Passer au contenu
;

AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 mai 1998

• 0910

[Français]

Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.)): Bonjour. Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-30, Loi concernant les pouvoirs des Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse en matière d'éducation.

Voici notre ordre de renvoi:

    IL EST ORDONNÉ—Que le projet de loi C-30, Loi concernant les pouvoirs des Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse en matière d'éducation, soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.

Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, l'étude de l'article 1 du projet de loi est reportée. Nous passons donc à l'article 2.

Avant que nous entendions nos premiers témoins, j'aimerais vous lire une lettre que nous avons reçue du premier ministre de la Nouvelle-Écosse, l'honorable Russell MacLellan. La lettre est adressée au président du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.

    Monsieur le Député,

    C'est avec plaisir que j'appuie le projet de loi C-30, Loi sur l'éducation des Mi'kmaq, que votre gouvernement a présenté. La Nouvelle-Écosse est fière de prendre part à cet événement historique, qui voit le transfert de la compétence législative et administrative en matière d'éducation à neuf bandes micmaques de la Nouvelle-Écosse.

    Sauf erreur, cette entente, qui transfère la compétence du gouvernement fédéral en matière d'éducation aux nations micmaques vivant dans les réserves de la Nouvelle-Écosse, est la première du genre au Canada.

    Je souhaite que ce nouvel arrangement soit couronné de succès. Pour sa part, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse va présenter le Mi'kmaq Education Act à la législature provinciale dans les meilleurs délais.

    Veuillez agréer, Monsieur le Député, l'assurance de ma considération distinguée.

C'est signé par l'honorable Russell MacLellan, premier ministre de la Nouvelle-Écosse.

Avec le consentement de tous les députés, je vais déposer cette lettre au procès-verbal.

Nous avons à peu près neuf groupes qui comparaissent aujourd'hui. Nous allons d'abord entendre une déclaration et je donnerai ensuite cinq minutes de parole à chaque groupe. Vers la dernière minute, je vous ferai signe pour vous dire qu'il vous reste à peu près 30 secondes. Nous sommes ici de 9 heures à 12 heures. Nous savons que les députés de tous les partis ont beaucoup de travail aujourd'hui, dont plusieurs réunions. Ensuite nous passerons à une période de questions de 10 minutes et chaque député disposera d'une minute pour poser sa question.

Du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, nous recevons les fonctionnaires suivants: M. John Brown, directeur général de la région de l'Atlantique; M. Joe McNeil, conseiller aux affaires intergouvernementales, région de l'Atlantique; et M. Allan Cracower, conseiller juridique. Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez cinq minutes pour faire vos déclarations.

[Traduction]

Merci beaucoup.

M. John Brown (codirecteur général régional, région de l'Atlantique, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Bonjour, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs.

Vous examinez aujourd'hui le projet de loi C-30, Loi concernant les pouvoirs des Micmacs de la Nouvelle-Écosse en matière d'éducation.

L'objet de la Loi sur l'éducation des Micmacs proposée est de permettre à neuf communautés d'avoir compétence en matière d'éducation, tel que prévu dans la convention finale conclue entre les parties le 14 février 1997. Les négociations avaient commencé dès 1991.

La convention définitive est subdivisée en plusieurs parties. L'une porte sur l'exercice des pouvoirs en matière d'éducation, une autre sur une entente de financement d'une durée de cinq ans. Un plan de mise en oeuvre et une entente tripartite ont été négociés entre les Micmacs, la Nouvelle-Écosse et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Cette convention reconnaît également le principe des constitutions communautaires qui doivent être élaborées conformément à la convention et elle renferme également une résolution type concernant les conseils de bandes et indiquant le processus de ratification.

La Loi sur l'éducation des Micmacs fait entrer la convention en vigueur. Si les membres des deux équipes de négociation ne sont pas restés les mêmes tout au long du processus, la motivation est restée forte et l'entente entre les parties est solide.

L'objectif de ce projet de loi est de réaliser le transfert de la compétence fédérale en matière d'éducation dans les réserves de la Nouvelle-Écosse à neuf communautés des Premières nations, à savoir celles de Eskasoni, Membertou, Chapel Island, Whycocomagh et Wagmatcook—au Cap-Breton—et de Shubenacadie, Annapolis Valley, Acadia et Pictou Landing, de la région continentale de la Nouvelle-Écosse. Ces Premières nations sont signataires de la convention finale de 1997.

• 0915

La signature de la convention a été le couronnement de négociations très poussées entre la province de la Nouvelle-Écosse, le MAINC et les Micmacs de la Nouvelle-Écosse, entamées en 1992. Le processus de négociation était axé principalement sur la consultation et le consentement de la communauté ainsi que sur la consultation de tiers tels que la Nova Scotia Teachers Association et d'éminents experts en matière d'éducation en Nouvelle-Écosse.

Nous sommes heureux de venir témoigner aujourd'hui et nous ferons de notre mieux pour répondre à vos questions sans détour. Merci.

[Français]

Le président: Merci, monsieur.

[Traduction]

Monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Merci. Avant de vous poser une question, je tiens à faire la remarque suivante. Malgré l'importance de ce projet de loi, nous ne disposons que de très peu de temps pour les questions et les exposés, ce qui nous empêche d'avoir des discussions très poussées.

Je voudrais vous poser une question au sujet de la consultation. Avez-vous pris note du nombre de personnes qui se sont présentées? Savez-vous combien de simples membres de la communauté ont exprimé leurs opinions sur ce projet de loi?

M. John Brown: Oui, nous avons pris note de tous les processus et de tous les types de consultations. Une série d'assemblées communautaires ont été tenues dans chaque communauté. Les membres des diverses communautés ont également été mis au courant des consultations par la presse notamment.

M. Derrek Konrad: Je me demande combien de personnes au juste ont participé. Vous avez certainement fait signer un feuillet à l'entrée. Savez-vous exactement combien de personnes ont participé? Le nombre de participants était-il de cinq, dix ou 100 par réunion?

M. Joe McNeil (conseiller aux affaires intergouvernementales, région de l'Atlantique, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Le nombre de participants variait selon la communauté. Dans certaines communautés, le nombre de participants était très élevé tandis qu'il l'était moins dans d'autres. Du fait que nous sommes allés dans les communautés à plusieurs reprises pendant le processus de négociation concernant l'accord-cadre, l'entente de principe et la convention définitive, nous avons eu des contacts avec un grand nombre de membres de ces communautés.

En outre, comme l'a indiqué M. Brown, les Micmacs ont fait du porte-à-porte pour donner des renseignements sur les objectifs de la convention. Nous avons publié régulièrement en commun des renseignements sur nos activités dans le Micmac-Maliseet Nation News et nous avons diffusé de l'information par l'intermédiaire d'autres médias tout au long du processus.

M. Derrek Konrad: Au cours des assemblées que vous avez tenues, a-t-on jamais dit que quelqu'un d'autre que les chefs devrait faire partie du conseil d'administration? Le MAINC a-t-il jamais envisagé sérieusement de faire élire les membres du conseil?

M. John Brown: Nous avons eu de nombreuses discussions sur l'éducation. À l'issue des consultations, le principe qui a été reconnu concerne le transfert de la compétence aux communautés et pas à un conseil d'administration. Si la présente loi constitue une personne morale pour faciliter la fourniture des services éducatifs nécessaires, le conseil d'administration de cette entité n'a aucune compétence propre. Son but est d'aider les communautés. La compétence appartient aux communautés.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Konrad.

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): J'ai ici devant moi l'entente finale concernant l'éducation des bandes de Mi'kmaq de Nouvelle-Écosse et je me suis arrêté à l'article 4.2 de la Convention de l'entente finale qui dit ceci:

    La présente convention n'est pas un traité au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Un petit peu plus loin, on parle des restrictions. On dit à l'article 4.4:

    Pour plus de certitude, aucune disposition des présentes n'empêche les collectivités participantes de conclure

@ti46 4.4.2 des traités, au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, au sujet, notamment, de l'éducation.

• 0920

Dans cette entente, il m'apparaît bien évident que le gouvernement du Canada est prêt à déléguer les pouvoirs de l'éducation, mais ne considère pas cette entente-là comme un traité moderne au sens de l'article 35.

Je voudrais donc savoir, d'une part, pourquoi on ne reconnaît pas le droit inhérent à l'éducation des autochtones, des Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse. Si vous nous répondez en nous disant que ce n'est pas un traité moderne, est-ce que vous considérez l'étape du projet de loi comme une étape préliminaire qui pourrait nous conduire jusqu'à un traité qui reconnaisse le droit inhérent des autochtones à l'éducation?

[Traduction]

M. John Brown: Vous avez raison de signaler qu'il ne s'agit pas du tout d'un traité et que l'objectif n'était pas de conclure un traité. La convention est un document négocié. Les parties avaient décidé à ce moment-là que leur but n'était pas la signature d'un traité mais il est possible qu'elles souhaitent un jour conclure un traité. Par conséquent, cette convention concerne la délégation de la compétence du gouvernement fédéral, ce qui n'exclut pas la possibilité de négocier ultérieurement un traité moderne sur la question.

[Français]

M. Claude Bachand: Vous dites que les parties ont convenu de cela, mais était-ce à la demande d'une des parties ou des trois parties? Comme on peut considérer que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse est partie à l'entente, je voudrais savoir laquelle des parties demandait que ce ne soit pas un traité. Est-ce que les trois parties étaient d'accord pour dire que ce n'était pas un traité ou bien était-ce une demande particulière d'une des trois parties?

[Traduction]

M. John Brown: Le corps de la convention est consacré à l'entente conclue entre le gouvernement du Canada et les Micmacs. La convention comporte toutefois une annexe concernant les préoccupations des parties intéressées de la Nouvelle-Écosse. Par conséquent, les discussions portaient principalement sur l'opportunité de signer un traité entre les Micmacs et le gouvernement du Canada. J'ai l'impression que les Micmacs ne souhaitaient pas de traité pour l'instant.

[Français]

M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Bachand.

Monsieur Earle.

[Traduction]

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci.

Je tiens à signaler d'emblée que j'appuie ce projet de loi. J'estime qu'il constitue un progrès très important pour les Micmacs de la Nouvelle-Écosse. En outre, l'entente tripartite est encourageante étant donné qu'elle indique que les Micmacs, la province et le gouvernement fédéral sont parvenus à conclure un accord bénéficiant de l'appui de neuf des 13 Premières nations de la Nouvelle-Écosse.

Nous savons qu'il est généralement impossible de faire accepter quelque chose de nouveau par absolument toutes les parties mais je voudrais que vous me parliez un peu des quatre Premières nations qui se sont abstenues de signer la convention. Vous ont-elles signalé ce qui les préoccupait à propos de ce projet de loi?

M. John Brown: Oui, elles nous ont donné des indications sur les motifs de leur refus de signer la convention définitive.

Les 13 communautés ont participé aux premières discussions. La communauté micmaque a fait preuve de solidarité tout au long du processus et même aujourd'hui, les chefs qui ont signé la convention font participer les quatre autres communautés aux activités de la personne morale constituée pour promouvoir l'éducation chez les Micmacs.

Les quatre communautés en question n'étaient pas parvenues à obtenir le consensus au moment de la signature de la convention définitive, ce qui signifie qu'au sein de la communauté proprement dite, les chefs et les conseils n'estimaient pas avoir mené la discussion à terme et avoir obtenu le consentement de leurs administrés. Ces communautés ont dit qu'elles respectaient le souhait des neuf autres de signer la convention. Elles ont dit qu'elles se joindraient peut-être à elles plus tard et les ont appuyées dans les efforts qu'elles font pour progresser.

• 0925

M. Joe McNeil: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'ajouterais que nous considérons le fait que quatre des 13 bandes aient décidé de ne pas signer la convention comme une preuve du sérieux d'un processus basé sur un consentement accordé en toute connaissance de cause et de la possibilité qu'ont eue les membres des communautés d'exprimer leur volonté et d'accorder à leur chef le mandat de participer à l'élaboration de ce projet de loi.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Earle.

Monsieur Patry.

[Traduction]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Brown, en quoi cela améliore-t-il l'éducation des enfants par rapport à ce qu'elle était en 1978 puisque c'est là notre mission et notre objectif? En quoi cela va-t-il améliorer l'éducation des enfants micmacs, par rapport à ce qu'elle était?

M. John Brown: Vers 1978, le ministère a instauré une politique intitulée «Contrôle de l'éducation des Indiens par les Indiens» et a commencé pour de bon à transférer le contrôle administratif des écoles et des services administratifs aux bandes. Au cours de cette période, nous avons constaté que les taux de participation avaient considérablement augmenté et que la fierté des communautés pour les résultats obtenus en matière d'éducation s'était considérablement accrue. Par exemple, je crois que vers 1978, une douzaine seulement de Micmacs faisaient des études de niveau post-secondaire en Nouvelle-Écosse alors que cette année, ils sont environ 465, autrement dit, près de 500.

C'est un changement radical. Grâce à cette situation, les modèles abondent pour les enfants et les taux de persévérance scolaire sont maintenant les mêmes que pour l'ensemble des élèves: il y a maintenant entre 110 et 120 élèves de 12e année sur un total de 2 200 élèves.

M. Bernard Patry: Comme l'a déjà signalé mon collègue M. Earle, en 1992, les 13 Premières nations avaient signé l'entente provisoire mais quatre d'entre elles n'ont pas signé la convention définitive. Que doivent-elles faire si elles veulent devenir parties à la convention?

M. John Brown: Le projet de loi et la convention définitive contiennent des dispositions à cet égard. Pour se joindre aux autres, les bandes doivent obtenir le consentement des membres de leur communauté, accordé en toute connaissance de cause. Lorsqu'un chef en conseil estime, après avoir consulté les membres de sa bande, avoir leur consentement, une résolution du conseil de bande, confirmant la démarche qui a été suivie pour obtenir ce consentement et indiquant que la communauté veut maintenant participer, doit être envoyée au ministère. Après ratification, un décret est passé et le nom de cette communauté est ajouté à l'annexe de la loi.

M. Bernard Patry: Combien de temps cela prend-il à partir du moment où la demande est présentée?

M. John Brown: Je crois que la communauté devient partie à la convention définitive à partir du moment où la résolution est ratifiée. Le reste dépend du temps qu'il faut pour prendre le décret.

[Français]

M. Bernard Patry: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Patry.

Nous allons passer au groupe Mi'kmaw Kina'matnewey/Education, représenté par le chef Lindsay Marshall et Mme Marjorie Gould, directrice exécutive.

• 0930

[Traduction]

Le vice-chef Rick Simon est-il là?

[Français]

Il y a un petit changement. Le vice-chef Rick Simon de l'Assemblée des Premières Nations va parler immédiatement. Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration, après quoi nous allons passer à la période des questions.

[Traduction]

Vous avez une déclaration à faire?

Le vice-chef Rick Simon (Assemblée des premières nations): Bonjour. Je m'appelle Rick Simon. Je suis vice-chef régional de l'Assemblée des premières nations pour la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Je préside également le comité de l'éducation de l'Assemblée des premières nations. Depuis quelques années, je participe en outre activement à l'organisation des activités de l'Assemblée des premières nations concernant la Nouvelle-Écosse; je préside les réunions et assiste aux discussions à la suite desquelles les chefs prennent des décisions au sujet du cadre en matière d'éducation dont il est question aujourd'hui.

Je tiens à remercier le président, M. Saint-Julien, et le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord d'avoir donné l'occasion à l'Assemblée des premières nations d'exposer sa position au sujet du projet de loi C-30, la Loi sur l'éducation des Micmacs.

Cette loi assure le transfert de la compétence législative et administrative en matière d'éducation à neuf Premières nations de la Nouvelle-Écosse. Nous apprécions beaucoup les occasions telles que celle-ci de discuter de l'importance que revêt l'éducation avec des fonctionnaires de tous les paliers de gouvernement et avec des représentants du secteur privé. Après tout, l'éducation permet d'ouvrir bien des portes qui étaient fermées depuis trop longtemps aux membres des Premières nations.

J'en profite pour signaler d'emblée que l'Assemblée des premières nations accorde la plus haute importante à l'éducation. Nous avons réitéré notre conviction que l'éducation est un droit inhérent des peuples autochtones, un droit issu des traités. Nos Aînés nous l'ont toujours rappelé et ce droit a été confirmé et reconnu dans la Constitution canadienne.

Notre chef national, Phil Fontaine, est fermement convaincu que l'éducation est un moyen d'accès à l'autodétermination et un instrument de préservation de nos cultures et de notre patrimoine.

Les obstacles et les difficultés auxquels se sont heurtés les jeunes des Premières nations ont engendré un état de fausse dépendance qui est plus ancré dans notre culture que dans toute autre culture représentée au Canada. Il nous incombe et il incombe aux générations futures d'être vigilants et de lutter de pied ferme contre les injustices qui existent dans notre pays. Nous devons redevenir les peuples souverains que nous étions autrefois et qui sont toujours les seuls vrais propriétaires de notre territoire national. Nous devons nous efforcer d'arriver à coexister et à collaborer avec le gouvernement pour pouvoir améliorer nos perspectives d'avenir.

En ma qualité de vice-chef de l'Assemblée des premières nations pour la région de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve, j'estime que le projet de loi C-30 est un texte législatif important parce qu'il est le symbole d'un nouveau partenariat entre les gouvernements et les Premières nations de la Nouvelle-Écosse.

Le 7 janvier 1998, le gouvernement fédéral s'est engagé fermement à renforcer les communautés autochtones en investissant dans leur capital humain. Investir dans l'éducation des jeunes est le meilleur investissement possible. Nous espérons que la Loi sur l'éducation des Micmacs n'est que le point de départ de relations solides d'égal à égal entre les gouvernements et les Premières nations.

• 0935

La restitution de la compétence en matière d'éducation marque une étape importante du rétablissement de l'autorité des gouvernements micmacs. Nous appuyons le projet de loi C-30 parce qu'il transfère, comme il se doit, la compétence en matière d'éducation aux communautés des Premières nations.

Cette convention historique qui leur restitue cette compétence est unique en son genre. Le gouvernement fédéral transférera la compétence en matière d'éducation dans les réserves aux communautés micmaques de la Nouvelle-Écosse et la province de la Nouvelle-Écosse confirmera à son tour la compétence micmaque dans ce domaine en adoptant une loi à cet effet.

Un des aspects importants de cette convention est que les normes en matière d'éducation sont transférables entre la Première nation micmaque et les autres systèmes d'enseignement canadiens. Certaines réserves ont été émises quant à la possibilité que cette convention provoque un clivage entre les Premières nations et le reste du Canada. Ce ne sera pas du tout le cas. Bien des systèmes d'enseignement canadiens sont spécifiques. Je pense notamment à l'enseignement à distance, aux écoles publiques et privées et au fait que bien des parents aient décidé de faire l'éducation de leurs enfants à la maison au lieu de les envoyer à l'école.

Un autre aspect important de cette convention est que, comme elle le précise, elle ne vise pas à restreindre ou à définir le concept du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale ou la mise en oeuvre ultérieure de ce droit.

Nous considérons l'éducation de nos enfants comme un outil fondamental de développement et de consolidation du droit de notre peuple à l'autodétermination. La qualité de l'éducation des Premières nations et la réussite de nos étudiants sont liées à la capacité de notre système d'enseignement de transmettre les valeurs traditionnelles qui reposent sur les principes de la solidarité, de l'ordre, de l'équilibre et du respect du monde spirituel et naturel.

Les tentatives d'assimilation des Premières nations qui ont été faites jadis par le biais du système des pensionnats sont largement confirmées. Nous ne savons que trop bien que ce système a eu pour seul effet de priver notre peuple de sa culture, de son histoire, de sa dignité et de son patrimoine. Les jeunes Autochtones ont été arrachés à leurs familles et à leurs foyers. La plupart d'entre eux n'ont pas eu le privilège de pouvoir se faire conseiller et se faire guider par les Aînés ou par leurs familles et d'obtenir ainsi le soutien dont ils avaient grandement besoin. Ils se sont laissés envahir pour la plupart par un sentiment de solitude et par un complexe d'infériorité.

Les effets catastrophiques de ces politiques horriblement injustes et cruelles se font encore ressentir de nos jours. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur les statistiques peu édifiantes concernant nos communautés: 50 p. 100 des individus n'atteignent pas le niveau de la 12e année d'étude; 27,9 p. 100 des membres des Premières nations n'ont pas atteint le niveau de la 9e année d'étude, par rapport à 13,9 p. 100 pour l'ensemble de la population canadienne; 28 p. 100 des membres des Premières nations vivant dans les réserves et 11 p. 100 des membres des Premières nations hors-réserve âgés de 15 à 49 ans n'ont pas atteint le niveau de la 9e année d'étude, par rapport à 6 p. 100 pour l'ensemble de la population canadienne.

Ce projet de loi est le point de départ d'une évolution importante dans ce domaine. C'est le moment ou jamais. Le transfert de compétence en matière d'éducation permettra aux Micmacs de la Nouvelle-Écosse de préserver leurs coutumes tout en améliorant radicalement leurs perspectives d'avenir.

Le projet de loi C-30 reconnaît en outre comme il se doit la capacité des membres des Premières nations de prendre leur vie en main. Il rend aux Micmacs et aux parents le contrôle du système éducatif. Une convention définitive expose la nature et le champ d'application de la compétence qui est transférée et qui porte notamment sur l'enseignement primaire, élémentaire et secondaire et sur l'aide aux étudiants de niveau postsecondaire.

Le projet de loi C-30 prévoit la constitution de la Mi'kmaw-Kina'matnewey, qui sera chargée d'aider les Premières nations à exercer leur compétence en matière d'éducation. Il énonce les pouvoirs, les obligations, les fonctions et les structures de cette personne morale. Il indique également que les conseils de bandes participants doivent adopter des constitutions pour garantir l'équité et la transparence du processus d'exercice de leurs pouvoirs, obligations et fonctions en matière d'éducation.

L'avenir de nos communautés dépend de notre capacité d'arriver à faire un compromis entre nos traditions et les exigences de la société contemporaine. Il est nécessaire que la diversité des divers peuples soit reconnue et cautionnée pour que leurs origines, leurs antécédents, leur langue, leurs talents et leur condition sociale soient reconnus. Voilà le défi que les dirigeants actuels ont à relever. Nous devons être fiers de ce que nous sommes et devons avoir la certitude de pouvoir faire quelque chose pour nos communautés.

• 0940

Ce projet de loi obligera les Micmacs à rendre davantage de comptes en ce qui concerne leur système éducatif. À l'heure actuelle, les conseils de bandes ne doivent pas rendre de comptes à leurs membres mais font rapport au gouvernement fédéral. Le projet de loi C-30 accroîtra la participation des communautés et améliorera la situation sur la plan de la reddition de comptes.

Il ne faut pas oublier non plus toutes les personnes qui n'ont pas ménagé leurs peines au cours des dernières années pour préparer cette convention. Elles ont travaillé pour leur communauté et nous les félicitons pour leur courage et leur sagesse. Un certain nombre d'entre elles sont d'ailleurs ici aujourd'hui. Je vous prie de ne pas passer leurs efforts sous silence et de leur manifester votre reconnaissance.

Au nom de l'Assemblée des premières nations, de l'exécutif et du chef national, Phil Fontaine, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui.

Le président: Merci, monsieur Simon. Vous avez fait une déclaration intéressante.

M. Konrad a une question à poser.

M. Derrek Konrad: Je vous remercie également pour votre exposé.

Vos commentaires m'ont impressionné. J'espère que l'écart qui existe entre les membres des Premières nations qui vivent en dehors des réserves et ceux qui vivent dans les réserves en matière d'instruction finira par être comblé.

J'ai une question à poser au sujet de la page 2 de votre mémoire. Vous parlez d'autodétermination et de préservation de votre culture et de votre patrimoine. L'autodétermination est une chose, la préservation de la culture et du patrimoine en est une autre. Je présume que vous n'obligerez pas les jeunes à rester dans les réserves pour toute la durée de leurs études. En réalité, ils seront plongés dans d'autres cultures dans les autres régions du Canada où ils se rendront pour recevoir l'instruction nécessaire, puisque les cours ne seront pas tous offerts au même endroit. Pensez-vous que ce projet de loi vous permettra d'atteindre cet objectif?

Le vice-chef Rick Simon: Vous parlez en fait d'une évolution naturelle qui se produit à un stade ultérieur de la vie de l'étudiant. Ce projet de loi facilite la tâche durant les premières étapes de la formation scolaire, lorsque les enfants commencent à s'intéresser réellement à différentes choses. Ce projet de loi donne aux communautés l'occasion d'envisager notamment de mettre davantage l'accent sur l'aspect culturel dans leur programme d'études, sur l'apprentissage de leur langue, pour donner aux élèves une meilleure base à partir de laquelle ils pourront se perfectionner et essayer d'accéder à d'autres niveaux d'éducation.

M. Derrek Konrad: Vos communautés sont disséminées dans toute la province. Envisagez-vous de créer une ou deux écoles ou pouvez-vous nous expliquer comment...? Avez-vous déjà des projets à cet égard? Vous êtes environ 9 000 au total. Je ne sais pas combien d'étudiants cela ferait en réalité mais comment envisagez-vous de gérer tout cela?

Le vice-chef Rick Simon: Certaines communautés estiment pouvoir obtenir de meilleurs résultats grâce à un enseignement dispensé sur place. C'est le cas de la communauté que représente le chef qui se trouve à côté de moi, le chef Marshall, et de celle du chef Maloney, qui est ma communauté, celle de Shubenacadie, où l'on vient de rouvrir une école. J'y suis allé lorsque j'étais enfant. Je considère que c'est une très bonne initiative. On n'essaie pas de réinventer la roue. Cette formule permet à la communauté d'avoir davantage de contrôle sur l'éducation de ses enfants.

• 0945

D'autres communautés ont un caractère urbain ou sont trop petites pour pouvoir envisager une telle formule. Le contrôle financier fournit une occasion qui n'existait pas. Au lieu d'empocher l'argent sans se soucier du taux d'abandon, les conseils scolaires locaux devront se donner la peine de discuter avec les dirigeants de la communauté. Ils devront leur demander comment on pourrait arriver à inciter leurs élèves à rester à l'école et quels cours la communauté concernée voudrait que l'on intègre au programme d'études dans le but de transmettre sa culture et ses traditions.

Cela ne s'était encore jamais passé ainsi. En ce qui concerne la communauté de Pictou Landing, le taux d'abandon scolaire est de 75 à 80 p. 100 après paiement des frais de scolarité. Le conseil scolaire s'en fichait complètement parce qu'il avait reçu l'argent.

Par conséquent, j'estime que le contrôle plus direct qu'auront les communautés sur leur évolution dans le domaine de l'éducation aura beaucoup d'effets positifs.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Konrad.

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Bonjour. Deux éléments de votre présentation m'ont frappé. À la page 2, au deuxième paragraphe, vous dites

[Traduction]

que vous avez maintenu votre position, à savoir que l'éducation est un droit inhérent des Autochtones, un droit issu des traités.

[Français]

Et au bas de la page 3, vous dites:

[Traduction]

    Un autre élément important est que cette convention «ne vise pas à restreindre ou à définir le concept du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale ou la mise en oeuvre ultérieure de ce droit».

