AAND Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 18 mars 1999
Le vice-président (M. John Finlay (Oxford, Lib.)): La 57e séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord est maintenant ouverte.
Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-56, Loi concernant l'accord conclu avec la nation crie de Norway House sur le règlement de questions liées à la submersion de terres et concernant la création de réserves au Manitoba.
Avant de souhaiter la bienvenue à nos premiers témoins, j'aimerais signaler la présence dans l'auditoire d'étudiants de l'Université Nipissing de North Bay. Ces jeunes sont arrivés hier soir à Ottawa et veulent savoir comment les politiques sont élaborées au Parlement du Canada. Ils étudient la Loi sur les Indiens et certaines des modifications qui doivent y être apportées. Ils connaissent aussi le rapport de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, ce qui explique qu'ils sont très versés en la matière et intéressés par ce qui se passe ici ce matin.
• 0925
Avant de céder la parole à Myrna Gamblin, je demanderais à
Sandy Beardy, un aîné de la nation crie, de dire une prière à notre
intention.
L'aîné Sandy Beardy (Conseil des aînés, Première nation de Cross Lake): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs.
J'ai jugé bon, dans un cadre comme celui-ci, de commencer la séance par la parole de Dieu, car c'est lui qui nous aide.
Je vais vous lire deux brefs passages:
-
Chers enfants, que notre amour ne se traduise pas par des paroles,
mais plutôt par des actions et par la vérité.
-
Chers amis, puisque Dieu nous a aimés ainsi, nous devons aussi nous
aimer les uns les autres. Ainsi, vous, peuple choisi de Dieu, aimés
par lui saintement et chèrement, revêtez-vous de compassion, de
bonté, d'humilité, de bienveillance et de patience. Appuyez-vous
les uns sur les autres et pardonnez-vous les uns les autres.
Pardonnez aux autres comme le Seigneur vous pardonne.
L'humilité que donne la crainte du Seigneur apporte richesse et honneur. La crainte de Dieu enseigne à l'homme la sagesse, et l'humilité précède les honneurs. L'orgueilleux se rabaisse, tandis que celui qui est humble est honoré:
-
Prosternez-vous devant la main puissante de Dieu, afin qu'Il vous
relève quand Il le choisira.
Que la parole de Dieu soit bénie. Prions.
[Le témoin s'exprime en cri]
Nous demandons donc à Dieu d'inspirer nos ministres et de leur donner sagesse et connaissances, afin qu'ils comprennent que le regard de Dieu nous englobe tous. Seigneur, nous savons que Tu es près de nous, en nous. Aide-nous à nous comprendre et nous aider.
Seigneur, dans Tes saintes écritures, il est dit que celui qui n'entend pas les lamentations des pauvres se lamentera un jour mais ne sera pas entendu. Seigneur, ouvre nos oreilles pour que nous nous aimions. Comble-nous de ton amour, puisque Tu es le premier à nous avoir aimés en envoyant Ton fils mourir sur la croix pour nous racheter. Tu as dit: Celui qui croit en moi aura la vie éternelle. Ouvre nos coeurs et nos esprits à la parole de Dieu.
• 0930
Seigneur, pardonne-nous si nous errons dans nos paroles, car
nous, Autochtones, nous ne sommes pas instruits; mais guide nos
pas. Nous sommes tous égaux devant Toi.
Nous le demandons au nom de Jésus. Amen.
Merci.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Beardy.
Nous allons essayer de nous en tenir strictement au temps qui nous est imparti aujourd'hui, étant donné le grand nombre de témoins que nous accueillons ce matin. D'habitude, nous accordons 10 minutes à chaque témoin, suivi de 20 minutes pour les questions. Je vous encourage tous à respecter cet horaire.
Madame Gamblin, vous avez la parole.
Mme Myrna M. Gamblin (témoignage à titre personnel): Bonjour. J'appartiens à la nation crie de Norway House. Merci de m'avoir permis de venir vous parler du projet de loi C-56.
Je crois que vous avez tous reçu un exemplaire de mon mémoire. Dans ce mémoire, j'avais promis que j'apporterais copie de tous les documents qui viennent étayer mes préoccupations.
Mon premier motif d'inquiétude tient au fait que je ne suis pas sûre que l'on puisse affirmer avoir obtenu le consentement de la nation crie, étant donné les circonstances entourant les référendums qui se sont tenus à la nation crie de Norway House au sujet de cet accord.
Le premier document que j'apporte au comité—et je les donnerai tous à la greffière à la fin de mon exposé, pour qu'elle puisse en faire des photocopies—c'est ma sommation à comparaître en cour, datée du 1er mai 1997. Tout comme nombre d'autres personnes de la nation crie de Norway House, j'ai reçu cette sommation à comparaître, après que nous ayons tenté d'exercer notre droit traditionnel de liberté de parole.
Ce droit s'applique à l'utilisation du centre des médias de notre réserve. Dans le cas qui nous occupe, nous voulions exprimer nos doléances à l'aide de la radio locale. J'avais fait la même chose à peine deux semaines auparavant. Je n'avais pas été arrêtée la première fois, mais nous avions soulevé à l'époque des problèmes différents. Cette fois-ci, ceux qui m'accompagnaient et moi-même, nous étions préoccupés par l'absence de réunions de la bande et d'un débat sur les négociations concernant la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, comme on appelait les négociations avant l'avènement de l'accord cadre de mise en oeuvre, dont il est question ici. Je répète que tout cela se passait le 1er mai 1997.
En fin de compte, plusieurs autres personnes ainsi que moi-même avons été détenues par la GRC au poste de radio même de la réserve pendant plusieurs heures, après quoi nous avons tous été mises en état d'arrestation et amenées en prison, où on nous a délivré un mandat dont je vous fais tenir copie. Certains d'entre nous—mais ce ne fut pas mon cas—ont même reçu un procès-verbal pour intrusion illicite.
Je ne sais pas encore à quelle date je devrai me présenter en cour. J'ai déjà reçu un appel téléphonique m'avisant qu'il y avait eu erreur et que quelqu'un essayait de corriger la situation, de faire retirer la sommation à comparaître, quitte à ce que l'on me délivre un procès-verbal; si cela devait être le cas, je ne vois vraiment pas quel motif on inscrirait dessus.
Voilà un des premiers cas que je voulais vous signaler.
Maintenant, je vais déposer auprès du comité des lettres portant sur le refus de nous accorder l'accès à la télévision et à la radio. Beaucoup de gens ont essayé de traduire le contenu de l'accord, ce qui n'avait pas été fait. Je prétends qu'il y a eu omission de la part des parties, puisque l'on n'a pas traduit le document en langue crie. Aucune réunion de bande n'a été organisée pour examiner le texte final, ou même toute ébauche, de l'accord cadre de mise en oeuvre.
De plus, lors du référendum, il n'y avait rien d'écrit en cri sur les bulletins de vote, dont je vous fais également tenir copie.
En 1997, six référendums ont été organisés dans la nation crie de Norway House. J'ai avec moi des lettres ainsi que des renseignements portant sur les divers référendums, renseignements que j'avais déjà envoyés au comité.
• 0935
Le premier référendum portait sur la désignation foncière. La
Loi sur les Indiens porte que les terres doivent être désignées
avant qu'il soit possible de les hypothéquer ou de les céder à
bail. Or le référendum s'est tenu le 12 juin 1997. Plusieurs mois
plus tard, d'autres personnes et moi-même avons découvert—parce
qu'on nous l'avait signalé—que cette terre avait été hypothéquée
à hauteur de 975 000 $ avant même le référendum, ce qui viole la
Loi sur les Indiens.
J'ai envoyé des lettres là-dessus au ministère des Affaires indiennes, étant donné que l'on organisait déjà un deuxième référendum sur la même question. Mais le ministère ne m'a pas répondu. Au lieu de cela, on a écrit à un autre membre de la bande, Luke Hertlein, pour lui expliquer pourquoi cette terre devait être considérée comme ayant été désignée, même si c'était faux, et ce avant le référendum. Je rappelle que nous n'en savions rien, au moment du premier référendum.
De plus, même si l'accord sur les droits fonciers issus de traités ne prévoie pas un troisième référendum, il y en a eu un troisième d'organisé à Norway House.
Vous avez entendu ce qui s'est dit au sujet du changement des règles de l'accord cadre de mise en oeuvre. Ce qui me chiffonne toujours, c'est que je ne comprends toujours pas pourquoi les parties n'ont pas versé le paiement prévu avant le vote, étant donné qu'elles avaient donné une avance de 8 millions de dollars à la nation crie de Norway House pour d'autres raisons.
Il y a également un problème en ce qui concerne les membres de la bande. On a rayé de la liste de membres 434 noms en vue de l'élection de mars 1998. Dans une lettre ci-jointe, le responsable électoral explique que ces gens n'étaient pas membres de la bande et ne pouvaient donc pas voter lors de l'élection, mais seulement aux divers référendums.
Puis, vous trouverez une lettre de Martin Egan du ministère des Affaires indiennes précisant que seules les personnes ayant droit de voter aux élections peuvent également voter lors des référendums sur l'accord cadre de mise en oeuvre.
Il y a quelque chose qui cloche ici: qui dit vrai?
Si je vous parle de tout cela, c'est pour illustrer la pagaille dans laquelle nous vivons. Quelles règles s'appliquent? S'appliquent-elles à nous? De quoi pouvons-nous être sûrs, lorsqu'on nous demande de prendre des décisions?
À mon sens, démocratie et règles arbitraires sont contradictoires. Il est possible d'appliquer d'autres types de règles, mais certainement pas des règles arbitraires dans une démocratie.
Ensuite, il y a l'aspect coercitif. J'inclus là-dedans des listes affichées publiquement de tous ceux qui se sont opposés à l'accord et divers enregistrements radiophoniques auxquels nous ne pouvions évidemment pas répondre.
De plus, nous nous demandons quelle est l'incidence de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba sur nos droits fonciers issus des traités.
En fait, le Traité no 5 reconnaît que nous avons le droit de maintenir nos modes de vie traditionnels de pêche et de chasse. Or, la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba accorde la priorité la plus haute à la conservation de la faune dans la région des terres submergées qui est une région riche de ressources sauvages.
L'accord cadre de mise en oeuvre donne toute autorité à la province du Manitoba dans l'octroi des permis de coupe, ce qui semble supplanter la priorité accordée à la faune. Mais c'est illogique, car sans bois il n'y a pas de faune, et nous ne semblons même pas avoir voix au chapitre.
Le conseil de gestion des ressources de Norway House que crée cet accord cadre de mise en oeuvre accorde la moitié des pouvoirs à la province du Manitoba qui peut gérer le Traité no 5 et nos droits découlant de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.
Dernière préoccupation, mais non la moindre, l'accord cadre de mise en oeuvre modifie les niveaux d'eau déjà convenus dans la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.
Je vous ai apporté, dans cette optique, la page 17 de la Convention. On y lit que c'est en se fondant sur les données géodésiques de 1977 que l'on mesurera dans l'accord tous les niveaux au-delà du niveau de la mer. Or, dans l'accord cadre de mise en oeuvre, on définit «au-dessus du niveau de la mer» comme étant les «données géodésiques de 1970».
• 0940
Je vous ai apporté également une note de service de Manitoba
Hydro, qui remonte à très loin, dans laquelle on parle d'utiliser
les données géodésiques de 1970 pour définir «au-dessus du niveau
de la mer». La note mentionne que ces données géodésiques auront
pour effet de faire monter de six pouces le niveau de l'eau du lac
Footprint à Nelson House.
Je joins également une lettre adressée à Bob Roddick, le négociateur principal de la nation crie de Norway House, lettre dans laquelle les ingénieurs signalent qu'il faut s'attendre à encore plus de fluctuations.
De plus, le projet hydroélectrique a causé fait beaucoup de dégâts. Je vais inclure une carte du Manitoba qui vous indique les emplacements de deux canaux, appelés Two Mile Channel et Eight Mile Channel.
Si vous connaissez le lac Winnipeg, vous devez savoir qu'au nord du lac, il se trouvait une crête parsemée de plages. Cette crête séparait le haut du lac Winnipeg du lac Playgreen. Or, le canal «Two Mile Channel» est une rivière artificielle qui a été creusée par Manitoba Hydro, en vue de relier les deux lacs et d'adjoindre un canal artificiel au canal naturel.
Nos aînés, nos trappeurs et tous ceux qui travaillent là-bas nous affirment que les plages ont maintenant disparu, car elles se sont érodées depuis 1977. Avant la creusée du canal par Manitoba Hydro, il était possible de marcher de Warren Landing jusqu'à la pointe Limestone, à la tête du lac Winnipeg, le long d'une plage sablonneuse. C'est impossible aujourd'hui, à cause des fluctuations des niveaux d'eau qui arrachent le sable et qui le repoussent vers le lac Playgreen le long du canal Two Mile Channel, en passant par Norway House jusqu'au lac Cross, et plus loin encore.
J'ai entendu dire que le ministère des Pêches et des Océans serait en train d'effectuer des études dans la région depuis l'automne dernier déjà. Le taux d'érosion à cet endroit-là est de 50 pieds par année. D'ici 15 ou 20 ans, il semble que cette crête de sable aura disparu, ce qui fera du lac Playgreen et du lac Winnipeg un seul énorme lac. Il n'y aura plus deux lacs distincts.
Il y aurait beaucoup d'autres choses à dire au sujet des problèmes environnementaux, mais il se trouve que les fluctuations du niveau d'eau nuisent à la forêt boréale et à tous ses habitants, notamment le caribou, la sauvagine, le rat musqué, etc., et même l'être humain. Il n'y a pas eu d'évaluation à la fin du projet, et je crois personnellement qu'on aurait dû faire une évaluation il y a de cela bien longtemps. On aurait également dû évaluer l'accord cadre de mise en oeuvre aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il y a des dispositions qui exigeaient une telle évaluation.
Si vous regardez le libellé de l'accord cadre de mise en oeuvre, il porte que Manitoba Hydro doit afficher toutes les fluctuations prévues du niveau d'eau; toutefois, on constate que ce qui a été écrit il y a cinq ans correspond fidèlement à ce qui sera prévu à l'accord cadre de mise en oeuvre, c'est-à-dire la ligne de référence à partir de laquelle on effectue les mesures.
Par conséquent, même si les chiffres affichés n'en laisseront rien paraître, les fluctuations auront bel et bien lieu. Ce n'est pas à moi de vous dire exactement quelle allure auront les changements physiques. Je n'ai pas les ressources pour faire quoi que ce soit là-dessus. Mais j'espère que le ministre de l'Environnement pourra répondre à un moment donné.
Voilà ce que j'avais à dire.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup, madame Gamblin.
Passons maintenant aux questions.
Monsieur Scott.
M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Merci, monsieur le président.
Madame Gamblin, j'aimerais aborder quelques instants la question des référendums. Dans le mémoire que vous nous avez envoyé et dans votre exposé de ce matin, vous prétendez que le référendum n'était pas équitable.
Mme Myrna Gamblin: De quel référendum parlez-vous? De celui sur l'accord cadre de mise en oeuvre?
M. Mike Scott: Oui.
Mme Myrna Gamblin: Non, je ne crois pas qu'il était équitable.
M. Mike Scott: Pouvez-vous expliquer pourquoi? Qu'est-ce qui n'était pas équitable dans la façon de faire?
Mme Myrna Gamblin: Au départ, je refuse de dire que le référendum était juste. J'aimerais dire officiellement qu'à mon avis, la nation crie de Norway House n'a jamais eu pour habitude de prendre ses décisions au moyen de référendums.
Cela dit, certaines règles mentionnées au référendum ont été imbriquées dans l'accord cadre de mise en oeuvre. L'une d'entre elles portait que quiconque n'était pas satisfait des résultats pouvait interjeter appel. Or, personne n'a interjeté appel, pas un seul membre de la nation crie de Norway House.
De plus, il était stipulé que si la liste des personnes habilitées à voter ou un autre élément faisait problème avant la tenue du référendum, un délai était prévu pour permettre d'apporter des changements ou d'en recommander. Or, personne n'a réagi.
Tous ces mécanismes étaient en place, mais personne ne s'en est prévalu. Toutefois, les résultats ne semblant pas satisfaire certains, on a alors changé son fusil d'épaule, modifié les règlements et décidé de tenir un autre référendum.
M. Mike Scott: J'y arrivais.
Soyons clairs: il y a eu deux référendums. Le premier n'ayant pas donné les résultats attendus par ceux qui l'avaient organisé—c'est ce que vous prétendez—ceux-ci ont donc décidé d'en tenir un deuxième pour aller chercher l'appui qui leur manquait.
Mme Myrna Gamblin: C'est ça. Parce que le résultat du premier référendum ne le leur permettait pas.
M. Mike Scott: À votre avis, lors du deuxième référendum, a-t-on exercé des pressions indues sur ceux qui allaient voter pour qu'ils ne fassent pas les mêmes choix que la première fois?
Par exemple, a-t-on fait des promesses aux gens? Pourriez-vous, s'il vous plaît, le dire au comité?
Mme Myrna Gamblin: Aux deux référendums, on a promis 1 000 $ à chaque homme, femme et enfant de la nation crie de Norway House...
M. Mike Scott: Si le oui l'emportait.
Mme Myrna Gamblin: ...si le oui l'emportait. L'offre ne s'appliquait pas si l'accord n'était pas accepté même si apparemment tout le monde convenait que l'on nous devait une telle indemnisation.
M. Mike Scott: Je ne voudrais pas vous faire dire des choses que vous ne voulez pas dire, mais, si j'ai bien compris, et nous avons eu des conversations par le passé, à votre avis, Myrna, ces 1 000 $ étaient une récompense pour avoir voté oui. C'était en fait acheter une voix. C'est la façon dont vous le voyez.
Mme Myrna Gamblin: C'est ce que je crois fermement. Comme je le disais ici, au cours des trois années précédant l'accord cadre de mise en oeuvre, ils ont avancé plus de 8 millions de dollars pour la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, et c'est ce qu'ils prétendent que sont également ces 1 000 $.
Pourquoi n'a-t-il pas été possible, afin d'assurer que le processus soit juste, de ne pas peser sur cette décision en offrant de l'argent à des gens frappés par une telle pauvreté?
M. Mike Scott: Je vous pose à nouveau la question. Ces 1 000 $ étaient directement liés à un vote affirmatif. On a dit aux gens que si l'accord était accepté, s'ils votaient oui, ils obtiendraient 1 000 $; tout de suite.
Mme Myrna Gamblin: Exactement. Si cela ne passait pas, il n'y avait pas de 1 000 $.
M. Mike Scott: On poussait donc fortement les gens à voter oui dans ce référendum—en leur offrant d'emblée une somme globale de 1 000 $?
Mme Myrna Gamblin: Oui.
M. Mike Scott: Très bien.
Combien de temps s'est écoulé entre le premier et le second référendum?
Mme Myrna Gamblin: Le premier a eu lieu le 29 juillet 1997 et le second le 23 septembre 1997. Donc, moins de deux mois.
M. Mike Scott: A-t-on posé essentiellement la même question les deux fois?
Mme Myrna Gamblin: En fait, non. C'était essentiellement la même question, on demandait si l'on acceptait cet accord cadre de mise en oeuvre de la Convention, mais dans le cas du premier référendum, la question était un peu plus longue, si je me souviens bien. Je n'en ai pas le texte sous les yeux.
M. Mike Scott: D'accord.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Scott.
Monsieur Nault.
M. Robert D. Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Merci, monsieur le président.
Avant de commencer, je tiens à remercier l'aîné Beardy de sa prière.
Je me demande s'il est apparenté à l'évêque Gordon Beardy.
Puis-je poser la question, monsieur le président?
Le vice-président (M. John Finlay): Sandy, êtes-vous de la famille de Gordon Beardy?
L'aîné Sandy Beardy: Je suis de la famille de toutes les provinces du Nord...
Des voix: Oh, oh!
L'aîné Sandy Beardy: ...parce que mon arrière-arrière-arrière-grand-père avait dix femmes, chacune a eu dix enfants, et ils vivent là-bas.
Des voix: Oh, oh!
M. Robert Nault: Monsieur le président, je suis heureux de cette réponse. Étant un bon ami de Gordon Beardy, je comprends maintenant d'où il tire sa sagesse—de l'aîné.
Il est toujours difficile lorsque des Autochtones viennent dire au comité qu'il y a eu certaines irrégularités dans la façon dont les décisions ont été prises au sein de leur communauté. La première question qu'il me faut poser est la suivante: Acceptez-vous le concept même de droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et le fait que le gouvernement non autochtone doive respecter le rôle des chefs dans les différentes communautés autochtones?
C'est ma première question mais cela en entraîne une autre. Je suppose que vous répondrez par l'affirmative mais je ne voudrais pas vous faire dire ce que vous ne voudriez pas dire. Vous me direz ce que vous en pensez.
Deuxièmement, comment peut-on envisager des discussions entre les gouvernements autochtones et non autochtones si nous n'acceptons pas les compétences et les droits des chefs de ces communautés parmi lesquelles il y aura toujours certaines dissensions? Il est normal que les êtres humains ne soient pas toujours d'accord et il faut qu'à un moment on parvienne à une forme de consensus au sein de la majorité avant de poursuivre d'autres discussions sur la mise en oeuvre de conventions ou sur les améliorations à apporter à la vie courante de ces peuples.
Donc, lorsque vous venez dire au comité que vous désapprouvez ce qui s'est fait à Norway House, je suis sûr que nous pourrions trouver des tas de gens qui en diraient autant. Mais que sommes-nous censés faire chaque fois que quelqu'un n'est pas d'accord?
Comme vous le savez, dans la société non autochtone, nous avons beaucoup de mal à nous mettre d'accord sur quoi que ce soit mais nous disposons d'un processus bien établi. Nous réglons les questions et nous passons aux suivantes. Nous votons. Nous avons un processus officiel pour voter.
Vous nous dites que les référendums ne sont pas une méthode culturellement acceptable pour les Autochtones. Ma troisième question serait donc la suivante: Comment procéderiez-vous si vous vouliez employer des méthodes cries à Norway House, lorsque vous jugez qu'un référendum n'est pas approprié? Est-ce que cela pourrait satisfaire aux dispositions de la Loi sur les Indiens et aux non-Autochtones qui pensent évidemment qu'il faut que tout soit absolument transparent et qu'il existe un processus nous permettant de savoir, sous forme écrite, que quelqu'un a voté de cette façon ou d'une autre façon?
Je trouve tout cela très difficile. L'opposition, en particulier, dit qu'il y a des Autochtones partout au pays qui ne sont pas d'accord avec leurs conseils de bande, qu'il s'agisse de conseils de bande coutumiers ou de conseils de bande statutaires.
Je ne pense pas que sous prétexte qu'il y a des Autochtones qui ne sont pas d'accord—et très franchement, il y aura toujours des gens qui ne sont jamais d'accord, je l'ai déjà dit—il soit nécessairement acceptable que nous commencions à prendre des décisions pour le compte de Norway House. Ce genre de choses doit se régler au sein de cette nation.
