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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 23 avril 1998

• 1114

[Français]

Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur le développement économique autochtone.

Aujourd'hui, nous accueillons comme témoins Mme Mary Jane Jim-Cant, vice-chef régional du Yukon, et M. Dale Booth, directeur du développement économique, Assemblée des Premières Nations. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous sommes très heureux que vous soyez parmi nous ce matin. Je crois que vous avez une déclaration d'ouverture à faire.

• 1115

[Traduction]

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant (vice-chef régionale, Yukon, Assemblée des premières nations):

[La témoin parle dans sa langue autochtone]

Je m'appelle Dak wa ül. Je porte également un autre nom, Nnë che ne chea. Je suis Southern Tutchone et Tlingnit du Yukon. Je suis également membre de la Première nation Champagne Aishihik. Je m'adresse à vous au nom de l'Assemblée des premières nations en ma qualité de vice-chef représentant le Yukon.

J'aimerais vous remercier, monsieur le président, d'avoir invité l'APN à s'adresser au comité permanent. Nous espérons avoir d'autres occasions comme celle-ci de parler de questions qui intéressent les Premières nations. Plus particulièrement, nous aborderons aujourd'hui les questions de développement économique des Premières nations.

J'aimerais aborder les points suivants: la situation économique des Premières nations au Canada; la nécessité d'un partenariat renouvelé à l'intérieur duquel les Premières nations seraient des partenaires à part entière; et la préparation de nos Premières nations à la prochaine génération et au nouveau millénaire.

Je doute que quiconque ici autour de cette table ait été surpris d'entendre que la situation économique des Premières nations au Canada est consternante. Si j'en juge par les procès- verbaux et témoignages des séances antérieures du Comité, je ne crois pas que ce soit une surprise que l'on ait entendu de telles déclarations.

Le chef national de l'Assemblée des premières nations, Phil Fontaine, a dit que la clé pour accéder à l'autonomie gouvernementale réside dans le développement économique, et que l'Assemblée des premières nations s'emploie à en faire l'une de ses principales priorités.

Pour ce qui est des initiatives «Rassembler nos forces» et du «Plan d'action», l'APN s'engagera sur la voie du développement économique compte tenu des lignes directrices de ce plan—faisant ainsi du développement économique une priorité. Comme vous le savez, la situation économique de bon nombre de nos collectivités est inférieure à la moyenne canadienne. Les Premières nations sont sous-représentées chez les propriétaires et les exploitants d'entreprises canadiennes au pays.

Il existe un énorme écart de revenu entre les représentants des Premières nations vivant dans les réserves et les Canadiens non autochtones. En 1991, le revenu moyen d'un non-Autochtone était de 24 000 $ par année, tandis que celui d'un Autochtone était de 14 000 $ par année, et l'écart continue de s'élargir.

Le taux de chômage moyen chez les Premières nations est d'environ 25 p. 100, et dans certaines localités éloignées, il tourne autour de 90 p. 100, et cela peut être vrai au Yukon. La dépendance à l'égard de l'aide sociale atteignait 42 p. 100, et ce en 1991.

Ces chiffres correspondent à la réalité de la majorité de nos collectivités, et ils ne donnent pas vraiment une idée de l'ampleur de la misère qui les afflige quotidiennement. Les niveaux de chômage chez les peuples autochtones ne sont pas, et ne seront jamais, de nature à servir les intérêts sociaux ou économiques des Canadiens.

Au moment où nous parlons de cette situation consternante, il y a des exemples d'entreprises des Premières nations partout au Canada qui réussissent et qui valent qu'on les mentionne. Un de ces exemples est le conseil tribal de Meadow Lake, qui dirige une exploitation forestière générant des revenus de 60 millions de dollars par année. La société Cree Construction est une florissante entreprise autochtone dont les produits sont exportés à l'échelle internationale. Il y a aussi la coentreprise formée récemment par trois Premières nations de la Saskatchewan, soit celles de Peter Ballantyne, Montreal Lake et Lac La Ronge, et Weyerhaeuser pour mener à bien la construction d'une scierie de 22 millions de dollars.

La société Kitsaki Development s'est associée à Trimac et à dix autres Premières nations et collectivités métisses pour former une coentreprise du nom de Northern Resource Trucking Limited. Le partenariat a vu le jour en 1986. Cette entreprise transporte toutes les marchandises destinées aux mines du nord de la Saskatchewan. Ses ventes annuelles ont atteint 24 millions de dollars et elle emploie 135 personnes.

Il y a lieu de se demander pourquoi, suite à tout cela, ces collectivités et entreprises des Premières nations réussissent alors que la majorité des Premières nations vivent dans des conditions intolérables. De toute évidence, il existe des différences entre ces collectivités. Ce sera notre tâche de trouver ces différences et de fournir aux collectivités les ressources dont elles ont besoin pour pouvoir contribuer à l'économie canadienne.

• 1120

Nous avons posé à ces collectivités les questions suivantes: de quels outils ont besoin leurs collectivités? Comment élargissons-nous leurs perspectives commerciales à l'intérieur du contexte économique traditionnel et nouveau? Quelles compétences et capacités peuvent être transférées à leurs collectivités? Comment favorisons-nous l'autonomie des entreprises dans leurs collectivités? À quelles ressources leurs collectivités doivent- elles avoir accès? Comment créons-nous un environnement de nature à favoriser le développement économique des Premières nations?

Pour pouvoir accorder à ces questions et à d'autres semblables toute l'attention qu'elles méritent, un partenariat véritable et global doit s'établir avec les collectivités des Premières nations afin de déterminer quels sont leurs besoins en matière de développement économique et d'être ainsi en mesure de trouver de véritables solutions aux problèmes du chômage, de la pauvreté et de la dépendance.

L'accent doit être mis principalement sur ce que les Premières nations n'ont pas, et c'est l'accès aux capitaux, l'accès aux ressources, l'accès aux marchés et l'accès à la capacité. Nous ne ferons aucune concession dans notre quête de réponses à ces questions, puisque l'amélioration de la situation des Premières nations en dépend.

Pour ceux et celles d'entre vous qui ont entendu parler de la Commission royale sur les peuples autochtones, il a été question du coût de l'inaction, et il est très élevé. En 1996, il atteignait à lui seul 7,5 millions de dollars, et d'ici à l'an 2016, il grimpera à 11 millions de dollars. Le statu quo n'est pas une solution. L'aggravation de la situation économique des Autochtones exige une intervention proactive. Il faut investir maintenant du temps, des ressources et de l'argent pour éviter que les prévisions ne se réalisent.

Les différents ministères fédéraux offrent à l'heure actuelle toute une gamme de programmes de développement économique—dont vous avez sûrement entendu parler lors des audiences antérieures du Comité. L'un des principaux obstacles posés par ces programmes réside dans leur manque de coordination. Ainsi, le MAINC, l'EAC et les organismes régionaux comme l'APECA et FedNor ont tous des programmes d'équité à l'intention des entreprises autochtones, dont l'application repose à peu près sur les mêmes critères. Des efforts doivent être faits pour faciliter l'accès à ces programmes.

En outre, le financement de ces programmes est insuffisant, surtout si l'on considère que nous dépensons près de 1 milliard de dollars annuellement pour l'aide sociale, mais à peine 100 millions de dollars par année pour le développement économique. Notre espoir est un jour d'inverser ces chiffres.

Les ministères fédéraux responsables du développement économique des Premières nations et offrant actuellement des programmes de développement économique, ont pris conscience du manque de coordination ou de liens entre ces programmes. D'après ce que nous entendons, afin de remédier à ce problème, le gouvernement fédéral, à l'initiative conjointe du MAINC et d'Industrie Canada- EAC, serait apparemment en train d'élaborer des stratégies fédérales de partenariat en matière de développement économique autochtone, dont l'essentiel porte précisément sur ces questions.

L'Assemblée des premières nations insistera pour que toute stratégie visant à améliorer les conditions économiques des Premières nations prévoie une coordination de l'intervention fédérale en matière de développement économique autochtone, c'est- à-dire une coordination des ressources affectées à la résolution de ce problème.

Il importe de plus que les Premières nations soient parties prenantes dans l'application de cette stratégie, puisque sans elles il n'y a pas de partenariat possible. Par ailleurs, l'Assemblée des premières nations établira une stratégie de développement économique afin de pouvoir participer à part entière à la mise en oeuvre du plan d'action.

Ce nouveau partenariat ne s'adresse pas seulement aux gouvernements. Le secteur privé, principalement les banques et les institutions financières, y a aussi un rôle à jouer. Il y a des banques, notamment la Banque Royale, qui sont conscientes de cette responsabilité et prennent certaines mesures concrètes pour aider les Premières nations en organisant, par exemple, des conférences comme celle intitulée «Le coût de l'inaction».

Avec les profits records qu'elles réalisent, les banques pourraient peut-être contribuer à régler une partie des problèmes d'accès aux capitaux auxquels font face les Premières nations. Le chef national prendra en outre la parole demain à l'occasion de la conférence de Toronto sur le renouveau économique. Cette conférence réunit bon nombre d'entreprises du secteur privé pour discuter des questions touchant le développement économique des Premières nations.

Il faut que l'on prenne conscience que l'amélioration des conditions économiques des Premières nations touche l'ensemble du Canada. Elle ne se limite pas seulement aux gouvernements. Elle touche tout le monde. C'est pourquoi nous exhortons le plus grand nombre possible d'intervenants à faire leur part pour remédier à la situation actuelle.

• 1125

Il y a la nécessité d'un changement et d'un nouveau partenariat. L'Assemblé des premières nations et les autres membres du partenariat doivent chercher activement une façon de relever les défis économiques actuels. L'Assemblée des premières nations adoptera un énoncé de mission semblable à celui proposé ci- dessous—je dis semblable à celui ci-dessous parce qu'il ne s'agit en fait que d'une ligne directrice à ce moment-ci. Nous ne l'avons pas encore adopté.

Premièrement, l'Assemblée des premières nations s'engage à promouvoir et encourager la création de partenariats et de coentreprises entre les entreprises autochtones et les sociétés canadiennes en général. C'est en s'alliant stratégiquement avec les milieux d'affaires internationaux et canadiens établis que les entreprises autochtones deviendront vraiment concurrentielles et seront en mesure de soutenir la création d'emplois et de richesses dans leurs collectivités.

Deuxièmement, l'Assemblée des premières nations s'engage à veiller à l'adoption de mesures pour accroître la richesse des collectivités, améliorer l'accès aux capitaux à risque et de démarrage, faire en sorte que l'emploi chez les Autochtones atteigne la moyenne nationale et stimuler le développement commercial pour les collectivités des Premières nations.

Troisièmement, l'Assemblée des premières nations s'engage à devenir un chef de file auprès du gouvernement fédéral dans le cadre de l'initiative «Rassembler nos forces», faire en sorte que tous les ministères et programmes fédéraux comprennent les priorités et besoins des Premières nations en matière de développement économique et que les futurs programmes fédéraux tiennent compte de ces besoins et aspirations.

Quatrièmement, l'Assemblée des premières nations s'engage à faire en sorte que tous les membres des collectivités autochtones jouissent d'un accès égal aux outils de développement économique et commercial afin de permettre à nos collectivités autochtones d'être des partenaires à part entière dans l'économie canadienne et de se préparer au prochain millénaire.

Le succès de toute nouvelle mesure dépend de la représentation égale des partenaires. Si vous avez suivi les actualités, vous serez à même de savoir ce qui arrive lorsque l'on omet de consulter les collectivités au sujet des questions de développement économique. Diashowa subit maintenant les conséquences de la résistance manifestée par la nation Lubicon. La prospérité de tout le pays est et a été édifiée sur le dos des Premières nations. Cela doit cesser. Et les Premières nations n'y ont pas participé et n'ont pas vu leurs droits reconnus. L'exploration et la mise en valeur des ressources ont généré des billions de dollars sans que les Premières nations n'aient droit à leur part. Il faut que cela cesse.

Le chef national a passé beaucoup de temps à discuter de partenariat avec le gouvernement et le secteur privé. Pour que ce partenariat fonctionne, il doit reposer sur les principes suivants: il doit être fondé sur la confiance et l'égalité; il doit être accessible à toutes les collectivités et à tous les peuples; il doit permettre aux Premières nations d'avoir leur mot à dire dans le partenariat pour qu'il ait une crédibilité; et il doit être permanent, croissant et dynamique.

Le Canada se prépare lui-même au prochain millénaire en adoptant de nouvelles mesures comme le fonds des bourses du millénaire. Nous aussi devons nous préparer au prochain millénaire.