[Français]

Je voudrais vous poser la question que je posais plus tôt aux fonctionnaires. L'article 4.2 de l'entente finale stipule que:

      La présente convention n'est pas un traité au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Les fonctionnaires m'ont dit qu'ils pensaient que c'étaient les Mi'kmaq qui ne voulaient pas que la présente convention soit considérée comme un traité. J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi les Mi'kmaq ne veulent pas qu'une entente qui est aussi respectueuse de leurs besoins soit protégée par l'article 35 de la Constitution de 1982, surtout que dans votre présentation, vous disiez que vous mainteniez votre position, à savoir que l'éducation devait être

un traité et un droit autochtone.

[Français]

Alors, pourquoi ne serait-ce pas considéré comme un traité? Pourquoi ne voulez-vous pas que ce soit considéré comme un traité? Quelle est la stratégie mi'kmaq?

[Traduction]

Le vice-chef Rick Simon: C'est une question très intéressante, monsieur Bachand. Je voudrais donner mon opinion au sujet de cette question de traité, du fait que je préside les assemblées depuis quelques années. À un certain moment, les discussions sont tombées sur le sujet et on a dit qu'il faudrait tendre vers un traité moderne concernant l'éducation.

J'ai entendu la dernière partie de la déclaration des hauts fonctionnaires. Vous avez dit que d'après eux, c'est nous qui ne voulons pas d'un traité. Ce n'est pas le cas, si j'ai bonne mémoire.

M. Claude Bachand: Vous ne partagez pas cette opinion?

Le vice-chef Rick Simon: Non. Nous avons bel et bien discuté de la possibilité de conclure un traité moderne sur l'éducation nous assurant une protection aux termes de l'article 35 de la Constitution, mais le gouvernement fédéral ne voulait pas aller aussi loin. En fait, nous avons probablement passé six mois à discuter de l'opportunité de conclure un traité pour qu'on nous dise finalement que ce n'était pas la bonne formule. C'est pourquoi nous avons fini par adopter la formule actuelle, celle d'une entente de cinq ans.

Nous avons eu des discussions concernant la possibilité de conclure un traité à un certain moment mais c'est le gouvernement fédéral qui a voulu y mettre un terme. À ce moment-là, les Premières nations de la Nouvelle-Écosse se posaient deux questions auxquelles la réponse était évidente. Voulons-nous évoluer et essayer d'améliorer le système? Voulons-nous essayer d'avoir un contrôle plus direct sur l'orientation que nous voulons prendre en ce qui concerne l'éducation de nos enfants ou voulons-nous maintenir le statu quo?

• 0950

Je pense souvent à un des chefs qui a signé cette convention et qui a répondu oui au cours d'une de nos séances à huis clos pendant laquelle on faisait le tour de l'assemblée pour demander à chacun s'il voulait signer la convention ou non. La seule possibilité était de répondre oui ou non. Un des chefs a dit oui. Les chefs n'obtenaient pas tout ce qu'ils voulaient mais c'était déjà mieux que ce que l'on avait, cela représentait un certain progrès.

Par conséquent, je considère que c'est dans cette perspective que la plupart des chefs ont examiné la question bien que je sois certain d'être contredit par certains témoins qui prendront la parole après moi. J'en suis certain, parce que deux ou trois des chefs avaient la profonde conviction que les discussions sur la question d'un traité auxquelles le gouvernement fédéral avait mis un terme n'étaient pas vraiment nécessaires. Nous aurions probablement pu opter tôt ou tard pour une formule s'approchant de celle du traité mais il ne faut pas oublier que les discussions ont duré cinq ou six ans et qu'il fallait bien y mettre un terme à un moment donné.

[Français]

Le président: Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Monsieur le président, j'ai une question à vous poser.

Normalement, dans les grandes causes, le jury peut demander d'entendre à nouveau des témoins. Est-il possible qu'à la fin de nos délibérations, nous écoutions à nouveau les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes? On vient de me dire qu'il y a nettement une contradiction entre le témoignage des représentants du ministère et celui que nous livrent aujourd'hui les Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse et les Premières Mations. Le ministère affirmait que ce sont les Mi'kmaq qui ont demandé à ce que ce ne soit pas un traité, tandis que j'apprends maintenant que c'est le contraire. Alors, y aurait-il possibilité de récouter les premiers témoins à la fin de nos discussions?

Le président: J'avais prévu le coup et c'est pourquoi j'avais demandé aux fonctionnaires de ne pas nous quitter. Je suis d'accord avec vous. Qu'est-ce que les membres du comité en disent?

M. Bernard Patry: Je n'y vois aucune objection si le temps nous le permet. On est ici pour comprendre les subtilités du projet de loi.

Le président: C'est une excellente intervention, monsieur Bachand.

Monsieur Earle.

[Traduction]

M. Gordon Earle: Merci encore une fois pour votre exposé, monsieur Simon. Vous avez abordé quelques sujets extrêmement importants. J'ai un commentaire à faire, qui abonde dans le même sens qu'une des observations que vous avez faites, à savoir en ce qui concerne le risque que cette convention provoque un clivage entre les Premières nations et les autres communautés du Canada.

On m'a posé la même question lorsque j'en ai parlé à la Chambre. Je constate que vous employez à peu près les mêmes termes que ceux que j'ai utilisés dans ma réponse, car j'ai dit qu'il existait actuellement de nombreux systèmes d'enseignement différents dans notre pays et que cela ne provoquerait pas nécessairement un clivage.

En fait, j'estime que ce projet de loi confère une plus grande autonomie aux Autochtones de la Nouvelle-Écosse. Il leur confère un statut qui se rapproche davantage de celui des autres Canadiens en leur permettant de prendre leur avenir et leur système éducatif en main. Par conséquent, je suis heureux que vous ayez fait cette observation. Je tenais simplement à le souligner. C'est tout ce que je voulais signaler.

Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Keddy.

[Traduction]

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Merci, monsieur le président.

Je m'excuse d'être arrivé en retard, mais j'ai quelques réserves à faire et quelques questions à poser. J'ai rencontré plusieurs collègues avant cette réunion et nous avons eu une discussion intéressante. J'estime que ce projet de loi est constructif. Il constitue un pas dans la bonne voie.

Regardez-vous déjà l'heure? Je commence seulement à être en forme.

M. Bernard Patry: Au début, vous aviez une question d'une minute à poser.

M. Gerald Keddy: D'une minute, c'est exact.

Le président: Et si vous faites un commentaire, vous ne pourrez pas poser de question.

M. Gerald Keddy: La question concerne le système d'enseignement que l'on est en train d'établir et qui sera administré par les communautés locales. Il n'y a pas bien longtemps, il existait déjà en Nouvelle-Écosse un système d'enseignement administré par les collectivités locales. L'école rurale que j'ai fréquentée était divisée en deux classes: d'un côté, la classe primaire et de l'autre, la classe regroupant les élèves de la sixième à la dixième années. Elle était fréquentée par une cinquantaine d'élèves. Toutes les autres écoles rurales étaient organisées de la même façon.

Toutes ces écoles étaient regroupées en une entité plus importante mais il existait cinq petits conseils scolaires séparés composés de membres nommés par leur communauté.

• 0955

Par conséquent, nous nous sommes engagés dans la direction diamétralement opposée. Le système pivote autour d'un certain nombre de grands conseils scolaires régionaux ne bénéficiant d'aucun appui local direct.

Cette initiative qui rétablit un certain contrôle local me plaît par conséquent beaucoup. Je crois que le projet de loi renferme des dispositions intéressantes mais ses rouages permettront-ils effectivement à la communauté de choisir le programme d'études proprement dit ou l'école sera-t-elle tout simplement placée sous le contrôle du conseil de bande et du chef? Les membres du conseil scolaire ou les commissaires seront-ils élus? C'est une question qui a déjà été posée. Je sais ce que dit le projet de loi, mais je voudrais savoir comment vous l'interprétez.

Le vice-chef Rick Simon: Merci, monsieur Keddy.

À mon avis, chaque communauté devrait instaurer un système analogue à celui des conseils scolaires non autochtones mais c'est à elle qu'il appartiendrait de déterminer quel système lui convient le mieux. Les décisions ne seraient pas prises par les dirigeants politiques. Je crois que ces conseils scolaires seraient très semblables aux autres conseils scolaires de la province mais le programme serait adapté aux besoins, aux désirs et aux exigences de la collectivité concernée. À mon avis, on ne retrouverait pas deux fois exactement le même modèle parmi les neuf communautés. Il s'agirait de modèles différents, adaptés aux besoins de chaque communauté.

Le président: Merci, monsieur Keddy.

Monsieur Finlay.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai trouvé votre exposé très intéressant, chef Simon. Il contient de nombreuses déclarations et réflexions révélatrices. Vous dites que l'éducation est le principal moyen d'ouvrir des portes qui étaient fermées depuis trop longtemps aux membres des Premières nations. J'ai 36 années d'expérience dans l'enseignement et j'estime effectivement que c'est une activité extrêmement enrichissante.

À la page 3 de votre mémoire—un peu après le passage sur lequel portait la question de M. Keddy—vous dites ceci:

    Un des aspects importants de cette convention est que les normes en matière d'éducation sont transférables entre la Première nation micmaque et les autres systèmes d'enseignement canadiens.

Ensuite, au troisième paragraphe de la page 3, vous dites ceci:

    Certaines réserves ont été émises quant à la possibilité que cette convention provoque un clivage [...]

Pourtant, vous affirmez que ce n'est pas le cas.

Je voudrais discuter un peu avec vous de la première observation. Si je me base sur mon expérience personnelle, je ne suis pas sûr que les normes en matière d'éducation soient aussi transférables que nous le souhaiterions. Quand on voulait aller à l'université au Québec, en Ontario ou en Colombie-Britannique après avoir terminé sa 12e année à l'Île-du-Prince-Édouard, on se rendait compte que les normes étaient légèrement différentes. Je sais que la situation s'est légèrement améliorée avec le temps mais je voudrais savoir comment vous envisagez cette uniformisation? Qu'est-ce qui vous porte à croire qu'elle deviendra une réalité?

Le vice-chef Rick Simon: Merci, monsieur Finlay.

J'aurais peut-être mieux fait d'employer le terme «transferable» que «portable». Cela veut dire la même chose en fait.

De longues discussions avec les dirigeants politiques ont eu lieu pour essayer d'en arriver à une conclusion à ce sujet et la plupart des réserves que vous faites sont les mêmes que celles qui ont été faites par les chefs. C'est qu'au cours de tout ce processus, les communautés ont été consultées sans cesse, ce qui a incité leurs membres à se demander à quoi ressemblerait la version définitive du projet de loi et quelle garantie il offrirait aux parents que leurs enfants recevraient une instruction conforme aux normes qui sont appliquées dans tout le pays, en insistant toutefois un peu plus sur les aspects que j'ai déjà mentionnés, à savoir la langue et la culture.

• 1000

D'après ce que je peux comprendre, l'enseignement dispensé par les communautés répondrait à des normes qui permettraient aux enfants d'être à un niveau égal ou supérieur à celui des jeunes de n'importe quelle autre région du Canada. Étant donné que, dans la plupart des cas, les enfants quittant leur communauté pour aller poursuivre leurs études ailleurs auraient beaucoup plus confiance en leurs capacités personnelles que jadis, quand ils étaient forcés de faire abstraction de leur identité pour s'intégrer. Ils seraient conscients du fait qu'il existe parmi eux des jeunes assez intelligents pour faire des études; il suffit tout simplement de leur donner un peu plus l'occasion de s'épanouir.

M. John Finlay: Par conséquent, une certaine coopération entre les systèmes locaux et le système provincial entre autres, sera nécessaire.

Le vice-chef Rick Simon: Oui. Je sais que dans l'une des régions de la Nouvelle-Écosse—et je crois que Soeur Dorothy Moore est ici et qu'elle en parlera—, certaines modifications ont été apportées à l'organisation des conseils scolaires afin de permettre aux Premières nations d'y être représentées. Cela devrait permettre d'aborder ce genre de discussion à un moment ou l'autre.

M. John Finlay: Et la formation des enseignants permettrait notamment d'être davantage au courant du niveau exigé ailleurs et des normes qu'il convient de respecter.

Le vice-chef Rick Simon: Oui, et réciproquement.

M. John Finlay: Oui.

Le président: Merci, monsieur Finlay.

[Français]

Le dernier intervenant sera M. Bryden.

[Traduction]

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Merci, monsieur le président. Je m'excuse d'être arrivé en retard, mais je me suis mis au courant de ce qui s'est passé.

Que se passera-t-il si l'on ne dispose pas d'un nombre suffisant d'enseignants autochtones assez compétents pour donner les cours? Comptez-vous engager des enseignants non autochtones dans les réserves?

Le vice-chef Rick Simon: C'est ce que l'on fait déjà.

M. John Bryden: C'est déjà le cas?

Le vice-chef Rick Simon: Oui. Plusieurs communautés ont déjà des enseignants non autochtones.

Si j'ai bonne mémoire, il y a une dizaine ou une douzaine d'années, on avait beaucoup insisté pour instaurer en Nouvelle-Écosse un programme spécial de formation d'enseignants micmacs, débouchant sur l'octroi d'un baccalauréat en éducation. Je crois que ce programme était offert par le Nova Scotia Teachers College. Un certain nombre d'enseignants micmacs de toutes les régions de la Nouvelle-Écosse ont été formés dans le cadre de ce programme. Je ne sais plus exactement combien. Je crois qu'ils étaient assez nombreux, une trentaine ou une quarantaine.

Mais ce n'est pas toujours suffisant. Au cours des discussions que nous avons eues l'année dernière, j'ai entendu des réflexions absolument identiques, à savoir qu'il était temps d'envisager de prendre une initiative de ce genre pour former davantage d'enseignants autochtones dans le cadre d'un programme axé notamment sur la culture autochtone.

Il y a effectivement des enseignants non autochtones dans plusieurs communautés. Je pense que les deux chefs qui sont à mes côtés aujourd'hui pourront vous en parler parce qu'ils ont quelques enseignants non autochtones dans leurs écoles. En tout cas, plusieurs communautés ont fait la transition et en ont engagé.

Le président: Merci.

Monsieur Bryden, vous pouvez poser une question mais je vous demanderai d'être bref.

M. John Bryden: Non, je tenais seulement à éclaircir ce point.

Par conséquent, je suppose que la qualité de l'enseignement dans les réserves passe avant le désir de choisir des enseignants autochtones, pour autant que le programme culturel soit respecté.

Le vice-chef Rick Simon: Sans aucun doute.

M. John Bryden: C'est tout ce que je voulais dire. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Merci, monsieur Simon.

[Français]

Avant votre départ, je tiens à souligner l'excellent travail non partisan de tous les députés, et j'aimerais tout particulièrement souligner celui des députés Gordon Earle et Gerald Keddy de votre région. On vous souhaite un bon retour.

Un député: Et nous autres?

[Traduction]

Des voix: Oh, oh!

Le président: Plus tard.

Merci beaucoup.

• 1005

[Français]

Nous entendrons maintenant les représentants de Mi'kmaw Kina'matnewey/Education. Le chef Lindsay Marshall en est le président et Marjorie Gould, la directrice exécutive. Ils sont accompagnés du chef Reginald Maloney.

[Traduction]

Bonjour. Vous avez cinq minutes.

[Français]

Je vous invite à nous présenter un résumé de votre mémoire. Avec l'assentiment de tous les députés ici présents, nous considérerons votre mémoire au complet et il sera consigné intégralement au procès-verbal de la séance d'aujourd'hui.

[Traduction]

Merci.

Le chef Lindsay Marshall (président, Mi'kmaw Kina'matnewey/Education):

[Note de la rédaction: Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle]

Bonjour. Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de venir témoigner.

Je vous transmets tous les bons voeux de l'est du pays, des communautés de Mi'kwa'ki et Unama'ki, c'est-à-dire du Cap-Breton et de la Nouvelle-Écosse, mais il y a une distinction à faire. Le Cap-Breton s'appelle Unama'ki et la Nouvelle-Écosse Mi'kwa'ki.

J'ai un mémoire assez long et je vous le lirai si vous m'en laissez le temps. Il est toutefois assez long. Souhaitez-vous l'entendre...?

Le président: Allez-y.

Le chef Lindsay Marshall: Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord.

Je suis ici aujourd'hui pour faire un exposé au nom de neuf bandes micmaques de la Nouvelle-Écosse qui sont parties à une convention concernant l'éducation des Micmacs en Nouvelle-Écosse, que nous avons signée avec le gouvernement fédéral et la province de la Nouvelle-Écosse le 14 février 1997 dans ma localité, c'est-à-dire à Chapel Island.

Je suis également ici pour appuyer l'adoption du projet de loi C-30, Loi concernant les pouvoirs des Micmacs de la Nouvelle-Écosse en matière d'éducation, qui prévoit l'infrastructure législative et administrative nécessaire pour mettre en oeuvre la convention sur l'éducation négociée par les trois parties.

Je suis vraiment fier de venir appuyer ici, au nom d'environ 80 p. 100 de la population micmaque de la Nouvelle-Écosse, l'adoption d'une loi canadienne qui marque un jalon historique important, parce qu'elle est la première loi permettant à notre peuple de légiférer en matière d'éducation.

Le droit de légiférer est un droit important, comme vous pouvez tous l'attester. Notre processus législatif sera transparent, responsable et ouvert. Grâce à cet outil important, les Micmacs seront en mesure de prendre des décisions concernant leur avenir.

La compétence en matière d'éducation est un droit fondamental dont jouissent tous les Canadiens, mais c'est un droit que notre nation micmaque n'a plus exercé depuis l'époque de la colonisation, autrement dit depuis 500 ans.

• 1010

Comme l'a si bien dit mon défunt prédécesseur, le chef Noel Doucette de Chapel Island, «Ce transfert de compétence se produit un siècle trop tard». Il était plus que temps d'accorder au peuple micmac le pouvoir de légiférer en matière d'éducation parce que c'est un pouvoir qui lui revient de droit.

Monsieur le président, je me propose de vous expliquer pourquoi l'adoption du projet de loi C-30 revêt une telle importance pour le peuple micmac, de vous parler de l'expérience que vous avons vécue au cours du processus de consultation et apaiser les craintes qui ont été exprimées par les honorables députés dans le cadre du débat en deuxième lecture de ce projet de loi à la Chambre des communes, le 1er mai 1998.

Depuis 1973, la politique fédérale en matière d'éducation des Indiens est fondée sur les principes du contrôle local et de la responsabilité parentale. En Nouvelle-Écosse, les communautés micmaques exercent les pouvoirs administratifs qui leur ont été délégués en matière d'éducation par le gouvernement fédéral depuis le début des années 80. Au début des années 90, la communauté micmaque et des responsables du secteur de l'éducation représentant toutes les communautés micmaques de la Nouvelle-Écosse ont entamé un processus de consultation dans le but d'améliorer la qualité de l'enseignement et plus particulièrement de trouver des moyens de faire revivre et de rétablir notre langue et notre culture agonisantes par le biais du système scolaire.

Au cours de ces discussions, nos chefs se sont rendu compte que pour atteindre nos objectifs, il était nécessaire d'avoir compétence en matière d'éducation tout en participant de façon plus active et collective à la prise des décisions au sein des conseils scolaires publics. Tout au long du parcours gigantesque que nous avons dû faire pour en arriver au transfert de compétence à nos communautés—l'objet du présent débat—, deux études marquantes que le gouvernement fédéral a fait faire à grand frais ont guidé nos pas. Il s'agit du rapport intitulé Tradition and Education, a Vision of our Future et du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones intitulé Rassembler nos forces. Ces deux études recommandent de considérer l'octroi de pouvoirs accrus aux Autochtones en matière d'éducation comme une priorité absolue.

Depuis des années, toutes sortes de personnes, sauf les principaux concernés, c'est-à-dire les Autochtones, prennent des décisions concernant leur éducation. Ce processus décisionnel a eu des effets catastrophiques sur nos communautés. Il est notamment responsable d'une certaine désintégration culturelle, d'une perte d'identité culturelle et d'une carence sur le plan de l'épanouissement individuel. Ce projet de loi C-30 conférera à nos dirigeants l'autonomie nécessaire pour élaborer et mettre en oeuvre un programme d'études adapté à notre culture, qui remette à l'honneur la langue, les coutumes et les traditions du peuple micmac.

La vision de nos chefs est d'élaborer un système d'enseignement allant puiser ses racines dans nos valeurs et dans notre conception du monde. Celles-ci, qui s'expriment à travers notre langue, ont contribué à la survie du peuple micmac dans des conditions particulièrement hostiles, comme en atteste largement notre histoire de peuple colonisé.

Ce processus est l'aboutissement d'un long voyage, parsemé d'écueils, qui a débuté par la signature de l'accord-cadre en 1992, suivie de l'accord politique en 1994, de l'entente de principe en 1996 et de la convention définitive en 1997. Au cours de ce processus, neuf des communautés participantes ont réussi, en janvier 1998, à s'entendre au sujet de la mise en oeuvre de la convention par le biais du projet de loi C-30. Ces étapes ont été franchies grâce à de multiples consultations qui ont permis de profiter des compétences et des connaissances de brillants experts de chaque communauté, à savoir notamment des techniciens en éducation, des experts financiers et des juristes, autochtones et non autochtones, qui ont prodigué de précieux conseils et fait d'excellentes recommandations aux chefs. La direction de Mi'kmaw Kina'matnewey a joué un rôle de facilitateur au cours de cette période. Les membres des diverses communautés ont eu l'occasion de soulever certains problèmes, d'exprimer leurs préoccupations et de présenter des résolutions.

Le processus de négociation s'est déroulé en conformité des pouvoirs, politiques, règlements et mandats fédéraux existants. Les négociations ont été financées pour la plupart dans le cadre des programmes courants et c'est pourquoi le projet de loi C-30 n'est pas parfait.

• 1015

Certaines questions n'ont pas pu être réglées dans le cadre de cette convention, notamment celle de la compétence en matière d'éducation concernant les membres des communautés qui fréquentent des écoles situées à l'extérieur des réserves, celle des nouvelles écoles qui doivent être construites dans les réserves, celle du mode de financement stable indispensable à l'élaboration du programme d'enseignement de la langue micmaque et celle de l'octroi de crédits à long terme pour financer le processus d'élaboration d'un traité. Bien que ces questions soient jugées importantes par les 13 communautés concernées, les communautés participantes ont préféré aller de l'avant et d'accepter ce projet de loi, convaincues que c'est un pas en avant et un moyen d'arriver à atteindre leurs objectifs à long terme, avec la collaboration du gouvernement fédéral.

Monsieur le président, j'ai lu le compte rendu des discussions qui ont eu lieu à la Chambre des communes, le 1er mai 1998, dans le cadre de l'étude en deuxième lecture du projet de loi C-30 et j'ai constaté que certains députés émettaient des réserves à son sujet, dont je vais précisément vous parler.

Monsieur le président, la devise du Parti réformiste est «un traitement égal pour tous les Canadiens». Certaines personnes craignent que le projet de loi C-30 ne provoque un clivage entre la communauté micmaque et le reste de la société. À mon avis, le projet de loi C-30 mettra tous les Canadiens sur un pied d'égalité, y compris les peuples autochtones du Canada. Pour la première fois depuis la colonisation, les Autochtones auront le droit de légiférer en ce qui concerne l'éducation de leurs enfants, à l'instar des autres couches de la société canadienne. En outre, grâce à l'adoption du projet de loi C-30, nos responsables en matière d'éducation continueront à s'efforcer, avec le concours de la province de la Nouvelle-Écosse, de combler l'écart qui existe entre le programme scolaire des Premières nations et le programme scolaire provincial.

Au cours de la période de mise en oeuvre de cette convention, d'importantes étapes, qui ont contribué à réduire cet écart, ont été franchies: une loi provinciale concernant la création d'un conseil micmac chargé de l'éducation a été adoptée, une représentation a été accordée aux Micmacs et une place de choix a été attribuée à la langue et à la culture micmaques dans les programmes scolaires publics, à l'intention des élèves autochtones et non autochtones.

Au cours de l'étude en deuxième lecture du projet de loi C-30, certaines réserves ont également été faites au sujet du processus de consultation dont ce projet de loi est l'aboutissement.

Monsieur le président, je vous assure que l'on a beaucoup insisté sur l'importance du processus de consultation. En fait, les consultations systématiques entre les communautés des Premières nations, le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les autres citoyens est un des facteurs qui ont contribué le plus à la réussite de cette entreprise. D'importantes ressources ont été mobilisées pour s'assurer que les communautés donnent leur consentement en toute connaissance de cause.

Au cours de la première phase de ce processus, au moins cinq séances d'information ont eu lieu dans chacune des 13 communautés des Premières nations. Au cours de la deuxième phase, plusieurs séances d'information ont eu lieu dans diverses universités du Cap-Breton et de la Nouvelle-Écosse, séances auxquelles ont participé des élèves, des enseignants et des administrateurs autochtones et non autochtones. Toujours au cours de cette deuxième phase, une séance d'information a été organisée pour les représentants des conseils scolaires de toutes les régions de la Nouvelle-Écosse. Au cours de la troisième phase de ce processus, plusieurs séances d'information auxquelles ont participé d'importants groupes d'intérêt canadiens et américains ont été organisées. Ont notamment participé à ces séances des représentants de la University of Alaska, du National Education Council, du Conseil de l'éducation des Premières nations du Québec, du conseil des tribus de l'Alberta assujetties au traité no 37, de la Nation Innu de Davis Inlet et de bien d'autres organismes.

En outre, nos campagnes de relations publiques ont été facilitées par la publication de communiqués, la production de vidéos, des contacts avec les médias et la création d'une page Web, www.Kinu.ns.ca, qui a permis d'établir un lien entre les diverses communautés des Premières nations de la Nouvelle-Écosse. Les innombrables lettres d'encouragement de divers intervenants locaux comme les universités, les dirigeants autochtones, les autorités religieuses, des députés fédéraux, nos députés provinciaux et des députés d'autres assemblées provinciales, témoignent de l'efficacité de notre processus de consultation générale.

Monsieur le président, une autre réserve qui a été émise au cours de l'étude en deuxième lecture du projet de loi C-30 est qu'il concentre des pouvoirs trop étendus entre les mains d'un seul groupe, la Mi'kkmaw Kina'matnewey. Il convient de signaler que la compétence en matière d'éducation su situe à l'échelon de la communauté et pas de l'organisme central qu'est la Mi'kmaw Kina'matnewey. En outre, la convention prévoit que toutes les communautés participantes doivent adopter une constitution en matière d'éducation fondée sur les principes énoncés à l'annexe D. Nos experts sont actuellement en train d'aider ces communautés à préparer leur constitution en matière d'éducation. On pense que ces constitutions auront été adoptées par les communautés participantes d'ici le 15 juin, date à laquelle on espère que le projet de loi C-30 aura force de loi.

