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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 avril 1998

• 1106

[Français]

Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.)): À l'ordre. Voici notre ordre de renvoi:

    ORDONNÉ,-Que le Budget des dépenses principal pour l'exercice se terminant le 31 mars, 1999: CRÉDITS 1, 5, 10, 15, L20, L25, 30, 35, 40 et 45 sous la rubrique des AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD déposé le 26 février 1998 soit renvoyé au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord (Extrait des Journaux de la Chambre des communes du jeudi 26 février 1990).

Conformément au paragraphe 81(7) du Règlement, nous faisons un examen du Budget des dépenses 1998-1999, Partie III, Rapport sur les plans et les priorités, Affaires indiennes et du Nord canadien et Commission canadienne des affaires polaires. Document parlementaire 8520-361-119 le mercredi 25 mars 1998.

Nous étudions aujourd'hui le crédit 1.

Comparaît aujourd'hui l'honorable Jane Stewart, ministre des Affaires autochtones et du Nord canadien. Est-ce que vous voulez nous présenter vos fonctionnaires, madame la ministre? Vous avez une déclaration à faire. Je sais que votre horaire est très chargé aujourd'hui et que vous devez quitter vers 12 h 30. À vous la parole.

L'hon. Jane Stewart (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent. Merci de m'avoir invitée une fois de plus à venir vous rencontrer. J'aimerais vous informer de certains progrès importants qui ont été réalisés au cours des six derniers mois.

[Traduction]

La rencontre d'aujourd'hui doit porter, si je le comprends bien, sur le rapport des plans et des priorités de mon ministère, qui définit les paramètres d'un nouveau plan d'action pour les questions autochtones et les questions du Nord. À la fin de mon exposé, je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions concernant ce document.

Lors de notre dernière rencontre, en novembre dernier, nous avons parlé des conditions de vie pitoyables dans de nombreuses collectivités autochtones de tous les coins du Canada. Ces conditions déterminent le contexte dans lequel nous travaillons. Nous avions discuté du taux de mortalité infantile, qui est presque deux fois plus élevé que celui des autres Canadiens. L'espérance de vie est d'environ six ans de moins. Le taux de chômage est trois fois plus élevé que celui de la moyenne canadienne et la majorité des Autochtones vivent sous le seuil de la pauvreté. La dépendance à l'endroit de l'aide sociale, le chômage chronique et la tragique et terrible incidence du suicide chez les jeunes atteignent des niveaux alarmants.

Comme nous le savons tous, il ne s'agit pas là de problèmes nouveaux, mais plus que jamais auparavant, ces problèmes ont été amenés au grand jour et soumis à la conscience publique par le rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones. La Commission royale a véritablement entrepris l'étude la plus exhaustive des conditions de vie des Autochtones jamais réalisée au Canada. Cet ouvrage historique a eu des répercussions marquantes sur les gouvernements, sur les gens d'affaires, sur les organismes sociaux et sur de nombreux Canadiens, dont moi-même.

La Commission a défini les problèmes avec tant de précision et de conviction que personne ne peut désormais en nier l'existence. Je suis encouragée par l'amélioration de la sensibilisation et par le changement de l'opinion publique depuis la publication du rapport final. Plus les Canadiens comprennent la réalité à laquelle font face les collectivités autochtones, plus ils veulent que nous trouvions des solutions pour l'améliorer et plus ils veulent nous aider à trouver ces solutions.

Le 7 janvier dernier, le gouvernement du Canada dévoilait sa réponse au rapport de la Commission royale par l'entremise de Rassembler nos forces: le plan d'action du Canada pour les questions autochtones. Le document vise à aider les gouvernements, les Autochtones, le secteur privé et les autres intervenants à travailler ensemble pour trouver et mettre en oeuvre les solutions qui jusqu'alors nous ont fait défaut.

• 1110

Rassembler nos forces répond à l'appel lancé par la Commission royale d'établir une nouvelle relation, un partenariat plus fort avec les Autochtones. Ce plan d'action indique notre engagement à élaborer de nouvelles approches aux problèmes qui ont marginalisé, pénalisé et rendu victimes les Autochtones pendant trop longtemps déjà.

Vous savez aussi que Rassembler nos forces s'inspire de quatre grands objectifs:

—Le premier est de renouveler les partenariats en changeant fondamentalement notre relation avec les Autochtones, une relation fondée sur les principes de la reconnaissance et du respect mutuel, de la responsabilité et du partage.

—Le deuxième consiste à renforcer l'exercice des pouvoirs par les Autochtones de façon à ce que les collectivités disposent des outils nécessaires pour prendre en main leur propre destinée et exercer leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

—Le troisième vise à établir une nouvelle relation financière qui assure l'accès à un financement stable à l'appui du développement des collectivités, de manière transparente et responsable.

—Le quatrième, enfin, est d'appuyer les collectivités autochtones pour qu'elles soient fortes et saines, animées par le développement économique et soutenues par une solide infrastructure d'institutions et de services.

[Français]

Je crois que quelques-uns d'entre vous étaient présents en janvier à l'occasion du lancement de Rassembler nos forces. C'était un moment émouvant pour les autochtones et pour moi aussi en tant que ministre. Il n'est jamais facile de reconnaître publiquement les erreurs du passé, mais il était plus que jamais temps, dans l'histoire de notre nation, d'y procéder.

[Traduction]

La Déclaration de réconciliation exprimait nos regrets pour les nombreuses actions et politiques antérieures, qui ont eu pour effet d'affaiblir les régimes politiques, économiques et sociaux des Autochtones et de leurs nations. Le gouvernement a exprimé ses regrets les plus sincères aux victimes de sévices physiques et sexuels subis dans les pensionnats.

Comme vous le savez, nous avons consacré 350 millions de dollars à l'élaboration d'une stratégie de guérison communautaire pour venir en aide aux Autochtones, qu'ils soient inuits, métis ou membres des Premières nations, vivant à l'intérieur ou à l'extérieur des réserves, qui sont restés marqués par le souvenir des sévices physiques et sexuels subis dans les pensionnats.

Il y a maintenant quatre mois que nous avons rendu public Rassembler nos forces. Nous avions mentionné au départ que ce n'était pas du jour au lendemain, mais plutôt avec le temps, que les choses changeraient.

Pour en savoir davantage sur certains des résultats que nous chercherons à livrer au cours des trois ou quatre prochaines années, je vous invite à consulter la section des plans, des priorités et des stratégies du Budget des dépenses de mon ministère. J'aimerais également décrire certaines des initiatives que nous avons déjà entreprises.

La réconciliation représentait notre plus grande priorité parce qu'il est impossible d'aller de l'avant sans d'abord faire le point sur notre passé et atténuer les effets qui persistent encore de nos actions et de nos attitudes antérieures. Pour renouveler les partenariats avec les peuples autochtones, il nous faut d'abord guérir les vieilles blessures.

À la lumière de consultations effectuées auprès des Autochtones, une fondation autochtone indépendante concevra et administrera la stratégie de guérison. Cette fondation étudiera et financera les initiatives de guérison communautaire admissibles. Le rôle et les priorités de la fondation devraient être annoncés officiellement au début de mai.

Renforcer les partenariats entre les Autochtones et les non-Autochtones signifie également régler les revendications particulières en suspens. Je suis heureuse d'annoncer que le gouvernement fédéral et les Premières nations travaillent de concert à effectuer des recommandations sur la création d'un organisme indépendant chargé des revendications. Cet organisme indépendant remplacerait la Commission sur les revendications particulières des Indiens, qui a été établie à titre de mesure provisoire en 1991. Il offrirait un point de vue impartial sur le processus des revendications particulières afin de régler les conflits d'intérêts, véritables ou supposés, auxquels fait face le Canada lorsqu'il agit à la fois à titre de défendeur et de juge lorsque des revendications lui sont présentées.

Notre deuxième objectif aux termes de Rassembler nos forces consiste à renforcer l'exercice des pouvoirs par les Autochtones de façon à ce que les collectivités disposent des outils nécessaires pour prendre en main leur propre destinée et répondre à leurs aspirations au sujet de l'autonomie gouvernementale.

À mon avis, la création du Nunavut représente le meilleur et le plus éloquent exemple de ce que signifie habiliter les Autochtones à reprendre la maîtrise de leur propre avenir. Dans moins d'un an, le Canada aura un troisième et nouveau territoire dans le Nord. Les Inuits de l'Arctique de l'Est auront réalisé leur autonomie gouvernementale sous la forme d'un gouvernement populaire conçu pour répondre à leurs besoins, à leur situation et à leurs aspirations.

Vous n'ignorez pas qu'un projet de loi a été déposé à la Chambre afin de procurer au nouveau gouvernement territorial les instruments et les pouvoirs nécessaires à son efficacité, à sa réceptivité et à l'acquittement de son obligation de rendre des comptes. Ce projet de loi propose des modifications importantes à la Loi sur le Nunavut et témoigne de notre volonté d'action et de nos progrès.

Malgré la fascination que peut exercer la création du Nunavut, il ne faut pas perdre de vue la nécessité d'apporter des changements politiques et économiques dans d'autres régions du Nord. Par exemple, nous continuons d'appuyer le travail du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ainsi que des Autochtones et des non-Autochtones de la partie occidentale des Territoires du Nord-Ouest afin de réviser la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest. Dans cette région, comme ailleurs au Canada, le règlement des revendications territoriales et les accords sur l'autonomie gouvernementale continueront d'être une priorité.

• 1115

Dans ce contexte, l'une des plus importantes questions sur lesquelles nous nous penchons est d'étudier la façon dont un gouvernement populaire peut répondre aux aspirations des Autochtones à l'autonomie gouvernementale. Au Yukon, le processus d'établissement de nouvelles relations en matière d'exercice des pouvoirs, entre les gouvernements fédéral et territorial ainsi que les Premières nations, est déjà bien amorcé et se poursuivra.

[Français]

Par ailleurs, procurer les instruments et les mécanismes législatifs nécessaires à un bon exercice des pouvoirs ne représente qu'une partie de la solution. Il nous faut également aider les gouvernements autochtones à devenir autosuffisants. Pour ce faire, ils doivent disposer de l'autonomie et de la capacité financière nécessaires pour assumer leurs responsabilités.

[Traduction]

Cela signifie que nous devons examiner de nouvelles options de financement des gouvernements autochtones, notamment des ententes modernes de transferts financiers et la possibilité de permettre à ces gouvernements de générer leurs propres recettes en prélevant des impôts. Et, assurément, l'obligation de rendre des comptes continue d'être inhérente à tous les efforts déployés pour élaborer une nouvelle relation financière avec les Autochtones, ce qui constitue notre troisième objectif dans le cadre de Rassembler nos forces.

Lors de notre dernière rencontre, nous avons longuement discuté de l'obligation de rendre des comptes qui doit sous-tendre la nouvelle relation financière que nous élaborons présentement. J'aimerais vous communiquer les dernières informations à ce sujet.

