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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 22 octobre 1998

• 0905

[Français]

Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.)): À l'ordre. Nous allons commencer la séance.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions le chapitre 14 du Rapport de septembre 1998 du vérificateur général du Canada: Affaires indiennes et du Nord du Canada—Les revendications territoriales globales.

Nous recevons aujourd'hui comme témoins, du Bureau du vérificateur général du Canada, M. Denis Desautels, vérificateur général du Canada, M. Grant Wilson, directeur principal, Opérations de vérification, et M. Don Young, vérificateur général adjoint, Opérations de vérification. Vous avez une déclaration d'ouverture, monsieur Desautels?

M. L. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Oui, monsieur le président.

Le président: Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous sommes vraiment contents que vous soyez venu nous rencontrer à notre demande et nous avons hâte de vous entendre.

M. Denis Desautels: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vous remercie, vous et les membres du comité, de l'occasion que vous me donnez de présenter les résultats de notre vérifications des revendications territoriales globales dont fait état notre chapitre 14 du rapport de septembre 1998.

Comme vous l'avez dit, je suis accompagné de M. Don Young et de M. Grant Wilson. M. Wilson est un des deux principaux auteurs du chapitre dont nous discutons ce matin. Dans la salle, il y a également M. Ted Bonder, qui est l'autre auteur et qui est impliqué dans les affaires autochtones chez nous depuis presque 10 ans. Je suppose qu'au besoin, nous pourrons inviter M. Bonder à donner plus de détails au comité.

Le président: Il peut s'asseoir à votre droite si vous le voulez.

M. Denis Desautels: On va commencer comme ça, puis on va voir. Si nous avons besoin de M. Bonder, je vais faire appel à lui.

Le président: Merci beaucoup.

M. Denis Desautels: Les revendications territoriales globales, comme vous le savez, constituent un sujet très important et très complexe pour beaucoup de Canadiens. Les enjeux sont élevés, autant sur le plan moral que sur les plans juridique, social et économique. Les répercussions des revendications réglées et non réglées peuvent être très profondes.

Il convient de noter que le règlement de ces revendications touche directement des milliers de personnes, qu'elles participent directement ou non à une revendication. Il importe également de noter que les règlements tentent de répondre à des questions qui ont été longtemps laissées en suspens et qui remontent à la naissance de notre pays et même avant.

Au moment de la vérification, 12 ententes de règlement avaient été signées entre 1975, année où la première entente a été conclue, et 1997. Affaires indiennes et du Nord Canada prévoit dépenser 262 millions de dollars en 1998-1999 pour le programme qui comprend la négociation des ententes et leur mise en oeuvre.

Ces 12 ententes de règlement concernent 48 000 autochtones et prévoient la propriété exclusive de plus d'un demi-million de kilomètres carrés de terres, le versement direct, par le gouvernement du Canada, d'indemnités de près de deux milliards de dollars et divers droits et obligations des parties ainsi que les coûts connexes.

Même si ces ententes sont très importantes, elles pourraient refléter seulement la pointe de l'iceberg. Pourquoi? Parce que les revendications actuelles ou éventuelles de plus de 200 Premières Nations doivent encore être évaluées ou réglées.

[Traduction]

Les défis que posent les ententes de règlement sont énormes. Elles comportent des questions complexes et exigent la bonne volonté de plusieurs parties et de nombreuses non-parties à une revendication. Je crois que la négociation d'ententes de règlement justes est de loin préférable à une menace persistante de poursuite ou à une poursuite comme telle. Je crois aussi que la nature des relations entre les Premières nations et le gouvernement reflétera, dans une large mesure, la manière dont les ententes seront conclues et les résultats, obtenus.

Tant qu'il restera des griefs et des revendications à régler, la relation pourrait en souffrir, nuisant ainsi aux efforts déployés par les parties pour faire des progrès socio-économiques grâce à une multitude de programmes qui sont financés par le gouvernement et destinés aux peuples autochtones.

Nous savons, par exemple, que beaucoup de Premières nations ont du rattrapage à faire par rapport à la qualité de vie dont jouissent les autres Canadiens. Parmi les facteurs qui contribuent à l'écart, mentionnons les suivants: la situation financière précaire de certaines bandes indiennes; la mobilité limitée des résidents des réserves; le peu de possibilités de développement économique dans les endroits éloignés; une moins bonne santé; des niveaux d'éducation inférieurs; le taux de chômage élevé et la grande dépendance à l'égard de l'aide sociale;`le fait que certaines Premières nations ne sont pas bien préparées à assumer la dévolution des programmes; le caractère inadéquat de l'infrastructure dans les réserves. De plus, on peut s'attendre que la demande de services dans les réserves augmente de façon spectaculaire en raison du fait que l'âge moyen des membres des collectivités est bas et que le taux de natalité dans les réserves est élevé.

• 0910

Par conséquent, l'écart entre les conditions de vie dans les collectivités autochtones et non-autochtones risque de s'élargir. La seule hausse du financement n'est pas une solution à long terme viable. Pour commencer, les parties doivent «détendre l'atmosphère» en réglant les vieux griefs et en arrivant à s'entendre sur les attentes, les responsabilités et les obligations tant du gouvernement que des Premières nations.

C'est à la lumière de ce contexte que je dépose une annexe au présent commentaire d'introduction. L'annexe résume certains points des vérifications dont nous avons fait rapport de 1991 à 1997 qui, à mon avis, seront utiles au comité.

Venons-en maintenant au rapport de septembre 1998 sur les revendications territoriales globales. Il y a quelques points saillants que le comité voudra peut-être prendre en considération. D'abord la vérification a été exécutée à la lumière des objectifs du ministère qui sont de fournir certitude et clarté quant aux titres de propriété et à l'utilisation des terres et des ressources grâce à des ententes négociées, et de favoriser ainsi le développement économique. À cet égard, la vérification a porté sur le rôle du ministère et a cherché à trouver des possibilités d'améliorer la façon dont les ententes sont conclues, mises en oeuvre et communiquées.

Nous avons constaté que la certitude obtenue aux termes des ententes de règlement peut vouloir dire différentes choses pour différentes parties. Il y a le risque que les parties puissent s'être entendues sur des résultats après négociation, mais qu'elles gardent des attentes différentes concernant les avantages et les obligations énoncés dans l'entente signée.

De plus la vérification a permis de constater qu'afin d'améliorer l'efficacité du processus de règlement, il faut plus de rigueur au moment de déterminer les sommes d'argent, les transferts des droits territoriaux et les autres considérations qui finissent par être inclus dans les ententes de règlement finales.

Nous considérons aussi que le ministère doit donner suite à l'engagement qu'il a pris d'étudier des méthodes autres que celle de la renonciation aux droits et aux titres ancestraux par mesure de cession ou d'extinction, méthodes qui devraient offrir des garanties de clarté, de stabilité et de certitude par la voie des ententes de règlement négociées.

[Français]

En outre, monsieur le président, on peut se demander pourquoi il a fallu ou il faudra 20 ans ou plus pour régler certaines revendications, même si le processus comporte des questions complexes. À mon avis, le prolongement des négociations ne contribue pas à la rentabilité du processus et peut aboutir à des résultats moins favorables pour toutes les parties intéressées.

Même si les recommandations sont principalement adressées au ministère, il faut des efforts constants et la collaboration de la part de toutes les parties pour atteindre les objectifs nécessaires, cela de manière équitable et rapide.

Dans sa réponse à notre vérification, le ministère ne parle pas explicitement des recommandations formulées. Par conséquent, il ne s'est engagé à l'égard d'aucune mesure corrective précise dont on peut lui demander de rendre compte.

Le ministère laisse entendre qu'aux termes de sa politique actuelle sur les revendications territoriales, qui date de 1986, les choses se sont améliorées et que les observations de vérification s'appliquent aux méthodes utilisées avant cette date.

Je désire attirer l'attention du comité sur le fait que la vérification comportait un examen des ententes signées aux termes de la politique actuelle. De plus, comme il a fallu 20 ans ou plus pour régler certaines revendications et comme elles sont encore toutes en voie de mise en oeuvre, les questions soulevées par la vérification doivent être réglées, peu importe la politique que le ministère souhaite appliquer.

En conclusion, cette vérification, tout en reconnaissant l'ampleur du défi, propose des façons d'améliorer le processus et les résultats des revendications dans l'intérêt de tous les Canadiens. Grâce à l'encouragement du comité, j'espère que des améliorations seront apportées.

Je vous remercie, monsieur le président. Mes collègues et moi serons très heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Desautels, de votre excellent exposé dont le but est d'améliorer le processus des revendications territoriales globales dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Monsieur Desautels, si vous jugez nécessaire, au cours de l'année, de revenir à notre comité, vous serez le bienvenu. Vous pouvez venir trois ou même quatre fois par année si vous le voulez. Vous n'avez qu'à m'appeler. Je connais votre crédibilité et celle de votre équipe et je sais que vous voulez améliorer la situation au Canada. Merci de votre exposé.

Monsieur Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Je vais céder la place à mon collègue.

[Français]

Le président: Monsieur Scott.

[Traduction]

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Merci, monsieur le président.

• 0915

Je vous remercie beaucoup d'être venu ici aujourd'hui de nous avoir remis ce rapport et de nous permettre de rencontrer les membres de votre personnel après la publication du rapport.

J'ai quelques questions d'ordre administratif. Dans le cas des négociations relatives aux revendications territoriales auxquelles participe une province, comme celles concernant le traité négocié avec la Colombie-Britannique à l'heure actuelle, est-ce que les 90 millions de dollars dont vous faites état dans votre rapport, c'est-à-dire le coût jusqu'à présent, comprennent la part des coûts qu'assume la province aussi ou s'agit-il uniquement de la part du gouvernement fédéral?

M. Denis Desautels: Je pense qu'il ne s'agit que de la part du gouvernement, monsieur le président.

M. Mike Scott: Est-ce que les 90 millions de dollars incluent des coûts à payer que l'on peut considérer comme des prêts remboursables?

M. Grant Wilson (directeur principal, Opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada): Oui, on s'attend à ce que les 90 millions de dollars soient remboursés. Ces sommes sont avancées aux Premières nations pour les négociations et seront remboursées une fois l'entente de règlement conclue.

M. Mike Scott: D'après ce que j'ai compris, en vertu des ententes actuelles avec les Premières nations, on ne recouvrera en fait qu'une partie des sommes avancées aux fins des négociations.

M. Grant Wilson: Les 90 millions de dollars dont il est fait état dans ce chapitre ont été avancés sous forme de prêts et donc on s'attend à ce qu'ils soient remboursés. D'autres fonds versés aux Premières nations ne sont pas des prêts et ne sont donc pas remboursables.

M. Mike Scott: Les 90 millions de dollars représentent une avance aux bandes autochtones aux fins de la négociation, mais ne comprennent pas le coût des négociateurs fédéraux, des consultants, des conseillers juridiques, etc., auxquels le gouvernement fédéral ferait appel.

M. Grant Wilson: Le gouvernement fédéral négocie par l'entremise du Bureau fédéral de négociation des traités et les coûts assumés par ce bureau ne figurent pas dans les 90 millions de dollars.

M. Mike Scott: Avez-vous cherché à savoir à combien pourraient se chiffrer ces coûts?

M. Grant Wilson: Nous n'avons pas vérifié ces coûts. Je tiens également à rappeler que nous n'avons pas non plus fait la vérification des livres de la Commission des traités de la Colombie-Britannique mais que les renseignements que nous donnons dans ce chapitre visent simplement à donner une idée du lieu où se dérouleraient principalement les prochaines revendications territoriales globales.

M. Mike Scott: Je comprends. J'essaie simplement de voir à combien se chiffrera le coût total et ce qui figure et ne figure pas dans votre chiffre de 90 millions de dollars.

En ce qui concerne les 12 règlements de revendications territoriales conclus depuis 20 dernières années, avez-vous eu l'occasion d'étudier l'impact de ces traités modernes sur le taux de dépendance, le taux de chômage et les tendances négatives qui se manifestent dans les réserves partout au Canada afin de déterminer si ces traités ont ou non apporté des avantages quantifiables?

M. Grant Wilson: C'est l'un des points que nous soulevons dans ce rapport de vérification. Aucune évaluation n'a été effectuée sur les règlements intervenus jusqu'à présent qui nous fournirait des données de cette nature.

Le ministère publie des rapports de mise en oeuvre sur diverses ententes de règlement dans lesquels il est fait état des activités. On y note les dépenses, etc., mais il est difficile de savoir quelles dépenses sont liées aux conditions de l'entente de règlement ou à sa mise en oeuvre, et quelles dépenses font partie du budget courant du ministère. Nous avons donc souligné notre préoccupation à cet égard.

M. Mike Scott: Vous comprenez que l'on dit au Parlement et aux Autochtones que le processus de traité vise à remédier aux problèmes de dépendance, au chômage et aux autres problèmes sociaux qui existent dans les réserves. Voilà pourquoi j'estime qu'il est essentiel que l'on examine quelle est l'incidence, s'il en est, de ces traités dans les réserves.