Dans un avenir pas si lointain, on devra créer 300 000 nouveaux emplois. C'est ce qu'estime la commission royale. Pour relever ce défi, nous devons faire preuve de créativité. Les collectivités des Premières nations doivent pouvoir participer à l'économie mondiale. Il faut poursuivre le travail pour établir l'assise économique actuelle afin de l'étendre non seulement aux marchés nationaux, mais aussi aux marchés internationaux.

Les collectivités autochtones, en raison de leur éparpillement sur le vaste territoire canadien, interviennent dans une foule de projets et de secteurs économiques différents. Elles sont déjà présentes dans les secteurs suivants: commerce international, tourisme et écotourisme, mines dans le Nord, forêts et pêches. La plupart des entreprises fonctionnent toutefois à petite échelle et ont besoin d'être aidées. La création d'un nouveau climat et d'un nouvel environnement s'impose et l'Assemblée des premières nations est déterminée à faire ce qu'il faut pour y arriver.

En conclusion, j'exhorte le comité permanent à donner la plus vaste portée possible à son étude. Peut-être souhaiterez-vous entendre le témoignage des représentants de Ressources naturelles Canada, de Développement des ressources humaines Canada, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et du ministère des Affaires étrangères pour voir comment leur intervention pourrait s'inscrire dans la mise en oeuvre d'une stratégie visant à s'attaquer à ces problèmes.

• 1130

Tous les partenaires doivent adopter une démarche dynamique et énergique pour faire en sorte d'améliorer radicalement les conditions économiques. Des mesures doivent être prises pour empêcher que l'un des pays les mieux nantis au monde ne continue à abriter un tiers monde à l'intérieur de sa frontière.

Je pense que tout le monde s'entend sur la nécessité d'un changement positif. L'aide sociale doit faire place au développement économique et à l'emploi. Pour que ce changement se concrétise, il faut établir un partenariat entre les Premières nations, tous les ordres de gouvernement et le secteur privé. Seul l'établissement d'un tel partenariat nous permettra d'offrir une meilleure vie aux sept prochaines générations et d'entamer le prochain millénaire du bon pied.

Au nom de l'organe exécutif de l'Assemblée des premières nations et du chef national, je vous remercie de nous avoir accordé votre attention.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, madame. Nous allons céder la parole à M. Dale Booth.

[Traduction]

M. Dale Booth (directeur du développement économique, Assemblée des premières nations): Monsieur le président, à la page 4 de notre mémoire, à la première ligne qui commence par «La Commission royale sur les peuples autochtones...»—c'est milliard et non million qu'il faudrait lire. C'est mon erreur, je m'en excuse.

[Français]

Le président: Je vous remercie d'avoir apporté cette précision. Je suis impressionné par votre déclaration, madame; votre intervention a très bien ciblé ce qu'on veut entendre de nos amis autochtones.

Nous allons passer à un premier tour de questions en commençant par M. Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Merci.

Merci de votre mémoire. J'aimerais prendre quelques instants pour me présenter. Je m'appelle Derrek Konrad. Tel que nous l'a dit notre président, je suis le porte-parole adjoint du Parti réformiste des Affaires indiennes du Nord et coprésident, de l'opposition, du présent comité. Donc, je suis extrêmement concerné par ce qui se dit ici.

À la page 2, une grande partie de ce que vous décrivez se passe dans ma circonscription, ou tout près. Je viens de Prince Albert, et c'est une bonne chose de voir que ça bouge en Saskatchewan.

J'aurais quelques questions. Je ne sais pas de quelle façon vous répondez à ceci, mais quand vous avez des réserves dans des régions non économiques—je suis un arpenteur-géomètre de métier, et j'ai donc visité un bon nombre de localités éloignées—comment vous proposez-vous de donner à ces gens du travail alors qu'il n'y a essentiellement qu'une seule route pour y aller ou en revenir? Pour amener les produits sur le marché, vous n'avez besoin que d'une industrie du camionnage. L'accès par la voie des airs est probablement minime et il n'y a aucune voie ferrée. Quel est votre plan à cet égard?

M. Dale Booth: Je peux répondre à cette question.

Premièrement, à la fin de notre mémoire, nous avons dit que nous exhortions le Comité à donner la plus vaste portée possible à son étude. Par exemple, Ressources naturelles Canada produit un avenir de la mise en valeur des ressources. Je crois que vous seriez agréablement surpris de voir cette carte transparente sur une carte des collectivités autochtones pour constater où la mise en valeur des ressources va se produire. Un grand nombre de collectivités se trouvent en plein milieu de ces secteurs prévus de mise en valeur future des ressources. Je crois que grâce au partenariat et que grâce à cette nouvelle relation, on peut répondre à des questions telles celle-ci.

Mais c'est tout de même une très bonne question. Que faisons- nous? Ce serait là le programme du partenariat—trouver des solutions.

M. Derrek Konrad: À court terme, cela semble intéressant. Cependant, si on considère le plus long terme, les mines ont tendance à s'épuiser, comme vous le savez sans doute. Un certain nombre de collectivités qui avaient été créées à cette fin... Je pense en particulier à Uranium City en Saskatchewan, qui a été une ville en pleine expansion pendant un certain temps et qui s'est ensuite défendue tant bien que mal et qui est maintenant à toutes fins pratiques disparue, si ce n'est quelques personnes qui refusent de quitter la région, et elles ont beaucoup de difficultés à obtenir les ressources dont elles ont besoin pour faire quoi que ce soit.

Y a-t-il un plan qui va au-delà du très court terme?

• 1135

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant: Je pense que dans une certaine mesure, en ce qui concerne le Yukon, nous vivons certainement ce même scénario dans le cas de la fermeture de la mine Faro. Une panique considérable s'est installée au sujet de la situation économique qui en résulte au Yukon. Cependant, d'autres mines ouvrent, et à mesure que ces autres mines ouvrent, nous envisageons de créer des partenariats avec les Premières nations dans leur territoire traditionnel afin de créer la capacité pour les Premières nations d'être des intervenants dans ces secteurs. Et peut-être que le prochain geste, à l'approche du nouveau millénaire, portera sur la création d'une capacité dans les régions respectives.

Il est évident que les mines ne sont pas l'élément d'avenir; en fait, selon les tendances à l'échelle internationale, il est bien évident que l'exploitation minière, en particulier dans le Nord, est une entreprise à risque.

Il y a d'autres possibilités en ce qui concerne le développement économique que les premières nations doivent envisager, notamment l'écotourisme et l'établissement d'entreprises traditionnelles fondées sur la connaissance, ainsi que des entreprises fondées sur la nouvelle technologie, la technologie d'aujourd'hui. Nous devons créer une capacité afin de pouvoir devenir des partenaires égaux dans ces entreprises.

Lorsque vous considérez ce qui se passe dans le Nord en matière de développement, les Premières nations qui vivent dans ces régions ont élaboré un protocole d'entente relativement à l'exploitation pétrolière et gazière. Nous préparons en ce moment un protocole d'entente pour ce qui est de la mise en valeur des forêts. Au cours des prochains mois, il sera question de mise en valeur durable des ressources. Nous prévoyons en fait une grande conférence en mai sur le développement durable.

Il ne fait donc aucun doute que les défis sont là pour nous et que nous avons besoin de créer ces partenariats; nous devons nous concerter et nous attaquer ensemble à ce développement.

M. Derrek Konrad: Un des points dont nous avons parlé dans ce mémoire, sauf erreur, c'est la coordination:

    Par ailleurs, l'Assemblée des premières nations établira une stratégie de développement économique [...]

Je suppose qu'il serait question de coordination. J'ai d'ailleurs soulevé ce sujet hier et j'en reparle encore aujourd'hui. Il y a le MAINC, l'APN, la FSIN, et, dans la région, le Conseil tribal de Prince Albert, en plus de la bande et des individus. Cela représente un grand nombre de personnes avec lesquelles le gouvernement fédéral doit discuter, et ce à tous les paliers.

Savez-vous s'il y a beaucoup de chevauchements dans ce domaine? Et si c'est le cas, que fait-on pour éviter qu'on dépense de l'argent sur la partie bureaucratique, et qu'on investisse cet argent dans des emplois réels productifs?

M. Dale Booth: Votre question a rapport au partenariat et à la nécessité d'une coordination entre les différents partenaires. Est- ce bien votre question? Et lorsque vous entreprenez une tâche aussi considérable, comment vous assurez-vous qu'il y a représentation égale sans entreprendre une étude tellement vaste qu'en fin de compte rien ne se fait? Est-ce bien le sens de votre question?

M. Derrek Konrad: En fait, je me demande si on ne fait pas deux ou trois fois, à des niveaux différents, la même chose lorsque vous avez affaire à un si grand nombre de paliers. Le Vérificateur général vient de publier son rapport sur les soins de santé et il semble qu'il y a un grand nombre de programmes qui visent le même objectif. Il y a un manque de coordination. Et j'essaie de savoir comment cela se passe dans le domaine du développement économique et s'il y a beaucoup de chevauchements dont vous êtes au courant.

M. Dale Booth: Ce serait là une de nos recommandations, essentiellement...

M. Derrek Konrad: De rationaliser les choses?

M. Dale Booth: ... de réunir à la table, avec les Premières nations, les ministères qui ont une responsabilité dans le domaine du développement économique et qui ont des programmes de développement économique destinés aux Autochtones afin de trouver une façon de mieux coordonner la dépense des fonds.

M. Derrek Konrad: Avez-vous l'impression qu'il y a un manque de coordination, que divers ministères et divers groupes autochtones se chevauchent et que l'argent n'est pas tellement consacré à son objectif premier? Et nous continuons d'avoir un taux de chômage élevé.

• 1140

M. Dale Booth: Je ne sais pas si j'irais jusqu'à dire qu'il y a de l'argent qui n'est pas totalement consacré à la création d'un projet commercial, par exemple. Si vous préparez un projet commercial et qu'il répond aux critères des programmes des Affaires indiennes et du Nord ainsi que d'EAC, vous devez vous rendre dans ces différents endroits. Il pourrait y avoir un élément de DRHC. Il pourrait y avoir un élément de développement commercial qui relève des Affaires indiennes, il pourrait y avoir de nombreux éléments différents qui vous donnent accès à différentes sources de financement. Vous devez consacrer beaucoup de temps à cette tâche, à vous préparer. Vous devez vous asseoir avec DRHC et négocier; puis vous devez rencontrer les gens d'EAC et discuter avec eux; puis vous devez vous rendre au MAINC et discuter avec ces gens-là également. Si tout cela était bien coordonné, vous n'auriez qu'une seule porte à ouvrir. Pour faire cela, il faut de l'argent, pour la personne...

M. Derrek Konrad: C'est l'argent qui disparaît et dont je parle. Nous bureaucratisons tout cela à l'extrême et il n'en résulte que de la frustration, aux deux extrémités.

M. Dale Booth: Mais je pense que la stratégie de partenariat envisagée par... Je crois comprendre que vous avez entendu le témoignage du sous-ministre adjoint Williams hier...

M. Derrek Konrad: C'est exact.

M. Dale Booth: ... et ainsi que celui de Bob Dickson.

On demande à ce qu'il y ait une meilleure coordination à l'égard de ces programmes. Nous serions bien heureux de faire partie de cette coordination afin de nous assurer que les entreprises autochtones n'ont pas à dépenser leur argent pour voyager d'un bout à l'autre de la région à essayer de réunir les capitaux nécessaires pour démarrer leurs entreprises.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Perron.

M. Gilles-A. Perron (Saint-Eustache—Sainte-Thérèse, BQ): Je m'appelle Gilles Perron et je vous souhaite la bienvenue à Ottawa.

Le président: Monsieur Perron, M. Dale Booth parle très bien français.

M. Gilles Perron: Très bien. Bonjour, monsieur Booth.

Dans votre mémoire, vous parlez des relations fédérales-autochtones. On sait que chacune des provinces canadiennes a mis sur pied des programmes d'aide au développement économique pour son territoire. Avez-vous établi des liens avec ces instances et élaboré des plans d'action avec elles?

[Traduction]

M. Dale Booth: Si vous n'avez pas d'objection, j'aimerais répondre en anglais.

M. Gilles Perron: Pas du tout.

M. Dale Booth: Oui, la façon dont nos administrations provinciales et territoriales participeraient à la stratégie n'a pas été abordée dans notre mémoire. Cependant, le chef national a rencontré des dirigeants provinciaux ou est sur le point de le faire sur divers sujets et, étant donné que le développement économique est l'une de ses grandes priorités, je suis convaincu que c'est l'un de sujets qui seront abordés.

