:
Il n'y a pas de quoi. Il y a suffisamment de personnes intelligentes autour de cette table pour avoir une discussion.
[Français]
D'abord, monsieur le président, je tiens à vous remercier. Je m'appelle Alain Pineau. Je suis le directeur général de la Conférence canadienne des arts, la CCA. À mes côtés se trouve notre conseillère juridique pour ces dossiers, Mme Monica Auer.
Je vais commencer par vous parler de notre organisation et dire pourquoi nous nous intéressons aux questions qui touchent la radiodiffusion.
La CCA est le plus vieux et le plus large forum au pays en ce qui concerne les discussions sur les politiques affectant les arts et la culture. La CCA a été fondée en 1945; elle a donc 62 ans. Elle couvre toutes les disciplines artistiques: des Arts and Crafts jusqu'à la danse, en passant par l'opéra et tout ce que vous pouvez penser.
Notre organisation a une caractéristique qui la distingue de tous les groupes au pays qui représentent d'autres parties du secteur culturel. Elle est une organisation parapluie, et certains de ses membres sont souvent à couteaux tirés. On l'a vu récemment dans le cas de l'ACPFT, des producteurs indépendants, et de l'ACTRA. Ces deux associations font partie de notre organisation pour essayer de porter sur la place publique — et c'est là notre mission — un débat éclairé sur toutes les questions qui touchent les arts, la culture, les artistes, les créateurs, les industries culturelles, les institutions comme les musées et les agences gouvernementales comme Radio-Canada.
Nous avons donc une vue assez globale. Notre travail en radiodiffusion se fait essentiellement par l'information que nous produisons, par les débats que nous organisons et auxquels nous participons, comme celui d'aujourd'hui.
Il est intéressant de trouver dans la Loi sur la radiodiffusion l'énoncé culturel le plus important au pays. C'est là où les parlementaires ont établi ce qui ressemble le plus à une politique culturelle au pays. Tout ce qui affecte cette loi nous préoccupe. Cela nous préoccupe d'autant plus qu'il y a actuellement une convergence technologique, et éventuellement législative, du domaine des télécommunications et de celui, plus traditionnel, de la radiodiffusion.
J'aimerais dire au passage que même si j'utilise souvent les mots « radio » et « télévision » aujourd'hui, il faut essayer de se débarrasser de ce langage, parce que ce ne sont pas les mots qui comptent maintenant. Ce ne sont pas la radio et la télévision qui comptent, pas plus que ce n'était, à la limite, le papyrus ou le papier. C'est le message qui compte, c'est le contenu. C'est ce qui devrait nous préoccuper. Le reste, c'est de l'intendance, de la cuisine. Néanmoins, la convergence des lois est préoccupante parce que les objectifs qui se trouvent dans la Loi sur la radiodiffusion constituent l'énoncé culturel le plus éloquent que le Parlement canadien ait jamais fait.
Cette loi contient plusieurs éléments très importants dont je vais parler. Cependant, le sujet de discussion aujourd'hui est essentiellement Radio-Canada. Radio-Canada est un instrument privilégié qui existe depuis bien longtemps, qui a fait ses preuves, qui a eu ses hauts et ses bas, qui a ses misères et ses difficultés, mais c'est un instrument public extrêmement important du point de vue culturel dans ce pays, tant du côté francophone que du côté anglophone, même si les raisons peuvent être partiellement différentes ou divergentes. D'ailleurs, la loi de 1991 reconnaît déjà qu'il peut y avoir des solutions asymétriques dépendant des caractéristiques des marchés.
Je vais simplement faire un rapide survol du mémoire que nous avons déposé.
[Traduction]
Merci beaucoup de tenir ces audiences. Voilà la première chose que j'aimerais dire après avoir présenté nos intérêts.
Nous avons déploré le fait que sur de nombreuses tribunes et dans nombreux forums, le secteur culturel n'est jamais considéré dans son ensemble. Nous le déplorons depuis de nombreuses années et maintenant, ce fait est devenu manifeste.