• 0920

Vous sonnez l'alarme dans votre rapport en disant, et je paraphrase, que le gouvernement fédéral n'a pas vraiment une bonne idée du coût final du processus de négociation de traités en Colombie-Britannique et dans d'autres régions du Canada, qu'il n'a pas effectué une évaluation appropriée des coûts éventuels, surtout dans le cas des postes non monétaires et de leur valeur. Dans votre examen du processus, avez-vous fait la moindre estimation du montant de ces coûts et est-ce la raison de vos préoccupations?

M. Grant Wilson: Nous n'avons pas calculé ces coûts. Ceux-ci portent sur des questions telles que celles mentionnées dans notre chapitre, c'est-à-dire la valeur éventuelle des terrains transférés par exemple et les droits d'accès. C'est la grande question lorsque nous parlons de la rigueur qu'il faudrait pour déterminer les montants puisque les règlements comprennent deux grands éléments: l'aspect territorial et monétaire. Là où on a une idée de la valeur du terrain et de son utilisation, pas nécessairement en termes monétaires, mais sa valeur en fonction de son utilisation, le volet monétaire de l'entente de règlement peut certainement s'en trouver influencé. Sans ces données, et nous ne savons vraiment pas comment c'est déterminé, sauf évidemment par voie de négociations, ni à combien s'élèvera ce montant en fin de compte.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Scott. Merci, monsieur Wilson.

Monsieur Finlay.

[Traduction]

M. John Finlay (Oxford, Lib): Merci, monsieur le président.

Nous avons pris connaissance, monsieur le président, des documents d'information qui nous ont été fournis. J'ai l'impression que nous abordons peut-être la question sous deux angles différents, en tentant de faire converger deux points de vue qui sont peut-être irréconciliables. Je comprends que le vérificateur général et mon collègue s'inquiètent de ce que cela pourrait coûter et de l'importance des territoires visés.

J'ai constaté à la lecture du rapport du vérificateur:

    Les règlements concernaient 48 000 Autochtones et prévoyaient la propriété exclusive de plus d'un demi-million de kilomètres carrés de terres, le versement d'indemnités totales par le gouvernement du Canada de près de 2 milliards de dollars ainsi que divers droits et diverses obligations accordés ou imposés aux parties, ainsi que les coûts afférents.

Je ne sais pas cela est censé être trop ou s'il s'agit simplement d'un énoncé des faits. Quarante huit mille Autochtones sur une population projetée de 800 000 personnes, ce n'est pas considérable. On pourrait penser que la propriété exclusive de plus d'un demi-million de kilomètres carrés de terres est quelque chose de considérable mais, par rapport à la superficie du Canada, j'imagine que c'est bien peu de chose. On pourrait en dire autant du coût de 2 milliards de dollars si on le comparait à d'autres coûts.

Nous ne devons pas perdre de vue qu'il s'agit de négociations et de règlements qui concernent au moins trois parties. Le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les Autochtones—et qu'il faut y mettre le temps voulu. À mon avis, il ne convient pas du tout de se plaindre du temps nécessaire. Un certain temps sera nécessaire. Dans certains cas, il en faudra encore davantage.

J'aimerais savoir quels sont les quatre règlements relatifs à des revendications territoriales globales sur lesquels l'attention a surtout porté—je n'ai pas trouvé cette information dans le document—et pourquoi ces quatre règlements ont été retenus. J'aurais également une deuxième question, monsieur le président. Avez-vous des exemples concrets de situation où la disparité des ressources mises à la disposition des parties, dont vous parlez à deux ou trois reprises, a eu une incidence sur le déroulement et l'issue des règlements des revendications territoriales, ou des exemples de cas où on aurait contesté l'objectivité ou l'issue des négociations?

[Français]

Le président: Vous avez la parole, monsieur Desautels.

[Traduction]

M. Denis Desautels: Merci, monsieur le président. J'accepterai volontiers de répondre à ces questions.

• 0925

Permettez-moi, avant tout, de vous dire tout d'abord que les renseignements que nous divulguons au sujet du nombre de règlements et des questions visées par ces règlements, ne le sont qu'à titre indicatif. Il s'agit d'un énoncé des faits. Nous ne nous prononçons pas sur le fait qu'on aurait trop ou trop peu concédé. Je suppose que les négociations ont été menées en toute liberté par toutes les parties. Nous nous en tenons aux faits.

En effet, monsieur le président, nous avons rédigé l'ensemble du chapitre avec l'intention d'informer le Parlement au sujet d'une activité que bien des gens ne comprennent pas très bien. Il s'agit d'une activité extrêmement importante, difficile à cerner pour bon nombre de personnes.

Nous avons cherché à informer. Les renseignements d'ordre quantitatif fournis l'ont été dans cet esprit.

Vous avez posé deux questions. L'une d'elles portait sur les quatre traités dont nous avons parlé. Puisque c'est M. Wilson qui dispose des renseignements à ce sujet, je vais lui demander de répondre et de vous donner également une réponse concernant la deuxième question que vous avez posée au sujet de l'éventualité que la disparité des ressources ait eu une incidence sur les négociations.

M. Grant Wilson: Nous avons examiné à fond les quatre revendications globales suivantes. Premièrement, Champagne et Aishihik, deuxièmement, Sahtu Dene et Métis, troisièmement, Gwich'in, dans les Territoires du Nord-Ouest, et quatrièmement, Inuvialuit, dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous les avons retenues parce que la valeur de l'indemnisation directe connue s'élevait à 350 millions de dollars, ce qui représentait une part importante du total de 2 milliards de dollars. Nous avons également retenu 160 000 kilomètres carrés sur le demi-million de kilomètres carrés des terres de propriété exclusive.

Pour ce qui est de la deuxième question, à savoir si nous avons pu constater un manque d'objectivité par suite d'une disparité, nous n'avons pas abordé cette question directement. Nous avons simplement déclaré dans le chapitre qu'il est possible que des ententes ne soient pas exécutées de façon objective compte tenu de la nature des positions de négociation. Comme nous l'avons signalé, la taille d'une Première nation peut parfois avoir une incidence directe sur sa capacité de négocier.

Également, c'est le gouvernement fédéral qui établit les conditions de négociation, ce qui peut également avoir une influence. Donc, nous signalons tout simplement la possibilité d'un manque d'objectivité. Il se peut que certaines Premières nations, ou même certains gouvernements, jugent qu'une entente soit injuste. On doit supposer, par contre, que si une entente est signée, c'est parce que les deux parties la jugent équitable.

M. John Finlay: Merci.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Finlay.

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur Desautels, c'est toujours avec plaisir que nous vous accueillons. Je voudrais vous féliciter non seulement pour l'excellent travail que vous faites sur la question autochtone, mais aussi pour l'ensemble de votre travail.

L'autre jour, j'étais à la rencontre lorsque vous avez dévoilé votre rapport et je vous ai adressé quelques questions. Ça va peut-être vous sembler redondant, mais vous connaissez le travail parlementaire. Nous devons aussi faire notre travail en comité.

Voici ma première question. Je crois personnellement que le ministère des Affaires indiennes est souvent conditionné par le ministère de la Justice. Mes collègues ont soulevé des questions de coûts et de délais de négociation. J'attribue beaucoup de ces délais et de ces coûts au fait que le ministère des Affaires indiennes a souvent les mains liés. Lorsqu'il met des choses de l'avant, il doit d'abord passer par le ministère de la Justice, qui lui dit de faire attention aux précédents, de faire attention à ceci et à cela. Cela retarde beaucoup les négociations.

Dans l'ensemble du dossier autochtone, lorsqu'il y a des jugements de la Cour suprême, jugements qui avantagent à 90 p. 100 les autochtones, que ce soit le jugement Calder, le jugement Sparrow ou le dernier, le jugement Delgamuukw, on sent qu'il y a un changement du côté des négociations du gouvernement. Voici ma question. Je vous l'avais adressée l'autre fois et vous vous en étiez très bien tiré.

• 0930

N'avez-vous pas l'impression que le gouvernement fédéral démissionne politiquement devant les négociations et qu'il est tout simplement conditionné par les cours, surtout par la Cour suprême?

Deuxièmement, il y a la question de la certitude par opposition aux droits ancestraux. Je pense que vous en avez fait mention dans votre document. Est-ce qu'il n'y a pas des interprétations différentes de la certitude? Pour nous, Blancs, la certitude est de conclure une entente et de signer un acte notarié. On passe chez le notaire et on cerne l'ensemble des dispositions, alors que pour les autochtones, la certitude est moins importante. D'ailleurs, dans le jugement Delgamuukw, on dit que la tradition orale est aussi importante qu'un contrat écrit.

Donc, n'avez-vous pas l'impression qu'il est très difficile de cerner les deux concepts de droits ancestraux et de certitude? Il y a même des gens ici, au Comité des affaires indiennes, qui se sont essayés avec le juge Hamilton, mais ce n'était pas plus clair. N'avez-vous pas l'impression que la pierre d'achoppement est vraiment la certitude et que les parties n'en ont pas la même conception?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, il m'est difficile de répondre à la première des deux questions parce qu'on parle de choses juridiques et politiques.

Bien sûr, le ministère des Affaires indiennes doit travailler de façon très étroite avec le ministère de la Justice dans le règlement des revendications. Nous exprimons même certaines critiques à cet égard. Nous disons qu'à la fin des négociations, il devrait y avoir une opinion globale du ministère de la Justice sur l'entente et nous citons un exemple où ça n'a pas été fait. En fait, on était allé à l'encontre de certaines conclusions du ministère de la Justice. Peu de temps après, on s'était retrouvé en cour avec des revendications supplémentaires.

Maintenant, comme je l'ai peut-être déjà dit, je ne suis pas avocat ou juriste, mais il est certain que le ministère des Affaires indiennes et le ministère de la Justice doivent tenir compte des décisions juridiques qui sont rendues. Ce que nous recherchons tous, ce sont des règlements qui vont faire l'affaire de tous et qui vont tenir par la suite. Si on fait fi des décisions importantes des différentes cours, on prend le risque que, tôt ou tard, il y ait contestation de ce règlement par quelqu'un d'autre.

Les décisions des cours, notamment de la Cour suprême, auront certainement un impact sur les négociations, et le ministère des Affaires indiennes va en tenir compte. Il doit travailler de façon très étroite avec le ministère de la Justice. À certains égards, on peut améliorer la relation entre le ministère des Affaires indiennes et le ministère de la Justice.

Maintenant, pour ce qui est de la question de la certitude, nous soulevons ça comme étant un objectif très important du programme de négociation des revendications. C'est ce que nous recherchons tous. Bien sûr, il y a d'autres questions, telles des questions d'équité, de clarté et ainsi de suite. Quant à la question de la certitude, c'est un objectif fondamental de toutes les négociations sur les revendications territoriales.

Dans notre rapport, nous soulignons exactement la question que vous soulevez, à savoir que l'interprétation de la certitude n'est pas toujours la même de la part des parties en cause. Les peuples autochtones n'ont pas la même tradition culturelle et interprètent cette question de façon très différente. Il faut que le ministère reconnaisse ces différences et en tienne compte dans ses négociations. Il n'y a pas de solution magique. C'est un fait qui existe depuis très longtemps, et on va devoir en tenir suffisamment compte.

• 0935

M. Claude Bachand: J'aimerais apporter une précision sur votre première réponse. Vous dites que le gouvernement doit tenir compte des décisions des cours, et c'est effectivement le cas, mais s'il doit en tenir compte, c'est parce qu'il y a déjà eu des zones grises que le gouvernement s'est peut-être refusé à préciser pour éviter, justement, que ça aille devant les cours. Ne croyez pas qu'à ce moment-là, le gouvernement démissionne face à ses responsabilités politiques? Êtes-vous en mesure de me le dire ou si vous trouvez que la question est un peu trop politique et que je devrais en débattre avec mes collègues plutôt qu'avec vous?

M. Denis Desautels: En effet, c'est une question très politique. Le gouvernement a toujours le choix, dans certains cas, de légiférer s'il le veut. Maintenant, c'est une décision strictement politique. Est-ce que le gouvernement veut tenir compte de certaines décisions de la cour, qui sont une interprétation de certaines lois, ou s'il veut changer les lois? Le gouvernement ou le Parlement est toujours libre de faire ce choix. Je ne suis pas prêt à vous suggérer de le faire ou de ne pas le faire. C'est aux parlementaires de décider.

Le président: Très bonne réponse. Merci, monsieur Bachand et monsieur Desautels.

Monsieur Wilfert.

[Traduction]

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Dans votre rapport, que j'ai d'ailleurs lu avec grand intérêt, vous ne vous opposez pas aux objectifs de la conclusion de traités mais, d'autre part, vous ne voyez pas nécessairement d'un bon oeil les négociations, surtout pour ce qui est des coûts et des délais qu'elles entraînent.

Il s'agit là, évidemment d'une question qui préoccupe bon nombre de Canadiens. Bien des gens ne comprennent pas très bien pourquoi cela prend tant de temps et se demande dans quelle mesure on tient compte de tous les coûts. Tout cela coûte quelque chose aux ministères et je crois comprendre que ces derniers ne déclarent pas nécessairement tous leurs coûts. Est-ce parce qu'ils ne disposent pas de toute l'information pertinente? Pouvez-vous nous fournir certains exemples, à partir de l'échantillon de vérification, de différences qui existent entre les montants d'indemnisation financière, soit le coût du règlement et l'ensemble des coûts? Ce serait là ma première question.