Je sais qu'il y a deux ou trois semaines, je crois, le ministre Chevrette a fait l'annonce d'un nouveau programme d'infrastructure et de développement économique qui est offert par le gouvernement du Québec. Je crois comprendre qu'il y a également un projet en Ontario qui s'appelle au nord du 51e, et qui devrait examiner diverses questions liées au développement d'entreprises et à la mise en valeur de ressources qui touchent la région de l'Ontario au nord du 51e.

Nous sommes au courant de certaines de ces initiatives, et oui nous voulons en faire partie. Nous aimerions que les provinces en fassent partie. Elles devraient en faire partie et nous allons les inviter à cet effet. À la fin de l'exposé de la vice-chef Jim-Cant, nous demandons que l'on donne aux diverses études la plus vaste portée possible. Il s'agit d'un défi à la grandeur du Canada qu'il faut relever.

[Français]

M. Gilles Perron: Vous me permettez de poser une autre question, monsieur le président?

Le président: Oui, vous en avez le temps, monsieur Perron.

M. Gilles Perron: Vous allez sûrement me le permettre puisque je vais parler de votre région.

Dans votre mémoire, vous disiez que les Cris du nord du Québec étaient une tribu qui s'était vraiment développée. Croyez-vous que cette réussite, comme vous semblez vouloir le démontrer, est attribuable à la signature, il y a quelques années, de la Convention de la Baie James, qui visait à établir une relation et à assurer le développement régional en misant sur la contribution de chaque groupe? Quel a été le rôle de la Convention de la Baie James dans le développement des Cris, de Air Creebec et de la Cree Construction Company?

• 1145

[Traduction]

M. Dale Booth: Je ne suis pas vraiment certain de l'incidence que cela a eue. Ce serait... Je ne sais vraiment pas de quelle façon cela a eu une incidence.

Ce dont je suis certain au sujet de la Cree Construction Company et de Air Creebec, c'est que ce sont des entreprises florissantes, et nous les utilisons à titre d'exemples pour illustrer des entreprises autochtones qui prospèrent. De toute évidence, nous avons des choses à apprendre de ces entreprises prospères, et nous voulons utiliser ce que ces personnes ont appris et la façon dont elles traitent leurs affaires et nous voulons transférer cette capacité aux collectivités moins bien nanties et aux entreprises autochtones moins prospères.

Mais en ce qui concerne l'incidence de l'accord de la baie Jame, monsieur, je ne sais pas quelle a été son incidence.

[Français]

M. Gilles Perron: Vous savez qu'à la suite de cette entente, des autochtones formés par Hydro-Québec dirigent des centrales hydroélectriques. C'est un atout. Si ma mémoire est bonne, on poursuit toujours des discussions sur un projet de centrale hydroélectrique strictement contrôlée et construite par des autochtones du Grand Nord.

Une autre partie de votre mémoire qui m'a intéressé est celle qui porte sur les banques à charte, lesquelles, comme on le sait tous, font sûrement de bons profits. Quelle réception vous réservent-elles et quels contacts entretenez-vous avez elles? Sont-elles intéressées à vous suivre et à investir du capital de risque dans vos projets?

[Traduction]

M. Dale Booth: Nous avons abordé ce point dans notre mémoire parce qu'il y a des banques, notamment la Banque Royale, qui en fin d'année dernière ont mis sur pied un symposium de concert avec le Comité de l'avancement des agents du développement autochtone. Il s'agissait d'un forum sur le coût de l'inaction. Ces organismes sont intéressés à examiner les différentes questions.

De plus, la Banque Royale a participé à un projet que nous voulons mettre de l'avant, un conseil économique des Premières nations, dans le cadre duquel les gens d'affaires se réuniraient et parleraient des besoins des entreprises des Premières nations et des besoins en matière de développement économique des Premières nations.

Je suppose que ce que nous attendrions normalement des banques, ce serait d'explorer les questions d'accès aux capitaux. Il y a un grand nombre de questions en ce qui concerne l'accès aux capitaux, notamment l'article 89 et les problèmes liés aux hypothèques et à différents aspects de ce genre. Il est très difficile pour les collectivités et les entreprises autochtones d'amasser du capital de risque, de sorte que nous nous tournons vers les banques pour nous aider avec ces aspects et nous donner des solutions créatrices à l'égard de certaines questions, de rendre l'accès aux capitaux plus facile que ce l'est actuellement pour les collectivités et entreprises autochtones.

[Français]

M. Gilles Perron: Merci, monsieur le président. Je pourrais continuer à jaser toute la matinée, mais je vais laisser à d'autres la chance d'intervenir.

Le président: Merci, monsieur Perron. Vous faites bien cela.

Monsieur Earle.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Tout d'abord, j'aimerais féliciter l'APN pour cet excellent exposé. Vous avez abordé un grand nombre de questions qui sont importantes pour le développement économique.

• 1150

À la page 5 de votre mémoire, vous indiquez à quel point il est important d'établir des partenariats stratégiques avec les milieux d'affaires internationaux et canadiens. Je suis d'accord que c'est très important. Compte tenu de cet énoncé, je me demande ce que vous penseriez de la question actuellement débattue au Nouveau-Brunswick, où la cour d'appel a renversé le jugement d'une cour inférieure en ce qui concerne l'industrie forestière et le droit des peuples autochtones d'abattre des arbres sur les terres publiques. Est-ce que l'APN a eu une implication directe avec le milieu des affaires, avec ces compagnies forestières, au sujet de la possibilité de partager cette ressource de façon à éviter toute nouvelle confrontation, soit avec les tribunaux, soit autrement?

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant: En ce qui concerne cette question précise, l'APN veut respecter la compétence des régions en ce qui a trait aux déclarations et questions politiques. À moins qu'elle reçoive une demande expresse d'élaborer un protocole ou d'amorcer des travaux ensemble, l'APN respecte la compétence de ces régions. Jusqu'à maintenant, on ne nous a pas demandé de donner notre appui ou d'intervenir de quelque façon que ce soit. Cependant, je pense que si on nous en faisait la demande, nous serions prêts à le faire. Merci.

M. Gordon Earle: Merci.

Ma deuxième question porte à nouveau sur le partage des ressources. J'ai soulevé cette question lors de la dernière réunion du comité relativement à l'industrie minière. On a mentionné l'industrie minière aujourd'hui, et je vais donc poursuivre de ce côté. Bien souvent, lorsqu'il est question de l'industrie minière, les résultats que nous voyons de la part d'une entreprise qui s'installe dans une région et entreprend une exploitation minière, c'est qu'il y a de l'emploi ou, comme l'a mentionné mon collègue, peut-être comme dans le cas du barrage, la centrale hydroélectrique, les gens obtiennent une formation et finissent par occuper certains postes. Ce que je considérerais encore plus important dans le cas de l'industrie minière, ce serait le partage réel des redevances et de la richesse continue qui provient de ces industries, plutôt qu'uniquement l'effet secondaire des emplois. Est-ce que l'APN a examiné cette question particulière en fait de développement économique, de la façon qu'il pourrait y avoir un partage plus équitable de la véritable richesse due à ces ressources, les profits, plutôt qu'uniquement l'effet secondaire des emplois et de la formation?

M. Dale Booth: Je dois vous dire également que l'Assemblée des premières nations, depuis le 1er avril, a mis sur pied le secrétariat du développement économique. Nous sommes en train d'élaborer nous-mêmes des stratégies, et ces stratégies seront examinées par notre exécutif. Nous devons examiner des documents valides d'entente en matière de retombées et d'impact pour que les Premières nations puissent tirer parti de ces projets de mise en valeur des ressources, et non seulement obtenir des emplois dans le domaine de la construction, mais aussi, comme vous le dites, profiter des entreprises dérivées dans le cas d'une importante exploitation minière ou d'une importante exploitation forestière. Je pense donc que c'est un aspect qu'il nous faut absolument examiner.

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant: Si je peux me permettre, pour ce qui est des ententes en matière de retombées et d'impact et des questions de compétence, je crois que la création de partenariats est et a été le résultat de certaines causes sur les droits terriens qui ont été entendues un peu partout au pays, la cause Delgamuukw n'étant pas la moindre, et qui vont créer des précédents en fait de compétence pour ce qui est du territoire traditionnel des Premières nations. Malheureusement, il nous a fallu avoir ces causes pour appuyer nos travaux d'élaboration d'ententes en matière de retombées et d'impact et les questions de redevance. Comme je l'ai dit plus tôt, Industrie Canada n'a pas été très aimable à l'endroit des Premières nations pour ce qui est du développement, et a de toute évidence ignoré les questions autochtones par le passé, à tel point que les Premières nations n'ont pu se développer économiquement de façon égale.

• 1155

C'est évidemment le cas du Yukon où nous avons la mine Faro, qui est en exploitation dans un rayon de 50 milles d'une première nation, et cette première nation n'a reçu aucune redevance ni aucune retombée de la mine jusqu'à tout récemment, et dans ce cas précis les retombées étaient dans le secteur de l'emploi et de la formation professionnelle. Et maintenant que la mine est fermée, la première nation en question est dans une situation de chômage très précaire et on peut remettre en question son développement futur pour ce qui est d'une autre industrie. Toutefois, cette première nation examine son rôle en matière de compétence, en matière de développement pour l'avenir, que ce soit dans le domaine forestier, minier ou pétrolier et gazier.

Les entreprises respectent de plus en plus les compétences des Premières nations, et je pense que c'est la voie de l'avenir, qu'on ne nous mettra plus de côté, qu'il faudra que nous soyons des partenaires pour ce qui est du développement, et il est certain que le partage des redevances attribuables aux ressources va être une très grande question.

Par contre, il y a toujours des questions conflictuelles et nous parlons de développement par rapport à des questions qui sont conflictuelles. Northern Cross Development, une entreprise d'exploration gazière et pétrolière au Yukon, va de l'avant avec des travaux d'exploration dans le Nord et dans le territoire traditionnel des Vuntut Gwitchin, sans même avoir le respect de discuter avec les Vuntut Gwitchin et sans respecter leur développement traditionnel, sans respecter leur mode de vie pour ce qui est du caribou et tous ces autres aspects.

De telles situations doivent cesser. Il faut absolument qu'elles cessent, non seulement à titre de Canadiens pour le développement de l'économie canadienne, mais il doit y avoir un partenariat. Cette confrontation, à savoir que nous allons faire du développement sans vous, que vous le vouliez ou non, doit cesser. Évidemment, c'est ce vers quoi nous nous dirigeons et l'APN cherche à appuyer les Premières nations pour faire progresser les questions qui ont trait aux ententes en matière de retombées et d'impact, au partage des redevances et aux partenariats.

Évidemment, lorsque nous parlons de représenter les Premières nations, ce sont les questions que nous devrons respecter et que nous devrons examiner dans un très proche avenir.

Le président: Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Merci, monsieur le président.

Merci à vous tous d'être venus. Votre mémoire est très bien présenté.

J'aurais plusieurs questions. Comme c'est le cas pour la plupart des gens qui font partie du Comité, un certain nombre de points que vous abordez soulèvent des questions. Je les diviserais en deux secteurs et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Tout d'abord, j'aimerais faire une observation sur votre répartition du commerce international, du tourisme et de l'écotourisme, de l'exploitation minière dans le Nord et de l'exploitation des forêts et des pêches, ainsi que de la nécessité réelle d'être partie à cette boucle, d'être un participant, d'être à la table. Je pense que nous comprenons tous cela.

Ce que j'aime au sujet du tourisme et de l'écotourisme, c'est qu'il est là, mais j'aime aussi le fait qu'il s'agit uniquement d'un secteur sur cinq, parce qu'il dépend beaucoup des caprices du dollar et de l'économie, et du nombre de personnes prêtes à dépenser de l'argent. Il y a toujours eu des gens fortunés dans le monde qui avaient de l'argent à dépenser et qui étaient prêts à voyager dans le nord du Canada et dans des régions éloignées, mais il n'y en aura jamais assez pour soutenir une quelconque économie. Par conséquent, ce secteur d'activités ne peut qu'être une partie de cette économie. C'est le commentaire que je veux faire.

C'est bien de constater que ce secteur d'activités en fait partie, mais on semble croire là-bas que le tourisme et l'écotourisme pourraient être le remède universel qui sauvera un grand nombre de collectivités éloignées partout au Canada, et cela ne se produira tout simplement pas. Je voulais faire ce commentaire.