La radiodiffusion est le véhicule qui permet à la plupart des Canadiens de consommer des produits culturels. C'est grâce à la radio et à la télévision, notamment, que nous y avons accès. Et je présume que, selon l'objectif de votre démarche, vous percevez la société dans laquelle vous vivez par le truchement d'une grande diversité de programmes, que ce soit les actualités, des documentaires ou des émissions dramatiques.
Nous regardons ce secteur au coup par coup , par petits morceaux, un peu à la fois et de façon disjointe; c'est ce qui nous inquiète. Parfois, nous l'examinons lors du renouvellement d'un permis devant le CRTC. Parfois, lors d'audiences publiques devant le CRTC.
Dans ce cas, on a la chance de travailler - et ce, presque par coïncidence - de façon consécutive sur deux composantes très importantes du secteur audiovisuel: le FCT et la SRC. Pourtant, le processus demeure quelque peu disjoint. On produit un rapport qui est envoyé au Parlement et puis on n'en entend plus parler.
Nous voyons des occasions à saisir. Mis à part cette inquiétude relative à l'étude fragmentée de l'écologie globale du secteur - nous parlons de réchauffement général de la planète dans d'autres forums, alors nous devrions aussi parler du réchauffement général du secteur culturel -, il faut regarder les questions fondamentales comme celles du financement et de la diffusion du contenu canadien. Voilà les questions fondamentales. Pourtant, notre attention est toujours portée sur des choses beaucoup moins importantes: la SRC devrait-elle couvrir les actualités locales, la SRC devrait-elle couvrir les sports? Qu'on ne s'y trompe pas, toutes ces questions sont importantes, mais nous les regardons avec des ornières.
Nous ne voyons pas que ce sont les changements technologiques qui alimentent forcément le débat public. Or, franchement, c'est bien ce qui se passe depuis 10, 15 ou 20 ans, surtout en radiodiffusion. Chaque fois qu'une nouvelle technologie est mise au point, le ciel nous tombe sur la tête: nous avons besoin de plus de regroupements et de moins de réglementation. Nous abordons ces questions par cycles, et c'est toujours parce que la technologie nous l'impose. En réalité, nous devrions toujours regarder le secteur dans son ensemble. Il y a de moins en moins d'intervenants; ils sont de plus en plus regroupés; ils possèdent de plus en plus de plateformes dans toute la gamme de moyens de diffusion du contenu culturel canadien. Seulement certains de ces moyens sont réglementés. Certains sont exempts de réglementation. D'autres encore - nous n'y pensons même pas. Nous pensons qu'il faut garder ces choses à l'esprit dans tous les débats.
Excusez-moi, je sais que mon temps est presque écoulé.
Nous devrions tenir compte du fait que la Loi sur la radiodiffusion de 1991... Actuellement, notre opinion sur cette loi évolue. Nous pensions qu'elle était adéquate. Peut-être devrait-elle faire l'objet d'un examen en bonne et due forme. Sinon, elle risque de devenir désuète. Elle est neutre en matière de technologie, et elle devrait le rester.
Je suis censé parler de CBC/Radio-Canada. Excusez-moi, je me suis laissé emporter par la question de la vue d'ensemble.
Le véritable débat au sujet de CBC/Radio-Canada porte sur la volonté politique. Ce n'est pas une question de mandat. Je veux dire, des ajustements peuvent y être apportés, mais ce n'est pas une question de mandat. Il s'agit de savoir si nous voulons vraiment avoir un diffuseur public. Il a été créé il y a de cela 75 ans. Nous le gardons, nous le privons constamment de ressources et nous lui en demandons toujours plus.
Vous avez vu dans notre mémoire un graphique qui montre qu'en dollars réels, le budget de CBC/Radio-Canada a baissé au cours des 30 dernières années. Pourtant, nous lui en demandons de plus en plus.
Comme nation, devrions-nous investir collectivement là où nous avions dit que nous le ferions?
J'ai déjà dit que le mandat de la CBC/SRC est bon, bien qu'il pourrait faire l'objet d'ajustements. La loi prévoit des solutions asymétriques pour répondre aux besoins des marchés francophone et anglophone. Son mandat pourrait également s'étendre à d'autres aspects de la question.