Je vous demande votre avis, comme je le fais lorsque je m'adresse aux communautés autochtones que je représente. Quand je dis aux aînés et aux dirigeants que j'entends parler de certains problèmes et que je leur demande ce que nous devrions faire à ce sujet, ils me répondent normalement: «Laissez-nous régler cela entre nous.»
Je dois donc vous dire qu'à mon avis, il serait préférable que les gens de Norway House règlent ces problèmes entre eux.
Peut-être y a-t-il eu trop de référendums, selon vous, mais ce qui est certain, c'est que je ne pense pas que des gouvernements non autochtones devraient s'ingérer dans les affaires d'une Première nation chaque fois qu'il y a des opinions divergentes. C'est la même chose dans le cas des municipalités, des gouvernements, qu'il s'agisse de l'Ontario ou du Manitoba.
Je vous pose donc ces trois questions et je me permets de faire ces commentaires parce que je trouve très difficile de vous entendre dire que vous voudriez que des non-Autochtones règlent ces problèmes pour vous.
Mme Myrna Gamblin: Je ne crois pas que ce soit forcément ce que l'on vous demande de faire. Je connais très bien le genre de situation dont vous parlez.
Je vais vous répondre de façon peut-être un peu détournée mais je finirai par répondre à votre question.
• 0955
Jusqu'à environ 1986, la nation crie de Norway House ne
connaissait pas ce genre de conflit. Nous avions certaines
dissensions internes et nous réglions nos problèmes entre nous.
Autour de 1986, il y a eu un problème en ce sens que nos chefs refusaient d'écouter ou de respecter les décisions prises par les membres de la bande selon les méthodes traditionnelles, à savoir à l'occasion d'une assemblée générale de la bande. Cela ne s'était jamais produit auparavant.
La nation crie de Norway House a essayé de rétablir l'ordre. Les chefs ont toutefois refusé en quelque sorte de se plier à nos demandes. Le résultat fut que les gens ont tenté d'exercer leurs droits traditionnels et de destituer un chef qui refusait de suivre la volonté du peuple.
À ce moment, le ministère des Affaires indiennes est intervenu dans l'exercice de ce droit traditionnel en invoquant tous les décrets du Conseil privé pris en vertu des dispositions de la Loi sur les Indiens depuis 1953. Nous devions respecter l'article 74 de cette loi qui ne comporte pas de dispositions visant la destitution.
Cela a semé la pagaille au sein de notre peuple et cela a fait comprendre aux chefs qu'ils n'étaient pas tenus de respecter la volonté du peuple parce que lorsqu'ils obtenaient le pouvoir, ils le gardaient, sauf si certaines dispositions de la Loi sur les Indiens permettaient de le leur retirer.
M. Robert Nault: Avant d'aller plus loin, je suppose que si l'on s'en tient à la Loi sur les Indiens, il y a des élections tous les deux ans à Norway House.
M. Myrna Gamblin: Oui et l'on peut faire beaucoup de mal en deux ans quand on a les pleins pouvoirs, sans aucune limite.
M. Robert Nault: Maintenant, après deux ans, vers 1988 ou 1989, il y a eu des élections. Est-ce que le même groupe de personnes a été élu?
Mme Myrna Gamblin: Non. Il y a eu des changements.
M. Robert Nault: Cela signifie que l'on n'a pas négligé la volonté du peuple. En fait, la volonté du peuple s'est affirmée aux élections suivantes lorsque vous avez rejeté ces gens-là et élu un nouveau chef.
Mme Myrna Gamblin: Non. Vous croyez que nous avons comme vous un système de contrepoids au sein de notre gouvernement. Dans votre cas, vous avez des lignes directrices concernant les conflits d'intérêts et vous les appliquez. Considérez les derniers scandales, des gens ont été jetés en prison pour s'être livrés à diverses activités illégales alors qu'ils étaient au pouvoir. Ces activités sont considérées illégales dans les lois que se sont données les Canadiens.
Pour nous, il s'agit de nos règles traditionnelles mais celles-ci ne sont pas reconnues aux termes des dispositions de la Loi sur les Indiens. Aussi, on nous dit que l'on ne peut les faire respecter. Si on le veut, il faut aller devant les tribunaux. Il faut aller se battre devant les tribunaux. Or, évidemment, nous n'avons pas l'argent nécessaire pour le faire et même si nous essayions de trouver cet argent, nous nous retrouverions en cour pendant 13 ou 20 ans.
On n'arrive jamais à s'en sortir.
M. Robert Nault: Merci.
Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Bachand.
[Français]
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Myrna, je voudrais te féliciter pour ta présentation. Ce que j'ai à dire est dans la suite de ce que M. Nault vient de mentionner. Cette semaine, j'ai également posé ces questions sur la démocratie.
Monsieur le président, j'ai l'impression, comme c'est souvent le cas, qu'on a un choc de culture. Je voulais reprendre ce que Myrna disait juste avant que je prenne la parole.
Je pense que la Loi sur les Indiens leur a été imposée en calquant notre propre démocratie, mais cela ne se passait pas ainsi dans les nations autochtones.
Il suffit d'entendre parler Myrna pour comprendre que c'est une traditionaliste. Chez les autochtones, la mise en place de la démocratie se faisait par consensus; il y avait de longues discussions. Lorsque ces discussions étaient terminées, les gens avaient une vue des choses plus solide; ils avaient pris le temps de faire ces discussions.
Nous qui sommes dans une démocratie, nous étudions un projet de loi, mais nous devons nous dépêcher car nous devons l'adopter rapidement. C'est là que le choc de culture apparaît. Je voulais faire cette mise au point.
Il me semble que, parfois, on a du mal à comprendre que notre démocratie n'est pas la seule qui existe. Il y a aussi une démocratie autochtone et elle n'est pas nécessairement conforme à la nôtre. Elle prend plus de temps. Nous, nous sommes toujours pressés. Eux le sont moins car ils doivent avoir leurs discussions. Tout cela cause ce dont on est témoins aujourd'hui.
• 1000
J'aimerais poser une ou deux questions à Myrna. Cela
complétera ce que tu as dit dans ton mémoire. Des
fonctionnaires nous ont signalé qu'il y avait effectivement
eu deux référendums sur le MIA et qu'on avait changé
les paramètres du deuxième référendum. Cela, ils l'ont
avoué.
Cependant, pour ce qui est de l'argent que les gens doivent encaisser, qu'il s'agisse du premier ou du deuxième référendum, les gens ont toujours su quel montant d'argent ils allaient recevoir et pourquoi. J'aimerais avoir ton avis à ce sujet et savoir si tu partages l'avis des fonctionnaires.
Deuxièmement, cette semaine, certains témoins nous ont signalé qu'il n'y avait pas eu de compensation, que peut-être seulement une centaine de personne avaient eu des compensations. Est-ce que tu pourrais nous dire si tu as toi-même eu des compensations?
Sais-tu si des gens de la bande n'ont pas eu d'argent? S'ils n'ont pas eu d'argent, est-ce parce qu'ils s'étaient inscrits en faux et qu'ils avaient affirmé publiquement que le MIA n'était pas une bonne chose? Autrement dit, y a-t-il des mesures de rétorsion? Est-ce qu'on dit aux gens que s'ils ont manifesté ouvertement contre le MIA, ils n'auront pas de compensation?
[Traduction]
Le vice-président (M. John Finlay): Puis-je vous demander d'être brève, Myrna? Il y a encore deux personnes qui aimeraient vous interroger et nous avons déjà dépassé l'heure.
Mme Myrna Gamblin: Très brièvement, donc, je vous donnerai une liste des 186 intervenants qui ont demandé à la Cour fédérale d'empêcher la tenue du second référendum. On leur a dit que leur argent serait retenu s'ils ne retiraient pas leurs noms de cette poursuite. Cela n'a pas été dit exactement dans ces termes mais, essentiellement, c'était le résultat qu'ils devaient attendre s'ils se lançaient dans cette poursuite.
La liste a ainsi été réduite au point qu'il n'y avait plus que 53 signataires au 28 novembre 1997, après que la décision de la Cour fédérale ait été rendue. C'est l'excuse qui nous a été donnée, on garderait l'argent tant que la décision n'aurait pas été rendue au cas où le tribunal accorde des dommages et intérêts. Or, cela n'a pas été le cas et on m'a tout de même communiqué ce document du 28 novembre 1997. Mon nom se trouve parmi les 53 qui y figurent.
Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Bryden.
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): J'ai une question à vous poser. D'autres nous ont dit qu'il y avait 2 800 électeurs en droit de voter aux référendums. Pourriez-vous nous dire combien ont voté à chaque référendum?
Mme Myrna Gamblin: Je ne puis vous le dire comme cela parce qu'il y a un problème. Les listes que l'on avait indiquaient qu'environ 2 800 avaient voté mais il y a eu tellement de listes électorales qu'il faudrait que je puisse les examiner. Elles sont toutes différentes—qu'il s'agisse de l'accord sur les droits fonciers issus de traités, de l'accord cadre de mise en application, de la désignation des terres ou des élections.
C'est la raison pour laquelle j'ai parlé de ces 400 personnes environ à qui l'on a dit qu'elles ne pouvaient voter aux élections parce qu'elles n'étaient pas membres de la bande alors qu'elles votaient toutes dans tous les autres référendums.
M. John Bryden: J'essaie de m'y retrouver. Un autre témoin nous a dit que lors des référendums, 2 800 électeurs avaient droit de vote.
Mme Myrna Gamblin: J'imagine qu'il y en avait davantage. Tout dépend des règles appliquées. C'est ce que j'essayais d'expliquer. Les règles semblent changer à tout bout de champ de sorte qu'il faut se reporter à l'accord cadre de mise en oeuvre pour savoir quelles règles ont été suivies dans un cas donné.
M. John Bryden: Je vois. La greffière a ces données et je m'y reporterai.
Merci, monsieur le président. Je reviendrai là-dessus quand j'aurai consulté ces données.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Bryden.
Madame Desjarlais, brièvement.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Myrna, concernant l'appel interjeté dans le cadre du référendum, vous avez signalé qu'il existait une règle. Avez-vous pu constater que seuls les membres d'une bande pouvaient interjeter appel?
Mme Myrna Gamblin: Oui.
Mme Bev Desjarlais: Que vous sachiez, nul membre d'une bande n'a interjeté appel, n'est-ce pas?
Mme Myrna Gamblin: Aucun membre d'une bande n'a interjeté appel dans le cas du référendum sur le premier accord cadre de mise en oeuvre.
Mme Bev Desjarlais: Qui a interjeté appel alors?
Mme Myrna Gamblin: Je l'ai fait moi-même, dans le cas du deuxième référendum, et d'autres en ont fait autant.
Mme Bev Desjarlais: Qui a interjeté appel dans le cadre du premier référendum?
Mme Myrna Gamblin: Personne, dans ce cas-là. C'est ce que j'essayais d'expliquer, qu'effectivement personne n'avait contesté ce premier référendum.
• 1005
Il existe une lettre, de Sandy Jackson ou de quelqu'un
d'autre, où il est question de difficultés à propos de la liste des
électeurs, mais dans l'accord cadre de mise en oeuvre lui-même, il
était prévu, à propos du référendum, que s'il y avait des
objections quelconques concernant la liste des électeurs, il
fallait que les autorités en soient avisées, 10 jours avant le
fait. Ainsi il existait des règles concernant d'éventuels problèmes
à propos de la liste des électeurs.
Mme Bev Desjarlais: C'est alors que le ministère des Affaires indiennes a pris la décision de procéder à un deuxième référendum, n'est-ce pas?
Mme Myrna Gamblin: C'est cela.
Mme Bev Desjarlais: Merci.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci.
Monsieur Keddy.
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.
Très brièvement, à propos de ce qu'a dit M. Nault, je compte sur la compréhension des uns et des autres, celle des deux côtés, manifestement. Nous ne pouvons guère faire fi des programmes que se sont donnés les dirigeants élus des diverses bandes, quelle que soit la région du Canada qu'ils représentent, lorsqu'il y a des élections au sein des bandes tous les deux ans. Quant à moi, j'adhère à ce que M. Nault a dit à cet égard. Je le reconnais volontiers.
Toutefois, il incombe au ministère des Affaires indiennes de veiller à ce qu'il n'y ait pas de manquement à la justice et de garantir qu'aucune irrégularité ne se glisse dans l'application des règles découlant des dispositions de la Loi sur les Indiens concernant les élections. Même si à mon avis il n'appartient pas au comité de régler cette question, il incombe assurément au gouvernement de garantir que tout se passe de façon juste et équitable.
Je voudrais vous poser une brève question. Vous avez dit qu'en 1986, des membres d'une bande ont tenté de destituer leurs dirigeants. Cela se passait-il entre deux périodes électorales.
Mme Myrna Gamblin: Oui.
M. Gerald Keddy: D'accord.
Avez-vous réussi à remplacer ces dirigeants-là lors des élections suivantes?
Mme Myrna Gamblin: Lors des élections suivantes, le même chef a été élu mais la composition du conseil était différente.
Nous n'avons pas réussi à changer de dirigeants car ce que nous recherchions en fait était une modification aux fonctions de dirigeant. On peut changer les visages mais...
M. Gerald Keddy: Je comprends.
Si vous avez d'autres documents, d'autres pièces, je vous saurais gré de les déposer auprès de la greffière afin qu'elle puisse les distribuer à tous les membres du comité.
Mme Myrna Gamblin: Oui, volontiers.
M. Gerald Keddy: Merci.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Keddy.
Je ne vois personne d'autre qui souhaite intervenir; je vais donc vous remercier, Myrna, pour votre exposé et vos réponses concises.
Mme Myrna Gamblin: Merci de m'avoir invitée et de m'avoir écoutée avec patience.
Le vice-président (M. John Finlay): Les témoins suivants sont des représentants du Grand conseil des Cris.
Je souhaite la bienvenue au grand chef Matthew Coon Come.
Grand chef, je vous demanderais de présenter vos collègues. Vous avez la parole.
Grand chef Matthew Coon Come (Grand conseil des Cris): Bonjour, monsieur le président.
Bonjour, Bev. Comment allez-vous?
J'ai rencontré Bev dans l'ascenseur. Elle ne semblait pas me connaître, c'est pourquoi je tiens à me présenter dès maintenant.
Avant de commencer, je voudrais vous présenter Brian Craik, directeur des relations au niveau fédéral dans notre bureau d'Ottawa, Bill Namagoose, mon directeur exécutif, et Andy Orkin, dans le cas où vous nous poseriez des questions d'ordre juridique.
Nous avons trois témoins d'inscrits, mais je suis le seul à présenter l'exposé. Si je lisais le texte, j'en aurais sans doute pour 20 à 25 minutes. Mais je suis le seul à présenter l'exposé. Est-ce que cela vous convient?
Le vice-président (M. John Finlay): Grand chef, j'espère terminer cette partie de la séance en une heure ou moins; donc si vous prenez 20 minutes, il nous restera du temps pour les questions.
Grand chef Matthew Coon Come: D'accord.
Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à comparaître.
Au milieu des années 80, le Grand conseil des Cris a été interpellé par les Cris du Manitoba subarctique. Nous avons appris qu'au moment où nous étions victimes des agressions brutales des grands projets hydroélectriques contre nos terres, nos plans d'eau et notre culture à Eenou Istchee au début des années 70, les Cris du moyen-nord du Manitoba connaissaient les mêmes cauchemars.
Nous avons appris que comme Hydro-Québec, Manitoba Hydro avait détourné des rivières et inondé des milliers de kilomètres carrés des terres traditionnelles des Cris du Manitoba, sans leur consentement.
Ces actes officiels de ravage social et environnemental au Québec et au Manitoba contrevenaient aux droits fondamentaux des Cris de la baie James et du Manitoba. Ces actes de ravage social et environnemental constituent toujours une atteinte aux droits fondamentaux des Cris de la baie James et du Manitoba.
Par ces actes, nous avons été privés de nos moyens de subsistance en contravention de l'article 1 des deux pactes internationaux. Je parle ici du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ces deux conventions ont été signées et ratifiées par le Canada.
• 1015
Au Québec, il en a résulté la Convention de la Baie James et
du Nord québécois de 1975, le premier accord moderne du Canada avec
les Indiens. Les parties en présence étaient huit bandes cries et
leur grand conseil, la société d'État Hydro-Québec, le gouvernement
du Québec et la Couronne fédérale.
Deux ans plus tard, on a obtenu le même résultat au Manitoba. Les parties en présence étaient cinq bandes cries et leur grand conseil—le Northern Flood Committee—le service public provincial Manitoba Hydro, le gouvernement du Manitoba et la Couronne fédérale.
Au Québec, dans la belle province, nous avons constaté dans les cinq ans qui ont suivi la signature de l'accord qu'il ne serait pas facile de forcer les gouvernements à tenir leurs promesses.
En 1980, il y a eu de graves épidémies d'infection gastro-intestinale et de tuberculose dans nos communautés, et huit enfants sont morts, alors même que dans notre accord, on nous avait promis des services d'assainissement et d'eau potable. Nous avons appris que la seule façon de forcer les gouvernements à tenir leurs promesses et à respecter leurs obligations, était de les traîner devant les tribunaux, de rendre visite au Pape, de nous pourvoir devant un tribunal international des eaux, d'aller aux États-Unis, et de faire l'impossible pour obtenir des résultats.
Près de 25 ans après la signature de l'accord, il reste encore des parties fondamentales de notre accord avec la Couronne qui n'ont encore jamais été mises en oeuvre. Nous luttons toujours pour obtenir de bons services d'assainissement, des centres communautaires, un système de justice, des sociétés de développement économique et des logements. La liste de nos déconvenues et de nos déceptions est interminable.
Au fil des années, les gouvernements ont utilisé différentes tactiques contre nous. Ils ont essayé de monter les communautés cries de la baie James les unes contre les autres. Ils ont essayé de nous convaincre que la Convention de la Baie James était trop compliquée et trop vague. Un haut fonctionnaire fédéral nous a dit qu'elle était comme une montre suisse, et par conséquent impossible à mettre en oeuvre.
Le Canada prétend également que la formulation des conventions permet aux Cris de revenir constamment à l'attaque et d'en retirer des avantages supplémentaires, alors qu'en réalité, ni la Convention de la Baie James, ni la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba n'ont été véritablement mises en oeuvre au départ.
Les gouvernements ont monté des campagnes de relations publiques contre nous en faisant appel à de gros cabinets comme Continental, Golin et Harris pour constituer une équipe d'intervention tactique chargée de convaincre les Canadiens que nous sommes des Indiens riches et cupides.
Les gouvernements nous opposent des manoeuvres dilatoires depuis près de 29 ans dans l'espoir qu'à bout de ressources, nous allons abandonner.
Les gouvernements complotent dans notre dos et «conspirent pour contourner les droits découlant des conventions», selon la formule de la Cour fédérale dans un arrêt concernant notre droit, aux termes de la Convention de la Baie James, de soumettre les nouveaux projets hydroélectriques à des évaluations environnementales.
Les gouvernements nous ont menacés de punitions si nous voulions protéger nos droits devant la justice. Pendant les procès, les gouvernements ont prétendu à maintes reprises, y compris l'année dernière, que la Convention de la Baie James était non pas un traité, mais un simple contrat.
Or, en tant que traité, elle a un esprit et des objectifs réalistes. En tant que traité, elle bénéficie de la protection constitutionnelle depuis 1982. En tant que traité, elle oblige le gouvernement à agir. Son intention et ses obligations doivent être interprétées globalement.
À trois reprises, les tribunaux ont affirmé que la Convention de la Baie James était un traité. Pourtant, les gouvernements continuent de prétendre qu'il s'agit d'un contrat.
Au milieu des années 80, les Cris du Manitoba nous ont appris que nous n'étions pas les seuls à connaître cette expérience désastreuse.
Je voudrais maintenant citer le dernier rapport annuel du Grand conseil des Cris, à la page 46, qui fait le point sur la situation concernant la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.
J'ai des exemplaires de ce rapport, que je voudrais remettre au comité.
-
Nous avons d'étroites relations avec nos frères et nos soeurs cris
des différentes régions du Canada, en particulier de celles où la
destruction de l'environnement menace leur survie.
[Le témoin s'exprime en cri]
-
À l'automne 1997, les Cris de Cross Lake au Manitoba ont demandé au
Grand conseil de l'aide et de l'information concernant notre
interprétation des droits découlant de la Convention de la Baie
James. Le Grand conseil a décidé que le Dr Ted Moses, ambassadeur
cri auprès des Nations Unies et négociateur cri auprès des
autorités fédérales, se rendrait à Cross Lake avec certains de nos
juristes et de nos techniciens dans le cadre d'une mission
d'enquête. Ce qu'on leur a dit au Manitoba est très important pour
nous tous.
-
La Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba a été
signée au Manitoba en 1977. On a promis aux Cris du nord du
Manitoba quatre acres de terre en remplacement de chaque acre de
réserve inondée, une indemnisation future, des services de gestion
de la faune, des initiatives de développement économique, des
services de développement communautaire et un engagement, de la
part du gouvernement, à régler les problèmes de pauvreté et de
chômage.
-
Au début des années 80, on a constaté que Manitoba Hydro et les
gouvernements n'avaient pas l'intention de tenir les promesses
faites dans le cadre de la CITNM. À la fin des années 80, les
gouvernements ont provoqué le démantèlement du Northern Flood
Committee en refusant de le financer. La situation des Cris du
Manitoba s'est détériorée progressivement, à cause des effets
néfastes du projet sur les terres et les activités traditionnelles
des Cris, et parce que les promesses de la CITNM n'ont pas été
tenues.
-
L'aggravation de la pauvreté et du désespoir dans nos communautés
a permis aux gouvernements de passer à l'étape suivante, soit la
destruction de l'unité des Cris du Manitoba. Appliquant la formule
«Diviser pour régner» et «La tactique de la terre brûlée», les
Affaires indiennes ont mis fin aux communications sur les droits
des Cris du Manitoba aux termes de la CITNM.
-
Ils ont fait pression tout d'abord auprès des plus petites
communautés, comme celles de Split Lake. Au fil des années, et
jusqu'à l'année dernière avec la bande de Norway House, les
gouvernements fédéral et provincial ont réussi à obliger ces bandes
totalement démunies à conclure des accords très complexes de mise
en oeuvre globale; c'est ce qu'ils ont fait avec les quatre plus
petites Premières nations cries visées par la CITNM.
-
Nous avons étudié ces accords de mise en oeuvre, et de toute
évidence, ils ne mettent rien en oeuvre. Au contraire, ils ont
anéanti les droits des quatre Premières nations qui les ont signés.
Ces accords équivalent au rachat pour un montant forfaitaire des
droits des Premières nations découlant de la CITNM. Les
gouvernements et Manitoba Hydro ont racheté ces droits à moindres
frais, compte tenu du changement de mode de vie imposé aux Cris du
Manitoba et des milliards de dollars de revenus et d'avantages que
la province et le Canada ont retirés du mégaprojet hydroélectrique
Churchill-Nelson River.
Je signale que je n'ai pas l'intention de lire intégralement le rapport.