Je prends très au sérieux mes responsabilités de protectrice des fonds fédéraux et j'exige que certains critères de base soient respectés. Lors de mes déplacements un peu partout au pays, j'ai discuté très franchement avec les dirigeants des Premières nations à propos de l'obligation de rendre des comptes. Je leur ai expliqué qu'il s'agissait d'une question primordiale pour moi et je crois, tout aussi primordiale pour eux. Je leur ai dit clairement que, selon moi, les dirigeants des Premières nations devaient être responsables envers leurs collectivités ainsi qu'envers toutes les Canadiennes et tous les Canadiens. La légitimité des gouvernements repose sur leur capacité à rendre compte de leurs actions à leurs électeurs. En outre, toutes les Canadiennes et tous les Canadiens veulent faire en sorte que nous investissions dans des gouvernements autochtones forts, efficaces et responsables.

Il me faut avoir la preuve évidente que les Premières nations ont en place des régimes concernant l'obligation de rendre des comptes, qui s'inspirent des principes de la transparence, de la divulgation et du redressement. Je veux dire ici que les membres des Premières nations doivent avoir accès aux renseignements importants concernant leur gouvernement, notamment les plans, les budgets et les vérifications, ainsi que les dépenses en salaires, en primes et en déplacements. Je dois être convaincue que les membres des Premières nations comprennent les règles en vertu desquelles fonctionne leur gouvernement et qu'ils peuvent en appeler des décisions prises par leur gouvernement.

Qu'en disent les dirigeants autochtones? Ils répondent qu'ils comprennent et qu'ils sont d'accord. Ils savent que l'obligation de rendre des comptes est essentielle à la capacité de leurs collectivités à fonctionner de manière saine et efficace. Ils savent que toute perception d'une mauvaise façon de rendre des comptes suffit pour diviser leurs membres sur le plan intérieur et endommager leurs relations de partenariat sur le plan extérieur. Voilà pourquoi les collectivités, et non seulement leurs chefs, mais aussi leurs conseillers, leurs aînés et leurs membres, trouvent insultantes les insinuations selon lesquelles toutes les Premières nations sont incapables d'assumer leur obligation de rendre des comptes.

Les Premières nations s'attendent à ce que leur administration des fonds publics soit mesurée en fonction des mêmes standards élevés que ceux des autres gouvernements au Canada. Elles sont très sérieuses quant à la saine gestion de leurs deniers. Des initiatives, comme la proposition cadre sur l'obligation de rendre des comptes sur le plan financier dont j'ai discuté avec les chefs de l'Alberta plus tôt ce mois-ci, en témoignent manifestement.

En Colombie-Britannique et au Manitoba, les agents financiers autochtones ont créé leurs propres associations professionnelles afin de se faire part mutuellement de leurs meilleures pratiques et d'établir des relations de travail concrètes. En Saskatchewan, les étudiants autochtones en administration du Saskatchewan Indian Federated College acquièrent une expérience directe en comptabilité grâce à un programme d'encadrement avec l'institut provincial des comptables agréés.

En outre, j'ai été heureuse de constater que l'Assemblée des premières nations, au niveau national, a négocié un protocole d'entente avec les comptables généraux licenciés à la fin du mois de mars. Vous le savez peut-être, cette entente prévoit des programmes de formation pour des membres des Premières nations et vise à encourager un plus grand nombre d'Autochtones à poursuivre l'obtention du titre de comptable général licencié. Elle contribuera également à assurer que les besoins et les réalités des Premières nations sont pris en considération au fur et à mesure de l'évolution des normes canadiennes de comptabilité.

[Français]

Comme vous pouvez le constater, plusieurs de ces exemples ont été réalisés grâce à la grande expertise des partenaires du secteur privé, ce qui est très positif.

[Traduction]

Il est vrai que certaines Premières nations éprouvent de sérieuses difficultés financières. Elles le savent et nous le savons. Mais la majorité s'efforcent de relever le défi de l'exercice des pouvoirs de la même façon que tous les autres niveaux de gouvernement au Canada, et elles y arrivent en apportant des améliorations graduelles aux conditions sociales, en édifiant lentement des infrastructures plus solides, en augmentant le nombre d'entreprises, etc.

Nous savons tous dans quelles conditions sociales déplorables les peuples autochtones vivent comparativement aux autres Canadiens. Mais avant de céder à la tentation de juger les progrès qu'ils tentent d'accomplir pour eux-mêmes, souvenons-nous de deux choses: premièrement, en raison de la relation paternaliste dysfonctionnelle que nous avons entretenue avec eux, nous avons contribué aux problèmes que doivent maintenant résoudre les collectivités autochtones et, deuxièmement, chaque collectivité de la société canadienne connaît sa part de riches et de pauvres. Nous n'avons certainement pas atteint la perfection, et il vaudrait sans doute mieux leur prêter main-forte que les juger.

• 1120

Cela dit, nous pouvons encore accomplir du travail au chapitre de l'obligation de rendre des comptes et c'est d'ailleurs ce que nous faisons. Mon ministère travaille avec les collectivités des Premières nations et les collectivités inuites pour continuer d'améliorer à la fois la transparence de leurs pratiques comptables ainsi que le professionnalisme avec lequel ils les effectuent.

Il est ironique de constater que, tandis que le public réclame une plus grande obligation de rendre des comptes et que, dans la même foulée, mon ministère se voit accuser de ne pas en faire assez, ce sont en fait les processus que nous avons nous-mêmes mis en place qui sont à la source de ce débat. C'est justement parce que les Premières nations doivent révéler les résultats des vérifications à leurs collectivités que leurs membres peuvent critiquer la façon dont sont dépensés les deniers publics. C'est parce que les montants des salaires sont révélés que la collectivité peut en juger. Et c'est parce que les Premières nations doivent élaborer des lignes directrices sur les conflits d'intérêts que les individus disposent maintenant d'un outil supplémentaire qui les aide à exercer leurs droits démocratiques. Ce sont toutes là des mesures et des exigences de mon ministère. Ce sont des mesures concrètes que nous avons prises et avec lesquelles nous continuerons de progresser en partenariat avec les Autochtones.

Le quatrième objectif de Rassembler nos forces consiste à renforcer les collectivités et les économies et à appuyer les gens. Il nous ramène au coeur même de la raison d'être d'un gouvernement, soit d'améliorer les conditions de vie des personnes. Les vrais enjeux d'un gouvernement concernent la vie quotidienne des gens: l'éducation, le logement, les soins de santé, l'emploi et les possibilités économiques. Nul autre moyen que le développement économique n'a le potentiel d'édifier des collectivités fortes.

Dans les réserves, dans les bureaux du gouvernement, partout dans les rues des villes, nous nous rendons tous compte combien les partenariats et les possibilités économiques sont importants pour les Autochtones. La semaine dernière, j'assistais, à Toronto, à une conférence sur le renouveau économique, la première en son genre, qui regroupait des entrepreneurs autochtones et non autochtones à la recherche de façons de former de nouveaux partenariats en affaires. Je m'attends à trouver des exemples semblables de coopération et de partenariat lorsque j'irai au sommet des affaires en Colombie-Britannique la semaine prochaine.

Partout au pays, nous sommes témoins d'un éveil, d'une prise de conscience croissante dans le secteur privé, dans les provinces et au niveau fédéral, qu'il y va de notre bien à tous quand les collectivités autochtones prospèrent. Et les Autochtones le savent également. En fait, 20 000 entreprises appartiennent à des Autochtones. Ces derniers sont déterminés à travailler en partenariat afin d'édifier un avenir plus solide.

[Français]

Permettez-moi de profiter de l'occasion pour féliciter le comité permanent d'avoir entrepris une étude sur le développement économique autochtone. J'attends avec impatience les recommandations que vous pourrez présenter pour nous aider à trouver de nouveaux moyens de rehausser l'économie autochtone et de créer des emplois pour les autochtones.

[Traduction]

Dans nos efforts pour renforcer le développement économique des collectivités autochtones, nous nous penchons particulièrement sur la réforme de l'aide sociale. Je sais que vous tous ici présents avez discuté de la possibilité d'inverser la proportion de nos investissements au développement économique et à l'aide sociale. Il s'agit exactement de la direction vers laquelle nous nous dirigeons.

À cette fin, nous avons établi des principes et des directives avec l'Assemblée des premières nations sur la réforme de l'aide sociale. Nous travaillons également à appuyer des initiatives précises au niveau des collectivités, qui orienteront les régimes d'aide sociale vers des possibilités actives de formation et de travail pour les éloigner du simple maintien passif du revenu.

Lors du dernier budget, le gouvernement s'est engagé à travailler de concert avec les résidents du Nord à élaborer une stratégie de développement du Nord.

En mars, j'ai eu le plaisir de signer un accord historique avec plusieurs nations micmaques et malecites de l'Atlantique. Nous nous sommes engagés à travailler conjointement avec le congrès des politiques de l'Atlantique en vue d'élaborer des options concrètes de régime d'aide sociale chez les Premières nations qui aideront les Premières nations des Micmacs et des Malecites à réduire la dépendance à l'endroit de l'aide sociale et à rehausser l'employabilité.

J'ai fait remarquer, il y a quelques minutes, que les changements ne se réalisent pas du jour au lendemain—la Commission royale elle-même préconise, pour le processus de renouvellement, un échéancier de 20 ans. Certaines personnes se laissent décourager par un si long délai. Je l'interprète plutôt comme un signal indiquant qu'il est temps de commencer.

Nous avons encore beaucoup de travail devant nous, mais nous ne sommes pas seuls pour l'accomplir: les Canadiennes et les Canadiens sont prêts. Ils croient fermement que les partenariats constituent le principe directeur de nos relations avec les peuples autochtones. Je peux affirmer avec certitude que le règne du paternalisme et du manque de respect est révolu.

• 1125

J'invite le comité permanent à se joindre au processus d'édification de nouveaux partenariats. Rassembler nos forces insiste d'ailleurs sur la nécessité de faire participer le plus grand nombre possible de partenaires et d'avoir recours à toutes les ressources possibles pour renouveler nos relations avec les Autochtones. En tant que personnes et membres de ce comté, vous pouvez servir de catalyseurs dans l'amélioration des conditions de vie des Autochtones au Canada, et j'attends avec impatience vos suggestions et vos conseils sur la façon dont nous devrions aller de l'avant.

Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

Le président: Merci, madame Stewart. Nous avons apprécié votre déclaration. Nous voyons que nous avons beaucoup de travail à faire. Nous allons passer à une période de questions de cinq minutes par parti. Au deuxième tour, je vais donner la parole au Parti réformiste, puis au Parti libéral, au Parti québécois, au Parti libéral et ainsi de suite. Est-ce que vous êtes d'accord?

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): C'est le Bloc québécois, monsieur le président.

Le président: Le Bloc québécois, excusez-moi.

M. Claude Bachand: Vous avez dit le Parti québécois.

Le président: Je pensais à...

[Note de la rédaction: Inaudible]. C'est parce que j'avais dans l'idée qu'il y avait des Pères Noël actuellement. Je m'excuse, monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Ce n'est rien.

Le président: Est-ce que vous êtes d'accord qu'on procède de cette manière? Merci.

Monsieur Scott, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Merci, monsieur le président.

Madame Stewart, je vous remercie d'être venue témoigner devant le comité aujourd'hui.