Vous avez entendu d'autres sons de cloche, mais nous pensons que la CBC/SRC devrait absolument diffuser sur toutes les plateformes. C'est le contenu qui compte, non le type de média lui-même, non le moyen de transmission. J'appuie entièrement la CBC/SRC quand elle dit qu'elle est entièrement agnostique du point de vue technologique. Je pense que tous les autres diffuseurs ou fournisseurs de contenu devraient officiellement adopter la même position.
La CBC/SRC joue un rôle particulier dans la transmission d'information, et d'émissions dramatiques en particulier, parce qu'il s'agit de l'enfant pauvre—surtout, je dois dire, dans le cas de la télévision anglophone, bien que ce ne soit pas le cas de la télévision francophone. Mais cela, c'est une autre histoire.
En ce qui concerne le financement, nous croyons que, dans la mesure du possible, la CBC/SRC ne devrait pas avoir à générer de recettes tirées de sources commerciales. Nous n'aurons jamais, par exemple, de bonnes émissions dramatiques dans ce pays si une émission qui n'attire que 365 000 personnes ne réussit pas, parce que nous avons besoin d'investissements dans l'industrie.
Nous avons des personnes très compétentes dans l'industrie. Notre réussite est bien établie, tant et si bien que jusqu'à tout récemment, les Américains venaient ici pour tourner avec nos équipes. La moitié des personnes créatives travaillant au sud de la frontière viennent d'ici. Nous ne manquons donc pas de talent; nous manquons d'argent. Voilà le vrai problème.
En ce qui concerne ce qu'on peut prévoir pour la CBC/SRC, celle-ci vacille d'une crise budgétaire à l'autre depuis 20 ans. Les réductions budgétaires ont commencé au début des années 1980 et, exprimées en dollars réels, elles n'ont jamais arrêté. Jamais.
Nous appuyons certainement l'idée d'établir un contrat de dix ans entre le diffuseur public et le Parlement ou le gouvernement. Il vaudrait la peine d'explorer cette idée. Elle pourrait permettre de préserver, à l'aide du CRTC, l'autonomie du diffuseur face à l'État. Dans un tel contrat, je crois—je ne suis pas un avocat, mais nous n'entrerons pas dans ce genre de détails immédiatement—que la relation entre la CBC/SRC et le CRTC devra peut-être être modifiée. Toutefois, je n'en suis pas certain parce que nous n'avons pas encore examiné la question à fond.
Nous devrions aussi étendre cette autonomie, qui constitue l'une des caractéristiques les plus importantes de l'organisme. Ce dernier devrait être autonome par rapport aux gens qui créent les émissions et qui lui fournissent les ressources, et il serait obligé d'en rendre des comptes au Parlement, au moyen d'organismes de réglementation. Il n'y a là aucun problème. Mais le conseil d'administration devrait avoir le pouvoir d'embaucher ou de renvoyer le président de la CBC/SRC .
Nous croyons aussi qu'en ce qui concerne les nominations à effectuer au conseil d'administration, les candidats devraient correspondre à un profil donné—quel genre de personnes cherchons-nous exactement?—pour que, comme tous les partis politiques en ont exprimé le voeu, on y nomme vraiment des gens qualifiés, et pas seulement des personnes qui sont là pour gêner l'administration, par exemple, comme on l'a déjà vu.
Je pense que je vais m'arrêter ici. Par contre, je tiens à dire une autre chose par rapport au secteur dans son ensemble. Une des priorités de la Conférence canadienne des arts en matière de politique est la diversité culturelle. À cet égard, nous sommes très heureux de constater que le gouvernement actuel poursuit les objectifs fixés par le gouvernement précédent en matière de diversité culturelle sur la scène internationale. Nous nous préoccupons de la diversité culturelle, non seulement sur la scène internationale, mais aussi sur la scène nationale. Nous nous en préoccupons et nous croyons que nous devrions nous interroger sur la manière de la réaliser.