• 1200

Ce que M. Konrad a fait valoir au sujet de la coordination de tous les ministères fédéraux qui participent au développement des Premières nations et le fait qu'il a fallu un certain temps pour comprendre d'où cela venait... L'idée que nous puissions éviter la bureaucratie est une idée positive. Par rapport à cela, j'aimerais aller un peu plus loin et examiner ce qui est arrivé et le fait qu'il ne s'est rien produit à cet égard.

J'ai évidemment entendu un certain nombre de préoccupations de diverses collectivités autochtones qui vivent dans des réserves au Canada, comme n'importe qui d'ailleurs à cette table. Il y a un manque de contrôle à l'égard des biens immobiliers dans les réserves. Il y a des biens immobiliers qui appartiennent maintenant aux Premières nations, mais qui sont complètement, à 100 p. 100, contrôlés par le gouvernement fédéral et le MAINC. Si vous voulez entreprendre une exploitation forestière, ouvrir une mine, avoir un consortium d'habitation, ou faire quoi que ce soit dans la majorité des réserves—il peut toujours y avoir une exception—aujourd'hui, il n'y a absolument aucun contrôle de la part des Premières nations sur leurs propres ressources. La situation peut être légèrement différente dans le nord du Canada, mais il est évident que dans le sud du Canada et dans les provinces, c'est bel et bien la situation.

Je pense donc que nous devons apporter des changements fondamentaux, mais jusqu'ici, ces changements n'ont pas été faits. Premièrement, vous devez exercer le contrôle sur vos propres biens, sur vos propres terres. Les chefs ou vos conseils de bande, les gens responsables du processus décisionnel, doivent être en mesure de prendre ces décisions dans le respect des lois du pays.

Un des problèmes que j'ai rencontrés et dont j'ai parlé à un certain nombre de gens, ce sont les ressources dans les réserves et les droits matrimoniaux. Il y a certains points qui n'ont pas été éclaircis ici. Avez-vous parlé à l'APN? Avez-vous l'impression qu'on se dirige vers un accord sur le contrôle de ces ressources? Nous n'avons même pas commencé à régler les revendications territoriales au Canada. Et nous en sommes encore bien loin. Nous n'en sommes qu'à la base, mais il nous faut commencer d'une façon ou d'une autre. Que pensez-vous de tout cela?

M. Dale Booth: Merci, monsieur Keddy. Tel que vous l'avez dit, il y avait beaucoup de questions soulevées. Notre intention est de soulever beaucoup de questions et d'amener un grand nombre de questions liées au développement économique à la table. Cette liste que vous avez ici n'est pas exhaustive. La liste est considérablement plus longue.

M. Gerald Keddy: Oui.

M. Dale Booth: C'est un exemple. Oui, vous avez raison de dire que le tourisme pour une collectivité n'est pas ce qui la sauvera. Il doit faire partie d'un plan de développement économique intégré qui comprend le tourisme, l'exploitation forestière, ou quoi que ce soit d'autre.

En ce qui concerne la question de l'accès aux ressources que vous avez soulevée, c'est précisément cela. Le partenariat doit régler la question de l'accès aux terres des Premières nations. Comme vous dites, dans de nombreux cas, ils n'ont pas accès à leurs propres ressources ni à leurs propres terres. Cet élément devrait être l'un des principaux objectifs d'un partenariat qui examine ces questions. Les services fonciers et fiduciaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord discutent en ce moment avec l'APN et d'autres groupes. Je ne suis pas tout à fait certain de ce dont il est question dans ce processus ou de ce à quoi il mènera, de sorte qu'il ne serait pas juste pour moi de véritablement faire des commentaires à cet effet. Mais je sais qu'il y a des discussions entre l'APN et les services fonciers et fiduciaires du MAINC et que c'est ce dont on parle.

Sur la question des droits matrimoniaux, je ne sais pas vraiment ce qui se passe.

M. Gerald Keddy: Il semble y avoir un conflit important dans la gestion des ressources. Il s'agirait de la question de remettre la compétence à vos conseils tribaux ou au conseil de bande local. Il y a un bon nombre de questions qui sont toujours sans réponse. Il me semble que l'on parle de commerce international, de mines, d'exploitation forestière, de pêches, et d'un grand nombre de questions. Mais nous ne sommes pas encore prêts à amorcer le grand débat. Donc il y a beaucoup de choses à faire. Nous avons commencé au point A et nous essayons de nous rendre au point E ou au point F ou encore au point G, mais nous en sommes encore à des années- lumière et nous n'avons pas accompli les choses nécessaires pour nous rendre là. On ne peut pas sauter à ce point en commençant.

• 1205

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant: Sauf tout votre respect, monsieur Keddy, dans le Nord—et je ne peux parler que du Nord parce que c'est de là que je viens—nous avons déjà fait tout le travail préliminaire.

M. Gerald Keddy: Le Nord est une situation différente.

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant: Nous avons déjà fait tout le travail préliminaire. Et je suis convaincue qu'il y a d'autres Premières nations au pays qui se dirigent vers l'autonomie gouvernementale et l'autonomie gouvernementale dans le contexte plus large du droit matrimonial. En ce qui nous concerne, il s'agit d'une question qui n'est pas réglée pour ce qui est du développement de l'autonomie gouvernementale compte tenu de nos ententes. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas en mesure de résoudre ces questions plus larges, mais c'est ce vers quoi nous nous dirigeons.

Évidemment, je suis convaincue qu'il y a d'autres Premières nations au Canada qui travaillent en ce sens. Je ne peux pas en mentionner une en particulier, mais il y a de l'activité en ce sens. Ce n'est peut-être pas assez rapide pour les deux parties ou toutes les parties, mais nous devons respecter cette tendance et nous devons ensemble traiter d'un grand nombre de ces questions.

En ce qui concerne l'autonomie gouvernementale, on doit reconnaître—et je ne suis pas en désaccord avec vous sur ce point—qu'il y a un manque de contrôle relativement aux biens immobiliers des Premières nations. Le gouvernement et les tribunaux en entendent parler tous les jours, et c'est quelque chose qui coûte très cher au pays. Toutefois, cela ne laisse aucun doute quant à la volonté des Premières nations vis-à-vis de leur propre entité, vis-à-vis de l'autonomie gouvernementale, et on se doit de respecter leur compétence sur leurs terres traditionnelles ainsi que sur les terres des réserves.

M. Gerald Keddy: Une dernière observation, au sujet de la raison que j'ai soulevée, je ne proposais pas du tout de tout arrêter tant que certaines de ces questions n'avaient pas été examinées. Il est également important de considérer la question dans son grand contexte. Toutefois, je pense que le gouvernement du Canada, l'APN, les nations autochtones et nous tous, d'un bout à l'autre du pays, devrions songer à régler certaines de ces autres questions qui font déjà obstacle et qui sont d'importantes pierres d'achoppement par rapport à ce qui doit survenir. Je pense que nous n'insistons pas assez sur ce point.

M. Dale Booth: Monsieur Keddy, je pense que dans le point que vous avez abordé, vous avez bien indiqué qu'il y a un certain nombre de paliers de gouvernement. Il y a un certain nombre de secteurs différents qui touchent au développement économique. C'est un bloc considérable, mais nous devons l'apprivoiser et faire en sorte que toutes les personnes qui en font partie se retrouvent à la table pour parler de ces questions afin de déterminer de quelle façon la question des droits patrimoniaux s'intègre à une discussion sur le développement économique. Voilà donc l'objectif.

M. Gerald Keddy: On ne doit pas se limiter à seulement une discussion.

Le président: Merci, monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Merci.

Le président: Monsieur Bryden.

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): J'ai été surpris par les statistiques que vous donnez à la page 2 de votre mémoire, soit 24 000 $ pour un non-Autochtone et 14 700 $ pour un Autochtone en ce qui a trait au revenu annuel. Cela fait une heure que je tourne la bibliothèque parlementaire dans tous les sens pour essayer de vérifier ces données, et tout ce que je peux trouver pour 1991, c'est le revenu d'une famille non autochtone, soit 53 000 $. À Terre-Neuve, en 1991, le revenu familial était de 41 000 $. En supposant une famille de quatre personnes, on obtient alors un revenu moyen pour une personne seule de 10 250 $ à Terre- Neuve. Je ne sais pas comment comparer cela au revenu par personne de 14 700 $ par année. Pouvez-vous me donner quelques explications quant à ce dont il est question ici?

M. Dale Booth: J'ai obtenu ces statistiques de Statistique Canada.

M. John Bryden: Ils ne semblent plus les avoir maintenant.

Avez-vous fait cette étude vous-même?

M. Dale Booth: J'ai pris tout cela de Statistique Canada.

• 1210

M. John Bryden: Puis-je vous demander alors de communiquer au Comité, pour m'aider à comprendre ces données, exactement la provenance des statistiques? La raison pour laquelle je m'intéresse à ce point, c'est que lorsque nous avons des discussions importantes comme celle-ci sur l'avenir de collectivités et sur l'avenir des Canadiens et Canadiennes, nous devons nous assurer que les renseignements que nous utilisons sont très exacts.

En outre, si vous avez obtenu cette donnée de 14 700 $, pouvez-vous me dire quelle portion venait directement des organismes gouvernementaux, du gouvernement? Est-ce que c'était de l'aide sociale? Est-ce que c'étaient des subventions pour des activités sur les réserves? Je dois savoir à quoi correspond cette donnée de 14 700 $. S'agit-il d'un revenu gagné sur le marché, ou est-ce essentiellement de l'argent qui provient des contribuables et qui est versé comme revenu aux Autochtones? Encore une fois, cela nous aiderait énormément à comprendre la nature du problème que nous essayons de régler ici. Pouvez-vous faire cela pour moi?

M. Dale Booth: Je peux m'engager à vous dire où j'ai obtenu l'information initiale, mais je ne suis pas certain quant à la ventilation du montant.

M. John Bryden: Alors, je vais essayer de vous aider sur ce point, et nous allons résoudre la question.

M. Dale Booth: D'accord.

M. John Bryden: Quant à ma question, je fais le lien entre un grand nombre de points que vous soulevez et des situations telles celle qui prévaut à Terre-Neuve, raison pour laquelle j'ai essayé d'obtenir des statistiques de Terre-Neuve. En tant que Canadiens, nous avons de toute évidence un problème considérable, soit d'essayer d'aider d'autres Canadiens à Terre-Neuve, où vous avez une ressource principale qui a disparu et où toutes ces petites localités isolées ont maintenant des ennuis considérables. Vous pouvez transposer ce problème dans les collectivités éloignées.

Comment envisagez-vous le problème de la planification à long terme lorsque la planification économique se fonde précisément sur le territoire, une région—une région d'autonomie gouvernementale, si vous voulez, par rapport à une autre région d'autonomie gouvernementale—alors qu'il y a une disparité énorme, non seulement pour ce qui est des ressources, mais aussi de l'accès? Par exemple, je sais que dans la circonscription du président, il y a environ 14 collectivités éloignées. S'il devait se rendre par avion dans chacune d'elles, cela lui coûterait environ 24 000 $.

Pour ce qui est de mon collègue d'en face, lorsqu'il soulève la question du tourisme, c'est très beau de vouloir du tourisme, mais si vous devez dépenser une fortune pour amener les touristes là-bas, alors vous allez avoir un problème.

Donc, comment essayez-vous d'encourager des entreprises dans des collectivités éloignées lorsque ces mêmes collectivités n'ont pas les ressources matérielles ou ont le désavantage de l'éloignement? Comment faites-vous?

M. Dale Booth: C'est une question très, très large: comment faisons-nous cela? Nous allons tous nous asseoir et trouver une solution. Je n'ai pas de réponse pour vous maintenant, mais j'espère que par le biais des collectivités autochtones éloignées qui font face à ce problème, des administrations provinciales et territoriales, du gouvernement fédéral et du secteur privé, par le biais du partenariat, toutes ces personnes peuvent régler ces questions.

M. John Bryden: N'est-il pas vrai alors que dans une collectivité dont l'industrie est axée sur les ressources, par exemple un village isolé de Terre-Neuve ou une ville minière en quelque part au Canada, lorsque les ressources sont épuisées, la collectivité se déplace? Par ailleurs, je suppose que vous seriez d'accord que ce n'est jamais une option lorsque nous parlons des collectivités éloignées des Premières nations. J'essaie uniquement d'en venir au coeur de notre problème ici.

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant: Pouvez-vous donner un exemple?