J'ai écouté vos observations avec intérêt et je tiens à vous dire tout de suite que je suis très heureux de vous entendre reconnaître que la question de reddition des comptes constitue un très grave problème auquel nous devons certainement nous attaquer. Je suis bien d'accord quand vous dites que les Autochtones dans les réserves auront beaucoup à faire pour surmonter ces problèmes. Le public canadien n'a pas vraiment contribué, ou du moins très peu, à cette situation; celle-ci est imputable aux mesures prises au cours des années par le gouvernement fédéral.

Je voudrais cependant vous poser quelques questions mais limiter mes propos au strict minimum. Vous avez parlé du fait que vous vouliez une meilleure reddition des comptes et je m'en réjouis. Êtes-vous prête à dire que les habitants des réserves qui s'adressaient à leur député pour obtenir des renseignements relatifs aux honoraires, aux salaires et au budget de déplacements vont maintenant avoir un accès direct à ces chiffres par l'entremise de votre ministère.

L'hon. Jane Stewart: Merci, monsieur Scott. Il va de soi que la question de la responsabilité financière n'est pas nouvelle pour le gouvernement. Dans le discours de septembre dernier, nous avons parlé des quatre grandes priorités du gouvernement au cours de son mandat. L'une d'elles était de mettre l'accent sur les problèmes auxquels font face les peuples autochtones. Nous avons souligné l'importance de mettre sur pied un gouvernement autochtone solide, responsable et transparent. D'ailleurs, cela a été très clairement réitéré dans notre réponse à la Commission royale dans d'enquête qui, elle aussi, avait souligné l'importance de bâtir des gouvernements inuits et des Premières nations vigoureux. C'est dans ce contexte que la question de la responsabilité financière et de la transparence est l'un des thèmes principaux de notre document Rassembler nos forces sur le plan de la collaboration et l'une de nos priorités.

Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, nous avons constaté des changements positifs de plus en plus rapides dans les collectivités des Premières nations notamment pour ce qui est de comprendre et de mettre en oeuvre des stratégies pour la fourniture de données et de renseignements...

M. Mike Scott: Madame Stuart, je vois où vous voulez en venir, mais j'essaie simplement de comprendre... Voici les questions auxquelles les gens veulent des réponses: Vont-il avoir un accès direct à l'information concernant les honoraires versés, les budgets de déplacement et les salaires? C'est ce que souhaitent les gens qui s'adressent à nous. J'ai cru vous entendre dire quelque chose à ce sujet au cours de votre déclaration, et j'aimerais simplement avoir des précisions.

L'hon. Jane Stewart: C'est juste. Voilà le genre de renseignements que les Premières nations comprennent qu'elles doivent communiquer aux membres de leurs collectivités. À mon avis, notre partenariat sera couronné de succès si nous pouvons être sûrs d'avoir bien fait comprendre cela aux dirigeants et si nous pouvons mettre en oeuvre des méthodes conçues par les collectivités et pour les collectivités.

M. Mike Scott: Votre ministère va-t-il exiger cela? Il s'agit de l'argent des contribuables...

L'hon. Jane Stewart: Précisément.

M. Mike Scott: ... et ce sont les habitants des réserves qui veulent ces réponses. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien va-t-il devoir énoncer ces exigences à l'égard du financement global versé?

L'hon. Jane Stewart: Dans le cadre des ententes de financement, il est prévu que les Premières nations doivent communiquer aux membres de leur collectivité toutes les décisions concernant l'affectation de fonds. Comme je l'ai dit tout à l'heure, dans les conversations que nous avons avec les dirigeants autochtones, ces derniers sont tout à fait en faveur de la mise sur pied d'initiatives tant politiques que financières qui permettent la communication d'information.

• 1130

Il faut entre autres être vigilant en ce qui a trait à l'accès et au partage de l'information de façon appropriée. Évidemment, mes directives concernent les vérifications que j'exige. Si ces dernières ne sont pas communiquées aux membres de la collectivité, je ferai en sorte qu'elles le soient.

Pour ce qui est d'établir des procédures et des mécanismes de demande de renseignements à l'intention des membres des collectivités, partout au pays les chefs et les conseils s'attachent à respecter les exigences de communication du ministère en ce qui a trait aux sommes versées par le fédéral, mais aussi aux décisions concernant les recettes qu'ils se procurent d'autres sources. Ils sont en train d'élaborer des stratégies et des pratiques qui permettra la diffusion de cette information.

M. Mike Scott: Je vous remercie, quoique je ne suis pas vraiment certain que vous aviez répondu à la question.

Depuis que je représente ma circonscription au Parlement, il m'est arrivé souvent de recevoir des Autochtones, de simples citoyens, qui viennent me dire: j'aimerais connaître la situation financière de ma réserve. Mon conseil et mon chef ne veulent rien me dire, si bien que j'ai écrit une lettre à la ministre des Affaires indiennes. Celle-ci m'a répondu que cela relève des affaires internes de la bande et que le ministère n'entend pas s'y immiscer.

Allez-vous garantir que quand ces gens-là chercheront à se renseigner, ils auront de l'information?

L'hon. Jane Stewart: Comme je l'ai dit, dans le contexte des liens que nous avons pour le financement et des exigences en matière de vérification que toutes les Premières nations doivent compléter et nous remettre annuellement, nous demandons que les salaires et les honoraires soient précisés et que tous les renseignements soient divulgués aux collectivités. S'ils ne le sont pas, je peux remettre la vérification aux particuliers qui en font la demande.

Il y a d'autres aspects de l'information qui ne sont pas nécessairement assortis de dollars fédéraux—les revenus personnels, etc.—et qui intéressent également les membres de la collectivité et pour lesquels les Premières nations établissent des structures de responsabilité financière plus solides. Certaines ont tout mis en place. D'autres sont très solides sur le plan du code d'éthique et des lignes directrices concernant les conflits d'intérêt. D'autres sont en train de mettre cela au point.

Je pourrais donner l'exemple de l'initiative de l'Alberta où tous les chefs sont en train de se réunir pour partager leurs meilleures pratiques; c'est un signe très positif de l'intérêt et de l'orientation que l'on adopte.

M. Mike Scott: J'ai seulement le temps de poser une autre question, malheureusement. J'aurais beaucoup d'autres questions à poser.

L'automne dernier, un document interne du ministère révélait que près de 75 p. 100 des bandes, par province, ne respectaient pas les propres lignes directrices du ministère. Vous avez dit publiquement à ce moment-là que le chiffre était seulement de 3 p. 100. La réalité, c'est que c'est parfois 20 ou 25 fois plus élevé que ce que vous avez dit.

Je me demande comment vous pouvez justifier cet écart énorme entre ce que vous dites et vos propres documents internes pour ce qui est du taux d'inobservation.

L'hon. Jane Stewart: Ce n'est pas une question d'inobservation. Il s'agissait de voir quelles collectivités se trouvaient dans quelles situations financières particulières. Il faut voir quelles collectivités sont en train de prendre des mesures correctrices, en raison de leur situation financière, de la cogestion ou de la gestion par une tierce partie. Les chiffres que j'ai cités ont toujours été les mêmes que ceux dont vous parlez maintenant.

Cela me donne l'occasion de donner des précisions publiquement à ce sujet. Il y a eu une augmentation considérable du nombre de Premières nations dont les rapports de vérification n'appellent aucune réserve. Depuis 10 ans, le nombre de vérifications ne comportant aucune réserve est passé de 57 p. 100 à 83 p. 100. Donc, 83 p. 100 des Premières nations font faire leurs vérifications chaque année et obtiennent une opinion sous réserve de la part d'un cabinet de comptabilité externe.

M. Mike Scott: Mais cela ne concorde pas avec les propres rapports que Dunwoody vous a présentés et selon lesquels 75 p. 100 ne respectent pas la loi. C'est tiré de vos propres documents internes qui ont été rendus publics l'automne dernier. Cela ne concorde pas du tout avec ce que vous venez dire.

L'hon. Jane Stewart: Mais les questions dont nous parlons, pour ce qui est des collectivités avec lesquelles nous avons des liens quelconques pour la gestion financière, ce sont les mêmes chiffres que nous avons cités.

• 1135

Pour ce qui est de l'application, nous avons un excellent bilan et les Premières nations nous fournissent leurs états financiers et les rapports vérifiés. C'est au vu de ces rapports que nous décidons quelles Premières nations peuvent avoir besoin de notre aide pour s'assurer que leurs finances restent saines.

Je veux que le comité comprenne bien que quand on parle d'un plan de mesures correctrices, une collectivité qui a un ratio déficit-revenu de 8 p. 100—donc un seuil très bas, qui correspond essentiellement aux liquidités d'un mois—est tenue d'élaborer un plan de mesures correctrices pour examiner ses finances, comprendre comment l'argent est dépensé et travailler de concert avec nous pour expliquer comment elle va arriver à s'en sortir. Environ 18 p. 100 des Premières nations sont dans ce cas et ce ne sont pas toujours les mêmes. Dieu merci, on voit très souvent des collectivités qui passent d'une situation déficitaire à une situation excédentaire et je pourrais vous en citer un certain nombre.

Environ 5 p. 100 des Premières nations font de la cogestion, c'est-à-dire qu'elles travaillent avec une tierce partie pour prendre les décisions quant à la façon de dépenser l'argent. Seulement 2 p. 100 tombent dans une autre catégorie, lorsque la tierce partie prend les décisions quant aux dépenses. C'est compliqué, mais c'est extrêmement ciblé et direct.

Je le répète, quand on parle d'un ratio déficit-revenu de 8 p. 100, c'est très faible. L'idée est donc de suivre de près la situation financière, en fonction des rapports de vérification que nous recevons, et de les utiliser pour veiller à maintenir des finances saines parmi les Premières nations.

[Français]

Le président: Merci, madame Stewart. Merci, monsieur Scott.

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: J'ai trois questions.

D'abord, concernant la nouvelle politique du gouvernement du Québec, il me semble avoir lu à quelques endroits que vous sembliez enchantée de cette nouvelle politique. Aussi, je vous ai entendu dire tout à l'heure qu'il fallait faire des efforts et que vous étiez particulièrement contente que le Comité des affaires indiennes et du développement du Grand Nord se penche sur le développement économique.

Or, dans cette nouvelle politique, le gouvernement du Québec prévoit un budget de 125 millions de dollars pour le développement. C'est un fonds de développement. Je sais que le ministre Chevrette a déclaré qu'il serait important que le fédéral fasse aussi une contribution de 125 millions de dollars, ce qui ferait un fonds de développement de 250 millions de dollars.

J'aimerais savoir si, d'une part, vous êtes réceptive à l'idée du ministre Chevrette de vous joindre à lui et d'ajouter 125 millions de dollars à son fonds de développement. Si c'est le cas, prendrez-vous pour cela des sommes qui sont déjà allouées au ministère ou si ce sera de l'argent neuf? C'est ma première question.

Ma deuxième question porte sur la philosophie du ministère des Affaires indiennes. Je vous ai entendu dire à plusieurs reprises que vous partagiez mon approche, à savoir qu'il fallait inverser le rapport assistance sociale-développement économique. Je regarde la façon dont le budget est construit cette année et je n'y trouve pas de chiffres qui correspondent à votre philosophie. Je m'explique.

