba?

M. Jack McLachlin: Vous faites beaucoup référence au NPD, mais je voudrais dire que je pense qu'il s'agit là d'un modèle pour tous les gouvernements du Manitoba, qu'ils...

M. David Iftody: Ils étaient les architectes du projet.

M. Jack McLachlin: Oui, c'est exact. Et cela a généré d'immenses richesses et a donné par conséquent un pouvoir politique au Manitoba. Je pense que vous en avez bénéficié en tant que représentant du peuple.

M. David Iftody: Il y a des barrages hydro-électriques juste en face de ma maison au Lac du Bonnet. Je sais tout à ce sujet.

M. Jack McLachlin: Oui, mais ce n'est rien comparé à ce qu'il y a dans le Nord, avec tout mon respect.

M. David Iftody: Oui, et mon électricité est toujours trop chère.

M. Jack McLachlin: Donc, nous parlons ici d'une question morale, que nous avons pris...

M. David Iftody: Monsieur McLachlin, là n'est pas ma question. Je vous ai posé ma question parce que vous avez parlé de votre expérience à ce sujet dans un de vos discours. Puis-je monsieur? Je vous ai demandé si vous aviez quelques observations relativement au gouvernement de l'époque, et si vous aviez exprimé votre profonde indignation au sujet de ce qui se passait à quelqu'un du gouvernement néo-démocrate. C'était ma question.

M. Jack McLachlin: Nous avons exprimé notre indignation au NPD. Et à Sterling Lyon...

M. David Iftody: Merci.

M. Jack McLachlin: ... et c'est passé le long de la ligne. Mais parce que c'était immense, c'est ce qui se passe aujourd'hui. C'est le même problème aujourd'hui, parce qu'il y a de nombreux mégadollars à l'enjeu. Mais mon point sur la question morale, c'est que nous ne partagions même pas des peanuts avec le Nord. Il y a une convention en place. Elle existe. On dit qu'elle est impossible à mettre en oeuvre parce qu'elle est floue. Mais quand on parle de l'entente avec le Québec, dont on dit qu'elle est bâtie comme une horloge suisse, elle est impossible à mettre en oeuvre parce qu'elle est trop détaillée.

Alors, il est évident que le problème, c'est qu'il n'y a pas de volonté politique. On ne veut pas la mettre en oeuvre, aussi chaque fois on retarde la mise en oeuvre par d'autres batailles juridiques. C'est une question de volonté, et derrière cela se cache la grande question morale de notre responsabilité parce que j'ai, en tant qu'Européen blanc, bénéficié de cette convention et mes enfants vont continuer d'en bénéficier en raison de ce qui se passe ici et du cadeau que nous avons reçu du peuple autochtone.

M. David Iftody: Merci monsieur le président. Merci beaucoup monsieur McLachlin.

M. Jack McLachlin: Merci.

Le vice-président (M. Derrek Konrad): Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Je voulais simplement dire que je n'avais pas l'intention de couper la parole à M. Bianchi, parce que...

Une voix: Cela arrive tout le temps. Ne vous inquiétez pas pour cela.

M. John Bryden: Très bien. J'aimerais qu'on termine cette discussion, si c'est possible, et je débuterai en disant que j'ai de gros doutes quant à l'efficacité des référendums, parce qu'on peut si facilement les manipuler et que bon nombre des personnes qui viennent voter à un référendum ne sont pas familières avec les questions à l'enjeu, pour quelque raison que ce soit, et sont peu intéressées par le sujet. Je suis particulièrement sensible à la question, parce que nous faisons face de temps en temps à un référendum québécois, référendum sujet au même type de manipulation.

• 1245

Maintenant que cela est dit, pouvez-vous nous faire part de vos commentaires au sujet du processus démocratique? Si on exclut le référendum, le processus utilisé, au cours duquel des représentants élus ont donné leur appui à la convention, était-il démocratiquement juste, ou aurait-on pu faire quelque chose d'autre qu'un référendum?

M. Ed Bianchi: Une fois encore, vous soulevez un très bon point. Je déteste revenir constamment à l'histoire, mais c'est de là que nous sommes partis à la Coalition pour les droits des autochtones. Nous devons nous rappeler, lorsque nous parlons du chef et du conseil élus à Norway House, que c'est une création de la Loi sur les Indiens.

Lorsque le gouvernement a établi les premiers contacts et négocié un traité avec le peuple de Norway House, il ne s'agissait pas que du peuple de Norway House. Il aurait pu s'agir d'un regroupement de peuples autochtones, qui ne prenaient pas de décision par eux-mêmes et qui communiquaient ou interagissaient avec les autres peuples autochtones par l'entremise d'un chef et d'un conseil élus, comme le reconnaît la Loi sur les Indiens. Ils ont leur propre système de gouvernement et leur propre système décisionnel, et ainsi de suite.

Aussi, lorsque nous demandons à une communauté de prendre une décision en se fondant sur un chef et un conseil élus, nous leur demandons d'adopter un système étranger, d'abord et avant tout. Ce système étranger peut, dans certains cas, ne pas refléter le processus décisionnel naturel de cette communauté.