Ma deuxième concerne la critique souvent répétée selon laquelle le ministère n'a pas suivi les conseils du ministère de la Justice. Les fonctionnaires du ministère de la Justice ne sont-ils pas tenus d'être présents à chaque étape? Ils passent certainement en revue chacun des chapitres faisant l'objet de négociations et ils y participent donc avant l'étape de l'approbation finale par le cabinet. Si tel n'est pas le cas, comment pourrait-on expliquer la chose?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je suis bien d'accord avec le député pour dire que nous ne contestons nullement l'intention d'en arriver à un règlement grâce à la négociation, ce qui semble être la meilleure solution possible. C'est ce que prétend le ministère, et nous n'avons pas lieu d'en disconvenir.

En réalité, notre chapitre peut se résumer à deux grandes recommandations. Il y a tout d'abord une série de recommandations qui visent à améliorer le processus dans la mesure du possible, à l'abréger, à le rendre plus efficace, à le faire aboutir à un accord qui ne sera pas contesté.

Le deuxième ensemble de recommandation a trait à la mise en oeuvre des engagements qui ont été pris, notamment par le gouvernement, aux termes d'un accord. Il arrive parfois qu'un accord reste lettre morte à cause d'une mauvaise application ultérieurement.

Voilà donc les deux principaux domaines où des améliorations s'imposent, d'après nous.

Je vais répondre à votre deuxième question et je vais ensuite demander à M. Wilson de répondre à la première.

Pour ce qui est des conseils du ministère de la Justice, vous avez raison. Les responsables de ce ministère participent pleinement à toutes les étapes. Mais il ne faut pas non plus perdre de vue que de telles négociations durent parfois 20 ans. Ainsi, même si des représentants du ministère de la Justice ont pu y participer à divers égards sur la période, il y a vraisemblablement eu un roulement du personnel. Ainsi, nous proposons que, à la dernière étape, avant de passer à la solution définitive, un examen d'ensemble soit effectué pour garantir la cohérence et la pertinence de l'entente. Il est donc vrai que le ministère de la Justice participe à toutes les étapes mais, compte tenu de la durée des négociations et du roulement parfois rapide du personnel, il est possible que la mémoire institutionnelle s'estompe parfois. Mais il faut aussi jeter un coup d'oeil à l'ensemble à la fin du processus, de manière à garantir un bon agencement de toutes les parties qui forment le tout.

• 0940

J'espère que cela répond à la question. Je demanderai à M. Wilson de répondre à votre première question.

M. Grant Wilson: Je vous remercie, monsieur le président.

En ce qui concerne les coûts, ils comportent en fait deux aspects. L'un concerne les coûts dont on fait rapport; l'autre concerne les coûts utilisés par le ministère à des fins de gestion.

En ce qui concerne le premier aspect, comme M. Desautels l'a dit, on prévoit dépenser cette année 262 millions de dollars pour régler les revendications territoriales globales. Ce montant concerne les négociations c'est-à-dire les paiements versés en vertu de revendications qui ont déjà été réglées—c'est-à-dire la somme de 2 milliards de dollars est versée de façon échelonnée sur un certain nombre d'années—et concernent aussi la mise en oeuvre.

Ce que j'indique dans le chapitre, c'est que le Budget des dépenses et les rapports de rendement du ministère ne permettent pas de déterminer clairement la ventilation des dépenses, c'est-à-dire les sommes consacrées à telle et telle chose et dans quel domaine. Bien sûr le ministère fait rapport de ses dépenses dans le cadre de ses comptes publics et cette information existe, mais comme elle est morcelée, il est extrêmement difficile de la reconstituer.

C'est donc l'un des aspects qui pose problème. Ce n'est pas qu'on ne déclare pas les coûts; on déclare les dépenses au fur et à mesure qu'elles sont engagées.

Le deuxième aspect concerne les coûts aux fins de gestion. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, il s'agit de la valeur possible des terres et des ressources transférées, et des coûts regroupés de tous les ministères, qui sont assez nombreux, comme le ministère de la Santé, des Ressources naturelles et ainsi de suite. Ils ont tous un rôle à jouer. Le ministère des Affaires indiennes est le coordonnateur et le ministère principal.

Ce sont donc les types de coûts dont nous parlons, les coûts qui se rattachent par exemple aux divers projets entrepris en vertu des plans de mise en oeuvre. Il est impossible de déterminer à quoi correspondent ces coûts, ou le ministère ne recense pas ces coûts ni ne les regroupe par projet d'une manière qui lui permettrait de s'assurer que le projet atteint en fait les objectifs visés. C'est donc le type de coûts dont nous parlons, et non les coûts dont on fait rapport généralement au Parlement.

Le deuxième type de coûts serait indiqué de façon disparate dans les rapports de mise en oeuvre. Et c'est là où nous disons que ces rapports de mise en oeuvre, bien qu'ils soient fournis, ne peuvent pas vous indiquer la portion des coûts qui se rattache aux règlements et à la mise en oeuvre des revendications territoriales globales, et la proportion de ces coûts qui se rattache aux activités permanentes du ministère ou à d'autres activités ministérielles parce que, comme je l'ai dit, plusieurs ministères subventionnent des programmes à l'intention des Indiens.

M. Byron Wilfert: Si vous me le permettez, monsieur le président, quelle serait la solution?

M. Grant Wilson: Le ministère possède un système d'établissement des coûts et il reconnaît que ce système ne produit pas l'information qu'il aimerait avoir. Il s'agirait d'améliorer le système dans une certaine mesure. Il s'agirait également de recueillir l'information d'une façon qui faciliterait et améliorerait la gestion du processus d'information. Il s'agit d'une question de gestion interne.

M. Byron Wilfert: Et vous considérez que cela est faisable?

M. Grant Wilson: Oui.

M. Byron Wilfert: Très bien, je vous remercie. Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Merci, Mr. Wilfert. Merci, Mr. Wilson.

Madame Hardy.

[Traduction]

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Je vous remercie.

Je me demandais si vous pouviez nous donner plus de précisions sur les principes que vous aimeriez voir adopter, au niveau du leadership et de la responsabilisation des fonctionnaires pour qu'ils agissent dans l'intérêt public. Est-ce une lacune au ministère lorsqu'il s'agit de négocier avec les Premières nations, et comment envisagez-vous d'établir ces principes pour faire progresser le règlement des revendications?

M. Denis Desautels: C'est une question intéressante. Je commencerai, monsieur le président, et M. Wilson pourra peut-être m'aider.

• 0945

En général, j'ai l'impression que le ministère des Affaires indiennes et du développement du Nord est bien intentionné. Je crois qu'il veut régler certains problèmes de très longue date. Je crois que dans l'ensemble, il veut le faire de façon équitable. Nous n'avons aucune indication et nous n'avons non plus pas reçu de plaintes selon lesquelles le ministère ne tenait pas dûment compte des préoccupations des gens ni des autres valeurs qui tiennent à coeur aux Autochtones. Donc, mon impression générale, c'est que le ministère veut être équitable et veut faire les choses dans les règles.

Grant, vous voudrez peut-être ajouter quelque chose.

M. Grant Wilson: Je vous remercie, monsieur le président.

Oui, en fait, monsieur Desautels, nous n'avons trouvé aucun indice d'un manque d'objectivité, comme je l'ai mentionné auparavant. Je pense qu'il faut tenir compte du fait que les Premières nations ont aussi une capacité de négocier, et qu'elles sont très habiles. Je dirais que s'il y a eu injustice, elle pourrait aussi bien être le fait de l'une ou l'autre partie, mais nous n'avons aucune raison de croire que c'est le cas.

Mme Louise Hardy: Donc, tout est en place pour soutenir les principes que vous aimeriez voir adopter et que vous avez décrits dans votre introduction?

M. Denis Desautels: J'estime que les notions sur lesquelles on se fonde semblent être les bonnes.

Mme Louise Hardy: Donc pour les 200 revendications qui restent, vous ne prévoyez aucun problème grave.

Je me demande pourquoi le règlement des négociations prend tant de temps, étant donné que la lenteur du processus fait perdre de l'argent aux Premières nations. Y a-t-il un aspect inhérent à la façon de procéder qui explique cette lenteur?

M. Denis Desautels: C'est une question à laquelle il n'est pas facile de répondre. Nous reconnaissons tous qu'un grand nombre de ces situations sont extrêmement complexes, et qu'en raison de leur nature même, il faudra beaucoup de temps pour les régler.

Par contre, il existe des exemples où c'est le contraire qui s'est produit parce que l'on était déterminé à conclure une forme quelconque de règlement dans un certain délai, si on peut dire, et je suppose qu'un bon exemple est celui de l'accord de la baie James qui a été conclu je crois en deux ou trois ans. De toute évidence, certains problèmes de mise en oeuvre se sont posés depuis, mais c'était un accord complexe et important, et qui a pu être conclu en relativement peu de temps.

Pourquoi? Je n'ai pas vraiment la réponse, mais je pense que l'on s'était certainement donné comme objectif de le conclure dans un certain délai. Cela semble motiver les gens à agir un peu plus rapidement. Je suis sûr qu'on ne peut pas le faire dans chaque cas, mais si on pouvait améliorer le rendement, raccourcir la période des négociations de 25 p. 100, je pense que cela serait avantageux pour tout le monde.

M. Grant Wilson: J'aimerais apporter un peu plus de précision à ce sujet. Il faut savoir qu'au cours de cette période, c'est-à-dire depuis la conclusion de l'accord de la baie James jusqu'à présent, comme M. Bachand l'a signalé, il y a eu un certain nombre de causes devant les tribunaux, de décisions de la Cour suprême qui ont considérablement influé sur l'issue et qui influeront nettement, en ce qui concerne les traités de la Colombie-Britannique, sur l'issue du processus de négociation. Bien que certaines de ces décisions ne soient pas encore connues, il arrive parfois que les négociations cessent complètement parce que les gens veulent en connaître les incidences: devrais-je conclure cette entente maintenant en ne sachant pas quelle sera la décision rendue par la Cour suprême, ce qui risque de me poser problème? Donc parfois il existe des motifs raisonnables pour ralentir les négociations.

Mais nous avons déterminé un certain nombre de problèmes concernant les délais qui, une fois corrigés, permettraient d'améliorer quelque peu la situation. Nous avons signalé, par exemple, que dans le cadre de certains règlements des revendications, il n'existait aucun plan général au début des négociations qui indiquait qui devait faire quoi et qui prévoyait les événements clés et leurs échéances.

• 0950

Il est entendu que les négociations ne permettent pas toujours de respecter l'échéance visée, mais si vous avez une échéance, au moins vous avez une date d'exécution à respecter. Nous avons constaté que souvent les échéances en matière de règlement n'étaient pas établies, et lorsqu'elles l'étaient, elles n'étaient pas respectées pour les diverses raisons que nous avons mentionnées.

Donc il y a certains problèmes au niveau des négociations qui pourraient être corrigés et qui permettraient de les accélérer, mais bien sûr les autres facteurs dont nous avons parlé interviendront.

Mme Louise Hardy: Donc vous n'avez aucune façon de savoir si on a cherché à gagner du temps, puisque cela dépend du gouvernement au pouvoir et qu'un gouvernement ne voudra peut-être pas négocier simplement à cause de ses convictions?

M. Grant Wilson: Nous n'avons aucune indication selon laquelle les revendications étudiées alors qu'un gouvernement particulier est au pouvoir ont pris plus de temps que sous un autre gouvernement. En fait, si vous considérez que certaines négociations ont pris de 17 à 20 ans, il y a eu probablement un certain nombre de gouvernements pendant cette période.

Mme Louise Hardy: Les chiffres indiqués en ce qui concerne les terres me semblent assez élevées, mais cela n'inclut aucune de nos terres agricoles à fort rendement, et dans le Nord il ne s'agit sûrement pas de terres arables ou convoitées par qui que ce soit sauf les Premières nations qui y sont installées, certainement les Gwich'in.

La question du remboursement me préoccupe vraiment. Le remboursement fait partie du règlement conclu avec les Premières nations, donc plus ce règlement prend de temps, moins elles finiront par recevoir, et dans certains cas des pénalités sont en fait prévues si les négociations prennent trop de temps.

M. Grant Wilson: Les terres en question sont ou ne sont peut-être pas... et on saurait si cela inclut des terres arables dans le Nord. En fait, les revendications qui ont été réglées jusqu'à présent, à part au Québec, concernent toutes des terres qui se trouvent dans le Nord, c'est-à-dire dans les Territoires du Nord-Ouest ou le Yukon, et les terres attribuées, c'est-à-dire les 500 000 kilomètres carrés, ont fait l'objet de négociations; c'est-à-dire qu'il a été décidé entre les parties quelles sont les terres qui sont fournies en fief simple.

Je m'excuse j'ai oublié votre autre question.