Par exemple, en 1997-1998, il y avait 597 millions de dollars de prévus pour les revendications, le soutien aux revendications, etc., et cette année, il y a seulement 392 millions de dollars de prévus à ce poste budgétaire, ce qui est l'inverse de ce qu'on veut tous faire, c'est-à-dire assurer plus d'autonomie financière aux communautés, leur donner l'autonomie gouvernementale et aller du côté des revendications territoriales. Donc, il y a une contradiction entre votre discours et les chiffres que je vois.

Ce qui me fait aussi dire qu'il y a une contradiction, c'est que le budget des services aux Indiens sera haussé cette année de 100 millions de dollars. On passe de 3,7 milliards de dollars à 3,8 milliards de dollars. Donc, au lieu de s'en aller vers l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales, on dit qu'on va donner un peu plus d'argent pour les services aux Indiens. Dans la partie «Services aux Indiens», on indique que le budget total du développement social et de l'aide sociale est de un milliard de dollars, alors qu'on a 71 millions de dollars pour le développement économique.

Donc, on est loin d'inverser le rapport développement économique-assistance sociale. Je dirais même qu'avec le budget qu'on a devant nous, ce rapport est en train de s'accentuer. On donne plus d'argent pour le soutien que pour le développement et les revendications.

• 1140

Comment pouvez-vous concilier votre intention de faire en sorte que les gens se prennent en main et qu'il y ait un bon développement économique, et le fait que les chiffres de votre budget ne reflètent pas ça?

L'hon. Jane Stewart: Merci, monsieur Bachand.

[Traduction]

En fait, j'ai eu hier une journée intéressante. J'ai rencontré le ministre Chevrette pour discuter spécifiquement des questions pour lesquelles nous assumons tous les deux des responsabilités à l'égard des Premières nations du Canada. J'ai été très contente de la réponse du gouvernement du Québec et de l'approche qu'il adopte et qui, fondamentalement, est tout à fait compatible avec notre document intitulé Rassembler nos forces et qui est la réponse au rapport de la Commission royale.

Pour en venir spécifiquement à la notion d'un fonds de développement économique, il importe ici de noter que la province a et reconnu que le fait d'accentuer ses efforts de développement économique, est salutaire à la fois pour les Premières nations et pour l'ensemble du Québec.

Nous avons discuté de l'importance de reconnaître que les contributions et les investissements consentis par le ministère au Québec pour le développement économique et l'augmentation des investissements, bénéficient pour l'essentiel directement aux Premières nations. S'il y a une chose que je veux éviter, c'est que nous prenions unilatéralement des décisions touchant les Premières nations; au lieu de cela, à mesure que les détails se mettront en place au sujet de ce fonds, nous procéderons de façon tripartite. Le ministre appuie tout à fait cette façon d'agir et reconnaît qu'à mesure que nous comprendrons mieux comment les aider à bâtir leur fonds de développement économique dans la province, nous devons le faire d'un commun accord.

Quant à cette initiative particulière, j'ai été encouragé par l'intérêt manifesté par toutes les parties. Mais je répète que nous devons faire en sorte de ne pas créer une autre série de décisions qui ne nous permettraient pas de faire preuve de souplesse par rapport à chaque collectivité, tenant compte de ses points forts et des partenariats qui peuvent exister dans leurs territoires traditionnels.

Nous avons donc eu une discussion très utile à ce sujet. Nous avons convenu que les parties doivent se réunir pour décider comment nous utiliserons ces fonds. Nous avons également convenu qu'il faut maintenir, chacun de notre côté, nos responsabilités à l'égard de nos propres fonds.

Chose certaine, je suis convaincue qu'à mesure que nous progresserons dans ce dossier, le gouvernement fédéral saura trouver des moyens d'utiliser nos fonds dans un cadre de collaboration, pour que les ressources soient utilisées de façon efficace sur le terrain dans l'intérêt des Premières nations et afin d'éviter que les initiatives ne se chevauchent ou qu'on ne laisse des brèches béantes. C'est donc un engagement positif et les trois parties collaborent à ce dossier.

Pour ce qui est de votre deuxième question, soit d'insister sur le développement économique et de s'éloigner de l'assistance sociale, et votre appui au sujet des revendications territoriales, je conviens qu'il est fondamental de régler les revendications territoriales pour respecter notre engagement de bâtir des moyens qui permettront à chaque Première nation de continuer à progresser en direction d'une autonomie financière et économique.

Pour ce qui est des chiffres, nous avons eu beaucoup de succès l'année dernière et avons réussi à régler certaines revendications. J'en ai une liste sous les yeux: Apsassin, Blueberry River, Doig River, Manitoba. Nous avons donc enregistré des succès, ce qui nous a permis de progresser.

Je répète que les montants d'argent que nous projetons d'utiliser pour les revendications territoriales dépendent des progrès que nous réalisons dans les négociations et les discussions à cet égard. Nous ne nous dérobons donc pas du tout à notre engagement à l'égard des revendications territoriales; c'est seulement que nous prévoyons être en mesure de régler au cours de l'année financière qui vient.

Je réitère l'importance du travail que nous faisons en partenariat avec les Premières nations pour mettre sur pied un organisme indépendant relativement aux revendications. Dans mon esprit, c'est d'une importance critique afin de s'éloigner de l'idée d'un gouvernement fédéral qui serait à la fois juge et partie dans ce domaine.

Finalement, en ce qui concerne les sommes que nous consacrons aux programmes indiens et inuits, je constate que nos contributions au développement économique sont passées de 57 millions de dollars l'an dernier à 71 millions de dollars cette année, ce qui représente une augmentation de 25 p. 100. L'aide sociale a légèrement baissé depuis l'an dernier, passant de 671 millions de dollars à 656 millions de dollars.

Chose plus importante, nous constatons—et nous espérons que vous le constaterez aussi à l'occasion de votre étude—qu'il y a beaucoup d'intérêt de la part d'autres partenaires, des citoyens en général, qui veulent savoir comment ils peuvent contribuer à créer de nouveaux débouchés économiques pour les Autochtones.

• 1145

Comme je l'ai dit, la semaine dernière, nous avons tenu la première conférence sur le renouveau économique qui regroupait des gens d'affaires autochtones et non autochtones, dans le but de constituer ce réseau. Ces formules se multiplient partout au pays.

J'espère que nous réussirons à briser ce cercle vicieux de l'aide sociale et j'apprécie, Claude, ce que vous avez dit et fait pour en montrer l'importance. Cela reflète également ce que souhaitent les Autochtones.

[Français]

M. Claude Bachand: Vous venez de dire que le budget du développement économique était passé de 57 millions à 71 millions de dollars cette année, et que le budget du développement social avait un peu baissé, passant à 656 millions de dollars. Cependant, dans le tableau de la page 18 ici, il y a: «développement social, 656 millions de dollars», ce qui confirme votre chiffre, mais il y a aussi: «aide sociale, 379 millions de dollars». C'est ce qui me fait dire que les budgets du développement social et de l'aide sociale totalisent un milliard de dollars, et non pas 656 millions de dollars.

Finalement, d'après moi, le rapport est en train de se déstabiliser un peu, et c'est pour cela que je considère que dans les services aux Indiens, on ne met pas suffisamment l'accent sur le développement économique. On règle juste les services et on se dit: «Il y a plus d'assistés sociaux et on va payer.» Expliquez-moi le budget: «développement social, 656 millions de dollars» et «aide sociale, 379 millions de dollars». Tout cela est relié à l'aide sociale.

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart: Oui et non. Vous avez eu l'occasion de discuter avec Cynthia Williams, ma sous-ministre adjointe chargée des questions d'aide sociale.

Avant que je réponde, Cynthia, pourriez-vous nous décrire les services d'aide sociale qui sont reliés à l'infrastructure?

Mme Cynthia Williams (sous-ministre adjointe, Secteur des politiques et des programmes socio-économiques et de la restructuration de programmes, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Oui. Merci beaucoup.

Ce que l'on appelle l'aide sociale comprend des choses comme... en fait, un de ses principaux éléments, sont les services aux enfants et à la famille. Il s'agit pour l'essentiel de services de protection pour les enfants. Ils ne font pas partie du programme d'aide sociale. Les provinces ne les incluent pas non plus dans leur programme d'aide sociale. Ce sont des services offerts aux enfants en situation vulnérable. Évidemment, ces enfants peuvent appartenir à toutes sortes de familles, à revenu élevé ou faible. C'est là que va le gros des dépenses.

L'hon. Jane Stewart: On constate que les Premières nations de toutes les provinces tiennent beaucoup à renoncer aux méthodes passives en faveur des méthodes actives.

J'estime que le ministère doit être suffisamment souple pour s'adapter à la réalité des régions et des provinces. C'est ce que nous avons commencé à faire avec les directeurs régionaux et nos homologues des provinces ainsi que les Premières nations. Nous voulons tirer des leçons des initiatives entreprises par les provinces et nous adapter à la réalité particulière des Premières nations.

Comme vous le verrez, si vous vous rendez dans les collectivités du Grand Nord, les services de garderie et autres dont les gens ont besoin pour participer à la vie sociale hors du foyer sont très particuliers.

[Français]

Le président: Merci, madame Stewart. Merci, monsieur Bachand.

Monsieur Earle.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): J'ai aussi trois questions, mais je vais les poser en anglais, s'il vous plaît.

Le président: Il n'y a pas de problème. De toute façon, vous parlez très bien le français.

M. Gordon Earle: Merci.

[Traduction]

Dans votre exposé, vous avez parlé d'une fondation autochtone indépendante chargée d'administrer la stratégie de guérison communautaire. Vous avez dit qu'une annonce officielle devrait être faite au début du mois de mai. Peut-être pourriez-vous nous dire officieusement comment cette fondation sera structurée. Je pense en particulier à la représentation des femmes, des Inuits, des métis et des Autochtones de la base.

L'hon. Jane Stewart: Cela est très important pour nous. Une des choses qui me sont apparues clairement lorsque nous avons cherché à faire face à notre passé, en particulier le problème des pensionnats et des sévices physiques et sexuels qui y ont été infligés... Dans mes rencontres d'un bout à l'autre du pays, les gens m'ont dit qu'il importait à leurs yeux que le gouvernement fédéral reconnaisse ses torts pour qu'ils puissent entreprendre le processus de guérison mais qu'ils ont aussi besoin d'aide, selon une méthode qui ressemble presque au triage, sous forme de fonds supplémentaires pour ceux qui doivent faire face à cette réalité et qui ont besoin d'aide de professionnels qui reflètent leurs traditions et leur culture.

• 1150

Ils m'ont dit de ne surtout pas affecter les sommes à la bureaucratie ou de créer une structure au ministère des Finances qui dictera ce genre de programmes qui seront financés, autrement dit, de fonctionner comme le gouvernement fédéral en nous disant comment la guérison doit se faire. Ils m'ont imploré de les laisser utiliser ces fonds dans les localités pour édifier des programmes qui répondront à leurs besoins particuliers.