Nous voulons nous assurer de forger une identité canadienne à partir de la multitude d'identités culturelles que regroupe notre pays. Comment pouvons-nous y arriver? Comment pouvons-nous être certains de nous adresser au monde d'une même voix culturelle? Le message que j'aimerais vous communiquer aujourd'hui, c'est que nous faisons partie d'une société civile, rien de plus. Nous voulons simplement dire aux gens que nous avons élus que la diversité commence chez soi.
Je voudrais simplement ajouter quelques mots, afin de ne rien vous cacher. Avant d'occuper mon poste actuel à la Conférence canadienne des arts, où je travaille depuis deux ans, pendant toute ma carrière, soit pendant 34 ans, j'ai travaillé pour la CBC/SRC. Je pense que vous êtes en droit de le savoir. Je ne parle pas ici à titre d'ancien employé de la CBC/SRC; je parle ici à titre de citoyen canadien, mais vous êtes en droit de savoir sous quelles perspectives je me situe.
Je vous remercie de votre attention.
:
Je vous remercie beaucoup de vos questions.
Vous m'avez demandé si la CBC devait avoir un rôle restreint ou global. Je dirais que la réponse à la question doit être divisée selon les deux éléments principaux, soit les langues officielles, car il peut exister des différences dans les rôles, dans les moyens, dans les types de programmation ou dans les actions de Radio-Canada et de la CBC. Cela est reconnu dans la loi.
Il y avait une politique délibérée au Canada il y a plus de 20 ans qui visait à restreindre la CBC à de petites plateformes. À la fin des années 1970, la CBC a fait une demande concernant...
[Français]
CBC-2, si je me souviens bien, ou Télé-2,
[Traduction]
Cette demande fut rejetée à l'époque par le CRTC. Puis, lors de l'apparition des services spécialisés dans les années 1980, la CBC a essuyé refus sur refus de la part du CRTC et a été dissuadée de se lancer dans ce secteur. Comme c'était l'objectif d'autres politiques postérieures, par exemple celle du FCT, l'objectif de cette politique était de créer un secteur privé. Ce secteur privé, qui s'étend au-delà du radiodiffuseur national, est maintenant de plus en plus consolidé, et l'environnement a changé. Peut-être devrions-nous tenir compte de cela lorsque nous examinons le rôle de la CBC car, plus particulièrement dans le Canada anglais...
Au Canada français, on dit depuis longtemps que Radio-Canada devrait faire des émissions de variété, des émissions dramatiques, en fait tous les types d'émissions, et ne pas laisser la place entièrement à Quebecor inc. et, à un moindre degré, à TQS. J'aurais dû dire TVA, mais TVA et Quebecor, c'est la même chose, n'est-ce pas? Les arguments qui ont été utilisés, et qui sont encore valables à mon avis, c'est que la CBC devrait servir de modèle d'évaluation de la qualité.
Les sports sont une autre question que je ne suis pas prêt à aborder avec vous pour l'instant. En effet, je ne suis pas certain que ce que nous dirions serait vraiment utile au débat actuel. On doit examiner la question de plus près.
La CBC devrait assurément produire des dramatiques. Il n'y a pas de doute. Ces émissions permettent de favoriser l'épanouissement, le développement et la création au Canada, et c'est pourquoi l'argent auquel la CBC accède indirectement par l'intermédiaire du FCT est tellement important. C'est également la raison pour laquelle nous disons que cet argent ne devrait pas disparaître et que le FCT devrait garder, sinon augmenter, la part qui est attribuée aux producteurs indépendants qui ont des accords de distribution avec la CBC. C'est très important. Il y a toutes sortes de questions connexes, des questions relatives aux droits, entre autres, et c'est très complexe.
Je suis désolé. Je prends tout votre temps.
J'aimerais m'excuser pour mon retard, mais j'ai lu votre présentation la nuit dernière.
Je crois que nous avons entendu tous les témoignages. Je ne crois pas que quiconque s'est présenté ici en affirmant qu'il faudrait abolir la SRC. Tout le monde a parlé de l'importance de la SRC. Nous avons vu les chiffres. Nous parlions plus tôt de ce que la SRC devrait faire et de l'approche qu'elle devrait prendre. Le plus récent sondage a démontré que 81 p. 100 des Canadiens croient que la SRC devrait se concentrer sur les nouvelles. C'est la seule entreprise de télécommunications à laquelle ils font confiance pour brosser un tableau clair et non biaisé. Les nouvelles constituent donc un élément important.