• 1020

Sous le régime fédéral actuel, les conseils de bandes sont responsables de leur programme d'éducation et ils doivent rendre des comptes au gouvernement fédéral. Aux termes des dispositions du projet de loi, les conseils de bandes répondront de l'application de leur programme d'enseignement devant les membres de leur communauté. Un rapport annuel comprenant des états financiers vérifiés, devra être remis aux membres de la bande concernée et au gouvernement fédéral.

Monsieur le président, la dernière réserve émise au cours de l'étude en deuxième lecture dont je voudrais parler porte sur l'aptitude des Autochtones à administrer efficacement leur système d'enseignement. Comme nous l'avons déjà dit, les communautés micmaques de la Nouvelle-Écosse administrent depuis 20 ans leurs programmes d'enseignement avec compétence. Des études telles que le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones indiquent que le nombre de diplômés de l'enseignement secondaire et universitaire était plus élevé dans les régions où l'éducation est sous contrôle local.

Enfin, je vous signale que notre compétence en matière d'éducation sauvera involontairement la vie d'un grand nombre d'enfants autochtones. Avec le recul, nous savons désormais que nous aurions opté pour une formule radicalement différente si nous avions su que les pensionnats auraient des conséquences aussi durables et aussi graves pour les représentants des Premiers peuples de notre beau pays.

Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis disposé à répondre à vos questions.

[Français]

Le président: Merci, chef Lindsay Marshall, pour votre leadership et votre travail dans cet important dossier du transfert de l'éducation des Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse.

Nous allons céder la parole à M. Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Merci. Monsieur le président, je me demande si l'on ne pourrait pas prolonger la séance pour récupérer le temps qui a été consacré au présent exposé, en plus des cinq minutes officielles, afin de permettre à tous les témoins de faire leur exposé. Celui-ci a duré 15 minutes au lieu de cinq. Par conséquent, cela risque de priver quelqu'un de la possibilité de faire son exposé.

M. Bernard Patry: Nous verrons en temps et lieu.

[Français]

Le président: Monsieur Konrad, c'est une bonne intervention. Pour moi, il n'y a pas de problème. S'il faut rester ici jusqu'à minuit, je suis prêt à le faire.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Chef Marshall, je suis heureux de vous revoir et de savoir que vous avez lu mon discours.

Le chef Lindsay Marshall: Je vous surveillais.

Des voix: Oh, oh!

M. Derrek Konrad: Je voudrais que vous m'expliquiez rapidement une chose. Vous avez dit que l'on avait tenu au moins cinq séances d'information alors que dans votre mémoire, à la page 9, vous parlez de deux séances. Est-ce deux ou cinq?

Mme Marjorie Gould (directrice générale, Mi'kmaw Kina'matnewey/Education): Deux. La réponse est deux.

Le chef Lindsay Marshall: Deux.

M. Derrek Konrad: Merci.

Je tiens seulement à signaler que nous ne... Nous voulons instaurer une certaine égalité dans notre pays, ce qui devrait réjouir tous les Autochtones.

J'ai une question à poser au sujet de la page 10, où vous signalez que l'on a émis des réserves au sujet de la concentration de pouvoirs trop étendus entre les mains d'un seul groupe. Il s'agirait bien entendu des chefs. Quand vous êtes venu dans mon bureau, vous avez dit qu'ils n'exerçaient aucun pouvoir; vous avez aussi ajouté que c'est parce que personne n'écoute les membres d'un conseil élu qu'il est nécessaire de compter sur les chefs.

Je comprends que l'objectif soit de faciliter l'exécution des programmes et des services éducatifs. Cela veut dire que vous avez beaucoup de questions à vous poser et de décisions à prendre quant à savoir dans quelle voie vous allez vous engager, qui vous allez soutenir, quelles communautés recevront de l'argent et combien, quelles écoles seront établies, quels programmes seront instaurés et quels étudiants recevront de l'aide financière pour poursuivre leurs études à l'extérieur. Cela représente des pouvoirs étendus. Les communautés locales sont, j'en suis convaincu, capables de prendre des décisions.

Par conséquent, je voudrais savoir si vous seriez disposé à appuyer un amendement accordant uniquement à un conseil d'administration élu la responsabilité en ce qui concerne les programmes et services que les communautés sont tenues d'offrir en vertu de la loi? Les chefs ont déjà beaucoup de responsabilités à assumer et cela en fait une de plus qui est, à mon avis, suffisamment importante pour occuper quelqu'un à plein temps.

• 1025

Le chef Lindsay Marshall: Je vous ai dit, quand je suis allé vous trouver dans votre bureau, que les fonctionnaires, provinciaux ou fédéraux, n'écoutaient pas les membres de conseils d'administration qui sont élus. L'exemple que je voudrais vous citer est celui de la police tribale unama'ki.

Lorsque le conseil d'administration de la police tribale unama'ki a été créé, ses membres n'étaient pas des chefs. Le groupe a battu de l'aile et risquait l'échec total. Cet organisme policier, qui est responsable de la police autochtone au Cap-Breton, risquait la débâcle totale parce que les fonctionnaires n'attachaient aucune importance aux préoccupations de membres du conseil, qui n'étaient pas des chefs. Par conséquent, la situation s'est améliorée à partir du moment où les chefs ont été intégrés au conseil d'administration; les relations se sont nettement améliorées et, grâce à ce changement, nous avons maintenant des postes de police sur notre réserve. Nous avons des ressources supplémentaires et la communication s'est nettement améliorée.

La communauté restera toujours l'élément moteur des activités de Mi'kmaw Kina'matnewey/Education. En matière d'éducation, nous nous faisons toujours conseiller par des spécialistes. Nous communiquons ce qu'ils nous ont dit dans le cadre des assemblées de chefs et c'est ainsi que cela devrait fonctionner, d'après moi.

Le vice-président (M. John Finlay (Oxford, Lib.)): Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Vous avez signalé qu'une des raisons pour lesquelles les avis sont différents au sujet du projet de loi C-30 est qu'il donne aux Micmacs l'occasion d'acquérir une identité culturelle et de la préserver.

Puis-je espérer que, si vous prenez le contrôle de l'éducation, vous essaierez également de promouvoir l'identité canadienne et d'inciter les jeunes qui seront sous votre responsabilité à éprouver de la fierté d'être canadiens. Puis-je l'espérer?

Le chef Lindsay Marshall: Certainement. Je suis fier d'avoir été actif dans les Forces armées canadiennes et la plupart d'entre nous éprouvent ce désir.

Vous ne quittez pas le pays et nous ne vous mettons pas encore à la porte...

Des voix: Oh, oh!

Le chef Lindsay Marshall: ...; par conséquent, nous estimons qu'il faut s'entendre. N'êtes-vous pas du même avis?

Des voix: Oh, oh!

Le chef Lindsay Marshall: L'identité canadienne nous été imposée de façon tellement brutale que nous en avons souffert. C'est à nous de tirer le meilleur parti possible de toutes les situations pour améliorer considérablement notre sort.

C'est donc ce que je veux dire. L'identité canadienne est importante mais la langue, la culture, les traditions et les coutumes micmaques le sont aussi. Je suis donc convaincu que nous pouvons trouver un terrain d'entente.

M. John Bryden: Je vais vous situer le contexte de mes observations de façon à ce que vous sachiez où je veux en venir et pourquoi votre réponse a beaucoup d'importance à mes yeux.

J'ai eu souvent l'impression que l'un des facteurs négatifs sur le plan de l'unité nationale est le fait que l'éducation relève de la compétence d'un grand nombre de provinces et de régions. Certaines provinces, notamment le Québec, ont fait passer l'identité provinciale avant l'identité canadienne. Je ne pense pas qu'au Québec on enseigne tout ce qu'il y a à enseigner sur l'identité canadienne.

J'ose espérer que si nous vous confions la responsabilité de notre système d'enseignement, vous ferez l'honneur aux autres Canadiens d'enseigner l'histoire du Canada à vos enfants.

Merci.

Le chef Lindsay Marshall: Ce sera pour nous un grand honneur de vous enseigner également l'histoire micmaque.

M. John Bryden: Parfait.

[Français]

M. Claude Bachand: Premièrement, monsieur le président, j'aimerais féliciter le chef Marshall et Mme Gould pour l'excellent travail qu'ils ont fait. Ils ont été très persévérants. Je sais qu'il a fallu beaucoup de temps pour qu'on puisse en venir à cette entente-là et on est tous très heureux. En tout cas, le Bloc québécois est très heureux qu'on puisse finalement adopter un projet de loi vous permettant de mettre en vigueur votre propre système d'éducation. Je trouve cela extrêmement important.

Cependant, il y a peut-être encore de petits accrochages à l'horizon. Je voudrais savoir où en est la négociation avec les quatre communautés qui ne veulent pas se joindre à vous. Quelles sont les principales raisons qu'elles invoquent pour ne pas se joindre à la présente entente qui est devant nous? Je sais qu'elles pourront se joindre à l'entente à n'importe moment, mais pourquoi ne le font-elles pas maintenant? Quelles sont leurs principales récriminations?

Il y aussi une autre question très importante. Vous avez probablement lu le discours du Bloc québécois. Je voudrais savoir si je serai toujours le bienvenu lorsque je visiterai les communautés mi'kmaq en Nouvelle-Écosse au cours de l'été prochain.

• 1030

[Traduction]

Le chef Lindsay Marshall: Vous serez certainement le bienvenu à Chapel Island. Je serai votre hôte. Appelez-moi d'avance et assurez-vous que je serai là.

Les quatre communautés qui n'ont pas signé poursuivent les discussions et nous continuons de leur fournir le plus de renseignements possible sur les nouveautés en matière de programmes ou sur tout ce qui est susceptible de les intéresser. Nous les aidons le plus possible. Nous continuons à rencontrer leurs représentants et à leur donner des renseignements et elles nous font à leur tour certaines recommandations. Par conséquent, les neuf communautés en question souhaitent vraiment que les quatre autres se joignent à elles mais nous respectons leurs désirs. J'espère qu'elles signeront un jour cette convention.

Les communautés autochtones de la Nouvelle-Écosse ont franchi de nombreuses étapes. En ce qui concerne d'autres organismes, comme le Mi'kmaq Family and Children's Services, la Native Alcohol and Drug Abuse Counselling Association, la Unama'ki Tribal Police ou la Micmac Association of Cultural Studies, les discussions ont commencé avec un chef et certains de ces organismes étaient prêts à participer à un moment donné, et ils l'ont fait. En Nouvelle-Écosse, nous ne démarrons pas toujours tous en même temps mais nous finissons toujours par prendre la même direction. Par conséquent, j'ai très bon espoir que toutes les communautés finiront par participer.

Merci.

Le vice-président (M. John Finlay): Merci.

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Merci.

Je voudrais parler de la déclaration que M. Konrad a faite au sujet du contrôle exercé par les chefs sur les conseils. Je pense que c'est ce qu'il a dit. Monsieur Marshall, je voudrais seulement que vous nous donniez encore une fois votre opinion au sujet de l'avenir de ce processus. Nous avons déjà pour la plupart manifesté notre appui en ce qui concerne ce projet de loi, ou du moins l'intention de l'appuyer, mais un certain nombre de questions me préoccupent à son sujet. Je pense notamment à la possibilité d'adaptation au changement. Lorsque nous adopterons ce projet de loi—car je suppose qu'il sera adopté par le Parlement du Canada—, il fera partie des lois du pays, et il n'est pas toujours aussi facile qu'on ne pourrait le croire de modifier une loi. Cela peut être très difficile.

Par conséquent, j'éprouve certaines réticences à l'égard du fait que ce sont les chefs qui dirigeront le conseil d'administration ad vitam aeternam. Je n'ai rien contre le processus actuel, contre le principe que le conseil d'administration soit composé de chefs pour le moment, mais existe-t-il une possibilité de changement pour l'avenir? La décision appartiendra aux communautés, mais si l'on n'encourage pas le changement ou si l'on ne prévoit pas cette possibilité dans la loi dès à présent, il sera difficile de la modifier plus tard.

Comprenez-vous où je veux en venir, c'est-à-dire à une ouverture future du processus qui permettrait d'élire les membres du conseil? Je pense notamment aux petits conseils locaux de la province qui ont été remplacés à un certain moment par des conseils régionaux de grande envergure. Je trouve que c'est une excellente idée de revenir à la formule des conseils locaux, encore faut-il que la communauté ait le contrôle et que l'on puisse avoir certaines garanties à cet égard.

Le chef Lindsay Marshall: Merci, monsieur Keddy.

J'ai tellement confiance dans le Parlement du Canada que je suis convaincu que si, en ma qualité de président de Mi'kmaw Kina'matnewey, je demandais que l'on apporte certaines modifications à cette convention, les députés feraient le nécessaire. J'ai entièrement confiance dans notre système.

M. Gerald Keddy: Un politicien...

Le vice-président (M. John Finlay): Nous pourrions trouver un moyen d'y arriver, chef Marshall, mais peut-être pas aussi rapidement que vous le souhaiteriez.

M. Gerald Keddy: Pas de votre vivant.

Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Earle.

• 1035

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.

Avant de poser ma question, je voudrais faire quelques commentaires sur la tendance actuelle à confier le contrôle au conseil ou aux chefs. J'ai eu une conversation intéressante avec mon collègue réformiste à ce sujet pendant le voyage que nous avons fait dans le Nord et nous ne sommes pas du même avis.

J'estime que, puisque dans une société non autochtone, on met beaucoup l'accent sur le fait que la responsabilité incombe en fin de compte aux dirigeants politiques, je ne vois pas pourquoi on n'exigerait pas la même chose d'une société autochtone. Si les communautés ont eu l'occasion d'exprimer leurs opinions à ce sujet et qu'elles sont en faveur de cette formule, je ne vois aucun obstacle à ce qu'elles confient cette responsabilité aux chefs qu'elles ont désignés. Je n'ai entendu jusqu'à présent aucun commentaire qui me permette de croire que les désirs des chefs et ceux des communautés sont contradictoires.

Par conséquent, je suis très en faveur de cette formule pour l'instant, tout en reconnaissant, bien entendu, que la situation peut évoluer—c'est la vie—, mais j'estime personnellement qu'il ne faut pas essayer d'imposer nos normes à une communauté qui a choisi librement cette solution.

Ma question concerne la page 7 où vous signalez que certaines questions n'ont pas pu être réglées dans le cadre de cette convention, à savoir celle de la compétence en matière d'éducation en ce qui concerne les membres de la communauté qui font des études à l'extérieur de la réserve, celle des nouveaux établissements scolaires nécessaires dans les réserves, celle du mode de financement stable indispensable à l'élaboration de programmes d'enseignement de la langue micmaque et celle de l'octroi de crédits à long terme pour financer le processus d'élaboration d'un traité.

Prévoyez-vous que les discussions avec les gouvernements se poursuivront pour essayer de régler ces questions lorsque le projet de loi aura été adopté? Poursuivrez-vous vos efforts dans ce sens?

Le chef Lindsay Marshall: Oui. La plupart de nos communautés souhaitent que des écoles soient établies dans les réserves mais ne peuvent pas, faute de moyens financiers. Et parce que nos neuf communautés... Nous sommes par exemple en train de construire une école à Chapel Island. Les travaux seront terminés cette année mais le poste budgétaire qui a été instauré à cet effet sera maintenu pour permettre à une autre communauté de construire à son tour une école. Nous ne recevons pas d'argent supplémentaire mais nous utilisons les ressources dont nous disposons pour aider les communautés désireuses de construire des écoles.

Pour ce qui est de la compétence en ce qui concerne les membres de la communauté qui font des études à l'extérieur de la réserve, nous estimons que notre compétence devrait continuer de s'appliquer à nos enfants, où qu'ils aillent, et nous avons essayé de faire comprendre aux négociateurs qu'il était nécessaire de régler cette question.

On ne cesse de s'en prendre aux chefs ou à leurs pouvoirs, et de faire toutes sortes de critiques à leur égard, mais je vous signale que, conformément à la Loi sur les Indiens, le mandat des chefs ne dure que deux ans. Le financement prévu dans le cadre de cette convention porte sur une période de cinq ans et par conséquent, j'aurai été en fonction ou élu deux fois et demie pendant cette période. Mon mandat est de deux ans. La solution est très simple: si l'on assume bien ses fonctions, on est réélu et dans le cas contraire, on ne l'est pas. Notre mandat n'est pas d'une durée de cinq ans. Le système est différent en Nouvelle-Écosse: notre mandat est de deux ans. On nage ou on coule et on apprend très vite. C'est ainsi que cela fonctionne en Nouvelle-Écosse. Quand viennent les élections, si je ne suis pas rentable pour ma communauté, on se débarrasse de moi.

M. Gordon Earle: Merci. Cela m'éclaire effectivement. Comme je l'ai dit, je suis très en faveur de cette formule. Je crois qu'elle est efficace et je tiens à vous en féliciter. Nous en avons parlé dans mon bureau mais je tiens à vous féliciter pour ce que vous avez fait.

Le chef Lindsay Marshall: Merci.

M. Gordon Earle: C'est de l'excellent travail. Continuez.

Le chef Lindsay Marshall: Merci, monsieur Earle.

Le président: Merci pour tous vos efforts, chef Lindsay Marshall.

Merci beaucoup, Marjorie Gould.

Merci beaucoup, chef Reginald Maloney.

[Français]

J'invite la représentante du ministère de l'Éducation, soeur Dorothy Moore, à prendre la parole.

[Traduction]

Soeur Dorothy Moore, directrice intérimaire, Division des services micmacs. Avez-vous une déclaration à faire?

• 1040

Soeur Dorothy Moore (directrice intérimaire, Division des services micmacs, ministère de l'Éducation et de la Culture de la Nouvelle-Écosse): Oui.

Le président: Bien. Merci beaucoup. Vous pouvez y aller.

Soeur Dorothy Moore: Weli Eksitpu'k, monsieur le président. Bonjour, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis très honorée d'être ici aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-30.

Je suis éducatrice depuis 40 ans et je voudrais vous raconter tout d'abord une histoire. Je sais comment attirer l'attention de mes élèves et par conséquent, j'espère arriver à attirer la vôtre également.

Il y a un certain temps, j'ai lu une légende qui, comme toute légende indienne qui se respecte, pousse à la réflexion. Selon cette légende, un brave a trouvé un jour sur un oeuf d'aigle qui était tombé du nid sans se briser. Incapable de trouver le nid, le brave mit l'oeuf dans le nid d'une poule des prairies où il fut couvé par la maman poule.

L'aiglon jeta pour la première fois, de ses yeux perçants, un regard interrogateur sur le monde. Observant le comportement des poules des prairies, il se mit à caqueter et à gratter le sol, à donner des coups de bec ça et là pour picorer les graines éparses puis à battre des ailes pour s'élever de quelques pieds dans les airs, puis se laisser redescendre. Il adopta le comportement habituel des poules des prairies qui ne volent pas et passa la majeure partie de sa vie ainsi.

Un beau jour, un aigle passa au-dessus de la colonie de poules des prairies. Le jeune aigle, qui était maintenant plus âgé et se considérait toujours comme une poule des prairies, regarda l'oiseau imposant s'élancer vers le ciel, les yeux remplis de crainte et d'admiration. «Qu'est-ce que c'est?», demanda-t-il, le souffle coupé par l'étonnement. Une des vieilles poules des prairies lui répondit ceci: «J'en ai déjà vu un. Il s'agit d'un aigle. C'est le plus fier, le plus fort et le plus noble de tous les oiseaux. N'imagine toutefois pas que tu arriveras un jour à lui ressembler. Tu est comme nous et nous sommes des poules des prairies.»

Ancré dans cette conviction, l'aigle vécut et mourut en pensant qu'il était une poule des prairies.

Chacun de nous est venu au monde avec le droit divin d'être ce que notre Créateur avait voulu pour nous—sur le plan de la race, de la langue, de la culture et du sexe—et avec le droit de jouir de toutes les libertés associées à l'épanouissement personnel sur les plans culturel, linguistique, social, spirituel, traditionnel et éducatif, à l'instar de l'humble aigle de la légende. Cependant, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, il n'a jamais exploité sa capacité de s'élever haut dans les airs.

L'histoire de notre pays ne donne pas beaucoup matière à réjouissance aux Autochtones. Peu importe le regard que nous jetons sur le passé, la douleur subsiste en raison des préjugés dont notre peuple a été victime et des injustices engendrées par la colonisation.

Le cardinal Francis Arinze du Nigeria a dit ceci dans un discours qu'il a prononcé au Dakota du Nord en 1989:

    Les personnes coupées de leurs racines culturelles ressemblent à une plante qui a été déracinée puis jetée sur le sol et qui finit par mourir quand ses racines se sont complètement flétries.

• 1045

À l'occasion de sa visite au Canada, le pape Jean-Paul, s'adressant aux Autochtones, a dit ceci:

    Le premier contact entre vos traditions et le mode de vie européen est un événement qui revêt une telle importance et a provoqué de tels changements qu'il a profondément marqué votre vie jusqu'à ce jour. L'oppression culturelle, les injustices, la destruction de votre vie et de vos sociétés traditionnelles, sont des faits qui doivent être reconnus.

Ce qui doit être reconnu en premier lieu, c'est le fait historique que l'éducation des Micmacs n'a pas débuté à l'époque du débarquement des Européens sur ce continent. Ses origines remontent à plusieurs siècles. C'est l'éducation qui a permis d'assurer la survie des Micmacs pendant plusieurs siècles. Au cours du XXe siècle, les innombrables techniques d'éducation officielle utilisées pour intégrer et assimiler les élèves micmacs ont échoué parce qu'elles n'ont pas tenu compte de la culture, de la langue, de l'histoire ni de la façon de comprendre la vie de notre peuple.

Personnellement, je suis le produit du système indien d'externat et du système de pensionnat, du système scolaire intégré ou public. La plupart de mes expériences n'ont pas été très positives, loin de là, surtout au pensionnat.

Nous savons tous que ces systèmes éducatifs ont été très contestés. Ils ont échoué parce que les élèves autochtones ont souffert d'aliénation, du racisme et souvent de l'attitude pour le moins bornée des enseignants et que, par conséquent, ils ont été moins aptes à réussir.

Je me souviens qu'en ce qui me concerne personnellement, je m'étais fait traitée de stupide, d'âne et qu'on m'avait dit que je n'arriverais jamais à rien de bon.

Le pourcentage d'abandons scolaires chez les Autochtones reste très élevé dans tout le pays. À quoi cela est-il dû, à votre avis? Personne ne peut mieux répondre à cette question que les principaux intéressés.

À l'aube du XXIe siècle, le peuple micmac se rend compte plus que jamais qu'il faut avant tout essayer de donner une bonne instruction à ses enfants. Pour y arriver, il faut que les Micmacs prennent en main leur éducation. Le projet de loi C-30 peut conférer aux Premières nations micmaques le droit à l'autonomie en matière d'éducation. Selon un vieux proverbe, «Ce n'est pas où nous sommes qui compte mais plutôt la direction que nous prenons».

En ma qualité de femme micmaque, je vous signale, qu'en matière d'éducation, nous avons pris conscience du fait que nous voulons cesser d'être dominés comme les humbles poules des prairies. À l'instar de l'aigle, nous voulons nous élever de plus en plus haut vers le ciel. Par contre, pour y arriver, il faut que l'on nous donne l'occasion et la responsabilité de dispenser à nos enfants et aux générations futures, un enseignement de qualité et utile.

Des dispositions législatives comme celle-ci seront pour nous le garant d'une meilleure éducation, d'une meilleure qualité de vie, de l'indépendance économique et surtout un signe que l'on reconnaît que nous sommes effectivement capables de nous gouverner nous-mêmes.

Nous ne voulons pas rester impuissants et dominés. Le projet de loi C-30 permettra aux Micmacs d'exercer leur droit divin d'assumer eux-mêmes la responsabilité de leur éducation.

Pour terminer, je voudrais citer les propos de l'un des premiers promoteurs de cette initiative, le défunt chef Noel Doucette: «La prise de contrôle de notre éducation n'est pas un droit qui nous est accordé. C'est plutôt un droit qui nous est restitué.»

Merci beaucoup.

Le président: Merci pour votre déclaration, Soeur Moore.

Monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad: Merci pour votre exposé. Je n'ai en fait aucune question à poser. Je tiens seulement à signaler que j'approuve l'esprit de ce projet de loi. Je n'ai qu'un petit amendement d'ordre technique à un de ses articles à proposer.

Merci beaucoup.

Soeur Dorothy Moore: Merci.

• 1050

[Français]

Le président: Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: À titre de remarque, j'aimerais dire que les collèges ou residential schools, comme on les appelle, ont effectivement été une marque très noire de l'histoire canadienne. Puis-je vous demander ce que vous pensez de la déclaration de la ministre, qui présentait des excuses et annonçait l'injection de 350 millions de dollars pour un processus de healing treatment, healing circle?

J'ai bien aimé votre présentation et vos allusions à la légende, mais qu'adviendrait-il si on prenait un oeuf de poule et qu'on le mettait dans un nid d'aigle? Je me demandais si cela ne pourrait pas faire quelque chose d'assez spécial.

Le président: Merci, monsieur Bachand.

Madame Moore.

[Traduction]

Soeur Dorothy Moore: Je n'ai jamais au grand jamais pensé à cette possibilité, mais je doute beaucoup qu'il soit possible d'aller mettre un oeuf de poule des prairies dans un nid d'aigle.

En ce qui concerne votre première remarque concernant la décision du ministre d'indemniser les victimes des pensionnats—car je les appelle des victimes parce que c'est ce que sont devenus la plupart d'entre nous, même si certains sont parvenus à s'en sortir—, je suppose que 350 millions de dollars représentent une somme considérable à première vue, mais est-il possible de mettre un prix sur la guérison? À mon avis, non.

Quoi qu'il en soit, j'estime que le fait de prendre un tel engagement à l'égard des survivants du régime de pensionnat est un pas dans la bonne voie, si petit soit-il. En ce qui me concerne, cette somme ne représente pas plus que l'effort de l'aigle qui se contente de voleter à quelques pieds du sol pour se laisser ensuite redescendre.

Le président: Merci.

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Je n'ai pas de questions à poser.

Le président: Monsieur Earle.

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous féliciter pour cet exposé extrêmement intéressant. Vous avez fait de nombreuses observations très importantes, qu'il était nécessaire de faire, à mon avis.

En ce qui me concerne, la phrase qui résume le tout est celle où vous parlez de reconnaissance du fait que les Autochtones sont aptes à se gouverner, parce que c'est ce que beaucoup de Canadiens n'arrivent pas à comprendre, à mon sens. Lorsque ceux-ci se mettent à critiquer les initiatives que l'on prend, c'est parce qu'ils craignent, pour une raison ou une autre, que les Autochtones ne soient pas capables de se gouverner. Je crois qu'il est important que tous ceux et celles qui sont en mesure de le faire transmettent le message suivant: à l'instar de tous les autres peuples, le peuple autochtone est capable de se gouverner; cette autonomie est absolument nécessaire si nous voulons le moindrement unifier notre pays.

Je n'ai pas de questions à poser, mais je tiens à vous remercier pour votre exposé.

M. Bernard Patry: Je n'ai pas de questions à poser.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Merci, soeur Dorothy Moore. Votre témoignage nous donne de la force spirituelle. Nous apprécions le travail que vous faites pour tout votre peuple.