Le but étant fixé, nous avons essayé de trouver le moyen de créer une fondation indépendante, à la fois du gouvernement et des organisations autochtones—composée d'hommes et de femmes provenant en majorité d'organisations politiques qui reflètent les Inuits, les Premières nations en réserves et hors réserves et les métis, qui jouissent du respect des leurs et qui peuvent prendre les décisions.

Le conseil une fois réuni a travaillé avec acharnement à l'élaboration de ses statuts. L'obligation de rendre des comptes est très claire. Elle est indépendante et doit justifier la répartition des fonds et les décisions.

Le conseil indépendant recevra des propositions directement des communautés des Premières nations, en réserves et hors réserves, des communautés inuites et de la communauté métisse. Il devra s'expliquer devant les membres de la communauté et des représentants du gouvernement fédéral.

Comme je l'ai dit, cela devrait se faire début mai. George Erasmus préside le comité. George a été le coprésident de la Commission d'enquête et s'intéresse beaucoup à la chose.

J'ai été très impressionné par la vitesse avec laquelle les membres du conseil, les principaux en tout cas, ont répondu au besoin. Ils ont vu combien il est important que les crédits parviennent aux communautés.

Nous avons l'occasion ici de montrer que nous pouvons offrir des services et des fonds autrement, tout en répondant aux besoins des Autochtones.

M. Gordon Earle: Vous avez dit que le renforcement du partenariat suppose le règlement des revendications particulières en suspens. Vous avez parlé de la création d'une commission indépendante sur les revendications particulières. Pourriez-vous nous en dire davantage? Comme vous l'avez dit, l'impartialité du processus est importante. Une des sources d'inquiétude actuellement c'est que les revendications sont présentées au ministère de la Justice pour obtenir un avis juridique avant de savoir si la revendication est fondée. Comment cette situation est-elle rectifiée dans le nouvel organisme et dans quelle mesure sera-t-il indépendant?

L'hon. Jane Stewart: Tout d'abord, encore une fois—et vous avez mis le doigt dessus—le fait que le gouvernement fédéral soit à la fois juge et partie est source de beaucoup de difficultés, réelles ou perçues, dans le règlement des revendications territoriales.

En 1991, on a créé la Commission sur les revendications particulières des Indiens. Celle-ci, après coup, lorsque le gouvernement avait rejeté les revendications, examinant les circonstances, sur demande. Elle a peut-être examiné les choses sous un autre angle que nous, ou obtenu des renseignements différents. Le dossier est revenu ensuite au ministère. Dans quelques cas, où elle a recommandé des négociations, nous avons accepté; dans d'autres, non.

• 1155

C'était une stratégie provisoire. Actuellement, avec l'aide des Premières nations, nous travaillons à un nouveau modèle, qui sera indépendant et qui se verra attribuer des compétences très claires. Surtout, parce qu'il sera indépendant, il nous permettra d'effectuer les travaux de recherche une seule fois au lieu de deux, une fois au nom du gouvernement fédéral et une fois encore au nom de la Première nation. Cela allégera le processus et nous permettra d'employer nos ressources plus judicieusement.

Actuellement nous sommes en train de préparer ensemble un projet de texte de loi. Cela illustre bien nos nouveaux rapports. Cela avance bien. J'espère avoir quelque chose à présenter au comité d'ici la fin de l'année.

M. Gordon Earle: Les avis juridiques de cet organisme seraient donc conçus de façon indépendante.

L'hon. Jane Stewart: Les recommandations nous viendraient de cet organisme indépendant.

M. Gordon Earle: Ma troisième question a trait à la Commission sur les revendications particulières. Vous en avez parlé un peu lorsque vous avez répondu à mon collègue. Je vois que les dépenses relatives aux revendications vont être réduites d'environ 200 millions de dollars l'an prochain. Comment cela se fait-il étant donné que nous créons une nouvelle commission qui, d'après ce que je vois, va sans doute occasionner un plus grand nombre de revendications?

L'hon. Jane Stewart: Je répète il s'agit ici d'estimations. Nous en avons déjà parlé: le processus de négociations est très long. J'espère que l'organisme indépendant pourra le simplifier. Les travaux de recherche ne feront pas double emploi. Il y aura un seul avis et nous tirerons des enseignements du passé pour simplifier le processus.

Il s'agit de nos meilleures estimations budgétaires. Ce que nous voulons, c'est les régler et passer à autre chose. Nos chiffres pourront changer quand nous aurons fait le synopsis à la fin de l'année, mais ils représentent ce qui d'après nous va se passer à propos des négociations cette année.

[Français]

Le président: Merci, madame Stewart. Merci, monsieur Earle.

Monsieur Keddy.

[Traduction]

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Merci, monsieur le président.

Merci, madame la ministre, d'être venue comparaître aujourd'hui. J'ai plusieurs questions à poser. D'autres en ont déjà posé certaines. J'aimerais d'abord faire une observation.

Vous avez divisé votre allocution en trois parties. Vous avez d'abord parlé de réconciliation. C'est quelque chose que nous admettons tous, et je ne vais pas m'étendre là-dessus. C'était nécessaire pour engager le dialogue mais cela n'a pas vraiment permis de répondre encore aux questions épineuses.

Vous avez ensuite parlé de la maîtrise de leurs biens par les Autochtones. Vous avez donné en exemple le Nunavut, à propos duquel un projet de loi est à l'étude au Parlement. Je pense que le texte bénéficie de l'appui de la majorité des membres du comité et de la majorité des députés, ainsi que du vôtre. À l'origine, c'était une loi du parti conservateur, qui est en préparation depuis dix ans. Cela prend beaucoup de temps mais il n'y a pas lieu de s'étendre non plus là-dessus. La loi sera étudiée au Parlement, étudié en comité, et, si vous me pardonnez l'expression, «l'affaire est dans le sac».

Toutefois, d'après les lettres que je reçois à mon bureau—comme c'est le cas de tous les membres du comité j'en suis sûr—les questions portent assurément sur les revendications territoriales. Cela semble être un gros problème. J'ai l'impression, comme M. Earl l'a dit, que les sommes consacrées au règlement des revendications territoriales baissent. Je ne suis pas certain d'être tout à fait de son avis, mais il y a des choses à propos des revendications territoriales dont on n'a pas parlé et dont il faudrait parler. Voilà où je vais en venir.

Quand vous avez parlé des revendications territoriales, vous avez aussi parlé de l'importance de la maîtrise par les autochtones de leurs propres biens. Pendant la dernière législature, un projet de loi sur la gestion des terres des Premières nations avait été déposé au Parlement mais a expiré au Feuilleton. Je vous ai d'ailleurs envoyé une lettre à ce propos. Vous m'avez assuré que vous étudiez la chose.

• 1200

Je sais que vous êtes occupée. Nous voulons faire avancer le dossier des revendications territoriales mais on n'a même pas aborder la question de la maîtrise des terres par les Premières nations dans leurs réserves. Qu'il s'agisse tout simplement de couper les arbres et de les emmener à la scierie, de créer un lotissement ou de creuser une fosse septique, ils doivent demander la permission au gouvernement fédéral. Ils doivent ensuite s'adresser au gouvernement provincial et à l'administration municipale. C'est plus qu'un cauchemar, c'est un champ de mines.

En plus, le problème n'est par réglé. On s'occupe de certaines revendications territoriales, mais on ne s'est pas attaqué à ce gros problème. Je me demande si nous ne savons pas organiser nos priorités. Je ne dis pas qu'il faut tourner le dos aux revendications en cours, dont le règlement se poursuivra, mais qu'il faut trouver un moyen quelconque de s'occuper de la loi sur la gestion des terres des Premières nations. Et il y a l'affaire Delgamuukw et l'arrêt de la Cour suprême qui vient encore compliquer les choses. Quel effet cela va-t-il avoir sur les revendications actuelles et quand aurons-nous une loi sur la gestion des terres des Premières nations?

Je vais m'arrêter ici, puis je poserai une autre question. Voilà les deux questions précises que j'avais. Si vous le voulez bien, parlez-nous surtout de la loi sur la gestion des terres des Premières nations et l'affaire Delgamuukw. Ces deux dossiers sont cruciaux pour le gouvernement et le Parlement.

L'hon. Jane Stewart: Merci, monsieur Keddy. Je vais répondre à vos deux questions, mais je voudrais apporter une précision. Brent pourra peut-être aussi vous en parler.

Sauf erreur—je vais vous trouver les chiffres—en ce qui concerne le budget des revendications territoriales et les dépenses réelles de l'an dernier, il y a eu un budget supplémentaire de 200 millions de dollars par rapport à nos prévisions. Je le répète: nous remettons au comité les meilleures prévisions de ce que nous pensons réaliser dans les négociations, mais cela varie. Notre objectif est d'activer les choses pour essayer de régler ces revendications.

Je sais que vous, comme députés, entendez les doléances des Premières nations dans vos circonscriptions, parce que vous faites partie de ce comité et que vous tenez à ce que leurs revendications soient satisfaites. C'est déterminant pour leur avenir et nous tenons à faire ce que nous pouvons pour leur préparer un bel avenir.

Cela m'amène à la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Je suis tout à fait d'accord avec vous: il faut absolument déposer ce projet de loi. Quand j'ai commencé à l'examiner—il avait été déposé avant les élections—il y a certains aspects que je voulais revoir, en particulier en ce qui concerne les biens matrimoniaux. Au fur et à mesure que les Premières nations ont pris en main la gestion de leurs terres, les femmes autochtones ont pu craindre que leurs intérêts, en cas de séparation, ne soient pas pris en compte. Contrairement à ce qui existe dans les lois provinciales, la Loi sur les Indiens ne parle pas des biens matrimoniaux et de ce qu'il advient en cas de rupture.

Nous avons donc collaboré de très près avec les 14 Premières nations qui ont signé le texte. Nous reconnaissons son importance. Pour le développement économique, il est essentiel qu'elles puissent prendre certaines décisions avant que l'éventail des options qui leur sont offertes ne se referme.

Je voulais m'assurer que l'intérêt de tous les membres de la communauté est pris en compte. J'ai été très satisfaite de la réaction des chefs qui ont accepté de rédiger des codes propres à leur communauté et qui répondent aux besoins découlant de la loi. Des changements seront donc apportés au texte initial. J'espère pouvoir vous le présenter prochainement.

L'affaire Delgamuukw revêt une importance cruciale pour nous. Vous avez sans doute tous eu l'occasion d'y réfléchir. Pour moi, le grand message que donne la Cour suprême c'est que les droits des Autochtones existent vraiment. Ils sont énoncés à l'article 35 de la Constitution. Ce que le juge en chef a dit est qu'ils peuvent continuer de s'adresser à nous et de faire valoir leurs droits devant les tribunaux; dans certains cas, nous leur donnerons droit, dans d'autres non, parce que la situation varie d'une nation à l'autre. Des droits existent sous diverses formes, en fonction des rapports historiques avec la terre, ce qu'on y trouve et les richesses naturelles dont la communauté s'est servie et la façon dont elle a prouvé qu'elle s'en servait. Le tribunal a dit que les Autochtones pouvaient continuer de s'adresser aux tribunaux et que les chefs doivent trouver des moyens de concilier les droits autochtones et la société canadienne.