Environ 78 p. 100 des Canadiens ont aussi déclaré que la SRC est essentielle, qu'elle est le ciment qui relie ensemble toutes les régions du pays et qui nous aide à nous comprendre. C'est là tout un mandat.
Je ne vais donc pas vous parler de sports ou d'autres choses du genre, mais vous avez dit -- comme bien d'autres personnes -- que nous devrions examiner le modèle de la BBC. Il se trouve que le modèle de la BBC est exceptionnellement bien financé et le Canada est actuellement, comme vous le savez, antépénultième en matière de financement public par habitant au chapitre de la radiotélévision publique. Le pouvoir concurrentiel de la SRC est donc nul, si vous tenez compte du fait que nous avons permis aux câblodistributeurs d'obtenir leur infrastructure numérique et de hausser leurs tarifs pour les Canadiens qui paient pour la câblodistribution, alors que la SRC n'a pas la capacité de hausser ses tarifs. Elle a les mains complètement liées et doit s'en remettre au gouvernement pour augmenter son « financement de base ».
J'aimerais donc que vous me disiez quel genre de hausse, ces cinq prochaines années, permettrait à la SRC d'obtenir un financement semblable à ce qui existe au Royaume-Uni? C'est ma première question. Je demande ici une réponse d'ordre monétaire.
Ma deuxième question est la suivante : Si la SRC accède à toutes les plateformes... Nous avons entendu à maintes reprises, du moins à Vancouver, qu'il était important que le CRTC commence à émettre des licences aux médias numériques et aux nouvelles plateformes, car je crois que c'est ainsi que nous prévoyons éventuellement monétiser le tout. Ma question à votre endroit, vu qu'il existe une volonté politique -- et il s'agit là d' un fait important qui dépend, évidemment, de qui prendra ces décisions --, est la suivante : Que devrait être, selon vous, le financement de la SRC afin qu'il soit équivalent à celui d'un pays comme le Royaume-Uni, pas immédiatement, mais peut-être au cours des cinq prochaines années? Comment voyez-vous une SRC plus autonome, car la reddition de comptes vient cet apport d'argent? Quelle genre de structure entrevoyez-vous?
Ma troisième question -- Monica pourra peut-être y répondre -- est la suivante : Pensez-vous que la clé à tout cela passe par l'octroi de licences aux nouvelles plateformes, et donc par des modifications aux droits d'auteur dans la Loi?
:
Honorables membres du Comité, mon nom est Glenn O’Farrell et je suis le président et chef de la direction de l’Association canadienne des radiodiffuseurs. Je suis accompagné aujourd’hui par Susan Wheeler, la vice-présidente des politiques et des affaires réglementaires de l’ACR.
Permettez-moi d’abord de remercier le Comité de nous avoir donné cette occasion de comparaître devant vous et de vous faire part de nos points de vue quant à votre enquête sur le rôle de la Société Radio-Canada et de la CBC. Vous avez entrepris un projet important sur une discussion qu’il est préférable de tenir maintenant plutôt que plus tard.
À notre avis, tout examen du rôle et des activités de notre radiodiffuseur public doit se faire à la lumière de trois réalités fondamentales. Premièrement, tous les radiodiffuseurs, que ceux-ci soient publics ou privés, fonctionnent dans un milieu médiatique fragmenté en évolution rapide qui est caractérisé par des nouvelles technologies et des habitudes de consommation en mutation. Deuxièmement, un système de radiodiffusion canadien performant doit se composer d’éléments publics et privés solides et dynamiques ayant un intérêt pour les Canadiens. Troisièmement, les Canadiens ont le droit de s’attendre à ce que les comptes rendus sur les fonds et les activités relevant du secteur public se fondent sur la transparence et la responsabilisation.