[Traduction]

Soeur Dorothy Moore: Merci.

[Français]

Le président: Merci.

Nous allons maintenant entendre Mme Margaret Forbes, présidente de la Nova Scotia School Boards Association.

• 1055

Bonjour, madame. Nous vous accordons cinq minutes pour faire votre déclaration, laquelle pourrait être un résumé.

[Traduction]

Son exposé sera suivi d'une période de questions de dix minutes.

Mme Margaret Forbes (présidente, Nova Scotia School Boards Association): Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. Bonjour mesdames et messieurs les représentants des Premières nations et des communautés micmaques.

Comme l'a dit le président, je suis présidente de la Nova Scotia School Boards Association qui représente tous les conseils scolaires de la Nouvelle-Écosse. Je viens plus exactement du comté de Lunenburg. Mon député, Gerald Keddy, est présent; je suis heureuse de voir qu'il est ici et qu'il participe à la discussion.

Le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord étudie aujourd'hui le projet de loi C-30, Loi concernant les pouvoirs des Micmacs de la Nouvelle-Écosse en matière d'éducation. Je suis heureuse d'avoir été invitée à participer à cette audience à titre de représentante de la Nova Scotia School Boards Association et de parler en faveur du projet de loi à l'étude. Je crois comprendre que s'il est adopté par la Chambre des communes, ce sera une première pour les Premières nations de l'ensemble du pays.

Je crois que les Micmacs de la Nouvelle-Écosse ont une dévotion très forte à l'égard de leurs enfants. Ils souhaitent que les jeunes reçoivent une bonne instruction, une éducation qui les dote des outils nécessaires pour se réaliser au maximum. En outre, le désir d'apprendre tout au long de sa vie peut aider la communauté micmaque à accéder à l'autonomie et à promouvoir sa langue et sa culture. Le fait de permettre aux Micmacs d'être des participants responsables et actifs du processus éducatif devrait avoir des effets positifs pour tous.

Je tiens à ajouter que, du fait que les membres des conseils scolaires font depuis plusieurs années du lobbying en faveur du maintien de la gestion scolaire à l'échelon local, nous comprenons très bien le voeu et le désir des Micmacs de prendre en main l'éducation de leurs enfants.

Dans notre province, ce n'est en fait que depuis 1991 que les membres des conseils scolaires sont élus. Les Premières nations ont peut-être intérêt à considérer les avantages de cette formule et je suis heureuse de constater que la discussion est tombée sur le sujet ce matin. Si je comprends bien, certaines personnes suggèrent d'apporter un amendement qui permettrait d'opter pour cette formule un jour, sinon tout de suite—un amendement qui permettrait de remplacer les chefs de bande par des personnes élues ou d'élire une partie des membres du conseil. Est-ce exact?

M. Derrek Konrad: C'est exact.

Mme Margaret Forbes: Merci.

Si cet exercice est une première pour les communautés des Premières nations qui sont concernées, il pourra servir de modèle à d'autres communautés des Premières nations du Canada. D'autres Premières nations jetteront un regard attentif sur vous et vous devrez faire preuve de compétence dans l'exercice des fonctions qui vous seront confiées. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a préparé une mesure jumelle qu'il est prêt à présenter à l'assemblée législative provinciale, si je ne me trompe.

Je représente la Nova Scotia School Boards Association, qui est composée de six conseils scolaires anglophones et d'un conseil scolaire francophone de la province. Les membres du conseil d'administration de notre association tiennent à offrir tout leur appui aux Premières nations micmaque et à vous inviter à envisager de vous affilier.

Pour gagner du temps, je ne parlerai pas des objectifs de notre association mais ils sont énoncés dans le mémoire que vous avez probablement tous reçu, notamment les membres du peuple micmac qui seront responsables de l'exercice des pouvoirs en matière d'éducation.

Notre association participe également à de nombreuses initiatives ayant pour but d'économiser de l'argent. Certaines d'entre elles sont énumérées également—achats en gros, politique et recherche en matière d'éducation, avantages sociaux, services juridiques, autoassurance et relations de travail, pour n'en citer que quelques-unes. Nous espérons de cette façon pouvoir économiser de l'argent à investir directement dans l'éducation.

Notre association a d'étroites relations avec le ministère de l'Éducation et de la Culture de la Nouvelle-Écosse. Nos autres partenaires en matière d'éducation sont, bien entendu, la Nova Scotia Teachers Union, la Association of Nova Scotia Educational Administrators et la Nova Scotia Federation of Home and School Associations. J'espère que tous ces organismes pourraient collaborer avec vous également.

Pas plus tard que la semaine dernière, trois Micmacs qui sont membres de conseils scolaires de la province ont participé à un atelier d'orientation spécial sur les rôles et les responsabilités des membres des conseils scolaires. Ils nous ont dit que cet exercice leur était extrêmement utile. Après cet atelier, ils ont participé à la 44e assemblée et conférence annuelle de la Nova Scotia School Boards Association, qui a eu lieu à Sydney, au Cap-Breton.

• 1100

La raison pour laquelle ils ont suivi cet atelier d'orientation à un autre moment que nous autres, c'est que, lorsque nous avons été élus, au cours de l'automne, ces personnes n'avaient pas encore été nommées. Par conséquent, nous avons organisé un atelier spécial à leur intention.

Nous avons tous besoin d'orientation et il en est probablement de même pour vous, la première fois que vous êtes élus.

Nous avons constaté que le perfectionnement professionnel permanent des membres de nos conseils scolaires est d'une importance capitale. Il s'agit dans la plupart des cas de personnes qui sont des chefs de file dans leurs localités et l'investissement que nous faisons dans ce domaine nous rapportera certainement au centuple.

Le réseautage et l'échange de renseignements sont également, bien entendu, d'autres avantages de l'affiliation à notre association.

La Nova Scotia School Boards Association est également membre de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires. Je suis heureuse que Marie Pierce, directrice générale de cet organisme, m'ait accompagnée ici aujourd'hui. Elle a dû s'en aller il y a quelques minutes parce qu'elle avait d'autres engagements.

Nous participons aux activités de notre organisme national et partageons les avantages et les responsabilités que comporte cette affiliation comme le font les conseils scolaires qui sont membres de notre association. Ce projet de loi représente pour vous un important progrès en matière de gérance de l'éducation et je tiens à insister sur l'importance de la collaboration, du partenariat et du soutien. Aussi, je vous invite à vous joindre à nous, qui représentons les conseils scolaires qui se chargent pour l'instant de l'éducation des membres des Premières nations.

Je voudrais poser une question qui a déjà été posée au sujet de la transférabilité de l'éducation d'une communauté ou d'une province à une autre. Nous faisons des efforts incessants, avec le concours de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, pour essayer d'uniformiser l'éducation au Canada. En fait, les diverses régions du pays, et plus particulièrement les provinces de l'Atlantique, sont en train d'essayer d'uniformiser le système dans une certaine mesure. Les provinces de l'Ouest et le centre du Canada font également des efforts dans ce sens.

Nous pensons et espérons que, sous la direction du ministère de l'Éducation, les Micmacs accorderont la priorité au respect des mêmes normes que celles qui sont appliquées dans le système scolaire public.

Merci beaucoup. J'essaierai de répondre à toutes vos questions.

Le président: Merci beaucoup. J'ai apprécié votre exposé.

Monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad: Merci beaucoup. J'ai trouvé vos commentaires intéressants.

Si j'ai bien compris, vous estimez que l'élection des membres du conseil serait une bonne formule pour, comme l'indique le projet de loi, «aider les communautés en ce qui touche les programmes et services qu'elles sont tenues d'offrir en matière d'éducation».

Il s'agit d'une entreprise de taille, je présume?

Mme Margaret Forbes: En effet, j'irais même jusqu'à dire que mes journées de travail sont probablement aussi longues que les vôtres, voire plus longues; vous ne disposez en effet que de 24 heures par jour, comme moi. Ce n'est pas parce que je suis présidente que je suis la seule à travailler beaucoup. Je dirais que les membres consacrent en moyenne 30 heures de travail par semaine à leur conseil scolaire.

Nous estimons effectivement qu'il est beaucoup plus sain d'avoir des conseils scolaires entièrement composés de membres qui sont élus. Par contre, je comprends que les communautés des Premières nations doivent adopter une autre formule dans un premier temps. Avant 1991, un tiers des nominations de membres des conseils scolaires étaient des nominations politiques, un tiers étaient municipales et le dernier tiers des membres étaient élus. Cela ne veut pas dire que ce n'était pas un bon système, mais nous avons dépassé ce stade.

Étant donné que les municipalités paient le gros de la facture de la province dans le domaine de l'éducation, je crois personnellement que ce serait une erreur grossière de la part d'un représentant élu de ne pas avoir l'intelligence et la délicatesse de leur rendre des comptes. En fait, j'estime qu'un des principaux rôles des conseils scolaires devrait être de créer un certain climat dans la communauté en général, et c'est d'ailleurs de plus en plus le cas.

Il serait bon, à mon sens, de faire le même cheminement dans ce cas-ci.

M. Derrek Konrad: J'ai une question à poser au sujet du temps consacré aux études. Nous avons entendu dire ce matin que l'on accorderait une place importante ou du moins une certaine place à la culture. Cela s'ajouterait-il à l'horaire ou pouvez-vous envisager de supprimer certaines matières et de modifier le programme pour faire place à ces activités? Comment comptez-vous vous y prendre?

• 1105

Mme Margaret Forbes: Non, c'est déjà prévu. En fait, les cours micmacs qui ont été organisés sous la direction de Soeur Dorothy Moore et du ministère provincial—qui a fait preuve d'une compétence hors du commun—sont accessibles à tous les élèves. Ils sont en fait actuellement à l'essai. Il y a trois ou quatre cours dans ma région. Ils ont déjà été intégrés au programme d'études pour permettre à vos enfants et aux miens d'en profiter. C'est ce que font d'ailleurs un grand nombre d'entre eux pour le moment.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Konrad.

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Merci, madame Forbes, pour votre présentation.

Effectivement, on soulève souvent le fait que ce qui est enseigné dans le système scolaire mi'kmaq maintenant pourrait être transporté ailleurs. Quand je dis transporté ailleurs, cela veut dire que des parents et enfants mi'kmaq qui font déjà partie du système d'éducation mi'kmaq pourraient être appelés pour une quelconque raison à déménager ailleurs dans la province. Selon vous, comment peut-on concilier le système scolaire mi'kmaq et le vôtre, le système scolaire de la Nouvelle-Écosse? Comment voyez-vous cet arrimage? Proposez-vous des rencontres assez fréquentes entre des représentants du système d'éducation mi'kmaq et du vôtre? Croyez-vous que le système d'éducation mi'kmaq actuel saura promouvoir de façon importante la culture mi'kmaq? Je ne sais pas quelle sorte de curriculum ou de cursus comporte le système d'éducation de la Nouvelle-Écosse à l'intention des Premières nations ou des Mi'kmaq.

Quoi qu'il en soit, on comprend que dès l'adoption du projet de loi, les Mi'kmaq auront leur propre système d'éducation et vous aurez le vôtre. Comment allez-vous faire pour concilier ce que proposez? Prévoyez-vous des rencontres ponctuelles avec des représentants mi'kmaq pour vous assurer justement que le système mi'kmaq et le vôtre soient parfaitement compatibles?

[Traduction]

Mme Margaret Forbes: Si je comprends bien, vous vous demandez comment le programme d'études qui sera appliqué au système micmac pourra être concilié avec le programme d'études en vigueur dans le reste de la province. Ensuite, vous demandez si les élèves pourraient faire la transition d'un régime à l'autre et je suppose que vous parlez en fait de transférabilité d'une province ou d'une région du pays à l'autre.

Le programme d'études comprend déjà des cours que d'autres conseils scolaires publics ont intégrés à leur système. C'est une tendance qui s'accentue de plus en plus et je m'attends à ce que d'autres cours évoluent. De gros changements sont en train de se produire.

Par ailleurs, nous espérons que les normes qui relèveront, je crois, de la compétence de la province de la Nouvelle-Écosse, feront en sorte que la qualité de l'instruction que recevront les enfants sous l'administration micmaque sera comparable à celle des autres enfants de la province.

Je suis la première à reconnaître que les conseils scolaires n'ont pas fait tout ce qu'ils auraient dû faire et tout ce qu'ils auraient pu faire pour les enfants micmacs. Cependant, je m'empresse d'ajouter que cette remarque s'applique également à tous les enfants et que ce n'est pas entièrement de la faute des conseils scolaires.

Vous savez très bien que le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial réduisent parfois les crédits à l'enseignement et que, pour pouvoir être efficace, un système doit être bien financé. Par exemple, les quatre dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour les étudiants néo-écossais. La Nouvelle-Écosse est la province où les crédits à l'enseignement sont les plus bas.

Par conséquent, nous avons dû nous tirer d'affaire avec très peu d'argent. J'espère que d'ici la fin de cette législature, au printemps ou en automne, des changements importants auront été apportés au financement de l'éducation. Il faudrait également qu'un élève de la Nouvelle-Écosse puisse poursuivre ses études en Colombie-Britannique ou au Québec sans que cela pose de problèmes majeurs; il faudrait uniformiser les systèmes.

Le président: Merci.

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

Bonjour, madame Forbes. Cela fait plaisir de vous voir. Je crois que la dernière fois que nous nous sommes parlé, c'était à Bridgewater, sur un terrain de stationnement.

Les observations que vous avez faites au sujet des programmes et des projets d'achats en commun dont vous pourriez faire bénéficier la Commission de l'éducation micmaque sont très intéressantes et je suis heureux que vous l'invitiez à en profiter. Cela nécessiterait, bien entendu, des efforts réciproques et des négociations entre vous et ce conseil.

• 1110

J'essaie de voir si ce serait possible. Vous avez peut-être déjà entamé des discussions à ce sujet et comptez les poursuivre, mais la question du financement sera d'une importance critique, au début du moins. Les Micmacs auront certainement besoin de tous les crédits auxquels ils pourront avoir accès. Je ne suis pas certain que nous puissions leur offrir un accès à des crédits supplémentaires mais vous pouvez leur faire économiser de l'argent sur les achats. Par conséquent, ce serait intéressant.

Mme Margaret Forbes: Oui.

M. Gerald Keddy: Il faudrait toutefois s'assurer en outre que les deux groupes ne restent pas isolés l'un de l'autre. Il y a certainement de la place pour les Micmacs au sein de l'association.

Les manuels utilisés dans les écoles à l'heure actuelle ne sont plus du tout comparables à ceux qui étaient utilisés il y a dix ans, à plus forte raison il y a 20, 25 ou 30 ans. Il faut que les connaissances soient transférables. Il faut non seulement veiller à ce que les normes appliquées dans les écoles micmaques permettent à leurs élèves de poursuivre des études secondaires ou postsecondaires sous oublier toutefois que l'on peut faire davantage dans nos écoles pour apprendre à nos enfants l'histoire et la culture micmaque-mi'kmaw et leur parler de l'héritage que ces peuples ont légué à notre pays. Je voudrais que vous nous disiez ce que l'on fait pour le moment dans ce domaine.

Mme Margaret Forbes: Merci. Comme je l'ai déjà signalé, on donne actuellement des cours micmacs au niveau secondaire. Par conséquent, les élèves ont actuellement la possibilité de les suivre. Il est possible que ces cours ne soient pas accessibles dans absolument toutes les écoles mais ils le sont dans un nombre croissant d'écoles.

Le président: Merci.

Monsieur Earle.

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier également pour votre exposé. C'est rassurant de savoir que la School Boards Association appuie également ce projet de loi. Je crois que je suis aussi emballé par ce projet de loi que les Micmacs parce que, comme je l'ai signalé à la Chambre, mes parents éprouvaient beaucoup de respect pour l'éducation, reconnaissaient son importance et nous encourageaient dans nos études, et qu'ils m'ont transmis ces valeurs. Par conséquent, je souhaite ardemment que ce projet de loi soit adopté le plus vite possible et je ne tiens pas à ce qu'il s'enlise à cause d'un trop grand nombre d'amendements, par exemple.

Je voudrais revenir à la question de la reddition de comptes et de l'élection des membres des conseils scolaires, qui a été abordée par certains de mes collègues. Comme vous l'avez si bien dit, il a fallu un certain temps pour en arriver à ce que tous les membres des conseils scolaires soient élus en Nouvelle-Écosse. Cela n'a pas toujours été le cas et, comme vous le dites si bien, il faut bien quelque chose pour commencer.

Je me demande si votre association n'a absolument aucune objection au sujet de la formule prévue actuellement dans ce projet de loi, sachant qu'à un certain moment, si la communauté et si les peuples autochtones le désirent, ils pourront adopter une autre formule en ce qui concerne la composition du conseil. N'avez-vous aucune objection à faire au sujet de la formule prévue actuellement dans le projet de loi, sachant que la communauté a été consultée et qu'elle tient à appliquer ce système?

Mme Margaret Forbes: Monsieur le président, je dirais que l'important c'est que les Premières nations soient satisfaites de cette formule parce que c'est un point de départ et, comme l'a si bien dit le chef Lindsay Marshall, les chefs doivent être réélus régulièrement; j'espère par conséquent que le processus sera évalué régulièrement et qu'il évoluera.

J'avais commencé à parler de la capacité de créer un certain climat au sein de la communauté, d'encourager les parents à participer, comme l'ont fait les vôtres, monsieur Earle, et comme tous les autres parents. J'ajouterais que, compte tenu du fait que la plupart des parents travaillent tous les deux et étant donné la situation économique actuelle dans les Maritimes—et c'est probablement la même chose partout ailleurs—, il a été de plus en plus difficile de faire participer les parents et de les inciter à s'intéresser de très près à ce qui se passe dans le domaine de l'éducation au Canada.

• 1115

Comme je l'ai signalé tout à l'heure, une des fonctions et des responsabilités les plus importantes des conseils scolaires du Canada est d'essayer d'encourager les parents à participer et de trouver la formule la plus efficace pour y arriver. C'est précisément ce que nous essayons de faire.

[Français]

Le président: Aucun problème, monsieur Keddy.

[Traduction]

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

J'ai une autre question à poser à la suite du commentaire de Gordon, à savoir qu'il ne tient pas à ce que ce projet de loi s'enlise à cause d'un trop grand nombre d'amendements. Étant donné que vous avez suivi l'évolution qui s'est produite en Nouvelle-Écosse et que vous comprenez pourquoi il a fallu tout un temps pour que l'ancien système soit remplacé par des conseils élus, je voudrais connaître votre opinion à ce sujet. Si l'on apporte des amendements à ce projet de loi, c'est uniquement pour permettre l'élection des membres des conseils, si les Micmacs optaient pour cette formule un jour, sachant que les chefs pourraient former le conseil actuellement. Si l'on ne prévoit pas cette éventualité dès à présent, quelles seraient, d'après vous, les difficultés à surmonter pour apporter des modifications à la Loi sur l'éducation et, en l'occurrence, à un projet de loi fédéral? Cela serait-il très difficile, d'après vous?

Mme Margaret Forbes: Je ne pense pas que ce serait difficile du tout, parce que, si je comprends bien, la province a évolué en même temps que le processus et je crois qu'elle est censée être prête à cette éventualité. Il faudrait faire une évaluation au bout d'un certain temps, comme je l'ai déjà signalé. Je serais heureuse de permettre dès maintenant aux Micmacs de décider de quelle façon ils voudraient procéder.

Je ne suis pas étonnée du tout que seulement neuf des communautés aient décidé de participer dans un premier temps, parce que j'estime que le projet de loi permet aux autres de signer la convention plus tard, si elles décident un jour de le faire, ce qui est probable. L'important est de voir comment les choses vont évoluer; il faut que tous les intervenants concentrent leur attention sur la tâche à accomplir et essaient de faire de leur mieux pour l'instant.

Je ne suis pas certaine d'avoir répondu à votre question.

M. Gerald Keddy: Si.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Aucune autre question? Nous vous remercions de votre exposé, madame, et vous souhaitons une bonne journée. Nous avons grandement apprécié vos commentaires.

[Traduction]

Merci beaucoup.

Mme Margaret Forbes: J'ai apporté d'autres documents—des rapports annuels et autres documents semblables—qui seraient probablement plus utiles aux représentants mi'kmaw ici présents. Toutes les autres personnes qui le désirent peuvent également les consulter.

Avant de terminer, je tiens à présenter mes excuses au député du Québec pour avoir oublié d'apporter des brochures touristiques; j'espère que les députés de la Nouvelle-Écosse veilleront à ce que vous les receviez. Il faisait aussi beau en Nouvelle-Écosse qu'ici, quand je suis partie hier soir, et nous espérons avoir le plaisir de vous accueillir sur nos rivages cet été.

Merci.

[Français]

Le président: Merci, madame. Vous êtes de bons voisins du Québec.

[Traduction]

Merci beaucoup.

M. Gerald Keddy: Nous mettrons cela à l'ordre du jour pour la prochaine réunion.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

Le président: Thank you. J'invite Mme Barbara Johnson, professeure adjointe, éducation, diverses cultures et langage mi'kmaq, à témoigner à titre personnel.

[Traduction]

Bonjour. Avez-vous une déclaration à faire?

Mme Barbara Johnson (témoigne à titre personnel): Oui.

Le président: Bien. Vous disposez de cinq à dix minutes.

Mme Barbara Johnson: Ai-je droit à la même faveur que tous les autres témoins et puis-je lire intégralement mon mémoire?

[Français]

Le président: Il n'y a pas de problème, madame.

[Traduction]

Allez-y.

Mme Barbara Johnson: Bien.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de faire des commentaires au sujet du projet de loi C-30.

Je suis ici pour exprimer mes opinions au sujet de ce projet de loi, intitulé «Loi sur l'éducation des Micmacs», qui est sur le point d'être adopté à la Chambre des communes.

• 1120

Cette loi pourrait avoir d'énormes répercussions sur les enfants micmacs pendant des générations. Ce sont les enfants qui seront touchés par cette loi. Il importe qu'une loi qui aura de telles répercussions pour les enfants micmacs soit soigneusement préparée. Aucun projet de loi concernant et touchant les enfants, qu'il soit volumineux ou non, ne devrait être adopté à la légère. Ce projet de loi est une entreprise très sérieuse.

Je parle à plusieurs titres. Premièrement, je suis professeure d'université, même si je ne représente pas cette université aujourd'hui. Deuxièmement, je suis la mère d'enfants qui ont été injustement privés d'aide financière par ma bande, celle de Chapel Island. Troisièmement, je prépare un doctorat à la Dalhousie University. Quatrièmement, je suis étudiante et je connais bien les réalités administratives du programme du MAINC et de Chapel Island en matière d'éducation. Cinquièmement, je suis la porte-parole des Aînés et des membres de la communauté de Chapel Island ainsi que des Aînés et des membres et éducateurs d'autres réserves. Sixièmement, j'essaie de faire une étude sur le cas d'un enfant de Chapel Island. Comme vous pouvez le constater, mes préoccupations sont nombreuses et elles ne sont pas strictement personnelles.

En ce qui concerne le projet de loi proprement dit, je dirais que, pour qu'il soit juste et équitable, il devrait contenir une disposition concernant la reddition de comptes, pas seulement sur le plan financier mais aussi sur le plan des responsabilités. Pour l'instant, tout programme appliqué dans les réserves est sous la responsabilité du chef, du conseil et des employés. C'est du moins ce que ces derniers semblent croire, et ils ne se privent pas d'en profiter. Il est absolument indispensable de les obliger à rendre des comptes aux membres de la bande.

Il convient de définir le terme «école» à l'article 2, voire au paragraphe 6(2). L'article 122 de la Loi sur les Indiens donne depuis plus d'un siècle une définition très vague de ce terme. Elle dit ceci:

    «école» sont assimilés à une école, un externat, une école technique, une école secondaire et un pensionnat;

Il convient également de préciser, au paragraphe 6(2) du projet de loi C-30, ce que l'on entend par «enseignement postsecondaire» et cette définition devrait inclure les écoles techniques et les collègues communautaires.

L'article 5 du projet de loi devrait être modifié et indiquer simplement: «la présente loi s'applique à toutes les communautés micmaques». Aucune communauté n'a encore adopté de constitution. Si l'on ne modifie pas le libellé de cet article, la loi ne s'applique en réalité à aucune communauté.

L'article 9 doit être supprimé car les communautés ne peuvent pas édicter de textes législatifs mais elles peuvent prendre des règlements administratifs. Leurs règlements risquent d'être extrêmement coercitifs. La Loi sur les Indiens existe déjà. En fait, l'une risque d'annuler l'autre en cas de contestation devant les tribunaux.

Le paragraphe 9(5) pose un énorme problème parce qu'il risque de rendre la Loi sur les Indiens et la Loi sur l'éducation des Micmacs inopérantes. Pourquoi la Loi sur les textes réglementaires ne s'applique-t-elle pas? Ce projet de loi deviendra une loi fédérale et ne pensez-vous pas que l'exercice des pouvoirs conférés par le paragraphe 6(2) rendra fort probablement la Loi sur l'éducation des Micmacs et la Loi sur les Indiens inopérantes, que ce soit dans l'immédiat ou plus tard?

Le paragraphe 10(2) confère des pouvoirs trop étendus aux chefs et il doit être supprimé. Les administrateurs ne jouissent pas tous de pouvoirs aussi excessifs à l'heure actuelle, ce qui ne veut pas dire qu'ils n'essaient pas de toutes leurs forces. Si ce paragraphe n'est pas supprimé, aucune suite ne sera donnée aux plaintes éventuelles concernant les activités de Mi'kmaw Kina'matnewey ou le système éducatif de la communauté.

Le paragraphe 12(2) ne contient aucune disposition prévoyant la possibilité de rétablir le système du MAINC. Il faut par conséquent offrir aux diverses communautés micmaques, en plus de la possibilité de retrait de leur adhésion à la convention, celle de revenir au système du MAINC, surtout lorsque la majorité des membres de la bande le désirent et tout particulièrement en cas de malversation. Le décret doit prendre fin le 31 mars de l'exercice financier de façon à ce que les crédits trimestriels ne compromettent pas le retrait d'une communauté.

L'article 13 doit également être supprimé parce qu'il est lié au paragraphe 10(2). J'enseigne à la Saint Francis Xavier University et un assez grand nombre d'étudiants viennent me consulter pour savoir comment ils doivent se comporter à l'égard des administrateurs des services de l'éducation de la bande qui leur refusent l'argent auquel ils ont droit. La plupart d'entre eux m'ont dit qu'ils ne reçoivent pas tout l'argent auquel ils ont droit et que les frais de scolarité ne sont payés qu'à la toute dernière minute.

Je pense notamment au cas de cette mère de deux enfants en bas âge. Elle recevait le strict minimum de 675 $ par mois alors qu'elle avait droit à plus de 1 000 $. Dans une autre réserve, les responsables n'ont versé les frais de scolarité qu'au cours de la dernière semaine d'avril 1997, alors que la remise des diplômes était prévue pour le 4 mai.