-
La délégation crie de la baie James a tiré de sa mission d'enquête
les conclusions suivantes:
-
La CITNM est un traité qui crée des obligations entre le Canada, le
Manitoba, Manitoba Hydro et les Cris du Manitoba.
-
La CITNM est ignorée délibérément depuis plus de 20 ans par les
parties gouvernementales. Il en est résulté une profonde
détérioration de la situation économique et sociale de cinq
communautés cries, malgré les promesses figurant dans la convention
signée en 1977.
-
Le gouvernement fédéral n'a jamais hésité à recourir à des
tactiques visant à affaiblir puis à détruire les organismes
régionaux comme le Northern Flood Committee du Manitoba. Il a ainsi
placé en situation de vulnérabilité cinq communautés du Nord, qu'il
n'a eu ensuite qu'à «cueillir» une par une.
-
[...] Pour ces communautés, ces manoeuvres ont entraîné une
renonciation définitive à tous les droits et voies de recours
découlant de la CITNM.
-
La dernière communauté régie par la CITNM, à savoir la nation crie
de Pimicikamak, qui représente plus de 5 000 Cris de Cross Lake,
soit la moitié de la population totale des Cris du Manitoba régie
par la CITNM, résiste bravement à ces manoeuvres de destruction des
droits découlant de la CITNM.
-
Nous dénonçons ces manoeuvres parce que la situation du Manitoba
est lourde de conséquences pour les Eenouch en ce qui concerne nos
droits découlant de la Convention de la Baie James et compte tenu
de l'importance de l'unité crie dans le contexte des relations
gouvernementales et des politiques constantes de dénégation des
droits découlant des traités.
• 1025
Le Grand conseil des Cris comparaît ici aujourd'hui pour
demander au Parlement de renoncer au projet de loi C-56, ou du
moins, de le modifier. Ce projet de loi représente la dénégation de
nos droits découlant des traités, conformément à des principes
venus de l'époque la plus noire des relations entre la Couronne et
les Autochtones. Il incarne les principes mêmes de la coercition,
de la division, de la désagrégation et de la dépossession, dont la
ministre des Affaires indiennes s'est excusée dans sa déclaration
historique de janvier 1998. À mon avis, cette loi du Parlement est
mauvaise; elle ne peut que mécontenter les Canadiens et être une
source d'embarras pour les partis politiques qui l'adopteraient.
Il existe bien des différences entre les deux conventions, celle de la baie James et celle du nord du Manitoba, mais leurs points communs sont bien plus importants. De toute évidence, elles ont toutes les deux été conclues de façon très solennelle. Ce sont des traités, et la Couronne le sait. L'esprit et l'intention de ces deux conventions sont identiques. La Couronne a inondé des terres traditionnelles des nations cries, dégradant ainsi leurs habitats, leurs économies et leurs modes de vie. Dans les deux cas, ces actes de terrorisme environnemental et social ont privé notre peuple de ses moyens de substance.
Les accords autorisant les deux mégaprojets ont été signés après-coup. En contrepartie, on a fait aux Cris des deux provinces d'importantes promesses visant à les indemniser et à les aider à survivre dignement. On a promis aux deux nations cries de l'emploi, de la formation, du développement communautaire et d'autres mesures incitatives.
J'ai interrogé mes conseillers juridiques sur les effets de ces prétendus accords cadres de mise en oeuvre. Je dirai simplement que compte tenu du résultat, je ferai tout en mon pouvoir pour empêcher les gouvernements d'opprimer mon peuple ou de le contraindre par la corruption à accepter une telle injustice.
Pour nous, il est inconcevable qu'un peuple autochtone puisse accepter librement de renoncer définitivement à des droits aussi importants. Mon peuple a dit à maintes reprises qu'il ne l'accepterait pas.
La Convention de la Baie James ne comportait aucune disposition de fin d'application ni aucun délai. Elle ne stipule pas qu'il faut négocier un nouvel accord pour mettre en oeuvre le premier. En conséquence, l'accord cadre de mise en oeuvre et le projet de loi qui le ratifie constituent une grave injustice et une atteinte à ce que la Cour suprême a appelé «l'honneur de la Couronne».
Ces conventions sur la submersion de terres comportent des obligations juridiques. Elles ne sont ni trop compliquées ni trop vagues, pour reprendre la formule appliquée à la CITNM. Elles contiennent toutes les deux des dispositions précises qui n'ont pas été prises en compte. Quoi qu'il en soit, elles ne posent aucune difficulté de compréhension quant à leur esprit et à leurs objectifs.
Il n'y a même pas besoin de connaître le contenu des conventions de la Baie James ou du nord du Manitoba pour comprendre que ces accords cadres de mise en oeuvre globale constituent des propositions inacceptables et déshonorantes. Les conventions de la Baie James et du nord du Manitoba vont durer éternellement, aussi longtemps que le soleil brillera et que les turbines des projets hydroélectriques tourneront, et les responsabilités et obligations de la Couronne dureront tout aussi longtemps. Ce n'est que justice. Les projets hydroélectriques sont éternels et rapportent toujours plus chaque année—trois milliards de dollars au Québec et un milliard de dollars au Manitoba, alors que les Cris du Québec et du Manitoba n'en retirent aucun avantage direct.
• 1030
La population crie va doubler d'ici quelques décennies et
continuera de se multiplier. Aucun versement forfaitaire ne peut
compenser un tel développement, et la Couronne le sait. C'est
précisément l'objet des accords cadres de mise en oeuvre globale et
des lois qui les sous-tendent. La Couronne connaît trop bien ses
obligations et, selon la formule employée par le PDG de Manitoba
Hydro, elle s'efforce de les éteindre.
Nous considérons ce projet de loi comme une atteinte manifeste aux valeurs exprimées par le gouvernement dans sa politique intitulée «Rassembler nos forces». Le projet de loi C-56 ne constitue pas simplement une atteinte au traité de Norway House et aux droits de la personne. Ce n'est pas simplement une atteinte aux traités qui régissent les Cris de Cross Lake et de la CITNM. Nous considérons ce projet de loi comme une atteinte aux droits découlant des traités des Cris de la baie James et de tous les peuples autochtones, ainsi que des autres droits de la personne. Pour nous, le message est clair: Tous les autres traités doivent y passer aussi.
Pour cette raison, je demande instamment au gouvernement de renoncer à cette parodie de projet de loi ou du moins de l'amender ou de le laisser mourir au Feuilleton. Il est répressif et injuste.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci, grand chef.
Y a-t-il des questions?
M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Merci, grand chef. Je suis heureux de vous revoir. Lors de notre dernière rencontre, le comité se trouvait dans votre communauté et il a été très bien traité.
Nous nous trouvons ici dans une situation très complexe et déplaisante. Les autres communautés ont signé les accords de mise en oeuvre, évidemment avec ou sans l'accord des membres de la base, mais si comme vous le dites, il y a eu de la corruption et des atteintes aux droits de la personne, ce n'est évidemment pas la bonne façon d'agir.
J'aimerais que l'on revienne à la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Il existe, je crois, une commission de mise en oeuvre qui doit rendre compte tous les six mois au Parlement de la mise en oeuvre de l'accord. Est-ce que cette formule serait préférable à un accord global comme celui dont il est question ici? Ou est-ce qu'elle ne vous donne pas satisfaction?
Grand chef Matthew Coon Come: Merci beaucoup. Vous faites allusion à la Commission crie-Naskapie...
M. Derrek Konrad: Vous avez raison. Je m'excuse.
Grand chef Matthew Coon Come: ...qui est un organisme distinct qui n'a rien à voir avec la Convention de la Baie James et du Nord québécois. La commission a présenté ses vues et produit des rapports semestriels. Les Cris ont présenté leurs points de vue, et quiconque peut également présenter son point de vue ou formuler une plainte s'il estime être lésé par la Loi sur les Cris et les Naskapis. Contrairement à la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, la Convention de la Baie James et du Nord québécois ne prévoit pas de mécanisme pour le règlement des différends.
M. Derrek Konrad: Très bien. Pensez-vous que ce processus est préférable à celui que prévoit l'accord de mise en oeuvre dont nous sommes saisis, c'est-à-dire une commission de mise en oeuvre qui serait tenue de faire rapport de ses activités? Ce processus sera évidemment long et suppose la tenue d'innombrables réunions.
Grand chef Matthew Coon Come: La raison pour laquelle la Convention de la Baie James et du Nord québécois ne prévoit pas de mécanisme de règlement des différends est qu'elle est l'aboutissement de négociations entre des gens honorables. Nous étions effectivement représentés par des gens honorables ainsi que le gouvernement. La convention ne prévoit pas de mécanisme de règlement des différends parce que nous ne prévoyions pas que sa mise en oeuvre poserait des difficultés.
Nous voulions respecter l'esprit et la lettre du traité et nous continuons tous de collaborer à sa mise en oeuvre. Cette collaboration devait mener à l'amélioration des relations entre les Cris et les gouvernements et permettre la mise en oeuvre des dispositions portant sur les stimulants économiques, la création d'emplois, la formation et la mise sur pied d'un régime environnemental en vue d'évaluer les conséquences sociales et environnementales de certains projets. Nous n'avons pas cru bon prévoir un mécanisme de règlement des différends. Nous avons estimé pouvoir collaborer à la mise en oeuvre de la convention.
M. Derrek Konrad: C'est exactement ce à quoi je songe. Cette commission pourrait se réunir et consacrer le temps voulu à étudier chaque point de vue. Il est très rare que nous puissions étudier les détails d'un accord qui peut donner lieu à différentes interprétations ou sur lequel les points de vue peuvent diverger.
J'ai lu le rapport de la commission qui fait état de certaines lacunes dans la mise en oeuvre de la convention. Je pense qu'il convient donc de comparer la situation actuelle à ce que prévoyait la convention soit implicitement, soit explicitement.
Grand chef Matthew Coon Come: J'aimerais pouvoir dire que la commission a fait du bon travail, mais les rapports semestriels qui dénoncent des manquements à la Convention de la Baie James et du Nord québécois sont plus volumineux que la convention elle-même. La commission n'est pas efficace. On nous écoute, mais le gouvernement ne fait ensuite rien.
M. Derrek Konrad: Pensez-vous que la commission doit être démantelée et remplacée par un autre processus?
Grand chef Matthew Coon Come: Elle devrait être renforcée. Elle devrait disposer des ressources financières et humaines voulues. On devrait aussi lui donner des pouvoirs exécutoires.
M. Derrek Konrad: Me reste-t-il du temps?
Le vice-président (M. John Finlay): Oui.
M. Derrek Konrad: Quel tribunal a statué que la Convention de la Baie James était un traité? Vous avez dit que trois tribunaux étaient parvenus à cette conclusion.
M. Andrew J. Orkin (conseiller juridique, Grand conseil des Cris): La Cour d'appel fédérale a reconnu deux fois qu'il s'agissait d'un traité, et la Cour supérieure du Québec l'a jusqu'ici reconnu une fois. On m'informe que le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec ont tous les deux porté appel de la décision rendue par la Cour supérieure du Québec.
L'autorisation d'interjeter appel devant la Cour suprême du Canada du jugement important de la Cour d'appel fédérale reconnaissant à la convention le statut de traité dans l'affaire Namagoose—Bill Namagoose était le principal plaignant dans cette affaire—a été refusée.
M. Derrek Konrad: L'autorisation a été refusée? Merci.
Je n'ai rien d'autre à ajouter. Je vous remercie beaucoup.
Le vice-président (M. John Finlay): Je vous remercie, Derrek. Monsieur Bryden.
M. John Bryden: Chef, vous avez dit que les paiements versés en vertu de ces conventions devraient être perpétuels puisqu'elles engendrent des revenus perpétuels. Vous avez fait observer que la population crie allait bientôt doubler et même quadrupler et que ces conventions devraient donc tenir compte de l'accroissement démographique, ce qui n'est pas le cas.
Dans ce cas, pourriez-vous me dire quelle aurait été l'obligation de la Couronne si des projets hydroélectriques n'avaient pas existé et si la population crie avait doublé et triplé et avait épuisé ses ressources traditionnelles? Quelles seraient alors les obligations de la Couronne envers les Cris?
Grand chef Matthew Coon Come: En vertu de la Constitution, la Couronne a des obligations fiduciaires à l'égard des Indiens et des terres réservées pour les Indiens. La Couronne a donc des obligations à l'égard des Premières nations.
Quand le gouvernement fédéral a-t-il pris parti pour les Premières nations, leur a-t-il fourni l'aide financière voulue et a-t-il reconnu l'existence des titres autochtones? Je ne pense pas que le gouvernement fédéral l'ait jamais fait. Le gouvernement fédéral prend d'ailleurs souvent parti pour les promoteurs et non pas pour les Premières nations. Le gouvernement ne défend pas les droits autochtones. En vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, le gouvernement fédéral...
M. John Bryden: Chef, ce n'est pas la question que je vous ai posée. Je ne vous ai pas posé du tout cette question. Je vous prie de répondre à ma question.
Grand chef Matthew Coon Come: Je pensais que c'était la question que vous m'aviez posée.
M. John Bryden: Devrais-je la répéter, monsieur le président?
Le vice-président (M. John Finlay): À votre guise, monsieur Bryden.
M. John Bryden: Vous avez soutenu que ces accords, la Convention de la Baie James et la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, devraient prévoir des paiements perpétuels puisqu'ils génèrent des revenus perpétuels et que les populations cries vont doubler et quadrupler dans quelques années. Si je vous ai bien compris, vous pensez que ces conventions devraient tenir compte de l'accroissement démographique.
La question que je vous pose est celle-ci: S'il n'y avait pas eu de projets hydroélectriques au Manitoba ou au Québec, quelles auraient été les obligations de la Couronne à l'égard des populations cries de ces deux provinces si celles-ci avaient doublé et quadruplé et qu'elles avaient épuisé leurs ressources traditionnelles? Quelles pensez-vous auraient été les obligations de la Couronne dans ce cas-là?
Grand chef Matthew Coon Come: Toutes les Premières nations vous diront que comme les terres leur appartiennent, ce sont elles qui devraient tirer parti de l'exploitation des ressources naturelles qu'elles contiennent. Qu'il s'agisse d'arbres, d'eau ou de pétrole, les ressources naturelles de ces terres appartiennent aux Premières nations qui devraient pouvoir les exploiter de manière à ne pas devoir compter sur l'aide financière du gouvernement.
M. John Bryden: Que se passe-t-il, chef, s'il n'y a pas de pétrole à extraire? Vous parlez d'un cas où l'homme blanc et le gouvernement du Canada exploiteraient une ressource parce que vous ne pouvez pas le faire vous-mêmes. Lorsque vous parlez de ressources traditionnelles, je comprends qu'il s'agit de la chasse, de la pêche et de l'exploitation de la terre. Mais lorsque vous parlez... En fait, je ne comprends pas ce que vous me dites. Vous dénoncez la Couronne parce qu'elle favorise la mise en valeur de ces ressources ou qu'elle les exploite elle-même et vous dites ensuite que vous n'avez pas besoin de son aide.
Grand chef Matthew Coon Come: Je ne pense pas me contredire.
M. John Bryden: Je ne suis cependant pas votre raisonnement.
Grand chef Matthew Coon Come: Nous voulons conserver notre mode de vie qui repose sur la pêche, le piégeage et la chasse. Nous ne sommes cependant pas aveugles. Nous savons bien qu'il faut développer notre économie. Nous voulons cependant permettre à ceux qui veulent poursuivre ce mode de vie de pouvoir le faire. Nous voulons aussi tirer parti du développement économique. Nous ne nous opposons pas aux projets de développement économique. Je ne pense cependant pas que nous pouvons améliorer nos conditions de vie simplement en acceptant de l'argent du gouvernement fédéral quel que soit le parti politique au pouvoir.
Je pense que nous pouvons parvenir à notre but. Nous avons survécu jusqu'ici et nous pouvons participer au développement. Nous pouvons nous occuper de nos propres affaires. À chaque fois que nous voulons lancer un projet, il nous faut demander un permis. Nous nous rendons aussi souvent compte qu'une concession forestière ou minière a déjà été accordée ou qu'une entreprise a déjà obtenu le droit de chasser, de pêcher et de piéger sur certaines terres ou d'y exploiter une pourvoirie. Nous ne pouvons rien faire sans obtenir l'autorisation de quelqu'un d'autre. Il n'est pas surprenant que nous soyons tellement contestataires.
Le vice-président (M. John Finlay): Je vous remercie, chef.
M. Bill Namagoose (directeur exécutif, Grand conseil des Cris): J'aimerais ajouter que si le gouvernement fédéral n'avait pas pour politique d'éteindre nos droits, cela ne se produirait pas. Chaque fois que nous entamons des négociations avec un promoteur, le gouvernement fédéral intervient et impose un traité comme la Convention de la Baie James et du Nord québecois, un traité qui éteint nos droits à l'égard des ressources naturelles. Nous négocions donc avec les promoteurs avec les mains liées et on pourrait même dire les pieds liés. Si le gouvernement mettait fin à cette politique, nous disposerions d'un véritable levier d'influence. Nous pourrions tirer parti de l'exploitation des ressources naturelles et nous ne constituerions plus un fardeau pour le gouvernement fédéral.
Le gouvernement n'aurait peut-être alors plus d'obligations à notre égard. Nous pourrions prendre en charge notre propre population et tirer parti de nos ressources naturelles. Nous n'aurions pas besoin de l'aide de la Couronne fédérale. Nous pourrions répondre à nos propres besoins.
Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Nault.
M. Robert Nault: Monsieur le président, je voulais poser une question au grand chef. Il a laissé entendre... Nous discutons maintenant de la question de savoir si la Convention de la Baie James est un traité. Je ne m'étendrai pas là-dessus puisque ce n'est pas l'objet de notre discussion d'aujourd'hui. Nous discutons aujourd'hui de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.
J'ai demandé l'autre jour à M. Allmand, qui était à l'époque le ministre qui a signé la convention, si les chefs estimaient à l'époque que la convention représentait une adhésion au Traité numéro 5 qui vise la région dont nous parlons, le Traité numéro 5 étant le premier accord qui a été signé. Il n'a pas pu me le dire et il n'a non plus admis que les chefs qui avaient signé cet accord pensaient que c'était un traité.
• 1045
Je pense que c'est important de le signaler. Quand on parle
d'une histoire et d'une culture orales, lorsqu'on participe à une
réunion des aînés, des femmes, des jeunes ou des représentants—les
chefs dans ce cas-ci—dont l'intention est... C'est vrai que je
viens du nord de l'Ontario qui n'est pas très éloigné de la région
visée par le Traité numéro 5 et que quelques Premières nations sont
régies par ce traité dans ma région, mais je ne pense pas que qui
que ce soit s'est plaint du travail de la commission—du moins pas
du travail des représentants—ni que qui que ce soit ait soutenu
que cette convention cadre constitue un changement au traité numéro
5.
Pensez-vous vraiment que les chefs du Traité numéro 5 considèrent la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba comme une adhésion, un changement à ce traité? Voilà ma première question.
Je pense que c'est important de le savoir. Cela m'étonne un peu qu'un grand chef d'une autre région que le nord du Manitoba soit venu nous parler de cette région alors que nous n'avons pas entendu le point de vue du chef national, qui est lui-même originaire de cette région, ou du moins du Manitoba. Il n'est pas venu témoigner et n'a pas demandé à le faire. Cela m'étonne un peu que vous soyez venu nous parler au nom des Cris du Manitoba. C'est quelque peu inusité. C'est comme si Charles Fox venait nous parler à titre de représentant des Cris visés par le Traité numéro 9. Je trouverais cela un peu étonnant.
J'essaie de comprendre quel est votre mandat. Je sais que vous êtes venu nous dire ce que vous pensez de la Convention de la Baie James et c'est tout à fait votre droit. Je suis bien d'accord là-dessus, mais ce n'est pas de cela que nous discutons aujourd'hui. Nous sommes en train de discuter de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. J'essaie de comprendre ce qui en est. Vous avez dû communiquer avec les chefs de la région. Pouvez-vous m'aider à comprendre quelles étaient leurs intentions quand ils ont signé la convention en 1977? S'agissait-il d'une adhésion au Traité numéro 5?
Grand chef Matthew Coon Come: Merci beaucoup.
Je ne prétends pas me faire le porte-parole d'autres Premières nations du Canada, mais si les droits individuels issus des traités sont en cause, cela me touche aussi. Cela me touche si les gouvernements essaient de faire quelque chose ou si l'on adopte une loi ou si les tribunaux rendent une décision comme dans l'affaire Nishga. Si les gouvernements adoptent des lois et des politiques qui peuvent servir aux négociations constitutionnelles, cela me touche.
Peu importe si cela se passe en Ontario ou dans les Territoires du Nord-Ouest, cela me touche et continuera de me toucher parce qu'il me semble que le gouvernement veut régler la question et finaliser la convention. S'il réussit, que fera-t-il ensuite? Est-ce que ce sera mon tour? Si c'est ce que le gouvernement veut faire à un traité d'application, j'ai peur d'être le prochain parce que le gouvernement semble appliquer la même politique partout dans le Canada. Il est très systématique. Je ne veux pas en dire plus long là-dessus. À mon avis, cette mesure porte sur des droits issus des traités. La Convention de la Baie James et du Nord québécois est un traité. Les droits issus des traités sont importants pour nous.
Je pourrais peut-être demander...
M. Robert Nault: Monsieur le président, je vais essayer encore une fois.
Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Nault.
M. Robert Nault: Savez-vous ou non quelles étaient les intentions des représentants des bandes touchées par le Traité numéro 5 en signant la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba et s'ils considéraient que cette convention était un traité moderne? Il y a toute une différence entre un traité et un contrat et j'imagine que c'est pour cela que vous êtes accompagné de votre conseiller juridique.
Je n'ai rien à redire à ce que vous dites au sujet de la Convention de la Baie James. Vous avez bien précisé votre position et les décisions des tribunaux semblent confirmer qu'il s'agit d'un traité. Ce n'est pas de cela que nous parlons aujourd'hui. Nous parlons de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba et des intentions des représentants des bandes à l'époque quand ils ont conclu cet accord avec le ministre Allmand.
J'ai demandé au ministre d'alors, M. Allmand, qui était là le jour de la signature, si les représentants des bandes considéraient qu'il s'agissait d'un traité et si les chefs savaient ce qu'ils signaient, en l'occurrence leur adhésion au Traité numéro 5, parce que c'est de cela qu'il s'agissait. Il a dit que nous devrions leur poser la question. Essentiellement, il a refusé d'y répondre lui-même.
Je vous pose la même question aujourd'hui et personne ne veut me répondre. Ou bien vous ignorez la réponse, et vous devriez simplement le dire, ou bien... Je ne veux pas parler de votre convention. C'est quelque chose de différent. J'essaie simplement de comprendre ce que nous faisons au juste. Est-ce que nous sommes en train de modifier un traité, comme vous l'avez laissé entendre? Ou bien sommes-nous en train d'ajouter un accord d'exécution, comme certains représentants du nord du Manitoba nous l'ont dit?