Nous exhortons le Comité à investir son temps et ses efforts de sorte que le résultat soit d’assurer aux Canadiens l’existence d’un radiodiffuseur public, solide et financé convenablement, qui vient compléter un secteur de radiodiffusion privée dynamique et performant, en fournissant un contenu de choix qui répond aux besoins de tous les Canadiens.
[Français]
Plusieurs des défis fondamentaux auxquels Radio-Canada et CBC font face sont les mêmes pour les radiodiffuseurs privés, à savoir la concurrence livrée par des médias non réglementés, la multiplication des plateformes de diffusion du contenu et, bien sûr, l'augmentation des redevances de droits d'auteur.
Les radiodiffuseurs privés du Canada sont fiers du rôle qu'ils jouent pour aider à réaliser les objectifs de la politique culturelle énoncée dans la Loi sur la radiodiffusion, et un bref examen des données clés sur les auditoires et les dépenses de programmation révèle combien les radiodiffuseurs privés offrent un produit de valeur aux Canadiens.
Les radiodiffuseurs privés obtiennent environ 88 p. 100 de toute l'écoute de la radio. Environ 66 p. 100 du total des dépenses en matière de programmation canadienne pour la télévision sont attribuables à notre secteur, et les téléspectateurs canadiens consacrent environ 66 p. 100 de la totalité de leurs heures d'écoute de télé aux services appartenant aux services canadiens. Il s'ensuit donc que tout examen du mandat de Radio-Canada et de CBC doit tenir compte de l'importance d'assurer et de favoriser l'existence du secteur canadien de radiodiffusion privée, qui est performant.
Radio-Canada et CBC ont très bien réussi, par l'entremise de certaines activités spécifiques, à exécuter leur mandat public de façon à se faire le complément du secteur privé. Par exemple, leur réseau radiophonique offre un service public unique et non commercial qui complète le service assuré par Radio-Canada. Par contre, la situation se rapportant au réseau de télévision de Radio-Canada et de CBC est bien différente car, contrairement au secteur de la radio, il n'offre aucunement un service public complémentaire similaire ou comparable. À cet égard, plusieurs questions méritent d'être étudiées plus en profondeur.
[Traduction]
Dans le mémoire de l'ACR, nous faisons quatre recommandations visant particulièrement ces questions.
Premièrement, Radio-Canada devrait avoir l'obligation de publier chaque année un rapport détaillé sur ses réseaux de radio et de télévision ainsi que sur ses services Internet, plutôt que de publier simplement un bilan public d'ordre général comme elle le fait actuellement.
Deuxièmement, le gouvernement devrait étudier davantage les conséquences du recours de Radio-Canada à la publicité pour financer ses services de télévision.
Troisièmement, Radio-Canada devrait concentrer ses ressources sur les émissions de télévision régionales et nationales, de manière à laisser aux diffuseurs privés oeuvrant dans les marchés locaux du Canada la production d'émissions d'intérêt essentiellement local, comme les émissions d'information locales.
Enfin, si Radio-Canada a recours aux nouveaux véhicules de diffusion numériques, comme l'Internet, elle devrait continuer de s'acquitter de son mandat principalement au moyen de ses services de radiodiffusion et y concentrer l'essentiel de ses ressources.
L'ACR est d'avis qu'il n'y a pas lieu de revoir le mandat légal de Radio-Canada, tel que défini dans la Loi sur la radiodiffusion.
Je passe maintenant la parole à Susan Wheeler pour qu'elle vous parle du coeur de notre mémoire: l'obligation de rendre compte.
Susan.
À notre avis, ce n'est pas le mandat de diffuseur public comme tel qui est à revoir, mais bien son interprétation et son exécution par Radio-Canada.
Au cours de la dernière décennie, nous avons vu que, même si le mandat de radiodiffuseur public est demeuré le même, son interprétation a énormément changé d'une administration à l'autre.