Un nombre assez important de jeunes sont également aux prises avec des problèmes personnels et financiers dus au manque de soutien de la part du personnel de leur bande. À cause de cela, ils risquent de ne pas obtenir leur diplôme ou d'être exclus des cours pour des raisons indépendantes de leur volonté. Certains étudiants sont exclus des cours pour cette raison.

• 1125

Étant donné que je suis éducatrice, les répercussions que ce projet de loi risque d'avoir pour les simples membres des communautés micmaques me préoccupent. Le fait que le conseil de bande micmac et son personnel aient les pleins pouvoirs sur le plan financier risque d'engendrer de gros problèmes pour diverses personnes qui sont stigmatisées, opprimées et marginalisées.

On se plaint des irrégularités commises dans les ministères fédéraux mais ce n'est rien par rapport aux caprices des conseils de bandes. Deux de mes enfants ont éprouvé des difficultés après que Chapel Island ait pris en main l'administration de l'éducation. En 1993, alors qu'il faisait des études au Nova Scotia Technical College, un de mes fils n'a même pas été jugé admissible à l'aide financière, alors que ses études étaient déjà entamées. On lui a dit que la bande n'avait pas d'argent. Il a fait appel, mais il n'a même pas été convoqué ni représenté à l'audience.

Au cours de la présente année scolaire, après des démarches qui ont duré des années, on a annoncé à mon autre fils qu'il allait recevoir de l'aide. L'administratrice de Chapel Island est partie en vacances, comme par hasard, au début de septembre et elle ne lui a pas envoyé de lettre, ni à l'établissement où il était censé faire ses études. Elle a envoyé les documents après son retour, c'est-à-dire après le 24 septembre 1997. Il était beaucoup trop tard pour faire les démarches et à plus forte raison pour s'inscrire à des cours qui ont lieu à Calgary, en Alberta. Mon fils n'avait pas de lettre de confirmation d'aide financière ni de lettre attestant qu'il avait droit à de l'aide pour le paiement des frais de scolarité ou à une allocation de subsistance ou de déplacement; par conséquent, il n'a pas pu aller à Calgary et s'inscrire avant l'échéance qui était fixée au 7 septembre 1997.

En outre, le dépôt de 3 000 $ qu'il fallait faire pour réserver sa place n'avait pas été versé en juillet. Le conseiller en éducation avait été averti que la date limite d'inscription était le 7 septembre 1997 et qu'il fallait faire ce dépôt de 3 000 $ pour réserver sa place, et on le lui avait rappelé à plusieurs reprises. Avec mon maigre salaire et grâce à l'aide d'une bande du nord de l'Ontario qui paie ses droits d'inscription au cours de formation de pilote, je suis arrivée à poursuivre mes études et à lui permettre de poursuivre les siennes.

L'établissement où il suit des cours correspond à la définition du terme «école» qui est donnée à l'article 122 de la Loi sur les Indiens. De toute apparence, ces cours ne faisaient pas partie des programmes reconnus par le conseiller de la bande en matière d'éducation. Nous avons fait appel, mais en vain. Pendant l'audience, on m'a dit que le programme auquel il était inscrit n'était pas admissible. Pourtant, deux étudiants d'une autre réserve avaient déjà reçu de l'aide financière pour suivre des cours de pilotage.

À l'assemblée annuelle de la communauté de Chapel Island qui s'est tenue le 28 avril 1998, j'ai signalé à tous les membres présents que si certains d'entre eux désiraient aller suivre des cours dans une école technique, la Loi sur les Indiens contient une disposition qui leur permet de le faire. Devinez qui était parmi le premier groupe de membres de la communauté de Chapel Island à suivre des cours de pilotage? Lindsay Marshall, chef de Chapel Island. Les règles ne sont-elles pas les mêmes pour tous?

Le chef Lindsay Marshall: Excusez-moi. Je m'excuse. Sauf le respect que je vous dois, ça devient vraiment ridicule. Si elle veut traiter de la Mi'kmaw Kina'matnewey et de la loi, je pense que mes finances personnelles et mes cours de pilotage n'ont absolument rien à voir avec cette organisation. Je suis tout simplement consterné et découragé de ce qui se passe. Je m'excuse.

Mme Barbara Johnson: Mais c'est la vérité.

Comme étudiante aux études supérieures, j'ai été mieux servie par le ministère des Affaires indiennes. Je n'ai jamais eu de difficulté à recevoir de l'argent. Les fonds pour les frais de scolarité ou autre n'ont jamais fait problème. Si les choses sont faites de façon professionnelle et expéditive, les délais de l'institution sont respectés et on connaît les exigences.

Mais comme étudiante relevant de Chapel Island, j'ai noté des irrégularités dans la distribution de l'argent pour les étudiants. Je vous parle d'expérience. Mes frais de scolarité ont été payés de façon tout à fait sporadique, irrégulière, et très incompétente. D'autres membres de ma bande ont fait part de nombreuses irrégularités pour leurs cours à eux.

Chapel Island n'est pas une exception. Cette loi va légaliser l'iniquité qu'on retrouve dans toutes les communautés micmaques. Dans la majorité des réserves micmaques de la Nouvelle-Écosse, il n'y a pas de justice sociale au niveau de l'administration de la bande.

En tant que membre de la communauté de Chapel Island, je me fais du souci depuis que la bande a pris en charge l'administration des programmes d'éducation. En tant que femme micmaque, conseillère auprès des familles, professeure et mère, je suis préoccupée par l'absence d'obligation redditionnelle dans le projet de loi pour ma communauté de Chapel Island et pour Mi'kmaw Kina'matnewey. En outre, le projet de loi trouble un bon nombre de mes concitoyens et d'anciens. Des anciens, des membres et des éducateurs d'autres réserves ont exprimé les mêmes craintes.

Depuis que la bande de Chapel Island a pris en charge l'administration de l'éducation, j'ai dû faire appel presque chaque année pour garder ma subvention. J'ai presque été exclue du programme de doctorat de l'Université Dalhousie parce que mes frais de scolarité n'avaient pas été payés. L'administrateur de la bande m'a dit qu'ils avaient des problèmes de liquidités. J'ai ensuite écrit au MAIN avec copie de la lettre que m'avait envoyée l'université pour leur expliquer ma fâcheuse situation. N'eût été de l'intervention du MAIN, j'aurais été exclue du programme de doctorat.

• 1130

Finalement, ils ont annulé complètement ma subvention sans que j'y sois pour quelque chose et j'ai intenté une action en justice. Malgré ce recours, j'ai dû me trouver un emploi l'an dernier pour avoir les moyens de terminer mon doctorat. Je suis encore étudiante—et ce n'est pas grâce à Chapel Island—à Dalhousie, au doctorat, mais je ne reçois aucune aide financière.

Même tous les étudiants n'ont pas la volonté ou la faculté de devenir des universitaires, on met l'accent sur les universités et sur l'interprétation actuelle du personnel de la bande. L'ouverture d'écoles techniques et de collèges communautaires permettra à ceux qui ont du talent pour la technique d'acquérir des connaissances qui ne sont pas enseignées à l'université.

Comme le taux de chômage est extrêmement élevé dans les communautés autochtones, il faut apprendre des métiers pour le faire baisser. Il faut expliquer l'intérêt des écoles techniques car, dans les années passées, ni le ministère des Affaires indiennes ni les conseils de bandes n'ont tenu compte de cet article de la Loi sur les Indiens, au détriment des étudiants.

Les étudiants devraient avoir la liberté de choisir leurs propres écoles et leurs propres programmes, et non pas se les faire imposer par le directeur de l'éducation ou un conseiller. Il est essentiel d'avoir une bonne définition de «école», parce que, trop souvent, on oblige les étudiants à s'inscrire dans des programmes où ils échoueront parce qu'ils ne sont pas suffisamment intéressés ou parce qu'ils n'ont pas la formation de base nécessaire. Ça explique le nombre d'abandons ou d'échecs.

La loi ne prévoit pas de procédure pour le règlement des différends. Pourtant, il en faudrait une. Les membres de la communauté doivent examiner soigneusement la liste de ceux qui reçoivent une aide financière pour leurs études, une formation, etc.

À l'heure actuelle, les directeurs de l'éducation et des comités qui pratiquent le népotisme ont été chargés de décider qui recevra une aide financière. Il y a plusieurs façons de procéder. Avant d'approuver les demandes, il faudrait afficher la liste nominative des recommandations pour que tous les membres de la communauté puissent la regarder. Cela empêchera les abus par ceux qui abandonnent un programme pour se réinscrire plus tard. De plus, ça évitera les gestes frauduleux commis par les directeurs de l'éducation et les conseillers. C'est arrivé à Membertou où la vérification et la résolution du problème ont pris beaucoup de temps. Par la suite, des accusations ont été portées contre le directeur de l'éducation.

Il faudrait ajouter au projet de loi une disposition contre les échecs à répétition. Ce serait une façon de responsabiliser les étudiants et de les amener à s'interroger sur leur attitude pendant leurs études. Si, par la suite, un étudiant prouvait hors de tout doute ses capacités en obtenant un diplôme par ses propres moyens, il y aurait réexamen de l'aide financière. En ce moment, il y en a trop qui utilisent ce moyen pour s'enrichir et non pour s'instruire.

Les directeurs de l'éducation et les conseillers doivent être bien formés, car ils ne connaissent pas les programmes d'étude et de formation. Ils ignorent aussi les exigences et les lignes directrices des institutions d'enseignement. De plus, ils sont incapables d'évaluer le potentiel des étudiants. Ils ne savent pas non plus comment doit se dérouler une procédure d'appel équitable.

Il faut instaurer une procédure d'appel juste et équitable pour empêcher la nomination d'employés de la bande au tribunal d'appel. Ça évitera les conflits d'intérêt. Les frères et soeurs ou les enfants de certains employés de la bande ne semblent jamais avoir de difficulté à recevoir une aide financière même après avoir été mis à la porte de plusieurs universités. Il y a beaucoup de népotisme. Certains prétendus étudiants qui sont parents avec des directeurs de l'éducation ne participent par réellement à des programmes d'éducation mais ils reçoivent de l'argent quand même. Certains sont établis en dehors de la réserve pour faire croire qu'ils étudient et il y a dissimulation au niveau de la bande. Donc, il y a probablement fraude.

Nous, les Micmacs, nous ne sommes pas prêts à prendre en main l'administration des programmes d'éducation en vertu d'une loi comme la Loi sur l'éducation des Micmacs. Malheureusement, cette loi n'empêchera pas les détournements de fonds. Il faut donc prendre les mesures qui s'imposent.

La légalisation ne fera qu'envenimer les choses. Qu'arrivera-t-il quand l'autonomie gouvernementale sera légalisée, étant donné ce qui se passe maintenant? Le chef, le conseil et les employés de la bande ne devraient pas avoir la priorité pour les études et la formation. Ils devraient passer après les autres.

Je m'oppose catégoriquement au projet de loi, non seulement en tant que membre de la bande de Chapel Island et étudiante, mais aussi en tant qu'éducatrice, professeure et mère. Il ne servira que les intérêts de ceux qui sont au pouvoir au niveau de la bande et de l'administration. On ne retrouve pas la notion de responsabilité parentale présentée par l'AFN, mais les pouvoirs locaux sont très présents.

Je demande que les suggestions susmentionnées soient incorporées au projet de loi C-30 afin que la justice et l'équité prévalent pour tous les étudiants. Je vous implore soit de rejeter le projet de loi, soit de l'amender en y ajoutant une obligation redditionnelle visant les membres de la bande et le receveur général du Canada. Ce qui précède doit être inclus dans le projet de loi C-30, la Loi sur l'éducation des Micmacs, afin que ceux qui veulent poursuivre leurs études le fassent sans ingérence politique ni manipulation vengeresse.

• 1135

De plus, pourquoi le projet de loi a-t-il été classé SECRET jusqu'à sa présentation au Parlement? C'est une façon eurocentrique d'agir. Les Micmacs agissent par consensus, pas secrètement. On n'a pas demandé à mon peuple d'approuver le projet de loi.

De plus, la première série de consultations n'a pas été menée comme il faut parce que la majorité des personnes présentes aux séances étaient des employés de la bande. Être absent ne veut pas dire qu'on consent. C'est le contraire; c'est un signe de rejet. Si c'était un bon projet de loi, tous les chefs micmacs auraient donné leur consentement et y auraient apposé leur signature en guise d'approbation. Quatre chefs se sont retirés des consultations et c'est beaucoup puisque ça représente environ le tiers des chefs micmacs de la Nouvelle-Écosse.

Enfin, j'ai eu de l'aide pour préparer cet exposé, mais ces personnes ne veulent pas s'identifier pour le moment. Je vous remercie.

[Français]

Le président: Merci, madame, de votre déclaration. Le système n'est jamais facile. Nous allons passer à la période des questions.

Monsieur Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Merci, monsieur le président.

Merci, madame Johnson. Vous êtes inquiète parce que le projet de loi est adopté avec précipitation sans laisser le temps nécessaire pour présenter des amendements. Certains des députés qui sont ici disent qu'il faut adopter ça rapidement pour que le projet devienne réalité.

Cependant, une fois des dispositions coulées dans le béton législatif, le Parlement ne peut pas toujours présenter à temps des lois relativement mineures; on s'en plaint même au sujet de lois qui sont pourtant d'importance majeure.

Est-ce que vous suggérez au comité d'entreprendre un examen exhaustif du sujet? Est-ce que vous voulez dire que le comité doit prendre tout son temps pour étudier les amendements que vous proposez au lieu de rechercher une sanction royale rapide? Et si vos amendements ne sont pas adoptés, est-ce que vous voulez que le projet de loi soit rejeté?

Mme Barbara Johnson: Oui.

M. Derrek Konrad: Merci.

Qu'avez-vous pensé des consultations menées dans les réserves?

Mme Barbara Johnson: J'ai assisté à la séance de consultation à Dalhousie. Il y avait pas mal de monde—quelques étudiants—et les discussions à la table ronde étaient assez intéressantes. J'ai parlé avec un fonctionnaire du ministère des Affaires indiennes qui était là, M. Joe McNeil—et je crois qu'il est ici—au sujet des problèmes d'aide financière supprimée. À ce moment-là, il m'avait dit—je ne peux pas vous rapporter ses propos textuellement—qu'on pouvait toujours s'en remettre aux Affaires indiennes et porter plainte s'il y avait des difficultés. Quand j'ai voulu le faire, ça n'a marché qu'une fois.

Dans les communautés comme Chapel Island, à la séance de consultation, la salle était remplie d'employés de la bande. Je vais vous en parler parce que j'y étais. Les deux seules personnes de la communauté qui n'étaient pas des employés de la bande, c'étaient mon frère, qui représentait aussi un journal, et moi-même. Alors, quand les gens affirment que les consultations étaient assez réussies, je ne suis pas d'accord. À mon avis, on avait rempli la salle d'employés de la bande.

M. Derrek Konrad: À votre avis, quel est le plus important amendement qu'il faut apporter?

Mme Barbara Johnson: L'amendement le plus important, ce serait d'ajouter une définition d'éducation postsecondaire: «post», ça veut dire après et «secondaire», ça veut dire école secondaire. Les collèges communautaires et les écoles techniques devraient être visés.

L'an dernier, à Chapel Island, il y a eu une grande étude sur les sommes d'argent dépensées à l'extérieur de la réserve. On ne dépense pas beaucoup d'argent dans la réserve, mais on achète beaucoup de services en dehors. Or, si on avait nos propres ouvriers, ce qu'ils appellent des fuites pécuniaires serait probablement... S'il y avait plus de collèges communautaires et d'écoles techniques visés par la définition d'études secondaires, ça aiderait les collèges communautaires et les écoles techniques. On en a besoin.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Madame Johnson, je veux vous féliciter pour votre courage. Je sais que ce n'est pas toujours facile de venir exprimer un point de vue divergent, surtout quand on a l'impression que la majorité va dans un sens contraire. Je sais qu'aller à contresens est assez difficile. Cependant, je dois vous dire que je ne peux pas partager de nombreux points de vue que vous avez exprimés, entre autres lorsque vous disiez:

• 1140

[Traduction]

    Nous, les Micmacs, nous ne sommes pas prêts à prendre en main l'administration des programmes d'éducation en vertu d'une loi comme la Loi sur l'éducation des Micmacs.

[Français]

Je vous avoue que cette affirmation va complètement à l'encontre de ma philosophie. À mon avis, les nations autochtones, y compris les Mi'kmaq, sont capables d'assumer beaucoup de responsabilités. Cela dit, l'exercice que vous avez fait aujourd'hui s'inscrit à l'intérieur d'un processus démocratique, où on doit entendre des gens qui viennent de tous les milieux et qui ont toutes sortes d'opinions. Cependant, je vous trouve très, très critique à l'égard de votre communauté. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que l'on entend des gens dire qu'il y a beaucoup d'exagération du côté des conseils de bande, que le chef fait de la dictature, etc.

Vous avez aussi soulevé le fait que quatre communautés ont préféré ne pas s'engager dans le processus. Je dois vous dire qu'une telle dissidence se produit parfois, où que ce soit au Canada, au sujet de certains projets de loi qu'on a adoptés, qu'il s'agisse de revendications territoriales ou d'autonomie gouvernementale. L'exemple du Yukon me vient en tête. Seulement huit des 14 communautés ont voulu s'engager, mais les six autres pouvaient se joindre au processus par la suite si elles le désiraient. La même chose se produit aujourd'hui avec ce projet de loi que nous étudions. Les quatre communautés qui préfèrent être en retrait actuellement pourront se joindre au processus à n'importe quel moment.

La démocratie a ses exigences. Il faut non seulement dénoncer, mais aussi participer au processus démocratique. Il y en a eu un chez vous. Est-ce que vous avez participé au processus démocratique à Chapel Island? Vous êtes-vous assurée que les gens qui n'étaient pas d'accord se présentent à l'assemblée et manifestent leur opposition?

J'aimerais aussi que vous répondiez à la question suivante. Quand on est insatisfait d'un conseil de bande et d'un chef de bande, la démocratie exige qu'on se présente contre lui. Si vous n'êtes pas satisfaite des travaux du conseil de bande, vous avez entièrement le droit d'organiser un conseil de bande et de vous présenter contre le chef lors de la prochaine élection. Il ne faut pas se contenter de dénoncer; il faut aussi participer au processus démocratique et aller un peu plus loin. Avez-vous l'intention de participer davantage au processus démocratique en vous présentant, par exemple, à la prochaine élection et en disant que le chef et le conseil de bande ne respectent pas la démocratie de votre communauté et que, conséquemment, vous allez vous présenter contre eux? Est-ce que vous avez l'intention de faire cela?

[Traduction]

Mme Barbara Johnson: Pour répondre à la question de savoir si j'ai l'intention de me présenter aux élections, en tant que professeure d'université... J'ai déjà commencé à recruter quelqu'un d'autre pour se présenter contre M. Marshall. Oui, il y a d'autres candidats qui vont effectivement se présenter. C'est le processus démocratique.

Mais malgré ce processus démocratique dont vous parlez dans la société européenne, nous de la société micmaque, nous des Premières nations, nous marchons habituellement au consensus. On recherche toujours le consensus. Quand vous parlez de démocratie, vous pensez à une majorité d'environ 51 p. 100, ce qui n'est pas beaucoup. Je trouve que c'est une forme européenne de démocratie. Ce n'est pas la démocratie micmaque. Chez nous, la démocratie passe par le consensus.

Le président: Merci. Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

Madame Johnson, je vous remercie d'être venue aujourd'hui. Je comprends que vous nous avez livré très honnêtement vos opinions et que vous avez exposé vos réflexions personnelles sur le projet de loi.

Notre travail au comité consiste en partie à... J'ai constaté trop souvent qu'on entendait un seul point de vue; on ne nous présente jamais de points de vue divergents ou différents. Il nous incombe de rechercher des points de vue variés pour pouvoir évaluer de notre mieux les informations qui nous sont présentées.

Je tiens à dire à tous ceux qui sont ici que certaines observations très précises qui ont été livrées ici devraient faire l'objet d'un examen minutieux et de bonnes discussions, maintenant qu'on les a entendues.

En ce qui concerne les autres remarques comme le processus de consultation dont je ne peux pas parler, j'ai appris au cours de ma très brève carrière politique qu'on a beau organiser des assemblées consultatives, on ne peut pas obliger les gens à y assister—et ça concerne tout le monde ici. Ce n'est pas toujours facile, n'est-ce pas?

• 1145

Mme Barbara Johnson: C'est vrai.

M. Gerald Keddy: Parfois, c'est plus difficile de piquer l'intérêt des gens.

Une de vos observations m'a particulièrement intéressé: votre amendement pour inclure l'éducation postsecondaire. Vous voudriez y inclure les collèges communautaires et techniques et je présume que vous entendez par là les collègues communautaires ou techniques où qu'ils se trouvent au Canada.

Mme Barbara Johnson: Oui, là où des programmes sont offerts.

M. Gerald Keddy: Oui, bien entendu.

Le président: Monsieur Earle.

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.

Comme les autres députés l'ont fait avant moi, je vous remercie de comparaître devant le comité pour nous exposer vos vues. Bien entendu, vous êtes assez critique du projet de loi et de la façon de procéder. Vous avez aussi été assez critique de votre communauté. Mais comme vous avez étudié le projet de loi, y avez-vous trouvé quelque chose de positif? Y a-t-il quelque chose dans la loi que vous approuvez?

Mme Barbara Johnson: Je ne suis pas tout à fait opposée à l'esprit du projet de loi ou au principe d'une loi qui nous permettrait de prendre l'éducation en main. Je n'aime tout simplement pas le projet de loi dans sa forme actuelle. Et c'est vrai, je reconnais que nous...

Je suis passée par le système d'éducation. Je suis allée à une école indienne près de chez moi, j'ai été pensionnaire et je suis allée à l'université; c'est donc dire que j'ai été intégrée à la société des Blancs. Le seul moment où j'ai eu des ennuis, c'était au pensionnat où je me disputais avec d'autres Autochtones. Les seules chicanes que j'ai eues au pensionnat, c'était avec d'autres Micmacs, pas avec les francophones ni avec les anglophones, ni même avec les religieuses qui tenaient le pensionnat.

J'ai un vécu différent. Quelqu'un de ma famille m'a dit que j'étais spéciale parce que j'avais trois anniversaires. Je lui ai répondu que je n'y pouvais rien parce que c'était le gouvernement qui avait fait une erreur. J'ai effectivement trois anniversaires.

Le président: Merci.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: Je vous remercie pour votre exposé dont l'essence c'est que vous avez à vous plaindre amèrement de l'administration des chefs et des conseils, etc., mais j'avoue être d'accord avec M. Bachand. En définitive, quand le Parlement confère un pouvoir à un autre groupe, il doit le conférer aux représentants de ce groupe, en présumant qu'ils ont été élus démocratiquement, mais qu'ils aient été choisis par consensus ou autrement, il revient à ce groupe de choisir des gens compétents pour l'administrer.

Le Parlement ne peut pas imposer, ne peut pas contrôler aussi étroitement—pas même les provinces d'ailleurs. Un gouvernement provincial agit de façon tout à fait indépendante et, espérons-nous, avec une diligence raisonnable. On en attend autant des conseils de bandes.

Mais je vous laisse quand même un peu d'espoir. Vous vous plaignez que le paragraphe 10(2) du projet de loi accordera trop de pouvoir aux chefs. C'est le paragraphe qui obligera les chefs à former la personne morale qui appliquera la loi sous le régime de la Loi sur les corporations canadiennes. Cette loi énonce certaines des attributions des administrateurs. Je suis le premier à admettre que la loi actuelle sur les corporations canadiennes aurait besoin d'être révisée—et j'espère qu'elle le sera dans un avenir pas trop lointain afin que les administrateurs soient encore mieux responsabilisés—mais cet article 10 énonce l'obligation redditionnelle des chefs en dehors de leurs fonctions électives et purement représentatives au conseil même.

Cela dit, puis-je poser une question? Je ne suis pas certain d'avoir bien compris votre explication du problème des écoles techniques. D'après mon interprétation du projet de loi, il ne s'appliquera qu'à l'enseignement dispensé dans les écoles élémentaires et secondaires.

Mme Barbara Johnson: Non.

M. John Bryden: Comment ça marche?

Mme Barbara Johnson: Il vise aussi l'éducation postsecondaire; je crois que c'est à l'article 6.

M. John Bryden: Je n'ai pas vu ça.

Mme Barbara Johnson: Le paragraphe 6(2) parle du «niveau postsecondaire».

Une voix: Seulement pour l'aide financière.

Mme Barbara Johnson: Oui.

M. John Brysen: Je vois.

• 1150

Mme Barbara Johnson: C'est seulement pour l'aide financière, et il n'y a pas de définition d'une école postsecondaire.

M. John Brysen: Le postsecondaire devrait comprendre les collèges communautaires. C'est comme ça.

Mme Barbara Johnson: Oui, mais personne n'est autorisé à aller à un collège communautaire. On leur dit que ce n'est pas un cours régulier...

M. John Brysen: Ah, je vois.

Mme Barbara Johnson: ... et que ça ne donne pas de diplôme; c'est pourquoi on refuse toute aide financière. C'est la raison qu'on a donné à mon fils pour lui refuser une aide. Apparemment, ça ne correspond pas à la définition de postsecondaire. Et pour votre gouverne, l'aide financière pour l'éducation postsecondaire n'est fournie en ce moment qu'à la discrétion du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Ce n'est pas prévu dans la Loi sur les Indiens.

M. John Brysen: Donc, ce n'est pas que vous voulez l'établissement d'écoles techniques dans les réserves, qui seraient administrées par...

Mme Barbara Johnson: Non. C'est une question d'accès.

M. John Brysen: Vous voulez être certaine que la définition d'éducation postsecondaire dans la loi comprenne les collèges communautaires et écoles techniques.

Mme Barbara Johnson: Oui.

M. John Bryden: D'accord, merci beaucoup.

Le président: Merci. Merci, madame Johnson.

J'invite maintenant la Confederacy of Mainland Micmacs, représentée par son directeur, M. Don Julien, à s'approcher.

Monsieur, avez-vous un exposé à faire?

M. Don Julien (directeur, Confederacy of Mainland Micmacs):

[Note de la rédaction: Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone]

Je vous remercie de m'avoir autorisé à témoigner. Je suis ici comme représentant de quatre de mes bandes qui n'ont pas signé la convention. Je ne vais pas lire mon mémoire depuis le début. Je vais commencer par les préoccupations expresses.

Les bandes ont plusieurs préoccupations concernant la convention sur l'éducation et le projet de loi. Cependant, toutes se rapportent à un point central. Selon ces bandes, à l'origine, la convention sur l'éducation était un concept d'autonomie gouvernementale véritable. Elles espéraient qu'au bout du compte, l'accord reflète le droit inhérent des Micmacs à une compétence exclusive en matière d'éducation et à la coopération avec le fédéral et la province, comme partenaires à part entière, pour l'exercice de leur compétence.

Les bandes croyaient que cette convention deviendrait éventuellement un traité entre les Micmacs et la Couronne pour définir cette relations de compétence unique. Finalement, le projet de loi C-30 va donner force de loi à une simple délégation du pouvoir et de la responsabilité du fédéral qui seront exercés par les bandes signataires pendant les cinq prochaines années.