[Français]

Le président: Allez-y, monsieur Desautels.

M. Denis Desautels: Ça va.

Le président: Merci. Avant de donner la parole à Mme Longfield, j'aimerais vous poser une question, car vous m'avez ouvert une porte.

Avez-vous eu la possibilité d'évaluer le suivi de la Convention de la Baie James et du Nord québécois? Vous avez dit que cette entente avait été signée assez rapidement. Je connais le chef Billy Diamond et les Cris de la Baie James. Dans bien des cas, le gouvernement du Canada n'a pas répondu aux attentes des Cris de la Baie James. Les Cris ne bloquent pas les routes, eux. Ils vont en cour.

Avez-vous étudié le suivi de la Convention de la Baie James? C'est la première entente qui a été signée, en 1975, et elle a servi d'exemple à toutes les autres. Vous dites qu'elle a été signée assez rapidement, et les Cris disent souvent que le gouvernement ne respecte pas sa parole. Avez-vous étudié la Convention de la Baie James?

M. Denis Desautels: Eh bien, elle faisait partie de l'ensemble de celles que nous avions retenues, mais nous ne l'avons pas examinée dans tous ses détails. Il y en a quatre que nous avons examinées en plus de détail, comme nous l'avons dit tout à l'heure, mais la Convention de la Baie James nous est quand même assez familière.

Dans ce cas, nous savons qu'il y a des poursuites qui ont été intentées par les autochtones pour non-respect des engagements du gouvernement canadien. Cela appuie un peu une certaine critique que nous faisons dans notre chapitre; nous disons que la mise en oeuvre des règlements par le gouvernement canadien laissait beaucoup à désirer pendant un certain temps. Les choses semblent s'être améliorées depuis quelque temps, mais ça demeure quelque chose d'extrêmement important. Tout le bon travail qui peut avoir été fait pour négocier une entente peut tomber à l'eau si la mise en oeuvre n'est pas faite de façon assez rigoureuse.

• 0955

Je ne veux pas me prononcer parce que l'affaire est devant les cours à l'heure actuelle. Je ne veux pas dire qui a raison et qui a tort, mais les autochtones disent que le gouvernement n'a pas livré la marchandise qu'il avait promis de livrer.

[Traduction]

Grant, auriez-vous quelque chose à ajouter?

M. Grant Wilson: Non.

Le président: Madame Longfield.

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Je vous remercie.

Monsieur Wilfert a abordé un grand nombre des aspects sur lesquels je m'interrogeais, et je vais mettre l'accent sur trois parties précises ici. La première est le paragraphe 14.43, où vous dites que le ministère ne s'est pas suffisamment efforcé de montrer les avantages prévus en ce qui concerne les retombées économiques d'ententes négociées. Voulez-vous dire les avantages pour les deux parties? Les avantages pour qui? Les retombées économiques pour qui? Avez-vous des propositions quant à la façon dont cela pourrait être fait, étant donné qu'il s'agit d'un domaine assez nouveau?

J'aborderai peut-être les trois paragraphes ensemble, puis je reviendrai sur chacun. L'autre est le paragraphe 14.50. On y a fait allusion à de nombreuses reprises. Il s'agit de la redistribution et du transfert des biens. Nombre de ces biens comprennent des terres, et je pense que nous nous rendons tous compte à quel point il est difficile d'attribuer une valeur à certains des biens qui sont transférés. Avez-vous ici encore des suggestions concrètes à faire sur la façon dont les ministères pourraient établir des critères d'évaluation?

Le troisième point concerne le paragraphe 14.90. Ici encore, vous reprochez au ministère de ne pas déclarer les coûts complets. Je vais vous demander à nouveau si vous avez des propositions à faire à cet égard. S'agit-il des frais d'hôtel et des frais de négociations? S'agit-il de diviser le coût de chaque membre de l'effectif et d'attribuer le tiers de ce coût aux négociations proprement dites? Ceux d'entre nous qui avons tâché d'établir des budgets qui rendent compte des coûts, savent à quel point il est difficile de diviser les coûts de cette façon. Avez-vous des propositions à nous faire pour nous aider à atteindre ces objectifs?

M. Grant Wilson: Je vous remercie, monsieur le président.

En ce qui concerne la question relative aux avantages économiques à savoir que l'on n'a pas fait suffisamment de travail pour déterminer quels sont ces avantages économiques, examinons quel est l'objectif visé par le ministère pour régler ces revendications. L'un des objectifs est de régler des griefs de longue date. Pour se faire, le gouvernement vise entre autres à réduire l'incertitude dans le cadre de ces ententes quant à qui est propriétaire des terres, qui y a accès, et qui en détient les droits. Un deuxième objectif c'est qu'en agissant ainsi, nous ouvrirons cette région au développement.

Le développement économique concerne les Premières nations tout autant que les non-Autochnes. Nous disons donc que le ministère n'a pas fait les études et le travail qui s'imposent pour déterminer les répercussions de ces ententes sur le développement économique. Le développement économique s'est-il accru depuis la mise en oeuvre de ces ententes, et dans l'affirmative, est-ce attribuable à ces ententes? Cela est difficile à dire. Le ministère s'efforce d'y travailler, et je crois comprendre qu'il considère important de faire ce genre de travail car autrement on ne saura jamais vraiment si on a atteint l'un des grands objectifs visés.

Mme Judi Longfield: Y a-t-il une échéance de prévue? S'agit-il d'un an, de 10 ans, de 20 ans? Comment pouvons-nous le déterminer? C'est une tâche très difficile, vu la nature du territoire.

M. Denis Desautels: Je pense qu'il faut prévoir un délai plus long pour que tout soit fait correctement, et c'est tout à fait justifiable. Nous ne proposons pas que cela se fasse l'année qui suit la signature de l'accord. Et le délai pourrait être plus long selon les difficultés qui se présentent.

Mme Judi Longfield: Vous laissez entendre que nous ne le faisons pas, mais quand vous attendez-vous à ce que nous le fassions? Je pense que nous avons tâché d'établir un certain équilibre. Est-ce simplement que nous ne le faisons pas, ou est-ce simplement impossible de le faire pour l'instant? Faudrait-il encore cinq ou 10 ans? J'aimerais que vous nous donniez une idée de la période que nous devrions viser, comme par exemple 10 ans après la négociation du traité, 20 ans, ou quoi que ce soit.

M. Denis Desautels: Je pense, monsieur le président, qu'il aurait été possible d'en faire déjà une partie, et cela n'a pas été fait pour diverses raisons. Le ministère convient qu'il doit s'en occuper. Je pense qu'il y aurait une leçon à en tirer en prévision de futures négociations.

• 1000

M. Grant Wilson: Monsieur le président, en ce qui concerne la mise en oeuvre, nous proposons que des évaluations soient faites périodiquement. Nous ne proposons pas d'échéance parce que chaque évaluation, en fonction de son caractère, en aurait une différente. Certaines questions et événements pourraient être évalués assez tôt, comme dans cinq ans par exemple. Dans d'autres cas, l'évaluation prendra sept ans, ou 10 ans. Nous ne proposons pas de délai particulier. Nous nous demandons simplement ce qui serait raisonnable sur cette période.

En ce qui concerne la valeur des terres, ici encore lorsqu'il est possible d'établir une valeur—et je conviens avec vous que c'est assez difficile dans le Nord—nous n'évaluons pas les terres proprement dites mais l'utilisation de ces terres. Ces terres sont donc évaluées en fonction de leur utilisation possible. Lorsque l'on détermine les terres qui feront éventuellement l'objet de négociations, il semblerait raisonnable de connaître l'utilisation qui en sera faite.

Si par exemple, dans une région particulière il existe des possibilités d'exploitation minière—disons des mines de diamant dans les Territoires du Nord-Ouest—le gouvernement ne devrait-il pas le savoir dans le cadre des négociations? Ne devrait-il pas en avoir une idée? Nous ne voulons pas dire qu'il devrait savoir précisément chaque endroit où il existe des possibilités d'exploitation minière, mais s'il y en a? Existe-t-il des possibilités d'exploitation de ressources autres que des ressources minières? C'est le genre d'utilisation dont nous parlons et non pas de la valeur monétaire des terres.

Mme Judi Longfield: En pratique, cela est assez difficile à faire. J'ai un petit morceau de terrain couvert de broussailles dans le Nord de l'Ontario. Peut-être y trouvera-t-on de l'or mais peut-être s'agit-il simplement d'un marécage. Avec tout le respect que je vous dois, je pense que...

M. Denis Desautels: Ce que nous voulons dire, c'est que si l'on sait qu'il y sur cette terre des ressources qui peuvent avoir de la valeur, il est utile de le savoir lorsque l'on négocie un accord qui assurera une base économique à la Première nation au cours des années à venir. Cela pourrait également influer sur le montant des transferts pécuniaires qui pourraient être faits.

Nous ne demandons pas l'impossible, mais j'estime que c'est une information qu'il faut avoir, dans la mesure du possible pour pouvoir conclure des ententes de règlement susceptibles d'être plus satisfaisantes.

Le président: Je vous remercie, monsieur Desautels.

Monsieur Wilson.

M. Grant Wilson: La troisième question concerne les coûts et si nous avons des propositions à faire à cet égard ou sur la façon dont le ministère pourrait recueillir l'information concernant ces coûts. Nous ne proposons pas de prévoir une allocation du temps pour des particuliers. Ce n'est pas ce que nous recherchons. Ce que nous voulons, c'est une attribution raisonnable des coûts.

Chaque plan de mise en oeuvre comporte une série de projets. Le coût de chaque projet ou de l'ensemble des projets, comme on pourrait s'y attendre raisonnablement, pourrait être réparti selon ces projets. On pourrait le faire à grande échelle ou à petite échelle, en fonction de ce qui serait raisonnable dans les circonstances.

Nous ne proposons pas d'établir les coûts pour le simple plaisir de la chose, parce que cela est complètement inefficace et ne sera d'aucune utilité pour bien des gens. Cela pourrait se faire à plus grande échelle. Si ce que vous voulez au bout du compte, c'est déterminer si un programme ou une activité prévu par le plan de mise en oeuvre a atteint ses objectifs, alors il serait raisonnable d'établir les coûts qui se rattachent à l'atteinte de ces objectifs. Si vous savez qu'il en coûtera tant pour passer du point A au point B, alors il faudrait recueillir et déclarer ces coûts. Je pense que nous n'avons jamais demandé, et de toute façon nous ne nous y attendons pas, que l'on compile des coûts pour le simple plaisir de la chose.

Le président: Je vous remercie. Monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens à souhaiter la bienvenue au vérificateur général, comme l'ont fait la plupart de mes collègues. Je lui sais gré des commentaires qu'il a faits dans son mémoire. Je pense que la plupart d'entre nous reconnaissons également la complexité de la question et le vérificateur général aussi, j'en suis sûr.

• 1005

J'aimerais faire une observation. Après avoir écouté les commentaires exprimés ici, je crois avoir une interprétation qui diffère de celle de certains des autres membres. J'aimerais leur signaler que le vérificateur général du Canada ne devrait pas avoir un intérêt acquis. Je pense que son travail consiste à présenter aux parlementaires et aux ministres un aperçu objectif de l'activité ministérielle et de faire certaines propositions ou de signaler certains secteurs où nous pourrions mieux répondre de nos actes devant ceux qui nous élisent au Parlement.

Par conséquent, j'accueille favorablement un grand nombre des commentaires qui ont déjà été exprimés. Plus précisément, en ce qui concerne les paragraphes 14, 15 et 16, je pense que le vérificateur général a vraiment cerné ce que nous tâchons de faire ici au comité et au ministère également. L'évaluation a été faite en fonction des objectifs du ministère, à savoir préciser les droits de propriété et l'utilisation des terres et des ressources à l'aide de règlements négociés, de manière à encourager l'activité socio-économique. Nous ne pouvons pas examiner cet aspect sans examiner les fonds déjà dépensés, le coût total des ententes et une formule quelconque pour évaluer l'activité économique une fois les ententes mises en oeuvre.

Je me rends compte, monsieur le président, qu'il s'agit davantage d'une introduction que d'une question proprement dite, mais j'aimerais poursuivre ainsi, si vous me le permettez.

En réponse aux commentaires de M. Finlay, je ne crois pas qu'il s'agisse de défendre ou de réfuter les propos du vérificateur général. Je n'y vois rien qui dénigre le ministère. C'est plutôt à mon avis une simple observation sur la façon dont nous pouvons améliorer les choses, et je crois que chacun ici présent se rend compte de l'urgence de le faire.

Il continue:

    Nous avons constaté que la certitude obtenue aux termes des ententes de règlement peut vouloir dire différentes choses pour différentes parties.

C'est effectivement ce que nous constatons tout le temps.

    Il y a le risque que les parties puissent s'être entendues sur des résultats après négociation, mais qu'elles gardent des attentes différentes concernant les avantages et les obligations énoncées dans l'entente signée.

Ici encore, c'est un phénomène que nous constatons tout le temps. Je n'ai pas entendu de propositions précises pour donner suite à cet aspect.