M. John Bryden: Tous les villages isolés de Terre-Neuve qui comptent principalement sur les stocks de morue font maintenant face à ce problème. Et un de mes collègues a donné un exemple d'une ville minière qui s'est vidée de ses habitants lorsque la mine a cessé d'être productive. L'histoire du Canada est pleine de villes forestières qui ont vu le jour et disparu: lorsque les ressources des forêts s'épuisaient, les collectivités se déplaçaient.

Le problème que je veux soulever, que tout le monde semble éviter, c'est que notre dilemme en tant que Canadiens, lorsque nous considérons la situation des collectivités autochtones éloignées, nous voulons leur donner une indépendance économique, mais nous ne semblons pas tenir compte du fait que certaines de ces collectivités n'ont peut-être pas les ressources et ne les auront peut-être jamais.

• 1215

Alors quelle est la solution? Seriez-vous prête à dire que certaines de ces collectivités ne sont pas financièrement indépendantes et qu'elles devront se déplacer, sinon elles seront toujours dépendantes du gouvernement? Ce dilemme n'est-il pas au coeur de nos discussions aujourd'hui?

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant: Deux questions me viennent à l'esprit en ce qui a trait au développement économique des premières nations.

La première concerne la durabilité. Le développement durable est garant de l'avenir. Il faudra certainement intégrer, et j'insiste sur faudra, pour que le développement soit durable, les valeurs et les principes des premières nations. Dans le passé, vous avez—le vous étant très large—ignoré les valeurs des Premières nations, leurs principes et leurs lois, à un point tel que certaines collectivités ont été déplacées afin de satisfaire à des impératifs de développement économique.

M. John Bryden: Je sais cela.

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant: Aujourd'hui, il n'est pas question de redéplacer ces collectivités, et la plupart d'entre elles ne le souhaitent pas. Mais elles peuvent participer au processus de développement sur les plans des droits, des lois, des ententes relatives au partage des profits, du développement durable, etc. Bien entendu, nous n'avons pas les réponses pour toutes les collectivités du nord du Canada. Si nous les avions, nous aurions bâti un pays et nous serions des précurseurs, avec des années d'avance sur tous les autres.

Ce sont les défis qu'il faut relever en tant que Canadiens et en tant que collectivités autochtones. Cela ne signifie pas que toutes nos collectivités veulent que des mines ou du pétrole, ou d'autres ressources leur soient données. Peut-être l'écotourisme ou le tourisme seront suffisants pour leur permettre de conserver leur culture, leurs valeurs et leurs principes, et pour maintenir le régime judiciaire et le style de vie auxquels ils sont habitués.

M. John Bryden: J'aimerais souligner que les premières nations ont été dans le passé extrêmement efficaces sur les plans de l'autonomie et de la souveraineté. Mais le monde a changé et nous essayons de maintenir les valeurs traditionnelles dans le contexte de la mondialisation des marchés.

Cela me conduit vers ma dernière question. Monsieur Booth, Vous avez mentionné que l'une des principales difficultés de certaines collectivités était d'obtenir de l'argent auprès des banques. Quelle solution proposez-vous quand une collectivité fait une demande de financement à une banque pour un projet dont la viabilité exige une importante subvention gouvernementale?

Je ne rejette pas cette possibilité, parce que je crois qu'il est très important que tout le Canada soutienne les collectivités isolées. Mais je m'interroge sur le fait de demander à une banque d'investir dans une affaire à risque en engageant l'argent des contribuables alors qu'un projet risque de faire perdre de l'argent à ces derniers. Quelle est la solution?

M. Dale Booth: Premièrement, il faut considérer chaque projet individuellement. Deuxièmement, nous voulons demander aux banques de nous aider à trouver des solutions à ces problèmes. Si la banque voit que c'est un mauvais investissement, et que l'entreprise ou la collectivité autochtone fait le même constat, je ne vois pas pourquoi on ne laisserait pas tomber.

En ce qui concerne les banques, c'est l'accès au capital qui nous intéresse, le but ultime—nous voulons qu'elles nous aident à élaborer des stratégies afin de trouver des solutions.

Je sais bien que certains projets ne seront tout simplement pas viables. Si un projet n'est pas rentable pour la Première nation, ni le gouvernement fédéral ni la banque, eh bien, il faudra l'abandonner.

• 1220

M. John Bryden: J'aimerais faire un dernier commentaire.

Je suis très intéressé par cette situation, mais je crois qu'il faut voir qu'elle ne concerne pas uniquement les premières nations, mais l'ensemble des collectivités isolées. C'est un facteur important de notre souveraineté: il faut maintenir une présence canadienne dans toutes les parties. Le gouvernement doit s'investir dans ce dossier. Les premières nations occupent une position privilégiée pour rendre ce grand service au pays. Vous devriez mettre l'accent sur ce fait dans vos négociations avec le gouvernement fédéral et, partant, avec les banques: les premières nations peuvent jouer ce rôle de leader et faire valoir que l'enjeu est la cohésion nationale, que c'est pour cette raison que les collectivités isolées doivent obtenir l'aide du gouvernement fédéral.

Merci.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bryden. Je sais que le temps presse et que plusieurs députés ont beaucoup de travail cet après-midi. Je suis impressionné par les déclarations de nos témoins. Avant d'entendre les témoignages des deux groupes suivants, je donnerai aux députés l'occasion d'intervenir pendant deux minutes chacun dans le cadre d'un dernier tour.

Monsieur Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Je croyais que nous avions terminé, alors je n'ai pensé à aucune question.

Le président: Ça va.

M. Derrek Konrad: Je passe mon tour.

[Français]

Le président: Allez-y, monsieur Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Je vais poser une question brève.

Le président: Allez-y. Nous avons cinq ou dix minutes.

M. Derrek Konrad: Nous avons beaucoup parlé de l'autonomie gouvernementale des premières nations. J'aimerais savoir au juste ce que vous entendez par là. C'est une petite question.

Des voix: Oh, oh!

M. Derrek Konrad: Je n'ai pas pris cinq minutes. Ma question a pris 30 secondes!

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant: Avez-vous toute la journée?

M. Derrek Konrad: Non, mais j'aimerais avoir une réponse et, si vous ne pouvez me la donner maintenant, vous pourriez me la faire parvenir par écrit. Nous devons le savoir.

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant: Vous me mettez dans une position très précaire...

M. Derrek Konrad: Je fais juste poser la question.

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant: ... et, avec tout le respect que je vous dois, je ne peux répondre à cette question dans les limites de temps imparties. Si vous voulez une réponse générale, je peux vous dire que chaque première nation du pays donne une interprétation qui lui est propre à la notion d'autonomie gouvernementale.

M. Derrek Konrad: Je passe mon tour.

[Français]

Le président: Madame Jim-Cant et monsieur Booth, je suis impressionné par votre leadership et celui des Premières Nations. Vous donnez beaucoup d'espoir à nos amis autochtones canadiens en vue de la mise en place d'une grande stratégie qui améliorera les conditions économiques des autochtones au Canada. Je suis confiant que vous allez gagner ce défi et que nous serons présents auprès de vous pour être témoins de vos succès. Je vous remercie vraiment d'être venus ce matin. Nous sommes très impressionnés.

[Traduction]

Merci beaucoup.

Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy: Monsieur le président, j'aimerais faire un dernier commentaire. Il concerne les paroles de M. Bryden au sujet des collectivités autochtones isolées du Nord.

Je crois qu'il faut garder à l'esprit, tout comme nos invités, j'en suis sûr, que de nombreuses collectivités autochtones se sont déplacées, ont été abandonnées ou ont changé leur emplacement au cours de l'histoire, depuis des milliers d'années. Ce n'est donc pas nouveau, et je veux insister sur ce point. Mary Jane en a parlé, mais je ne crois pas qu'elle a suffisamment insisté. Cet aspect est ignoré depuis trop longtemps. Je parle du mot culture. Il est très difficile pour une collectivité isolée de soutenir cette culture, de la favoriser et de faire en sorte qu'elle survive dans la dynamique gouvernementale actuelle et dans le monde moderne. Certaines collectivités vivent encore de la terre, mais elles sont rares.

• 1225

On en revient à tout ce qu'englobe le mot culture et au manque de respect dont fait montre le gouvernement canadien envers cette culture différente. C'est mon seul commentaire.

Le président: Merci beaucoup.

La vice-chef Mary Jane Jim-Cant: J'aimerais remercier les membres du Comité permanent de nous avoir entendus aujourd'hui. Je serai très heureux de travailler avec vous. Merci.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, madame et monsieur.

Nous allons passer à la Banque de développement du Canada, représentée par M. Jim Richardson, directeur national, Services bancaires aux autochtones.

J'invite aussi M. Keith Martell, président de la Banque des Premières Nations du Canada, à prendre place.

• 1226




• 1232

Le président: Avec l'accord des députés, j'aimerais que nous reprenions nos délibérations sans tarder afin qu'elles puissent se terminer à 13 heures parce que plusieurs députés doivent assister à d'autres réunions vers 13 h 5 ou 13 h 15.

Puisque nous avons déjà reçu une copie de vos déclarations, je vous invite à nous en faire un résumé, après quoi les députés pourront vous poser des questions. Nous nous excusons de ce contretemps, mais nous avons préféré entendre vos témoignages au cours de la dernière demi-heure plutôt que d'annuler votre comparution. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension. Le groupe qui vous a précédés était vraiment intéressant et nous y avons consacré plus de temps que prévu. On s'en excuse.

Monsieur Richardson, puis monsieur Martell.

M. Jim Richardson (directeur national, Services bancaires aux autochtones, Banque de développement du Canada): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Je suis heureux de m'adresser à un groupe de parlementaires distingués. Je m'appelle Jim Richardson. Je suis un amérindien micmac, du nord du Nouveau-Brunswick, de la nation Pabineau. Je suis content d'avoir rencontré M. Keddy et M. Earle, des compatriotes des Maritimes.

Je suis ici en grande partie en raison de mon expérience au sein du groupe de travail sur l'accès au capital, un groupe autochtone dont je présidais le Sous-comité des affaires réglementaires. Le groupe de travail était subventionné par le MAINC, et son mandat était de trouver des solutions créatives afin de permettre l'accès au capital aux entrepreneurs autochtones. Nous avons examiné beaucoup de problèmes liés à l'accès au capital.

Dans les documents que je vous ai remis, vous trouverez une copie de mon exposé, ainsi que d'autres renseignements utiles. J'ai aussi joint une copie des principales recommandations faites à la Commission royale sur les peuples autochtones sur le thème de l'accès au capital, tirées du rapport de la commission royale.

En raison des limites de temps, je vais vous livrer un sommaire des deux principaux obstacles au développement économique des peuples autochtones, une réflexion qui s'appuie sur mon expérience au sein du groupe de travail. Le premier obstacle concerne l'accès au capital, plus précisément sur la sécurité, les capitaux propres et la gestion. Il est très difficile pour un entrepreneur autochtone de négocier avec un établissement financier logé sur une réserve. Tous les entrepreneurs sont confrontés à ce dilemme, mais il est particulièrement aigu pour les Autochtones en raison de la Loi sur les Indiens, et surtout de l'impossibilité de saisir des biens autochtones qui en découle.

• 1235

Parmi les autres facteurs qui empêchent d'obtenir du capital est le bas revenu. Ce facteur et bien d'autres rendent les établissements financiers très peu réceptifs quand il s'agit de financer des entreprises autochtones.

En particulier, le démarrage est très risqué en général. Selon les statistiques, 50 p. 100 des nouvelles entreprises auront fermé leurs portes dans 5 ans, et même dans 3 ans. De nombreux facteurs expliquent cette situation, mais la plupart sont hors du contrôle de l'entrepreneur lui-même.

Par exemple, si vous démarrez une entreprise de bois d'oeuvre et que vous vendez du bois exporté vers l'Asie du Sud-Est, où une crise monétaire est en cours actuellement, vous avez beau être le meilleur entrepreneur, ces variables extérieures auront vite fait de mettre votre entreprise sur le dos.

Les variables internes concernent la gestion et c'est sur elles que comptent les établissements financiers pour contre- balancer les risques, dans certains cas. Si vous attribuez une partie des échecs à la gestion, vous considérez des domaines tels que le soutien à la gestion, etc., afin de contrebalancer les risques pendant une certaine période.