• 1205

Ce n'est pas moi qui affirme que les Autochtones ont des droits; ce n'est pas même mon gouvernement; c'est inscrit dans la Constitution et dans les traités, et c'est à ce titre que je l'affirme. En tant que dirigeants, nous avons la responsabilité, aux niveaux fédéral et provincial, ainsi qu'au niveau des Premières nations et des collectivités inuites, de tenir compte de ces droits d'une façon que nous puissions accepter et qui nous paraisse raisonnable, avec le respect qui leur est dû. Nous avons également la responsabilité d'en tenir compte à la table de négociation, car quoi que disent les tribunaux sur l'existence d'un droit, encore faut-il le négocier, l'ajuster et le mettre en application.

C'est pourquoi je suis optimiste quant à la situation en Colombie-Britannique. Les négociations sont encore en cours et nous poursuivons nos discussions avec un nombre considérable de Premières nations qui participent au processus de traités en Colombie-Britannique. En ce qui concerne le jugement rendu dans l'affaire Delgamuukw, nous le voyons sous un autre angle. Au lieu que la province, le gouvernement fédéral et les Premières nations s'en aillent chacun de leur côté et se demandent quelles seront les incidences de cet arrêt, nous essayons tous ensemble, de comprendre le sens de cette décision et comment la concilier avec...

M. Gerald Keddy: Il me paraît très important, madame la ministre, que nous essayions de la comprendre, car chacun ici présent l'a étudiée et la lumière ne s'est pas encore faite. Je m'attends d'ailleurs à ce que les tribunaux n'aient pas dit leur dernier mot.

Ceci dit, ce jugement fait planer un doute sur les négociations de traités, sur les revendications territoriales, sur les droits spécifiques des Autochtones au Canada. Il crée vraiment un précédent, que je comparerais avec l'arrêt Sparrow, qui a eu toutes sortes de retombées, par exemple l'abattage des arbres sur les terres de la Couronne, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse.

Ceci m'amène à l'autre volet de la question, l'importance de régler certaines de ces revendications, et c'est là qu'il y a malaise. Vous pouvez taxer cela de malentendu, mais il existe certainement un malaise, dans le public, et nos hommes politiques—je ne vous vise pas en particulier—ne sont vraiment pas parvenus à éduquer le public sur ce point. Toutefois votre ministère est parmi les principaux responsables, et cela s'applique, en partie du moins, parce que nous ne savons pas encore comment interpréter l'arrêt Delgamuukw. Que l'affaire soit renvoyée devant un tribunal ou non, nous savons dans quelle direction est parti le premier coup.

Êtes-vous disposée à soulever ces questions auprès du public canadien et à en expliquer les ramifications? En Nouvelle-Écosse, dans la circonscription même que je représente, il y a menace de violence. C'est un cas très grave, mal compris, dans l'ensemble, et peut-être mal interprété. C'est parfois le manque d'information qui est la cause de tous les maux et c'est à nous qu'il incombe en tant que gouvernement d'expliquer la situation et d'annoncer la couleur. Sommes-nous disposés à le faire?

L'hon. Jane Stewart: Je suis entièrement d'accord avec vous. Il est essentiel que le public soit informé de nos relations avec les Autochtones, de la question des droits et titres autochtones, de la façon dont les tribunaux prennent leurs décisions et dont les diverses parties—gouvernements provinciaux, nous-mêmes et les Premières nations—satisfont à l'exigence de reconnaître les relations passées tout en amorçant une nouvelle orientation.

• 1210

La décision dans l'affaire Delgamuukw a une importance cruciale. Nous devons tous en tenir compte et veiller à ce que la façon dont elle sera exécutée servira de cadre à un partenariat durable avec les Premières nations de notre pays.

Il y a un aspect positif à tout cela, en particulier dans le cas du Nouveau-Brunswick, dont le gouvernement entend négocier avec les Premières nations, non seulement au sujet de la question des forêts, mais également des revendications territoriales et de l'autonomie gouvernementale... Nous devons concilier ces droits de façon positive au Nouveau-Brunswick.

L'une des expressions les plus éloquentes de cette détermination, c'est le message que nous envoient des membres des Premières nations: «Savez-vous ce que cela signifiait d'avoir un emploi rémunéré et de participer à l'économie du pays, pouvoir se permettre d'acheter une voiture et de nourrir les enfants parce que j'ai du travail, et parce que ce travail me confère une certaine dignité?» C'est un message qui se répand.

C'est un message qui a atteint le public. La province encourage les dirigeants à venir à la table des négociations. Les tierces parties embauchent. C'est ainsi que dans l'affaire Irving, d'après les journaux, Irving aurait engagé monsieur...

M. Gerald Keddy: Augustine.

L'hon. Jane Stewart: ... M. Augustine pour amorcer... Ce sont là des effets heureux.

Mais comme je le disais, ce n'est pas du jour au lendemain qu'on verra de grands revirements. Mais le public canadien commence à comprendre que les choses peuvent changer, et qu'elles peuvent changer simplement en nous assurant que les Autochtones, eux aussi, participent à l'expansion économique que connaît le Canada.

[Français]

Le président: Merci, madame Stewart. Je m'excuse, monsieur Keddy, mais nous allons passer à M. Finlay parce que Mme la ministre quitte à 12 h 30.

[Traduction]

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je voudrais faire une observation à propos des remarques de M. Scott concernant la responsabilité financière. Je suis très satisfaisait de ce qui se trouve ici, mais je voudrais vous signaler que les mots «partenariat», «collectivité», «nouveaux partenariats», «nouvelles relations» et «réconciliation» sont trois ou quatre fois plus nombreux que le mot «responsabilité». Je pense que c'est là la bonne proportion, madame la ministre.

Je voudrais passer à quelques autres questions importantes, j'ai trouvé intéressantes les questions de mes collègues.

La Commission canadienne des affaires polaires a été fondée en 1991 et fait rapport au Parlement par votre intermédiaire. C'est l'organisme fédéral responsable, en matière de sciences polaires et de contrôle et surveillance, de la promotion et de la diffusion des connaissances dans les régions polaires, et de la sensibilisation du public à l'importance des sciences polaires pour le Canada. Cet organisme place également le Canada à l'avant-scène des nations circumpolaires et adresse au gouvernement des recommandations en matière de politique axées sur les sciences polaires.

Dans le document du budget on cite, à la page 45, comme l'un des facteurs externes influant sur la Commission canadienne des affaires polaires, «l'acceptation, par le gouvernement, des recommandations de la Commission». L'une de celles qui ont été faites il y a longtemps, et qui n'a pas été suivie réellement, est la réponse aux recommandations de la Commission, en particulier celle concernant les contaminants dans le milieu polaire. Je pense notamment aux photos de barils de déchets toxiques qu'on y a abandonnés. J'aimerais savoir qu'elles sont les mesures envisagées et quand nous comptons nous attaquer à ce problème.

L'hon. Jane Stewart: La question des contaminants dans le Nord est extrêmement importante. Mon ministère s'en occupe de plus en plus, en association avec le ministère de l'Environnement et en accord avec les conventions internationales sur les polluants organiques durables... Et compte tenu du fait que ces polluants coalescent dans le Nord et que nous en constatons maintenant la présence dans les aliments traditionnels des peuples nordiques... C'est là un problème dont nous saisissons toute l'importance.

Notre gouvernement a fait preuve de beaucoup d'initiative en sondant les peuples du Nord et en leur demandant de nous aider à adopter une position dans les traités internationaux que nous voulons faire signer, traités qui exigeront que les pays diminuent leur utilisation de ces polluants organiques durables. Nous avons enregistré des progrès à cet égard.

En ce qui concerne l'occupation des sols sur les terrains contaminés—nous pensons ici aux stations du réseau d'alerte avancée, et autres—nous avons adopté, au ministère, une méthode basée sur l'analyse des risques. Certes, l'idéal—si nous en avions les moyens—serait d'aller nettoyer tout ce que nous y avons laissé et de dépolluer ces terrains. En vérité—tous ceux d'entre vous qui se sont rendus dans ces régions et ont pu juger de l'état des lieux, reconnaissent qu'il y a là une situation inadmissible.

• 1215

Mais en utilisant nos ressources de notre mieux, nous avons fait une évaluation des risques pour comprendre quels sont les endroits particulièrement dangereux pour les collectivités avoisinantes et nous essayons donc de parer au plus pressé. C'est donc là une question prioritaire à nos yeux.

Quant à la Commission canadienne des affaires polaires, c'est un organisme qui coordonne la recherche faite dans le Nord et c'est un travail considérable qui se fait là-bas. Nous procédons actuellement à une révision du mandat de la Commission, afin que celle-ci ne soit pas dépassée par les changements qui se produisent dans le Nord et par l'intérêt que celui-ci suscite.

M. John Finlay: Je vous remercie, monsieur le président.

[Français]

Le président: Merci.

Monsieur Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Est-ce que vous m'accordez cinq minutes?

Je vais partager mon temps avec un collègue, afin qu'il puisse placer une question.

Le président: Est-ce là une nouvelle stratégie? D'accord, deux minutes à chacun.

M. Derrek Konrad: Je vous remercie. Madame la ministre, je voulais simplement...

L'hon. Jane Stewart: Je suppose que c'est moi que vous devez tenir en laisse. Ils posent de bonnes questions, monsieur le président, mais moi j'ai tendance à me perdre un peu dans les détails, et je m'en excuse.

M. Derrek Konrad: Je vous remercie. En toute déférence, madame la ministre, pourriez-vous répondre brièvement, afin de laisser du temps à mon collègue? Il a une question importante, je crois.

Je voudrais revenir sur l'affaire Delgamuukw. Comme on l'a signalé, les sommes prévues pour les revendications territoriales ont diminué. Je n'entends pas par là qu'il s'agit d'une tactique de relations publiques, mais y a-t-il des gens, dans votre ministère, qui préparent un nouveau budget pour les coûts futurs? En second lieu, pensez-vous vraiment que l'arrêt dans l'affaire Delgamuukw ne va pas entraîner une augmentation de ces dépenses? Et votre budget ne devrait-il pas en tenir compte?

L'hon. Jane Stewart: En effet, les chiffres qui figurent ici sont nos prévisions de ce que coûtera...

M. Derrek Konrad: Excusez-moi, mais ne prévoyez-vous pas que l'affaire Delgamuukw va coûter quelque chose d'ici à 2001?

L'hon. Jane Stewart: Nous avons une enveloppe pour les revendications, et vous comprendrez sans doute que le processus de négociations...

M. Derrek Konrad: Cela dépend sur quoi il portera.

L'hon. Jane Stewart: Nous sommes en cours de négociations et nous envisageons tous les cas. Nous sommes saisis d'un grand nombre de revendications, tant spécifiques que globales, et elles se trouvent toutes à divers stades, à diverses étapes du cycle de négociations.

M. Derrek Konrad: Puis-je de nouveau vous interrompre? C'est ce que vous avez déjà dit à M. Keddy.

Les chefs indiens de la Colombie-Britannique vous ont remis une liste de demandes de cinq pages. N'allez-vous pas en tenir compte pour augmenter la somme que vous prévoyez dépenser en revendications territoriales?