J'aimerais commenter les observations du vérificateur général selon lesquelles une entente signée est un fait accompli. Les gens négocient de bonne foi. Les deux parties représentent un groupe. Lorsqu'elles signent l'entente, il faudrait qu'il soit entendu que cela marque la fin du processus car elles se sont de toute évidence entendues sur le processus, autrement elles n'auraient pas signé l'entente. Je pense que tout le monde négocie effectivement en fonction de ses intérêts.

J'aimerais faire un commentaire et avoir ensuite l'avis du vérificateur général. Jusqu'à présent, des ententes de règlement et des traités importants ont été négociés dans le nord du Canada.

Il y a un point en particulier que je veux soulever. Je suis indigné par la remarque de Mme Hardy selon qui il ne s'agit pas de terre arable. La terre n'est pas sans valeur, peu importe l'endroit. Elle peut être moins productive. La productivité d'une région peut découler du fait que c'est un milieu propre à la vie de mammifères terrestres ou marins ou, dans les régions côtières, du fait qu'on y trouve des populations de poissons migrateurs. D'une certaine façon elles sont productives.

L'observation du vérificateur général est très juste. Nous n'avons pas évalué le potentiel minier de la plupart des terres revendiquées; nous n'avons pas examiné les ressources potentielles en hydrocarbure. Donc, lorsque nous entreprenons des négociations prolongées et continues, cela doit faire partie intégrante du processus. Je pense que ce point a été soulevé. Peut-être qu'il faudrait l'étudier.

Le but de toutes ces négociations est d'améliorer les perspectives économiques des Premières nations, et par conséquent l'avenir économique de tout le Canada. Il importe d'examiner d'autres secteurs qui ont été laissés de côté dans les négociations de traités et qui pourraient avoir des répercussions sur la valeur monétaire des accords. Toutes les parties à des négociations ont des responsabilités à assumer, notamment celle d'améliorer la situation pour toutes les parties aux accords. Je me rends compte que ce n'est pas toujours facile, mais je me réjouis des observations formulées par le vérificateur général. Je me rends compte aussi que dans certains cas, il est difficile de cerner le problème. Je pense qu'un aspect que vous avez souligné et que nous avons peut-être un peu négligé, c'est que nous n'avons pas évalué tout le potentiel de certaines terres.

• 1010

Peut-être que ma question est déplacée, mais est-ce que vous avez observé cette tendance? Nous avons réglé des revendications territoriales considérables avec les Gwich'in et l'Inuvialuit, et les revendications d'autres Premières nations font actuellement l'objet de négociations. La plupart portent sur le nord du Canada, où la population est plus clairsemée et les terres, plus vastes. La majorité des Canadiens ne savent pas très bien où se trouvent ces terres, ni les ressources qu'elles recèlent. Peut-être que nous avons procédé de la sorte parce que c'est plus facile. D'autres revendications n'ont toujours pas été réglées, et elles revêtent peut-être davantage d'importance à mesure que plus de gens s'y intéressent. Je ne sais pas si c'est une question à laquelle vous pouvez répondre, mais le nombre de Premières nations touchées par certaines revendications est très très faible. Je crois qu'on dit plus tôt qu'il en était ainsi étant donné le nombre total de Premières nations au Canada.

Je sais que c'est un peu décousu.

[Français]

Le président: Vous avez fait un bon préambule.

Monsieur Desautels.

[Traduction]

M. Denis Desautels: Je vais essayer de reformuler la question pour m'assurer que je la comprends bien.

[Français]

Le président:

[Note de la rédaction: Inaudible] ...monsieur Desautels, parce que c'est un excellent député.

[Traduction]

M. Denis Desautels: La question, telle que je la comprends, est donc de savoir s'il y a lieu de croire que nous nous sommes d'abord efforcés de régler les revendications territoriales dans le Nord parce que cela semblait plus facile à faire que dans le reste du Canada, où les enjeux seraient plus complexes.

Je l'ignore. Je vais demander à M. Wilson s'il en a des preuves. Je pense qu'ils mènent activement plusieurs dossiers de front. Ils ne travaillent pas uniquement au règlement des revendications dans le Nord; je pense qu'ils travaillent à toute une liste de revendications territoriales d'un bout à l'autre du pays.

M. Grant Wilson: En fait, monsieur le président, c'est exact. Selon moi, il y a une raison pour laquelle les revendications ont d'abord été réglées dans le Nord. Comme vous le savez, les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral doivent collaborer pour régler toutes revendications formulées par une Première nation. Pendant longtemps, le gouvernement de la Colombie-Britannique a refusé de participer aux négociations. C'est pourquoi aucune entente de règlement n'a pu être conclue en Colombie-Britannique, jusqu'à tout récemment.

Bien sûr, dans d'autres régions comme la Baie James et le nord du Québec, c'était impératif. Il y avait une volonté exprimée par les deux parties, et donc des négociations ont été rapidement entreprises avec le gouvernement du Québec.

Ainsi, lorsque les parties et les gouvernements sont d'accord, il est possible de conclure des ententes plus rapidement. Voilà pourquoi les dossiers ont traîné en Colombie-Britannique.

M. Gerald Keddy: Je vous remercie de votre réponse, je comprends.

L'autre commentaire qui a été exprimé plus tôt avait trait au concept de la propriété en fief simple, que la plupart d'entre nous connaissent. Ce principe n'est pas appliqué dans la plupart des réserves au Canada. Les Premières nations ne sont pas propriétaires en fief simple. Est-ce que d'après vous c'est un obstacle majeur au développement économique?

• 1015

M. Grant Wilson: Merci, monsieur le président.

Pour les Premières nations, le concept de fief simple est effectivement nouveau. Si on quitte le Nord, les Indiens assujettis à ce traité dans le sud du Canada ne sont pas propriétaires en fief simple. Dans le cas du Nord, il ne s'agit pas de fief simple pour les particuliers; il est question de fief simple pour les communautés des Premières nations. Il s'agit donc d'un concept différent. À savoir si cela va favoriser le développement économique en soi, je ne sais pas. Cependant, comme il y a beaucoup d'autres facteurs dans les traités et les accords de règlements qui vont favoriser le développement économique, il est probable que cela ait une plus grande influence que la propriété exclusive, mais c'est difficile à dire.

[Français]

Le président: Je m'excuse, mais c'est tout. Vous êtes déjà à 11 minutes. Mais vous êtes un excellent député.

Monsieur Iftody.

[Traduction]

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Est-ce que cela signifie que j'ai droit à une introduction de 18 minutes avant de poser ma question?

[Français]

Le président: Non. Vous avez deux minutes.

[Traduction]

M. David Iftody: Merci. Si vous me le permettez, j'aimerais enchaîner sur les commentaires formulés par M. Wilson, mais je veux adresser ma première question à M. Desautels.

M. Wilson, je pense que vous avez fait une observation très importante au sujet des raisons qui ont milité en faveur d'une conclusion rapide de la convention de la Baie James et du Nord québécois, à savoir principalement l'injonction déposée par le chef Diamond. M. Bourassa était évidemment prêt à négocier à l'époque parce qu'il voulait construire son barrage hydroélectrique, les trois parties s'étaient donc entendues pour faire avancer le dossier rapidement. Je crois que vous avez vraiment touché au coeur du problème.

Monsieur Desautels, je suis désolé d'avoir manqué le début de votre exposé, mais j'ai lu vos notes. Aux paragraphes 8 et 9 de vos observations liminaires, vous parlez de l'importance des relations entre les Premières nations et le gouvernement et de leur influence sur la conclusion rapide d'accords solides sur le plan juridique et exécutoire entre les parties intéressées. Vous parlez ensuite de la croissance des peuples autochtones au Canada. Je crois, monsieur, que vous faites sans doute allusion à la croissance démographique des Autochtones au Canada. Bien sûr, par extension, ça comprendrait aussi les obligations fiduciaires du gouvernement—en l'occurrence, le gouvernement du Canada—à leur égard. En votre qualité de vérificateur général, bien sûr, je crois qu'il vous incombe de signaler au gouvernement canadien et aux Canadiens une hausse possible de ces dépenses.

À titre d'exemple, j'aimerais citer en particulier la convention de la Baie James et du Nord québécois, même si mes collègues ont déjà fait état de l'accord avec les Nishgas. En ce qui concerne la convention de la Baie James et du Nord québécois, je pense que, personne—chez les députés de l'opposition, les députés ministériels, les représentants provinciaux et les peuples autochtones—ne voudrait que ces litiges s'étirent pendant 20 ans. Si les relations sont bonnes et que nous réalisons des progrès, nous allons certainement conclure rapidement des accords fructueux.

Par exemple, monsieur, je pense à l'article de l'accord avec les Nishgas qui prévoit une période de transition de huit à douze ans pour le paiement de l'impôt. Selon ce plan de transfert et de mise en oeuvre prévu dans cet accord, les Autochtones vont commencer à payer des impôts. Cela va évidemment alléger le fardeau du Trésor et des contribuables canadiens. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette mesure.

Monsieur Desautels, puisqu'il est capital que soient maintenues des relations de bonne foi entre l'État et les peuples autochtones, pensez-vous que si, dans certains cas, les négociations aboutissent à une impasse, comme on l'a constaté pour l'accord Nishga, ce soit dommageable pour l'harmonie? À votre avis, pour reprendre ce que vous dites dans vos observations, des relations ainsi gâtées auraient-elles tendance à faire traîner les choses davantage et à les compliquer, de telle sorte que de nombreuses années de litige feraient grimper encore plus les coûts?

• 1020

En résumé, pourriez-vous développer cette question des rapports harmonieux et du règlement des ententes dans les plus brefs délais. Ensuite, prenez le contre-pied de l'argument. Pour les contribuables canadiens, que signifierait à long terme une impasse dans le règlement de ces ententes?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, le député aborde ici des questions tout à fait fondamentales et des principes très importants. Dans ma déclaration liminaire, je rappelle brièvement le travail que nous avons déjà accompli. En fait, nous avons annexé une série de rapports préparés depuis que je suis entré en fonction, comme vérificateur général, en 1991. Pour vous donner une idée du genre de questions que nous avons abordées, je tenais à le rappeler ici ce matin car c'est la première fois que nous comparaissons devant le comité depuis 1992. Pour moi, cela signifie un certain rattrapage, et j'espère que vous ne m'en voudrez pas de vous l'avoir signalé.

Quant à la question des rapports harmonieux, bien entendu, il s'agit d'un aspect que nous souhaitons vivement améliorer. Il y a toujours place à l'amélioration. Personnellement, en ma qualité de vérificateur général, je fais de cet aspect-là une de mes priorités depuis que je suis entré en fonction. J'ai cherché à voir si je ne pouvais pas faire quelque chose, personnellement, pour améliorer la situation dans son ensemble. Voilà pourquoi nous avons redoublé d'efforts à cet égard avec le temps.

Quand vous parlez des rapports entre les Premières nations et la Couronne, vous soulevez un grand nombre d'éléments. Vous avez abordé la question d'un allégement possible de la dépendance à l'égard de la Couronne. Bien sûr, je ne peux pas me prononcer au nom des Premières nations mais je pense qu'on peut affirmer sans se tromper que les Premières nations préféreraient être aussi autonomes que possible sur le plan économique. L'accord que vous venez de citer vise essentiellement cela. Pour ma part, je pense que l'objectif est de taille et qu'on pourra se féliciter de l'atteindre. Je pense que tout concourt à l'atteinte de cet objectif en l'occurrence.

Quant à une issue éventuellement positive dans le cas de cet accord particulier, je m'abstiendrai de développer davantage ma pensée. Il ne m'appartient pas de le faire mais je pense qu'il faut que les gens comprennent bien la situation. Si les gens comprennent bien les tenants et les aboutissants de l'accord, ils seront mieux placés pour en juger les mérites. Je m'en tiendrai à cela mais je pense que le règlement de ces revendications dans les plus brefs délais est un objectif qui servira les intérêts de tous.

M. David Iftody: Sans vous prononcer sur cet accord en particulier, n'est-il pas logique de croire que si nous prévoyons une méthode accélérée de règlement des revendications, cela sera interprété positivement chez les autres intéressés qui pourront dès lors espérer que leurs propres revendications seront résolues plus rapidement?

Vous avez signalé la conclusion de 13 accords entre 1972 et 1997. J'en conclus, qu'il est impérieux que nous progressions plus rapidement. Si nous continuons de piétiner ainsi, cela va continuer de nous hanter. Ainsi, vous-même ou vos successeurs dans les fonctions de vérificateur général, reviendront au comité dans cinq, huit ou dix ans, pour nous annoncer un échec, la désintégration des rapports.

• 1025

Pouvons-nous en conclure que vous croyez—comme nous tous je crois—que si nous réglons davantage de revendications et si nous présentons des solutions positives, comme dans le cas de la Baie James, ce sera avantageux pour le Canada? À contrario, si nous échouons dans le cas de certains de ces accords qu'il nous faut régler actuellement, cela nuira au pays?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, on le constate, la négociation de ces accords coûte très cher. Il faut du temps, cela mobilise beaucoup de gens, et requiert de gros efforts. Mais l'absence de règlement coûte aussi fort cher. Ainsi, à mon avis, la solution logique s'impose et elle passe par une amélioration de notre performance dans ce dossier. Ainsi, le gouvernement du Canada y trouverait son avantage, les Premières nations également, ainsi que pour tous les autres Canadiens. Je ne doute pas un instant que l'on puisse améliorer les choses. Si on y parvenait, tout le monde en profiterait.