Il y a ensuite le chef national, et je vais lui poser la même question dès que j'en aurai la chance, qui est lui-même de cette province et qui ne vient pas dire la même chose que vous devant le comité. On pourrait penser qu'il viendrait dire au comité: «Je suis d'accord avec le grand chef Coon Come que l'accord ne devrait pas être signé.» Mais ce n'est pas ce qu'il fait. Il n'y a pas beaucoup de bruit, n'est-ce pas, du côté du Bureau du chef national? Et j'essaie de comprendre...
Grand chef Matthew Coon Come: Je ne suis pas le chef national. C'est à lui de décider s'il veut venir témoigner ou non.
Je vais demander à Andy Orkin de vous donner plus de précision et peut-être de répondre à votre question.
M. Robert Nault: Merci.
M. Andrew Orkin: Je trouve cette question plutôt pertinente, du moins si j'ai bien compris. Vous demandez si les chefs qui ont signé la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba jugeaient à l'époque qu'il s'agissait d'un traité.
La Cour suprême a énoncé divers critères qui permettent de déterminer si des rapports donnés constituent ou non un traité. L'affaire la plus importante à cet égard est une affaire appelée Sioui qui portait essentiellement sur une lettre de sauf-conduit du XVIIIe siècle émise par la Couronne britannique relativement au Québec et qui visait à déterminer s'il s'agissait d'un traité ou non. Cette lettre avait été signée par seulement une partie. La Cour suprême du Canada a jugé qu'il s'agissait effectivement d'un traité parce que cela reflétait un rapport qui avait été établi d'une façon assez solennelle.
Cela étant dit, je pense que nous devrions nous arrêter un instant et demander à l'aîné Beardy, qui était chef à l'époque et qui avait négocié et signé la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba ce qu'il pensait signer à ce moment-là.
Par ailleurs, le fait est que, si la Convention n'est pas un traité, Manitoba Hydro et le Manitoba vont avoir beaucoup de problèmes parce que le traité no 5 est certainement un traité et qu'il accordait aux bandes les droits issus de traités pour un vaste territoire de terres de réserve dans le nord du Manitoba et, si la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba n'est pas un traité et ne peut donc pas modifier le traité no 5 pour donner des servitudes pour la submersion de ces terres, Manitoba Hydro s'est installé sur des terres volées. C'est donc un problème de taille, non pas pour les Indiens, mais bien pour Manitoba Hydro et le gouvernement du Manitoba et aussi pour le gouvernement du Canada, qui reçoit des redevances sous forme de TPS grâce à la vente de l'électricité.
Quand mes clients du Manitoba me demandent s'il s'agit d'un traité, et nous pourrons en discuter plus tard, je leur réponds toujours qu'ils sont très bien placés si ce n'est pas un traité parce que les turbines, les réservoirs et les servitudes se trouvent sur leurs réserves. À mon avis, le gouvernement doit envisager très sérieusement quelle est sa position si, après toutes ces années, on constate que la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba n'est pas un traité parce que cela voudrait dire qu'elle ne pouvait pas modifier le traité no 5 et que le barrage Jenpeg se trouve sur des terres volées.
M. Robert Nault: Vous contournez toujours la question. Je sais que les avocats réussissent toujours à parler du fait qu'un accord doit être «considéré comme» un traité à cause de telle ou telle chose.
Ma question est très simple. Je n'essaie pas d'y mêler des subtilités. Le fait est que le traité no 5 existe encore et n'a pas modifié l'obligation fiduciaire de la Couronne. Affirmer tout à coup que Manitoba Hydro s'est installé sur des terres volées ou quelque chose du genre... On s'est entendu pour accorder une indemnisation pour les torts causés dans les années 60 et 70. Ce n'est pas ce cela que je parle.
Ce que je veux dire, c'est qu'il y a une grande différence entre ce que les chefs du nord du Québec avaient peut-être à l'esprit quand ils ont signé l'Accord des Cris et des Naskapis et ce que les chefs des bandes du traité no 5 pensaient en signant la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Chaque fois que je pose la question, on me donne une interprétation juridique qui pourrait presque être l'interprétation de l'homme blanc, de ce que pensaient les chefs à l'époque. Je veux savoir ce que les chefs pensaient et je voudrais que les chefs eux-mêmes nous disent ce qu'ils pensaient à ce moment-là.
Ils étaient là. Si l'aîné Sandy Beardy était chef à l'époque, c'est peut-être une bonne chose qu'il soit ici aujourd'hui parce que personne jusqu'ici n'a pu me dire ce qui est arrivé à ce moment très important de notre histoire.
L'aîné Sandy Beardy: Merci, monsieur le président.
Nous avons parlé des terres et des ressources visées par le traité. Quand nous avons conclu le traité, nous avons cédé seulement une certaine proportion des terres pour l'agriculture. À part cela, ces terres nous appartiennent, à nous les Autochtones.
C'est ce qui avait été convenu quand le représentant de la Reine avait conclu le traité avec l'Autochtone qui vous parle maintenant et, si j'en ai l'occasion plus tard, je vous parlerai un peu des médailles que j'ai ici.
• 1055
À ma connaissance, nous n'avons jamais cédé nos terres. Nous
avions un partenariat avec le gouvernement fédéral, mais, en 1930,
il a cédé nos terres et nos ressources au gouvernement provincial
sans en aviser les Autochtones. Pourtant, un jour viendra où un
tribunal supérieur, peut-être la Cour suprême, rendra une décision
là-dessus comme elle l'a fait quand on lui a renvoyé le cas de ceux
qui avaient été accusés de violer la loi en chassant et quand la
Cour suprême a statué que ces personnes n'avaient pas violé la loi.
Selon cette convention, Manitoba Hydro avait accepté de remplacer chaque acre par quatre acres. Les dommages ont été faits. Où Manitoba Hydro va-t-elle trouver la terre pour remplacer les terres submergées. Elle n'est pas propriétaire de la terre. La terre nous appartient encore. Si Manitoba Hydro conclut un accord, c'est donc un traité qui touche aussi le gouvernement fédéral. J'étais là quand on a négocié la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Toute convention conclue entre les Autochtones et le gouvernement fédéral est automatiquement un traité parce que le gouvernement fédéral a le devoir de protéger les Autochtones et de préserver leurs droits et c'est ce qu'il devait faire quand il a signé la Convention avec la province et Manitoba Hydro.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Beardy.
Si vous êtes d'accord, je vais passer à quelqu'un d'autre.
L'aîné Sandy Beardy: Oui.
Le vice-président (M. John Finlay): Je tiens à m'excuser auprès de Claude Bachand parce que je ne lui ai pas donné l'occasion de parler quand j'aurais dû le faire tantôt.
Je pensais que M. Nault répondait à la question de M. Namagoose et j'étais tellement... Je pensais que vous alliez répondre à cette question.
Donc, toutes mes excuses, Claude.
[Français]
M. Claude Bachand: Je vous pardonne, monsieur le président.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci.
M. Claude Bachand: Je voudrais souhaiter la bienvenue aux représentants de la belle terre des Cris. On me dit souvent que je suis de la belle province, mais je sais qu'eux sont de la belle terre des Cris.
Je suis surpris de voir le chef Coon Come prendre son écouteur pour entendre l'interprétation parce qu'on me disait qu'il suivait des cours de français. Ce sera ma première question: comment vont les cours de français?
Grand chef Matthew Coon Come: Pas pire, pas pire, mon ami.
M. Claude Bachand: Je voudrais aussi dire que je reconnais la belle combativité du chef Matthew Coon Come, qui est venu ici à plusieurs reprises. C'est un défenseur extraordinaire des Cris non seulement du Québec, mais de l'ensemble du territoire.
Encore une fois, on a un autre choc culturel avec l'arrivée de ces gens-là. Ils ne voient pas les choses de la même façon que nous, et je pense que c'est important qu'on puisse maintenir le dialogue pour en arriver à faire un pont entre les différents peuples et en venir à s'entendre.
Je comprends également sa frustration. Je suis d'accord avec lui. Le fait d'enlever quelque part un droit ancestral aura certainement des répercussions ailleurs. Il faut lire le rapport de la commission royale d'enquête pour le comprendre. Il s'est passé des choses absolument épouvantables; on a déshonoré la parole donnée, les contrats et les traités qui avaient été signés.
Je comprends qu'il y a eu deux poids, deux mesures. Je prends comme exemple ce qui se passe à la Cour suprême du Canada. On dit souvent que c'est le plus haut tribunal au Canada, mais pour ce qui est des causes autochtones, où on donne d'ailleurs, dans 90 p. 100 des cas, raison aux autochtones, le gouvernement ne les applique pas, ou encore il les ignore, les met sous la couverture ou ne veut pas les voir. Alors que seulement 10 p. 100 des causes qui sont entendues par la Cour suprême donnent raison au gouvernement, on procède à une application stricte sur l'ensemble du territoire. Je comprends un peu cette frustration, mais on essaie de trouver une façon de s'en sortir aujourd'hui.
• 1100
J'ai une question à poser au grand chef. Je comprends
qu'il veut qu'on rejette le projet de loi, mais il dit
quand même qu'en bout de piste, si on doit l'adopter,
il doit au moins être amendé. Est-ce que ce projet de loi
serait un peu plus satisfaisant s'il y avait un
amendement faisant en sorte que rien dans la loi ou
dans l'accord ne doive être interprété comme une
abrogation ou une extinction des droits ancestraux des
autochtones? Seriez-vous satisfait si cette
disposition particulière se trouvait dans la loi?
Pour l'instant, je suis d'accord avec vous qu'une application du NFA par le MIA restreindrait la portée des droits inscrits dans le NFA.
Pour éviter cela, est-ce qu'on ne pourrait pas avoir un article de la loi disant que tout ce qui sera interprété ne pourra pas l'être en fonction de l'abrogation ou de l'extinction des droits des autochtones? Est-ce qu'on pourrait ainsi trouver une porte de sortie?
Grand chef Matthew Coon Come: Merci beaucoup, Claude. Ça va bien?
M. Claude Bachand: Oui, très bien. Et toi?
Grand chef Matthew Coon Come: Moi aussi.
[Traduction]
Oui, bien sûr, comme toujours, nous avons voulu des dispositions de non-dérogation pour protéger les droits des Cris ou des Autochtones et les droits issus des traités relativement à tout accord que nous signons. Nous avons discuté entre nous des amendements possibles. Nous sommes certainement d'accord avec ce qu'Andy Orkin a dit. Je peux peut—être lui demander d'expliquer.
Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Orkin.
[Français]
M. Andrew Orkin: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
On nous a signalé la possibilité d'un amendement hier. Si j'ai bien compris, il en a été question après une discussion avec certains témoins. On m'a demandé hier d'y réfléchir pour fournir certains conseils au grand chef et à certains autres témoins qui comparaîtront plus tard aujourd'hui. Comme l'a dit le grand chef, il est toujours possible d'essayer de réparer une injustice en ajoutant un article pour réduire ou éliminer la possibilité que quelqu'un soit lésé. Ce n'est jamais le meilleur moyen de rédiger les lois. C'est une formule alambiquée.
Cela étant dit, on pourrait s'entendre sur un libellé acceptable si votre comité ou d'autres députés craignaient que la mesure ne touche les droits issus de traités qui découlent de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba si ces droits issus de traités existent. Toutes les parties à l'accord-cadre de mise en oeuvre ont déclaré qu'elles ne voulaient nullement toucher aux droits issus des traités. Si c'est vrai, on pourrait rédiger une disposition dans le projet de loi pour le préciser. Si c'est vrai...
M. Robert Nault: Excusez-moi, mais c'est déjà dans le projet de loi. L'article 13.13.3 stipule essentiellement... Les représentants du ministère nous ont dit que cet article protégeait les droits issus des traités de la nation crie de Norway House. La mesure vise...
Le vice-président (M. John Finlay): Excusez-moi, monsieur Nault. Est-ce que vous parlez du projet de loi C-56 ou de l'accord-cadre de mise en oeuvre?
M. Robert Nault: Non, je dis que la loi dont vous vous occupez indique que l'article 13.13.3 de l'accord-cadre de mise en oeuvre protège les droits ancestraux et issus de traités de la Nation crie de Norway House.
Le vice-président (M. John Finlay): Je pense que nous devrions laisser M. Orkin terminer ses commentaires. Je vous remercie de votre intervention.
M. Andrew Orkin: Je n'ai pas l'accord-cadre de mise en oeuvre sous les yeux, mais je l'ai dans ma serviette.
S'il s'agit de la disposition à laquelle vous faites allusion, c'est celle qui prévoit que rien dans le présent accord ne vise à influer sur les droits ancestraux issus de traités des parties à l'accord. Est-ce ce que vous vouliez dire?
Le vice-président (M. John Finlay): C'est ce que je voulais dire, monsieur Orkin. Mes attachés de recherche viennent de m'informer que cette intention est prévue par l'accord. Je l'ai lu moi-même. Mais je ne suis pas sûr qu'elle se trouve dans le projet de loi.
M. Claude Bachand: Exactement.
M. Andrew Orkin: D'après ce que j'ai pu constater, il n'y a aucune disposition dans le projet de loi—et reprenez-moi si je me trompe—qui prévoit ce genre de choses, et j'ai lu le projet de loi un certain nombre de fois. L'accord-cadre de mise en oeuvre ne peut pas modifier l'intention du Parlement. Si l'intention du Parlement est de ne pas influer sur les droits ancestraux issus de traités, la façon d'y arriver est de dire que rien dans la présente loi ou dans l'accord ne devrait être interprété comme ayant cet effet—si c'est la véritable intention du Parlement à ce moment-là.
Le vice-président (M. John Finlay): Je vous remercie. Je pense que vous nous avez fourni une explication très claire.
J'aimerais céder la parole à Mme Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais: Je tiens simplement à avoir des précisions à ce sujet afin de bien comprendre ce que vous avez dit en ce qui concerne la Couronne lorsque M. Nault vous a interrogé. Si je vous ai bien compris, la Couronne doit agir dans l'intérêt des Premières nations, étant donné qu'elle possède une obligation fiduciaire envers elles et qu'elle doit à ce titre agir dans l'intérêt des Autochtones des Premières nations.
En ne s'assurant pas qu'un accord tienne compte, entre autres, de l'essor démographique, en ne s'assurant pas que cela fait partie de l'accord et est prévu par l'accord de manière à assurer un soutien permanent aux Premières nations—c'est-à-dire une source de revenu—et si la Couronne conclut des accords qui les privent de ces sources de revenu à l'avenir, elle n'agit pas de façon responsable ni dans l'intérêt des Premières nations. Était-ce votre intention? C'est ainsi que je l'ai interprété. Je sais que ce n'est pas ainsi que M. Nault l'a interprété, mais c'est ce que j'ai cru comprendre d'après ce que vous avez dit. Est-ce que j'ai raison?
Grand chef Matthew Coon Come: Vous avez raison, Bev.
Mme Bev Desjarlais: Je vous remercie.
Lorsque vous avez présenté votre exposé, j'ai été particulièrement intéressée par votre déclaration en ce qui concerne le terrorisme social. En vous écoutant—et je sais ce qui se passe chez un certain nombre de Premières nations qui se trouvent plus ou moins réduites à accepter le peu qu'elles peuvent obtenir pour survivre—je me suis souvenue d'un exposé donné par un agent de la GRC lors d'une conférence sur la justice. On parlait de terrorisme et du syndrome selon lequel la victime fraternise plus ou moins avec le terroriste, car les terroristes choisissent les gens qu'ils vont tuer ce jour-là et s'ils décident de ne pas vous tuer, vous leur en êtes terriblement reconnaissant. À la fin d'une prise d'otages, les otages aiment leur ravisseur parce qu'ils ont survécu. Ils se disent: «Mon Dieu, ils doivent être mes sauveteurs, ils se soucient de moi.»
J'ai l'impression que c'est ce qu'éprouveraient les peuples autochtones, après n'avoir pas réussi pendant 29 ans à obtenir la conclusion d'une entente. Ils se trouvent littéralement affamés et leurs conditions sociales se sont détériorées à un tel point qu'ils accepteront tout ce qu'ils pourront obtenir. J'ai l'impression que c'est ce qui se passe dans certaines de ces situations.
J'aimerais savoir ce que vous pensez d'un chef en conseil d'une Première nation qui est élu—je ne mets pas ici en question le caractère démocratique de l'ensemble du processus électoral et de ce qui s'est passé auparavant. En partant du principe que tout a été fait équitablement, est-ce que le chef en conseil a le droit de signer un accord qui essentiellement modifierait la notion du traité? Peut-il s'arroger ce droit et apporter ce genre de changement? À votre avis, a-t-il alors le pouvoir de modifier l'accord précédent?
Grand chef Matthew Coon Come: Merci beaucoup.
Avant de répondre à la question, monsieur le président, j'aimerais déposer les amendements dont nous parlons, à savoir les dispositions d'abrogation et de dérogation. J'aimerais les déposer. Est-il possible de faire au moins en sorte de s'assurer que la loi prévoit une disposition de non-dérogation?
Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup, chef. Nous l'avons fait, nous l'avons accepté.
Grand chef Matthew Coon Come: Avant de répondre à votre question, je demanderais à Brian Craik de répondre brièvement à une partie de votre question.
M. Brian Craik (directeur des relations fédérales, Grand Conseil des Cris): L'une de vos observations concerne la nature de l'accord qui est signé. Vingt ans sans principaux programmes gouvernementaux pour répondre aux besoins fondamentaux de la collectivité, c'est une longue période. C'est également une longue période pendant laquelle subir les répercussions d'un projet hydro-électrique comme celui-ci sur la chasse et la vie traditionnelle de la population. Si vous examinez la différence qui existe entre la Convention de la Baie James et la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, dans le cas de la Baie James les Cris depuis le début ont disposé de certains moyens pour remédier à certains de ces problèmes. Par exemple, Hydro-Québec a mis en place des ouvrages de protection en ce qui concerne le projet hydro-électrique. Dans le cas de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, Manitoba Hydro a pris beaucoup de temps à établir des ouvrages de protection.
Si après 20 ans, on voit qu'un accord met fin au premier accord, il faut se demander de quelle manière ces contraintes—contraintes que ces gens ont connues pendant tout ce temps—influent sur leur capacité à faire valoir leurs droits. Dans l'accord, essentiellement, nous constatons une extinction des droits plutôt qu'un étoffement. Nous aimerions que la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba permette une interprétation du même accord de manière à offrir à ces populations des programmes de formation, des ouvrages de protection et des projets de développement communautaire.
De toute évidence, l'octroi de ressources de la part des gouvernements ou de Manitoba Hydro ne pose pas de problèmes en vertu de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba; le Canada l'a d'ailleurs fait pendant trois ans avant de signer cet accord de Norway House. Manitoba Hydro vient récemment de commencer certains ouvrages de protection aux alentours de Cross Lake en vertu de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Cela ne pose aucun problème à cet égard.
Le problème, c'est que le Canada, le Manitoba et Manitoba Hydro estiment que les Cris, en vertu de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, ont obtenu de trop nombreux droits, qu'ils ont maintenant trop d'influence. Ce sont les droits que l'on veut éteindre. Ce que l'on craint, c'est que d'ici 20 ans, les fonds d'indemnisation seront à sec et qu'il n'y aura aucun droit spécial permettant de reconnaître et de donner suite à ces questions.
Je suis stupéfait par ce projet de loi. Si vous examinez les programmes sociaux au Canada aujourd'hui, en quoi consistent-ils? On voit des provinces qui réclament des programmes pour donner suite à leur situation particulière, qui revendiquent des droits sur ces programmes pour établir les besoins de leur population. C'est ce qui est prévu par la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba—la promesse d'offrir ce type de programmes. Ce par quoi on les remplace est loin d'être satisfaisant car on se trouve à éteindre les droits de revendiquer ce type de programmes.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Craik.
Grand chef Matthew Coon Come: Merci, monsieur le président.
Nous, les Cris, avons modifié la Convention de la Baie James et du Nord québécois au moins 13 fois. Nous l'avons modifiée en tant que nation. Nous n'avons jamais modifié la convention—et nous ne laisserions pas non plus une collectivité la modifier—sauf à titre de nation, et nous l'avons fait 13 fois. Nous n'avons certainement pas offert 1 000 $ pour pouvoir modifier ou ne pas modifier la convention et nous n'avons certainement jamais signé d'accord de mise en oeuvre.
Le vice-président (M. John Finlay): Je vous remercie.
M. Keddy avait mis son nom sur la liste mais je ne le vois pas.
Monsieur Bryden.
M. John Bryden: Je suis un peu mal à l'aise, chef, lorsque d'autres personnes répondent à votre place. Donc pourrais-je vous poser une question très directe et vous demander d'y répondre vous-même?
• 1115
Ma question directe est la suivante: pourquoi avez-vous
l'impression que les membres des collectivités en question, tant
passées que présentes—Norway House et les collectivités qui ont
signé ces accords auparavant, qui ont signé la mise en oeuvre de la
Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba—se sont
trompés. Pourquoi avez-vous l'impression que votre opinion vaut
mieux que la leur? Pourquoi estimez-vous être en mesure d'aller à
l'encontre de la volonté de la population, à l'encontre des chefs
de file des collectivités qui ont appuyé cette Convention?
Grand chef Matthew Coon Come: Chaque Première nation a le droit de conclure ses propres accords, de signer ses propres traités. Mais lorsque cela touche—et vous ne serez peut-être pas d'accord avec moi, mais cela touche nos droits issus de traités. Cet accord révèle une tendance. L'accord-cadre de mise en oeuvre décèle une tendance. Nous l'avons constaté avec les ans. Il y a 20 ans que je participe à ces soi-disant rapports entre le gouvernement fédéral et les Premières nations. J'ai pu constater la tendance en matière d'approbation, de plafonnement. Pour obtenir un accord, il faut en signer un autre. Nous avons déjà la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Je crains que si un droit est lésé—et je crois qu'on est en train de léser les droits issus de traités—alors je suis lésé moi aussi. Je devrais avoir la liberté de pouvoir exprimer ce que je ressens, parce que j'ai des préoccupations. Je ne peux pas accepter que l'on attaque certains principes. Les normes en matière de droit de la personne sont nationales. Elles ne doivent pas être monopolisées par un gouvernement ou un ministère en particulier. Je n'applaudis pas lorsque je constate qu'un gouvernement fédéral dicte la formule à suivre. Lors des élections, ils mettent leur nez là où ils n'ont pas affaire. Je trouve cela consternant. Je trouve ce genre de choses révoltant et je trouve révoltant que cela ait été jugé acceptable.
Chaque Première nation a le droit de décider, mais cela peut influer sur d'autres droits. C'est là où j'estime devoir intervenir et pouvoir exprimer mes préoccupations.
M. John Bryden: Simplement pour être sûr de vous avoir bien compris, vous estimez effectivement que les dirigeants de ces collectivités qui appuient l'accord-cadre et le projet de loi C-56 se trompent, qu'ils font erreur et que vous en savez plus qu'eux.
Grand chef Matthew Coon Come: Ce n'est pas ce que je dis, monsieur.
M. John Bryden: C'est ce que vous êtes en train de dire.
Grand chef Matthew Coon Come: Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. John Bryden: C'est exactement ce que vous venez de dire.
Grand chef Matthew Coon Come: Il y a...