Radio-Canada est un radiodiffuseur public qui, en 2006, a bénéficié de crédits parlementaires d'un peu plus d'un milliard de dollars. Compte tenu de cette subvention directe, Radio-Canada a nécessairement une obligation particulière à titre de diffuseur public. Elle devrait utiliser les deniers publics qu'elle reçoit pour fournir un service public: des émissions originales qui complètent les émissions du secteur privé, qui intéressent les téléspectateurs canadiens et qui rehaussent la diversité du système de radiodiffusion. En outre, Radio-Canada devrait être obligée de rendre compte en totalité de l'utilisation de la subvention qui lui est accordée pour qu'elle s'acquitte de son mandat public.
Il est intéressant de jeter un coup d'oeil aux obligations de rendre compte des radiodiffuseurs publics dans d'autres pays ainsi qu'à leur façon de s'acquitter de leur mandat public. On s'aperçoit ainsi que la BBC est reconnue comme un modèle à suivre parmi les diffuseurs publics. C'est un modèle très intéressant dont il est particulièrement utile de s'inspirer pour définir le rôle d'un diffuseur public et pour structurer son organisation en conséquence. Par exemple, la BBC admet que ses activités peuvent avoir des répercussions sur les diffuseurs privés. Elle obéit donc à un ensemble de règles d'équité commerciale pour que les deniers publics ne lui servent pas à livrer une concurrence déloyale aux entreprises privées et pour que ses activités commerciales soient conformes à ses objectifs de diffuseur public.
En outre, la BBC produit un rapport annuel contenant de l'information qualitative et quantitative détaillée sur toutes ses activités d'ordre public et commercial, ce qui est tout aussi important. On trouve dans ce rapport des renseignements exhaustifs sur les émissions et le public de chaque service de la BBC de même que ses états financiers complets, ce qui permet des évaluations objectives, rigoureuses et transparentes.
Nous croyons que Radio-Canada devrait viser un degré semblable de transparence lorsqu'elle rend des comptes, de manière à garantir une utilisation efficace de sa subvention pour s'acquitter de son mandat de service public, et non pour livrer une concurrence déloyale aux diffuseurs privés. Cette opinion est conforme à la recommandation du Bureau du vérificateur général du Canada formulée après un examen en 2005 du dossier de Radio-Canada, recommandation selon laquelle des mesures devaient être prises pour améliorer les rapports et accroître les obligations de rendre compte.
Pour commencer, Radio-Canada devrait être tenue de publier de l'information financière détaillée concernant chacun de ses services, plutôt que de se limiter à de l'information sommaire, comme c'est le cas à l'heure actuelle. Ce serait un outil essentiel pour que les intéressés puissent déterminer dans quelle mesure les deniers publics servent à l'exécution du mandat de Radio-Canada, et non à des fins purement commerciales.
Nous tenons à dire que, sans un tel degré de transparence et sans une telle obligation de rendre compte, il est pratiquement impossible de procéder à un examen équitable et exhaustif de Radio-Canada. Trop d'activités des réseaux français et anglais nous échappent. Nous ne pouvons pas en parler en connaissance de cause parce que l'information qui les concerne est tenue confidentielle.
:
Nous sommes en mesure de faire certaines observations à la lumière des renseignements dont nous disposons.
Premièrement, la stratégie de programmation télévisée de Radio-Canada et de CBC place le radiodiffuseur public en concurrence directe avec le secteur privé. Puisque les décisions relatives à la programmation sont prises en fonction du besoin de maximiser l'auditoire de la télévision afin de produire des recettes publicitaires, l'équilibre approprié entre les éléments publics et privés du système de radiodiffusion canadien est faussé. Cela apporte un élément de concurrence malsaine pour ce qui est de l'acquisition d'émissions populaires.
Vu l'importance que revêt cette question, l'ACR estime qu'il incombe au gouvernement d'examiner dans quelle mesure les activités commerciales de Radio-Canada et de CBC se répercutent sur leur capacité de s'acquitter convenablement de leur mandat public, et de se donner comme objectif final de trouver des moyens de réduire la mesure dans laquelle Radio-Canada et CBC compteront sur les recettes publicitaires à l'avenir.