M. David Iftody: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Iftody.

[Français]

Monsieur Konrad. Je m'excuse et je vous remercie de votre patience.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Oui, merci beaucoup.

Au paragraphe 14.21 de votre rapport, vous citez la politique du gouvernement visant à ce que les Premières nations «cèdent à Sa Majesté tous les droits, titres et intérêts sur les terres non visées par ce règlement» et d'autres dispositions semblables. Vous dites également «Le gouvernement y voit une façon de lever l'incertitude qu'il considère comme nuisible au développement économique».

Je reviens au paragraphe 17 de votre déclaration de ce matin:

    le ministère doit donner suite à l'engagement qu'il a pris d'étudier des méthodes autres que celle de la renonciation aux droits et aux titres ancestraux par mesure de cession ou d'extinction, méthodes qui devraient offrir des garanties de clarté, de stabilité et de certitude par la voie des ententes de règlements négociés...

Puisque vous réclamez la certitude et le règlement en temps opportun entre autres, pouvez-vous expliquer l'affirmation que vous faites dans votre déclaration de ce matin. Personne ne peut cerner avec certitude les droits et les titres ancestraux et personne ne sait comment ils seront interprétés par les tribunaux.

Dans la même veine, que pensez-vous d'un référendum pour établir avec certitude les conditions qui doivent être réunies pour le règlement d'une revendication territoriale, conditions qui pourraient servir lors d'autres règlements, en l'occurrence celui des Nishgas. Quel serait le résultat d'un tel référendum qui pourrait servir à l'avenir?

M. Denis Desautels: À propos de la certitude lors de la cession des droits, titres et intérêts, je vous demanderai de vous reporter à l'ensemble de notre rapport, car vous constaterez que nous approfondissons cette question, notamment aux paragraphes 14.38, 14.39 et 14.40. Par exemple, au paragraphe 14.39 on signale qu'un juriste de haut rang a préparé un rapport spécial qui souligne l'importance que:

    tout traité comporte une reconnaissance expresse des droits des Autochtones. L'auteur conclut que l'on peut obtenir une certitude sans les clauses sur la cession des droits contenues dans les récentes ententes de règlement.

Toute cette question de trouver la certitude la plus absolue est d'actualité et elle fait l'objet d'un vif débat. Le point de vue exprimé ici souligne la possibilité d'atteindre cette certitude sans nécessairement procéder à l'extinction des droits, comme on aurait été porté à le croire auparavant.

Permettez-moi de répéter qu'il s'agit de points extrêmement épineux et que nos recommandations à l'intention du ministère ne sont pas extrêmement rigides. Nous exhortons le ministère à approfondir cette voie et à tenter certaines des solutions présentées ici. Voilà pourquoi je vous disais que le contexte de nos commentaires est essentiel si l'on veut les comprendre.

• 1030

Grant, voulez-vous ajouter quelque chose avant que nous ne passions à la deuxième question?

M. Grant Wilson: Oui, monsieur Desautels.

N'oublions pas non plus que lorsque nous parlons de certitude, que ce mot couvre deux notions. D'abord, il y a la notion juridique, à savoir que l'entente prévoit une cession à laquelle auront convenu les deux parties. On pourrait donc avoir l'impression qu'une fois la cession faite, toute l'affaire se termine. La certitude est donc établie d'un point de vue juridique.

Nous, nous affirmons par contre que la certitude dépasse le seul cadre juridique puisque ces ententes sont censées non seulement clarifier les droits des peuples autochtones, mais également leur permettre de devenir autosuffisants, de se développer du point de vue économique et d'atteindre le bien-être. Nous affirmons, pour notre part, qu'il faut interpréter ces ententes différemment et que même si la certitude est établie en droit, il reste néanmoins un élément d'incertitude puisque la mise en oeuvre de l'entente n'aura peut-être pas la conséquence attendue. En fait, toutes les procédures intentées à la suite de la signature de l'entente pourraient entraîner une plus grande incertitude encore.

Nous affirmons aussi, pour notre part, que pour réussir, tous les éléments doivent être réunis, mais c'est extrêmement difficile pour le ministère et pour les autres à établir. Ainsi, notamment, quel type de phrases doivent figurer dans l'entente? Ensuite, comment toutes ces précisions peuvent-elles réduire l'incertitude?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je crois que la deuxième question tourne autour de l'utilité de tenir un référendum en ce sens. Je ne voudrais pas avoir à répondre à cette question, monsieur le président, car cela dépasse de loin la portée de mon mandat à titre de vérificateur général. Lorsque j'aurai fini mon mandat, je voudrais peut-être faire de la politique, et c'est seulement à ce moment-là que j'y répondrai.

M. Derrek Konrad: Un petit commentaire.

[Français]

Le président: Oui, allez-y, monsieur Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: On trouve dans le rapport du vérificateur général l'observation d'un juriste de haut rang selon lequel il y a certitude lorsque les deux parties sont satisfaites du résultat. Je dirais plutôt que la satisfaction devrait être quantifiable et ne devrait pas être définie en fonction d'une évaluation personnelle. Quant à M. Finlay, pour qui un demi-million de kilomètres carrés représente une superficie minuscule, je lui dirais que cela fait environ 10 fois le Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Konrad.

Avant de passer la parole à M. Finlay, je voudrais vous poser une question, monsieur Desautels.

Dans quelle mesure, le cas échant, la vérification a-t-elle examiné la relation entre le gouvernement fédéral et les provinces ou les territoires dans le dossier des négociations et des règlements de revendications territoriales? Avez-vous des observations à ce sujet?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, nous avons commenté un peu cette question tout à l'heure. Nous avons effectivement reconnu que, pour que les négociations puissent aboutir à une entente ultime, il fallait l'accord et la participation de différents paliers de gouvernement. Par exemple, la Convention de la Baie James et du Nord québécois a exigé l'accord du gouvernement du Québec, et les accords dans le Grand Nord canadien ont exigé la participation des gouvernements des territoires.

Dans un sens, nous avons tenu compte du rôle des provinces. Nous reconnaissons que les provinces et les gouvernements territoriaux sont des joueurs importants, mais nous n'avons pas évalué ici la qualité de leur participation. Nous nous sommes concentrés sur le rôle joué par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Une partie de ce rôle consiste à chercher l'appui ou le consentement des autres paliers de gouvernement aux ententes que le ministère lui-même veut bien conclure. Donc, nous n'avons pas fait de recommandations ou d'observations particulières sur le rôle joué par les gouvernements provinciaux. Nous avons simplement décrit ce qui se passe en Colombie-Britannique, avec la nouvelle structure qui a été mise en place. Nous n'avons fait que décrire la structure sans commenter sur son efficacité.

• 1035

Le président: Pouvez-vous indiquer comment l'arrêt Delgamuukw a déjà influencé ou pourra influencer la politique et les ententes sur les revendications territoriales?

[Traduction]

M. Grant Wilson: Nous ne savons pas encore quelles seront les répercussions de l'arrêt Delgamuukw, car il faudra un certain temps avant que tous les intéressés, notamment le ministère des Affaires indiennes, en mesurent la portée. Toutefois, nous savons que le jugement de la Cour suprême exige que le ministère ou le gouvernement fédéral tienne compte de témoignages oraux, ce qu'il n'a pas fait jusqu'à maintenant, et qui pourrait éventuellement avoir une incidence sur les terres et les zones sujettes à des revendications territoriales.

De plus, l'autre aspect touche au titre de propriété des terres détenues par les Autochtones et il faudra encore un certain temps avant que les avocats n'arrivent à déterminer exactement qui sont les propriétaires de quelles terres. Autrement dit, le gouvernement fédéral doit-il négocier avec les Premières nations des terres de la Couronne, c'est-à-dire qui sont la propriété des Autochtones? C'est au coeur du jugement, et nous ne savons pas encore comment cela sera interprété.

Le président: Monsieur Finlay.

M. John Finlay: Merci, monsieur le président. J'ai d'abord trois observations à faire, puis je poserai une ou deux questions. J'ai bien aimé ce qu'a dit M. Konrad. Je crois qu'il a réussi à mettre le doigt sur ce qui ne doit pas nous échapper et sur ce que j'essayais de préciser plus tôt.

Je conviens avec M. Keddy que nous souhaitons tous assister à l'aboutissement de la démarche. Il doit y avoir un aboutissement à toutes ces négociations. Toutefois, s'il doit y avoir aboutissement, notre rôle deviendra dès lors inutile, puisque nous n'aurions plus ni à modifier ni à approuver la loi puisqu'il s'agirait de droit écrit.

Une voix: Ce ne serait pas à dédaigner.

M. John Finlay: Vous avez raison.

Le vérificateur général affirmait que nous cherchons tous à établir la certitude. Or, les peuples autochtones ont une définition différente de la certitude, en raison de leur spiritualité et du fait que toute leur expérience se fonde sur une tranche de temps différente de la nôtre, comme j'ai essayé déjà de vous l'expliquer.

Nous avons subi l'influence des Européens sur ce continent-ci depuis 500 ans, alors que les Autochtones sont là depuis 10 000 ans. Leur histoire est orale, et M. Wilson vient d'expliquer qu'il nous faut en tenir compte.

Nous avons 25 générations d'histoire dans ce pays-ci, alors que les autochtones en n'ont 500; la valeur qu'ils accordent à leur terre n'a rien à voir avec celle que nous y accordons. Pour eux, il n'est pas nécessairement souhaitable de creuser cette terre dans le Nord pour y trouver des diamants, ou du minerai de fer. Ces gens ont vécu en symbiose avec la nature sur ce continent depuis 500 générations, ou du moins ont tenté de le faire; et c'est ainsi qu'ils comprennent la terre. Ils souhaitent simplement vivre sur cette terre, pour communiquer avec leur créateur, ce qui est très différent de notre façon à nous.

Nous savons comment ils vivent et comment ils se comportent. À l'époque de la chasse à l'oie, ils quittent tout et vont chasser; si nous leur rendons visite à cette époque là, nous y mangeons de l'oie, et c'est tout à fait normal. S'il arrive qu'une fenêtre doive être réparée à l'époque de la chasse, la réparation attendra, car pour eux, l'important est de suivre le rythme naturel des saisons.

Nous disons que cela prend du temps. En effet, cela prend du temps, mais peut être avons-nous besoin d'un peu plus de temps encore. La Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones affirme que ce dont nous avons besoin, c'est de reconnaissance, de respect, de responsabilité et de partage. Nous n'aurons ni reconnaissance ni respect de leur part, si nous affirmons que tout doit être réglé d'ici l'an 2000, parce que c'est un nouveau millénaire et que nous devons recommencer à neuf. Au contraire, il nous faudra peut-être 100 ans de plus, et même encore, il faudra peut-être renégocier.

Parlons de la Baie de James. Les négociations se sont faites rapidement, parce qu'Hydro-Québec le souhaitait et que M. Bourassa, notamment, le souhaitait. Peut-on dire que la réalisation du projet s'est faite à la satisfaction de tous? Il faut croire que non, si l'on pose la question au peuple autochtone. Peut-être devrions-nous en tirer une leçon: il vaut peut-être mieux prendre son temps et ne pas nous laisser leurrer par un calendrier artificiel, simplement parce que nous souhaitons extraire des diamants ou faire quelque chose d'autre encore.

• 1040

J'ai deux questions. Étant donné l'ampleur et la complexité des négociations territoriales et tout ce dont il faut tenir compte en toile de fond, se pourrait-il qu'il soit désavantageux, et particulièrement à long terme, de négocier d'une façon artificiellement rapide les revendications territoriales globales? D'après vous, comment pourrait-on accélérer les négociations, comme le recommande le rapport?

En deuxième lieu, étant donné que la Commission des traités de la Colombie-Britannique n'a été créée que tout récemment, et étant donné qu'il a fallu beaucoup de temps pour conclure des ententes négociées à l'extérieur de cette province, considérez-vous inusité le fait que l'on n'ait encore conclu aucune entente dans le cadre du processus actuel, c'est-à-dire dans le cadre des négociations de la Colombie-Britannique qui établit un cadre?

[Français]

Le président: Merci, Monsieur Finlay. Monsieur Desautels.

[Traduction]

M. Denis Desautels: Merci, monsieur le président.

Avant de répondre à vos deux questions, j'aurais quelques brefs commentaires, étant donné que ce qui a été dit me semble très intéressant.

Je répète que je ne me considère pas comme un spécialiste dans ce domaine. Je suis loin de connaître les cultures autochtones, notamment, et j'ai le plus grand respect pour ceux qui s'y connaissent plus que moi.