L'autre domaine dont les établissements financiers ne tiennent pas suffisamment compte est le crédit promoteur. Dans de nombreuses collectivités, c'est un problème aigu. Les établissements financiers, surtout les grandes banques, ne voient pas le rôle qu'elles ont à jouer dans le crédit promoteur. De fait, les sociétés de financement des Autochtones ont été créées pour répondre aux besoins de ce créneau particulier mais, récemment, elles se sont concentrées sur les projets susceptibles d'obtenir un concours bancaire, en grande partie pour des raisons de survie.

Notre groupe de travail a recommandé que le gouvernement examine les possibilités de soutien aux sociétés de financement des Autochtones, afin de couvrir les coûts d'administration et éventuellement de créer une réserve en cas de pertes sur prêts, dans le domaine particulier du crédit promoteur.

Certains établissements financiers—la Banque de développement du Canada, par exemple—offrent une vaste gamme de produits. Nous représentons un modèle différent d'institution et nous offrons des compléments aux produits des principaux établissements financiers. Nous considérons que le marché autochtone offre des possibilités de croissance pour nous, où nous voulons contribuer au développement de petites entreprises. Nous avons créé pour ce faire un programme de crédit promoteur à l'intention des entreprises autochtones, qui vise à abolir les obstacles d'accès au capital.

Ce programme de crédit est beaucoup plus souple que celui qui a été créé et lancé en septembre de l'an dernier, maintenant offert dans tout le pays. Il permet d'obtenir un fonds de démarrage allant jusqu'à 25 000 $, et jusqu'à 100 000 $ pour les entreprises en expansion ou existantes. Les critères sont beaucoup plus souples pour ce qui est des fonds propres et des garanties, et nous offrons des modalités de soutien à la gestion. Ce produit se distingue en outre par sa contribution à l'organisation de la collectivité et aux oeuvres charitables, car 0,5 p. 100 de l'intérêt annuel sur un prêt est versé, pour un minimum de 100 $ par année.

Des progrès ont été accomplis par rapport aux recommandations visant particulièrement l'accès au capital énoncées dans le rapport de notre groupe de travail. Plus récemment, un comité conjoint formé de représentants du MAINC et de l'ABC s'est penché sur les recommandations du groupe de travail. Nous constatons aussi que de réels efforts sont faits dans d'autres domaines pour favoriser la collaboration dans celui du développement économique.

En ce qui a trait aux projets viables sur le plan commercial, l'autre domaine que je considère comme étant très important, j'ai entendu des membres évoquer la grande difficulté qu'éprouvent de nombreuses collectivités à conquérir de grands marchés avec leurs produits et services. Dans une petite collectivité isolée de 300 ou 400 habitants, il ne peut exister que quelques commerces de vente au détail. Je parle de ce secteur parce qu'il semble attirer plus particulièrement les entrepreneurs autochtones.

Des changements structuraux seront nécessaires pour régler ce problème. Lesquels? Il faut être visionnaire. Parlons par exemple des obstacles géographiques. Nous savons tous que la technologie ne connaît pas de frontières. Elle permet de créer des partenariats avec toutes les personnes intéressées, y compris le secteur privé et les gouvernements, afin d'encourager l'instauration de projets pilotes dans de nombreuses collectivités isolées.

• 1240

Oui, certaines de ces collectivités peuvent en effet dépendre des paiements de transfert. Ces coûts sont directement liés aux contingentes géographiques de ce pays. J'ai porté un uniforme pendant 23 ans et j'étais fier de pouvoir regarder l'océan Atlantique et l'océan Pacifique, et d'aller du sud au nord. Je veux que ce pays conserve son territoire tel qu'il est, que cette réalité demeure.

Mais cette géographie offre aussi des occasions, pas que des obstacles, si l'on veut bien faire preuve de créativité et profiter de la technologie pour les exploiter. Dans certaines régions isolées, les collectivités sont multiples. Ainsi, dans le nord du Manitoba, dans la région Island Lake, la population est très jeune. Trois collectivités se côtoient. En tout, la population compte quelque 6 000 habitants.

Supposons que l'on veuille reloger un centre téléphonique. Dieu nous en préserve! En tant que Néo-Brunswickois, j'aime que les centres téléphoniques soient situés à Moncton. Mais je crois que, si l'on veut être créatif, on pourrait encourager le secteur privé à s'installer ailleurs ou à signer des contrats de services, etc.

Enfin, je sais qu'il s'agit d'un processus très lent, dont la mise en oeuvre devra se faire au rythme des premières nations. Nous avons parlé de la question culturelle. Il y a vraiment, je crois, matière à amélioration dans le domaine de l'accès au capital, mais je ne veux pas m'étendre sur ce sujet en raison des limites de temps.

Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité ici. Je vous souhaite beaucoup de succès dans votre travail pour faire du Canada un pays où les Autochtones et les Canadiens se sentent mieux.

[Français]

Le président: C'était très intéressant, monsieur Richardson. Est-ce que les députés préfèrent entendre M. Martell immédiatement ou plus tard?

Monsieur Martell, je vous invite à faire votre déclaration.

[Traduction]

M. Keith Martell (président, Banque des Premières nations du Canada): Merci, monsieur le président.

Merci, Jim, d'avoir utilisé presque tout le temps accordé. Je serai très bref.

Je vous épargnerai les détails. Vous avez tous en main je crois le texte de mon exposé. Je vais tout simplement vous faire part de mes impressions et de mes observations. Je me dois de vous parler de certains éléments qui contribueront à vous faire comprendre l'historique de la situation.

Je suis un Autochtone. Je suis né sur une réserve isolée, dans le nord de la Saskatchewan. J'ai été élevé dans une ville. Je savais comment vivait et de quoi avait l'air la collectivité autochtone vivant dans les villes. En tant que comptable agréé pratiquant dans le service public, et maintenant président du Conseil de la Banque des Premières Nations du Canada, j'ai voyagé d'un océan à l'autre dans le territoire du Nunavut, de même que sur les côtes est et ouest du Canada, afin d'examiner sur le terrain le développement économique au sein des collectivités autochtones aujourd'hui.

Je veux aborder deux sujets dont nous avons déjà parlé aujourd'hui, mais sur lesquels ma perspective diffère un peu. Le premier est la viabilité économique des collectivités. On a entendu plus tôt que certaines collectivités autochtones ne pouvaient être autosuffisantes. Je suis d'accord avec le point de vue de l'AFN sur la nécessité de ratisser large. Je suis aussi d'accord avec Jim sur le fait qu'il existe des possibilités de favoriser le développement économique de nombreuses collectivités si on voit les choses différemment, avec un esprit innovateur.

Je reconnais aussi que de nombreuses collectivités isolées sont beaucoup trop petites pour assurer leur survie financière. Je ne crois pas que ces collectivités vont disparaître, parce que l'on peut inventer une économie périphérique qui les soutiendra. Leur histoire territoriale ne s'éteindra jamais.

Je crois vraiment que de nombreuses personnes qui résident actuellement dans les réserves subissent de très grandes difficultés financières. Elles déménagent dans les villes, où elles sont confrontées à d'autres difficultés financières parce qu'elles n'ont pas accès à la formation. Ou, si elles suivent bel et bien une formation, elles sont engagées par des compagnies où les travailleurs non autochtones ne tolèrent pas la diversité.

Devant ces faits, de nombreux Autochtones retournent dans leur collectivité parce qu'ils s'y sentent en sécurité. Je crois que notre filet devra s'étendre autour des villes, des centres urbains aussi. En Saskatchewan, environ 50 p. 100 des Autochtones ne vivent plus dans des réserves. Quand nous parlons de développement économique et d'occasions d'affaires pour les premières nations, il faut inclure tous les Autochtones, y compris ceux qui vivent dans les centres urbains et ceux qui continuent de vivre dans leurs collectivités. C'est mon premier point.

Mon autre point concerne le contrôle des programmes de développement économique. J'ai vu de nombreux programmes de développement économique autochtone dirigés, mis en oeuvre et créés ou établis par des organismes non autochtones. Ces programmes, selon mon expérience, ne fonctionnent pas. Les Autochtones doivent avoir leur mot à dire dans les projets de développement économique qui les concernent. Autrement, ces programmes mettent l'accent sur les priorités régionales ou nationales, et ne tiennent pas compte des réalités autochtones. À mon avis, la plupart ne sont d'aucun bénéfice pour nous. Il en sera ainsi tant que les Autochtones n'auront pas le contrôle des programmes et ne prendront pas part à leur propre développement économique.

• 1245

J'aimerais aussi parler d'un sujet qu'on nÂa pas encore abordé aujourd'hui, soit les partenariats réussis. La collaboration avec des organismes non autochtones du secteur privé constitue une avenue intéressante pour surmonter les obstacles dont nous avons parlé aujourd'hui. Les partenariats peuvent donner accès au capital, surtout dans le domaine de l'exploitation des ressources.

La plupart des réussites mentionnées ont eu lieu dans le nord de la Saskatchewan. Les entreprises d'exploitation forestière Prince Albert Grand Council, Northern Resource Trucking et Meadow Lake Tribal Council ont toutes demandé grâce à des partenaires non autochtones.

La différence était que les activités économiques et l'accès au capital comportaient aussi l'accès à une force administrative et à une main-d'oeuvre en place. Le transfert de technologie et de gestionnaires ont permis aux représentants des premières nations de devenir des partenaires égaux de l'entreprise. C'est pourquoi elles ont du succès. Ces partenariats ont aussi permis l'accès à une infrastructure et à des marchés, des éléments très importants pour le développement économique des premières nations.

La Banque des Premières Nations du Canada, dont je préside le Conseil, a été créée pour toutes ces raisons. Nous avons senti une occasion unique. Il existait déjà une société de financement des Autochtones. C'était la première créée au Canada, et elle a vu le jour en Saskatchewan. Les prêts consentis à de petites entreprises autochtones au cours d'une période s'étendant de 7 à 12 ans s'élèvent à 30 millions de dollars et ont permis de créer plus de 3 000 emplois.

La différence qui explique le succès de ce programme par rapport à l'ancien programme de développement économique du ministère des Affaires indiennes—dont le ratio prêt-pertes était de 80 p. 100 environ pour certaines années, alors que celui de la Saskatchewan Indian Equity Foundation était de 1 p. 100 environ— était qu'il était supervisé par des Autochtones, qui comprennent notre économie, qui sont directement concernés, et qui savent que c'est notre capital que nous injectons dans ces entreprises.

Cette société de financement des Autochtones a connu une telle croissance que nos clients sont devenus des clients acquis et même des clients commerciaux. En 1993, nous avons décidé d'accroître nos activités et de devenir une banque à charte nationale. Nous savions que nous n'avions pas la compétence en gestion nécessaire pour satisfaire aux normes du Bureau du surintendant des institutions financières et de la Société d'assurance-dépôts du Canada. Pour réussir, nous avions besoin d'experts en gestion, d'avoir accès à une infrastructure et à des systèmes, ainsi que de capital afin de garantir notre avenir.

Nous avons cherché des partenaires au sein des entreprises canadiennes et avons fait un appel d'offres à toutes les banques à charte. Après l'exercice d'une diligence raisonnable, nous avons conclu un partenariat avec la Toronto-Dominion. Le 19 novembre 1996, la Banque des Premières nations du Canada est devenue une banque nationale à charte.

Cette alliance stratégique permettra éventuellement de former une institution dirigée par des Autochtones dont le but est de faciliter le développement économique. La différence entre notre banque et la Banque de développement du Canada est que la nôtre est une institution commerciale. Nous ne sommes pas une institution de crédit promoteur. C'est notre parent, la Saskatchewan Indian Equity Foundation, une société de financement des Autochtones, qui continuera de financer les projets de développement d'entreprises gérés par et pour des Autochtones. Nous représentons l'aile entrepreneuriale du partenariat, et notre but est de permettre la croissance des projets autochtones bancables dans tout le pays.

Pour conclure, j'aimerais simplement mentionner qu'il est fort probable que certaines économies ne soient pas viables, bien qu'il faille ratisser large afin de tenir compte des villes et de certaines entreprises nouvelles. Je sais qu'elles ne constituent pas des panacées ni une réponse à tous les problèmes.

L'écotourisme est au coeur des discussions en Saskatchewan, parce que les distances géographiques nous permettent de créer des produits d'écotourisme et de tourisme culturel, et de monter des visites guidées d'un jour en autobus. C'est faisable et économique.

Nous pouvons attirer les touristes et les intéresser, ce qui n'est pas possible pour de nombreuses collectivités isolées du nord du Québec et du Labrador, où la visite d'une seule collectivité peut facilement coûter 2 000 ou 3 000 dollars. Ces collectivités profiteront peu de l'industrie du tourisme.