Vous avez demandé à ces messieurs de Norway House combien de personnes dans la communauté parlaient le cri ou lisaient l'écriture syllabique crie et ainsi de suite. Si ces personnes qui ne lisent que l'écriture syllabique crie sont les aînés, et si les aînés sont ceux qui depuis toujours guident les autres et prennent les décisions, vous éliminez, du seul fait de ne pas fournir de bulletins de vote en cri, une partie essentielle de la communauté. Par définition, vous rendriez le processus moins démocratique, en ce sens que tous doivent être égaux et avoir le même droit de parole, et tous doivent être informés qu'une décision est prise.

Donc, il faut reconnaître que lorsque nous parlons d'une décision prise par le chef et le conseil élus, ce corps politique peut être différent du corps décisionnel traditionnel qui représente naturellement, ou automatiquement, le peuple, comme chez nous le Parlement représente le peuple.

M. John Bryden: Merci pour cette explication au sujet de l'écriture syllabique crie. Je n'avais pas fait ce lien. C'est une remarque très pertinente. Je vous en remercie.

Merci monsieur le président. Ce sont là toutes mes questions.

Le vice-président (M. Derrek Konrad): Merci monsieur Bryden.

Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais: Quant à la question du chef et du conseil élus et au fait que ce n'est pas nécessairement la façon... Comme les peuples autochtones ont été, depuis de nombreuses générations, sous les auspices du MAIN, ou AINC, et du gouvernement du Canada, beaucoup des anciennes façons de faire ont été oubliées, et bon nombre de personnes n'ont pas connu l'ancienne façon d'élire des représentants ou n'ont jamais participé à un processus de consensus.

En tant que femmes, nous savons toutes de quelle façon nous avons évolué et en sommes venues à avoir le droit de vote. Toutes ces choses qui normalement auraient dû se produire dans les communautés autochtones de la même façon que dans nos communautés n'ont pu se produire en raison de l'interférence de la culture européenne blanche. C'est mon point de vue personnel. Je regarde vers l'avenir, vers le jour où nous verrons la démocratie fonctionner complètement, comme ce sera le cas dans les communautés des premières nations à mesure que de plus en plus de personnes s'engageront et s'apercevront que leur engagement produit des bénéfices.

Je voudrais faire un commentaire sur le processus référendaire, parce qu'une fois encore, la personne chargée de la recherche a indiqué que le référendum était une exigence en vertu des conventions. Donc, il doit être considéré comme un élément du grand processus, et je pense qu'il est essentiel que nous vérifions que la démocratie et les droits démocratiques de chacun ont été respectés pendant ce référendum.

• 1250

Je ne pense pas qu'il faille s'effrayer que des personnes à Norway House, eussent-elles disposé de tous les renseignements disponibles, aient pu changer d'idée. Je pense toutefois qu'il faut nous assurer qu'elles ont bien reçu toute l'information nécessaire, et je ne suis pas aussi convaincue que je l'étais au moment du référendum, simplement en raison de certaines des choses qui ont ressorti durant ces audiences. Mais je ne veux pas insinuer une seule seconde que le chef et le conseil n'ont pas agi dans les meilleurs intérêts des premières nations.

J'essaie de voir comment tout cela va progresser, parce que je pense que certaines questions demeurent. Sans qu'il soit besoin de décider si nous appuyons ou non la nouvelle convention, je pense qu'il y avait une intention réelle de faire pour le mieux du peuple de Norway House.

Je voulais simplement apporter quelques commentaires quant à la question de responsabilité morale. Ce n'est pas souvent qu'on peut retirer les avantages d'une électricité moins coûteuse. M. Iftody a souligné que son électricité lui coûterait moins chère. Je peux vous dire que l'électricité n'est pas moins cher pour ceux qui vivent dans le Nord du Manitoba, et ce n'est pas loin de chez nous. Tout le monde est touché, dont les peuples des premières nations. Les tarifs sont fixés d'après la densité de la population, aussi ceux qui vivent dans ces communautés ont souvent des tarifs plus élevés que nous qui vivons dans des centres urbains. Suggérer qu'ils bénéficient des mêmes tarifs serait inexact, parce qu'ils ont réellement les pires tarifs qui soient.

Je ne crois pas qu'il y ait eu partage des responsabilités. Cela ne fait pas de doute que les responsabilités ont toutes été réparties du même côté de la clôture, du côté des peuples des premières nations qui ont pris part à tout ce processus.

Je voudrais vous remercier pour votre apport à ce sujet. Il est très important.

M. Ed Bianchi: Il n'y avait pas de question, monsieur le président, aussi je ne suis pas certain du protocole à suivre. Puis-je faire une observation finale?

Le vice-président (M. Derrek Konrad): Vous devrez être bref, parce que nous allons manquer de temps.

M. Ed Bianchi: Je suis toujours bref monsieur le président.

Je pense qu'un bon point est soulevé quand vous dites qu'il faut s'assurer que les personnes qui ont voté, ou pris une décision, avaient toute l'information nécessaire. Je pense que c'est un point très valable. Lorsque vous avez fait cette déclaration, toutefois, je pense que la question est de savoir ce que vous entendez par «toute l'information nécessaire». Je pense qu'il faudra prendre cela en considération.

Le vice-président (M. Derrek Konrad): Très bien, je veux vous remercier d'être restés jusqu'à la fin. Cela s'adresse aux témoins, aux députés, et à ceux d'entre vous qui sont restés pour entendre le débat. Cela a été instructif, et nous disposons maintenant de beaucoup plus d'éléments sur lesquels se pencher au cours des prochains jours à mesure que nous étudierons le projet de loi C-56.

La séance est levée.