Toutefois, même avec mes connaissances limitées, je crois savoir que les peuples autochtones du Canada représentent toute une diversité de cultures et de perspectives. Il serait donc dangereux pour nous de conclure qu'ils vivent tous dans la même dépendance de la terre. D'après ce que j'ai constaté chez certains, certains peuples sont devenus des gens d'affaires chevronnés; les Cris du Nord du Québec gèrent des entreprises très modernes. Vous voyez qu'il y a toute une diversité de cultures et de valeurs représentées chez nos nations autochtones.

Cela complique un peu la situation et ne facilite pas les choses, mais ce n'est pas bien grave et ce n'est pas vraiment un problème.

J'ajouterais qu'il me semble que les Premières nations elles-mêmes, j'entends l'Assemblée des premières nations, si je ne m'abuse, voudraient que les négociations soient plus efficaces et se déroulent dans de meilleurs délais. Ce n'est pas comme s'il était uniquement dans l'intérêt de la Couronne ou du gouvernement fédéral d'agir ainsi. Je crois que les Premières nations ont également exprimé ce souhait.

Cela m'amène donc à votre première question: Y a-t-il des inconvénients à précipiter les choses pour parvenir à un règlement? Il pourrait bien sûr y en avoir et rien de ce que nous avons dit ne devrait être interprété comme signifiant qu'il faut négliger l'un ou l'autre des aspects de ces négociations. J'estime qu'elles doivent quand même se dérouler de façon appropriée.

Cela dit, malgré les difficultés et les complexités inhérentes, nous pensons qu'il existe diverses méthodes de gestion pour rendre le processus plus rapide et efficace. On peut établir un objectif précis, prévoir des délais par étape, savoir ce qu'il faut faire pour juger l'étape franchie, et ainsi de suite. Je pense qu'il y a moyen d'en arriver à de bonnes ententes, mais un peu plus vite. Plus facile à dire qu'à faire, me direz-vous, mais je crois qu'il faut essayer.

Votre deuxième question portait sur la situation de la Colombie-Britannique. Doit-on considérer comme problématique ou inusité qu'il n'y ait pas eu d'entente jusqu'à présent? Je vais demander à M. Wilson de répondre.

• 1045

M. Grant Wilson: Merci, monsieur Desautels.

Monsieur le président, lorsqu'on a demandé à la Commission des traités de la Colombie-Britannique quels problèmes elle allait devoir résoudre au cours des mois à venir, ses représentants ont fait état de grandes difficultés, à savoir la capacité des gouvernements de Colombie-Britannique et du Canada d'utiliser leurs ressources pour participer à des négociations multiples et simultanées. Autrement dit, y a-t-il suffisamment de négociateurs et de tables de négociation pour répondre au souhait des Premières nations de négocier? Comme vous le savez, un bon nombre de Premières nations négocient actuellement avec la Colombie-Britannique par l'entremise de la Commission. Voilà donc un aspect de la question.

Quatre ans, est-ce trop long avant de parvenir à un règlement? Je ne pense pas que nous puissions dire quoi que ce soit là-dessus, sinon pour rappeler qu'à l'heure actuelle, 36 négociations sur 51 parviennent à la quatrième étape d'un processus en six étapes. C'est beaucoup de chemin à parcourir, mais il y a du progrès. Je pense donc que nous ne pourrions pas dire que qui que ce soit se fait tirer l'oreille, ou que les délais sont excessifs. Nous n'avons vraiment pas grand-chose à dire là-dessus, sinon que cela fait quatre ans et que 36 ont atteint cette étape.

Le président: Monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand: M. Finlay a soulevé des faits intéressants. Je ne veux pas discuter avec lui parce qu'on rencontre aujourd'hui le vérificateur général. Je dirai simplement que la lecture qu'il fait de l'importance de la terre pour les autochtones est exacte, mais que cela a tendance à beaucoup changer.

Si les Cris de la Baie James découvraient une mine d'argent ou de diamants sur leur réserve, je suis certain qu'ils l'exploiteraient et en tireraient beaucoup de profit.

Deuxièmement, je sais que l'entente de la Baie James fait beaucoup de jaloux. Les Cris de la Baie James du côté de l'Ontario regardent avec envie ceux du Québec. Je pense qu'il y a certaines nuances à apporter à cet égard.

Maintenant, je voudrais revenir à la question des coûts, parce que c'est un point important de votre rapport. Dans votre échantillonnage, avez-vous pu mettre la main sur des exemples de coûts réels, excluant les indemnités?

Vous avez raison. Quand le projet de loi est présenté à la Chambre, on dit souvent qu'il y a une entente sur tant de kilomètres carrés et des coûts de 50 ou 60 millions de dollars pendant 20 ans. On a toutes ces données, mais on n'a pas de données sur les coûts réels.

Je suis avec vous quand vous parlez de regarder le rapport coûts-efficacité. Il faudrait qu'on dise un jour que l'entente de l'Inuvialuit a coûté tant de millions de dollars en indemnités financières, mais que les terres cédées ont coûté tant et que les coûts connexes dans les différents ministères se sont élevés à tel montant.

Je voudrais bien vous comprendre. Voudriez-vous que le ministère des Affaires indiennes soit le maître d'oeuvre de la collecte de ces données et qu'il dise: «Voici ce qu'a coûté l'entente de l'Inuvialuit»? Il faudra peut-être quatre ou cinq ans pour le faire, mais on pourra ensuite comparer les différentes ententes actuelles et futures les unes aux autres et adopter des patterns qui vont se retrouver dans l'ensemble des autres négociations.

Vous êtes en mesure de faire un survol de toutes les opérations gouvernementales, entre autres celles du ministère de la Justice, qui doit consacrer des sommes extrêmement importantes aux négociations du côté des Affaires indiennes. J'ai toujours peur de me faire dire par le ministère des Affaires indiennes: «Ce n'est pas de notre compétence mais de celle du ministère de la Justice.» Cependant, il engage des avocats pour se défendre dans des causes litigieuses de négociations.

Voudriez-vous que le ministère soit le maître d'oeuvre de la collecte de toutes ces données pour qu'on puisse établir un rapport coûts-efficacité?

M. Denis Desautels: Depuis un certain temps, nous suggérons que, pour mieux informer le Parlement sur les différents programmes de nature sectorielle, auxquels participent plusieurs ministères, il serait bon que le ministère ayant la responsabilité première divulgue dans ses documents budgétaires l'ensemble des coûts du programme sectoriel.

• 1050

On pourrait prendre ce principe, qui avait d'ailleurs déjà été accepté par le Comité des comptes publics quand nous en avions parlé, et l'appliquer à cette situation-ci. Il est clair que, s'il y a plusieurs ministères d'impliqués, le ministère des Affaires indiennes devrait aller chercher les coûts des autres ministères et les divulguer dans ses propres documents budgétaires.

C'est un principe qui est sain, qui a été accepté par les parlementaires quand nous l'avons soulevé et qui commence d'ailleurs à être mis en application par certains ministères. À mon avis, cela devrait être fait pour cette activité particulière.

M. Claude Bachand: Dans les échantillonnages que vous avez faits, avez-vous trouvé des exemples de situations où on a pu cerner les coûts complets d'une entente?

[Traduction]

M. Grant Wilson: C'est effectivement l'une des préoccupations que nous avons soulevées, à savoir que lorsque le ministère fournit les prévisions de dépenses, nous ne savons pas quelle partie de ces dépenses porte sur la mise en oeuvre et nous ne savons pas quel montant est réservé aux négociations. Cette information n'est pas non plus fournie, à nous ou à qui que ce soit d'autre, au sujet des accords. Si l'on envisage les accords, il y en a actuellement 12 qui sont signés. Ce sont des accords importants. Ils ont une signification profonde pour beaucoup de personnes et représentent des coûts importants, comme l'a signalé M. Desautels. Outre les 2 milliards de dollars dont on a décidé qu'ils seront transférés, qu'ils serviront de capitaux, il existe d'autres obligations, qui sont les obligations de mise en oeuvre, y compris les coûts afférents. Nous ignorons ce que sont ces coûts afférents, parce qu'ils ne sont pas rattachés à un accord en particulier. Par conséquent, on ne connaît pas les comptes relatifs à tel ou tel accord.

[Français]

Le président: Merci.

Madame Hardy.

[Traduction]

Mme Louise Hardy: Compte tenu du fait que les revendications visaient à améliorer le niveau de vie des Autochtones pour encourager leur développement social et économique, estimez-vous que les revendications qui font l'objet d'un accord maintenant améliorent en fait leur niveau de vie, le rapprochant de la norme canadienne en matière de logement, d'éducation et de santé? Ces accords auront-ils permis d'atteindre l'objectif voulu?

M. Grant Wilson: Il est très difficile de répondre à cette question. Comme vous le savez, tous les ans, le ministère dépense environ 4 milliards de dollars pour les Autochtones dans les réserves, et un autre milliard pour la santé. Cet argent est entièrement destiné aux Premières nations et, malgré ces dépenses, les conditions sociales sont celles dont nous avons fait état dans notre déclaration liminaire. Le processus de règlement des revendications globales, l'argent qui est fourni, en plus de l'argent et des activités pour la mise en oeuvre, suffiront-ils à régler ces problèmes? C'est l'espoir que l'on nourrit, et nous ne le saurons que si l'on surveille la mise en oeuvre et que l'on fait les évaluations de l'efficacité de ces programmes, pour chaque accord. Ce n'est qu'ainsi que nous saurons si, en fait, ces revendications globales ont eu une incidence positive sur les Premières nations.

Mme Louise Hardy: Je m'inquiète des problèmes de mise en oeuvre, parce qu'au Yukon des chefs sont venus me voir pour me dire qu'ils pensaient avoir convenu de telles choses, mais que rien ne s'était produit. Ils m'ont dit n'être pas prêts à administrer la santé ou la justice mais que cela leur est imposé. On comprend que les choses aillent mal si les gens n'ont pas été formés et ne sont pas prêts à assumer ces responsabilités. Ils me disaient: «Désormais, nous avons consacré le rôle fédéral, alors que l'objectif était de nous libérer de cela pour l'utilisation des terres, l'éducation et la santé; il s'agissait d'avoir la liberté de vivre vraiment de façon indépendante et de se développer».

M. Denis Desautels: Je crois que vous abordez des choses qui vont au-delà de ce dont nous avons voulu parler dans ce chapitre. Le chapitre traite plutôt de la capacité du gouvernement fédéral de mettre en oeuvre adéquatement sa part de l'entente. Toutefois, la question que vous soulevez a trait à la capacité de certaines Premières nations d'absorber tout à coup de nombreuses nouvelles responsabilités, et je pense qu'il s'agit là d'une chose qui nous préoccupe tous.

• 1055

Je crois que même la ministre a récemment traité de ce phénomène, que certaines personnes appellent le délestage à la sauvette. La ministre tient à ce que cela ne se produise pas. Il faut donc bien faire les choses et aider les Premières nations à acquérir les compétences nécessaires dans des domaines qui sont parfois techniques, tels que les programmes de santé, pour s'assurer qu'ils sont capables, dans un certain délai, d'assumer ces responsabilités.

[Français]

Le président: Madame Longfield, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Judi Longfield: La pièce 14.8 contient une liste de déclarations intitulée Vues de certaines Premières nations qui sont parties à des revendications territoriales globales. Certaines de ces déclarations sont très négatives à l'endroit du processus. Selon vous, et je sais que vous avez dit ne pas vouloir en dire plus, est-ce que ces déclarations sont typiques ou sont-elles exceptionnelles? Dira-t-on au ministère d'où proviennent ces déclarations pour qu'il puisse essayer d'y répondre ou sont-elles simplement lancées comme ça, aux quatre vents?

M. Denis Desautels: Je vais tâcher de répondre à cela. Je pense que les observations que l'on voit ici sont plutôt typiques. En fait, nous avons pris soin même d'en inclure certaines qui sont plutôt spontanées. Nous estimons donc que les constatations qu'on retrouve ici représentent adéquatement ce que pensent les gens. Je crois que certaines proviennent de dossiers du ministère même. Il ne devrait donc pas les trouver surprenantes.

Grant, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Grant Wilson: Oui. Merci.

Ces perspectives en particulier sont issues des revendications que nous avons examinées en profondeur. Comme vous le savez, nous en avons examiné quatre. Ces perspectives sont celles de deux des Premières nations. Nous prenons bien soin de dire que nous n'adoptons aucune position là-dessus, car...

Mme Judi Longfield: Toutefois, elles sont incluses ici, et cela constitue une position.

M. Grant Wilson: Oui, bien sûr. Si ces observations ont été incluses, c'est pour indiquer que malgré l'accord signé par les deux parties, il y a encore des désaccords sur la signification de l'entente. C'est un élément critique puisqu'il montre que, même si l'on s'attendrait que les parties soient heureuses de l'entente, il existe en fait des préoccupations qui continuent de se manifester. C'est pourquoi il est important d'en faire état, comme on l'a fait dans le cas des parties non signataires d'un accord.

Mme Judi Longfield: Je comprends. Cela signale quelque chose d'important à mon avis.

Ces réactions viennent-elles des négociateurs ou de gens qui en ont entendu parler indirectement? Est-ce qu'on le sait? Plus les gens sont loin de ce qui s'est passé, plus il y a du mécontentement, je trouve.