• 1250

Nous soutenons surtout les partenariats mutuellement avantageux, qui contribuent au développement économique autochtone. De nombreuses réussites en Saskatchewan s'appuient sur ce modèle. Nous devons faire en sorte que ces partenariats soient avantageux pour les deux parties à long terme, et éviter les entreprises superficielles qui ne permettront pas au partenaire autochtone un développement durable.

J'ai insisté sur deux questions importantes. Vos questions pourront permettre d'apporter des précisions. Une fois encore, merci de m'avoir reçu aujourd'hui.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Martell. C'était très intéressant.

Monsieur Konrad, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Merci pour cet intéressant exposé.

Jim, vous avez dit que la Loi sur les Indiens constituait l'un des principaux obstacles au développement économique des premières nations, et j'imagine que vous faites référence aussi au système des réserves. Recommanderiez-vous d'amender ou d'abolir la Loi afin que les Autochtones puissent assurer le développement en tant que peuple, non liés à des collectivités... en étant incapables de posséder des terres ou autre chose? C'est ce que vous proposez?

M. Jim Richardson: L'un des sujets que le groupe de travail sur le financement des entreprises autochtones a examinés était la capacité des premières nations à proposer un amendement à l'article 89, et à examiner les options, si le chef, le conseil et les membres de la collectivité décident d'exercer l'option de refus par rapport à cette clause. Il faut accorder à chaque nation la possibilité de prendre cette décision.

M. Derrek Konrad: Certainement.

M. Jim Richardson: Nous avons étudié cette question. Je crois que c'est en effet un obstacle important, dans de nombreux cas, quand le financement est en cause.

M. Derrek Konrad: C'est intéressant. Je ne connais pas bien le contenu de l'article 89. J'étudie actuellement la Loi sur les Indiens, y compris les jugements qui en découlent. L'article 89 leur permet d'exercer leur droit de refus relativement à la Loi sur les Indiens? À quoi cela s'applique-t-il au juste?

M. Jim Richardson: En gros, l'article 89 définit les propriétés indiennes, de façon simple. En vertu de la Loi sur les Indiens, vous ne pouvez revendiquer un bien appartenant à des Indiens, à l'exception, par exemple, de biens qui sont financés en vertu d'ententes de ventes conditionnelles, comme des véhicules moteurs, pour lesquels le droit de propriété n'est pas transféré à l'individu tant que le paiement n'a pas été versé. Mais la grande majorité des biens immeubles sur une réserve indienne ne peuvent être revendiqués en vertu de la Loi sur les Indiens.

M. Derrek Konrad: Tout comme une maison mobile—n'est plus mobile quand elle est installée sur des fondations.

M. Jim Richardson: C'est vraiment comme ça. Les entrepreneurs individuels ne peuvent hypothéquer leur maison. Pas sur la réserve.

M. Derrek Konrad: J'aimerais savoir aussi si vous ou M. Martell avez entendu parler de terrains ou d'immeubles à l'extérieur des réserves qui ont été utilisés comme garanties et qui ont été perdus à la suite d'une faillite de l'entreprise?

M. Jim Richardson: Ma réponse est non, parce que c'est légalement impossible.

M. Derrek Konrad: Des biens hors réserve?

M. Jim Richardson: Oh, vous parlez des biens hors réserve?

M. Derrek Konrad: Oui.

M. Jim Richardson: Oh, hors réserve—oui, bien entendu.

M. Derrek Konrad: C'est arrivé.

M. Jim Richardson: Bien sûr.

M. Derrek Konrad: Je vois.

Je dois quitter, monsieur le président, parce que beaucoup de gens...

[Français]

Le président: Même si nos délibérations se poursuivent après 13 heures, je vous invite à poser votre question. Nos témoins sont très intéressants.

Monsieur Perron.

M. Gilles Perron: Jim et Keith, bienvenue chez nous. J'ai une question à trois volets à laquelle Keith répondra probablement.

Mon système d'information me dit qu'on ouvrira ou qu'on a ouvert tout récemment une succursale de la Banque des Premières Nations du Canada à Chisasibi, au Québec. J'aimerais que vous en parliez et que vous me disiez quels groupes autochtones y participent, soit les Cris ou d'autres groupes. Est-ce que des banques à charte du Québec se sont associées avec vous? Quels sont le mandat et les projets de développement économique de cette banque?

[Traduction]

M. Keith Martell: Oui, nous ouvrons une autre succursale à Chisasibi, dans le nord du Québec. Nous poursuivons l'expansion à l'intérieur du territoire cri, dans la province de Québec.

Nous avons choisi cette région pour des raisons économiques. Les possibilités d'entreprises y sont extraordinaires. Le leadership est très développé, et l'infrastructure commerciale très bien établie. Nous fournirons des services bancaires aux entreprises. Nous voulons devenir des partenaires du développement économique, et c'est pourquoi nous avons choisi cette région. Nous n'offrons pas de crédit promoteur aux entreprises en démarrage, pas plus pour celles de cette région. Nous sommes une banque commerciale que les Cris, espérons-nous, choisiront comme partenaire pour de nombreux projets.

• 1255

[Français]

M. Gilles Perron: Est-ce que votre banque est affiliée à d'autres banques à charte québécoises ou canadiennes?

[Traduction]

M. Keith Martell: Nous avons conclu un contrat d'affiliation quand nous avons créé la Banque des Premières Nations. Nous avons choisi un partenaire stratégique, la Banque Toronto-Dominion, qui possède une charte nationale. Nous avons une charte nationale de banque de l'annexe II, et nous pouvons faire des affaires au Québec. Nous menons nos affaires avec le soutien de notre partenaire pour ce qui est de l'infrastructure et de la gestion.

[Français]

M. Gilles Perron: Merci.

Le président: Merci, monsieur Perron.

Monsieur Earle.

[Traduction]

M. Gordon Earle: Je n'ai pas vraiment de question, mais je désire faire un commentaire, auquel vous voudrez peut-être répliquer.

Je suis très content de voir, dans la conclusion de votre document, monsieur Martell, que vous souhaitez faire en sorte que le territoire et les ressources des collectivités nordiques deviennent de véritables actifs dans l'économie nordique. C'est un point que j'ai soulevé lors de discussions précédentes avec ce Comité, un point que je considère des plus importants. Nous savons en effet que de nombreux problèmes rencontrés par les peuples autochtones des collectivités isolées et d'ailleurs proviennent de leur incapacité à s'assurer que les bénéfices tirés de ces ressources leur sont retournés, ou qu'ils servent aux habitants de ces collectivités.

Je pense entre autres à l'industrie minière. Les mines sont exploitées en majorité par de grandes sociétés, et aucun profit n'est retourné à la collectivité. Pensons aussi aux barrages hydroélectriques, qui ont des effets incommensurables sur le mode de vie traditionnel, sur la chasse et la pêche, etc.

C'est un point très important: si ces collectivités veulent sauvegarder leurs traditions, elles doivent avoir le contrôle sur les ressources naturelles. Je suis heureux de voir que ce point est intégré. Peut-être pourriez-vous expliquer un peu comment votre institution financière favorise cette évolution, ou encore si vous avez posé des gestes précis en vue du contrôle des ressources.

M. Keith Martell: Les paramètres auxquels est assujetti le contrôle des ressources changent chaque jour. Comme vous le savez tous, chaque fois que nous semblons avoir la mainmise sur les ressources et sur le développement économique, nous avons besoin d'avocats et de services juridiques pour nous dire exactement vers où diriger le développement économique. C'est vraiment l'autonomie gouvernementale qui est en cause, et la définition des relations.

Un membre a parlé de l'abolition de la Loi sur les Indiens, mais derrière celle-ci se trouvent beaucoup de traités et de négociations qui remontent à l'origine de la constitution de notre pays. Tant que nous pouvons intégrer ces traités à l'intérieur de processus modernes qui donneront aux deux parties des balises de fonctionnement, nous n'avons rien contre l'abolition de la Loi sur les Indiens. Il faudrait toutefois que l'on continue de reconnaître que des ententes ont été signées entre les premières nations et les autres nations qui ont développé ce pays.

Des négociations sont en cours en Colombie-Britannique. En Saskatchewan, des discussions ont lieu entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial afin d'établir de nouvelles relations.

Nous pouvons utiliser ces ententes—c'est une décision politique, gouvernementale—ils peuvent s'entendre pour établir de nouvelles relations et déterminer exactement comment sera effectué le développement de ces ressources. Que l'on partage les profits ou qu'on les injecte localement dans des projets cogérés, il faut que cela se déroule ainsi.

Notre banque a très hâte au jour où elle ne sera plus à la merci des jugements de la cour, comme dans le cas de l'exploitation forestière.

M. Gordon Earle: L'autre point que je veux soulever concerne l'importance d'accorder aux collectivités autochtones la possibilité de garantir à leurs membres habitant les villes un avenir économique plus sûr. C'est très important. Vous financez surtout des gens qui ne vivent pas dans une réserve, qui ont choisi de vivre loin de leur collectivité, ou...?

M. Keith Martell: Non, pas nécessairement. Notre succursale de Saskatoon, le siège social et la première succursale, est urbaine. Elle est sise dans la ville de Saskatoon. Mais elle constitue un point de rencontre pour beaucoup de représentants des premières nations des environs. À Chisasibi, la succursale est située dans la réserve. Nous avons donc obtenu du succès dans les deux secteurs.

M. Gordon Earle: Merci.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Earle.

Monsieur Keddy.

• 1300

[Traduction]

M. Gerald Keddy: J'aimerais qu'on parle de la contestation judiciaire qui a eu lieu au Nouveau-Brunswick. C'est un cas intéressant, et il a certainement créé un précédent. Mais je ne sais pas si le tribunal a changé d'idée, ou si l'interprétation n'est jamais parvenue jusqu'à eux. Je ne crois pas que la question était à savoir si l'entrepreneur était autochtone ou non. Tous les entrepreneurs sont dans la même situation quand un tribunal émet un jugement qui affecte l'entrepreneur qui se trouve à la fin du cycle.

Pour revenir à ce dont je parlais tout à l'heure... Nous sommes devant un paquet de règlements que nous n'avons même pas examinés. Nous voulons faire des changements importants, sur un terrain à toutes fins utiles vierges, et nous n'avons pas établi les règles de base. C'est l'erreur qu'a commise le présent gouvernement, et dont sont coupables tous les autres gouvernements précédents. C'est notre rôle en tant que parlementaires d'établir ces règles.

J'aimerais savoir la valeur du capital que vous avez prêté, et la valeur du capital auquel vous avez accès.

M. Jim Richardson: Dans notre cas, nous avons prêté un peu plus de 11 millions l'an passé. Des prêts accordés à de petites entreprises en démarrage, en grande majorité. Nous avons accordé quelques prêts plus importants. Nos prêts en cours actuellement s'approchent des 32 millions de dollars.

M. Gerald Keddy: Pourrait-on dire que vous venez de créer la banque autochtone?

M. Keith Martell: Non. Il parle de la Banque de développement du Canada, non de la Banque des Premières Nations du Canada. Notre banque a commencé ses opérations avec le minimum requis par la Loi sur les banques, soit 10 millions de capital, ce qui nous permettra d'obtenir éventuellement un portefeuille de 150 millions de dollars environ. Nous sommes donc à quelque 10 p. 100 de notre capacité, soit un portefeuille de 15 millions de dollars environ.

M. Gerald Keddy: Je n'essaie pas de vous poser une colle, mais quels changements permettront à votre avis de faire en sorte d'augmenter les fonds disponibles? Je ne dis pas qu'il faut changer la Loi sur les Indiens demain, mais quels sont les petits changements—quelles sont les pierres d'achoppement contre lesquelles buttent les entrepreneurs qui voudraient obtenir du financement et que l'on pourrait changer dès maintenant?

M. Jim Richardson: Je peux vous répondre au nom de notre banque. Je crois qu'il est important de réaliser que l'engagement des gestionnaires se fait ressentir jusqu'à l'échelon le plus bas dans une organisation. C'est pourquoi notre banque fut l'une des premières à créer un sous-comité du Conseil chargé du développement économique autochtone. Cette initiative a des répercussions très fortes et a fait bouger les choses. Quand un projet est viable, nous pouvons mieux faire face au risque. Je crois donc que l'engagement des gestionnaires est le point le plus important.