Le vice-président (M. John Finlay): Excusez-moi, grand chef. Je vais intervenir. Tout le monde a entendu votre témoignage et nous vous en remercions.
Je demanderai une fois de plus s'il y a d'autres questions, mais elles devront être brèves. Autrement nous n'allons pas pouvoir entendre les autres témoins qui sont venus de loin.
Monsieur Konrad.
M. Derrek Konrad: Je vous remercie. Je prendrai la place de M. Keddy.
Brian Craik a parlé d'un fonds qui risque d'être épuisé avant que les membres de la bande puissent en profiter—ou après un certain nombre d'années. Je dirais qu'un investissement judicieux assure toujours des profits de façon continuelle.
L'autre point que j'aimerais soulever concerne le processus de droit foncier issu de traités, dont vous n'avez pas parlé dans votre témoignage. Vous avez dit que le gouvernement ne devrait pas dicter aux conseils de bande leur façon d'agir. Je me demande comment vous réagiriez si un membre d'une bande vous disait qu'il ne veut pas faire partie du processus de la réserve, que la bande reçoit des prestations à son nom et les investit disons dans des terres agricoles, et qu'il dit vouloir posséder ses propres terres agricoles. Est-ce que vous seriez favorable à ce que cette personne puisse accepter cette prestation sous forme de comptant pour acheter une ferme là où elle le veut ou être propriétaire de sa terre en fief simple dans une région où cela serait faisable?
Dans un récent article de journal, on parlait d'une bande en Saskatchewan qui a dépensé 1.65 million de dollars sur 15,5 millions de dollars sans posséder une seul acre de terre pour qui que ce soit. Pourtant, si vous aviez remis cette somme à un particulier, il aurait eu beaucoup de terre et aucune dette.
M. Brian Craik: Matthew m'a demandé de répondre à votre question.
Je suppose qu'il s'agit toujours d'assurer un équilibre entre les droits et les avantages des particuliers et de la collectivité. En ce qui concerne les Autochtones, certaines choses sont vraies. Le gouvernement du Canada et d'autres gouvernements n'hésitent pas à confier aux peuples autochtones la direction de sociétés d'État mais préfèrent ne pas les administrer eux-mêmes puisqu'ils s'en débarrassent. Pourtant, ils créent des sociétés d'État autochtones lorsqu'ils créent ces fonds.
Il est vrai également que certains de ces fonds ont procuré de grands avantages aux Autochtones collectivement, parce qu'ils ont été investis à des fins communautaires et dans l'intérêt du groupe dans son ensemble. Certains d'entre eux produiront des avantages à long terme.
Les fonds risquent-ils d'être épuisés? C'est une forte probabilité.
Les particuliers profiteront-ils de ces fonds; je le crois, mais si vous commencez à démanteler un fonds qui a été réservé pour une collectivité et que vous le divisez pour le répartir entre tous les particuliers, il disparaîtra et il ne produira pas d'avantages à long terme.
M. Derrek Konrad: C'est peut-être parce que vous ne faites pas confiance aux particuliers. Lorsque vous dites ce genre de choses...
M. Brian Craik: Non. Eh bien oui, c'est particulièrement le cas. Ce qui me pose vraiment problème en ce qui concerne cet accord, c'est qu'il reprend tant de choses qui avaient été accordées. Les Cris de Norway House ont droit aux 80 millions de dollars et plus, tout comme les droits qui accompagnent cette somme et qui doivent leur permettre de poursuivre leur développement. C'est là le problème. Le problème ce n'est pas ce que Norway House veut faire pour sa collectivité; elle veut améliorer sa situation, mais...
M. Derrek Konrad: Je parlais des droits fonciers issus de traités, pas de la partie concernant l'accord de Norway House, c'est une partie du projet de loi.
M. Brian Craik: Il appartient à chaque Première nation de décider comment en profiteront la collectivité et les particuliers, et je dirais que dans chaque cas, elle arrive à trouver une formule pour le faire. On espère que la Première nation locale possède un gouvernement qui permettra aux particuliers de profiter de ce genre d'accords. C'est ce que les Cris essaient de faire par exemple; il existe un certain nombre de Cris qui sont engagés dans des entreprises cries.
M. Derrek Konrad: Je ne veux pas dire qu'ils n'en profitent pas, mais il y a peut-être d'autres points de vue.
M. Brian Craik: Oui.
M. Derrek Konrad: Je vous remercie.
Le vice-président (M. John Finlay): Je vous remercie, monsieur Craik.
Une brève question, monsieur Nault.
M. Robert Nault: Elle sera brève. Je vous remercie, monsieur le président.
Je voulais simplement citer à l'intention du chef Coon Come et de M. Craik un extrait de la documentation relative au projet de loi C-56 que nous avons reçue du ministère et qui se lit comme suit:
-
L'accord de mise en oeuvre principal constitue une formule
d'indemnisation et des avantages qui sont le complément du
règlement et des activités de mise en oeuvre menées antérieurement,
sous le régime de la Convention sur la submersion des terres du
nord du Manitoba conclue en 1977.
C'est ainsi qu'ils voient l'Accord-cadre de mise en oeuvre. Pour cette raison, et étant donné, comme je l'ai déjà dit à deux reprises ce matin à M. Orkin, le paragraphe 13.13.3 de cet accord protège les droits ancestraux ou issus de traités de la nation crie de Norway House, je dois obtenir l'opinion des juristes. Ne peut-on pas supposer que si cela figure dans l'Accord-cadre de mise en oeuvre, au cas où quelqu'un chercherait, dans le cadre de cet accord, à éteindre des droits issus de traités, ce serait un bon argument à faire valoir devant les tribunaux—si l'on reconnaît qu'il y a un traité. Ne pourrait-on pas faire valoir que nous nous soustrayons à nos responsabilités? Par conséquent, si c'est inscrit de l'Accord-cadre de mise en oeuvre, ce serait un bon argument à faire valoir devant les tribunaux.
Je pose la question car, même si je ne suis pas avocat, j'ai l'impression que ce n'est pas aussi simple qu'on l'a laissé entendre ce matin et qu'on met un principe en lumière quand on le précise noir sur blanc dans l'accord.
N'est-ce pas suffisamment rassurant pour un avocat qui voudrait poursuivre le gouvernement pour avoir manqué à ses responsabilités de fiduciaire? Comme l'a dit M. Craik, si dans 20 ans les choses ne se passent pas comme elles le devraient, le fait que nous protégeons les droits ancestraux et issus de traités se rapportant au traité no 5 se trouve inscrit dans la loi.
Grand chef Matthew Coon Come: Andy, voulez-vous répondre à cela?
Une voix: Il demande à un avocat.
Des voix: Oh, oh!
M. Andrew Orkin: Oui. Eh bien, je crains...
Le vice-président (M. John Finlay): Excusez-moi. Si vous le permettez, je crois que nous comprenons tous la question de M. Nault étant donné que nous avons lu cela et que nous nous sommes interrogés au sujet de ce problème.
Je sais que les avocats ont des opinions divergentes sur de nombreuses questions.
M. Andrew Orkin: Absolument.
Le vice-président (M. John Finlay): Nous allons entendre la vôtre, mais cela ne veut pas dire nécessairement que nous allons vous croire sur parole...
Des voix: Oh, oh!
Le vice-président (M. John Finlay): ...ni que nous allons nous précipiter devant la Cour suprême. Nous avons un travail à faire et nous allons le faire, mais nous voulons entendre votre réponse.
M. Andrew Orkin: Monsieur le président, je vous remercie d'avoir donné l'avertissement que je donne toujours à mes clients, à savoir que c'est mon opinion et non pas parole d'Évangile.
Cela dit, je crains qu'on ne m'accuse de pousser trop loin l'argutie juridique ou de donner une opinion d'homme blanc.
Ceci étant dit, il s'agit d'un accord d'homme blanc. Il a été rédigé par une armée d'hommes et de femmes de race blanche...
Des voix: Oh, oh!
M. Andrew Orkin: ...et j'ai l'impression que si les contrats de mariage, qui sont très vagues et dans lesquels nous acceptons de nous traiter mutuellement avec respect et équité jusqu'à ce que la mort nous sépare, exigeaient ce genre de libellé... Cela ressemble plutôt à une entente de divorce. J'ai eu l'occasion d'en voir et certaines d'entre elles sont très longues. Cela dit, examinons le paragraphe 13.13.3 de l'entente de divorce:
-
Rien dans le présent accord ne vise à modifier les droits
ancestraux ou issus de traités de la nation crie de Norway House.
Je suis convaincu que si la Cour suprême examine cet article, elle conclura que l'intention des parties est sans importance et demandera plutôt quel est l'effet de cette disposition. Selon moi, cet article a été rédigé de façon diabolique et cela de propos délibéré, car les lois et les accords du gouvernement canadien sont pleins d'articles où se trouve une formule standard de non-dérogation, quand c'est dans l'intérêt du Canada. Cela commence généralement par les mots: «rien dans le présent texte réglementaire ou accord ne doit être interprété». Ce n'est pas du tout la même chose que d'enregistrer une intention.
Il y a une énorme différence entre ce que fait cet article, c'est-à-dire pratiquement rien selon moi, si ce n'est qu'il exprime simplement un sentiment, ce qui pourrait éventuellement intéresser les historiens... Il ne stipule pas de façon indiscutable que cet accord n'aura pas cet effet. Lorsque vous protestez de vos bonnes intentions, pour que cela devienne vrai... C'est comme le contrat de mariage: si tu m'aimes, précise-le par écrit. Si vous n'avez pas l'intention de nous enlever nos droits, pourquoi ne le dites-vous pas dans votre loi?
Si vous êtes certains que vous ne voulez pas nous les enlever et si vous l'assurez aux braves gens de Norway House, que cela soit inscrit dans la loi. C'est très simple. Si telle n'est pas votre intention—si vous voulez protéger les droits issus des traités dont l'existence pourrait être démontrée à l'avenir—c'est le moment d'en faire la preuve.
Je crains que l'armée d'avocats—dont la plupart travaillent dans l'immeuble de la Justice en bas de la rue—qui ont rédigé ce texte s'empresseront de dire qu'il n'est pas possible de l'inscrire dans la loi. Je peux le prédire.
J'en conclus que l'intention du gouvernement est de garder la possibilité de limiter sérieusement les droits ancestraux et issus de traités. C'est la seule conclusion que je puisse tirer, monsieur le président. Je me trompe peut-être.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Orkin. Vos opinions nous ont été très utiles. Les membres du comité et les autres députés vont toutefois devoir examiner sérieusement la question.
Je tiens à dire que le chef Coon Come a été tout aussi éloquent que les autres dirigeants autochtones qui sont venus ici.
Je voudrais également lire un petit paragraphe que le chef a omis lorsqu'il a fait son exposé, car je crois que cela pourrait éclairer les membres du comité.
Chef, j'évite généralement d'employer les mots «jamais» et «toujours», car il faut savoir accepter le changement. Quand on lit le rapport de la Commission royale, il n'est pas toujours facile de le suivre, comme un grand nombre d'entre nous tentent de le faire. Par conséquent, quand vous dites que cela vous touche, cela nous touche nous aussi.
• 1130
Comme vous le savez, chef, il n'est pas vrai que chaque fois
que vous voulez commencer quelque chose, on vous en empêche. Nous
en avons la preuve dans le nord du Québec où les gens de votre
peuple ont lancé des initiatives qui ont été couronnées de succès.
Nous voulons multiplier ce genre de réussites. Voilà pourquoi nous
préparons un rapport économique.
Mais voici ce que vous avez dit:
-
Nous savons qu'il y a eu beaucoup d'améliorations depuis 1975. Nous
avons maintenant des cliniques, des écoles, des installations
récréatives et d'autres institutions, et nous en avons tiré le
meilleur parti possible, même si nous savons maintenant que tous
les Canadiens possèdent ces choses et les tiennent pour acquis.
Ce sont de belles paroles qui témoignent d'un certain progrès. Je peux vous dire que tous les Canadiens ne possèdent pas encore toutes ces choses, même en dehors des communautés autochtones. Nous nous efforçons encore de les leur donner.
Je tiens à vous remercier d'être venus ici pour aider le comité.
Nous avons d'autres personnes à voir. Je vais suspendre la séance pendant quatre minutes après quoi nous poursuivrons. Merci.
Le vice-président (M. John Finlay): À l'ordre, s'il vous plaît.
La bande de la Première nation crie de Cross Lake et son chef Roland Robinson sont ici. L'aîné Sandy Beardy fait partie du groupe. Le chef va nous présenter le représentant de la jeunesse.
Le chef et moi avons convenu d'essayer de limiter ce témoignage à une heure.
Chef, peut-être pourriez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent.
Andrew, c'est avec plaisir que nous vous accueillons une nouvelle fois.
Nous allons essayer de faire de notre mieux, avec la collaboration de tous.
M. John Bryden: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je vois que quelqu'un s'apprête à filmer nos délibérations. Je suppose que c'est contraire au Règlement. Je vous demanderais de vous prononcer à ce sujet.
Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Bryden, lorsque le chef des jeunes filmait tout à l'heure—je ne sais pas si vous étiez là—nous avons dit que s'il voulait simplement photographier la personne qui parle au nom des témoins, cela ne posait pas de problème, mais que nous ne l'autorisions pas à filmer le reste des délibérations.
M. Ronald Niezen (témoignage à titre personnel): [professeur] Peuvent-ils simplement enregistrer leur témoignage? Le chef voudrait ramener chez lui un compte rendu visuel de son témoignage afin que les gens puissent le voir. Je veux dire que vous publiez des procès-verbaux en anglais, mais les gens ne peuvent pas le voir à la télévision locale.
Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Bachand.
[Français]
M. Claude Bachand: Monsieur le président, lorsque la petite lampe rouge est allumée, cela veut dire qu'on peut nous écouter à la radio. Pourquoi empêcher les gens de filmer? Je ne comprends pas. Si une caméra de télévision de CBC venait ici aujourd'hui, est-ce qu'on l'empêcherait de filmer? Non? On les empêcherait de filmer? Oui? Ah bon. Très bien.
[Traduction]
Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Breitkreuz.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville. Réf.): Peut-être pourrions-nous régler cette question, étant donné qu'il appartient aux comités de prendre ce genre de décision.
Quelqu'un voit-il une objection à ce que ce soit filmé?
En fait, dans la réserve, certaines personnes n'ont peut-être pas accès aux procès-verbaux. C'est sans doute la seule façon dont elles peuvent être informées de ce qui s'est passé devant le comité.
Je ne vois donc pas d'objection à ce que les témoins rapportent ce qui s'est passé à leur communauté. Je crois que c'est important pour eux et je n'y vois aucune objection.
Je pense que c'est pour vous une excellente façon de communiquer avec les gens de votre peuple.
C'est ce que je pense.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci.
M. John Bryden: Monsieur le président, je veux simplement faire valoir que nous devons donner notre autorisation. Je suis tout à fait prêt à la donner, mais je crois que le comité doit donner son accord préalable car normalement c'est contraire au Règlement.
M. Garry Breitkreuz: Oui, mais je crois que nous faisons une exception...
M. John Bryden: C'est bien.
M. Garry Breitkreuz: ...et seulement pour la prochaine heure.
M. John Bryden: Alors donnons notre accord, monsieur le président.
Le vice-président (M. John Finlay): Vous placez la présidence dans une situation délicate, mais on me dit que normalement il faut obtenir la permission de la Chambre pour que les délibérations puissent être télévisées.
Malgré l'intervention de M. Breitkreuz, nous n'avons pas le quorum pour discuter la question de savoir si nous allons autoriser le filmage de ces délibérations.
• 1145
Je peux donc vous laisser prendre la photo des personnes qui
sont assises ici ou même celle de tout le monde si vous le désirez,
pendant deux minutes au maximum, mais c'est tout. Vous aurez le
compte rendu.
M. Garry Breitkreuz: Quel est le quorum?
Le vice-président (M. John Finlay): J'ai besoin de neuf personnes.
Oui, Bev.
Mme Bev Desjarlais: Comme la Première nation ignorait l'existence de cette règle et que le comité a décidé qu'il était financièrement impossible de tenir ces audiences dans les communautés en question, ne puis-je pas demander qu'on les autorise à filmer? Ne pourraient-ils pas nous remettre la vidéo en attendant que nous obtenions l'autorisation de la Chambre et qu'ils puissent se servir de cet enregistrement? S'ils sont prêts à nous remettre la cassette en attendant que nous obtenions l'autorisation de la Chambre...
Je serais étonnée si la Chambre ne donnait pas son accord par souci d'équité envers les gens de Cross Lake et Norway House. Par conséquent, laissons-les filmer et si la Chambre n'est pas d'accord, s'ils n'y voient pas d'inconvénient...
M. Robert Nault: La Chambre a rendu une décision à ce sujet. Voilà pourquoi nous avons certaines salles de comité qui permettent aux caméras de CPAC de filmer. En raison du précédent que vous établiriez, il serait très difficile de dire à la SRC, la prochaine fois qu'elle viendrait ici avec un cameraman, qu'il ne peut pas continuer à filmer. Cela me semble être un très dangereux précédent et je crois que nous sommes forcés de dire non.
Le fait est que nous ne voyons pas toujours ce qui se passe dans un comité.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci.
Avez-vous quelque chose à ajouter?
Chef.
Chef Rolland Robinson (Première nation de Cross Lake): Merci, monsieur le président.
Nous en avons discuté. Si nous ne sommes pas autorisés à filmer, nous allons déposer nos mémoires et partir. Nous ne pouvons pas envoyer tous les gens de Pimicikamak à Ottawa. Nous avons déjà eu du mal à trouver de l'argent pour permettre à quatre personnes de venir ici.
Le vice-président (M. John Finlay): Chef, je vais devoir répéter ce que j'ai dit. Je vais vous autoriser à filmer pendant deux à trois minutes au début de votre exposé. Ensuite, tout ce que vous direz et tout ce que nous dirons sera enregistré. Ce sont des renseignements publics. Si vous voulez obtenir ces renseignements, nous vous les ferons parvenir.
Mais je dois vous dire qu'en l'absence de quorum pour changer la règle établie, nous allons devoir procéder comme d'habitude. Je pense que tout le monde a bien compris.
Le chef Roland Robinson: J'avais promis aux gens.
Le vice-président (M. John Finlay): Chef, je suis désolé.
Le chef Roland Robinson: ...que je leur apporterais une vidéo.
[Note de la rédaction: Inaudible]
Une voix: ...
M. John Bryden: Nous ne vous voyons pas.
Le vice-président (M. John Finlay): Très bien. Nous ne vous voyons pas. Continuons.
Chef Roland.
Le chef Roland Robinson: Merci, monsieur le président.
[Le témoin parle en cri]
Je suis accompagné aujourd'hui des quatre conseils qui composent le gouvernement de la nation crie Pimicikamak. Leurs représentants sont Sandy Beardy, chef traditionnel; Rita F. Monias, représentante du Conseil des femmes et Jason Miller, chef des jeunes.
Je vais commencer mon exposé en essayant d'être bref.
Anciens, président, membres du comité, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.
Je comparais devant vous en tant que chef aux termes de la Loi sur les Indiens et chef du conseil de la Première nation de Cross Lake. Aux dires du ministère des Affaires indiennes, nous ne sommes qu'une des cinq communautés visées par la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, dont quatre ont renoncé. On ne vous a pas mentionné le fait que les gens de Cross Lake représentent 50 p. 100 ou plus de la population visée par la Convention et qu'ils s'opposent à tout effort cherchant à nous évincer.
• 1150
Tout d'abord, n'allez pas commettre l'erreur de croire que le
chef et le concert représentent la totalité du gouvernement de la
nation crie pimicikamak. Notre peuple a récemment adopté sa
première loi écrite, qui fait partie de la constitution de la
nation crie pimicikamak. Dans cette partie de notre constitution,
nous avons réalisé deux choses importantes. Nous avons renouvelé
notre forme traditionnelle du gouvernement cri, qui repose sur un
conseil des anciens et un conseil des femmes. Nous avons également
cherché à concilier notre forme de gouvernement traditionnel avec
les structures de la Loi sur les Indiens qui, comme vous le savez,
nous ont été imposées.
Notre première loi écrite porte sur nos quatre conseils, le conseil des anciens, le conseil des femmes, le conseil des jeunes et le conseil du chef. Selon votre façon de voir les choses, ce dernier pourrait être considéré comme le pouvoir exécutif.
Notre peuple montre au Canada qu'il peut y avoir une autodétermination et une autonomie gouvernementale autochtones. Nous avons révisé un système du gouvernement cri qui respecte nos traditions et notre processus décisionnel fondé sur le consensus. Ce système respecte et vénère les droits et les rôles de nos anciens, des femmes et des jeunes. Il reconnaît également que la Loi sur les Indiens est une réalité. Au lieu de diviser la communauté entre les traditionalistes et les partisans de la Loi sur les Indiens, comme c'est arrivé ailleurs, nous travaillons efficacement avec les deux éléments.
Notre peuple sait maintenant qu'il s'agit d'un modèle prometteur. Nous demandons qu'il soit respecté et encouragé.
Je tiens à dire que nous ne sommes pas ici pour critiquer les dirigeants ou la population de Norway House. Ils ont toute notre sympathie et nous comprenons ce qu'on leur a fait. Nous le savons, parce que nous avons été au bord du même précipice pendant 22 ans.
Nous sommes ici pour critiquer le gouvernement fédéral qui n'a pas eu une attitude honorable et qui a opprimé et trahi notre peuple.
Je suis ici pour vous dire comment mon peuple, la Nation crie Pimicikamak de Cross Lake a été lésée par les efforts que le gouvernement fédéral a déployés pour supprimer nos droits issus de traités dans le cadre de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.
Le projet de loi C-56 est censé porter sur Norway House. Vous vous demanderez peut-être pourquoi Cross Lake est ici pour parler de questions concernant Norway House.
Premièrement, vous ne savez peut-être pas que Norway House a donné le jour à Cross Lake, lorsque certains d'entre nous sont allés fonder une nouvelle communauté à Cross Lake. C'est ainsi que les choses se passent dans notre culture; nous allons nous installer dans les terres où se trouvent les ressources et c'est ainsi que de nouvelles communautés voient le jour.
Cross Lake et Norway House sont encore très proches. Nous sommes situés à proximité l'un de l'autre. Nous avons des cousins, des frères, des soeurs, des oncles, des tantes et des amis à Norway House et vice versa. Nous parlons la même langue, nous partageons les mêmes terres et les mêmes eaux, nous célébrons nos joies réciproques et nous partageons également nos chagrins réciproques.
Lorsque la Régie de l'hydroélectricité du Manitoba et le gouvernement manitobain ont voulu inonder nos terres au début des années 70, Norway House et Cross Lake se sont unis à trois autres communautés plus petites pour s'opposer à cette destruction. Nous n'avons pas réussi, mais une structure politique crie importante est née de cet effort, le Northern Flood Committee.
Le Northern Flood Committee a réussi à forcer les gouvernements du Canada et du Manitoba ainsi que la Régie de l'hydroélectricité du Manitoba à conclure une entente avec lui, au nom des cinq communautés. Il s'agissait de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba de 1977, que j'ai sous les yeux.