L'hon. Jane Stewart: Là encore, c'est un objectif qui n'est pas fixe, car nous ne savons vraiment pas au juste à quelle allure se déroulera une négociation. C'est notre meilleure évaluation pour cette année quant aux négociations qui devraient aboutir.

M. Derrek Konrad: Peut-être, mais votre budget porte sur les années à venir, jusqu'en 2001.

L'hon. Jane Stewart: C'est exact.

M. Derrek Konrad: Chaque année ce budget diminue. Pensez-vous vraiment que la décision Delgamuukw ne va pas avoir des incidences sur les revendications territoriales?

L'hon. Jane Stewart: Certainement. Nous considérons, tout en continuant à faire avancer les négociations, que nous allons devoir réfléchir à la façon dont la décision Delgamuukw va se répercuter.

M. Derrek Konrad: C'est exactement ce que je vous demande.

L'hon. Jane Stewart: Nous pensons y voir maintenant clair, mais cela ne va pas nous empêcher de continuer à traiter les revendications spécifiques, qui ne sont pas affectées par cette décision de la même façon que les revendications globales.

Je vais peut-être demander à mon collaborateur d'intervenir, mais il donne une autre interprétation à votre question. Peut-être est-ce moi qui ne vous comprends pas très bien, monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad: Vous attendez-vous à ce qu'il ait une augmentation dans le coût des décisions des revendications territoriales?

L'hon. Jane Stewart: Non, nous pensons qu'à la suite de cette décision nous devrons peut-être considérer d'autres questions dans nos négociations avec les Premières nations. Nous nous interrogeons à l'heure actuelle, sur les conséquences qu'aura la décision dans l'affaire Delgamuukw, mais il est encore trop tôt pour que je puisse m'aventurer à vous dire quels seront les résultats de notre réflexion.

M. Derrek Konrad: C'est l'une des questions que je vous pose, à savoir si vous tenez compte, dans votre budget, des coûts qu'entraînera cette décision.

Je vais laisser la parole à mon collègue.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Konrad.

Monsieur McNally.

[Traduction]

M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président. Merci d'être venue, madame la ministre.

• 1220

Vous disiez tout à l'heure que vous donneriez, à ceux qui le demandent, l'information nécessaire ainsi que les états financiers, toutes choses mentionnées par mon collègue. Pourriez-vous également nous dire, de façon concrète, comment votre ministère rend compte de l'utilisation, par les bandes, des deniers des contribuables qui leurs sont octroyés. Sous quelle forme est-ce que cela se fait, sinon lorsque quelqu'un remplit une demande d'accès à l'information ou s'adresse directement à vous, par écrit, pour obtenir quelque chose de votre ministère?

L'hon. Jane Stewart: Je vais demander à Brent Dibartolo de vous dire en quoi consiste la vérification, afin que vous sachiez quelle est l'information que nous exigeons, chaque année, des Premières nations pour effectuer cette vérification. Nous pourrons ensuite parler de progrès ultérieurs.

M. Brent Dibartolo (sous-ministre adjoint, Services aux sociétés, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Nous exigeons de toutes les Premières nations qu'elles fassent faire des vérifications indépendantes. Nos accords financiers leur demandent de nous fournir des exemplaires de ces vérifications sous forme d'états consolidés pour les membres de la collectivité.

M. Grant McNally: Permettez-moi de vous interrompre: nous savons certes ce que devraient être les conditions imposées, mais nous entendons alors parler de cas où l'information n'est pas disponible, ou n'est pas mise à la disposition de la population locale. Le ministère pourrait certainement donner des ordres en ce sens, mais...

M. Brent Dibartolo: Le ministère le fait, et les accords financiers exigent la divulgation de cette information, y compris l'information sur les salaires et honoraires versés, et la publication de rapports de vérification consolidés. Aux termes de l'entente de financement nous avons le pouvoir d'arrêter les versements aux bandes, qui ne fournissent pas cette information aux collectivités. Quand nous recevons cette information, mais qu'elle n'a pas été donnée aux membres de la collectivité, c'est nous qui la leur faisons parvenir, dans le cadre de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il y a actuellement des cas où nous refusons de verser des fonds aux bandes qui n'ont pas fourni l'information exigée aux termes des accords de financement.

M. Grant McNally: Vous mentionnez «dans le cadre de la Loi sur la protection des renseignements personnels». Dans certaines réserves les gens semblent avoir des difficultés à se procurer cette information. La ministre a mentionné tout à l'heure qu'elle donnerait ces renseignements à ceux qui les demandent. Comment ce processus pourrait-il être allégé, dans le cadre de partenariats plus ouverts et plus responsables, dont elle a émaillé ses commentaires?

L'hon. Jane Stewart: Là encore, quelle que soit notre position là-dessus, nous devons tenir compte de certaines questions liées à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Loi sur l'accès à l'information. Il faut tenir compte de ces lois avant de pouvoir fournir de l'information.

M. Grant McNally: Je vous remercie.

[Français]

Le président: Merci, madame la ministre.

Monsieur Bryden.

[Traduction]

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

J'avoue ne pas être tout à fait d'accord avec mon collègue M. Finlay. L'accès à l'information, la responsabilité financière et la transparence sont des questions qui devraient avoir priorité absolue, car sans elles il n'y a ni efficacité, ni équité, ni justice dans quelque gouvernement que ce soit, y compris les gouvernements autochtones.

J'ai constaté dans vos remarques à M. Scott que le gouvernement garantit que les instruments de transparence et de responsabilité financière seront communiqués aux membres de la collectivité. Qu'entendez-vous par membres de la collectivité? S'agit-il d'un groupe de gens qui se différencient du grand public?

L'hon. Jane Stewart: Quand il faut faire intervenir la Loi sur le respect des renseignements personnels et l'accès à l'information, on décide, d'après la liste de la bande, qui sont les membres de la collectivité.

Brent, pouvez-vous nous donner les détails sur les démarches à entreprendre, afin que nous fournissions l'information à ceux qui sont autorisés...?

M. Brent Dibartolo: Nous demandons aux Premières nations de nous fournir des rapports de vérification consolidés, qui comprennent l'information financière—d'après les conseils que nous avons reçus—protégée aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels, car l'information inclut les revenus indépendants.

Aux termes des accords de financement, les membres de la communauté ont le droit d'avoir accès à cette information et si le chef en conseil ne fournit pas l'information aux membres de la communauté, comme le définit la liste de la bande, nous fournirons nous-mêmes l'information aux membres de la communauté. Notre coordonnateur de la protection des renseignements personnels et le commissaire à la protection de la vie privée nous ont dit qu'étant donné que ces vérifications contenaient de l'information financière confidentielle, nous ne pouvions pas transmettre cette information à une tierce partie.

Donc la réponse directe à votre question est oui, il y a une différence pour nous entre les membres de la communauté et la population en général.

M. John Bryden: Je soulignerai alors que vous partez alors du principe que les communautés autochtones sont des sociétés. C'est une règle qui s'appliquerait aux sociétés.

J'aimerais poser une autre question à la ministre. Je regrette que le député du Bloc ne soit pas ici. La ministre est-elle d'avis que dans la Loi sur la liberté d'accès à l'information qui existe au Québec—il existe une loi semblable en Ontario et en Colombie-Britannique—l'accès à l'information détenu par le gouvernement du Québec devrait être limité ou accordé aux Québécois à titre de faveur spéciale, par opposition aux autres Canadiens? En d'autres termes, est-ce que le Québec, qui est représenté par les Québécois, devrait avoir un accès spécial aux documents définis dans la Loi québécoise sur l'accès à l'information, par opposition aux Canadiens en général?

• 1225

L'hon. Jane Stewart: Je pense que je répondrai à cette question à la lumière de ce que vous avez dit dans vos remarques liminaires, monsieur Bryden, et de ce que j'ai dit dans mon allocution lorsque j'ai parlé de l'importance fondamentale de la transparence et de la responsabilité financière pour le processus démocratique.

J'aimerais également souligner que nous trouvons constamment de nouvelles façons, grâce à la technologie, à la disponibilité de l'information et à l'intérêt pour l'information, de fournir cette information, et de nouvelles approches—est-ce que cela est logique?—pour fournir de l'information.

Dans le cas des Premières nations en particulier, et encore une fois, comme je l'ai mentionné dans mes observations, étant donné que les exigences ont augmenté—certaines à la demande du ministère, d'autres à la demande des Premières nations—les membres de la communauté se retrouvent avec davantage d'information ce qui accroît leur désir d'en obtenir encore plus.

Ce que nous commençons à constater dans ces collectivités et qui m'intéresse tout particulièrement, ce sont des façons novatrices de fournir cette information lors des réunions communautaires, façons qui reflètent les traditions communautaires. Au sein d'une Première nation en particulier, nous avons en fait invité des membres de l'extérieur de la communauté à venir répondre aux questions des membres de la communauté, à presque jouer un rôle d'ombudsman.

Une autre chose que nous reconnaissons, c'est que...

M. John Bryden: Excusez-moi, madame la ministre. Le président me dit qu'il va m'interrompre, et j'aimerais poser d'autres questions, si vous me le permettez.

J'aimerais souligner qu'à ma connaissance dans toutes les provinces, la Loi sur la liberté à l'information ou sur l'accès à l'information traite tous les demandeurs sur un pied d'égalité et que le caractère confidentiel ou public d'un document est propre au document. Par conséquent, non seulement un Canadien de n'importe quelle province peut demander un document visé par la loi, mais une personne de l'extérieur du pays, peut venir au Canada et demander un document qui peut être obtenu aux termes de notre Loi sur l'accès à l'information.

Je vous dirai, madame la ministre, que je trouve très alarmant le fait que vous créez deux poids deux mesures pour les communautés autochtones en limitant l'accès aux documents publics aux membres de cette communauté. Effectivement, je crains que vous ne répétiez le même type d'erreur paternaliste condescendante qui était typique des relations fédérales avec les communautés autochtones par le passé. Si vous voulez la transparence et l'ouverture, alors le grand public est le grand public et il ne devrait pas être limité aux membres de la communauté.

Cela dit, il y a une autre chose que je voudrais vous demander. Êtes-vous prête à appliquer les mêmes normes d'accès à l'information qui existent à l'heure actuelle dans la loi fédérale? Allez-vous les appliquer à ces communautés qui ont l'autonomie gouvernementale et avec lesquelles vous traitez? Allez-vous appliquer aux communautés autochtones les mêmes normes qui existent ailleurs dans le pays?

L'hon. Jane Stewart: Il ne fait aucun doute qu'à mesure que se poursuivent les pourparlers entre le gouvernement fédéral et les Premières nations, il est extrêmement important de nous assurer que les méthodes de reddition de comptes, de divulgation de l'information et de recours reflètent bien ce qui se passe dans le reste du pays.

Cela ne veut pas dire nécessairement non plus que ce qui existe dans le reste du pays soit parfait. Il s'agit certainement d'un domaine qui vous intéresse particulièrement, monsieur Bryden, et les énergies que vous y consacrez indiquent que le système n'est peut-être pas tout à fait au point dans le reste du Canada non plus.