Pour ce qui est de la clarté des règles, soit l'uniformisation des politiques et des procédures, par exemple, le groupe de travail sur le financement autochtone a examiné les paiements directionnels et les résolutions du conseil de bande en ce sens. Nous avons constaté que les règles étaient différentes d'une province à l'autre. Le MAINC doit absolument coordonner les actions dans les différentes régions, qu'il s'agisse d'ententes tripartites ou autres—ce qui est déjà commencé.

Le champ d'action s'élargit un peu en ce qui a trait aux projets commercialement viables, mais l'élément développement est encore laissé pour compte dans une large mesure. Il faut absolument contribuer au développement d'entreprises viables à long terme. Nous avons besoin de ces entrepreneurs.

M. Keith Martell: Je crois que, à court terme, il faut revoir l'orientation du gouvernement relativement au développement économique des premières nations. Les normes changent constamment, de même que les méthodes de prestation des programmes et, aussitôt que les fonctionnaires chargés du développement économique comprennent un programme, celui-ci change.

S'il y avait moins de changements... On a vu beaucoup d'expériences réussies dans le passé, notamment en ce qui a trait aux sociétés de financement des Autochtones et, même si le gouvernement constate qu'il y a des côtés positifs, mais il s'arrête aux échecs et refuse de continuer à financer le capital. Ces sociétés, qui avaient obtenu beaucoup de succès en Saskatchewan, doivent maintenant recourir à des techniques de survie. L'entrepreneur autochtone ne peut jamais vraiment savoir où se situe le gouvernement par rapport au développement économique autochtone. Si vous pouviez régler ce problème à court terme, ce serait très aidant.

M. Jim Richardson: J'aimerais ajouter un autre point très important, auquel on a fait allusion dans un autre exposé. Il concerne le partenariat. Je constate qu'on y a de plus en plus recours. Par exemple, une entente a été signée entre la CIBC, la Banque Royale et une société de financement des Autochtones. C'est un moyen d'amenuiser les risques financiers.

• 1305

[Français]

Le président: Merci, monsieur Keddy.

Monsieur Finlay.

[Traduction]

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'apprécie vos exposés, messieurs. J'ai quelques questions sur ce que vous avez dit et sur ce que je lis ici.

À la p. 2, Jim, vous dites:

    «Il existe encore un grand besoin de crédit promoteur. C'est une entreprise risquée et, à mon avis, la survie des sociétés de financement des Autochtones requiert le soutien gouvernemental pour ce qui est des coûts administratifs et des pertes sur prêts [...]»

Keith a fait le même constat dans son exposé. Qui peut faire cela? Le MAINC? Une initiative de ce dernier?

M. Jim Richardson: C'est une combinaison actuellement. En fait, c'est la responsabilité d'Entreprise autochtone Canada. Bob Dickson, je crois, a fait un exposé ici. C'est son portefeuille qui est mis en cause, mais le MAINC et Industrie Canada s'occupent conjointement du dossier actuellement.

M. John Finlay: Vous parlez plus loin de quelque chose que je ne comprends pas entièrement. À la fin de l'avant-dernière page, vous écrivez:

    «Le programme de gel des terres, de la stratégie d'approvisionnement fédérale, devrait être modifié afin de favoriser le partage des profits [...]»

S'agit-il d'un autre programme du MAINC, ou s'agit-il d'un programme général pour l'ensemble des ministères? Qui pourrait le modifier?

M. Jim Richardson: Vous avez raison. Le programme est une initiative du MAINC, mais il est en vigueur dans tous les ministères.

Actuellement, par exemple, afin d'encourager le développement économique autochtone, des points sont accordés si vous faites affaire avec une entreprise autochtone.

Je crois que c'est ce qui ressort des travaux du groupe de travail—vous devriez faire en sorte de créer un effet de contagion dans la collectivité. Autrement, ce sont des entrepreneurs de Winnipeg, de Saskatoon ou de Regina qui en tireront tous les avantages, et la moitié des objectifs ne seront pas atteints, dont le développement économique des réserves.

Il faut absolument apporter des modifications. Cette recommandation paraît dans le rapport, qui je crois a été distribué ou sera distribué aux membres de votre Comité.

M. John Finlay: Cette recommandation est énoncée dans le rapport?

M. Jim Richardson: Oui.

M. John Finlay: Keith, j'aimerais que vous m'expliquiez l'une de vos conclusions. Dans le deuxième paragraphe, vous dites:

    «Ces ressources sont souvent sous le contrôle des gouvernements provinciaux, et la Loi concernant le transfert des ressources naturelles limite la capacité de cet organisme [...]

Parlez-vous des gouvernements provinciaux?

M. Keith Martell: Je parle du gouvernement fédéral, désolé. La loi limite sa possibilité de faire des recommandations aux gouvernements provinciaux en ce qui a trait au partage des profits de l'exploitation des ressources des premières nations. Ces ressources se trouvent sur les territoires provinciaux. L'entente sur le transfert des ressources a remis cette responsabilité aux provinces.

M. John Finlay: Ce sont donc les provinces qui doivent faire des changements si...

M. Keith Martell: Oui. Comme je l'ai dit dans l'autre partie de mon exposé, nous, le gouvernement fédéral et les premières nations, ne pouvons agir de façon isolée. Nous devons nous entendre avec les provinces et les territoires.

M. John Finlay: Merci de cet éclaircissement.

M. Jim Richardson: J'aimerais ajouter un commentaire.

Voilà deux ou trois ans, j'ai fait partie d'un forum. L'ancien grand chef et M. Newell, de Suncrude, en faisaient aussi partie. L'ancien grand chef, Ovide Mercredi, parlait d'enjeux juridiques. M. Newell a répondu qu'il ne pouvait rien faire. Il entendait les demandes d'Ovide Mercredi, mais il devait s'en remettre aux provinces; il se trouvait donc entre l'arbre et l'écorce. Il était sympathique à la cause du chef Mercredi, mais il n'avait aucun contrôle sur la situation.

M. John Finlay: Peut-être faut-il amender cette loi. Quelle que soit la direction que nous prenons, cette constatation s'impose.

M. Keith Martell: Je crois que c'est un dossier constitutionnel.

M. John Finlay: Merci.

[Français]

Le président: Madame Karetak-Lindell.

[Traduction]

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.

Hier, durant un exposé, j'ai parlé d'un problème auquel sont confrontés les gens de ma circonscription, Nunavut. Je représente les Inuits ici. J'ai lu l'exposé qui parle des affaires bancaires autochtones, mais la deuxième page donne uniquement les populations amérindiennes recensées. En général, les électeurs de ma circonscription se plaignent que, quand ils s'inscrivent aux programmes de promotion du développement économique, ils se sentent comme une clé ronde tentant d'entrer dans une serrure carrée, parce qu'une grande partie des mesures concernent les premières nations.

• 1310

Ils aimeraient savoir comment être mieux desservis. Leur culture est particulière, et les critères sont en général établis pour les Premières nations. Ils ont vraiment de la difficulté à s'inscrire à ces programmes. Je sais qu'il s'agit d'une population peu nombreuse, mais le fait de ne même pas être considérée comme une population d'ici... Et quand je lis la p. 4 du texte sur les activités bancaires autochtones, c'est écrit en inuktitut, mais c'est bourré d'erreurs.

Cela illustre encore à quel point les gens de ma région ont de la difficulté à s'intégrer à ces programmes. Ils se sentent tout le temps ignorés. Je sais qu'il s'agit d'un petit peuple, mais ses membres couvrent une très grande partie du territoire canadien.

Qu'a-t-on fait sur le plan bancaire pour adapter certaines mesures au peuple de ma région?

M. Jim Richardson: Notre percée dans le marché autochtone est relativement récente, et elle est sous la responsabilité d'un individu très engagé. Nous avons été très actifs, et nous agissons de nouveau dans cette direction. Je m'excuse de n'avoir pas inclus le peuple inuit. Je possède d'autres chiffres qui en tiennent compte, mais ils ne se trouvent pas ici.

Nous travaillons très activement avec le mouvement coopératif du Nord. Nous assurons aussi une grande partie des services de gestion. Comme vous le savez, d'autres banques, notamment la Banque Royale et la Banque de Montréal, sont très actives sur le territoire Nunavut.

Il reste que, selon ce qui a été rapporté au groupe de travail, le Nord fait face à des difficultés qui lui sont propres. On les a abordées dans de nombreux forums, y compris devant le groupe de travail de M. Harold MacKay, à qui nous avons énoncé certaines préoccupations que nous avions au sujet des collectivités et régions isolées du pays.

Je crois que des pas ont été faits dans la bonne direction. Nous avons mis sur pied quelques projets dans le Nord, et j'espère faire plus avec le programme de crédit promoteur que nous avons lancé récemment. Nous avons été assez actifs au sein du mouvement coopératif de l'Arctique, sur le plan du financement.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

[Français]

Le président: Merci, madame.

Monsieur Perron.

M. Gilles Perron: Monsieur le président, ma question est un petit peu hors de contexte.

Le président: Il n'y a aucun problème.

M. Gilles Perron: J'aimerais demander au banquier quelle est sa vision personnelle de sa banque et de ce que l'avenir lui réserve compte tenu de cette nouvelle mode de fusion des mégabanques, telle celle de la Banque de Montréal et de la Banque Royale. Comment vous percevez-vous dans ce jeu-là de nouvelles manières de mener les affaires bancaires?

[Traduction]

M. Keith Martell: J'ai été intéressé de savoir qu'on n'en avait pas encore parlé. C'est une question qu'on m'a posée tout au cours de la semaine.

De son point de vue, la Banque des premières Nations est une institution commerciale. Nous voulons savoir ce qui contribuera à rendre les activités bancaires viables au Canada, et nous permettra de faire des profits. Nous sommes la plus petite et la plus jeune banque du Canada, et nous devons souvent défendre les banques. Les grandes ne nous rendent pas la tâche facile, avec leurs bénéfices nets qui se chiffrent en milliards de dollars. Les banques ont aussi des capitaux propres de milliards de dollars. Le rendement des capitaux propres s'élève à 18 ou 19 p. 100.

Nous ne sommes pas devenus une banque parce que nous voulions faire des milliards. Nous voulons simplement obtenir un rendement décent pour les fonds propres investis.

Pour rendre nos activités bancaires viables, nous nous sommes inspirés des grandes banques. Elles ont décidé de faire des fusions pour devenir plus compétitives sur la scène internationale, pour croître.

Je crois que ces fusions auront des répercussions surtout sur la rationalisation des ressources humaines et des établissements, et cela constitue une grande ouverture pour nous. Nous pourrons combler les manques, surtout quand des Autochtones sont touchés. C'est un aspect positif de notre constitution en banque à charte.

Nous sommes déjà en concurrence avec Wells Fargo, des États- Unis, et avec la Citizens Bank, installée à Vancouver, qui offre l'accès électronique dans tout le pays. Nous sommes aussi en compétition avec la American Express Bank Ltd. et la American Express Bank Canada Inc., très féroce dans le domaine des cartes de crédit. Nous sommes aussi confrontés aux banques étrangères. Si les fusions rendent l'industrie bancaire canadienne plus compétitive par rapport aux grandes institutions étrangères, et si nous restons un partenaire de la Toronto-Dominion, et que leur fusion avec la CIBC est approuvée, nous croyons que ce sera très avantageux pour notre banque.

• 1315

M. Jim Richardson: Un chef et ses conseillers d'une collectivité de la Saskatchewan m'ont posé la même question, Keith. J'ai répondu que la Banque Royale et la Banque de Montréal particulièrement—du point de vue du service à un marché autochtone—ainsi que la banque TD et la CIBC, ont institué des unités d'exploitation autochtones très progressistes. Ainsi, l'union des efforts pourrait être très positive pour beaucoup de collectivités autochtones.

Je n'ai pas fait d'analyse, mais c'est ce que je ressens, en considérant le caractère des gens qui travaillent dans ces unités d'exploitation bancaire autochtones.

[Français]

Le président: Merci. Aucune autre question?

Je tiens à vous remercier, messieurs Martell et Richardson, de votre patience.

Monsieur Richardson, je tiens à vous décerner une mention d'honneur, ou de mérite même, pour les documents que vous nous avez remis. Ils sont faciles à lire. Nous, les députés, recevons de nombreux documents et c'est la première fois que je reçois un document qui soit aussi facile à lire. C'est un excellent document qui contient de plus certaines réflexions autochtones qui nous portent à réfléchir à notre tour. Vous nous donnez le goût de lire vos documents. Certains fonctionnaires canadiens devraient suivre votre exemple. Je tiens à vous en féliciter.

Merci beaucoup et à la prochaine réunion.

La séance est levée.