• 1155
Depuis 1977, l'année où a été signée la convention
pratiquement aucune des promesses que contenait ce document n'a été
tenue. C'est même le contraire qui s'est passé. En raison des
avantages promis dans le cadre de cette convention, le gouvernement
fédéral a sabré illégalement dans les programmes et services dont
bénéficiait notre peuple les réduisant à moins de la moitié de ce
qu'obtenaient toutes les autres Premières nations du Manitoba.
Pourquoi le traité conclu aux termes de la convention n'a-t-il pas été mis en oeuvre? C'est bien simple: depuis 22 ans, le gouvernement n'a pas eu la volonté politique voulue pour tenir ses promesses.
Lorsqu'un accord global de mise en oeuvre nous a été proposé pour la première fois au début des années 90, les autorités gouvernementales nous ont dit que c'était la seule façon pour nous d'obtenir ce à quoi nous avions droit aux termes de la convention. Le gouvernement a lancé toute une campagne de propagande quant aux effets de la convention et du projet d'accord de mise en oeuvre.
Je faisais partie de l'équipe de négociation, en 1996, lorsque Cross Lake discutait d'un accord de mise en oeuvre. En janvier 1977, j'avais démissionné de l'équipe de négociation, en sachant qu'elle allait renoncer à nos droits issus de traité. C'est pourquoi je suis parti. J'ai informé publiquement les gens que je n'appuyais pas ce processus. Je tenais simplement à le mentionner en passant.
En 1997, j'ai été élu chef. Nous ne voulions participer en aucune façon à ce processus de renonciation à nos droits.
On nous a dit que la convention était imprécise, qu'elle était vague et que nous devions choisir entre obtenir rien du tout dans le cas de la convention ou quelque chose grâce à l'accord de mise en oeuvre. On ne nous a pas parlé de l'existence d'une troisième option. On ne nous a pas dit que la Couronne pouvait agir de façon honorable en assurant la mise en oeuvre pleine et totale de la convention, en respectant son esprit et son intention. On ne nous a pas dit que le gouvernement pouvait traiter la convention comme une déclaration solennelle et obligatoire. On ne nous a pas dit que le gouvernement pouvait simplement faire ce qu'il nous avait promis de faire en 1977.
Lorsqu'à la dernière minute, mon peuple a demandé à ses dirigeants de rejeter l'accord de mise en oeuvre, le Canada, le Manitoba et Manitoba Hydro ont commencé par résister et nous punir, mais ils ont ensuite offert de constituer un groupe de travail pour explorer la possibilité de mettre en oeuvre la convention conformément à son esprit et à ses intentions.
Depuis le début du processus, à commencer par une lettre du 8 mai 1998, les trois parties gouvernementales ont exprimé leur optimisme. Je dois dire que nous éprouvons certaines inquiétudes.
Deux questions viennent à l'esprit en ce qui concerne ce groupe de travail.
Premièrement, si le groupe de travail et la mise en oeuvre de la Convention peuvent donner des résultats positifs pour Cross Lake, pourquoi les quatre communautés qui ont été forcées de renoncer aux droits prévus dans la convention en signant l'accord-cadre n'ont-elles pas pu se prévaloir de ce processus? Pourquoi ont-elles dû renoncer à leurs droits?
Deuxièmement, pourquoi le gouvernement canadien est-il maintenant le plus réticent du groupe de travail? Plus de 10 mois après s'être engagé solennellement par écrit à respecter l'esprit et l'intention de la Convention, pourquoi le gouvernement fédéral n'a-t-il toujours pas envoyé de représentant permanent auprès du groupe de travail sur la mise en oeuvre de la Convention pour la submersion des terres du nord du Manitoba? Est-ce une stratégie pour ménager la chèvre et le chou.
La réponse est claire à mes yeux et aux yeux de bien d'autres gens de Cross Lake. Le gouvernement fédéral maintient délibérément mon peuple dans une situation désespérée, avec un chômage de 85 p. 100, dans l'espoir qu'il finira par accepter de renoncer à ses droits. C'est la conclusion que nous tirons à Cross Lake devant le retard peu honorable qu'Ottawa met à participer pleinement au groupe de travail.
• 1200
Il est indéniable que le gouvernement a tout intérêt à mettre
fin aux droits que prévoit la Convention, comme il cherche à le
faire maintenant pour Norway House et comme il l'a fait dans trois
autres communautés autochtones.
Un membre du conseil de Cross Lake, Nelson Miller, qui est venu à Ottawa il y a deux semaines, m'a dit qu'à sa connaissance, aucun des membres du comité permanent qu'il a rencontrés n'avaient lu la Convention ou l'accord de mise en oeuvre concernant Norway House.
Je suppose que je devrais poser la question au comité permanent. Quelqu'un a-t-il lu la Convention de 1977?
Une voix: En partie.
Le vice-président (M. John Finlay): J'en ai le texte.
Le chef Ronald Robinson: Nous pensons que c'est de la négligence de votre part. Comment pouvez-vous adopter une loi qui modifie les droits des gens, comment pouvez-vous utiliser vos vastes pouvoirs, sans lire ce que vous changez et détruisez? Comment pouvez-vous vous fier à ce que dit le ministère des Affaires indiennes alors que la Commission royale sur les peuples autochtones lui a reproché d'avoir été incapable de protéger les droits territoriaux des Premières nations depuis la Confédération?
Si vous lisez un jour la Convention sur la submersion des terres du nord du Manitoba, vous comprendrez pourquoi je dis qu'il s'agit d'un traité solennel et pourquoi l'accord de mise en oeuvre est un moyen frauduleux d'éteindre nos droits.
Le gouvernement ne peut pas invoquer le fait que la Convention est vague pour refuser de la mettre en oeuvre. La Convention établit clairement des principes généraux d'équité que le gouvernement doit appliquer. Si le gouvernement voulait mettre la Convention en oeuvre, il pourrait le faire, exactement de la même façon qu'il a honoré une constitution vague et non écrite qui régissait l'ensemble du pays.
Mais c'est faux pour une autre raison. La Convention est très précise à de nombreux égards et les promesses précises qu'elle fait n'ont jamais été tenues. La Convention prévoit d'accorder quatre acres de nouvelles terres de réserve en échange de chaque acre de terres de réserve inondées peu de temps après la signature. En 1983, Cross Lake a terminé la sélection de la superficie de terres convenue qui devaient lui être cédées. Le gouvernement manitobain ne s'est pas opposé à la cession de cette terre dans les 90 jours qui lui étaient accordés pour le faire si bien qu'en 1984, les nouvelles terres de réserve auraient dû devenir nos terres de réserve.
Cet énoncé figure au paragraphe 3.3 que je ne vais pas vous lire maintenant.
Néanmoins, jusqu'ici, Cross Lake n'a pas reçu une seule acre des terres qui nous ont été promises en des termes très précis dans la Convention. Pourquoi le gouvernement fédéral n'a-t-il pas fait preuve de leadership en demandant au Manitoba d'effectuer la cession? Qu'y a-t-il de vague dans cette obligation? C'est clairement énoncé, si vous lisez le traité.
La Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba prévoit également que le gouvernement mettra sur pied certaines structures visant précisément la conservation et la mise en valeur. Cela n'a jamais été fait. Qu'y a-t-il de vague dans ces obligations? Le gouvernement fédéral veut-il sérieusement prétendre qu'il ne sait pas comment former et faire fonctionner des comités?
• 1205
La Convention prévoit également la construction dans notre
localité d'une route praticable en tout temps. Cette route comporte
un pont pour remplacer le traversier qui nous permet actuellement
de quitter Cross Lake. Ce n'est pas une vague proposition que
celle-là. À deux reprises, dans les années 80, un arbitre a enjoint
aux gouvernements de construire ce pont. Ils ne l'ont toujours pas
fait.
Il y a à peine quelques semaines, la Cour d'appel du Manitoba, qui est la dernière instance pour ce qui est de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, a ordonné la construction du pont. Nous nous demandons combien de temps encore il faudra pour que cette promesse en l'occurrence soit tenue ou si les gouvernements vont de nouveau défier la décision de la Cour d'appel.
Je peux vous expliquer maintenant comment l'accord-cadre de mise en oeuvre de Norway House, et les dispositions du projet de loi C-56, ont une incidence directe sur les droits et les avantages promis à Cross Lake dans la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. La Convention est un instrument à plusieurs facettes mais, pour notre peuple, dont les ressources et l'économie traditionnelle ont été détruites, la convention est avant tout un plan de développement régional.
L'annexe E explique exactement comment ce plan sera mis en oeuvre et pourquoi. Il vise à s'attaquer à une pauvreté et à un chômage endémique, à l'échelle de la région.
Nous savons qu'actuellement, on procède couramment au développement, sur une base régionale. C'était donc la promesse que l'on a fait au Northern Flood Committee, une entité régionale constituée pour nous représenter. Quand on détruit la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba et que l'on sème la dissension au sein de notre peuple, on supprime toute possibilité de développement régional. Je ne parle pas seulement ici de développement économique mais également du développement politique et culturel. La Commission royale sur les peuples autochtones affirme que l'autonomie politique pourra se concrétiser au mieux sur une base régionale.
Si vous adoptez le projet de loi C-56, vous imposerez l'éclatement de notre peuple, compromettant ainsi la dernière chance que nous ayons de concrétiser le développement régional tel que promis dans la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba.
Nous allons faire cavalier seul s'il le faut mais si vous adoptez le projet de loi C-56, vous nous porterez un coup très dur. Nous allons continuer de faire le nécessaire pour garantir que les parties gouvernementales respectent les obligations que leur impose la Convention à notre égard. C'est une question de droits de la personne. Nous allons continuer d'alerter la communauté internationale de même que les Canadiens. Quand on leur dit ce que l'on nous a fait, les gens sont outrés.
Avant de terminer, monsieur le président, je voudrais rappeler ce que le gouvernement fait pour respecter les obligations que lui impose la Convention. Je me reporte ici à l'article 6 qui prévoit que le gouvernement du Canada doit fournir aux cinq communautés visées par la Convention de l'eau potable en qualité et en quantité suffisante. Il a fallu plus de 10 ans après la signature de la Convention pour que le gouvernement fédéral commence à faire le nécessaire pour respecter cette obligation fondamentale. C'était en 1988.
Toutefois, pour s'acquitter de cette obligation prévue à l'article 6, le gouvernement a eu recours à un processus de renonciation. On nous a offert une somme forfaitaire pour construire l'infrastructure d'adduction d'eau mais, lors de la conclusion de ce marché, on a demandé à nos dirigeants de renoncer aux droits que nous conférait l'article 6 de la Convention. On a décrété alors un moratoire pour une durée de 20 ans, jusqu'en 2008. Toutefois, la nation crie Pimicikamak manque toujours d'eau potable.
Il est intéressant de rappeler que nos avocats à l'époque étaient Jean Chrétien, actuellement premier ministre, Eddie Goldenberg et Roger Tassé. Ils nous ont dit alors que c'était là une approche acceptable. Aujourd'hui, il n'y a qu'un tiers des résidences de Cross Lake qui soient reliées à un système d'aqueduc et de tout à l'égout. Quant aux trois-quarts qui restent, les gens sont approvisionnés en eau par camion et c'est par camion également que l'on évacue les eaux usées.
• 1210
Je fais partie de ceux-là. J'ai sept enfants et tous les jours
j'essaie... Nous avons toutefois des fonds limités pour ce qui est
de la prestation de service à ceux qui font partie du «réseau de
citernes», comme nous l'appelons.
Nous comprenons maintenant que la suppression des droits que nous avions en vertu de la convention, en matière d'eau potable, n'était que la répétition de ce qui allait se produire dans le cas d'accords de mise en oeuvre généraux.
Nous demandons aux membres du comité de rejeter le projet de loi C-56. Nous recommandons également que le comité exhorte le ministère des Affaires indiennes à cesser toute tentative de suppression des droits conférés par la Convention sur l'inondation des terres du Manitoba. Au contraire, le ministère devrait redorer le blason de la Couronne et enfin mettre en oeuvre dans toute la région l'esprit et l'intention de cette convention.
Je tiens à signaler également que la nations crie Pimicikamak ne renoncera à aucun moyen légal pour forcer les autres parties à ce traité à en respecter l'esprit et l'intention. C'est ce que nous avons fait par le passé et nous continuerons de le faire. Nous n'allons plus tolérer d'être réduits au silence. Nous disons que trop c'est trop. J'espère que les membres du comité vont faire ce qui s'impose.
À l'heure actuelle, vous vous trouvez sur nos terres, celles qu'on a usurpées. Nous disons que trop c'est trop.
Ekosi ana.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup, chef.
Nous allons passer aux questions.
Monsieur Bryden.
M. John Bryden: Merci de votre exposé. Il est bon que même si vous n'êtes pas directement touchés par les dispositions de ce projet de loi, vous nous exposiez votre point de vue car pour vous c'est un enjeu connexe de taille.
Permettez-moi de vous poser la question suivante: pouvez-vous envisager un projet de loi ou un accord que les vôtres accepteraient comme constituant la mise en oeuvre de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba?
Le chef Roland Robinson: Pouvez-vous répéter votre question?
M. John Bryden: Pouvez-vous envisager un jour un accord qui permettrait la mise en oeuvre de la Convention sur l'inondation des terres du Manitoba? La Convention existe certes mais il faudrait pour sa mise en oeuvre adopter un projet de loi, semblable au projet de loi C-56, je suppose.
Pensez-vous qu'il y aura un jour un projet de loi C-56 pour Cross Lake?
Le chef Roland Robinson: Non. Jamais. Il existe un traité qui stipule clairement ce qui a été promis. Il a été signé et les négociations ont déjà eu lieu. Il a été signé en 1977, monsieur.
M. John Bryden: Je vois. Manifestement, la Convention sur l'inondation des terres du Manitoba comporte des difficultés terribles. Il y a eu des litiges au fil des ans.
Une chose intéressante, en présence d'un accord-cadre de mise en oeuvre, et c'est ce qui a probablement séduit les dirigeants de Norway House, est le fait qu'une fois pour toutes les controverses sont liquidées et la mise en oeuvre a lieu.
Un autre témoin a suggéré que le comité envisage de modifier le projet de loi C-56.
M. Bachand, qui nous quitte à l'instant, a également fait une suggestion, à savoir que l'on ajoute un article au projet de loi C-56 précisant que rien dans cet accord, dans ce projet de loi, ne puisse être interprété comme abrogeant ou dérogeant aux droits ancestraux ou conférés par traité dont jouissent actuellement les Premières nations et les membres des Premières nations.
Ainsi, cet article proposé par d'autres témoins que nous avons entendus préciserait que le projet de loi C-56 ne peut pas déroger aux droits conférés en vertu des traités quels qu'ils soient.
Ainsi, le projet de loi C-56 ne deviendrait-il pas acceptable non seulement à Norway House mais aussi à la bande de Cross Lake?
Le chef Roland Robinson: Notre conseiller juridique est ici aujourd'hui.
M. John Bryden: Nous l'avons rencontré mais...
Le chef Roland Robinson: Vous posez ici une question d'ordre juridique.
M. John Bryden: En fait, non. Je vous reprends. J'ai du mal et je trouve parfois inacceptable de devoir écouter les avocats. Je vous pose la question à vous car cette question fait appel aux sentiments.
• 1215
Vous avez dit craindre de perdre les droits conférés par
traité si la Convention n'était pas honorée ou si un accord-cadre
de mise en oeuvre la supplantait. Si l'on pouvait concevoir une
disposition législative—et supposons qu'il s'agit du projet de loi
C-56—qui permettrait à certains aspects de la Convention sur
l'inondation des terres du nord du Manitoba d'être mise en oeuvre
maintenant, ce qui bénéficierait à la collectivité, car je suppose
que c'est pour cette raison que les dirigeants de Norway House s'y
intéressent, et si ce projet de loi là contenait un article, que
l'on ne trouve pas ici dans le C-56, qui préciserait clairement que
rien dans ce projet de loi ne dérogera—et nous sommes ici au-delà
de l'intention—aux droits issus des traités ni ne les éteindra,
vos inquiétudes ne seraient-elles pas grandement apaisées?
Le chef Roland Robinson: Je tiens à signaler que quand on crève de faim, et quand cela dure, et quand on est désemparé, on accepte n'importe quoi. On accepte de manger n'importe quoi.
C'est la tactique retenue par les trois signataires de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. C'est ce que l'on essaie de nous faire accepter. C'est à dessein que l'on ne s'acquitte pas des obligations selon ce qui nous avait été promis.
Il y a quelques années, on a déclaré qu'on nous devait 20 millions de dollars. Je peux vous en fournir la preuve. Nos voisins ont été affamés, et voilà que c'est à notre tour de subir d'énormes pressions.
En juillet 1998, l'année dernière, le gouvernement du Canada a essayé d'accaparer l'administration de notre collectivité. On a tenté de nous accuser de gabegie, tout en refusant de nous verser l'argent qu'on nous devait, ce que l'on nous avait promis en 1977.
M. John Bryden: Je suis très inquiet... et je ne suis pas l'exécutif. Malgré ce que dit l'opposition, ma tâche en tant que député, est d'essayer de comprendre les véritables inquiétudes des gens qui comparaissent devant notre comité.
Je ne connais pas les tenants et les aboutissants de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Je sais qu'elle est controversée. Je sais que nombre de ses éléments n'ont pas été mis en oeuvre. Une des raisons pour lesquelles on a recours à un accord-cadre de mise en oeuvre et aux dispositions du projet de loi C-56 est que l'on tente de régler une fois pour toutes certaines des difficultés. D'après les témoignages que nous avons entendus—et certains de ces témoins sont ici présents aujourd'hui—je conclus que si l'on hésite à accepter un accord-cadre de mise en oeuvre ou les dispositions du projet de loi C-56, c'est parce que l'on craint que, ce faisant, les droits issus des traités seront supprimés.
Les témoins précédents ont effectivement proposé un amendement. Je me réjouissais que finalement on cesse de se préoccuper constamment du processus et qu'on s'attaque enfin au fond.
Vous êtes les dirigeants à Cross Lake et, si je ne m'abuse, vos craintes ne se bornent pas uniquement au fait que les avantages qu'offre la convention risque de vous échapper. Vous craignez qu'en adhérant à un accord-cadre de mise en oeuvre, ou aux dispositions d'un projet de loi comme celles du C-56, vous ne perdiez des droits fondamentaux issus des traités qui à votre avis existent, en vertu de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, n'est-ce pas?
Ne pourrait-on pas résoudre cette difficulté en adoptant un amendement comme celui qui a été proposé tout à l'heure?
Le chef Roland Robinson: Pour votre gouverne, monsieur Bryden...
M. John Bryden: John.
Le chef Roland Robinson: ...John—le traité que j'ai en fait sous les yeux a été signé par le Canada, le Manitoba, Hydro Manitoba et les cinq bandes adhérant à la convention, y compris Norway House. C'est ce dont nous parlons en l'occurrence aujourd'hui.
• 1220
Du point de vue de Norway House, les dispositions du projet de
loi C-56 libèrent le Canada, le Manitoba et Manitoba Hydro de toute
obligation passée, présente et future. C'est l'intention du projet
de loi C-56. Quant à l'amendement, je m'en remets à mon conseiller
juridique.
M. John Bryden: Le conseiller juridique peut maintenant répondre si vous le souhaitez.
Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Orkin.
M. Andrew Orkin: Je serai bref si c'est physiquement possible pour un avocat.
Le vice-président (M. John Finlay): Je vous en sais gré.
M. Andrew Orkin: Monsieur Bryden, j'aimerais parler de la nécessité éventuelle d'adopter des dispositions législatives pour mettre en oeuvre la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba à Cross Lake.
Sauf le respect que je vous dois, monsieur, c'est carrément un sophisme. Cette entente porte la signature du gouvernement et de trois autres parties officielles. Elle a été ratifiée par un décret du conseil, sur lequel se trouve une quantité innombrable de signatures. Aucune disposition législative n'est nécessaire pour rendre cette convention exécutoire.
J'en viens maintenant à votre question.
M. John Bryden: Je vous en prie.
M. Andrew Orkin: Il était toutefois essentiel de planter le décor.
Des dispositions législatives s'imposent quand le gouvernement et ses conseillers juridiques savent qu'il faut quelque chose de percutant. La convention est solide mais on estime qu'il faut quelque chose d'encore plus solide. Il faut un médicament encore plus drastique. Des dispositions législatives comme le projet de loi C-56 ne sont pas nécessaires pour mettre en oeuvre la convention dans le cas de Cross Lake.
M. John Bryden: Je comprends.
M. Andrew Orkin: L'adoption de dispositions législatives réduirait la portée de cette convention. Le chef a parfaitement expliqué qu'une partie, en totalité ou en partie... L'article 6 de la convention est très clair. Il précise que lorsque des droits découlent de cette convention alors que d'autres droits découlent d'autres accords également, la convention prévaudra. Dans ce cas-ci, cela est prévu à l'article 6.
Les Cris de Cross Lake et les Cris de Norway House qui sont venus témoigner reflètent les préoccupations des dirigeants des Cris qui ont signé cette convention. Il existe un article dans cette dernière qui précise que rien ne vise ces droits-là. C'est parce qu'ils avaient exprimé des préoccupations que l'on a inclus cet article. Ils ne souhaitent pas que les droits issus des traités soient appauvris ou abrogés de quelque façon que ce soit.
Comme je l'ai dit plus tôt, un article de loi est une approche bancale mais si c'est le meilleur moyen dont on dispose dans un cas où les jeux sont faits, ce serait peut-être une solution à envisager. Mes clients ne m'ont pas demandé mon avis à cet égard, et voilà pourquoi je ne peux pas me prononcer.
M. John Bryden: Puis-je poser une autre question?
Le vice-président (M. John Finlay): Oui, volontiers.
M. John Bryden: Merci beaucoup.
M. Andrew Orkin: J'espère vous avoir été utile.
M. John Bryden: Vous m'avez été très utile et je suis sûr qu'il en va de même pour le chef.
Chef, je reviens à mon argument. Je ne pense pas que vous puissiez répondre et je ne vous presserai pas de le faire si vous ne le souhaitez pas.
Si nous voulons que les choses progressent, il faut reconnaître que la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba comporte un obstacle de taille. Nous en avons entendu parlé ici. Il y a une difficulté. Ne pourrions-nous pas mettre la convention en oeuvre en partie afin que l'on puisse en tirer certains avantages sous forme d'accord-cadre de mise en oeuvre fondé sur des dispositions législatives, pour les raisons précises que vient d'exposer votre avocat? La disposition législative est restrictive mais elle permettrait de concrétiser certains éléments même si ce n'est pas la totalité de ce que contient la convention. Dans la mesure où il n'y a pas d'article qui parle de l'«intention»—et je reconnais que vous avez raison là-dessus car il y a une différence entre «intention» et «action»—cet article venant étoffer ce qui a été signé sous forme d'accord-cadre de mise en oeuvre. Cet accord préciserait qu'une fois signé, et fondé sur une disposition législative, il n'y a aucune atteinte à quelques droits issus de traités que ce soit.