On ne protège pas l'avenir à long terme des initiatives éducationnelles des communautés ni le droit à l'autodétermination des Micmacs et l'éducation de nos générations futures. On ne promet aucun régime scolaire au-delà des cinq années d'application de la convention.

Toujours au sujet de ce point central, les bandes ont aussi des inquiétudes au sujet des consultations communautaires qui ont eu lieu avant la signature de la convention. Au départ, le ministère des Affaires indiennes et du Nord a accepté lorsque la bande a dit qu'il faudrait consulter à fond et librement les membres de la bande pour faire approuver la nouvelle convention et toute modification législative découlant de la convention. Il fallait expliquer à la communauté toutes les modifications détaillées, ainsi que la façon dont ces modifications seraient examinées lorsque le but ultime de l'autonomie gouvernementale, dont j'ai parlé plus tôt, serait atteint.

Il est devenu évident que le processus prendrait plus de temps et d'énergie que le ministère ou la Commission de l'éducation étaient disposés à y consacrer. La participation aux réunions de consultation qui ont eu lieu dans nos communautés a été incroyablement faible et les quelques membres qui y ont assisté en sont ressortis avec plus d'appréhension et de questions que de réponses.

• 1155

Au lieu d'étendre les consultations, ce qui aurait demandé plus de temps, le ministère des Affaires indiennes et du Nord a demandé à la Commission de l'éducation de faire signer par les chefs et les conseils des résolutions du conseil de bande déclarant que des consultations réelles et éclairées avaient eu lieu. Selon les quatre bandes, l'adoption d'une telle résolution aurait été illégale puisque c'était faux et qu'elle avait pour unique objet de transférer aux bandes l'obligation fiduciaire de consultation que la Couronne n'avait pas exécutée.

À notre avis, l'obligation de consultation inhérente à toute modification des dispositions de la Loi sur les Indiens concernant l'aide financière, soit les articles 114 à 122, et l'obligation de faire approuver ultérieurement des mesures législatives comme le projet de loi C-30, n'ont pas été remplies. L'adoption du projet de loi violerait l'obligation fiduciaire de la Couronne. L'obligation de tenir des consultations sérieuses et complètes existe encore; c'est la volonté d'y consacrer le temps et l'énergie nécessaires qui a disparu.

La réserve suivante a trait à toutes les questions restées sans réponse qui concernent les conflits de compétence entre la Commission de l'éducation et les régimes provinciaux.

Les chefs de la Nouvelle-Écosse ont soutenu qu'ils se préoccupaient des besoins de tous les membres de leurs réserves, que les membres vivent dans la réserve ou non. Les quatre bandes qui n'ont pas signé confirment cet engagement. À l'origine, la Commission de l'éducation était censée être un forum chargé de répondre aux besoins éducatifs de tous les Micmacs de la Nouvelle-Écosse, quel que soit leur lieu de résidence.

Or, en ce moment, les bandes doivent s'en tenir à n'offrir de nouvelles possibilités d'instruction qu'à certains de leurs membres. Cette contrainte repose exclusivement sur la politique arbitraire du ministère qui n'autorise les nouvelles initiatives qu'à l'intérieur des limites de la réserve. Pour corriger le problème, il faudrait négocier les modalités avec la province. Au lieu d'insister pour que la question soit abordée dans le projet de loi, on l'a mise en veilleuse.

Comment le projet de loi C-30 peut-il être qualifié de loi prudente alors qu'on a délibérément fait abstraction des conflits de compétence? Le revers de cette médaille, c'est l'éducation des résidents de la réserve qui ne sont ni Micmacs ni membres de la bande. Les bandes ont indiqué qu'elles pouvaient répondre aux besoins en éducation de ces personnes, mais elles doivent d'abord s'entendre avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse qui, à notre avis, demeure responsable du financement de leurs études. Cette question a aussi été mise en veilleuse.

Ces questions de compétence ne touchent pas uniquement les quatre bandes que je représente, mais les 13 bandes au complet, si seulement elles veulent l'admettre. À notre avis, ces questions devront être réglées avant que le gouvernement fédéral puisse, avec bonne conscience, adopter le projet de loi C-30.

Mes bandes disent qu'elles auront toujours la possibilité de se soustraire à l'application de la loi si ça ne fait pas leur affaire. Mais qu'est-ce qu'elles auraient à la place? Ce n'est pas particulièrement rassurant de se faire offrir une issue de secours qui débouche sur le néant. Comment se retirer d'une convention qui, de plus en plus, semble être la seule option?

Enfin, nous craignons énormément que les conflits entre plusieurs compétences soient réglés unilatéralement par une loi fédérale. On nous a fait comprendre que, pour régler les problèmes qui sont réputés être en veilleuse, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse était tenu d'édicter une loi correspondante. Où est cette loi? Comment peut-on déterminer si la loi fédérale est acceptable ou non sans avoir vu la loi provinciale correspondante? Est-ce que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a toujours l'intention d'adopter une telle loi?

Aujourd'hui, la Commission de l'éducation a fourni à mes bandes un projet de lettre sur la loi provinciale éventuelle, mais on n'est pas encore capable de déterminer entièrement si le projet de loi C-30 sera suffisant ou s'il va ouvrir des brèches constitutionnelles critiques. Pour cette seule raison, il est dangereusement prématuré d'adopter le projet de loi C-30.

En terminant, je répète les principales objections des Premières nations de Afton, Bear River, Horton et Millbrook au projet de loi C-30. Nous avons un droit inhérent et l'obligation envers nos enfants d'offrir de façon responsable une éducation complète. Nous ne pouvons pas sanctionner une loi qui définit cette obligation tout en sachant que des questions importantes restent délibérément en suspens. Nous ne pouvons pas approuver une loi qui définit cette obligation quand on sait que les consultations populaires qui ont eu lieu sont tout à fait inacceptables.

• 1200

En toute conscience, on ne peut pas adopter une bonne loi sans avoir dissipé des craintes aussi importantes. Nous demandons au comité permanent de se demander si, en recommandant l'adoption du projet de loi C-30, il peut affirmer catégoriquement que le gouvernement fédéral a rempli son obligation fiduciaire envers les Micmacs de la Nouvelle-Écosse.

Je vous remercie de m'avoir écouté. Je suis prêt à répondre aux questions que vous inspire mon exposé.

Le président: Merci, monsieur Julien.

Monsieur Konrad.

M. Derrek Konrad: Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Julien. Quand j'ai demandé aux fonctionnaires du MAIN s'il y avait eu des consultations sérieuses, ils m'ont répondu qu'il y en avait eu. Quand je leur ai demandé des chiffres, ils ont été incapables de m'en fournir.

Avez-vous une idée du nombre de personnes qui sont allées aux réunions de consultation et par rapport au nombre de participants possible? Pouvez-vous me donner un pourcentage, un ordre de grandeur?

M. Don Julien: Je n'ai pas de chiffres moi non plus, mais étant éditeur du Micmac-Maliseet Nations News, je sais que la Commission de l'éducation a fait mettre deux encarts dans notre journal. Certains de ces encarts ont été distribués par messager aux gens à l'extérieur de la réserve, mais très peu de nos concitoyens se sont présentés aux consultations dans la réserve. Je ne sais pas si c'est parce que les gens n'étaient pas intéressés, parce qu'ils s'en moquent ou parce qu'ils s'imaginent que, quoi qu'ils disent, ça ne changera rien à l'affaire, mais un très faible pourcentage des membres se sont présentés.

M. Derrek Konrad: Vous représentez quatre réserves ou du moins vous êtes le porte-parole des quatre réserves dissidentes, si j'ai bien compris.

M. Don Julien: Oui.

M. Derrek Konrad: Quel est le nombre total des membres des quatre réserves? Il y en a 9 306 sur les listes qu'on nous a distribuées.

M. Don Julien: Je dirais probablement moins de 3 000.

M. Derrek Konrad: Donc, le continent...

M. Don Julien: Confederacy of Mainland Micmacs? C'est ça que vous essayez de dire?

M. Derrek Konrad: Eh bien, sur le continent...

M. Don Julien: Il ne devrait pas y avoir de distinctions comme «mainland» ou «Cap-Breton». Je ne suis pas d'accord avec mon ami le chef. Unama'ki n'est qu'un des districts du gouvernement micmac. Micmac regroupe tout notre peuple et Unama'ki n'est qu'un district.

M. Derrek Konrad: Où sont les quatre réserves dont vous êtes le porte-parole?

M. Don Julien: Une dans le comté d'Antigonish, une dans le comté de Colchester, une dans le comté de Digby et la dernière est située entre Kings et Hants.

M. Derrek Konrad: Ça ne me dit absolument rien parce que je suis de la Saskatchewan.

M. Don Julien: Eh bien, disons dans l'est de la Nouvelle-Écosse, presque dans l'île du Cap-Breton, se trouve la bande Afton. Millbrook est au centre de la Nouvelle-Écosse, la bande indienne Horton est plutôt dans la vallée d'Annapolis et Bear River est situé dans la région du comté de Digby qui se trouve dans l'ouest de la Nouvelle-Écosse.

M. Derrek Konrad: Elles sont donc aux quatre coins de la province.

M. Don Julien: Oui.

M. Derrek Konrad: D'accord.

Donc, vous croyez qu'il serait préférable de ne rien faire tant que nombre de ces problèmes n'auront pas été réglés.

M. Don Julien: Sérieusement, je crois que les problèmes doivent être réglés avant que le projet de loi C-30 soit adopté. C'est ce que mes chefs me disent. L'un de mes chefs était censé comparaître devant le comité, mais il s'est dit qu'il ne représentait qu'une des quatre bandes qui sont contre.

On n'est pas entièrement contre toute l'histoire. On trouve seulement qu'il faut examiner la situation attentivement avant d'adopter un projet de loi très sérieux. Nous savons que la majorité est pour. Neuf réserves disent oui et quatre disent: «Un moment, examinons les choses très attentivement».

C'est très sérieux. Une fois la loi adoptée, on ne peut plus faire marche arrière. Si on veut apporter des modifications, il faudra attendre un bon bout de temps avant que ça se fasse.

M. Derrek Konrad: Vous avez raison.

Le président: Merci.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur Julien, j'ai un peu de difficulté à comprendre de quoi vous êtes le directeur exécutif. Êtes-vous le directeur exécutif des quatre communautés qui s'opposent au projet de loi? Non? Certaines des communautés mi'kmaq du mainland sont d'accord sur le projet de loi?

M. Don Julien: Yes.

M. Claude Bachand: Dans vos observations, vous avez dit que le projet de loi qui est devant nous n'est pas considéré comme un traité.

• 1205

J'ai déjà fait mention de cette question aux fonctionnaires. Souhaiteriez-vous que certaines dispositions du projet de loi prévoient qu'on entame des négociations en vue de considérer les ententes d'éducation comme des traités? Ce n'est pas le cas actuellement. J'entends aussi des gens dire qu'ils ont peur qu'on le demande au moyen d'un amendement, ce qui signifierait qu'on devrait revenir à la case de départ et renégocier l'ensemble du projet de loi qui est devant nous.

Que diriez-vous d'un amendement qui prévoirait que dans un certain délai, par exemple à la quatrième année, les parties annoncent leur intention de commencer des négociations en vue de considérer l'entente et le projet de loi comme un traité? Est-ce que cela pourrait satisfaire à la première partie de vos interrogations ou de vos récriminations?

[Traduction]

M. Don Julien: D'accord, je commence.

La Confederacy of Mainland Micmacs est un conseil tribal qui représente les six bandes continentales de la Nouvelle-Écosse. Il y a la bande de Pictou Landing et celle de la vallée d'Annapolis qui ont signé la convention. L'ancien chef de la bande de la vallée d'Annapolis était censé refuser de signer, mais il y a eu des élections et je ne sais pas quelle est l'opinion du nouveau chef, s'il a décidé de rester partie à la convention ou s'il a été tenté de rester parce qu'il est aussi le vice-président.

M. Claude Bachand: Vous parlez de Lawrence Leo Toney?

M. Don Julien: Oui, il a été battu. Allan Toney est maintenant chef de la bande de la vallée d'Annapolis.

Donc, nous représentons les quatre bandes dissidentes. Ce qui les préoccupe le plus, c'est la consultation. L'une des plus grandes bandes, la Première Nation Millbrook et son chef Lawrence Paul ont toujours voulu que cette convention soit assimilée à un traité et c'est ce qu'il a soutenu. Je ne compte plus les innombrables fois où il en parlé durant les négociations. Le ministère des Affaires indiennes a dit qu'il allait voir si c'était possible. Quand il a donné sa réponse des mois plus tard, il a dit que c'était impossible et que c'était à prendre ou à laisser. Le chef n'était pas très heureux de l'idée que ce ne soit pas un traité à cause de l'importance de cette commission de l'éducation micmaque. C'est la première au pays, alors pourquoi ne pas en faire un traité?

Le plus triste, c'est qu'un an ou deux plus tard, le gouvernement fédéral nous a approchés pour entamer la négociation d'un traité. C'est un peu trop tard. C'est bien gentil de parler de négociation de traité maintenant, mais chacune de ces matières—l'éducation, les services sociaux et le développement économique—devrait être prévue dans un traité contemporain pour qu'on sache que le gouvernement fédéral prend ça très au sérieux.

Personnellement—et je ne parle peut-être plus au nom des bandes—je ne fais pas vraiment confiance au gouvernement fédéral, surtout au ministère des Affaires indiennes. Par moment, les fonctionnaires mentent. J'ai participé à l'étude du ministère des Affaires indiennes par le vérificateur général du Canada. Il y a eu énormément de recommandations sur la responsabilisation, la transparence et des mesures de réparation. Bon nombre des recommandations devront être mises en pratique. Comment peut-on savoir ce qui se passe derrière une porte close, même au bureau régional de la Nouvelle-Écosse ou des Maritimes? Il faut de la transparence. Mais je m'éloigne du sujet.

Vous avez parlé d'ajouter quelque chose à la loi au sujet d'un traité futur. Il faudrait que j'en discute avec les quatre bandes, mais je crois qu'elles seraient un peu plus réceptives à l'idée s'il était prévu de conclure plus tard un traité sur l'éducation. L'un des principaux chefs, Lawrence Paul, rappelle constamment qu'avant d'entamer des négociations vraiment sérieuses, il faudra s'asseoir à une table avec le gouvernement fédéral et discuter d'un traité.

Je sais que le Canada n'a pas respecté les traités aussi bien qu'en Nouvelle-Écosse et dans les Maritimes, mais il est à peu près temps de conclure un traité qui sera exécutoire.

M. Claude Bachand: Merci.

[Français]

Le président: Seulement une question complémentaire pour M. Bachand.

Monsieur Patry.

[Traduction]

M. Bernard Patry: Je veux seulement faire une mise au point. Vous êtes le directeur général de la Confederacy of Mainland Micmacs.

M. Don Julien: C'est exact.

M. Bernard Patry: Si je comprends bien, cette confédération est formée de six nations.

M. Don Julien: C'est ça.

M. Bernard Patry: Deux sont parties à la convention et quatre ne le sont pas.

M. Don Julien: Exact.

M. Bernard Patry: C'est exact?

• 1210

M. Don Julien: Oui.

M. Bernard Patry: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

Monsieur Julien, je vous remercie d'être là aujourd'hui.

Notre comité a sous les yeux un projet de loi qu'approuvent la plupart d'entre nous. Nous comprenons qu'il faudra probablement y apporter certains amendements. En tout cas, il nécessite certainement une discussion et un examen attentif au grand jour. Néanmoins, personne ici ne veut jeter le proverbial bébé avec l'eau du bain et tout perdre. Le fait que ce soit un traité ou non peut amener certains d'entre nous à changer d'avis. D'après moi, ce serait un concept tout à fait différent de cette loi sur l'éducation. Pourtant, la plupart d'entre nous sont convaincus que nous sommes sur la bonne voie.

J'ai horreur de répéter les mots «responsabilisation» et «durabilité», parce que c'est presque devenu un mentra maintenant au ministère des Affaires indiennes et du Nord—tout ces beaux mots-concepts qui paraissent bien sur papier mais qui ne riment à rien s'ils ne se traduisent pas par des actions concrètes.

Mais cela dit et compte tenu de vos propos, je crois néanmoins que nous continuons d'approuver le projet de loi. En particulier, vous aurez la possibilité d'adhérer à la convention plus tard si vous le décidez. Je pense qu'il y a une disposition dans le projet de loi permettant aux bandes de se retirer de la convention si elles le décident. Donc, pour cette raison et comme nous n'allons pas nous entendre sur le fait que c'est un traité—ça ne risque pas d'arriver—et comme on ne peut pas obliger les gens à participer à un processus politique...

On peut annoncer la tenue d'une réunion. Je ne sais pas comment le gouvernement s'y est pris pour annoncer les réunions ni s'il les a bien annoncées autant qu'il l'aurait dû. Je ne vais pas porter de jugement là-dessus ni même en discuter. Je ne suis pas au courant. Mais croyez-vous au moins que ce soit un pas dans la bonne direction? J'ai la même crainte que vous: il est difficile d'ajouter des dispositions ultérieurement ou de modifier le projet de loi. Mais au moins est-ce que vous envisagez ça? Est-ce que vous approuvez jusque-là?

M. Don Julien: La dame de l'association des conseils scolaires de Nouvelle-Écosse, Marg Forbes, a mentionné une loi correspondante du gouvernement néo-écossais.

M. Gerald Keddy: Oui.

M. Don Julien: On ne l'a pas vue cette loi. Si on avait le texte, on pourrait le comparer avec celui de votre projet de loi pour savoir si un doute sérieux subsiste dans l'esprit des chefs.

Ce que j'essaie de dire au comité, c'est qu'il doit être très prudent et qu'il doit s'assurer que toutes les questions en suspens ont été traitées avant d'adopter un projet de loi aussi sérieux que le projet de loi C-30.

M. Gerald Keddy: J'apprécie énormément ce commentaire.

M. Don Julien: C'est ce que me disent les chefs: vérifiez si les questions en suspens ont au moins été examinées par quelqu'un. Si les députés estiment que ça ne vaut même pas la peine de les mentionner ou d'en discuter, tant pis. C'est la majorité qui l'emporte, comme vous dites. Si neuf des 13 chefs sont d'accord et qu'il y a seulement quatre dissidents, alors c'est la majorité, n'est-ce pas?

M. Gerald Keddy: Oui.

M. Don Julien: Nous n'y pouvons plus rien.

Si la Commission de l'éducation micmaque est organisée comme il faut et avec diligence, ça pourrait être positif. Mais ce que j'entends dire par le téléphone arabe—et j'espère ne choquer personne—c'est que tout se décide à Unama'ki. Là, je suis d'accord avec le chef.

Dans l'île du Cap-Breton où se trouvent les plus grosses bandes, c'est sûr qu'elles ont toutes des écoles, sauf Membertou. Elles sont donc directement intéressées à tout le système scolaire micmac. Il y a une bande à Indian Brook qui va rouvrir son école.

• 1215

Au début, la Commission de l'éducation micmaque a fait des tas de promesses. Avant que ces gens s'en occupent, il y avait un autre directeur qui faisait le tour de la Nouvelle-Écosse pour rencontrer les petites bandes, que je représente, pour leur promettre une école dans leurs réserves s'ils adhéraient à la convention. Même si on était obligé de trouver un moyen original ou bizarre pour trouver du financement, ça ne posait pas de problème; si le ministère de l'Éducation refusait des fonds pour la construction d'une école, on allait faire des prodiges de comptabilité pour construire des écoles quand même.

Nous nous inquiétons beaucoup aussi pour la langue micmaque. C'est seulement une rumeur et j'espère que quelqu'un va pouvoir la démentir, mais j'ai entendu dire que, si la loi pour les Micmacs est adoptée, presque tous les fonds attribués pour l'enseignement de la langue seront versés à la région du Cap-Breton. La plupart des bandes du Cap-Breton parlent couramment le micmac. Ce sont les bandes continentales qui ont du mal à le parler, surtout celles que je représente, Bear River, vallée d'Annapolis, Horton et Millbrook même. Moins de 50 p. 100 de notre peuple parle la langue. Je pense qu'il faut se concentrer sur ceux qui ne parlent pas le micmac plutôt que sur ceux qui le parlent déjà. Il y a beaucoup de questions fondamentales à régler chez nous, si je peux dire.

Je ne devrais pas vous inquiéter avec ça. On devrait pouvoir tenir une assemblée et arriver entre nous à un consensus.

M. Gerald Keddy: En fait, je voudrais faire une observation sur ce que vous venez de dire, parce que beaucoup de questions de politique interne ont été soulevées ici aujourd'hui et c'est difficile pour notre comité. Je ne crois pas que notre comité tienne à traiter ces questions.

M. Don Julien: Je ne crois pas que ce soit l'endroit approprié de toute façon.

M. Gerald Keddy: Effectivement et c'est pourquoi il ne faut pas confondre ça avec le libellé des dispositions du projet de loi. C'est une autre paire de manches.

Néanmoins, plusieurs amendements précis ont été recommandés et je pense qu'on peut prendre le temps d'y réfléchir. Je ne sais pas si les amendements seront adoptés ou non, mais nous allons les étudier.

M. Don Julien: J'ai une dernière observation. Il y a un sujet sur lequel il faut se pencher très sérieusement et c'est la question de savoir qui est responsable des non-Autochtones qui vivent dans nos réserves.

M. Gerald Keddy: J'ai noté ça.

M. Don Julien: C'est une des questions qui a été mise en veilleuse. La Commission de l'éducation micmaque ne va recevoir qu'un montant limité. C'est très grave quand des non-Autochtones prennent nos ressources et il faut examiner la question avant l'adoption du projet de loi C-30. Peut-être la loi provinciale correspondante en traitera-t-elle. Je ne sais pas.

M. Gerald Keddy: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Earle.

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président et merci, monsieur Julien, pour votre exposé.

Étant moi-même membre d'une minorité et m'étant occupé pendant de nombreuses années des droits fondamentaux, je connais très bien nombre des problèmes qui surgissent et toute la politique interne qu'il faut faire quand on travaille en même temps au sein de son groupe et avec la société. Comme l'a dit mon collègue, nous ne pouvons pas laisser cet aspect influer trop sur la tâche qui nous attend, c'est-à-dire l'étude du projet de loi même.

Je vous ai toutefois entendu dire—et vous n'avez pas mâché vos mots—que les quatre bandes qui se sont désistées ne font pas confiance au gouvernement fédéral. Je peux comprendre pourquoi les choses sont ainsi, mais à mon avis, si l'on veut faire des progrès dans le domaine des droits fondamentaux, si on veut améliorer nos relations les uns avec les autres, on n'a d'autre choix que de commencer à se faire confiance mutuellement et à travailler ensemble. Il faut partir de là, sinon on n'ira jamais nulle part.

J'espère que les témoins qui comparaissent devant le comité sont au moins convaincus que les députés qui y siègent veulent sincèrement faire ce qu'il y a de mieux pour les Micmacs et pour la Nouvelle-Écosse en général, et qu'ils en seront convaincus indépendamment de l'issue de notre étude.

Nous savons tous que, dans une démocratie, on ne peut pas faire plaisir à tout le monde et c'est habituellement la majorité qui décide, mais il ne faut pas oublier que la majorité doit respecter les droits de la minorité et veiller à ce que la minorité ne souffre pas indûment de la décision prise.

• 1220

Pour le projet de loi qui nous occupe, neuf des 13 bandes ont signé la convention; la majorité approuve donc le projet de loi, mais nous allons tenir compte des inquiétudes que vous avez présentées.

L'important, et je veux en venir à cette question, c'est que vous semblez croire qu'un traité vous porterait davantage à faire confiance au gouvernement fédéral qu'une loi, à moins que vous ayez l'impression que vous auriez de meilleurs recours sous le régime d'un traité au cas où ça irait mal? Je ne comprends pas très bien pourquoi vous insistez a priori sur un traité relativement à la loi sur l'éducation même.

M. Don Julien: Je pense que si les choses ne se passent pas bien, on aurait un meilleur recours.

M. Gordon Earle: Je ne pense pas qu'un traité ou une loi influerait sur la confiance. Je pense qu'il faut décider, à un moment donné, de faire confiance et d'agir en conséquence et alors, d'autres facteurs détermineront si ce sera un traité ou une loi.

Je veux soulever cette question parce qu'à la section 3 de votre exposé, vous dites que pour ces bandes, la convention était à l'origine un concept d'autonomie gouvernementale véritable et on espérait qu'au bout du compte, la convention reflète le droit inhérent des Micmacs à une compétence exclusive en matière d'éducation et à la coopération avec le fédéral et la province, comme partenaires à part entière, pour l'exercice de cette compétence.

Je continue de penser que c'est un objectif inhérent du projet de loi. Je ne pense pas que le projet de loi s'en soit écarté. Les exposés que j'ai entendus aujourd'hui semblent confirmer aussi que le gouvernement provincial a l'intention d'adopter une loi, avec l'appui et la collaboration de l'association des conseils scolaires de Nouvelle-Écosse.

Je veux être certain d'avoir bien compris si vous désapprouvez tout le concept ou si les seuls obstacles sont les détails que vous avez présentés et que vous aimeriez voir réglés.

M. Don Julien: Nous ne désapprouvons pas complètement le concept de commission de l'éducation micmaque pour ce qui est des questions de compétence. Mais les quatre bandes que je représente semblent être tenues à l'écart des décisions politiques quotidiennes concernant les Micmacs en Nouvelle-Écosse. C'est vrai qu'on peut lire leurs noms dans les papiers, mais—et j'ai vraiment horreur de vous ennuyer avec cette histoire, mais je vais le dire quand même—ça ne rime à rien.

Neuf des chefs ont approuvé la Commission de l'éducation micmaque, pas les quatre nôtres. Il serait plus équitable que les quatre qui n'ont pas adhéré à la convention ne soient pas exclus de tout ce qui se passe par ailleurs. Je vous prends à témoin de l'avertissement que je sers à la Commission de l'éducation micmaque: ne vous servez pas de ça contre nous. Ne dites pas à mes quatre bandes qu'elles n'auront droit à rien ou à presque rien parce qu'elles n'ont pas signé, sinon ce sera la guerre et on n'en veut pas.

Nos chefs approuvent certainement bien des aspects de la Commission de l'éducation micmaque... mais on insiste trop pour que ce soit adopté trop rapidement et on veut que les gens aient le temps de réfléchir calmement avant que le projet de loi C-30 soit adopté. C'est ce qui préoccupe mes chefs; les choses vont trop vite.

M. Gordon Earle: En terminant, je trouve intéressant, compte tenu des disparités initiales entre les deux parties de la Nouvelle-Écosse, que dans la société non autochtone, on ait plutôt l'impression que c'est le continent qui obtient tout et le Cap-Breton qui est laissé pour compte. D'après le tableau que vous avez brossé des sociétés autochtones, c'est le Cap-Breton qui obtient tout et le continent qui est laissé pour compte.

M. Don Julien: C'est une rivalité bien ancienne à laquelle nous espérons mettre fin un jour.

M. Gordon Earle: Merci.

Le président: Monsieur Finlay.