M. Grant Wilson: Oui.

Cela vient des chefs de la communauté, qui peuvent ou non avoir participé aux négociations. Je ne sais pas. Les négociations ont été très longues.

Mme Judi Longfield: Je trouverais important de savoir si cela vient de gens qui ont participé aux négociations ou d'autres, qui estiment que l'on n'a pas fait suffisamment droit à leurs préoccupations. Cela me donnerait une idée de leur sérieux et me dirait à qui il revient de corriger la situation.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Merci, madame Longfield.

Monsieur Keddy.

[Traduction]

M. Gerald Keddy: Merci, monsieur le président.

Beaucoup de gens autour de la table ont abordé la question de la parité économique, mais je ne pense pas que l'on ait mis le doigt sur le problème. Vous-même admettez que lorsque des revendications globales sont réglées par deux groupes de négociateurs, il arrive souvent que les Premières nations ne soient pas prêtes à s'acquitter des responsabilités qui en découlent.

• 1100

À votre avis—et je reconnais que ce n'est peut-être pas un avis que vous voulez exprimer—, le gouvernement du Canada a enfin accepté de procéder de façon légèrement différente que par le passé. Il y a maintenant un projet de loi, le C-49, qui donnera à un groupe de Premières nations l'autorité sur leurs terres de réserve. D'autres premières nations peuvent se joindre à elles.

La Loi sur les Indiens entrave beaucoup l'activité économique dans la réserve. Elle la limite à tel point que les Premières nations doivent demander la permission au gouvernement fédéral pour abattre des arbres, bâtir des maisons, construire une route ou exploiter une carrière. Elle accorde une protection à certains droits autochtones, mais elle est très nuisible à l'activité économique.

Le projet de loi C-49 n'est pas la panacée, mais vu le temps qu'il faut pour négocier des revendications globales, il faudrait essayer par d'autres moyens de favoriser l'activité économique dans les réserves et de donner aux Premières nations la mainmise sur leurs ressources. Même s'il ne s'agirait toujours pas de propriété en fief simple, cela leur conférerait plus de pouvoirs. Est-ce quelque chose que vous connaissez? Est-ce que cela vous semblerait prometteur? Peut-on amener les Premières nations à se lancer dans diverses activités économiques, quitte à ce que dans 10 ou 15 ans, une fois réglée la revendication globale, elles aient déjà fait les premiers pas?

M. Denis Desautels: Je pense que c'est tout à fait possible, et d'ailleurs cela se fait. Il est possible de poursuivre d'autres objectifs de développement économique parallèlement au processus de négociation des revendications territoriales globales. Je ne pense pas que tout doit en dépendre. J'espère que ce n'est pas le cas, et je sais qu'il y a au ministère une multitude de programmes destinés à venir en aide aux premières nations qui veulent se doter d'une meilleure base économique dans leurs réserves. Il se fait beaucoup de choses. J'ignore si cela devrait ou non s'appliquer à toutes les premières nations, y compris celles qui négocient une revendication globale.

M. Gerald Keddy: L'ennui avec cette multitude de programmes c'est qu'ils sont imposés de haut en bas et non l'inverse. C'est nous qui les réalisons. Nous disons que c'est un excellent programme et que vous pouvez y participer, mais ils sont toujours sous la coupe de la Loi sur les Indiens et ne sont pas responsables de leur propre destin.

M. Denis Desautels: La Loi sur les Indiens est bien au coeur du problème, mais même si l'on n'y touche pas, je pense qu'il est possible de faire du bon travail et de faire participer les Premières nations.

Il y a trois ou quatre ans, nous avons examiné les programmes de développement économique et formulé quelques observations. Il y a des cas de réussite où des idées des Premières nations, par opposition à celles du ministère, ont porté fruits. De l'expérience a été acquise qui pourrait inspirer d'autres Premières nations.

[Français]

Le président: Le deuxième tour est terminé. Il y en a un troisième. Monsieur Bryden.

[Traduction]

M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Dans le rapport, vous parlez d'évaluation. À la veille de cette évaluation, savez-vous bien quels étaient les objectifs ou les intentions du programme des revendications globales? Pour y arriver, il faut savoir quel était le but premier. Est-ce clair dans votre esprit?

• 1105

M. Denis Desautels: Vous avez tout à fait raison. Quand on crée un programme, l'idéal c'est de déterminer d'emblée le cadre d'évaluation. On n'a pas vraiment procédé ainsi dans le cas présent, mais il y a néanmoins quelque chose de valable. En vue d'une évaluation, certains grands objectifs ont été fixés. Cela ne fait pas de doute. Je pense que l'évaluateur peut les affiner, ou en tout cas essayer, et qu'une évaluation peut être faite en fonction de ces objectifs.

Donc, même si ça n'a pas été fait au début, cela vaut quand même la peine d'essayer de faire une évaluation par rapport à ce que l'on pourrait appeler des objectifs implicites.

M. John Bryden: Ne serait-il pas bon pour le gouvernement de reformuler ce qu'il compte réaliser? Le but était-il de parvenir à l'indépendance économique et sociale? Est-ce d'éviter l'indépendance politique?

L'ennui que j'ai ici c'est que je ne sais trop quels étaient les objectifs à l'origine. Quand j'examine votre propre vérification, je ne suis pas à l'aise avec le mot «évaluation». Le gouvernement doit-il revoir cela pour déterminer quels sont ses objectifs?

M. Grant Wilson: Comme je l'ai dit, les ententes avaient deux buts: régler des doléances de longue date concernant les droits que les Premières nations estiment posséder et favoriser le développement économique.

Chaque entente est accompagnée d'un épais plan de mise en oeuvre qui comprennent des objectifs. Maintenant que nous avons signé ce document très volumineux où il est question de responsabilités, d'obligations et d'argent, il s'agit de voir comment le mettre en oeuvre. Grâce à ce plan détaillé, on fixe des objectifs. Y a-t-il des objectifs secondaires? Oui, beaucoup, parce que le développement économique est un concept très vaste. Tout à l'heure, on m'a demandé si cela doit profiter à l'ensemble des Canadiens ou aux Autochtones. Je dirais aux deux.

Il faut donc s'assurer que ces ententes de mise en oeuvre sont claires même si nous ne les avons jamais examinées pour déterminer si elles le sont ou pas. Il est important de veiller à ce qu'elles le soient pour que vous sachiez bien ce que vous évaluez.

Le président: Monsieur Scott.

M. Mike Scott: Merci, monsieur le président. Je vais résister à l'envie de discourir comme l'ont fait certains de mes collègues et je vais m'en tenir au fait.

Monsieur Desautels, savez-vous s'il y a un fondement législatif par lequel le ministère injecte des fonds pour la négociation de ces revendications territoriales?

M. Denis Desautels: J'ai dit au début que le coût de cette activité s'établira à environ 250 millions de dollars, d'après les prévisions budgétaires de 1998-1999. Cela comprend les négociations, la mise en oeuvre et certains versements en vertu d'ententes déjà signées. Un crédit budgétaire couvre déjà cela, je crois, au ministère des Affaires indiennes et du Nord.

J'espère avoir bien compris votre question.

M. Mike Scott: J'essaie de savoir par quel mécanisme le ministère rend compte au Parlement de ses dépenses et du pouvoir en vertu duquel les fonds sont affectés pour ces négociations et pour le règlement des revendications. Par quel mécanisme le ministère rend-il compte de ces fonds et comment sont affectés les crédits?

M. Denis Desautels: Tout découle des lois portant affectation de crédits, qui exposent très clairement le fondement juridique qui autorise un ministère à avoir l'argent pour faire ceci et l'obligent de justifier ce qu'il a fait de cet argent.

• 1110

M. Mike Scott: Si j'ai bien compris—et je n'ai rien trouvé—il n'y a pas de loi qui guide le ministère pour ce qui est de l'affectation de ces fonds. Tout se fait au moyen de lois de crédits.

M. Denis Desautels: Je pense qu'il y a des lois de nature générale, comme les lois de crédits et la Loi sur la gestion des finances publiques, qui fixent les règles générales d'utilisation des fonds publics. Dans le cas de certains programmes gouvernementaux, comme vous le savez, il y a une loi précise qui décrit dans quelle circonstance on verse de l'argent. Dans le cas de l'assurance-emploi, par exemple, c'est très bien décrit. Pour d'autres programmes, le fondement législatif peut être la loi des crédits elle-même, par opposition à une autre loi particulière.

M. Mike Scott: Je le comprends, et je reprenais seulement les excellentes questions posées par M. Bryden.

Si je voulais paraphraser votre rapport, je dirais que vous décrivez une activité d'un ministère ou du gouvernement qui fonctionne de façon ponctuelle. Ils n'ont pas vraiment de scénario ni d'échéance et ils n'ont pas de système pour mesurer le succès ou l'atteinte des objectifs fixés par rapport à l'argent dépensé. Cela se lit en filigrane. Vous n'avez pas besoin de le dire explicitement, mais c'est l'impression qu'en tire le lecteur.

Le gouvernement pourrait-il envisager un fondement législatif? Cela le forcerait à se discipliner, à se donner des objectifs, comme mon collègue l'a dit. Fixer des objectifs clairs par écrit pour que tout le monde, tous les Canadiens et les Autochtones sachent de quoi il s'agit, et fixer des échéances. On ne les respecte pas toujours, mais on a plus de chance de les respecter si on s'en fixe une. Est-ce que cela pourrait se faire au moyen d'une loi pour que le Parlement et les contribuables canadiens puissent mesurer l'efficacité du ministère et son processus de négociation de traités?

M. Denis Desautels: Monsieur le président, je ne suis pas certain qu'une loi particulière serait utile dans ce domaine. Il s'agit de quelque chose de très difficile. En ce qui concerne la description de notre rapport, je ne serais pas nécessairement aussi sévère à l'endroit du ministère parce que nous savons combien il est difficile d'exercer cette activité. Toutefois, il y a place pour une amélioration considérable, je crois.

Quant à savoir si de mettre tout cela dans une loi améliorerait les choses, je n'en suis pas convaincu. Cela vaut la peine d'examiner la chose, mais les améliorations que nous suggérons ici, comme les échéances, pourraient être adoptées au moyen de diverses techniques de gestion. Il faudrait donc un engagement de la part du ministère, soit auprès du comité ou d'un autre comité; qu'il nous dise qu'il est prêt à le faire et qu'il a un scénario. C'est plus facile à faire que de modifier la loi, je pense. Je ne dis pas que votre idée n'a pas de mérite. Au contraire, je pense que c'est une formule à envisager. J'aimerais que le ministère envisage sérieusement notre recommandation et voie ce qu'il peut faire sans modifier la loi.

M. Mike Scott: Encore une fois, ce que je vois dans votre rapport, c'est un plaidoyer adressé au ministère pour qu'il se discipline. Il n'y a pas suffisamment de discipline actuellement. Vous dites ne pas être exagérément sévère. Je ne vous trouve pas exagérément critique, mais rien que d'exposer les faits, c'est déjà une critique. C'est évident pour la plupart des gens, je crois.

Ce qu'il nous faut, c'est de la discipline. Puisque la discipline financière du ministère n'a pas vraiment été très bonne, j'essaie de voir quelles recommandations nous pourrions faire au gouvernement pour que cette discipline soit instaurée. On pourrait peut-être procéder par mesures législatives. Y a-t-il d'autres moyens qui nous permettraient de recommander certaines mesures au gouvernement, des mesures qui imposeraient une plus grande discipline au ministère?

• 1115

M. Denis Desautels: Monsieur le président, comme vous savez je travaille de très près avec le Comité des comptes publics. Quand cela est nécessaire, ils peuvent exiger que les différents ministères élaborent un plan d'action pour mettre en oeuvre les améliorations dont on discute. Dans ce cas-ci, on pourrait demander un tel plan.

En général, j'estime que le ministère est assez d'accord avec nous. Mais les fonctionnaires devront participer un peu plus, et démontrer un peu plus d'enthousiasme pour passer à l'action. D'après moi, il serait bon de demander au ministère de répondre avec un plan d'action, que ce comité—ou un autre comité comme le Comité des comptes publics—pourrait contrôler dans les deux ou trois ans à venir.

M. Mike Scott: Merci beaucoup. C'était tout. Je vous remercie beaucoup d'être ici aujourd'hui. D'après moi, vous réussiriez bien dans la vie politique après votre carrière ici.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Scott. Il n'y a pas d'autres questions?

Monsieur Desautels, je vous remercie de l'excellent travail que vous effectuez au nom de tous les Canadiens et Canadiennes et de votre présence à notre comité concernant le rapport portant sur les revendications territoriales globales des autochtones au Canada. Vos recommandations vont nous aider à améliorer la mise en oeuvre des ententes territoriales.

Je remercie également votre équipe. Vous êtes appuyé par une excellente équipe de vérification à votre bureau. Je tiens à les remercier, ainsi que tout le personnel de soutien qui est chez vous.

Je vous rappelle que vous êtes toujours le bienvenu chez nous. Vous communiquez avec nous, même 24 heures à l'avance, et nous allons vous accepter. Merci beaucoup.

M. Denis Desautels: Merci.

Le président: La séance est levée.