• 1225
Votre avocat dit que cette approche est bancale, mais il n'a
pas dit qu'elle était inefficace. Ce n'est peut-être pas la
meilleure façon de procéder mais néanmoins c'en est une. Cela ne
pourrait-il pas être un juste milieu, que de votre côté comme du
nôtre ici au comité nous pourrions envisager afin d'en arriver à
une solution qui ne vous lie pas à tout jamais, qui ne supprime pas
vos droits, mais qui au moins amorce la démarche afin que l'on
puisse finalement voir des avantages se concrétiser?
Le chef Roland Robinson: John, à quel parti appartenez-vous?
M. John Bryden: Au Parti libéral, ce qui est en fait sans objet en l'occurrence. Nous travaillons ici en collaboration. Même si à l'occasion l'opposition n'en croit rien, c'est pourtant le cas.
Mme Bev Desjarlais: Je suis ravie de voir que vous n'avez pas pu dire cela sans sourciller.
Le chef Roland Robinson: Très bien, John. Je vais vous conseiller de vous entretenir avec le premier ministre, et avec la ministre Jane Stewart concernant la mise en oeuvre de ce traité. Il n'est pas nécessaire d'adopter une disposition législative. Vous votez à la Chambre des communes et je suis sûr que vous parler au premier ministre. Jean Chrétien est un des artisans de cette convention.
M. John Bryden: D'accord.
Le chef Roland Robinson: D'accord.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Bryden.
Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais: Je suis ravie que M. Orkin ait apporté des précisions en réponse à ces questions car, moi aussi, j'avais besoin d'éclaircissements. Ainsi, si je ne m'abuse, la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba est un instrument en tant que tel et l'on souhaiterait recourir à des dispositions législatives pour en réduire la portée, n'est-ce pas?
Je voulais revenir sur le fait qu'il a fallu dix ans pour que les tribunaux ordonnent enfin la construction du pont. Je sais que vous avez sans doute le même pressentiment que moi, à savoir qu'un autre appel sera sans doute interjeté à ce sujet. Je crois qu'il était important que vous nous expliquiez la situation pour que les autres membres du comité voient à quel point le recours aux tribunaux permet de retarder délibérément la mise en oeuvre de la Convention.
Que nous considérions la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba comme un contrat ou comme un traité—je crois qu'il s'agit d'un traité...
Le chef Roland Robinson: Il s'agit d'un traité.
Mme Bev Desjarlais: J'en conviens. Je sais qu'il y a sans doute d'autres personnes à la table qui ne sont pas de cet avis. Peu importe, cependant qu'on la considère comme un contrat ou comme un traité, la Convention devrait être mise en oeuvre. Il me semble que le gouvernement canadien a l'obligation et la responsabilité morale de mettre en oeuvre le traité.
Vous pouvez peut-être me dire, chef Robinson, car je ne peux pas concevoir la raison pour laquelle le gouvernement canadien, s'il avait voulu agir de façon responsable pendant toute cette période à l'égard de la Nation crie de Cross Lake, n'a pas poursuivi Manitoba Hydro et la province du Manitoba pour les obliger à tenir la promesse qu'ils avaient faite soit de construire un pont. Pourquoi le gouvernement ne les a-t-il poursuivis au nom de la Nation crie, et pourquoi n'a-t-il pas donner suite à son obligation dans ce dossier? Y a-t-il une raison qui explique cette inaction de sa part?
Le chef Roland Robinson: Merci, Bev.
Pour que ce soit clair pour tout le monde, il s'agit bien d'un traité.
Le gouvernement canadien est censé être notre fiduciaire, et c'est lui pourtant qui mène cette démarche visant à mettre fin à nos droits. Je n'ai donc aucune confiance dans le gouvernement fédéral. On nous a fait bien des promesses, notamment dans le Livre rouge des libéraux. Nous ne faisons plus confiance à qui que ce soit. On nous a menti. Nos gens sont morts.
La province du Manitoba a profité de ce projet, tout comme le Canada et Manitoba Hydro. Ils ont récolté des milliards et des milliards de dollars, et la Nation Cross Lake paye à elle seule 2,4 millions de dollars par an—oui 2,4 millions de dollars—en factures d'électricité, mais que recevons-nous en retour? Il est temps.
• 1230
Vingt-deux ans, c'est très long. Il y a beaucoup de suicides.
La vie est difficile. Il y a beaucoup de problèmes sociaux. On nous
avait pourtant promis que la pauvreté et le chômage rampant
seraient choses du passé. Nous avions espéré que le nouveau
processus, grâce au groupe de travail que nous avons mis sur pied,
nous permettrait d'atteindre un taux d'emploi d'au moins 60 p. 100.
Je ne peux donc pas répondre à la question. Cela relève du Canada et des trois autres parties.
Mme Bev Desjarlais: En réponse simplement à votre observation, monsieur Bryden, il ne fait aucun doute que c'est le gouvernement qui est en cause, alors que nous sommes le Parlement. Mais, en notre qualité de parlementaires, n'avons-nous pas l'obligation de veiller à ce que le gouvernement applique les accords qu'il a conclus, de veiller à ce que les accords soient mis en place et à ce qu'ils soient respectés selon les règles?
Esa Tikkanen a un contrat. À un moment donné, je crois qu'il devait obtenir un montant supplémentaire de 250 000 $ parce qu'il avait joué dans tellement de matches. Son équipe l'a renvoyé aux mineures si bien qu'il n'a pas eu droit à ces 250 000 $. Il y avait une échappatoire qui leur a permis de ne pas respecter l'entente. Je crois que c'est la même chose dans le cas du projet de loi C-56 et c'est certainement la même chose dans le cas du défaut de mettre en oeuvre la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, le gouvernement est en train de prévoir une échappatoire législative pour éviter d'avoir à donner suite à ses engagements.
Je tiens en tout cas à vous féliciter, chef Robinson, au nom des Cris de la Nation crie de Pimicikamak, pour votre détermination. Je sais bien que ça ne sera pas facile si les choses continuent au train où elles vont, mais je vous félicite pour votre détermination.
Le chef Roland Robinson: Merci, Bev.
Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Breitkreuz.
M. Garry Breitkreuz: Merci beaucoup.
Je m'appelle Garry Breitkreuz. Je suis député de la Saskatchewan, et je suis allé dans votre région il y deux ans environ. Le Parti réformiste tentait à l'époque d'élaborer sa politique sur les Autochtones, c'est pourquoi je suis allé chez vous et nous avons discuté avec bien des gens de la base, surtout avec les femmes de la région. C'est de ces rencontres que sont issus certains des points qu'on trouve dans notre programme politique. Je ne sais pas si nous aurons le temps d'examiner ces points, mais vous parlez aujourd'hui de beaucoup des préoccupations qui avaient alors été soulevées et qui ont, par la suite, été incorporées à notre politique.
J'espère sincèrement que votre témoignage ici aujourd'hui fera une différence. Nous sommes frustrés au Parti réformiste par la difficulté d'amener le gouvernement à passer à l'action, à s'attaquer de façon concrète à certains problèmes, comme vous êtes en mesure de le constater aujourd'hui.
J'espérais que tous les membres du comité auraient l'occasion de prendre la parole aujourd'hui. J'ai parlé avec l'aîné Sandy Beardy avant que vous ne preniez place à la table, et je sais que vous avez tous quelque chose à contribuer à la discussion. J'ai environ sept questions, mais j'y renonce pour que chacun de vous ait l'occasion de vous exprimer à coeur ouvert, de nous dire ce que vous pensez de la situation. Il me semble que c'est important d'avoir votre opinion et que votre témoignage sera peut-être ainsi plus efficace que les questions que j'aurais voulu vous poser.
Serait-il possible de procéder ainsi? Seriez-vous offusqués que certains des autres représentants prennent la parole?
Le vice-président (M. John Finlay): Chef.
Le chef Roland Robinson: Combien de temps avons-nous, monsieur le président?
Le vice-président (M. John Finlay): Nous avons tout le temps que le comité souhaite prendre, mais nous devrons nous interrompre en raison d'autres engagements. Comme je vous l'ai dit au départ, j'envisage de mettre fin à la réunion au plus tard à 13 h 00. Je mettrai tout simplement fin à la réunion à ce moment-là. Vous pourriez peut-être être bref, car je sais que le chef Miller attend avec impatience de nous dire quelque chose, et peut-être aussi de nous lire quelque chose.
M. Garry Breitkreuz: Je cède mon temps de parole pour que vous puissiez prendre la parole. Je trouve que c'est plus important pour moi, en tant que réformiste, de vous entendre que de vous poser moi-même des questions.
Le vice-président (M. John Finlay): Il y a aussi une autre personne qui veut poser des questions.
Le chef Roland Robinson: Merci, monsieur le président. J'aimerais que les autres membres du conseil prennent maintenant la parole puisque la réunion doit se terminer à 13 h 00. Si vous voulez bien les entendre, nous pourrons passer aux questions après.
Le vice-président (M. John Finlay): J'ai l'intention d'autoriser une dernière question, si bien que, à 12 h 55 j'interromprai la personne qui aura la parole.
Une voix: Il y a d'autres noms sur la liste des témoins.
Le vice-président (M. John Finlay): Je suis désolé, chef Robinson, mais on vient de me dire qu'il y a quelqu'un d'autre sur la liste, le professeur Ronald Niezen. Je suis désolé; je supposais que...
Monsieur Nault.
M. Robert Nault: Monsieur le président, je suppose que vous vous en tenez à la formule selon laquelle le Parti réformiste a droit à cinq minutes.
Le vice-président (M. John Finlay): Oui.
M. Robert Nault: S'il veut donner ces cinq minutes à ces gens-là, je n'y vois pas d'inconvénient, mais j'ai moi-même des questions à poser. Nous avons entendu un exposé, et je suppose que c'était l'exposé...
Le vice-président (M. John Finlay): Excusez-moi un petit moment.
Chef Robinson, M. Nault a parfaitement raison. M. Breitkreuz a droit à cinq minutes, comme tous les autres membres du comité. Je m'en tiens à cette règle. Si M. Breitkreuz n'a pas de question et s'il veut que l'un ou l'autre de vous deux, ou les deux, preniez la parole, vous avez droit à cinq minutes, puis nous passerons à l'intervenant suivant.
M. Garry Breitkreuz: J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'ose croire que mes cinq minutes ne sont pas passées à discuter de toutes ces histoires. Je crois qu'il faudrait poursuivre, car nous perdons beaucoup de temps à parler de procédure. J'ai des questions à poser, mais je leur cède mon temps de parole.
Mme Rita Monias (porte-parole, Women's Council, Première nation de Cross Lake): Monsieur le président, j'aimerais maintenant déposer mon exposé.
Le vice-président (M. John Finlay): Et nous le recevons avec plaisir.
Mme Rita Monias: Je vais vous donner des exemplaires du texte que nous avons préparé au nom du conseil des femmes de Cross Lake. Aux fins de cette audience, je ne suis pas ici à titre de chef des femmes; je suis la porte-parole du conseil des femmes. Je tenais à le préciser.
Le vice-président (M. John Finlay): Nous vous en remercions.
Mme Rita Monias: J'aimerais aborder très rapidement les questions soulevées dans le projet de loi C-56.
Le conseil des femmes de la Nation crie Pimicikamak n'est pas du tout d'accord pour renoncer à certains droits. Nous savons que si le projet de loi C-56 est adopté—et nous espérons qu'il ne le sera pas—cela aura certaines conséquences pour nous.
J'ai la plus grande sympathie pour les gens de Norway House. À de nombreux égards, ils ont souffert tout comme nous avons souffert. Nous voulons que le processus de la Convention sur l'inondation des terres du Manitoba se déroule dans les règles, nous ne voulons pas être acculés au pied du mur, ni être forcés de tout accepter ou de tout refuser en bloc. C'est tout ce que je peux vous dire.
Vous tiendrez compte, je l'espère, du fait qu'en vertu de l'application globale de la Convention et de l'accord-cadre de mise en oeuvre, on nous avait offert de l'argent, on nous avait dit: c'est à prendre ou à laisser. Nous n'avons pas accepté cet argent. Nous préférons conserver nos droits aux termes de la Convention sur l'inondation des terres du Manitoba, ainsi que nos droits de traité.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup, Rita. Vous avez fort bien exposé votre position.
Chef des jeunes Jason Miller (Conseil des jeunes, Première nation de Cross Lake): Merci, monsieur le président.
Je n'ai pas l'intention de déposer un exposé. C'est nous qui sommes les futurs dirigeants. Je suis ici en tant que chef des jeunes, et je vais parler. Je suis venu pour parler et j'ai l'intention de le faire.
Le vice-président (M. John Finlay): Chef, vous avez trois minutes.
Chef des jeunes Jason Miller: Très bien.
M. Garry Breitkreuz: Monsieur le président, j'invoque le Règlement; est-ce que le comité pourrait donner son consentement unanime pour accorder à ce témoin quelques minutes supplémentaires? Nous avons la salle jusqu'à 13 heures.
M. John Bryden: Nous n'aurons jamais assez le temps avec toutes ces interruptions. Laissez-le parler, nous verrons ce que nous pouvons faire. C'est terrible d'interrompre si souvent.
Chef des jeunes Jason Miller: Monsieur le président, membres du Comité de la Chambre des communes, je suis ici à titre de chef des jeunes de la Nation crie Pimicikamak, et je veux parler des conséquences pour les jeune d'une disparition de nos droits aux termes de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Le conseil des jeunes, que je représente, a été créé en 1996. C'est un des quatre conseils de la Nation crie Pimicikamak. Les autres sont le conseil des aînés, le conseil des femmes et le chef et son conseil.
La population de Cross Lake comprend fort bien l'importance des jeunes pour le bien-être de la communauté. Plus de 50 p. 100 de la population de Cross Lake a moins de 20 ans. Comme on le voit, cela est de la plus grande importance pour l'avenir. Toutefois, si l'on considère les conditions sociales dans lesquelles nous vivons actuellement, il est tout aussi facile de voir que les jeunes sont actuellement très éprouvés et que notre avenir est menacé.
La réalité la plus fondamentale de Cross Lake, c'est qu'il n'y a pas d'emplois. La Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, signée en 1977, avait promis de mettre fin à la pauvreté et au chômage généralisés. Or, aujourd'hui, près de 22 ans plus tard, 85 p. 100 de notre population est sans emploi, 85 p. 100 des gens reçoivent l'assistance sociale. Chaque assisté social reçoit 205 $ et doit subsister avec cette somme pendant un mois. Dans le Nord, les prix sont élevés et on ne va pas très loin avec 205 $. J'imagine à quel point il doit être difficile d'élever une famille dans ces conditions.
J'ai parlé avec nos aînés, et ils me disent que jadis c'était différent. Les nôtres réussissaient à subsister, ils élevaient des familles et ils gagnaient bien leur vie grâce à la terre, à la chasse et à la trappe, et ils n'avaient pas besoin de beaucoup d'argent. Il leur suffisait de quelques fournitures, un peu de munitions, des filets, du fil de fer pour les pièges, ce genre de choses. Ils pouvaient vivre dans les bois pendant des mois. Je n'ai jamais appris à vivre de cette façon-là car je suis né à l'époque où les barrages de Manitoba Hydro étaient en construction.
Depuis, ce mode de vie traditionnel a pratiquement disparu. Le poisson et le gibier se font rares, et pour les trouver, il faut voyager loin, et même risquer sa vie en bateau ou en skidoo, car comme d'autres vous l'ont déjà expliqué, avec les projets hydroélectriques, la glace et les eaux de surface sont devenues dangereuses. À cause de ces conditions, rares sont ceux qui peuvent apprendre à chasser ou à pêcher pour pouvoir élever une famille de cette façon-là.
Pour les gens de Cross Lake, le défaut de mise en oeuvre de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba de 1977 conduirait à la désintégration certaine du canevas social, politique et économique de notre nation, de nos moyens de subsistance. Lorsque les jeunes atteignent l'adolescence, ils voient clairement que ce qu'ils apprennent à l'école ne leur servira pas car rien ne leur montre que cette éducation leur ouvrira des débouchés. La plupart des gens de cet âge-là que je connais sont sans espoir. Ils commencent à se demander s'ils parviendront à réaliser quelque chose dans la vie. Ils ne peuvent pas espérer avoir de bons résultats scolaires lorsqu'ils n'ont pas d'ambition pour l'avenir. Étant mauvais élèves, ils se sentent dévalorisés. Et parfois, cette dévalorisation les conduit au suicide, ou du moins à des comportements suicidaires.
La disparition de notre mode de vie et le défaut de mise en oeuvre de la Convention sur l'inondation des terres du Nord du Manitoba affectent les adolescents d'une autre façon; il y a sur la réserve de Cross Lake 5 000 personnes et un seul terrain de sport. Nos dirigeants ont dû se battre avec Manitoba Hydro pour les forcer à le construire, et nous n'avons pas d'argent pour l'entretenir ou pour y organiser des activités. Cross Lake n'a jamais eu suffisamment d'installations récréatives pour remplacer toutes les activités que nous avions jadis, et les rares installations qui existent sont devenues tout à fait insuffisantes. La plupart des adolescents n'ont, tout simplement, rien à faire.
Tout le monde sait que lorsque les adolescents s'ennuient à ce point, ils s'arrangent pour se distraire à leur façon. L'ennui associé à un manque d'espoir et à une absence de possibilités pour l'avenir explique la fréquence des vols et du vandalisme à Cross Lake. Mais ce n'est pas le fait d'être arrêtés qui va valoriser les jeunes, n'est-ce pas? Cela ne fait qu'aggraver nos problèmes et autres tendances suicidaires.
Pour les jeunes adultes, ce manque d'espoir qu'ils avaient dans l'adolescence devient une réalité vécue. Les jeunes hommes et les jeunes femmes considèrent qu'ils ont le droit de travailler. Ils s'attendent à trouver des emplois, mais ils ne trouvent rien. À Cross Lake, en dépit de tout ce qui se ligue contre eux, les jeunes réussissent souvent à terminer leur 12e année, et même à aller au collège. Mais ce qu'ils apprennent est gaspillé car il n'y a pas de travail. Certains commencent à se demander: pourquoi suis-je allé à l'école? Certains se réfugient dans l'alcool et dans la drogue et amorcent un cycle d'autodestruction. Ils veulent travailler, ils sont prêts à travailler, mais le sort qui les attend, ce sont ces 205 $ par mois.
• 1245
Où sont ces 1 000 emplois qu'on nous avait promis à la suite
du projet hydroélectrique il y a plus de 22 ans? Les gens sont très
mécontents car la plupart de ces emplois hydroélectrique, ce ne
sont pas des gens de Cross Lake qui les ont eus, comme on le leur
avait promis. En même temps, une facture d'électricité qui s'élève
à 50 $ à Winnipeg, s'élève à 300 $ à Cross Lake.
Ainsi, les rares personnes qui réussissent à échapper à l'aide sociale doivent du jour au lendemain endosser ce fardeau financier. Lorsque le temps arrive d'avoir une famille, cela nous est pratiquement impossible à cause du surpeuplement dans lequel nous vivons. Dans une communauté de 5 000 personnes, il nous manque plus de 500 maisons. Est-ce que ce sont tous les avantages que nous devons tirer de l'usine hydroélectrique?
Il n'est vraiment pas difficile de comprendre pourquoi tant de gens sont frustrés, mécontents et déprimés à Cross Lake. En effet, la raison est simple: notre mode de vie a été détruit et rien ne l'a remplacé. La Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba remonte à 22 ans, et nous attendons toujours l'aide qu'on nous avait promise pour nous aider à rebâtir notre existence.
Avant tout, si mon peuple est en colère, c'est parce que le seul moment où le gouvernement a fait preuve d'énergie, c'est quand il s'est agi de mettre fin à la Convention sur l'inondation des terres du nord. Ce n'est pas la première fois, et une fois de plus, avec le projet de loi C-56, le gouvernement essaie de nous imposer de soi-disant accords de mise en oeuvre qui diminuent considérablement les obligations du gouvernement envers nous et qui auront pour effet de nous maintenir dans un état de pauvreté abjecte.
Pour les gens de Cross Lake, le projet de loi C-56 est une loi qui va nous empêcher de nous développer et menacer notre survie, qui va nous enfermer comme les animaux du zoo dans leur cage et les poissons rouges dans leur aquarium. Quand on leur a expliqué la situation comme je viens de le faire, Jane Stewart, David Newman et Bob Brennan, qui représentent le Canada, le Manitoba et Manitoba Hydro, ont tous réagi en disant qu'ils étaient fiers des efforts qu'ils avaient déployés pour que la CITN devienne une réalité. Parfois, ils mentionnent les 35 millions de dollars qui ont été consacrés au processus des revendications. Pour une collectivité de la taille de Cross Lake, c'est une plaisanterie. Parfois encore, ils disent à quel point ils sont fiers des ententes qui ont été offertes aux quatre collectivités pour la mise en oeuvre de la Convention sur l'inondation des terres du nord. De toute façon, c'est cette convention qui tisse les normes, et non pas des sommes d'argent. La véritable mesure de l'application ou de la non-application de la convention, ce sont les conditions objectives dans lesquelles ces collectivités vivent.
Membres du comité, est-ce que vous avez tous lu la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba, est-ce que vous l'avez lue de la première à la dernière page pour vous assurer que ces soi-disant accords de mise en oeuvre respectent véritablement les obligations du gouvernement dans le cadre de la Convention sur l'inondation des terres du Nord? Est-ce que vous avez pensé à la longueur des queues au bureau d'assistance sociale à Norway House? Est-ce que le taux de criminalité chez les jeunes a votre entière et complète approbation? Est-ce qu'on vous aurait mal informés, est-ce qu'on vous aurait dit que les effets négatifs du projet ont pris fin? Je tiens à vous assurer que ces effets négatifs existent toujours, jour après jour, mois après mois, année après année.
À une extrémité, il y a la ligne hydro-électrique, et à l'autre, des milliards de dollars de bénéfices pour le Manitoba, pour le Manitoba Hydro et pour le Canada.
Est-ce que les normes de nutrition pour les enfants d'âge scolaire ont votre approbation? Est-ce qu'en face de la pauvreté des Cris du nord du Manitoba, votre coeur gonfle de fierté? Est-ce que le nombre des sans-abri a le même effet sur vous? Honorables membres du comité, c'est pourtant là la véritable façon de mesurer les résultats de la Convention sur l'inondation des terres. En approuvant le projet de loi C-56, vous inscrivez tout cela dans vos réalisations. En défendant ces conditions, c'est un héritage que vous laissez aux générations futures.
Si je ne devais vous dire qu'une seule chose, ce serait que les quatre collectivités à qui on a jadis donné la CITN méritent mieux que cela. Nous ne méritons rien de moins que la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Nous méritons de ne pas être forcés à accepter la disparition de cette convention. D'autre part, je suis également ici pour vous dire que ma génération est consciente de ses droits, qu'elle n'est pas prête à attendre 20 ans encore pour que le gouvernement reconnaisse ses droits et les applique en toute équité et en tout honneur.