M. John Finlay: Merci, monsieur le président.

Monsieur Julien, j'ai apprécié vos observations et les questions que vous ont posées mes collègues d'en face. Je vais essayer d'éviter les répétitions.

Monsieur Julien, il me semble qu'il y a un problème de représentation. Dans la section 2 de votre mémoire, j'ai lu que la Confederacy of Mainland Micmacs représentait six Premières nations.

M. Don Julien: C'est exact.

M. John Finlay: Pourtant, au paragraphe suivant, vous dites: «Nous sommes ici aujourd'hui pour vous présenter les opinions de quatre de nos bandes qui n'ont pas signé la convention.» Je présume qu'il serait plus exact de dire que vous représentez ici aujourd'hui l'opinion des quatre bandes qui n'ont pas signé.

M. Don Julien: C'est exact.

M. John Finlay: Donc, en dépit de votre titre, vous ne représentez pas l'opinion des deux autres bandes.

M. Don Julien: Non. Les deux autres bandes savent que nous sommes ici parce qu'on leur a expliqué que les quatre bandes avaient des réserves et qu'elles voulaient que ces problèmes soient réglés avant la dernière lecture du projet de loi C-30.

M. John Finlay: Et c'est ce qu'on fait et c'est pourquoi on vous écoute.

• 1225

Néanmoins, vous avez parlé de majorité et j'en reviens à un témoin antérieur qui a dit que les Micmacs n'étaient pas prêts à prendre en main l'administration des programmes d'éducation en vertu d'une loi comme la Loi sur l'éducation des Micmacs. Je veux savoir quand les Micmacs seront prêts selon vous. Ça fait deux ans que j'entends ça...

M. Don Julien: Je pense que vous répondez vous-même à la question en disant que neuf bandes ont dit oui.

M. John Finlay: C'est vrai et par conséquent...

M. Don Julien: Les quatre autres bandes veulent seulement s'assurer que vous êtes au courant de l'existence de questions qui ne sont pas encore réglées et sur lesquelles il faudrait se pencher avant de prendre en main ce sujet sérieux.

M. John Finlay: Monsieur Julien, quelle est votre interprétation de la disposition du projet de loi qui prévoit un engagement de cinq ans? À votre avis, qu'arrivera-t-il au bout de cinq ans? Je pense que ça dit que nous allons réexaminer la situation au bout de cinq ans.

M. Don Julien: J'espère qu'on le fera.

M. John Finlay: C'est exactement ce qu'il est prévu de faire.

Je trouve votre choix de mots étrange quand vous dites:

    Finalement, le projet de loi C-30 va donner force de loi à une simple délégation du pouvoir et de la responsabilité du fédéral qui seront exercés par les bandes signataires pendant les cinq prochaines années.

Pour nous, ce n'est pas «simple» du tout. C'est très important. Nous estimons que c'est une étape vers ce dont parle la Commission des peuples autochtones: reconnaissance, respect, partage et responsabilité.

Voyez-vous, j'ai entendu cet argument plusieurs fois déjà: on n'est pas prêt, on ne vous fait pas confiance, on ne peut pas aller aussi loin. On veut tout regrouper, tout faire en même temps.

En janvier 1991, l'assemblée des chefs de la Nouvelle-Écosse a approché le MAIN pour proposer la création d'une commission de l'éducation micmaque qui assumerait la responsabilité de tout le programme d'éducation des Premières nations de la Nouvelle-Écosse. Ça fait maintenant huit ou neuf ans de ça.

M. Don Julien: Huit ans.

M. John Finlay: Oui. Je présume qu'en procédant par consensus comme vous le voulez, il faudra 99 ans encore pour amener tout le monde à...

M. Don Julien: Non, je pense que vous m'avez mal compris...

M. John Finlay: Non. Je vous rappelle qu'il faut apprendre à marcher avant de savoir courir et nous allons fonctionner sous ce régime pendant cinq ans et, ensuite, on apportera les améliorations nécessaires.

M. Don Julien: Je l'espère.

M. John Finlay: Oui. Merci.

Le président: Merci, monsieur...

M. John Bryden: Excusez-moi, monsieur le président.

[Français]

Le président: Monsieur Bryden.

[Traduction]

M. John Bryden: Je voudrais poursuivre dans le même ordre d'idées que M. Finlay, mais un peu différemment.

Quand vous déterminez l'avenir de votre peuple, est-ce que vous faites confiance aux tribunaux, aux juges et aux avocats plus qu'à vos représentants élus? Qui est-ce que vous privilégiez? Préférez-vous avoir affaire à des gens comme nous ou aux tribunaux?

M. Don Julien: Je pense qu'on préfère avoir affaire à—et j'ai horreur de l'avouer—vous. Je ne fais confiance ni aux tribunaux ni à vous. Mes chefs sont les représentants élus en qui j'ai confiance. J'ai énormément de respect pour les parlementaires, mais je ne leur fais pas confiance parce que leurs mots ne portent pas.

M. John Bryden: Je regrette de vous entendre dire ça parce qu'en fait...

M. Don Julien: Eh bien moi, je n'ai aucun regret à le dire parce que c'est la vérité. Je me contente de répondre à votre question...

M. John Bryden: Monsieur Julien, je suis un être humain comme vous et je n'accepte pas d'être insulté parce que j'ai choisi de servir mon pays en qualité de représentant élu.

M. Don Julien: Je viens moi-même d'être insulté...

M. John Bryden: Jamais je ne vous ferais à vous, monsieur Julien, ni à aucun des chefs qui sont ici, l'injure que vous venez de me faire. Cela dit, je voudrais vous faire remarquer qu'il y a une chose que vous n'avez pas comprise. C'est que vos représentants élus qui ont des comptes à rendre au peuple et qui essaient de servir le peuple, peuvent modifier des lois promptement et très vite, bien plus vite qu'un traité.

Je suis d'accord avec M. Finlay; le projet de loi C-30 est un essai. Si c'est un échec, on n'aura qu'à s'adresser à son député et au Parlement qui le modifiera ou l'abrogera carrément si c'est vraiment un échec. J'espère que vous accepterez au moins une période d'essai de cinq ans, comme le propose la loi, parce que si vous optez pour un traité, vous aurez mis la charrue devant les boeufs. Il est très difficile de modifier un traité. Il se pourrait qu'un traité renferme des clauses incorrectes. Pourquoi ne pas commencer par cet essai, en toute déférence, et conclure plus tard peut-être un traité?

Je vous remercie.

M. Don Julien: Je n'ai rien à redire là-dessus. Je dis simplement qu'il faut faire bien attention de traiter toutes les questions en suspens avant d'adopter le projet de loi c-30.

• 1230

Si je vous ai insulté, je suis désolé.

M. John Bryden: Il y a de quoi.

M. Don Julien: Je ne fais vraiment pas confiance à grand-monde. C'est mon opinion personnelle, pas celle des autres.

Je pense qu'il est préférable de ne pas insister.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Julien. Je vous respecte et je vous remercie de votre témoignage.

[Traduction]

Merci beaucoup et bonne journée.

[Français]

J'invite le représentant de la Membertou First Nation, M. Darin Googoo, directeur de l'éducation, et le chef Reginald Maloney à prendre la parole. Après le témoignage de MM. Googoo et Maloney, je vais demander aux fonctionnaires de revenir et de répondre à certaines questions des membres du comité.

[Traduction]

Avez-vous une déclaration à faire?

M. Darren Googoo (directeur de l'éducation, Conseil de bande de Membertou): Oui, et tout le monde en a reçu une copie.

Le président: Je vous en remercie vivement.

M. Darren Googoo: Bon après-midi, mesdames et messieurs. Au nom du chef et du conseil de la bande de Membertou, je veux vous exprimer notre reconnaissance d'avoir été invités par le comité permanent à présenter nos inquiétudes au sujet du projet de loi C-30, autrement appelé la Loi sur l'éducation des Micmacs.

Avant d'exposer nos principales inquiétudes, je voudrais vous présenter rapidement notre communauté. Je crois que ça aidera les membres du comité à mieux comprendre notre situation bien particulière.

À l'origine, notre communauté de Membertou était un établissement urbain. Membertou a été constituée en corollaire des avantages économiques et des possibilités d'emploi qu'offrait la ville de Sydney à la fin du XIXe siècle. Les ouvriers qualifiés et les manoeuvres micmacs ont quitté différentes régions de l'île du Cap-Breton pour aller travailler à Sydney qui connaissait un boum économique au tournant du siècle grâce à ses aciéries et à son industrie houillère. En 1915, environ 120 Micmacs vivaient dans la réserve qu'on appelait la réserve de King's Road et qui comptait environ 27 maisons plus sa propre école.

Malgré la prospérité économique de notre communauté, les résidents de l'endroit ont mené une campagne pour faire expulser les Micmacs qui vivaient là. La campagne était orchestrée par M. Joseph A. Gillis, un député fédéral local qui était propriétaire de terrains jouxtant la réserve. M. Gillis a réussi à faire apporter une modification à la Loi sur les Indiens pour permettre à la Cour de l'échiquier du Canada d'ordonner l'expulsion d'Indiens d'une municipalité.

En 1915, la Cour a entendu l'affaire et, l'année suivante, elle a ordonné l'expulsion de notre communauté de la réserve de King's Road. Il est intéressant de signaler que c'est la seule fois dans l'histoire du Canada que cette disposition de la Loi sur les Indiens a été invoquée pour expulser une communauté indienne d'une municipalité.

Notre communauté a été déplacée en 1925 pour être établie sur un terrain de 65 acres en périphérie de la ville. C'est à cet endroit que se trouve aujourd'hui la communauté de Membertou. Nous avons construit une autre école qui avait une seule classe. En 1964, comme la ville de Sydney s'était étendue au point d'encercler presque complètement Membertou, les agents des Indiens ont proposé la fermeture de notre école et l'inscription de nos enfants à une école élémentaire voisine dans la ville.

Le transfert proposé a soulevé toute une controverse dans notre communauté. Certains y voyaient les avantages d'une éducation intégrée tandis que d'autres craignaient la perte de notre langue et de notre culture. Néanmoins, notre école a été fermée en 1964 et, depuis lors, nos enfants fréquentent les écoles élémentaires et secondaires de la ville de Sydney.

Cette décision a eu des conséquences mitigées. On peut affirmer sans risquer de se tromper que Membertou a le degré de scolarisation le plus élevé des communautés micmaques du Canada atlantique. Pourtant, le prix à payer a été très élevé. Tous nos enfants ou presque qui ont fréquenté les écoles de la ville ont perdu le don le plus important que leur a fait le Créateur, notre langue. Aujourd'hui, presque personne parmi les moins de 40 ans de notre communauté ne parle ou ne comprend même le micmac. Ça coïncide avec la fermeture de notre école il y a 35 ans. L'année où on a fermé notre école, les enfants de cinq ans auraient commencé leur primaire.

• 1235

Si je vous ai fait cet historique, c'est pour souligner le caractère urbain de notre communauté. Membertou est un îlot à l'intérieur de la ville de Sydney. Nos dernières statistiques démographiques montrent que 31 p. 100 des membres de notre bande, c'est-à-dire 273 personnes sur 900 environ, vivent en dehors de la réserve, la plupart dans la municipalité voisine. Bon nombre de ces Micmacs n'ont pas choisi de vivre en dehors de la réserve.

Membertou connaît une croissance rapide de ses membres. Depuis 1980, notre population a doublé. Elle est passée de 438 à 887 personnes et nous prévoyons qu'elle aura encore doublé d'ici dix ans. C'est un fait. Cette croissance a dépassé la capacité de notre conseil de construire assez de nouveaux logements pour répondre à la demande. Donc, bien des familles habitent dans les quartiers avoisinants. C'est pourquoi je dis que nombre de nos membres vivent en dehors de la réserve parce qu'ils n'ont pas le choix. Il n'y a tout simplement pas de logement pour eux dans la réserve.

Mais même s'ils vivent dans la municipalité, ils sont considérés comme des éléments importants de notre communauté. Beaucoup ont de la famille, des parents, des amis et des emplois dans la réserve de Membertou. Beaucoup vivent à moins de un kilomètre de notre localité. Nos membres hors réserve forment une composante distincte de notre communauté. Ça a toujours été ainsi et ce sera toujours ainsi.

Cela m'amène à la raison pour laquelle nous avons demandé à comparaître devant le comité permanent. Oui, la bande de Membertou est l'une des neuf bandes signataires de la convention concernant l'éducation des Micmacs qui a été signée le 14 février 1997 et, oui, nous figurons à l'annexe du projet de loi que vous avez sous les yeux aujourd'hui. Notre chef, Terrance Paul, et nos représentants se sont maintes fois opposés à l'exclusion des membres de notre bande qui vivent en dehors de la réserve, du champ d'application de la convention et du projet de loi.

Les articles 6 et 7 du projet de loi restreignent les pouvoirs de notre communauté d'adopter des lois et de fournir des programmes et services «aux résidents de sa réserve». Ces dispositions enfreignent notre conception traditionnelle de notre communauté et divise artificiellement nos membres suivant leur lieu de résidence. Ces dispositions sont-elles discriminatoires? Pourquoi ne sommes-nous pas autorisés à offrir des programmes et services micmacs à nos familles qui vivent à moins d'un kilomètre des limites de notre réserve?

Notre communauté est en train d'organiser la prise en charge des classes de première et deuxième années en septembre. En septembre de l'an dernier, nous avons rouvert notre école dans la localité et pris la relève du conseil local pour les années du primaire.

Serons-nous obligés de dire à nos parents qui habitent en dehors de la réserve qu'ils ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l'école parce qu'ils habitent du mauvais côté de la limite? Ne vont-ils pas crier à la discrimination? Pourrons-nous leur assurer des fournitures scolaires, du transport scolaire, des services de tutorat, des services de counselling et tous les autres services nécessaires pour garantir la réussite scolaire, si les enfants ne fréquentent pas l'école de la réserve? Que diront leurs familles et leurs amis qui vivent actuellement dans la réserve? Ne diront-ils pas que la loi est discriminatoire? Ne vont-ils pas demander pourquoi notre conseil a approuvé une telle convention et une loi qui divise ainsi notre communauté?

Nous espérons qu'en présentant le problème au comité permanent aujourd'hui, nous l'amènerons à amender les articles 6 et 7 du projet de loi. Nous savons que nous avons le droit de nous retirer de la convention si notre communauté en décide ainsi. Nous ne voulons pas dénigrer les huit autres bandes qui ont signé la convention ni le travail extraordinaire effectué par le personnel de Mi'kmaw Kina'matnewey, mais nous ne pouvons pas nous empêcher d'exprimer nos réserves au sujet de la nature discriminatoire de certaines dispositions de la loi et de la convention.

• 1240

Nous espérons que vous comprenez maintenant mieux le caractère urbain de notre communauté et la raison pour laquelle cette loi menace de diviser notre communauté en deux: d'un côté ceux qui vivent dans la réserve et de l'autre, ceux qui vivent en dehors de la réserve.

Je répondrai maintenant avec plaisir aux questions des membres du comité.

Le président: Merci, monsieur Googoo.

Monsieur Maloney, avez-vous une déclaration à faire?

Le chef Reginald Maloney (Première nation d'Indian Brook): Je n'ai pas rédigé un mémoire, monsieur. Je veux simplement dire que j'appuie le projet de loi. Je sais qu'il n'est pas parfait pour nous, mais je trouve que c'est un premier pas. Je ne crois pas qu'on puisse faire pire que ce que le ministère a fait quand il s'occupait de notre instruction. Je pense que la base va s'engager pour régler tous les problèmes que pourrait poser notre programme d'éducation.

Dans ma réserve, nous avons eu pendant 30 ans un accord avec le conseil scolaire local. Il y a environ un an, il y a eu une grande bagarre dans notre école et tous nos élèves ont été renvoyés à la maison en autobus. Au début, je pense qu'une vingtaine d'élèves ne voulaient pas retourner à cette école. Les parents ont demandé au chef et au conseil ce qu'il fallait faire. Nous avons organisé dans la réserve des réunions auxquelles un grand nombre de parents ont assisté. Il est ressorti surtout que les parents voulaient une école dans la réserve pour que nos enfants ne soient pas obligés d'aller à l'école secondaire du conseil scolaire fusionné où ils étaient transportés en autobus.

On a donc commencé d'abord dans des roulottes de fortune et, en septembre, nous avons ouvert les portes de notre centre communautaire, transformé en école pour nos élèves. Sous le régime de Mi'kmaw Kina'matnewey, ce sera reconnu comme notre école.

Je ne crois pas qu'on puisse faire pire. Je pense qu'on peut faire beaucoup mieux nous-mêmes si on a le pouvoir d'éduquer nos enfants dans notre école. Ils doivent acquérir la fierté. Ils doivent apprendre dans un milieu où ils ne se font pas rabaisser parce qu'ils sont Indiens, à cause de la façon dont ils s'habillent, dont ils se coiffent, etc. Je pense qu'ils peuvent être fiers d'eux et apprendre bien mieux dans un tel climat.

Au sujet des consultations, il y en a eu dans notre réserve. Aux deux réunions, l'assistance n'était pas très nombreuse, mais la publicité avait été bien faite. Un feuillet a été envoyé à chaque foyer. Le texte complet de la loi a paru dans des suppléments du quotidien. Tout le monde était au courant.

Il arrive souvent que les gens de nos réserves ne se présentent pas. Quand on convoque une assemblée pour quelque chose, ils disent: «Vous êtes nos dirigeants élus, alors pourquoi nous demander à nous? Nous vous avons élus pour prendre ces décisions à notre place et nous espérons que vous prendrez les bonnes. Si vous vous trompez, vous ne serez pas en poste longtemps.»

M. John Finlay: C'est la démocratie en action.

Le chef Reginald Maloney: C'est exact.

Je suis chef depuis 1990, et l'idée de ce programme d'éducation circule dans notre communauté depuis ce temps. On en parle et personne ne s'y oppose fermement. Je le répète, quand il y a eu une réunion au sujet de l'école dans notre réserve, il y avait foule et les gens ont approuvé l'idée qu'on ait notre propre école et notre propre programme d'éducation pour nos enfants.

Merci.

Le président: Merci, chef Maloney.

[Français]

Nous allons passer à la période de questions. Monsieur Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Merci. Eh bien je pense que la maxime est vraie: ceux qui ne participent pas au gouvernement de leur pays seront gouvernés par ceux qui le font.

• 1245

Monsieur Googoo, pendant que vous lisiez votre mémoire, je me suis souvenu d'une statistique que le chef Marshall—si je ne m'abuse—a présentée. Il a dit que le taux de chômage dans certaines des réserves était de 28 p. 100 et que le pourcentage était plus bas pour ceux qui n'habitent pas dans une réserve.

Tout le monde veut conserver sa langue, sa culture et ses autres valeurs, mais la préoccupation la plus immédiate, c'est toujours de savoir s'il y aura à manger, si on pourra envoyer ses enfants à l'école, et si la santé va bien. C'est après avoir vu à tout ça qu'on peut s'occuper de questions comme la culture, la langue et les autres valeurs.

Quel est le taux de chômage chez les membres de la réserve de Membertou qui y habitent et chez ceux qui n'y habitent pas? Si vous avez des statistiques détaillées pour les deux groupes, je voudrais bien les connaître étant donné que votre école a été fermée en 1964—par consensus, j'espère. Quelles ont été les conséquences nettes de cette décision?

M. Darren Googoo: Je n'ai pas de chiffres sur l'emploi dans notre communauté. Je peux vous dire néanmoins... Si je vous comprends bien, vous voulez savoir quelle a été notre employabilité et—comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure—notre citoyenneté depuis 1964.

M. Derrek Konrad: Et votre participation à l'économie.

M. Darren Googoo: Notre participation a été faible, c'est vrai. Quand notre bureau de bande ou notre conseil de bande a été formé au début des années 70, il y avait deux employés. Aujourd'hui, l'administration de la bande emploie 37 personnes. Il y a eu une certaine croissance de l'emploi. Dans notre communauté, il y a un poste de police, un bureau des services de santé, un bureau de bande, un bureau de développement économique, une station-service, une pizzeria et plusieurs entrepreneurs qui travaillent à leur compte. Je peux donc dire que nous avons maintenant une solide base économique qui assurera la prospérité future de notre communauté.

Cependant, je veux vous parler de mon autre souci. Si nous avons pu connaître une telle croissance, si nous avons réussi à atteindre un certain degré de croissance économique, c'est parce que nous avons commencé à croire en nous-mêmes. Nos premières entreprises ont pu être fondées parce que les Micmacs étaient prêts à les soutenir et croyaient en eux-mêmes. Sinon, ça n'aurait jamais pu arriver.

À mon avis, la culture et la langue sont indissociables de l'établissement d'une solide base économique dans la communauté. Ce sont deux composantes nécessaires. Une partie du problème de nos communautés micmaques, c'est qu'on a toujours été définis comme des Micmacs par les autres. En assumant la responsabilité de l'éducation, en ayant la capacité de déterminer l'avenir de l'éducation de nos enfants... Personnellement, comme parent, donner à ma fille la meilleure éducation possible signifie automatiquement que ce sera une éducation dans sa culture et dans sa langue.

Ainsi, nous sommes certains que nos enfants auront en grandissant une image positive d'eux-mêmes et un grand sens du devoir et de qui ils sont comme Micmacs. Ça se traduira en même temps par un grand sens du devoir comme Canadiens.

Notre situation à tous va s'améliorer dans l'avenir parce que nos enfants se sentiront mieux dans leur peau. Nos enfants auront plus d'assurance. Ils réaliseront des choses plus grandes et meilleures que ma génération à moi.

M. Derrek Konrad: Je ne voulais pas me lancer dans une longue discussion.

Vous avez parlé des possibilités d'emploi dans la réserve. Ce que je voulais savoir aussi c'est ce qui se passe. Est-ce que vos membres travaillent dans des pizzerias en dehors de la réserve ou dans des salons de coiffure? Travaillent-ils dans l'acier? Ou...

M. Darren Googoo: Jusqu'à cette année, dans la ville de Sydney, nous avions eu 22 diplômés d'école secondaire en dix ans. Cette année, il y a une petite pointe; il devrait y avoir neuf diplômés d'école secondaire et neuf ont terminé leurs études universitaires, ce qui représente environ un pour cent de notre population pour l'école secondaire et un pour cent aussi pour les programmes postsecondaires. C'est un grand progrès pour notre communauté et je crois que ces chiffres vont aller en augmentant.

• 1250

Quand à l'employabilité de nos membres aujourd'hui, c'est vrai qu'ils travaillent en dehors de la réserve et qu'effectivement, ils vivent aussi en dehors de la réserve. Mais ce n'est pas par choix.

Je connais très bien la personne qui exploite une pizzeria dans notre communauté. Le restaurant appartient à ma famille. Et la personne qui l'administre vit en dehors de la réserve parce qu'il n'a pas le choix. S'il le pouvait, il vivrait dans la réserve. Il vivrait avec sa famille dans un cadre de vie micmac. Malheureusement, il n'a pas d'endroit où habiter. Il ne possède pas de maison. Quand il a abandonné l'université, mes parents lui ont dit que s'il ne poursuivait pas ses études, il ne pouvait plus vivre chez eux. Il est donc obligé de vivre en dehors de la réserve jusqu'à ce qu'il obtienne une maison et c'est à ce moment-là qu'il reviendra dans la réserve.

À l'heure actuelle, beaucoup de monde—presque 300 personnes sur une communauté de 900—vit en dehors de la réserve par obligation, pas par choix.

[Français]

Le président: Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Je sais que les autochtones hors réserve représentent toujours un problème, non seulement chez vous, mais partout au Canada. Les statistiques indiquent que jusqu'à 40 ou 50 p. 100 des autochtones actuellement inscrits demeurent en dehors des réserves. Vous avez répondu à une de mes questions sur Membertou lorsque vous avez dit que 300 autochtones sur 837 vivaient en dehors de la réserve. Monsieur Maloney, combien d'autochtones d'Indian Brook, sur une population de 1 874, demeurent en dehors de la réserve?

[Traduction]

Le chef Reginald Maloney: Probablement 700 environ, mais ils sont très dispersés; il y en a jusqu'en Californie, ailleurs en Nouvelle-Écosse, à Shubenacadie. Vous en trouverez un peu partout au pays.

[Français]

M. Claude Bachand: D'accord. Je comprends très bien qu'on pourrait modifier les articles 6 et 7 pour permettre que les fonds puissent aussi couvrir des services aux autochtones hors réserve. Actuellement, le projet de loi qui est devant nous prévoit un transfert d'environ 140 millions de dollars. Selon vous, si le gouvernement ou le ministère des Affaires indiennes ne veut pas inclure les autochtones hors réserve, est-ce à cause du coût que cela représenterait, c'est-à-dire une augmentation de quelque 30 p. 100, portant l'entente à 200 millions de dollars? Pensez-vous que c'est uniquement à cause de ce coût supplémentaire qu'engendrerait l'ajout des autochtones hors réserve que le projet de loi ne les inclut pas?

[Traduction]

Le chef Reginald Maloney: Je crois qu'il n'y a pas d'autre raison. C'est sûrement une question d'argent. Mais ça va coûter quelque chose pour changer notre situation. Si on veut améliorer notre vie dans l'avenir, il faut payer maintenant. Si les choses ne s'améliorent pas, plus tard ça va coûter encore plus cher.

[Français]

Le président: Thank you, Chief. Merci, monsieur Bachand.

Monsieur Earle.

[Traduction]

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.

Je veux encore une fois féliciter les témoins pour l'excellence de leur présentation. À la page 3, vous relatez l'histoire de la communauté et l'expulsion des Autochtones de leur emplacement initial dans la région de Sydney pour les établir dans la réserve de Membertou. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire le rapprochement avec ce qui est arrivé à la communauté d'Africville, la communauté noire de la Nouvelle-Écosse, qui a été déracinée pour être établie ailleurs. J'ai trouvé aussi intéressant que le fer de lance de cette campagne ait été un député fédéral local...

Des voix: Oh, oh!

M. Gordon Earle: ... ce qui expliquerait pourquoi M. Julien...

M. John Bryden: Ça fait 90 ans.

M. Gordon Earle: Oui, c'est vrai. J'y arrive.

• 1255

Ça expliquerait pourquoi il se méfie tant des politiciens. Je demeure néanmoins convaincu qu'il a coulé beaucoup d'eau sous les ponts depuis. Il ne faut pas s'appesantir sur les erreurs du passé mais se tourner résolument vers un avenir positif. C'est tout de même inquiétant.

M. Bachand a déjà posé la question que j'avais en tête au sujet des membres dans la réserve et hors réserve... Je voulais que vous m'expliquiez pourquoi, à votre avis, la loi a pris cette orientation, mais vous avez déjà répondu en disant que c'était surtout une question d'argent. Avez-vous discuté expressément de ce sujet avec le gouvernement?

Le chef Reginald Maloney: Oh, oui. Nous avons discuté des Indiens hors réserve. Et le chef Paul était un ardent partisan de l'application de la loi aux membres hors réserve.