Une chose qui me réjouit tout particulièrement, c'est que l'on reconnaît par exemple que l'Assemblée des premières nations a un partenariat avec les comptables généraux certifiés du Canada, soit des professionnels qui offrent le même soutien et professionnalisme aux Canadiens autochtones et non autochtones, reconnaissant ainsi qu'il existe peut-être des façons efficaces de mettre en place des structures de responsabilisation dans un cadre public, qui pourraient être différentes tout en fournissant le même type d'information et de sécurité pour les Premières nations et d'autres.

• 1230

Je ne prétends pas que tout le système de responsabilisation soit en place pour nos Premières nations ou pour les peuples inuits et je ne pense pas non plus qu'un tel système existe pour tous les Canadiens. Je pense qu'en tant que démocratie nous devons nous assurer qu'au fur et à mesure que nous pouvons le faire, nous fournissons l'information dont la population a besoin pour déterminer si ses représentants élus travaillent dans son intérêt.

M. John Bryden: Je voudrais faire un bref commentaire pour résumer le tout. Êtes-vous d'accord que l'on devrait avoir accès à tous les documents?

L'hon. Jane Stewart: Je dois vous dire que pour notre part, nous consultons le commissaire à la vie privée avant de décider quelle information nous devons fournir et à qui. Nous agissons donc selon ses directives et il y a donc de l'information au sujet de certains aspects des comptes des Premières nations que nous fournissons à certaines personnes et pas à d'autres. Nous respectons les conseils du commissaire.

[Français]

Le président: Merci, madame Stewart.

Monsieur Earle.

[Traduction]

M. Gordon Earle: Madame la ministre, vous parlez souvent des partenariats avec les peuples autochtones. Quelle est la position du gouvernement en ce qui a trait au partage des ressources? Je songe particulièrement aux ressources dans le Nord, notamment, les ressources minières et les redevances qui proviennent des opérations minières et du fait qu'il faut s'assurer que les peuples autochtones profitent de ces ressources.

L'hon. Jane Stewart: C'est une question très importante pour toutes les régions du pays. L'accès aux ressources est un élément clé du développement économique. On nous encourage, à l'instar des provinces, à comprendre ce lien.

Nous sommes en train de négocier des accords financiers à l'heure actuelle. Je pense à Bill Austin, qui dirige nos pourparlers par exemple en Saskatchewan et dans d'autres provinces qui veulent comprendre s'il y a une façon plus efficace d'offrir un accès aux ressources aux communautés des Premières nations tant au sud qu'au nord du 60e parallèle.

Par ailleurs, nous constatons qu'étant donné que le secteur privé comprend mieux la situation, on est en train de mettre en place un nouveau modèle de gestion des ressources. Au lieu que ce soient les tierces parties qui communiquent avec les Premières nations après coup, on constate de plus en plus que les deux parties se consultent et rédigent des ententes d'impact-avantages de façon à ce qu'il y ait des possibilités d'emploi, de financement pour la construction et une entente de partenariat pour les recettes tirées d'un site en particulier. Cela est extrêmement encourageant car il s'agit d'une approche beaucoup plus fonctionnelle que celle qui existait par le passé où il y avait toutes sortes d'obstacles et de poursuites judiciaires.

Tout cela pour dire que les Premières nations veulent faire partie de l'économie canadienne. Elles doivent pour cela participer aux décisions dès le départ plutôt que de toujours être entendues à la toute fin.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Earle.

Monsieur Keddy, vous êtes le dernier. Vous allez terminer la séance avec Mme la ministre. Vous avez deux minutes.

[Traduction]

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

Madame Stewart, plusieurs questions se posent. Vous savez que nous en avons tous soulevé un certain nombre et je crois qu'elles étaient toutes importantes. J'aimerais revenir à l'arrêt rendu dans l'affaire Delgamuukw, ce qui a donné lieu à l'abattage sur les terres publiques au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse.

Je crois que le Nouveau-Brunswick, au cours des dernières semaines et des derniers jours, a pris certaines initiatives positives afin d'entamer des négociations et du moins d'amorcer un dialogue. On va peut-être pouvoir trouver une solution à une question qui revêt une importance stratégique pour les Autochtones du Nouveau-Brunswick et pour le secteur privé de cette province, vu la superficie que couvrent les terres publiques en vigueur. Cependant, la situation en Nouvelle-Écosse se présente d'une autre façon. Là, il n'y a pas autant de terres publiques. En Nouvelle-Écosse, 72 p. 100 de la superficie de la province appartient à des propriétaires privés. La seule province au Canada qui compte un plus grand nombre de propriétaires privés c'est l'Île-du-Prince-Édouard.

• 1235

Comme je le disais tantôt, les propriétaires privés sont très préoccupés. Ils ne savent pas encore, et les tribunaux n'ont pas encore tranché, quelles seront les conséquences de cette affaire, quelle en sera l'ampleur, et qui seront inclus. Encore une fois, je vous demande de consulter le public.

Il y a deux questions en jeu. Serait-il possible d'émettre une ordonnance de cesser et de s'abstenir. Prenons place à la table des négociations et commençons à négocier mais en attendant interrompons l'abattage jusqu'à ce qu'on sache quelle est la bonne.

L'autre question à régler au Nouveau-Brunswick concerne la Nation Micmac, qui franchit le 49e parallèle ainsi que la frontière canado-américaine. À vrai dire, il ne s'agit pas vraiment du 49e parallèle. Un certain nombre de membres de la nation micmaque, notamment des citoyens américains, traversent la frontière pour faire de l'abattage au Nouveau-Brunswick, pour ensuite transporter le bois aux États-Unis.

Alors, tout cela complique une question déjà compliquée. Je dirais, plus précisément, qu'il faut empêcher les gens de traverser la frontière. De plus, est-ce qu'il y a un moyen de consulter le public et les Autochtones de la Nouvelle-Écosse? C'est une question qui me tient à coeur, ayant déjà travaillé dans le secteur forestier. Ce n'est pas encore une question brûlante, mais cela s'échauffe.

L'hon. Jane Stewart: C'est une question importante, très vaste. J'aimerais préciser une chose. L'affaire au Nouveau-Brunswick ne se fonde pas sur l'arrêt de Delgamuukw. C'est plutôt l'affaire Peter Paul. Le tribunal a décidé qu'il n'y avait pas assez de preuves pour justifier les droits de coupe. Le tribunal a décidé que la preuve était insuffisante. Cela dit...

M. Gerald Keddy: Cette affaire judiciaire.

L'hon. Jane Stewart: C'est exact. Cela dit, les décisions du gouvernement démontrent qu'il reconnaît qu'il y a sans doute une meilleure façon d'établir de bons rapports avec les Premières nations de cette province. Je crois que les autres provinces vont adopter une attitude similaire.

Peu importe ce qui arrive au tribunal, il faut négocier ces décisions. En l'occurrence, toutes les parties peuvent s'asseoir autour de la table pour voir s'il n'y a pas une meilleure façon de régler certains aspects très importants de nos rapports avec les Premières nations du Nouveau-Brunswick.

Encore une fois, ce qui fait la force de la décision rendue dans l'affaire Delgamuukw, c'est que—et je me répète—on envoie un message aux dirigeants actuels de régler cette affaire en tant que dirigeants en prenant place autour de la table et déterminer comment donner accès aux ressources, comment respecter les droits tels qu'on les comprend dans les traités existants.

Il est essentiel—et je crois qu'il s'agit d'un des messages que vous êtes en train de transmettre—de mieux comprendre les rapports du passé, le sens des traités, des contrats et comment traduire leur importance dans la société d'aujourd'hui. Je vous dis cela parce qu'il s'agissait bel et bien d'ententes entre des parties.

Pour nous les revendications précises découlent d'un compromis issu de ces ententes. La question de l'interprétation de l'accès aux ressources, à notre avis, résulte d'un compromis concernant ces ententes. Ce sont là les questions dont les tribunaux sont saisis.

Rien n'empêche ceux d'entre nous qui avons signé une entente à un moment donné, de repenser à ces arrangements et de nous demander si nous respectons bel et bien l'esprit de ces traités. Là où il n'existe aucun traité, comme c'est le cas en Colombie-Britannique, y a-t-il des choses que nous pouvons faire pour concrétiser les liens, pour nous assurer que les intervenants savent qui a compétence dans chaque domaine et comment nous pouvons créer une relation qui fonctionne peut-être mieux que dans le passé?

• 1240

M. Gerald Keddy: Entendu. Je comprends le contexte des traités et l'historique du contact. Mais l'affaire en Colombie-Britannique aura des répercussions dans toutes les autres provinces, je crois, qu'il existe des traités ou non. Il s'agit d'une affaire qui fera jurisprudence et aura des répercussions énormes. Elle appuie l'affaire Paul au Nouveau-Brunswick. Elle va au-delà de tout ce que nous avons déjà compris. C'est comme un jeu de dominos: si un tombe, les autres tombent aussi.

Nous pouvons traîner ces causes devant les tribunaux jusqu'à la fin du monde, ou nous pouvons essayer de régler les différends et éviter le recours au tribunal.

L'hon. Jane Stewart: Oui. Vous dites que cela a beaucoup d'importance. Si vous voulez dire par là qu'il faut bien comprendre la situation et qu'il faut aller de l'avant et inclure la population canadienne dans les discussions, et si vous voulez dire qu'il faut s'entendre pour trouver un moyen de concilier les droits présumés et les rapports inscrits dans les traités, je suis entièrement d'accord.

Je crois que c'est cela qui fait la force de ce que nous essayons de réaliser avec le document de Rassemblons nos forces: trouver des façons de travailler en partenariat, de collaborer, d'aborder ces questions d'une manière positive et organisée afin que la population n'en ait pas peur et n'ait pas à se demander comment avoir accès aux ressources et comment traiter avec les Premières nations.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Merci beaucoup, madame Stewart.

L'hon. Jane Stewart: Ça m'a fait plaisir.

Le président: Nous allons maintenant siéger à huis clos parce que nous devons discuter de trois autres points. Merci, madame Stewart.

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart: Merci, monsieur.

M. John Bryden: Un rappel au Règlement, monsieur le président.

[Français]

Le président: Oui, monsieur Bryden, allez-y.

[Traduction]

M. John Bryden: Monsieur le président, pourrions-nous demander aux fonctionnaires qui ont comparu devant le comité aujourd'hui s'ils peuvent nous faire parvenir l'opinion du Commissaire à la vie privée qui donne le contexte de la décision voulant que l'accès à certaines informations de nature administrative ou financière concernant les bandes ou les administrations autochtones autonomes devrait se limiter aux membres de la communauté plutôt qu'au public en général?

Je crois bien que cette décision du Commissaire à la vie privée crée un précédent, et j'aimerais bien voir les preuves à l'appui de l'opinion qu'il vous a fournie, afin que je puisse y répondre.

M. Brent Dibartolo: Nous serons heureux de vous faire parvenir cette documentation.

M. John Bryden: Merci beaucoup.

[Français]

Le président: Merci beaucoup.

[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos]