FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 4 février 2003
¹ | 1530 |
La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)) |
M. Jack Smit (président, comité de direction, Centrale des caisses de crédit du Canada) |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
La présidente |
M. Robert Ascah (vice-président, « ATB Financial (Alberta Treasury Board) ») |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
La présidente |
M. Gary Seveny (président et chef de la direction, CS CO-OP (Services financiers communautaires)) |
º | 1600 |
º | 1605 |
La présidente |
M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne) |
º | 1610 |
La présidente |
M. Jack Smit |
M. Richard Harris |
La présidente |
M. Wayne Nygren (directeur, Comité de direction et président, Comité consultatif sur les affaires législatives, Centrale des caisses de crédit du Canada) |
º | 1615 |
La présidente |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
La présidente |
Mme Madeleine Brillant (vice-présidente, Affaires de l'entreprise, CS CO-OP (Services financiers communautaires)) |
La présidente |
Mme Joanne De Laurentiis (présidente et directrice générale, Centrale des caisses de crédit du Canada) |
º | 1620 |
M. Pierre Paquette |
M. Gary Seveny |
La présidente |
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.) |
M. Jack Smit |
º | 1625 |
La présidente |
M. Wayne Nygren |
M. Bryon Wilfert |
M. Wayne Nygren |
M. Bryon Wilfert |
M. Wayne Nygren |
º | 1630 |
M. Bryon Wilfert |
M. Wayne Nygren |
La présidente |
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.) |
M. Robert Ascah |
M. Roy Cullen |
M. Jack Smit |
M. Roy Cullen |
M. Jack Smit |
º | 1635 |
M. Roy Cullen |
M. Jack Smit |
La présidente |
M. Gary Seveny |
La présidente |
Mme Joanne De Laurentiis |
La présidente |
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD) |
M. Jack Smit |
º | 1640 |
M. Lorne Nystrom |
M. Jack Smit |
M. Gary Seveny |
M. Lorne Nystrom |
º | 1645 |
M. Gary Seveny |
La présidente |
M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.) |
M. Robert Ascah |
M. Shawn Murphy |
M. Robert Ascah |
M. Shawn Murphy |
º | 1650 |
M. Wayne Nygren |
La présidente |
Mme Joanne De Laurentiis |
La présidente |
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.) |
º | 1655 |
M. Wayne Nygren |
Mme Sophia Leung |
M. Wayne Nygren |
Mme Sophia Leung |
M. Wayne Nygren |
Mme Sophia Leung |
M. Wayne Nygren |
Mme Sophia Leung |
La présidente |
M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne) |
» | 1700 |
M. Robert Ascah |
M. Rick Casson |
M. Robert Ascah |
M. Rick Casson |
M. Gary Seveny |
» | 1705 |
La présidente |
Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.) |
La présidente |
Mme Joanne De Laurentiis |
» | 1710 |
M. Wayne Nygren |
Mme Maria Minna |
M. Wayne Nygren |
Mme Maria Minna |
M. Wayne Nygren |
La présidente |
M. Gary Seveny |
Mme Maria Minna |
La présidente |
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.) |
» | 1715 |
La présidente |
M. Wayne Nygren |
M. Ivan Grose |
La présidente |
M. Roy Cullen |
» | 1720 |
La présidente |
M. Gary Seveny |
M. Roy Cullen |
M. Gary Seveny |
M. Roy Cullen |
La présidente |
M. Wayne Nygren |
La présidente |
M. Robert Ascah |
La présidente |
Mme Joanne De Laurentiis |
» | 1725 |
La présidente |
CANADA
Comité permanent des finances |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Bon après-midi, mesdames et messieurs.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions les répercussions en matière d'intérêt public de la fusion des grandes banques.
Nous avons avec nous Joanne De Laurentiis, présidente et directrice générale de la Centrale des caisses de crédit du Canada; Wayne Nygren, directeur du Comité de direction, président du Comité consultatif sur les affaires législatives et président et directeur général de la Centrale des caisses de crédit de Colombie-Britannique; et Jack Smit, président du Comité de direction et président et directeur général de la coopérative de crédit de Saint-Willibrord. Je crois savoir que vous devez quitter vers 17 heures, alors nous vous excuserons à ce moment-là. Nous avons également Robert Ascah, vice-président de la Planification corporative au Alberta Treasury Board Financial, ainsi que Gary Seveny, président et chef de la direction de la CS Co-Op, Services financiers communautaires, et Madeleine Brillant, vice-présidente des Affaires de l'entreprise. Je vous souhaite la bienvenue à tous.
Nous allons commencer par la Centrale des caisses de crédit du Canada. L'exposé sera fait par M. Smit. Nous allons suivre l'ordre établi dans le programme. Tous les témoins effectueront leur exposé avant que nous passions aux questions.
Allez-y, monsieur Smit.
M. Jack Smit (président, comité de direction, Centrale des caisses de crédit du Canada): Je vous remercie, madame la présidente, ainsi que les membres du Comité permanent des finances, de me donner l'occasion de témoigner devant vous. Nous sommes en faveur de ces audiences et nous espérons que nos commentaires d'aujourd'hui aideront le comité dans ses délibérations.
Avant d'aborder la question des fusions bancaires et de l'intérêt public, je vais d'abord informer brièvement le comité de la situation actuelle du système coopératif financier. Comme vous le savez peut-être déjà, le système coopératif financier est très vaste et très complexe. À l'extérieur du Québec, il comprend environ 641 coopératives de crédit et caisses populaires affiliées qui exploitent près de 1 830 succursales. Les actifs combinés de ces coopératives de crédit s'élèvent à 65 milliards de dollars. Le système offre aussi des services de gestion de patrimoine par le truchement du groupe Credential, qui est bien connu pour ses fonds éthiques, la première génération de fonds communs socialement responsables au Canada. Nos produits d'assurance sont offerts par l'entremise du groupe CUMIS et du groupe Les Coopérants. Les produits et services de fiducie et de prêt sont offerts par le truchement de la Co-operative Trust Company of Canada.
Le nombre de membres continue de grimper. Nous avons actuellement près de 4,6 millions de membres. En outre, les Caisses Desjardins, le système de coopératives de crédit québécois, a un actif de près de 85 milliards de dollars et plus de 5 millions de membres. Il est connu que le Canada détient le nombre de membres le plus élevé par habitant dans le secteur des services coopératifs financiers.
Comme vous le savez, les gouvernements provinciaux sont les principaux organes de réglementation des coopératives de crédit du Canada. Les participants clés au niveau provincial sont les neuf centrales provinciales, qui ont pour tâche de gérer les liquidités de notre système dans leur province respective et en même temps d'assumer des fonctions d'association professionnelle. La Centrale des caisses de crédit du Canada est l'association professionnelle nationale et l'entité financière centrale. Nous sommes assujettis à la Loi sur les associations coopératives de crédit.
Le système coopératif financier, comme les banques commerciales, offre une gamme complète des services financiers aux Canadiens. Cependant, il se distingue du fait que les clients des coopératives de crédit en sont également les membres et les propriétaires. Le système des coopératives de crédit fonctionne en s'appuyant sur des principes et des valeurs axés sur la participation démocratique des membres à la gestion et un engagement envers les collectivités au sein desquelles les coopératives de crédit sont établies. Du fait qu'elles appartiennent à leurs clients, les coopératives de crédit sont tout spécialement à l'écoute des besoins et des aspirations de leurs clients. En fait, dans 330 collectivités au Canada, à l'extérieur du Québec, les coopératives de crédit constituent les seules institutions financières.
Quant au sujet à l'étude aujourd'hui, nous avons un certain nombre de commentaires à formuler en ce qui concerne les fusions bancaires et le lien avec l'intérêt public.
Premièrement, la Centrale des caisses de crédit du Canada considère les fusions dans le secteur des services financiers comme une stratégie d'entreprise légitime susceptible de donner de bons résultats pour les consommateurs et les institutions financières. À cet égard, nous ne faisons pas la distinction entre les fusions touchant de grandes institutions et celles visant de petits établissements. Dans notre système, les fusions sont régulières et jouent un rôle important dans l'amélioration de notre capacité à servir nos membres. Entre 1990 et 2001, le nombre total de coopératives de crédit et de caisses populaires est passé de 2 700 à 1 772 en raison de fusions, et cette tendance se poursuit. Récemment, la fusion de la Coast Capital Savings Credit Union et de la Surrey Metro Savings Credit Union, en Colombie-Britannique, a donné naissance à la plus grande coopérative de crédit au Canada, pour le nombre de ses membres, 300 000, et à la deuxième, pour ses actifs, environ 6 milliards de dollars. À l'heure actuelle, une très importante fusion est en cours de réalisation entre la Credit Union Central of British Columbia et la Credit Union Central of Ontario. Ces deux centrales projettent de créer une entité financière combinée qui réalisera d'importantes économies d'échelle pour les activités des coopératives de crédit en Colombie-Britannique et en Ontario. L'entité, connue pour le moment sous le nom de Opco, sera en mesure d'accueillir d'autres centrales provinciales qui souhaiteront y adhérer, ce que semble déjà indiquer certaines informations.
¹ (1535)
Les membres du comité connaissent sans doute les forces qui motivent les activités de fusion et de consolidation, qui s'appliquent également au secteur coopératif financier. Les fusions aident les institutions financières à faire face aux marges qui diminuent, aux coûts d'exploitation qui montent et aux coûts de la technologie croissants. Les coopératives de crédit, comme les banques, sont continuellement forcées de trouver des moyens de réduire leurs coûts, en utilisant leurs ressources de manière plus efficiente et en étalant ces coûts sur une clientèle plus large. Les fusions permettent également aux coopératives de crédit d'élargir la gamme de services qu'elles offrent à leurs membres.
Bref, la Centrale des caisses de crédit du Canada considère les fusions d'institutions financières comme une stratégie d'entreprise légitime et viable susceptible de profiter à la fois aux clients et aux institutions financières. Par conséquent, cette stratégie d'entreprise devrait être permise dans l'ensemble du système financier canadien, y compris le système bancaire.
Deuxièmement, les fusions de grandes banques devraient être étudiées attentivement dans l'optique de la politique de concurrence administrée par le Bureau de la concurrence du Canada. Nous croyons que cette politique permet d'évaluer l'incidence d'une fusion proposée de grandes banques et de déterminer les changements à apporter pour protéger le niveau de concurrence de base dans certains marchés. Bien sûr, toute fusion proposée doit aussi satisfaire aux règles de prudence établies par le Bureau du surintendant des institutions financières.
Notre troisième point concerne l'équilibre concurrentiel au sein du système financier canadien. Pour ce qui est des critères relatifs à l'intérêt du public, la Centrale des caisses de crédit du Canada est très soucieuse de la question. Nous estimons que, dans le cas de la fusion de grandes banques, il faut examiner si un solide second niveau d'institutions financières existe pour faire contrepoids au pouvoir des grandes banques. Cela est nécessaire pour garantir que les consommateurs disposent de réelles solutions de rechange pour l'achat des services financiers au détail. Selon nous, pour garantir cet équilibre concurrentiel, le gouvernement fédéral doit continuer de prendre des mesures pour accroître la capacité des institutions financières coopératives de faire concurrence aux grandes banques. Ainsi, nous croyons qu'il est important d'examiner la mesure dans laquelle un second niveau d'institutions financières s'est développé au Canada ou est en train de le faire.
Le comité a certes joué un rôle important dans l'adoption de projets de loi récents présentés par le gouvernement fédéral en vue de réformer le système financier. Comme vous le savez, le projet de loi C-8 fait en sorte qu'il soit plus facile de constituer de nouvelles banques en sociétés. Lors de révisions antérieures de la Loi sur les banques, on a également prévu des initiatives destinées à créer davantage d'institutions bancaires pour répondre aux besoins des consommateurs canadiens. Cependant, ces tentatives de favoriser un solide second niveau d'institutions financières ont très peu réussi jusqu'à maintenant. Les filiales de banques étrangères constituées en sociétés depuis 1980 ont très peu amélioré la concurrence sur le marché des services financiers de détail. Des modifications récentes ont permis à ces filiales de banques étrangères de réduire leurs activités au Canada en devenant des succursales de banques étrangères, ce qu'ont choisi de faire certaines d'entre elles. De même, les banques canadiennes indépendantes créées ces dernières années, n'ont pas eu de grand effet sur le marché du détail. Un certain nombre d'autres banques appartiennent à des institutions financières non bancaires, dont deux coopératives de crédit. Cela met en évidence le fait que l'important second niveau d'institutions financières ne puise pas ses racines dans le secteur bancaire. Peu d'éléments indiquent que cette situation changera sous peu.
¹ (1540)
La Centrale des caisses de crédit du Canada croit que seul le secteur financier coopératif a, au Canada, la capacité de faire office de second niveau d'institutions financières envisagé dans le livre blanc du gouvernement fédéral. Pour ce qui est des membres, de la présence sur le marché de détail, des actifs et de la gamme de produits et services, aucune autre catégorie d'institutions financières n'a, à l'heure actuelle, au Canada, la capacité d'offrir une véritable solution de rechange aux grandes banques ou aux mégabanques issues d'une fusion. Nous félicitons le gouvernement fédéral pour les efforts qu'il a déployés dans le projet de loi C-8 dans le but de doter le réseau de nouveaux moyens de faire concurrence aux banques commerciales. Toutefois, nous estimons que le gouvernement fédéral devrait s'engager davantage auprès du secteur financier coopératif au Canada et capitaliser sur les efforts récents afin de renforcer la capacité du réseau coopératif de faire concurrence.
Le gouvernement fédéral peut prendre différentes mesures pour assurer l'équilibre concurrentiel. Premièrement, il peut adopter dans les plus brefs délais un règlement sous le régime de la Loi sur les associations coopératives de crédit, comme le propose le projet de loi C-8, afin de terminer les changements autorisés par ce dernier. Deuxièmement, il peut poursuivre le processus de consultation avec des représentants du système financier coopératif pour faire progresser l'élaboration d'une loi fédérale sur les banques coopératives. Troisièmement, il peut adopter les mesures législatives et réglementaires qui permettront des initiatives comme la fusion de la Credit Union Central of British Columbia et de la Credit Union Central of Ontario, des mesures qui accroîtront notre capacité de concurrencer les grandes banques. Mon collègue, M. Nygren, aide à mener cette fusion. Je serai ravi de donner plus de renseignements au sujet de cette fusion lors de la période de questions qui suivra.
La Centrale des caisses de crédit du Canada croit que ces mesures devraient être entreprises sans retard. Nous sommes très encouragés par la réponse que nous avons reçue du ministère des Finances à cet égard. Les conditions de concurrence qu'engendrerait une fusion de grandes banques existent déjà sur le marché des services financiers. Les grandes banques deviennent de plus en plus grandes, même en l'absence de fusions, et le besoin de réaliser des économies de coûts et d'échelle se fait sentir actuellement dans le réseau des coopératives de crédit. Il ne faut pas oublier que les changements législatifs et réglementaires même mineurs prennent beaucoup de temps à se concrétiser. Par exemple, le règlement visant à développer les amendements énoncés dans le projet de loi C-8 est encore en cours de rédaction.
Pour conclure, j'aimerais récapituler la position que nous avons décrite aujourd'hui. La Centrale des caisses de crédit du Canada appuie les fusions, y compris les fusions de grandes banques, qu'elle considère comme une stratégie d'affaires légitime susceptible d'être avantageuse pour les consommateurs et les institutions financières. Toute fusion doit être conforme à la politique canadienne sur la concurrence et aux règles de prudence établies par le Bureau du surintendant des institutions financières. Enfin, le gouvernement fédéral devrait sans tarder favoriser un équilibre concurrentiel au sein du système financier canadien, en renforçant la capacité du secteur coopératif d'opposer une concurrence aux grandes banques. Cela permettra de faire en sorte que les Canadiens continuent d'avoir accès à des services financiers au détail et bénéficient d'un choix de services.
La Centrale des caisses de crédit du Canada remercie encore une fois le Comité permanent des finances de la Chambre des communes de l'avoir invitée à présenter son point de vue sur cette question très importante. Nous serons ravis d'en dire plus long au sujet des recommandations que nous avons formulées. Vos questions sont les bienvenues. Merci.
¹ (1545)
La présidente: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à Robert Ascah, de ATB Financial.
M. Robert Ascah (vice-président, « ATB Financial (Alberta Treasury Board) »): Madame la présidente, membres du comité, ATB Financial est heureuse d'avoir la possibilité de présenter sa position au comité en ce qui a trait aux fusions bancaires et à l'intérêt public.
Avant d'aller plus loin, j'aimerais cependant apporter deux précisions. Premièrement, mes commentaires représentent la position de la haute direction de ATB, et non celle de son actionnaire, le gouvernement de l'Alberta. De plus, je n'aborderai pas la question de la participation de l'État.
Ma présentation est divisée en quatre parties. Premièrement, je ferai un bref survol historique de ATB Financial pour aider le comité à comprendre notre point de vue. Deuxièmement, je décrirai certains des principaux éléments de la conjoncture actuelle du secteur des services financiers que nous jugeons essentiels à la compréhension du contexte de cette importante question stratégique. Troisièmement, je traiterai des quatre éléments du critère de l'intérêt public que le comité doit étudier. Quatrièmement, je présenterai certaines caractéristiques que devrait posséder la politique sur les fusions ainsi que des éventuelles sources de concurrence advenant que les fusions de grandes banques soient autorisées.
Lors des élections provinciales de 1935, William Aberhart remporte une victoire écrasante aux dépens des United Farmers of Alberta. Lorsque Aberhart entre en fonction, le trésor public est à sec, à un point tel que l'administration provinciale risque d'être incapable de verser les salaires des fonctionnaires. L'administration fédérale lui avance des crédits pour qu'elle puisse respecter ses engagements. Cependant, comme l'Alberta s'oppose à la création d'un conseil du crédit, l'administration fédérale cesse de lui apporter son soutien financier. Ainsi, le 1er avril 1936, l'Alberta est devenue la seule province à se retrouver en défaut de paiement de sa dette. Cette situation amène le gouvernement albertain à se radicaliser et à adopter une série de lois qui visent principalement le secteur bancaire. La plupart des mesures législatives font l'objet d'un report de la sanction royale de la part du lieutenant- gouverneur, sont désavouées par le cabinet fédéral ou sont déclarées inconstitutionnelles par les tribunaux. Reconnaissant que l'octroi des crédits est au coeur de son programme, le gouvernement albertain demande une charte bancaire à son homologue fédéral, qui lui oppose un refus. En 1938, le gouvernement albertain adopte la Treasury Branches Act, une loi qui restera en vigueur sans être modifiée en profondeur jusqu'en 1995.
Les années 1980 constituent une période critique pour ATB, la chute des coûts pétroliers provoquant une crise économique. Durant cette période, les banques ont réduit la liquidité du système, la valeur des prêts ayant diminué de 20 p. cent. Au cours de la même période, ATB, a accru sa part de marché et noué des liens solides avec sa clientèle de toute envergure. Nombre de nos clients nous disent encore «Sans ATB, nous ne serions plus là».
En 1996, la Treasury Branches Act Amendment a été promulguée. Cette loi prévoyait la création d'un conseil d'administration chargé de gérer les activités de ATB. Voici certaines des directives qui ont été définies par le trésorier provincial de l'époque. ATB appliquera des principes de saine gestion bancaire et commerciale et ne sera pas un prêteur de dernier recours. ATB continuera de desservir toutes les régions de la province. ATB optimisera les profits en assurant aux clients une juste valeur et en répondant aux besoins des Albertains sans nuire à la rentabilité. ATB se spécialisera dans les services aux PME, aux agriculteurs et aux consommateurs. ATB sera indépendante de l'administration provinciale.
En 1997, au terme de la refonte de la loi régissant ses activités, ATB est devenue une société d'État. Depuis 1997, ATB est rentable et a enregistré près de 900 millions de dollars de bénéfices non répartis. Nous avons un profil de risque modéré avec environ le tiers de notre actif sous la forme d'hypothèques résidentielles et de prêts à la consommation. Le reste des prêts est réparti à peu près également entre les prêts commerciaux, les prêts agricoles et les prêts aux entreprises indépendantes. À l'instar des autres institutions financières soucieuses de demeurer pertinentes pour leurs clients, ATB a lancé une plate-forme de gestion de fortune à la fois pour répondre aux besoins de sa clientèle vieillissante et pour réduire sa dépendance vis-à-vis de revenus générés par la marge d'intérêt.
Le comité s'intéressera peut-être en particulier à notre réseau de succursales et de bureaux en région rurale. Cent quatre de nos cent quarante-cinq succursales sont situées en dehors des régions métropolitaines d'Edmonton et de Calgary. Les deux-tiers environ de nos opérations de dépôt et de crédit sont le fait de notre réseau rural. Outre nos succursales, nous distribuons nos services aussi par le truchement de 132 bureaux administrés par des courtiers d'assurance, des épiceries, des agences de voyage et qui offrent principalement des services de prise de dépôts, d'encaissement de chèques et de demandes de crédit. Nous n'avons fermé aucune succursale rurale et avons convenu avec la province que nous l'avertirons avant de fermer un bureau ou une succursale.
¹ (1550)
Les choses ont tant évolué depuis le débat de 1998 sur les fusions de banques que la nature du débat s'en trouve changée. Aux États-Unis, les restrictions qui maintenaient la séparation des fonctions de banques d'investissement, de banques commerciales et de banques inter-États ont été supprimées. L'Europe, quant à elle, est passée à un marché unique des services financiers. Par ailleurs, la mondialisation des marchés financiers s'est accentuée en raison de la tendance à la normalisation ou l'harmonisation des principes comptables, des règles en matière de suffisance du capital et des exigences en matière de divulgation. Au Canada, certains considèrent les banques comme des entreprises de services publics.
Au sujet des lignes directrices sur les fusions de banques et l'intérêt public, dont nous discutons aujourd'hui, mes commentaires correspondent aux points soulevés par le ministre dans sa lettre du 24 octobre.
Il importe de noter que les questions d'accès en 2003 sont sensiblement différentes des questions d'accès en 1938, voire même en 1998. Nous offrons des services bancaires par téléphone, un centre de contact avec le client, des services bancaires par Internet, un service de cartes de débit et plus de 200 guichets automatiques. En décembre dernier, 82 p. 100 des transactions ont été effectuées par voie électronique. Le mois dernier, pour la première fois, les transactions par téléphone sont passées derrière les transactions par Internet.
Les autres aspects de l'accès aux services concernent l'aptitude du public à obtenir des services bancaires, à savoir un compte de transactions. Le gouvernement fédéral a récemment publié l'ébauche d'un règlement sur les conditions dans lesquelles les consommateurs ont droit à des services bancaires. C'est là une étape importante dans la recherche du juste milieu entre les droits des consommateurs et les préoccupations légitimes des institutions financières relativement à la fraude.
La distinction entre les petites et les grandes entreprises emprunteuses est importante parce que les grandes sociétés peuvent emprunter directement sur les marchés financiers. Ces grandes sociétés ont accès non seulement aux banques canadiennes, mais aussi aux banques et marchés financiers étrangers. Un sondage réalisé en 2000 par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a permis de constater que ATB avait la plus forte part de marché déclarée en Alberta. Nous avons actuellement un encours de prêts de 1,6 milliard de dollars. Nous considérons que l'engagement dans un marché à long terme revêt une importance critique. C'est un secteur profitable pour nous, et les considérations géographiques, de même que les bonnes pratiques commerciales, nous forcent à travailler avec nos clients pour répondre à leurs besoins. C'est à peu près la même chose en ce qui concerne notre portefeuille agricole.
Je vais passer outre les possibilités à long terme pour parler un peu des questions d'adaptation et de transition.
D'un point de vue financier, il est important de s'interroger sur les conséquences de l'intervention gouvernementale sur les aspects financiers d'une fusion. Il faut se rappeler que les actionnaires s'attendent à des économies. La mesure dans laquelle la persuasion ou la réglementation empêchera les banques de rationaliser leurs opérations pourrait compromettre les avantages potentiels d'une fusion. Si le gouvernement estime par exemple qu'au plus 10 000 emplois devraient être éliminés, il doit le faire savoir par la voie d'une politique.
Il existe deux attributs d'une bonne politique sur les fusions. Le premier est la transparence. Les institutions doivent être bien informées au sujet des conditions quant à la concurrence, à la solidité financière et à l'intérêt public. Par exemple, comment définit-on un accès adéquat? Quelles pertes d'emplois sont acceptables? Le deuxième est la prévisibilité. Les entités qui se proposent de fusionner doivent avoir l'assurance de fortes chances de succès si tous les critères énoncés dans les lois, règlements et politiques sont respectés.
Pour ce qui est des sources de concurrence, je vais m'attarder surtout au secteur des institutions de dépôt. En l'absence d'assouplissement des restrictions relatives à la propriété, il est peu probable qu'on verra une concurrence importante de la part d'institutions étrangères. Il serait peut-être politiquement difficile de faire accepter la vente d'une des grandes banques à une banque étrangère, mais si les grandes banques étrangères se portaient acquéreurs d'une part importante du réseau de succursales d'une banque donnée, il serait alors possible de maintenir le niveau de concurrence actuel, voire de l'accroître.
¹ (1555)
Je ne parlerai pas des coopératives de crédit, car elles sont très bien représentées aujourd'hui.
Les petites institutions financières, comme la Banque Canadienne de l'Ouest, PC Financial, la Banque Laurentienne et la nouvelle Bank West, offrent des services intéressants à leurs clients. Cependant, elles ont besoin d'avoir accès à un capital important pour se tailler une place intéressante sur le marché. L'achat de succursales de la Banque Scotia par la Banque Laurentienne, de succursales de la Banque de Montréal dans l'ouest du Canada par les caisses de crédit et de succursales de la Banque Laurentienne par la Banque Canadienne de l'Ouest témoigne de l'existence d'une demande à l'égard de l'actif et des passifs-dépôts des grandes banques. La libéralisation de la propriété des institutions financières prévue dans le projet de loi C-8 permettrait à une petite institution d'être rachetée par une plus grande, qui pourrait alors fournir le capital nécessaire à l'acquisition de succursales.
Enfin, ATB Financial offre depuis longtemps une foule de services financiers de rechange à des prix compétitifs aux Albertains. Comme je l'ai dit précédemment, nous offrons une gamme de services financiers similaire à celle des caisses de crédit et des banques à charte. En ce qui concerne les fusions de banques, nous serions des acheteurs intéressés. En général, le nombre de succursales dans une région en proportion du nombre total de succursales constitue une bonne approximation de la part du marché. Nous sommes sous-représentés à Calgary et à Edmonton par rapport à notre part de marché dans le reste de la province. En conséquence, ATB verrait dans l'agrément d'un projet de fusion l'occasion d'accroître sa pénétration du marché par l'achat de succursales et d'attirer du personnel et des clients soit par la voie de transactions négociées, soit du simple fait de l'insatisfaction que pourrait susciter une fusion de grande envergure.
Je vous remercie de votre attention. Je serai ravi de répondre à vos questions.
La présidente: Je vous remercie beaucoup.
Nous allons maintenant passer au représentant de la CS CO-OP (Services financiers communautaires). Veuillez commencer.
M. Gary Seveny (président et chef de la direction, CS CO-OP (Services financiers communautaires)): Madame la présidente, membres du comité, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à venir témoigner devant vous cet après-midi pour présenter nos vues concernant l'intérêt public de la fusion de grandes banques canadiennes.
Un secteur financier efficace et compétitif est l'armature d'une économie moderne et dynamique, et il est impératif que le processus d'examen des projets de fusion de banques et le sens attribué à l'intérêt public soient compris aussi clairement que possible. La CS CO-OP offre une perspective quelque peu unique sur la question de la fusion de banques. Nous sommes à la fois clients de deux grandes banques canadiennes et concurrents de toutes les banques dans la fourniture de produits et de services financiers aux Canadiens.
Permettez-moi de commencer par parler de la relation que nous entretenons avec les grandes banques canadiennes en tant que client. La CS CO-OP est une grande coopérative de crédit, mais elle est petite comparativement aux actifs et aux capitaux permanents des cinq grandes banques canadiennes. En raison de cette différence relative, la CS CO-OP compte sur la taille et l'envergure des banques canadiennes pour offrir à ses sociétaires, à ses clients, des produits et services qu'elle ne pourrait pas leur offrir autrement. À titre d'exemple, la CS CO-OP et sa filiale à part entière, la Banque CS Alterna, sont clients de l'une des cinq grandes banques canadiennes, adhérentes au système interbancaire de compensation, pour la compensation et le règlement des paiements de ses sociétaires. Dans notre mémoire, nous mentionnons d'autres arrangements que nous avons avec une ou plusieurs banques.
Lorsqu'il s'agit d'évaluer l'incidence d'une fusion de banques sur l'intérêt public, il est impératif de tenir compte des clients, qu'ils soient des entreprises ou des particuliers. Nous ne pouvons prévoir l'incidence d'un projet de fusion particulier, car les mérites de chaque projet doivent être évalués indépendamment. Toutefois, il nous semble que la fusion de deux ou plusieurs des grandes banques canadiennes pourrait se traduire par des coûts moins élevés pour les institutions financières modestes, qui achètent les services des banques en vue de répondre aux besoins de leurs propres clients. La réduction des coûts pour les clients des banques telle que la CS CO-OP nous permettrait de maintenir des coûts aussi bas que possible pour nos propres clients et de continuer d'offrir une option de rechange concurrentielle. À notre avis, un tel résultat serait dans l'intérêt du public.
Examinons maintenant l'autre côté de la médaille, c'est-à-dire la CS CO-OP et la Banque CS Alterna en tant que concurrents des grandes banques. De ce point de vue, il existe deux facteurs importants liés à l'intérêt public qu'il convient de considérer, à savoir l'importance croissante de la taille et de l'envergure comme déterminants clés de la réussite concurrentielle et les possibilités de croissance pour nous-mêmes et nos concurrents.
En tant que concurrents des grandes banques, nous comprenons les avantages d'augmenter la taille et l'envergure. En fait, la tendance d'augmenter la taille et l'envergure contribue grandement à la consolidation rapide du système des coopératives de crédit, l'un des développements les plus notables de la dernière décennie. L'une des raisons d'augmenter la taille et l'envergure est pour investir dans les nouvelles technologies que les Canadiens exigent de notre part et de la part de nos concurrents. Il est essentiel d'acquérir la taille et l'envergure nécessaires pour que le marché des services financiers canadiens puisse faire concurrence aux entreprises étrangères. Les grandes sociétés multinationales, telles que ING Direct, MBNA, Citibank, GE Capital et General Motors Acceptance Corporation, ont une capitalisation boursière et une envergure énormes. Elles font une concurrence acharnée aux institutions financières canadiennes, petites et grandes.
Il est évident que l'augmentation de la taille et de l'envergure continue de préoccuper le secteur des services financiers canadiens. Faire en sorte que les institutions financières canadiennes aient la taille et l'envergure nécessaires pour soutenir la concurrence dans un marché financier qui s'étend à l'Amérique du Nord et qui se mondialise de plus en plus est une question qui touche profondément l'intérêt public.
º (1600)
Si l'on jette maintenant un coup d'oeil aux opportunités de croissance qu'offrent les fusions de grandes banques, nous croyons être très bien placés pour acquérir des clients et des actifs. En ce qui concerne le premier avantage, certains clients d'une banque nouvellement fusionnée pourraient désirer transférer leur compte à une coopérative ou banque coopérative. Nous croyons que les coopératives offrent un service plus personnel au sein de la communauté locale, avantage notable pour les clients bancaires qui craignent de se perdre dans une très grande institution. CS COOP serait bien placée et heureuse de servir les clients bancaires aliénés. Nous pourrions aussi repérer des opportunités d'acquisition de succursales ou autres divisions commerciales de banques qui fusionnent. Le récent fusionnement de la banque Toronto-Dominion et de Canada Trust illustre ce point. Dans ce cas, des succursales dans les trois marchés en cause ont été vendues et le portefeuille Master Card de Canada Trust a été acheté par une banque concurrente étrangère.
Il ne faut pas sous-estimer l'intérêt potentiel et la capacité du secteur coopératif à se prévaloir de telles opportunités commerciales. Même si ça n'a pas été dans le contexte d'un fusionnement, il convient de se rappeler qu'en 2000, le mouvement des coopératives financières du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta a acquis 48 succursales de la Banque de Montréal. À notre avis, il serait dans l'intérêt public d'examiner comment une fusion de banque pourrait renforcer la concurrence du secteur des services financiers. En outre, dans l'analyse de l'incidence potentielle d'une fusion de grandes banques, il faut considérer les stratégies du gouvernement visant à protéger l'intérêt public par l'augmentation de la concurrence au sein du secteur des services financiers.
Finances Canada étudie en ce moment une initiative stratégique axée sur l'avenir, à savoir, la création d'un nouveau type de banque au Canada, la banque coopérative. CS COOP appuie fermement cette initiative et a fait parvenir à Finances Canada un mémoire écrit détaillé sur le sujet. Je sais que votre comité a manifesté beaucoup d'intérêt pour ce qui est de favoriser la venue de concurrents nationaux dans le secteur des services financiers, y compris le secteur coopératif. En soulevant la question des banques coopératives, nous ne suggérons pas que tous les fusionnements de banques soient interdits jusqu'à ce que la législation autorisant la création de banques coopératives soit adoptée par le Parlement. Au contraire, notre intérêt comporte deux volets. Premièrement, nous désirons souligner que l'analyse concurrentielle relativement à la fusion de banques doit tenir compte des développements concurrentiels futurs. Deuxièmement, nous désirons tenir les députés au courant de cette importante question, vu l'intérêt du Comité des finances de la Chambre des communes à l'égard du renforcement du secteur coopératif et de l'augmentation des choix concurrentiels offerts aux Canadiens.
Pour terminer, je ne veux pas prétendre que nous avons examiné de façon exhaustive tous les facteurs qui pourraient être inclus dans le critère de l'intérêt public, mais nous vous suggérons d'examiner les quatre facteurs suivants: premièrement, la possibilité de coûts réduits en raison d'économies de taille et d'échelle dont les clients commerciaux d'une banque, comme la nôtre, pourraient faire profiter leurs propres clients; deuxièmement, l'utilité de permettre aux institutions financières canadiennes de mieux soutenir la concurrence dans un marché des services financiers qui s'étend à l'Amérique du Nord et se mondialise de plus en plus; troisièmement, la perspective d'opportunités de croissance par l'acquisition de clients et d'actifs d'une banque par un concurrent; et quatrièmement, la possibilité que des initiatives stratégiques du gouvernement—tel que l'établissement de banques coopératives—aient une incidence sur la concurrence dans le marché des services financiers.
CS COOP croit que la fusion de banques ne nuit pas nécessairement aux clients et aux concurrents. En tant que clients et concurrents, nous reconnaissons que les circonstances particulières d'un projet de fusion de banques pourrait entraîner des avantages des deux côtés. J'espère que nous avons présenté des raisons importantes pour justifier un examen approfondi et judicieux de l'intérêt public que représente le fusionnement de banques dans l'avenir. Nous serons heureux de répondre à vos questions. Je vous remercie.
º (1605)
La présidente: Merci.
Nous allons procéder à la première ronde de questions et je crois qu'il nous restera peut-être du temps pour une deuxième ronde.
Monsieur Harris vous avez sept minutes.
M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de vos excellents exposés.
Compte tenu du mandat de ce comité qui consiste à examiner la question du meilleur intérêt public, l'une des préoccupations les plus grandes, comme on nous l'a déjà dit, viendra des groupes de consommateurs. Ils s'inquiéteront d'une diminution de l'accès aux services bancaires personnels, surtout au niveau du marché de détail. Nous avons aussi entendu, et nous les entendrons sans doute encore, les clients commerciaux, les PME plus particulièrement, s'inquiéter de l'effritement de la disponibilité des prêts que demandent les PME, inférieurs à un million de dollars, mais plus particulièrement jusqu'à 250 000 $. Si j'ai bien compris vos exposés et celui qu'a présenté hier la Banque nationale du Canada—et nous entendrons des représentants de HSBC cette semaine—vous êtes prêts à combler l'écart que créeront les fusions qui vous offrent l'occasion de prendre de l'expansion. En ce qui a trait à l'accès des consommateurs aux services bancaires personnels et à l'accès des PME aux prêts, il me semble que vous considérez en fait ces préoccupations comme des occasions qui s'offrent à vous pour prendre de l'expansion et que la meilleure façon de le faire n'est-elle pas les succursales bancaires qui pourraient se retrouver vides suite à une rationalisation découlant d'une fusion et même, comme nous l'avons vu, pas nécessairement par l'entremise de fusions? Je suppose que ce que vous voulez dire c'est que vous pouvez jouer un rôle important au chapitre de l'intérêt public qui fait l'objet de notre examen.
Ce que nous voulons savoir c'est dans quelle mesure vous êtes prêts à profiter des opportunités que peuvent entraîner les fusions des grandes banques dans notre pays, dans quelle mesure vous êtes capables et désireux de le faire.
º (1610)
La présidente: Monsieur Smit.
M. Jack Smit: Je pense qu'il y a 71 ou 72 succursales bancaires où le système des coopératives de crédit a comblé un écart en les reprenant et en profitant de ces opportunités. J'ai dit plus tôt dans mon exposé que dans 330 collectivités d'un bout à l'autre du pays nous sommes la seule institution financière, et ce nombre augmente au fur et à mesure que les banques s'en retirent. Nous avons donc à coup sûr prouvé notre bonne volonté et nous continuerons de le faire.
Vous avez soulevé la question des PME. Il s'agit à coup sûr une préoccupation. En fait, il s'agit d'un des secteurs où la croissance est la plus rapide dans le secteur coopératif. Il est certain que dans l'ouest du Canada, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan de même qu'au Manitoba nous sommes très présents sur le marché des PME. Nous ne le sommes peut-être pas autant en Ontario, mais j'aimerais signaler que depuis 1997 nous y avons augmenté de 65 p. 100 notre part du marché des PME. Il s'agit donc aussi, assurément, d'une très forte croissance du marché. Pour ce qui est de l'Atlantique, nous représentons presque 12 p. 100 du marché des prêts des PME par rapport aux clients que nous desservons. Vous trouverez ces renseignements dans le mémoire que nous avons présenté au comité. Vous y trouverez également certaines statistiques intéressantes à cet égard.
Nous sommes tout à fait disposés à sauter dans ce marché et à combler l'écart, mais pour ce fait nous avons besoin d'une loi habilitante et c'est, je crois, ce que je fais ressortir. Il y a la fusion impliquant La British Columbia Central Credit Union; Wayne en est le président et le PDG et je siège au conseil d'administration de l'Ontario Central Credit Union. Nous sommes donc très impliqués. Tous les aspects commerciaux sont en place. Ce dont nous avons besoin maintenant, c'est d'une législation qui nous permettra de le faire. Il nous faut des lois tant au niveau fédéral que provincial.
M. Richard Harris: J'ai cru comprendre que l'ancien ministre des Finances était très favorable à l'adoption de cette loi habilitante.
La présidente: M. Nygren voulait dire quelque chose.
M. Wayne Nygren (directeur, Comité de direction et président, Comité consultatif sur les affaires législatives, Centrale des caisses de crédit du Canada): Permettez-moi d'aborder la question d'un angle différent. Je crois que le secteur bancaire au Canada comporte deux volets: le marché urbain et le marché rural. Le marché urbain se prendra certainement en charge lui-même. C'est le marché rural qui, selon moi, devrait nous inquiéter davantage. Alors que les banques ferment ou fusionnent, elles ont tendance à abandonner le marché rural. C'est là où nous avons la capacité d'intervenir et où nous l'avons fait par le passé, partout dans les Prairies, dans le Canada atlantique et, à certains égards, en Ontario. Nous avons été en mesure d'acheter les succursales bancaires à mesure que l'occasion s'est présentée. Je crois qu'ils en sont maintenant venus à la très intelligente conclusion qu'au lieu de fermer ces succursales il valait mieux nous les vendre. Nous acquérons les éléments d'actif et gardons le personnel. Cela leur permet de promouvoir leur image auprès de la population. Les deux parties font une bonne affaire.
Je crois donc que le marché rural prendra soin de lui-même en raison de la présence de coopératives de crédit dans tous ces endroits. Au fur et à mesure que les banques fusionneront, elles quitteront pour ainsi dire ces marchés. Un acheteur se présentera dans ces régions rurales, à savoir le système des coopératives de crédit. Pour ce qui est du marché urbain, je crois que le scénario est différent. En effet, les banques fusionneront et fermeront simplement les succursales étant donné qu'elles sont très près les unes des autres. Les entreprises feront simplement affaire avec une autre succursale de l'organisme fusionné. Le comité doit donc, selon moi, examiner deux scénarios différents. Il doit se demander ce que les services bancaires devraient être et doivent être dans les régions rurales du Canada et ce que devrait être la situation dans les régions urbaines du Canada. En Colombie-Britannique, par exemple, le marché du Lower Mainland n'a rien à voir avec le marché rural à l'extérieur de cette région. Il va sans dire que nous sommes prêts à intervenir dans les régions rurales. Je ne crois pas qu'on nous donnera l'occasion d'intervenir dans le marché urbain parce que d'autres banques le feront ou déménageront leurs clients dans une autre succursale plus proche de la leur lorsqu'elles fermeront celle qui se trouve peut-être à quatre ou cinq coins de rue plus loin. C'est la raison pour laquelle il nous faut disposer de la législation qui nous permettra de mettre en place l'infrastructure dont nous aurons besoin pour nous aider à garder ouvertes les succursales rurales en particulier avec efficience et en maintenant des niveaux de service.
º (1615)
La présidente: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Paquette, s'il vous plaît.
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, madame la présidente.
Merci pour vos présentations. J'en ai malheureusement manqué une partie, mais j'ai pris connaissance des principales recommandations. Je comprends bien l'approche générale des institutions que vous représentez. C'est sûr que quand on est dans le milieu coopératif, on se dit que la fusion des grandes banques va les amener à abandonner un certain nombre de services qu'on pourrait reprendre à son compte et qu'on pourrait donc élargir ses parts de marché sur le plan de la consommation.
Cela dit--et je vous pose la question très largement, parce que vous l'avez abordée dans vos mémoires--, la plupart des organisations de coopération du crédit sont elles-mêmes en réorganisation, en réingénierie. Dans ce contexte, quelles garanties peut-on avoir que le mouvement coopératif sera en mesure, particulièrement dans les localités périphériques et parmi les populations les plus vulnérables, de combler le vide laissé par les disparitions de succursales qui vont inévitablement suivre une fusion bancaire? Comme vous l'avez mentionné dans tous vos rapports, l'objectif d'une fusion bancaire est de faire des économies d'échelle, de dégager une autonomie au plan des fonds pour faire d'autres acquisitions, etc.
J'aurais aimé avoir votre première réaction sur la question suivante. Comment peut-on, comme comité, penser que, dans le cadre d'une réorganisation des services des différents mouvements coopératifs--c'est vrai au Québec et un peu partout--, il y aura effectivement ces substitutions auxquelles vous faites allusion dans vos mémoires et qu'il n'y aura pas, comme on le voit actuellement au Québec--je ne sais pas si c'est le cas dans le reste du Canada--, des guichets automatiques dans des dépanneurs, où on perçoit des frais abusifs d'une population qui n'a accès à aucune forme de services bancaires, coopératifs ou traditionnels?
[Traduction]
La présidente: Aimeriez-vous commencer?
[Français]
Madame Madeleine Brillant.
Mme Madeleine Brillant (vice-présidente, Affaires de l'entreprise, CS CO-OP (Services financiers communautaires)): Membres du comité, ce qui est intéressant dans votre observation, c'est le fait qu'il y a des réorganisations qui, présentement, s'effectuent couramment dans le mouvement coopératif. C'est exact, et vous avez raison de dire que les réorganisations sont d'une certaine ampleur. Ces changements sont assez importants et s'effectuent essentiellement, à l'heure actuelle, au niveau des centrales des credit unions, ce qui n'empêche pas qu'on effectue des fusions ou des acquisitions. Essentiellement, je crois que dans ce contexte, à la suite des représentations de la Centrale des caisses de crédit du Canada, l'assistance que le gouvernement peut fournir afin de faciliter les changements gouvernementaux et législatifs qu'ils demandent peut certainement donner un coup de main à ce processus. Mais dans les affaires, comme vous le savez, surtout dans le domaine des institutions financières, le changement est une réalité quotidienne et des modifications sont effectuées régulièrement, ce qui, à mon avis, n'empêche pas les fusions et les acquisitions de se produire.
[Traduction]
La présidente: Madame De Laurentiis.
Mme Joanne De Laurentiis (présidente et directrice générale, Centrale des caisses de crédit du Canada): J'aimerais faire valoir seulement trois points en ce qui concerne les coopératives de crédit du Canada anglais. Nous ne sommes pas en mesure de faire des observations sur la nature de la restructuration du Mouvement des caisses Desjardins parce que nous ne les représentons pas.
Premièrement, comme l'a dit mon collègue, lorsque vous considérez le nombre de collectivités où il n'y a que des coopératives de crédit au Canada, vous arrivez au chiffre de 330.
Deuxièmement, lorsque vous jetez un coup d'oeil à la structure de gouvernance de la coopérative de crédit prise isolément, vous constatez qu'elle repose sur la collectivité. C'est le membre-propriétaire qui détermine les activités commerciales et donne la direction de cette coopérative de crédit. Il n'y a aucun bureau central ou siège social canadien qui impose aux coopératives de crédit les opérations commerciales auxquelles elles devraient ou non participer. Vous voulez les considérer comme indépendantes et très à l'écoute de la collectivité. Je crois donc qu'à cet égard, il est donc pour ainsi dire structurellement garanti qu'elles protègent les intérêts de ces collectivités.
Troisièmement, lorsque vous examinez la restructuration des sociétés qui a cours, notre principale initiative, à savoir la fusion des centrales de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, vise vraiment à garantir à la plus petite coopérative de crédit prise isolément un fournisseur de produits et services. Nous citerions cela comme preuve de l'engagement et de l'intention de faire en sorte que ces coopératives de crédit, tout particulièrement les petites dans les plus petites collectivités, se voient garantir un fournisseur permanent et fiable de produits et services.
º (1620)
[Français]
M. Pierre Paquette: Dans vos mémoires, je sens aussi en toile de fond, même s'il ne s'agit pas toujours de modifications législatives, la création de banques coopératives. Mais en même temps, dans un des mémoires, celui des coopératives, on dit que cette modification législative ne devrait pas retarder une prise de position en faveur des fusions bancaires. Disons que c'est un petit peu particulier, parce qu'il me semble que si vous tenez à avoir les banques coopératives, le mouvement coopératif devrait demander au gouvernement fédéral d'agir sur le plan législatif pour renforcer le mouvement coopératif avant de permettre aux banques de fusionner et de se délester d'une partie de leurs responsabilités. J'ai trouvé ça dans ce mémoire. Je vous le lis; peut-être allez-vous vous reconnaître:
En soulevant la question des banques coopératives, nous ne suggérons pas que les fusionnements de banques soient interdits jusqu'à ce que la législation autorisant les banques coopératives soit adoptée par le Parlement. |
Ne serait-il pas plus prudent de demander, au contraire, au gouvernement d'accélérer le rythme pour ce dossier-là, avant de bouger sur la question des fusions bancaires?
[Traduction]
M. Gary Seveny: Nous sommes très favorables à des modifications législatives qui permettraient la création de banques coopératives et nous aimerions accélérer le processus, de toute évidence, mais nous ne croyons pas qu'il devrait être assorti de conditions qui empêchent d'autres institutions de poursuivre leurs propres activités. Nous travaillons en toute collégialité avec les comités, le gouvernement, les bureaucrates, les décisionnaires et les organismes de réglementation et nous faisons des progrès. Nous nous sommes rendu compte qu'il n'est absolument pas bénéfique d'adopter une attitude conflictuelle. Nous croyons qu'il vaut probablement mieux collaborer à un processus plutôt que de le ralentir et d'imposer des conditions. Mais il s'agit purement et simplement de notre position en tant que défenseurs de ce changement: nous ne voulons pas empêcher les autres d'exercer leurs activités.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à M. Wilfert qui dispose de sept minutes.
M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur Smit, dans votre exposé vous parlez aux pages 14 et 15 de la nécessité de l'équilibre concurrentiel et, si j'ai bien compris, vous voulez laisser entendre que dans l'intérêt public, nous devons vraiment mettre en place l'infrastructure avant de nous attaquer à la fusion des banques afin de s'assurer que les institutions de second niveau ont une chance raisonnable de progresser. Ai-je bien compris?
Deuxièmement, quels éléments selon vous doivent être mis en place pour que l'intérêt public soit pris en compte, étant donné ce que vous avez dit sur l'équilibre concurrentiel?
M. Jack Smit: Nous disons qu'il est important d'assurer l'équilibre concurrentiel et que, en tant que coopératives de crédit, nous sommes en mesure de combler cet écart. C'est la raison pour laquelle nous demandons que soient adoptées très rapidement les lois que nous revendiquons.
Pour l'instant, nous consacrons toute notre énergie à lever les obstacles qui nous permettraient de fusionner les deux centrales, celle de la Colombie-Britannique et celle de l'Ontario, parce que nous y travaillons depuis environ deux ans et que nous devons clore le dossier. Comme la Colombie-Britannique et l'Ontario représentent bel et bien 65 p. 100 du réseau des coopératives de crédit à l'extérieur du Québec, les deux provinces sont importantes, selon moi. J'estime en outre que nous envisageons qu'il s'agira du mécanisme central national qu'utiliseront les coopératives de crédit. Comme je l'ai dit, d'autres intervenants ont déjà manifesté leur intérêt à se joindre à cette organisation qui nous permettra de renforcer la capacité des coopératives de crédit de soutenir la concurrence, en ajoutant des produits et des services et en offrant des services concurrentiels aux coopératives de crédit dans le domaine des paiements et de la trésorerie de manière à les rendre plus concurrentielles. Sans cette fusion, nous ne pourrons nous mettre en position favorable pour y parvenir.
º (1625)
La présidente: Monsieur Nygren.
M. Wayne Nygren: Permettez-moi simplement de vous exposer le problème. À l'heure actuelle, les coopératives de crédit sont réglementées à l'échelle provinciale. Les centrales, les organismes que nous voulons fusionner, sont réglementées à l'échelle provinciale mais aussi en partie au niveau fédéral. Pour être concurrentiels, nous devons faire en sorte que les centrales soient réglementés par le gouvernement fédéral, c'est-à-dire les faire passer d'un cadre réglementaire provincial à un cadre réglementaire fédéral. Le problème qui se pose, c'est que les coopératives de crédit sont réglementées par le gouvernement fédéral et assurées par la province où elles ont pignon sur rue, que ce soit en Ontario ou en Colombie-Britannique, pourtant leur banquier sera réglementé au niveau fédéral parce que nous devons être en mesure de faire circuler l'argent d'une province à l'autre. Il nous faut être en mesure de bâtir une entité nationale qui permettra de réduire les coûts assumés par le réseau des coopératives de crédit. Elles ne pourront conserver leur indépendance que dans la mesure où nous diminuerons leurs coûts. Si nous ne leur trouvons pas un fournisseur principal qui leur offrira des prix stables et concurrentiels, elles n'auront nulle part aller pour obtenir les services.
Cela ne s'est jamais fait auparavant, à savoir que la province réglemente l'organisation et que l'on demande au gouvernement fédéral de réglementer leur fournisseur, leur banquier. La Colombie-Britannique l'a accepté. Nous faisons à l'heure actuelle du démarchage auprès du ministère des Finances à Ottawa pour qu'il nous permette de le faire. Sans l'assentiment du ministère, nous ne pouvons mener l'entente à bon terme. Nous sommes très satisfaits de l'appui que nous avons reçu du ministère des Finances. Les ministres des Finances ont été très positifs tout comme les gens du ministère. C'est simplement une question de temps. L'entente a été conclue avec les provinces, les membres l'ont approuvée. Il ne nous reste plus qu'a obtenir l'autorité législative. Autrement dit, nous disons qu'avant d'autoriser toutes ces fusions on nous donne la chance de mettre en place notre infrastructure pour que nous puissions au moins soutenir la concurrence des nouvelles entités fusionnées.
Nous donnons simplement suite à ce qu'a dit Harold MacKay dans son rapport à savoir que les coopératives de crédit étaient fondamentalement un réseau dont le rendement laisse à désirer en raison surtout de sa structure opérationnelle.Nous essayons de changer la situation. C'est là le but de la mesure législative, passer d'une compétence provinciale à une compétence fédérale et la province doit être à l'aise avec l'idée que, si le système bancaire est réglementé par le gouvernement fédéral, si nous avons besoin de l'argent en Alberta ou en Colombie-Britannique ou le ramenons en Ontario, les autorisations réglementaires viendront du gouvernement fédéral. C'est le défi que nous devons relever.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. Bryon Wilfert: Vous répondez certes fort bien à ma question. On dirait que la situation est inextricable, mais je pense comprendre que vous voyez quand même de la lumière au bout du tunnel.
M. Wayne Nygren: Cela ne s'est jamais fait avant.
M. Bryon Wilfert: Oui. Ce n'est pas comme le cas de Pacific Western, où une coopérative de crédit est devenue une banque en vertu de la Loi sur les banques—qu'est-ce que cela signifiait dans ce cas?
Monsieur Nygren, vous avez parlé de la différence entre les régions urbaines et les régions rurales, et je veux revenir là-dessus, surtout sur les régions rurales. Dans l'ensemble, je suis d'accord avec ce que vous avez dit au sujet des régions urbaines. On nous a proposé de recommander des seuils numériques précis pour les fusions, surtout pour les régions rurales qui ne doivent pas se retrouver dans une situation de monopole. L'industrie pétrolière est un exemple dans certaines régions du pays, comme dans le Canada atlantique. Nous ne voulons pas nécessairement que cela se produise. Quelle solution recommanderiez-vous surtout pour les régions rurales ou isolées? Je pense au nord du pays qui n'attirera pas nécessairement de nouveaux joueurs et des joueurs étrangers. Comment réglons-nous ce problème en tenant compte de l'intérêt public?
M. Wayne Nygren: Dans les régions rurales du pays, le vide laissé par le départ des banques dans les années 1920 et 1930 a été comblé par les coopératives de crédit et les caisses populaires qui ont fait du très bon travail. Beaucoup de localités sont desservies par des institutions financières comme les coopératives de crédit. Les banques se sont rendu compte qu'il leur valait mieux vendre leurs succursales à quelqu'un d'autre que de simplement les fermer. Nous avons constaté un an et demi après l'achat de 72 succursales bancaires par les coopératives de crédit que c'est maintenant le modèle privilégié par les banques. Et nous serons là. Nous sommes capables de reprendre ces succursales, les employés et les installations pour que les localités aient un service financier sur place. Je pense donc qu'en général, dans les régions rurales du Canada, la fusion des banques n'aura pas d'effet négatif parce qu'il y aura quelqu'un d'autre pour prendre leur place.
º (1630)
M. Bryon Wilfert: Monsieur Nygren, pouvez-vous fournir au comité une analyse très rapide concernant ce que vous avez dit au sujet des 18 derniers mois, qui pourrait nous servir?
M. Wayne Nygren: Nous avons acheté 72 succursales appartenant à différentes banques. Seulement dans ma province, près de 40 localités ont aujourd'hui pour seule institution financière une coopérative de crédit. Nous nous sommes installés là où il n'y avait bien souvent que des banques avant. Ce n'est pas un coup d'argent pour nous. Évidemment, les banques quittent les petites localités parce que ce n'est pas très payant. Au moins, nous sommes là, nous pouvons rentrer dans nos frais, respecter les règlements établis et, surtout, offrir un service aux localités qui n'en auraient pas autrement.
La présidente: Merci beaucoup. Merci, monsieur Wilfert.
C'est maintenant au tour de M. Cullen, pour sept minutes.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente et merci à tous ceux qui ont fait des exposés.
Monsieur Ascah, votre entreprise s'intéresse-t-elle seulement aux débouchés possibles dans la province de l'Alberta, ou envisagerait-elle de s'établir ailleurs?
M. Robert Ascah: La loi en vigueur nous autorise seulement à ouvrir des succursales en Alberta.
M. Roy Cullen: D'accord, merci.
Je pensais que le projet de loi C-8 visait à favoriser la concurrence; on espérait beaucoup pour les coopératives de crédit, et les résultats tardent à venir. Aidez-moi à mieux comprendre quel est le rôle que les coopératives de crédit peuvent jouer dans un milieu plus concurrentiel. Est-ce que cette fusion, par exemple, et certaines des succursales que vous avez achetées à la Banque de Montréal vous donnent les moyens d'offrir des produits et des services à l'échelle nationale? Mme De Laurentiis a dit que les coopératives de crédit étaient par définition des institutions locales, à l'écoute des gens et détenues par eux. Comment est-il possible pour vous d'offrir des produits et des services à l'échelle nationale de façon à ce qu'il y ait plus de concurrence et plus de choix pour les consommateurs canadiens?
M. Jack Smit: Nous sommes différents des banques étant donné que nos membres sont propriétaires, actionnaires des coopératives de crédit et que nous avons des bureaux locaux autonomes. Cela nous donne beaucoup de poids dans les localités où nous sommes établis. Comme M. Nygren l'a dit, ce n'est pas nécessairement le rendement sur nos capitaux propres qui nous motive, mais le service à la clientèle. Certes, nous devons faire des profits pour rester en affaires, mais c'est nécessaire seulement pour disposer d'un capital de base solide et nous développer.
M. Roy Cullen: Êtes-vous résigné à avoir pour rôle—ce qui pourrait être un rôle très important, je n'en doute pas—d'acheter des succursales dans l'ensemble du pays, ou avez-vous pour objectif d'offrir des produits et des services à l'échelle nationale et rendre cela vraiment important?
M. Jack Smit: Nous avons des organisations d'envergure nationale qui offrent des produits et des services à l'échelle nationale. Le Groupe Credential, qui appartient au réseau des coopératives de crédit, offre des fonds mutuels et des services de courtage. La compagnie d'assurance CUMIS est une compagnie nationale, et la Co-operative Trust Company, est une entreprise nationale qui offre des produits et des services de fiducie. Nous avons donc des sociétés capables d'offrir les produits et les services. La fusion entre les centrales de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, à laquelle d'autres provinces devraient se joindre, est un autre moyen pour nous de mettre des produits et des services nationaux à la disposition des coopératives de crédit à l'échelle locale. Nous pouvons assurer la gouvernance à l'échelle locale, avoir un dynamisme local au sein des localités que nous servons tout en ayant les moyens d'offrir des produits et des services nationaux, comme vous l'avez dit.
º (1635)
M. Roy Cullen: Je pensais plus aux services de détail, aux traites bancaires, aux compensations de chèques, à ce genre de choses, où il a mise en commun. Vous pourriez vous orienter en ce sens?
M. Jack Smit: En fait, nous offrons déjà tous ces services. Cette mesure va simplement consolider ces services. Nous avons un vaste réseau d'autoguichets. À vrai dire, les coopératives de crédit ont été, dans certains cas, les premières à offrir différents services financiers de détail.
La présidente: Monsieur Seveny voulait ajouter quelque chose, et ce sera ensuite à Mme De Laurentiis.
M. Gary Seveny: Je pense que nous ne parlons pas seulement de produits et de services, mais de moyens et de la manière de les offrir de façon uniforme, et nous avons tous une vision nationale dans ce cas. Il y a de nombreux projets en cours. La fusion entre les deux centrales va contribuer énormément à nous donner les moyens de réaliser des projets uniformisés. M. Smit a donné de très bons exemples de produits que le réseau des coopératives de crédit offrent à l'échelle nationale, mais nous sommes aussi en train de former des alliances avec d'autres organismes qui peuvent nous permettre d'assurer la distribution dans tous les secteurs dont vous venez de parler et parfois sans que nous ayons à engager de coûts matériels. Si nous parvenons à former ces alliances—qui sont soumises à des règles de confidentialité dans certains cas—nous pourrons desservir les Territoires du Nord-Ouest ou le Nunavut, le Québec et le Nord jusqu'à Terre-Neuve, et les régions éloignées de toutes les provinces de l'Ouest. Un très bon réseau de distribution est en train d'être élaboré pour que nous puissions offrir toutes sortes de services à l'échelle nationale.
La présidente: Merci.
Madame De Laurentiis.
Mme Joanne De Laurentiis: Les coopératives de crédit sont tout à fait capables d'offrir la gamme de services que vous trouvez dans toutes les succursales bancaires. Nous voulons être bien clairs là-dessus. Mais, en plus, par exemple, les coopératives de crédit offrent un autre service sous-jacent au réseau Interac, que vous connaissez bien, qui leur permet de partager des dépôts, ce qui n'est pas encore possible avec le réseau Interac. Il y a plusieurs améliorations de ce genre au sein de notre réseau qui permettent à tous les membres d'une coopérative de crédit de retrouver exactement les mêmes services que ceux qu'ils pourraient avoir dans une succursale bancaire et plus.
La présidente: Merci.
Monsieur Nystrom.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je souhaite moi aussi la bienvenue à tous les témoins.
J'aimerais poser une question aux représentants de la Centrale des caisses de crédit. D'après vos chiffres, en Saskatchewan, 60 p. cent des gens sont membres d'une coopérative de crédit; je pense que c'est à peu près la moitié de la population en Colombie-Britannique et, au Manitoba, cette proportion est d'à peu près 45 p. cent. En Ontario, il n'y a que 14 p. cent des gens environ qui les fréquentent. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous n'êtes pas mieux implanté en Ontario, quels sont vos plans pour essayer d'agrandir le réseau des coopératives de crédit dans cette province, et si la fusion des grandes banques pourrait, oui ou non, avoir une incidence? Vous avez parlé d'acheter des succursales bancaires, et je suis bien au courant du cas de la Banque de Montréal dans les Prairies. S'il y a de grandes fusions, comment voyez-vous l'avenir? Combien de succursales pourraient être disponibles? Et l'Ontario est-elle votre principale cible? Je sais que les caisses populaires ne font pas partie de la Centrale des caisses de crédit, mais combien de Québécois sont membres d'une caisse populaire? Je suis sûr que c'est une majorité de Québécois. Donc, l'Ontario fait bande à part dans le réseau des coopératives de crédit et des caisses populaires du pays. Pourquoi en est-il ainsi, pourquoi leur popularité n'est pas plus grande, et quels sont vos plans futurs?
M. Jack Smit: Quand les banques se sont retirées, dans les années 1920 et 1930, de certains marchés de l'Ouest du Canada, les coopératives de crédit ont consolidé leur part de marché, parce que les gens se méfiaient beaucoup de ce que faisait les banques. L'Ontario a toujours été un fief pour les banques. Les banques ont toujours concentré leurs activités en Ontario, et c'est la raison pour laquelle c'est la province où il est le plus difficile d'implanter des coopératives de crédit. Mais notre part de marché augmente et je pense, comme vous le soulignez, qu'il y a un créneau en Ontario. C'est certes un aspect de notre fusion avec la Credit Union Central of British Columbia, qui a une très grande part de marché et a développé beaucoup de produits et de services pour les coopératives de crédit. Nous espérons donc pouvoir prendre de l'expansion en Ontario. Comme je l'ai dit, les banques continuent de croître, elles se retirent de certaines localités, notamment dans les régions rurales de l'Ontario. Je viens de London, en Ontario, et dans ce district il y a un bon nombre de banques qui ferment. Nous avons donc la possibilité de prendre leur place, surtout dans les localités rurales.
º (1640)
M. Lorne Nystrom: M. Nygren connaît sûrement un peu mes antécédents. Comme Bill Knight, je viens d'une région rurale de la Saskatchewan et j'ai grandi avec les coopératives de crédit, la coopérative et le Syndicat du blé de la Saskatchewan et toute l'idéologie que cela comporte. Pouvez-vous vous implanter en Ontario sans devenir simplement comme toutes les autres banques? Votre énoncé de mission place le service à la clientèle avant les profits, mais pouvez-vous faire une percée importante en Ontario en respectant votre énoncé de mission, sans finir par servir les gens comme le font toutes les autres banques? La culture est différente en Ontario, étant donné que les banques ont tellement d'influence dans la province.
M. Jack Smit: Certes, le milieu concurrentiel, comme vous l'avez dit, est différent en Ontario, mais les principes démocratiques qui nous régissent et les valeurs que nous prônons ne sont pas l'apanage d'une province ou d'une autre; ils sont les mêmes partout. Je pense que ces valeurs vont continuer de nous motiver. Nous pouvons rester autonomes avec un petit groupe de propriétaires, tout en ayant la possibilité, grâce à nos centrales, comme Opco, d'améliorer notre situation concurrentielle en réalisant des économies d'échelle et en offrant plus de produits et de services sur le plan national.
M. Gary Seveny: Monsieur Nystrom, j'aimerais répondre étant donné que nous sommes une coopérative de crédit de l'Ontario qui a établi une banque en octobre 2000 pour élargir nos marchés dans cette province. Notre part de marché ici dans la région de la capitale nationale est intéressante, mais nous devons l'étendre. Notre concurrence avec les grandes banques à charte est vive, et notre part de marché serait d'environ 18 p. 100 dans la région de la capitale nationale, par segment d'activité.
Pour ce qui est de l'énoncé de mission qui place les gens avant les profits, la grande expérience que nous avons acquise au cours des années nous oblige à d'abord et avant tout privilégier la sécurité de nos membres, ce qui veut dire que nous devons d'abord être rentables, réaliser des bénéfices pour avoir un capital de base assurant la vigueur des coopératives de crédit. Il est beaucoup plus difficile pour nous de réunir des capitaux sur le marché public que pour une banque cotée en bourse. Nous devons donc être rentables, mais nous ne réalisons pas de profits comparables aux grandes banques à charte. Il est de notre devoir, pour nos membres et nos investisseurs avertis, d'être rentables, autrement, ils n'auront plus confiance en nous.
M. Lorne Nystrom: Je ne suis pas en désaccord. Vous devez bien sûr être rentables. En fait, Wayne disait que le service à la clientèle est très important dans les petites succursales, mais vous devez être rentables pour rester en affaires. Vous avez peut-être mal compris ce que je voulais dire. Le service aux membres est le premier objectif de la grande mission du mouvement des coopératives de crédit. Vous pouvez avoir une organisation très efficace qui réalise des profits, mais qui ne sont pas excessifs comme ceux de certaines banques peuvent l'être. C'est une idéologie différente, et ce sont les raisons pour lesquelles le mouvement des coopératives de crédit est né il y a longtemps. Vous devez bien sûr être rentables pour rester en affaires, mais il faut se demander quel est le véritable objectif, et je pense que le service à la clientèle est l'objectif fondamental d'une coopérative de crédit.
º (1645)
M. Gary Seveny: Je pense que la réputation que nous avons acquise confirme exactement ce que vous dites. De plus, nous avons gagné la confiance de nos clients dans tous les domaines dans lesquels nous oeuvrons. Vous n'entendez pratiquement jamais parler d'une coopérative de crédit qui quitte une localité. Nous stimulons la confiance. Nos modestes profits, par rapport à d'autres, sont sûrement une raison pour laquelle les gens nous choisissent.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à M. Murphy.
M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je veux tous vous remercier de vos excellents exposés.
Monsieur Ascah, j'ai bien aimé votre mémoire. Votre organisme a certes joué un rôle important dans l'histoire du Crédit social en Alberta. L'Alberta consent des prêts comme aucune autre province ne le fait, par l'entremise des services du Conseil du Trésor de l'Alberta, et je veux examiner pourquoi. Les politiciens et l'argent ne font en général pas très bon ménage, et plus les politiciens ont accès aux grands livres, plus on peut avoir des ennuis. Je pense que vous avez eu certains problèmes à ce sujet au cours des dix dernières années. Beaucoup de gens se demandent pourquoi le gouvernement prête de l'argent. J'imagine qu'il y a des besoins auxquels les ressources financières conventionnelles ne peuvent répondre. C'est la première question que je vous pose, monsieur. Pourquoi le gouvernement de l'Alberta s'occupe-t-il de prêter de l'argent?
M. Robert Ascah: Je ne peux vraiment pas répondre pour l'actionnaire, le gouvernement de l'Alberta. Bien sûr, au cours des dernières années, on s'est demandé pourquoi un gouvernement conservateur transigeait avec une institution financière du secteur privé. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, les agriculteurs ont protesté contre la saisie de leurs exploitations dans les années 1930, et c'est ce qui a permis au gouvernement d'offrir du financement basé sur les dépôts des Albertains. Il est intéressant de remarquer qu'au début, il ne prêtait pas d'argent, mais acceptait des dépôts, et incitait les gens à en faire. Ce n'est qu'en 1941 qu'il a commencé à consentir des prêts.
Pour répondre autrement à votre question, comme je l'ai dit dans mon exposé, le gouvernement a décidé qu'ATB sera indépendante de l'administration provinciale. Donc, sauf pour ce qui est des questions générales et stratégiques ayant trait à notre plan d'entreprise, le gouvernement n'intervient pas. Je peux dire bien clairement que le gouvernement n'a aucun rôle à jouer dans nos activités. Nos normes sur l'ouverture de crédit sont semblables à celles des coopératives de crédit et des banques. Nous surveillons de près nos résultats. Comme je l'ai dit, nous offrons une valeur ajoutée au gouvernement qui est l'actionnaire. Il est bon, je pense, que le conseil d'administration ait à respecter des normes d'intendance et de gouvernance d'entreprise élevées. Notre conseil suit les lignes directrices TSX et nous administrons l'entreprise en nous fondant sur des principes bancaires solides, comme le gouvernement le demande.
M. Shawn Murphy: Avez-vous l'impression de répondre à un besoin qui n'est pas satisfait par les institutions financières existantes dans les régions rurales de l'Alberta?
M. Robert Ascah: Nous sommes sûrement un joueur très important dans les régions rurales de l'Alberta. Nous sommes le plus important organisme prêteur en Alberta dans le secteur agricole. Nous répondons clairement aux besoins de nos déposants et de nos emprunteurs. Nous faisons preuve de prudence.
M. Shawn Murphy: Ma prochaine question s'adresse à M. Nygren et traite de toute la question de la concurrence et de la capacité du réseau des coopératives de crédit de prendre la place des banques s'il y a fusion, surtout dans les régions rurales du Canada. Monsieur Nygren, je crois que vos propos ont visé très juste. Il y a deux aspects, les régions urbaines du Canada, qui vont continuer, je pense, d'être bien servies et de façon concurrentielle par nos banques à charte, et les régions rurales du Canada. Notre mandat consiste à établir des critères d'intérêt public adaptés au monde d'aujourd'hui. D'après vous, s'il y a fusion des banques, le réseau des coopératives de crédit sera là pour les remplacer. Mais comment garantir l'intérêt public? En Ontario d'où je viens, et je ne crois pas que vous y soyez présents, qu'est-ce qui nous garantit que vous prendrez la relève, et comment la population sera-t-elle servie si vous n'êtes pas là, par exemple, quand les banques vont fusionner et vont quitter certaines régions et secteurs? Je crains beaucoup qu'elles abandonnent un certain secteur. Quand on pense à l'intérêt public, ne prenons-nous pas de risques en disant que les coopératives de crédit vont combler le vide? Parce que je peux voir le vide qu'elles vont laisser, comme vous.
º (1650)
M. Wayne Nygren: Dans les régions urbaines, qu'il y ait fusion ou non des banques, je ne pense pas que la concurrence va beaucoup s'en ressentir, parce que le marché est bien servi. Il y a toutes sortes de fournisseurs de services, et probablement plus que nécessaire. Ce sont les régions rurales qui m'inquiètent, et c'est là où nous essayons de combler le vide. Nous l'avons fait par le passé, et nous avons les ressources financières voulues, en bonne partie, pour remplacer les banques dans l'ensemble du pays; nous pensons donc pouvoir nous établir et offrir les services qui sont nécessaires dans ces localités.
La présidente: Madame De Laurentiis.
Mme Joanne De Laurentiis: J'irais encore plus loin en disant que cela dépend beaucoup de la nature des fusions, des institutions concernées, de l'endroit et de l'incidence attendue. Étant donné que nous savons où sont les problèmes, je suis prête à m'engager, au nom du réseau des coopératives de crédit, à travailler avec les organismes de réglementation et le comité parlementaire et à discuter de manière novatrice et concrète de ce que nous pouvons faire. De tout ce qu'ont dit les représentants du réseau des coopératives de crédit, vous aurez certainement retenu qu'il y a un réel désir de combler les vides, où qu'ils soient. Il faudra mener à bien certaines réformes structurelles. À ce propos, je tiens à rappeler que l'aide que nous recevons du ministère des Finances et du BSIF est très encourageante. Nous sommes donc prêts à travailler avec vous à la recherche de solutions pour combler ces lacunes, que ce soit au chapitre des prêts aux petites et moyennes entreprises ou des services offerts dans les différentes collectivités rurales.
La présidente: Je vous remercie beaucoup.
Je cède maintenant la parole à Mme Leung pour sept minutes.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je tiens aussi à remercier tous les témoins car leurs exposés étaient très instructifs.
Je m'intéresse beaucoup à vos coopératives de crédit. Vous avez parlé de la fusion récente entre Surrey Metro Savings et Coastal Capital Savings. Cette nouvelle institution a pris vraiment beaucoup d'ampleur puisque ses actifs s'élèvent maintenant à six milliards de dollars. Par ailleurs, vous anticipez une autre fusion très prochainement. Quel est le résultat de la récente fusion? Avez-vous observé une croissance financière et une augmentation du rendement? Comment avez-vous amélioré les services à la clientèle, un autre critère d'intérêt public?
º (1655)
M. Wayne Nygren: Il y a environ quatre ans, nos coefficients de rendement étaient de 20 à 22 p. 100 inférieurs à ceux des banques. Depuis, nous avons fortement réduit l'écart, en partie grâce aux fusions. Nous devenons beaucoup plus rentables. C'est un vrai défi à relever. Il y a actuellement deux coopératives de crédit en Colombie-Britannique, et toutes les deux comptent plus de 600 000 membres, ce qui représente près de 13 milliards de dollars d'actifs. Elles s'attendent à avoir une centrale forte. Mais nous ne pouvons répondre à leurs besoins financiers. Elles devront emprunter à des banques car elles sont trop grandes pour nous, à moins que nous ayons la possibilité de fusionner les centrales pour combler les besoins de ces coopératives de crédit. Autrement, elles devront demander de l'argent aux banques et utiliser certains de leurs services, ce qu'elles voudraient absolument éviter. Elles n'ont pas le choix parce qu'elles fusionnent et nous, nous sommes aux prises avec ce problème législatif entourant la possibilité d'autoriser les fusions de centrales dans le but d'aider les coopératives de crédit à faire face à la situation.
Mme Sophia Leung: D'accord.
Vous avez dit que vous pouviez déjà compter sur la collaboration des provinces. J'aimerais savoir où en sont vos pourparlers avec le gouvernement fédéral. Comment pouvons-nous collaborer et vous faciliter la tâche?
M. Wayne Nygren: Lorsqu'on a rédigé le projet de loi C-8, on a omis de permettre aux centrales de coopératives de crédit de se constituer en association et de réaliser ce type de fusion. C'est probablement une erreur qui s'est glissée au moment de la rédaction de la mesure législative. On n'a jamais envisagé la fusion de centrales puisqu'on s'est concentré uniquement sur le réseau des coopératives de crédit. Il convient donc de redéfinir certains termes. Par exemple, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-8 ne permet pas à des organisations d'être sous réglementation provinciale, comme les coopératives de crédit, et à leur banque d'être sous réglementation fédérale. Il y a beaucoup de problèmes techniques très importants à régler. Les gouvernements fédéral et provinciaux ne veulent pas se sentir menacés et personne ne doit empiéter sur le territoire de l'autre. C'est de là que viennent beaucoup de problèmes. Le projet de loi C-8 est censé nous aider—ce qu'il fait—, mais nous devons revoir en détail son libellé puisque nulle part on y envisage ce type de fusion.
Mme Sophia Leung: Avez-vous déjà fait état de vos préoccupations à ce sujet?
M. Wayne Nygren: Nous avons indiqué au ministère des Finances tous les changements requis, et celui-ci est en train de les examiner. Plusieurs articles de différentes lois doivent être modifiés, comme ceux de la loi sur les entreprises ou de la Loi sur les associations coopératives de crédit, et je tiens à dire que le ministère collabore de manière très positive. Il veut que nous réussissions car il sait combien il est important que nous nous dotions d'une infrastructure qui aidera toutes les coopératives de crédit au pays, particulièrement si nous sommes appelés à devenir un nouveau concurrent sur le marché canadien. Le ministère fait de son mieux pour résoudre les problèmes techniques, fiscaux et de répartition des compétences. Plusieurs éléments n'ont jamais été pris en considération au moment de la rédaction du projet de loi C-8.
Mme Sophia Leung: Vous dites qu'une autre fusion est en cours de réalisation entre la Credit Union Central of British Columbia et la Credit Union Central of Ontario. Êtes-vous confrontés à d'autres obstacles? Où en est le processus de fusion?
M. Wayne Nygren: L'affaire est conclue. La convention d'achat est prête, les politiques en matière de prêts et d'investissements le sont aussi; nous avons réglé les questions de régie interne et rédigé les statuts. Tout est prêt. Les membres de la Credit Union Central of British Columbia ont approuvé la fusion à 99 p. 100 et ceux de la Credit Union Central of Ontario y sont favorables à près de 98 p. 100. Il ne nous manque que le cadre législatif pour mettre tout cela en oeuvre. Nous sommes allés le plus loin que nous pouvions, mais nous sommes maintenant freinés dans notre élan par un problème d'ordre législatif. D'après ce que m'a dit le ministre des Finances la semaine dernière, notre province déposera une mesure législative ce printemps. Nous travaillons actuellement avec le gouvernement fédéral pour qu'il présente quelque chose très rapidement, sinon nous ne pourrons pas aller de l'avant. Quoi qu'il en soit, le ministère des Finances fait de son mieux pour démêler les problèmes opérationnels et techniques dont on n'avait pas tenu compte au départ.
Mme Sophia Leung: Merci.
La présidente: Je vous remercie.
Monsieur Casson, je vous accorde cinq minutes.
M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.
Je tiens aussi à remercier chacun d'entre vous pour vos exposés et vos réponses aux questions. Je trouve très encourageant que des gens veuillent faire leur place dans ce monde en pleine évolution et exploiter les nouveaux débouchés en comblant une partie de la demande.
Monsieur Ascah, j'aimerais revenir brièvement sur les commentaires que vous avez formulés au sujet de votre initiative concernant les bureaux. Il semble que vous vous soyez concentré sur les régions rurales d'Alberta; je sais cela d'expérience. Comment créez-vous un bureau et selon quels critères? Faites-vous appel à des sociétés existantes dont les exploitants deviendront banquiers; vous en servez-vous pour alimenter les succursales principales?
» (1700)
M. Robert Ascah: Les bureaux s'occupent dans une large mesure de l'encaissement des chèques, de l'acceptation des dépôts et du règlement des factures—des services de guichet, en somme. Ce qui est important, bien sûr, c'est que vous faites affaire à une personne et pas à un guichet automatique. Nos agents s'occupent des demandes de crédit présentées par nos clients. Nous pouvons offrir ces services en étant rentables grâce à notre réseau de bureaux qui utilise l'infrastructure en place; cela peut être un courtier d'assurances, une station-service ou encore une agence de voyage. Et que l'on se place du côté de l'entrepreneur ou de celui d'ATB, tout le monde y gagne. Je dois ajouter qu'il y a beaucoup de différences d'un bureau à l'autre. Certains peuvent être extrêmement occupés pendant que d'autres ne traitent que trois, quatre ou cinq transactions par jour. Ils ne consacrent alors que quelques heures dans la journée à cette fonction particulière.
M. Rick Casson: Vous avez aussi indiqué que 82 p. 100 des transactions d'ATB étaient faites électroniquement. Cela me semble un pourcentage très élevé. Pouvez-vous nous expliquer comment cela se fait-il? Avez-vous fait quelque chose de particulier, comme de la publicité? Je ne vois pas comment vous avez réussi à atteindre un tel pourcentage. Les autres témoins pourraient également nous dire dans quelles proportions ils utilisent les systèmes électroniques et Internet.
M. Robert Ascah: Au début des années 1990, ATB était l'une des premières institutions à instaurer un système de services bancaires par téléphone. Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons dépensé beaucoup d'argent dans notre programme de services bancaires par Internet pour permettre à nos clients de voir l'état de leur compte: dépôts, solde MasterCard, transactions ou paiement de factures postdatées. Nous avons donc injecté d'importantes sommes dans cette initiative pour rendre le système très convivial. Je pense que nous sommes semblables à d'autres institutions dans cette quête d'efficacité. Notre actionnariat veut obtenir un rendement décent sur les fonds investis. C'est la raison pour laquelle, grâce à différentes initiatives, nous avons incité les gens à utiliser d'autres moyens électroniques, comme les cartes de débit ou les services bancaires par Internet.
M. Rick Casson: Y en a-t-il d'autres qui souhaitent nous dire la place qu'occupent les transactions électroniques dans leurs activités?
M. Gary Seveny: Je serais ravi de répondre.
Je ne peux vous donner de pourcentages, mais je peux vous dire que CS CO-OP accepte les transactions électroniques depuis de nombreuses années déjà; elle a commencé à le faire avant même que cela devienne populaire. À l'origine, nous étions une coopérative de crédit pour les employés du gouvernement fédéral. À ce titre, nous nous occupions des déductions salariales et toutes les transactions étaient entièrement électroniques. De nos jours, les salaires de tous les employés sont versés par dépôt direct sur leur compte. Il n'y a plus d'encaissement des chèques de paye puisque les salaires sont maintenant envoyés directement aux institutions financières au moyen de transactions électroniques. Cela constitue la vaste majorité des transactions.
En outre, grâce au réseau Interac dont nous faisons tous partie depuis des années, le paiement direct au point de vente est devenu l'un des modes de paiement les plus populaires puisqu'il rivalise aisément avec le paiement comptant ou par carte de crédit. Cela a vraiment fait grimper notre pourcentage de transactions réalisées électroniquement.
Par ailleurs, les coopératives de crédit ont été à la fine pointe du déploiement de guichets automatiques dans les succursales. Le taux d'utilisation parmi les membres a été extrêmement élevé.
Et comme l'a fait remarquer M. Ascah, nous avons été, dès le début du processus, les promoteurs du développement de services bancaires en ligne et par téléphone, ce qui a entraîné un important accroissement du volume des transactions électroniques.
Au chapitre des systèmes de compensation et des règlements aussi, nous sommes passés du papier à l'électronique. Grâce à l'Association canadienne des paiements, il existe maintenant de nouvelles structures permettant de passer de ce que nous appelons un système fondé sur le papier pour les chèques préautorisés à un système d'échanges machine-machine pour les débits et les crédits. Certains chèques sont encore traités par compensation, mais nous cherchons avec l'ACP des façons de nous doter de systèmes plus efficaces. Ce n'est pas parce que nous préférons le virtuel, mais parce que nous considérons que c'est plus pratique pour nos clients. Il convient de souligner que le réseau des coopératives de crédit et ATB ont été à l'avant-garde de ces améliorations technologiques.
» (1705)
La présidente: Merci beaucoup.
Madame Minna, je vous accorde cinq minutes.
Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente.
Tout d'abord, je tiens à préciser que ce que je dis à propos de la stabilité de certaines coopératives de crédit ne signifie pas que je suis contre ces coopératives. Je suis moi-même membre de l'une d'elles et je sais qu'elles forment un réseau fantastique. Mais je sais aussi qu'au cours des années 1980, la Société ontarienne d'assurance-dépôts a fait des fusions un peu partout dans la province et a fermé beaucoup de coopératives de crédit non rentables, endettées ou travaillant au-delà de leurs capacités financières. Il y avait de graves problèmes. Je ne connais pas la situation actuellement. Je vous parle uniquement de l'Ontario car je ne sais pas ce qui se passe dans les autres provinces. Ceci dit, je voudrais bien savoir ce qu'il advient des clients après la fermeture d'une coopérative de crédit.
Mais j'aimerais d'abord et surtout revenir sur certains commentaires. On continue de nous dire qu'en cas de fusions, on sera là pour combler les vides et offrir des services dans les régions rurales du Canada car on y est bien présents. Il s'avère qu'en Ontario, seulement 14 p. 100 des gens font appel aux coopératives de crédit et que dans le Canada atlantique, la situation est encore plus difficile. Les centrales ne vont pas acheter une succursale s'il y en a de disponibles. Ce sera à la coopérative de crédit locale de décider si elle veut reprendre une succursale quelque part dans les environs. La question qui se poserait alors serait de savoir si la coopérative de crédit dispose du capital nécessaire et dans quelle mesure cette transaction ferait augmenter le risque financier, entre autres, puisqu'on sait que ces coopératives sont garanties par des organes provinciaux et non nationaux. Je trouve difficile d'adapter la structure de la coopérative de crédit en fonction des centrales, lesquelles prétendent pouvoir s'occuper de tout quand, en réalité, le capital et les initiatives doivent venir de la coopérative de crédit locale. S'il n'y a pas de coopérative de crédit dans un secteur ou des succursales sont fusionnées ou fermées, vous ne pourrez rien faire. Habituellement, celles-ci sont une création de la collectivité, autant que je sache.
J'aimerais donc comprendre quelle serait l'incidence en terme de capital. À votre avis, quel est le pourcentage de membres de votre coopérative de crédit qui disposent du capital nécessaire pour reprendre une succursale? Mais cela ne règle pas le problème des régions—ou secteurs, comme les appelle mon collègue, monsieur Murphy—où il n'y a pas de coopérative de crédit. Comment les créez-vous? Vous ne pouvez pas acheter une succursale dans le vide.
La présidente: Madame De Laurentiis.
Mme Joanne De Laurentiis: J'aimerais parler de la situation qui prévaut en Ontario. Le début des années 1980 a été une période très sombre pour les institutions financières. Il y a eu une faillite bancaire dans l'ouest de la province—à l'époque, je travaillais auprès du ministère—, trois sociétés de fiducie ont déposé le bilan et les coopératives de crédit n'allaient pas très bien non plus. Depuis, toutefois, le bilan financier des coopératives de crédit ontariennes s'est nettement amélioré. Celles-ci ont progressé d'environ 9 p. 100 par an. Elles sont donc très fortes. Aujourd'hui, le réseau est très différent de ce qu'il était en raison des changements structurels.
Pour ce qui est de votre question concernant l'achat de succursales, je vous dirais que les centrales ont eu un rôle à jouer dans l'achat de nos 72 succursales. Je cède maintenant la parole à M. Nygren car je pense qu'il souhaite parler de son expérience personnelle et de la situation en Colombie-Britannique.
» (1710)
M. Wayne Nygren: En Colombie-Britannique, en Saskatchewan, en Alberta et au Manitoba, les centrales ont acheté toutes les succursales en puisant à même leurs fonds, et s'il y avait une coopérative de crédit dans la région, celle-ci avait automatiquement la possibilité d'acheter la succursale. S'il n'y avait pas de coopérative de crédit et seulement une succursale bancaire dans la collectivité, c'était à la coopérative de crédit la plus proche qu'était donnée la possibilité de racheter la succursale. Les clients de la succursale devenaient alors des membres de la coopérative de crédit. Nous reprenions les employés, les biens meubles et immeubles, nous changions l'enseigne à l'extérieur de l'édifice et nous effectuions toutes les rénovations nécessaires. Nous en faisions une succursale de la coopérative de crédit la plus proche qui, à son tour, devait rembourser à la centrale les sommes prêtées.
Mme Maria Minna: D'accord, mais que faites-vous dans les régions où le réseau des coopératives de crédit est peu dense—c'est là une de nos préoccupations—, car la banque fusionnée pourrait décider de se retirer de certains secteurs?
M. Wayne Nygren: Lorsque nous avons acheté une succursale, même si la coopérative de crédit la plus proche se trouvait à 100 kilomètres de là ou dans une région éloignée de Saskatchewan ou de Colombie-Britannique, cette coopérative de crédit achetait la succursale bancaire et en faisait une succursale de coopérative de crédit.
Mme Maria Minna: Et elle la gère à distance?
M. Wayne Nygren: Elle l'achète pour en faire une coopérative de crédit. Les membres reprennent les dépôts, les prêts et en font une coopérative de crédit à part entière. Cette coopérative attire de nouveaux clients, paye ses droits d'adhésion et devient membre de la centrale.
La présidente: M. Seveny souhaite ajouter quelque chose.
M. Gary Seveny: Étant donné que nous parlons de l'Ontario et des possibilités d'achat de succursales dans des collectivités éloignées où il n'y a pas de coopérative de crédit, j'aimerais vous faire part de l'expérience de la CS CO-OP. Nous avons acheté des succursales là où d'autres institutions financières ne seraient probablement jamais allées. Par exemple, nous nous sommes établis au Camp Borden, un marché très limité, et à Petawawa, qui sont deux zones militaires où nous servions à l'origine le gouvernement fédéral. Mais nous sommes allés encore plus loin. Nous avons acheté une caisse populaire à Pembroke. Nous avons étendu nos opérations à des zones où nous n'étions pas implantés car nous considérions que cela nous permettrait de développer nos activités sur un nouveau marché. Plutôt que de partir de zéro, il vaut mieux acheter une entreprise déjà établie.
Les coopératives de crédit sont des entreprises. Notre progression sur les marchés tient aux occasions d'affaires que nous saisissons. Si nous pouvons faire fructifier nos affaires dans une petite collectivité, nous ne nous en priverons pas, et les coopératives de crédit ont la réputation de bien fonctionner dans les petites collectivités. Cela ne veut pas dire que les régions plus densément peuplées ne nous intéressent pas. À l'origine, la CS CO-OP était une organisation de la région de la capitale nationale mais, il y a quelque temps déjà, elle a ouvert des succursales à Toronto, un marché extrêmement difficile pour toutes les sociétés qui ont leur siège social à Ottawa et même pour celles basées à Toronto. C'est une ville où règne une concurrence féroce. Il y a une banque à tous les coins de rue et quatre banques à chaque intersection. Il est très difficile de soutenir la concurrence sur ce type de marché, mais nous y parvenons assez bien. Nous sommes concurrentiels au chapitre des transactions commerciales. Nous avons étendu nos activités auprès des petites et moyennes entreprises qui représentent maintenant 25 p. 100 de nos actifs, un pourcentage que nous avons atteint en trois ans.
Tout ce que le réseau des coopératives de crédit offre aux quatre coins du pays en dit long sur ce que nous faisons. Il en va de notre réputation, et nous ne nous retirons pas d'une collectivité si nous pouvons l'éviter car cela pourrait nuire à notre image.
Mme Maria Minna: Merci.
La présidente: Monsieur Grose, je vous accorde cinq minutes.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente.
En fait, Mme Minna a mis le doigt sur les questions que je me posais. Les banques à charte ont des actionnaires et des déposants. Vos déposants sont vos actionnaires. Cela limite votre accès aux capitaux et, d'après ce que j'ai pu entendre aujourd'hui, vous entrez sur des marchés que les banques à charte ont abandonnés, pour une raison ou une autre. Je me demande si vous ne risquez pas de manquer de capital. L'expérience que j'ai eue auprès d'une coopérative de crédit remonte à plusieurs années et je me souviens qu'elle devait sans cesse de l'argent à une banque à charte à qui elle empruntait les fonds dont elle avait besoin. Elle ne faisait que recycler l'argent de cette banque. À mon avis, peu importe le nombre de coopératives de crédit que vous aurez, cela ne réglera pas le problème de capital. Dites-moi s'il vous plaît que vous avez déjà pensé à tout ceci.
» (1715)
La présidente: Monsieur Nygren.
M. Wayne Nygren: Je trouve votre question intéressante. Nous avons toujours été conscients du problème. Au cours des dernières années, nous avons créé des mécanismes nous permettant d'obtenir des capitaux. Les coopératives de crédit peuvent émettre des parts. Dans la plupart des régions du Canada, le réseau des coopératives de crédit est extrêmement rentable. La Credit Union Central of British Columbia a les mêmes cotes de crédit que les grandes banques pour les titres de créance à court terme et un solide A+ pour les créances à long terme. Cela nous a permis d'emprunter près d'un milliard de dollars sur le marché libre. Nos bénéfices non répartis ont beaucoup progressé. Par rapport à la moyenne de l'industrie, nous dépassons de loin la norme de suffisance du capital de la BRI. C'est la raison pour laquelle nous avons réussi, pour la plupart, à étendre nos activités grâce à nos bénéfices non répartis. Notre rentabilité a aussi crû très rapidement et a été plutôt forte en Colombie-Britannique, où l'économie a tourné au ralenti. Et nous avons été en mesure d'accroître le montant des bénéfices non répartis pour être certains de disposer des capitaux requis.
Cela n'en demeure pas moins une préoccupation de tous les instants. Si nous devions connaître une accélération phénoménale de la croissance, nous dépasserions probablement notre capacité à générer suffisamment de bénéfices non répartis. C'est la raison pour laquelle nous cherchons à limiter nos dépenses et nous avons la possibilité d'émettre des parts sociales à l'intérieur de notre réseau. Beaucoup de coopératives de crédit ne se prévalent pas de cette option, mais au moins, elles savent qu'elle existe, elles y ont accès, et si elles doivent emprunter de l'argent sur le marché, elles peuvent le faire. Notre réseau est extrêmement solide. Nous n'avons pas de problèmes de fermeture, et si nous en avions, il nous suffirait de demander à une autre coopérative de crédit de prendre le relais; notre fonds de stabilisation reprendrait la coopérative de crédit en difficulté et financerait la nouvelle coopérative chargée d'assurer la poursuite des activités.
M. Ivan Grose: Je vous remercie beaucoup. Ce sont les chiffres que je voulais obtenir pour mémoire.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen: Je vous remercie, madame la présidente.
Je parlerai du processus de fusion bancaire dans un instant, mais pour ce qui est du projet de loi C-8, il me semble qu'avant cela, il y avait une initiative en cours avec le mouvement coopératif pour tenter de créer de nouveaux débouchés. Puis une des grosses coopératives de crédit, VanCity, je crois, s'est retirée, le projet de loi C-8 est arrivé et rien n'a été fait. En outre, la fusion a créé toute une série de problèmes de compétence. J'espère que ce comité est disposé à vous aider dans vos efforts car si les banques entrent en jeu et fusionnent, il faut que le mouvement coopératif soit fort et très étendu.
Monsieur Seveny, je ne tiens pas à m'étendre sur le sujet pour l'instant, mais je pense que les banques coopératives sont différentes. À l'occasion, on a dû faire face à des problèmes de gouvernance mais, heureusement, tout est rentré dans l'ordre.
J'aimerais en revenir au processus. Certains diront qu'après que le comité aura défini les critères d'intérêt public, nous verrons; les banques qui veulent fusionner devront tenir compte de ces critères, tout comme de ceux du comité du Sénat, et nous n'avons pas vraiment besoin d'entreprendre des consultations. D'autres diront le contraire. Notre comité viendra finalement à bout du problème et émettra un rapport sur la question. Mais je suis en train de penser au processus. Des banques présentent une proposition de fusion. Elles passeront par le Bureau de la concurrence qui leur dira qu'elles doivent se départir de certaines succursales. Lorsque les banques présenteront leur proposition, je suis sûr que le gouvernement et les députés attendront plus de ces banques qu'elles disent simplement qu' il y a beaucoup de monde intéressé, qu'on s'occupera de quelques succursales, particulièrement dans les zones rurales. Qu'arrivera-t-il si les banques nous annoncent qu'elles ont conclu des ententes de principe en vertu desquelles une coopérative de crédit ou une banque de deuxième niveau absorbera ces succursales si elle fait preuve de diligence raisonnable? Qu'est-ce qui est raisonnable, compte tenu des délais, de toute la logistique et de la nécessité pour les députés d'obtenir une réponse plus satisfaisante que celle du style: «Ne vous inquiétez pas, tout ira bien»? Comment imaginez-vous l'évolution de ce processus?
» (1720)
La présidente: Monsieur Seveny.
M. Gary Seveny: J'aimerais parler de deux éléments. D'abord, je souhaiterais faire le point sur les banques coopératives. Nous sommes évidemment en faveur du système bancaire coopératif. Le gouvernement fédéral a émis un document sur la question en avril de l'année dernière et tous les dépôts ont été effectués avant le 4 octobre. Il y en a eu 14 au total, tous favorables au principe des banques coopératives. Le ministère des Finances devrait publier d'ici deux ou trois semaines un document dans lequel il indiquera s'il entend fixer le cadre juridique adéquat.
Quant au processus, je ne crois pas que nous soyons en mesure de décider s'il faut placer la charrue avant les boeufs. Je suis sûr que les parties avisées d'une fusion bancaire sauront ce que le Bureau de la concurrence leur exigera en retour, elles s'arrangeront pour s'adresser à d'autres institutions, comme la nôtre, et évalueront les besoins dans certaines régions. C'est ce que je crois que feraient deux banques avisées. Je ne pense pas que vous demandiez de légiférer sur la question, mais que l'on agisse en toute logique.
M. Roy Cullen: Oui, je trouve que c'est assez censé. Qu'arrive-t-il s'il y a une coopérative de crédit, mais que la banque HSBC est intéressée? On tentera de régler le problème et je pense que vous avez raison, une banque avisée s'arrangera pour trouver une solution.
M. Gary Seveny: Elle voudra obtenir le meilleur prix possible, c'est pourquoi elle ira voir ce qu'offre la concurrence.
M. Roy Cullen: Oui, exactement.
La présidente: Monsieur Nygren.
M. Wayne Nygren: Pour ce qui est de notre approche à l'égard du projet de loi C-8, vous avez bien fait de rappeler que nous avons connu quelques faux départs avec une banque communautaire, une entité offrant des services à l'échelle nationale. Nous ne voulions pas que pareille situation se reproduise, c'est la raison pour laquelle nous avons obtenu l'accord de nos membres à l'avance. Nous avons préparé l'offre et l'avons mise sur la table. Nous ne cherchons pas de compromis, l'offre est approuvée et conclue.
Je pense que la stratégie des banques est quelque peu différente. Je suis activement intervenu auprès des sièges sociaux de banques pour qu'ils nous vendent des succursales partout au pays. Il y a environ un an et demi, nous étions très intéressés et il y avait beaucoup de pourparlers, mais soudainement, tout est tombé à l'eau. Cet échec est attribuable à deux ou trois raisons—j'imagine. La première est que les banques cherchent à fusionner. Il est donc logique qu'elles veuillent savoir qui sera leur partenaire et, éventuellement, en cas de fusion, elles n'auront pas à fermer telle ou telle succursale car il se peut qu'une autre banque avec laquelle elles fusionneront ait une succursale dans le secteur. J'imagine donc qu'elles voudront connaître l'issue de la grande fusion, voir comment se répartissent les différentes succursales et ensuite dire de quelles succursales elles doivent se départir. Après tout cela, nous pourrons réactiver le processus et dire que nous sommes intéressés. Nous avons repéré un certain nombre de succursales que nous pourrions acheter un peu partout au Canada.
La présidente: Monsieur Ascah.
M. Robert Ascah: J'aimerais faire une observation générale pour replacer cette discussion dans son contexte. Si vous envisagez la fusion de deux très grandes banques pour créer une nouvelle banque canadienne de 500 ou 600 milliards de dollars, il ne serait pas déraisonnable de penser que le Bureau de la concurrence voudra que soient répartis entre 50 et 100 milliards de dollars en dépôts. Par conséquent, si vous prenez une prime de dépôt de l'ordre de 5 à 7 p. 100, cela représente entre cinq et sept milliards de dollars. Ce sont des sommes colossales. Pour compléter mes observations précédentes, je tiens à dire qu'il est important pour les institutions financières d'atteindre une masse critique d'opérations, et quelle que soit la solution retenue, il y aura de nombreux joueurs intéressés, à savoir le réseau des coopératives de crédit, les banques étrangères, les entités du type ATB et celles travaillant dans le secteur commercial, comme BC Financial, qui ont davantage accès au capital. Je pense que le capital constituera un problème majeur.
La présidente: Madame De Laurentiis.
Mme Joanne De Laurentiis: Pour ce qui est des succursales et de la vente de succursales, je pense qu'il est légitime que ce comité ou le gouvernement s'attende à ce que les ventes soient assorties de certaines conditions. On m'a rapporté certaines anecdotes, aucune preuve concrète, selon lesquelles si on laisse agir les banques à leur guise, il se peut qu'il y ait une sorte d'écrémage de certaines institutions au profit d'autres. Je considère donc qu'il serait tout à fait légitime d'imposer certaines conditions sur la vente et le transfert, de façon à s'assurer que celui qui prendra le relais partira sur de bonnes bases.
» (1725)
La présidente: Très bien.
Au nom de tous les membres de ce comité, je vous remercie de vos exposés et d'avoir pris le temps de venir témoigner devant nous aujourd'hui et de répondre à nos questions. Nous entendrons le reste de nos témoins jusqu'à la fin de la semaine.
Nous nous retrouverons demain après-midi, de 15 h 30 à 18 h 30, pour entendre les témoignages de représentants d'une autre banque.
Je déclare la séance levée pour aujourd'hui.