M. Gordon Earle: Y avait-il une estimation ou du moins une idée de ce que ça coûterait d'appliquer la loi aux membres hors réserve? Est-ce qu'on a présenté des chiffres sur les coûts réels lors des discussions?

Le chef Reginald Maloney: Non, je ne crois pas.

M. Darren Googoo: Je crois que le personnel technique de MK serait mieux placé pour répondre à votre question.

Le président: Merci.

Mme Marjorie Gould: Excusez-moi, monsieur le président. Je voudrais répondre à la question de Gordon Earle.

Le président: Allez-y.

Mme Marjorie Gould: Pourriez-vous répéter la question s'il vous plaît?

M. Gordon Earle: Je me demandais si on vous avait donné une idée de ce que coûterait l'application de la loi aux membres hors réserve, si on avait avancé des chiffres.

Mme Marjorie Gould: Je vais commencer par revenir sur l'allocution du chef Lindsay Marshall, ce matin, au sujet de la base de nos négociations avec le gouvernement. Au tout début, les négociations étaient fondées sur le fait que le gouvernement fédéral ne pouvait négocier que les matières qui relevaient de sa compétence en vertu des lois, des habilitations et des politiques en vigueur. À l'époque, le gouvernement du Canada n'avait pas le pouvoir de fournir des services aux membres vivant en dehors des réserves, mais on n'a pas négocié une question, on a négocié une compétence.

Le président: Merci.

Monsieur Bryden.

M. John Bryden: À ce propos, je pense que l'obligation prévue au paragraphe 7(1) du projet de loi de s'en tenir «aux résidents» n'est pas justifiée en réalité. Sa seule présence restreint l'application de la loi aux résidents des réserves et fera obstacle à toute possibilité d'entente avec la province pour permettre aux élèves hors réserve, qui fréquentent l'école de leur quartier, d'aller à l'école dans la réserve, aux frais de la province ou autrement.

Laissez-moi vous dire que je suis très sympathique à votre cause parce que je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez pas les faire profiter de vos valeurs culturelles si l'école dans la réserve est du même calibre que les écoles avoisinantes hors réserve. Il devrait être possible, après l'adoption du projet de loi, de négocier une entente en ce sens avec la province.

Le problème du projet de loi, dans son libellé actuel, c'est qu'il exclut cette possibilité en précisant que la loi ne s'applique qu'aux résidents des réserves.

Je trouve votre argument très solide et, personnellement, je vais certainement le présenter aux fonctionnaires pour leur demander d'expliquer très précisément pourquoi ils croient indispensable de viser les résidents seulement, parce que ça n'étend pas du tout le champ de compétence du gouvernement fédéral. Ça restreint plutôt la portée des provinces participantes. En fait, comme l'éducation relève de la province, c'est elle qui aura à décider en définitive si on peut permettre à un élève qui a commencé ses études en dehors de la réserve d'aller à l'école dans la réserve et ça devrait être à la province de se prononcer. Il y a un coût par élève et c'est la province qui va payer de toute façon.

• 1300

Permettez-moi quand même de vous poser une brève question. Combien d'élèves y aurait-il dans l'école de la réserve si le projet de loi était adopté sans amendement et que seuls les résidents de la réserve y avaient droit?

M. Darren Googoo: Dans la communauté en ce moment, il y a une école—quelqu'un croyait qu'il n'y en avait pas, mais nous avons bel et bien une école—que 13 élèves fréquentent. Deux autres familles avaient exprimé le désir d'inscrire leurs enfants, si bien qu'il aurait pu y avoir 15 élèves cette année. Malheureusement, nous n'avons pas pu accepter ces enfants à cause de la structure actuelle du MAIN. L'an prochain, nous prévoyons accueillir jusqu'à 55 élèves en première et deuxième années.

M. John Bryden: Je viens d'un village et je sais qu'il est très difficile d'avoir une école viable quand la population n'est pas nombreuse. Dans mon village, il y a de la première à la sixième année—c'est un village d'environ 500 habitants—et nous tenons absolument à garder cette école, même si sa survie est... parce qu'il y a si peu d'élèves.

Donc, si la population à desservir était plus nombreuse, on pourrait justifier l'existence d'une école viable.

M. Darren Googoo: Notre communauté réfléchit actuellement à la possibilité de construire une école dans la réserve avec l'aide de la province. Cette école serait cogérée par la province et la bande ou par le conseil scolaire local et la bande et elle accueillerait des élèves blancs et autochtones pour permettre à tous de vivre une expérience éducative plus enrichissante grâce à la composante micmaque.

M. John Bryden: Vous avez devancé ma prochaine question. Si je peux...

Le président: C'est votre dernière question.

M. John Bryden: Vous n'avez pas d'objection—d'ailleurs, je trouve ça constructif—à avoir une école dans la réserve qui n'accueillerait pas seulement des enfants micmacs, mais aussi tout enfant qui vit à une distance raisonnable en autobus et dont les parents voudraient qu'il aille à cette école, à condition que l'école soit conforme aux normes.

M. Darren Googoo: Au sujet des possibilités envisagées dans notre réserve, dans notre communauté, avec l'aide du ministère de l'Éducation, nous avons reçu ses lignes directrices pour les programmes d'études et ce qui est particulier dans le Canada atlantique, c'est que les programmes d'études sont fondés sur les résultats, pas sur les connaissances, pas sur les compétences. Tout est axé sur les résultats. On peut donc plonger les enfants dans la langue et la culture micmaques en leur enseignant comment atteindre les résultats demandés. C'est ce que nous allons chercher à faire.

Tout à l'heure, on a parlé de la qualité de l'enseignement et des compétences qui pourraient faire défaut dans la communauté. Je ne suis pas d'accord. Dans notre seule communauté, il y a 12 enseignants brevetés dont un a un doctorat et deux, une maîtrise. La plupart d'entre eux occupent un poste très intéressant où ils ont du pouvoir et de l'influence. Ce sont eux qui nous ont aidés à établir notre programme d'études.

Le programme provincial nous a servi de base pour développer ce qu'on veut pour la communauté micmaque. Nous avons donc traduit le programme en micmac pour en dégager notre propre esprit, nos propres nuances. Quand nous aurons terminé, nous le retraduirons en anglais. Nous croyons pouvoir employer le programme provincial comme base pour établir nos propres normes.

M. John Bryden: Mais je veux une réponse claire à ma question; je vais donc vous la reposer. Selon vous, serait-il acceptable que des enfants qui ne sont pas Micmacs fréquentent l'école de la réserve si votre école est assez bien établie. Auriez-vous des objections?

M. Darren Googoo: En ce moment, notre chef et notre conseil sont en train d'examiner cette possibilité.

M. John Bryden: Monsieur le président, j'ai dit qu'à l'article 7 du projet de loi, les mots «ou résidents» les empêcheraient de réaliser cet objectif. Je pense donc que le personnel et le comité devront étudier très attentivement cette disposition pour déterminer si ces deux mots devraient être supprimés ou non.

• 1305

M. Darren Googoo: Si je suis ici aujourd'hui, c'est en partie parce que notre communauté, notre chef et notre conseil mettent tous leurs espoirs dans votre comité et lui font confiance. Ils sont certains qu'il fera ce qu'il faut pour les Autochtones et qu'il nous permettra de prendre en charge la vie de nos enfants micmacs, qu'ils vivent dans la réserve ou non, parce que ce sont nos enfants.

[Français]

Le président: Vous êtes très intéressant, monsieur Bryden. Merci beaucoup.

[Traduction]

Merci beaucoup pour votre déclaration et merci aussi pour vos réponses.

[Français]

M. John Bryden: Merci beaucoup.

Le président: Je vais demander aux fonctionnaires, MM. McNeil, Brown et Cracower, s'ils peuvent venir ici comme témoins.

Nous allons commencer par M. Bachand, qui avait des questions à leur intention.

M. Claude Bachand: Ma question est fort simple. Pourquoi les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes nous ont-ils dit que ce sont les Mi'kmaq qui ne voulaient pas entendre parler d'un traité, alors qu'on vient d'entendre le contraire, soit que c'est le gouvernement qui ne voulait pas en entendre parler? Qui a raison, les Mi'kmaq ou le ministère?

[Traduction]

M. John Brown: Je pense que les deux ont raison.

Pour développer plus complètement ma réponse, il faut dire que le transfert de compétence a été une initiative des Premières nations et, comme vous pouvez l'imaginer, il y a eu de longues négociations. D'ailleurs, la politique du gouvernement dans les affaires de cette nature nous permet d'employer toutes sortes d'instruments comme des protocoles d'entente, des ententes définitives, une loi ou un traité.

Comme l'a dit Rick Simon, on a songé à conclure un traité solennel et permanent. À cet égard, l'un des principes sur lesquels ont insisté plusieurs chefs micmacs, c'était le désir de prévoir une aide financière dans le traité pour qu'elle soit plus importante et permanente. Le MAIN connaît les implications de la conclusion d'un traité pour le pays et, en règle générale, il refuse d'imposer aux gouvernements ultérieures des obligations financières qu'ils ne pourraient pas négocier.

Après mûre réflexion, les Micmacs ont conclu que s'ils ne pouvaient pas avoir un accord financier dans le cadre d'un traité, ils préféraient ne pas poursuivre les démarches parce qu'ils se retrouveraient dans une situation où il serait impossible de renégocier s'ils décidaient que le financement n'était pas assez élevé par rapport aux tâches à exécuter.

Au cours des négociations, la question d'un traité a été soulevée à plusieurs reprises. Il y a eu des discussions au début. La discussion de fond a eu lieu en août 1995. L'accord politique a été signé par les 13 Premières nations tout comme l'entente de principe.

Des débats accessoires se déroulaient en parallèle. Il y en avait un sur la question de savoir si les chefs approuvaient la politique du fédéral sur le droit inhérent. Plusieurs chefs n'étaient pas d'accord. Leurs avocats leur ont conseillé à l'époque de ne pas s'engager sur la base d'un droit inhérent et de ne pas approuver la politique.

• 1310

Le MAIN aurait été obligé de demander un mandat pour négocier alors un traité. Cependant, étant donné les conditions de la politique à l'époque, il ne l'a pas fait. Si jamais on voulait négocier un traité, l'article 4.4.2 de l'accord final sous «Sans restriction» se lit comme suit:

    Pour plus de certitude, aucune disposition des présentes n'empêche les collectivités participantes de conclure

      4.4.2 des traités, au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, au sujet, notamment, de l'éducation.

Cette disposition a été ajoutée à la convention pour indiquer qu'il n'y a pas de pourparlers en ce moment en vue d'un traité, mais qu'il pourrait y en avoir à l'avenir.

[Français]

M. Claude Bachand: Je voudrais savoir si les dispositions du paragraphe 4.4.2 de la convention pourraient permettre de transformer le projet de loi qui est devant nous. Si le projet était adopté tel qu'il est présentement rédigé, est-ce que vers la fin de la période quinquennale, on pourrait offrir aux chefs qui auraient eu l'occasion de mettre la loi en application pendant cinq ans la possibilité, si cela leur convient, de transformer automatiquement la convention en traité, y ayant apporté au besoin quelques ajustements? Serait-ce une démarche possible?

[Traduction]

M. John Brown: Je crois que les Micmacs veulent procéder à des discussions fondées sur l'expérience qu'ils auront acquise au cours des prochaines années. Ils veulent effectivement conclure un traité. Comme l'un des chefs l'a fait remarquer, nous avons accepté d'entreprendre des discussions sur des traités et sur leurs traités de paix et d'amitié. Il y a une longue série de pactes et de traités qui sont sacrés pour eux. Ils se méfient de toute modification apportée à ces traités, mais rien n'empêcherait la conclusion d'un traité et ce traité et ses clauses l'emporteraient sur les règles énoncées dans la convention définitive.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur le président, je ne veux pas poursuivre de façon exagérée le débat, mais je trouve qu'il est important qu'il se poursuive.

Le président: Monsieur Bachand, je crois que les réponses de M. Brown sont très intéressantes.

M. Claude Bachand: Moi aussi d'ailleurs. J'ai cru comprendre que vous disiez qu'un traité ne renferme normalement pas de dispositions relatives au financement. Est-ce qu'un traité ne pourrait pas inclure un financement annuel pendant de longues années? Il me semble que j'ai déjà vu des traités qui incluaient des indemnisations ou des dispositions financières. Est-ce possible?

[Traduction]

M. John Brown: Oui, vous avez raison. Nombre des traités numérotés dans les provinces de l'Ouest renferment des dispositions financières. Une fois que le financement est ainsi prévu dans une entente, c'est pas mal définitif. On fait une cérémonie pour le versement des paiements prévus par les traités, mais le montant est de l'ordre de cinq dollars par membre de la bande et il n'a pas changé depuis la conclusion du traité.

C'est très difficile d'incorporer dans un traité des dispositions concernant ce qui arrivera dans l'avenir, ce que seront les finances, l'orientation que prendra l'éducation, ce qui importera et combien ça coûtera. Voilà les garanties que certains chefs cherchaient à obtenir et nous avons cru qu'il était de notre devoir de les informer qu'il valait mieux ne pas incorporer des dispositions de cette nature dans un traité moderne.

[Français]

M. Claude Bachand: Merci.

Le président: Merci, monsieur Bachand. Merci, monsieur Brown.

Monsieur Earle.

[Traduction]

M. Gordon Earle: Je suis content que vous soyez de retour. Il y a eu une discussion tout à l'heure sur les articles 6 et 7 du projet de loi et sur la question des services à offrir aux membres, qu'ils habitent dans la réserve ou non. Selon le ministère, pour quelle raison la loi ne s'appliquerait-elle pas aux membres habitant en dehors de la réserve?

• 1315

M. John Brown: Le projet de loi vise un transfert de compétence. Il reconnaît que les Indiens habitant dans les réserves relèvent du ministère des Affaires indiennes. Les membres hors réserve ont droit à certains programmes en particulier, notamment au programme d'éducation postsecondaire.

Quand on a abordé les questions de compétence pour déterminer qu'est-ce qui relèverait de qui, la discussion a porté d'abord sur les résidents des réserves. N'oubliez pas que le paragraphe 4.4 n'empêchera pas les Premières nations de conclure d'autres ententes pas plus qu'il n'empêchera le Canada de passer des accords avec la Nouvelle-Écosse sur des affaires concernant l'éducation.

Dans l'esprit des Micmacs, la question est en suspens. Ils aimeraient la régler éventuellement, mais c'est une affaire extrêmement complexe. C'est une chose de contrôler le financement versé à un étudiant qui vit dans un périmètre de dix miles de la communauté, mais c'est une autre affaire que de contrôler le financement versé à un étudiant qui se trouve dans un autre ressort—peut-être un pays, une province ou une autre Première nation—qui croit être compétent.

C'est une décision compliquée. Nous croyons qu'avec le temps, nous arriverons à résoudre ces questions dans bien des cas.

Je vais vous donner comme exemple les services à l'enfance et à la famille. Nombre de ces services qui s'occupent de l'aide sociale à l'enfance ont commencé à s'occuper des problèmes des enfants dans les réserves et de leurs familles. Ils ont passé un accord avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse pour qu'il y ait consultation mutuelle dans certains cas et souvent, le travailleur social dans la réserve se charge de la prévention et même de l'intervention dans des cas difficiles en dehors de la réserve.

C'est une question très compliquée. Je pense que les chefs le savent et ils savent aussi qu'ils peuvent maintenant aller de l'avant.

M. Gordon Earle: En fait, voici ce que je me demande. Étant donné le libellé actuel du projet de loi, s'il est adopté tel quel, il n'empêchera pas la conclusion éventuelle d'accords permettant aux membres hors réserve de bénéficier des services offerts. C'est bien ça?

M. John Brown: C'est exact. Ça n'empêchera pas...

M. Gordon Earle: C'est une question qu'il faut absolument clarifier.

M. John Bryden: Ce n'est pas vrai. L'article 7 dit le contraire. Son champ d'application se borne aux résidents des réserves, mais il n'y a pas de restriction. C'est précisément ce qui ressortait des témoignages. Je préférerais avoir une opinion juridique parce que je pense que la disposition va faire obstacle à la conclusion d'ententes avec la province s'il est précisé que seuls les résidents de la réserve peuvent fréquenter les écoles dans la réserve.

M. Allan Cracower: Je voudrais bien dire quelques mots.

Au sujet de l'article 7, comme l'indique le sous-titre «Attributions de la communauté»—et j'insiste sur les attributions de la communauté dans ce contexte—on voulait être certain que quiconque réside dans un territoire d'une Première nation puisse faire ses études dans une école dans la réserve. Par conséquent, on vise non seulement les membres, mais aussi les non-membres qui résident dans la réserve.

M. John Bryden: Oui. Je comprends.

M. Allan Cracower: Donc, en fait, le paragraphe 7(1) prévoit que «dans la mesure prévue par la convention, la communauté est tenue d'offrir» et les conditions—financières notamment—sont énoncées dans la convention. Donc, la Première nation se fait imposer l'obligation d'offrir des services éducatifs et des programmes de cette nature aux résidents, qu'ils soient membres ou non de la bande.

M. John Bryden: Je saisis.

M. Allan Cracower: Cependant, ça ne vise pas le problème des non-membres ou des membres qui vivent en dehors de la réserve.

M. John Bryden: C'est très important. J'y tiens absolument. Si je comprends bien ce que vous dites, l'article 7 du projet de loi n'exclut pas la possibilité pour une communauté d'administrer son école et d'inviter des élèves de l'extérieur de la réserve à s'y inscrire, à condition de trouver le financement nécessaire.

M. Allan Cracower: C'est exact.

M. John Bryden: Maintenant, c'est clair. Je n'ai plus à m'en faire.

M. Allan Cracower: Non. D'ailleurs, votre remarque est bien fondée. On y a longuement réfléchi pendant les négociations. Comme l'a dit John Brown tout à l'heure, c'est prévu expressément au paragraphe 4.4 de la convention.

M. John Bryden: Je vois. Je ne l'ai pas sous les yeux.

• 1320

M. Allan Cracower: La clause prévoit la possibilité de passer d'autres accords avec le fédéral et la province au sujet de l'éducation en général, par exemple des ententes sur les frais de scolarité.

M. John Bryden: Alors, pour la gouverne du témoin qui vous a précédé au micro, je veux confirmer que sa crainte et la crainte de sa communauté sont sans fondement et qu'il pourra ouvrir l'école de sa réserve aux enfants de sa bande qui vivent en dehors de la réserve. C'est bien ça?

M. Allan Cracower: C'est exact, aux termes de la convention.

M. John Bryden: Et en vertu du projet de loi?

M. Allan Cracower: En vertu du projet de loi et de la convention.

M. John Bryden: D'accord.

M. Gordon Earle: Je veux être certain d'avoir bien compris parce qu'on parle des résidents de la réserve de la communauté. On parle donc de résidents dans le projet de loi, c'est-à-dire de gens qui vivent effectivement dans la réserve.

M. Allan Cracower: C'est exact.

M. Gordon Earle: Mais pour un membre de cette communauté, par exemple un membre de la bande de Membertou qui ne vivrait pas dans la réserve—ce n'est pas un résident de la réserve—est-ce que le projet de loi obligerait néanmoins la communauté à offrir le service à ce membre?

M. Allan Cracower: Non, le projet de loi ne l'oblige pas à offrir des services ou des programmes aux membres qui ne résident pas dans la réserve, mais j'insiste sur le fait qu'il ne l'empêche pas de le faire.

M. Gordon Earle: Oui.

M. John Finlay: Il n'y a pas d'exclusion; la disposition n'interdit pas d'offrir le service. Elle impose seulement une obligation de faire.

M. John Bryden: Je me suis trompé. Je suis ravi.

M. Allan Cracower: J'ajouterais, si vous permettez, que le paragraphe 5.6.4 de la convention prévoit expressément ce qui suit:

    5.6.4 Pour plus de certitude, les collectivités participantes ne sont nullement tenues d'offrir des programmes et services d'éducation

      5.6.4.1 aux membres qui ne résident pas sur une réserve [...]

M. John Bryden: J'ai besoin de cet extrait et j'ai probablement besoin de lire le texte même de la convention. Je trouve très ennuyeux de ne pas en avoir un exemplaire. Malheureusement, on pense parfois que les membres des comités n'aiment pas vraiment examiner la documentation, mais c'est faux.

Alors, où en sommes-nous?

M. Allan Cracower: Je vous lisais le paragraphe 5.6.4.

M. John Bryden: D'accord, j'ai trouvé.

M. Allan Cracower: Si vous voulez bien lire le paragraphe 5.6.4.1...

M. John Bryden: D'accord. Je m'excuse d'insister, mais ça m'intéresse énormément.

Ce que ça veut dire en fait, c'est que si le gouvernement de la Nouvelle-Écosse le décide, il peut accorder une subvention pour chaque élève qui fréquentera l'une des écoles dans la réserve. Ce n'est donc pas une obligation du gouvernement fédéral qui, lui, versera un certain montant.

C'est ça qui m'enthousiasme. Ces écoles pourraient être un centre. L'école de Sydney pourrait accueillir les enfants de toute la communauté et leur donner toutes sortes de possibilités.

M. John Brown: Tout à fait et il y a dans la région de l'Atlantique des endroits où les enfants du quartier voisin vont à l'école dans la réserve et c'est la province qui paie leurs frais de scolarité.

M. John Bryden: Bien, c'est parfait. C'était un problème qui méritait d'être discuté.

M. John Finlay: Donc, les communautés ne sont pas obligées de le faire, mais rien ne les empêche de le faire.

M. John Brown: C'est ça.

M. John Finlay: Monsieur le président, j'ai aussi une question.

Le président: M. Earle vient en premier.

Une voix: Il est au téléphone.

Le président: Il est probablement en train de vérifier le score!

M. Gordon Earle: Excusez-moi, mais notre réunion est censée être terminée depuis pas mal longtemps.

Le président: Il n'y a pas de quoi.

[Français]

Ce n'est pas grave. Les questions dont nous discutons sont importantes. Nous accueillons des témoins qui viennent de loin. Je suis très patient. Mon rôle consiste à m'assurer que tous comprennent le système. Des gens viennent de l'autre bout du pays et on ne devrait pas les entendre pendant seulement 15 minutes. On fait mieux de bien clarifier le projet de loi et de trouver des solutions. C'est mon rôle de toute façon. Je ne suis pas pressé; comme je l'ai dit, je suis prêt à rester ici jusqu'à minuit.

Monsieur Finlay.

[Traduction]

M. John Finlay: Je vais poser une question, mais je pense qu'on y a déjà répondu.

Le paragraphe 5.6.4.1 prévoit qu'exception faite de la disposition concernant le soutien aux étudiants du niveau postsecondaire, les membres de la communauté qui ne résident pas dans la réserve reçoivent une aide financière, ce qui a fait l'objet d'une question tout à l'heure au sujet de l'administration et du reste.

• 1325

Mais alors, quelle est la définition de «postsecondaire»? Je présume que ça comprend les universités, les collèges ou écoles techniques, comme Ryerson l'était à l'origine, etc. Existe-t-il une définition ou est-ce qu'on s'en tient au sens courant?

M. John Brown: Il y a une définition dans la convention définitive et cette définition se lit comme suit...

M. John Finlay: Où est-elle?

M. John Brown: C'est à l'article des définitions, au début de la convention.

Il est écrit «soutien aux étudiants du niveau postsecondaire»—et c'est le programme fédéral—:

    Le programme administré sur les réserves pour offrir aux étudiants une aide financière en matière d'éducation, y compris les services d'orientation offerts par les bandes de Micmacs aux membres qui poursuivent leurs études dans des établissements postsecondaires.

L'application de cette définition par le fédéral a un double objet. Premièrement, si une institution dans une province est réputée être un établissement postsecondaire par l'office de l'enseignement supérieur ou l'organisme compétent dans la province, elle est considérée comme une école postsecondaire. Ça comprend généralement tous les cours de plus d'une année au bout desquels un diplôme ou un certificat est décerné.

Il y a des zones grises.

M. John Finlay: Oui, bien entendu.

M. John Brown: Il y a un autre programme fédéral administré par Développement des ressources humaines Canada, qui vise la formation professionnelle et, souvent, il est difficile de les départager pour déterminer quel programme est responsable.

Grâce à la Loi sur l'éducation des Micmacs, les bandes espèrent pouvoir négocier avec Développement des ressources humaines Canada pour offrir toute la gamme des programmes, une fois qu'on aura précisé ce qui constitue de la formation professionnelle et ce qui est une institution postsecondaire.

M. John Finlay: Merci beaucoup.

J'ai une dernière question. Je ne le croyais pas quand je l'ai lu et quand on me l'a dit, et c'est écrit à la dernière page du mémoire de Mme Johnson: «Pourquoi le projet de loi a-t-il été classé SECRET jusqu'à sa présentation au Parlement?»

M. John Bryden: C'est normal.

M. John Finlay: Je ne sais pas ce que ça veut dire.

M. John Bryden: Tous les documents sont secrets avant la première lecture. C'est la procédure de la Chambre des communes qui veut ça.

M. Allan Cracower: C'est exact. Tant qu'un projet de loi n'est pas déposé, ce n'est pas un document public et par conséquent, il est coté secret.

M. John Bryden: C'est la procédure normale de la Chambre des communes.

M. John Brown: Néanmoins, tant la loi fédérale que la loi provinciale ont fait l'objet de longues discussions, à l'étape de l'ébauche, avec l'équipe de négociation, les chefs et leurs conseillers. On s'était engagé—ce qui n'est pas nécessairement habituel—à le faire dans la convention définitive et le gouvernement fédéral comme le gouvernement provincial ont respecté ça.

Donc, les diverses ébauches du projet de loi ont été remises aux intéressés, il y a eu des discussions et de nombreux débats sur le libellé, etc. C'est seulement à partir du moment de l'impression du texte définitif jusqu'à la présentation à la Chambre des communes que le projet de loi peut être coté secret. Mais les documents ont été largement diffusés à l'étape de l'ébauche.

M. John Bryden: Si vous permettez, monsieur le président, je voudrais avoir des précisions parce que ça doit absolument être clair dans le compte rendu. L'ébauche de tout projet de loi, y compris les projets de loi d'initiative parlementaire, sont secrets jusqu'à leur présentation en première lecture au Parlement, même si le contenu est connu. C'est seulement la version préliminaire qui est secrète afin de permettre au parrain du projet de loi de faire des corrections avant la première lecture. C'est la procédure normale.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bryden et monsieur Finlay.

Est-ce que vous avez une dernière question?

M. Gordon Earle: Non, je n'ai pas d'autres questions. Merci.

Le président: Merci à vous tous, à nos amis les chefs mi'kmaq, aux personnes qui sont venues témoigner et aux fonctionnaires. Ce fut une excellente journée de travail. Ce fut très intéressant pour nous tous. Merci de votre présence à notre réunion.

• 1330

Je vous remercie de votre présence et de nous avoir fait connaître ce beau coin de pays où vit un excellent peuple, celui de nos amis les Mi'kmaq. Continuez d'exercer vos revendications au niveau fédéral. Vous serez toujours les bienvenus devant notre comité. Surveillez-nous. Venez nous voir et vous serez acceptés.

Merci beaucoup. Bonne journée à tous.

La séance est levée.