En conclusion, je prie instamment ce comité ne pas approuver le projet de loi C-56.
Merci.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup, chef.
Chef Roland.
Le chef Roland Robinson: Merci, monsieur le président. Il nous reste encore un intervenant. Dans notre culture, nous avons le plus grand respect pour nos aînés. J'espère que vous accepterez d'écouter notre aîné, notre chef traditionnel, Sandy Beardy.
Le vice-président (M. John Finlay): Chef, je tiens à vous rappeler que Sandy est déjà intervenu à un autre sujet. Certainement, je tenais à lui donner la parole, mais c'est lui qui a ouvert la séance. J'aimerais beaucoup lui donner la parole, mais nous avons encore perdu un député car plusieurs personnes sont allées rencontrer une délégation inuit. Je vous avais prévenu que nous devions terminer à 13 heures, et il est presque 13 heures. J'espère que Sandy sera compréhensif et en tiendra compte.
L'aîné Sandy Beardy: Merci, monsieur le président. Je vais essayer d'être le plus bref possible.
Je veux vous parler de ces médailles. C'est une affaire de traité. À mon avis, c'est très important, et il faut le mentionner. Je veux vous parler de Christophe Colomb.
Quand Colomb s'est perdu et a fini par aboutir en Amérique, il croyait être arrivé en Inde, car c'est là qu'il avait l'intention d'aller. Avec ses hommes, ils ont trouvé les Indiens. Comme ils étaient très malades, les Indiens les ont traités, ils avaient faim, les Indiens les ont nourris. Ils ont été invités dans ce grand et riche pays qui est le nôtre. Ils ont travaillé ici, ils ont profité de la richesse de la terre. Vous m'excuserez si je m'exprime mal, mais ce que je voulais dire, c'est que les Autochtones ont fait preuve de compassion envers ces étrangers venus de l'autre côté de l'océan. C'était un peuple bon, un peuple généreux. Aujourd'hui, nous sommes toujours généreux.
En fait, nous sommes trop généreux; nous avons perdu ce que nous possédions.
Enfin, la Reine décida de signer un traité. Je parle de la Reine Victoria. Quand ses représentants ont signé ce traité, ils ont serré la main du chef. En même temps, ils ont dit que ce traité continuerait à exister aussi longtemps que le soleil brille—et le soleil, vous pouvez le voir, ici en arrière—aussi longtemps que les rivières coulent et aussi longtemps que l'herbe pousse. Vous vous imaginez le représentant de la Reine et ce bonhomme Autochtone se serrant la main, se félicitant à la perspective de partager cette terre, convenant que ce traité durerait aussi longtemps que le soleil brille, que les rivières coulent et que l'herbe pousse.
• 1255
Vous voyez le wigwam; vous voyez ces petits wigwams, ici au
milieu. Ils sont alignés, en commençant par la grande tente, etc.
Cela signifie que ce traité va continuer à exister de génération en
génération.
Autrement dit, le traité a été signé à tout jamais. L'homme ou le premier ministre qui tenterait de démolir ce traité conclu en 1875 serait vraiment très bête. Je vois qu'on essaye d'adopter des lois ici, et cela ne vaut rien. J'imagine qu'ils doivent adopter des lois, et que c'est normal.
En 1930, les gouvernements provincial et fédéral existaient déjà, mais le chef signa un traité avec la Couronne fédérale pour partager les terres et les ressources et travailler en collaboration. Toutefois, le gouvernement fédéral a joué un très mauvais tour. En effet, il s'est mis d'accord avec la province et lui a cédé la terre et les ressources en 1930, et cela, sans consulter les Autochtones.
Et qui a cette richesse aujourd'hui? C'est le gouvernement provincial, les deux gouvernements. Ils nous ont oubliés, ils ont oublié la façon dont nous les avons traités. Nous, nous avions de la compassion. Messieurs du comité, nous vous demandons de faire preuve de cette même compassion envers nous, de nous défendre, de dire au gouvernement fédéral de respecter ses promesses, et pas seulement ici. Ce sont seulement ces terres-là que nous avons cédées à ces gens arrivés de par delà les mers. Mais ce qui se trouve en dessous continue à nous appartenir. Combien de millions de dollars le gouvernement du Manitoba s'est-il approprié en exploitant les minéraux? Plus à l'Ouest, combien de milliards de dollars ont-ils tirés du gaz et du pétrole?
Ce qui me fait le plus mal... Là-haut dans le nord, j'ai élevé mes enfants, mes 11 enfants, à même les ressources naturelles, les ressources qui nous ont été données par le Créateur: le poisson, les canards, les oies et les orignaux. Lorsque mes enfants mangeaient du poisson et des nourritures sauvages, un fou est arrivé et s'est mis à jeter de la mauvaise eau, de l'eau sale, sur tout ce que mes enfants mangeaient. Ils ne pouvaient plus manger ces nourritures.
Ce sont de simples exemples. En tant qu'aîné, j'essaie de défendre la cause de mon peuple, de mon peuple qui ne peut plus manger de poisson frais.
Je suis désolé de devoir parler de tout cela ici, mais ce que j'ai dit est vrai. Voilà ce que Manitoba Hydro a fait à notre environnement. Ils ont tout détruit, l'eau, absolument tout. Aujourd'hui, mes enfants ne peuvent pas élever leur famille à même la terre, je pense que c'est une honte de nous traiter de cette façon-là.
• 1300
Je pense que nous avons gagné notre liberté. J'ai perdu mon...
[Note de la rédaction: Inaudible]
...pendant la bataille de Normandie. Il a donné sa vie pour nous tous, pour préserver notre liberté. Et pourtant, on nous traite ici comme des communistes, et ce n'est pas normal. Aux yeux de Dieu, nous sommes censés nous traiter mutuellement d'égal à égal; nous sommes censés être tous égaux.
Quand j'étais dans l'armée, il n'y avait pas de discrimination. Tout le monde s'entraidait—les blancs, les noirs, les Chinois, les Japonais. On travaillait tous ensemble. On a gagné la guerre. On a conquit la liberté—pour vous, en tout cas.
Qui a bâti cette ville et les villes comme Toronto et toutes les autres? Ce sont les richesses naturelles du pays, notre pays est riche, et je pense qu'il faut partager. Que le comité dise au gouvernement, pourquoi ne donnez-vous pas à ces Autochtones une part plus grande, le tiers au moins du gâteau, pour qu'ils profitent de la richesse qu'ils ont partagée avec vous?
J'espère n'avoir blessé personne, parce que je ne veux pas vous faire de mal. C'est tout ce que j'ai à dire, monsieur le président. Merci.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci, aîné Sandy Beardy. Chef, sauf votre respect, je pense que je vais écouter ce que vous avez à dire.
M. John Bryden: Nous avons des questions à poser.
Le vice-président (M. John Finlay): Y a-t-il d'autres questions?
M. John Bryden: Je tiens à faire une observation à la suite de ce qu'a dit le chef Beardy—et ce sera tout pour moi.
Je tiens à assurer tout le monde... et j'adresse mes propos au chef des jeunes, Jason Miller, et par son intermédiaire aux trois autres. Je reprends souvent les membres du comité pour leur signaler que je ne suis pas ici le représentant du gouvernement; je représente les 80 000 électeurs qui ont voté pour moi et m'ont envoyé à Ottawa pour essayer de bien les représenter.
Je vous dis que ces 80 000 électeurs ont de la compassion. Ils sont sensibles et veulent que j'essaie de prendre la bonne décision. Je pense qu'au cours des témoignages une solution au moins partielle a été avancée qui permettrait aux gens de Norway House et peut-être de Cross Lake de faire des progrès sans perdre quoi que ce soit.
Je vous demanderais seulement, lorsque vous partirez d'ici aujourd'hui, de garder l'esprit ouvert. Ne fermez pas la porte à une solution; nous faisons tous ici un gros effort. C'est le rôle du comité et peut-être des progrès sont-ils en train d'être réalisés en ce moment même.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Bryden.
Chef Roland Robinson: Merci de vos propos, John. Nous n'allons pas fermer la porte. Nous avons l'esprit ouvert depuis 22 ans. Nous sommes patients, mais il vient un temps où notre patience vient à bout. Notre population est jeune: 65 p. 100 de nos gens ont moins de 25 ans.
Pour mémoire, monsieur le président, je suis bien déçu de voir que nous ne disposons que d'une heure. Il y a pourtant des familles et des enfants de Norway House qui vont être touchés. Il y a des générations à naître qui vont être touchées par cette loi, qui dans les faits abroge les droits conférés par la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Tel est l'objet du projet de loi C-56. Ne nous accorder qu'une heure pour parler au nom des familles de Norway House... il nous aurait fallu au moins une journée pour bien exprimer nos préoccupations. On ne peut pas accomplir grand chose en une heure. Je voulais le signaler.
Le vice-président (M. John Finlay): Rita.
M. Rita Monias: Je voulais vous faire mon exposé.
Le vice-président (M. John Finlay): Allez-vous nous en laisser le texte?
Mme Rita Monias: Oui, mais à titre de représentante du conseil des femmes de Cross Lake, je veux m'assurer que tout le monde le lira, et je veux obtenir une réponse par écrit de chaque membre du comité permanent adressée au chef Rose Scott avec copie à moi-même. De cette façon, je saurai qu'on s'occupe du dossier. De cette façon, je saurai que vous avez fait ce que je demande et ce que le conseil des femmes m'a demandé de faire en son nom.
Le vice-président (M. John Finlay): Nous prenons acte de votre demande. Merci, Rita.
Monsieur Nault.
M. Robert Nault: Monsieur le président, il y a une question tout à fait évidente, et je voudrais l'aborder, parce qu'elle en dit long sur les rapports entre les gouvernements.
Je respecte l'avis des gens de Cross Lake, mais je respecte aussi celui des gens d'autres localités, qui ont fait un autre choix. Comme je suis censé répondre à la lettre de Rita, j'aimerais qu'elle réponde à ma question sans tarder, si ce n'est pas aujourd'hui.
Que feriez-vous à notre place, si vous étiez l'une des autres localités venues ici pour demander... Je n'accepte pas, comme l'a dit le chef, que les quatre autres localités aient été en quelque sorte obligées de signer. Honnêtement, après avoir représenté 51 Premières nations pendant plus de dix ans, je ne pense pas que l'une ou l'autre des localités que je représente puisse être forcée de faire quoi que ce soit. Je n'accepte donc pas cet argument. J'ai du mal à accepter cela. Je respecte le chef, les aînés, les femmes et les jeunes de ces localités tout comme je vous respecte et je respecte votre opinion.
À ma place, que feriez-vous? On s'occupe ici de Norway House, pas de Cross Lake. C'est une Première nation distincte. Oui, il y a des membres de leurs familles dans ces localités, tout comme les Cris de ma région, dans le nord de l'Ontario, ont des parents dans le territoire visé ici. Mais pour accepter ce que vous dites à la deuxième page... Vous dites: «Notre peuple montre au Canada que l'autodétermination et l'autonomie gouvernementale autochtones peuvent exister». Cela suppose le respect de la décision d'autrui. Je respecte votre décision, et vous continuerez de débattre avec les gouvernements et avec la compagnie d'électricité les questions relatives à la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Les autres localités, elles, ont choisi une voie différente et nous avons le droit et l'obligation de respecter leurs vues.
Je me sens très mal a l'aise cet après-midi, lorsque vous me demandez de dire à Norway House et aux autres localités de tout laisser tomber parce que je suis censé croire qu'elles ont été forcées. Je l'ai dit: je représente une population très pauvre du nord de l'Ontario et j'ai vu personnellement ce dont vous parlez: le logement, les jeunes, le chômage élevé, le taux de suicides six fois supérieur à la moyenne nationale. Je connais toutes ces histoires. Je suis allé là-bas et j'ai passé quantité de jours et de mois dans ces endroits à parler aux chefs, à leurs représentants et aux membres de la communauté.
Il me faut donc une réponse à cette question. S'il faut adopter une nouvelle mentalité, comme vous le décrivez dans vos exposés... quantité de torts doivent être réparés. Dans le cas présent, Norway House veut faire les choses autrement et accepte l'accord. Vous me dites que je devrais faire fi de ce que Norway House souhaite pour accepter votre façon à vous de faire les choses.
J'aimerais savoir ce que vous répondez à cela, pas nécessairement aujourd'hui, monsieur le président. Pour moi, c'est important, parce que d'autres avant vous sont venus nous dire que ces quatre localités ont tort et qu'elles ont été contraintes de faire quelque chose qu'elles ne devraient pas faire. Cela me pose beaucoup de difficultés si l'on est censé accepter le droit intrinsèque à l'autonomie gouvernementale des autres Premières nations, le droit de prendre leurs propres décisions et de décider elles-mêmes.
Le vice-président (M. John Finlay): Oui, Jason.
Chef des jeunes Jason Miller: À votre place, Robert, j'irais d'abord me renseigner. Je pense que ces communautés ont été mal informées. Beaucoup de ces gens parlent le Cri; ils ont un peu d'instruction et comprennent l'écriture syllabique crie. Vous savez, ces accords cadres de mise en oeuvre ont 400 pages d'épaisseur. Pourquoi est-ce qu'ils ne pourraient pas...
Le vice-président (M. John Finlay): Pardon, Jason.
M. Robert Nault: Monsieur le président, je conteste ceci. Nancy, elle-même autochtone, a dit la même chose hier. Il y a des gens dans ces localités qui ne parlent pas anglais; c'est vrai, et il y a des gens de ma région qui ne parlent que l'ojibway ou le cri. Mais il y a des gens chargés d'informer la population et si je suis censé être en rapport de confiance avec les Premières nations, vous ne pouvez pas me dire ici que je dois aller me renseigner.
Une voix: Non, non.
M. Robert Nault: Je veux tout simplement dire ceci. Si les dirigeants de Norway House acceptent un accord donné, suis-je censé, comme les non-Autochtones l'ont fait pendant 130 ans ici, deviner s'ils ont tort ou raison ou est-ce que j'accepte que les dirigeants doivent diriger et que, ce faisant, ils ont conclu un accord donné? Vous me demandez de décider si les dirigeants de Norway House ou d'autres communautés du pays savent ce qu'ils font. Or, c'est précisément le problème des 130 dernières années. C'est leur manquer de respect. Moi, je respecte leurs capacités.
Chef des jeunes Jason Miller: Ils ont essayé avec nous.
Le vice-président (M. John Finlay): Désolé, chef, mais je vais faire une courte observation, après quoi je vais m'occuper de deux questions administratives.
En tant que président et pour avoir siégé au comité pendant un certain nombre d'années, je partage la position de M. Nault. Je trouve certains de vos propos plutôt déplacés. M. Bryden a dit que nous sommes tous ici des représentants du peuple; comme l'aîné l'a dit, notre population a de la compassion et nous vous avons entendus. Vous n'êtes pas les seuls à avoir dit devant le comité ce que vous, l'aîné et Jason ont dit avec tant d'éloquence. Nous sommes parfaitement au courant. Nous ne sommes pas mal informés. Nous avons un travail à faire et c'est ce que nous allons faire.
Oui, chef.
Le chef Roland Robinson: Merci, monsieur le président.
Pour mémoire, monsieur Nault, le chef Redhead de la Première nation de York Landing était censé être des nôtres ici aujourd'hui. Il est le chef actuel de York Landing, communauté qui a signé un accord d'expiration. Il est de notre bord et veut forcer les gouvernements à respecter l'accord original. Je suis certain que vous allez entendre parler de lui dans les médias ou ailleurs, quels que soient les moyens...
Le vice-président (M. John Finlay): Très bien, chef. C'est votre...
Le chef Roland Robinson: Je voudrais...
M. Robert Nault: Monsieur le président, si vous me le permettez, je voudrais seulement demander au chef de ne pas agir de cette façon. Je lui ai demandé: «Si vous étiez de Norway House et si une autre communauté venait demander au comité de ne pas approuver l'accord signé par Norway House, comment réagiriez-vous?» Une autre communauté a choisi une autre solution. C'est cela ma question.
Il y a une divergence d'opinions; je l'accepte et je le respecte. Je vous pose une question très sérieuse: La prochaine fois qu'il y a un accord, un traité en bonne et due forme qui lie votre communauté, si une autre communauté à 100 milles de là vient demander au comité de ne pas accepter l'accord, est-ce que vous respecteriez le gouvernement du Canada s'il disait qu'il ne va pas signer l'accord avec Cross Lake parce que les gens assujettis au Traité numéro 5 à quelques milles de là ne sont pas d'accord? Ce serait très difficile à accepter, n'est-ce pas? Voilà la question que je vous pose.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci beaucoup.
Le chef Roland Robinson: Merci, Robert.
Le vice-président (M. John Finlay): Monsieur Niezen, je vous dois mes excuses. Je suivais une feuille sur laquelle votre nom ne figurait pas. La greffière me dit que nous avons le texte de votre allocution et je vais m'assurer qu'elle sera remise à tous les membres du comité.
C'est maintenant à mon tour de poser une question de la part du comité dont trois membres sont ici, et...
M. Garry Breitkreuz: Pourrais-je vous interrompre un instant?
Je tiens à remercier le comité d'avoir entendu les témoins jusqu'à la fin. Je vous remercie de cette amabilité.
Le vice-président (M. John Finlay): Merci, monsieur Breitkreuz.
M. Andrew Orkin: Sachez que je figurais moi aussi à l'ordre du jour comme partie intéressée, comme citoyen. À ce titre, on m'a demandé d'aider deux des intervenants élus à qui je donne des conseils de nature professionnelle.
J'aimerais savoir si le comité met fin à ses délibérations sur le projet de loi C-56 aujourd'hui ou si elles se poursuivront dans les jours et semaines à venir. Si c'est le cas, j'aimerais répondre à la demande adressée directement au comité d'une façon tout à fait différente de l'aide que j'ai donnée aux deux intervenants. J'aimerais aussi savoir si M. Niezen peut en faire autant.
Le vice-président (M. John Finlay): Désolé, monsieur Orkin, ce n'est pas possible.
M. Andrew Orkin: Merci.
Le vice-président (M. John Finlay): Je vais vous demander de me faire parvenir un mémoire. La greffière s'assurera de nous le transmettre. Nous ignorons encore à quel moment nous allons procéder à l'étude article par article du projet de loi. Je pose la question aux membres qui sont ici, M. Nault et M. Bryden: allons-nous le faire mardi prochain. Quelqu'un a-t-il une idée sur la question?
M. John Bryden: Ça me va.
Le vice-président (M. John Finlay): Il n'y a pas de députés de l'opposition, mais j'en parlerai au président. Nous voulons nous y mettre.
M. Andrew Orkin: Je vous remercie de votre réponse. Elle était directe et je l'accepte.
Puis-je demander...
Le vice-président (M. John Finlay): Oui.
M. Andrew Orkin: ...quarante-cinq ou soixante secondes de votre temps et du temps des députés pour répondre à la toute dernière question de M. Bryden? Si vous m'accordiez ce temps de parole, j'estimerais avoir fini.
Le vice-président (M. John Finlay): Si vous voulez répondre à cette question et me permettre de vous en poser une, ce que MM. Bryden et Nault vont accepter, je crois, on pourra s'entendre.
Allez-y.
M. Andrew Orkin: La question portait sur le respect et les décisions, et le fait que Norway House à quelque distance de là a pris une décision. Je pense que vous avez mis le doigt sur le problème. Je vais répondre à cette question pour vous, moi qui ai mené à l'étranger des missions d'observation d'élections pour la Commission internationale de juristes, Amnistie Internationale et l'Association du Barreau canadien. J'ai donc de l'expérience dans ce domaine.
Le problème, c'est que la population de Norway House s'est fait dire qu'un référendum allait être tenu pour accepter ou rejeter l'accord cadre de mise en oeuvre. La consultation a été tenue en juillet 1997, et l'accord cadre, en conformité avec les règles du ministère des Affaires indiennes formulées et administrées par lui-même—ce ne sont ni le chef ni le conseil qui ont tenu le référendum—a été rejeté.
Pour moi, le problème c'est le respect. La décision des citoyens, n'a pas été respectée. On est revenu à la charge, on a obtenu une autre décision et on a changé les règles.
M. Robert Nault: Que faites-vous de la Première nation de Nelson House, par exemple? Je sais que vous vous servez en quelque sorte du référendum de Norway House pour lancer une contestation, mais il ne s'agit pas uniquement de Norway House ici. Il y a trois autres communautés qui ont déjà signé.
M. Andrew Orkin: Je peux répondre à la question.
M. Robert Nault: Les dirigeants des Premières nations nous demandent depuis plusieurs années de respecter leur capacité à gérer leurs affaires. Or, vous venez ici nous dire: «Ne tenez pas compte de ce que disent les chefs et les membres de Norway House. Ils ne savent pas ce qui est en jeu. Ils sont en train de commettre une erreur monumentale. C'est aussi le cas de la Première nation de Nelson House.»
• 1320
Je désapprouve cette attitude, car c'est précisément l'inverse
que m'ont appris les aînés de ma région. Toutes les décisions sont
prises de concert avec les aînés, les femmes et les jeunes. En ma
qualité de représentant de ces gens-là, je devrais respecter leur
décision. Si vous étiez à leur place, que c'était vous qui aviez
signé et que quelques autres communautés venaient nous rencontrer,
que penserait alors votre communauté? Je pense bien que vous
n'apprécieriez guère.
M. John Bryden: Je veux aussi revenir sur une remarque de M. Orkin. Il ne s'agit pas ici de référendum, mais bien de la décision des dirigeants des diverses bandes qui ont décidé d'appuyer les accords. Voilà maintenant que votre groupe et d'autres groupes provenant d'autres communautés veulent qu'on passe outre à cette décision.
Le vice-président (M. John Finlay): Pouvons-nous obtenir une réponse à la question? Si non, je vais lever la séance. Je ne veux toutefois pas qu'on revienne sans cesse sur cette question des référendums—tant qui ont voté pour, tant qui ont voté contre. Ce n'est pas là ce qui nous intéresse. Ce qui nous intéresse, c'est d'aller de l'avant et de donner aux Autochtones du Canada une plus grande responsabilité, de leur permettre d'avoir davantage leur mot à dire quant à leur avenir. Voilà ce qui nous intéresse.
Pouvons-nous obtenir une réponse d'une seule phrase? Rita.
Mme Rita Monias: Je crois pouvoir répondre à cela. La NCP et les autres communautés qui ne sont pas considérées comme autonomes doivent rendre des comptes au ministre des Affaires indiennes et du Nord. Or, nous ne voulons pas avoir de compte à rendre au ministre, car nous voulons l'autonomie. Nous ne voulons pas d'un ministre qui vienne nous dire quoi faire chez nous, sur notre territoire, car ce droit nous appartient. Nous l'avions bien avant que nous ayons de contacts avec les Européens. J'espère que cela répondra à votre question.
Le vice-président (M. John Finlay): Cela répond en partie à la question, sauf que le projet de loi ne vous concerne pas. Vous n'y êtes pas mentionnés et vous n'avez pas à accepter l'accord cadre de mise en oeuvre si vous ne le voulez pas. C'est à vous d'en décider.
La séance est levée.