Deuxièmement, Radio-Canada et CBC se sont mises à exploiter plusieurs autres plateformes de diffusion au cours des dernières années. Ayant commencé par des services de télévision spécialisés et des services sonores à la carte, elles exploitent aujourd'hui de nouvelles plateformes numériques, y compris plusieurs services ou sites Internet. Radio-Canada et CBC doivent faire en sorte que leur présence sur ces plateformes ne porte pas atteinte à leurs services de radiodiffusion de base, lesquels sont leurs principaux moyens de s'acquitter de leur mandat.
Troisièmement, nous nous préoccupons également des pratiques commerciales de Radio-Canada et de CBC en ce qui concerne les plateformes de médias numériques, l'incidence de ces pratiques sur le secteur privé et la quantité de renseignements que Radio-Canada et CBC devraient être tenues de divulguer sur leur exploitation dans le domaine des médias numériques.
[Traduction]
Monsieur le président, la transparence et l'obligation de rendre compte sont à nos yeux essentielles pour que l'on puisse évaluer comment, à titre de radiodiffuseur public, Radio-Canada met en oeuvre sa stratégie relativement aux nouveaux médias. Pour autant que nous sachions, Radio-Canada n'a rien publié ou révélé au sujet de son utilisation des nouveaux médias, ni dans son rapport annuel, ni dans tout autre document publié depuis 2003. Cette information nous faciliterait nettement la tâche de déterminer précisément si les activités de Radio-Canada dans ce domaine sont utiles pour l'exécution de son mandat, à titre de radiodiffuseur public. Comme nous ne disposons pas de cette information, nous ne pouvons pas faire cette évaluation.
L'ACR est d'avis que l'examen auquel procède le comité permanent est une étape utile pour arriver à mieux définir le rôle de Radio-Canada dans le monde canadien de la radiodiffusion, pour la décennie à venir. Selon nous, il faut affirmer de nouveau, dans les politiques publiques, l'objectif de faire de Radio-Canada un service bénéfique pour le public canadien à titre de force unificatrice qui façonne et renforce notre identité culturelle. En consultant les acteurs du milieu, le comité permanent sera en mesure de cerner les problèmes qui nécessitent des éclaircissements ou une étude plus approfondie. On disposera ainsi d'un point de repère solide pour considérer les plans d'exploitation détaillés qui seront présentés avec la demande de renouvellement de la licence de Radio-Canada.
Nous sommes heureux de pouvoir témoigner devant vous aujourd'hui et nous répondrons avec plaisir à vos questions éventuelles. Merci.
:
Le Bureau du vérificateur général, en 2005, a publié des recommandations à ce sujet, et on aimerait vous en donner un exemple pour illustrer comment une meilleure reddition de comptes, une plus grande transparence, pourraient éclairer un débat comme celui qu'on cherche à avoir ce matin.
Par exemple, en 2005, le Bureau du vérificateur général avait constaté qu'il y avait, pour le service de Radio-Canada, au réseau français de Radio-Canada, 8 800 heures de programmation inutilisées et toujours disponibles aux fins de radiodiffusion, qui n'avaient pas été mises en onde. On appelle cela, à toutes fins pratiques, « on the shelf ». C'est de la programmation qui a été achetée, mais qui n'a pas été diffusée.
Pourquoi un diffuseur public aurait-il besoin de faire des acquisitions aussi importantes sur le plan de sa programmation pour ensuite les mettre sur une tablette? Faites le calcul avec moi: que représentent 8 800 heures de programmation? Le peak prime time, les heures de très grande écoute, en moyenne, ce sont trois heures par soir, sept soirs par semaine, ce qui donne 21 heures de très grande écoute par semaine.
Si la totalité de ces heures inutilisées étaient sujettes à diffusion durant ces périodes de grande écoute, ce serait huit ans de programmation, en termes d'heures de grande écoute, sur la tablette. Il y a peut-être une explication très claire à l'hypothèse que j'avance, et qui pourrait l'invalider. Mais en l'absence d'une information plus complète, on peut se permettre de formuler de telles hypothèses. Elles nous apparaissent nécessaires pour éclairer le débat sur l'avenir de Radio-Canada, son financement, la façon de préciser son mandat pour le rendre plus redevable et l'amener, finalement, à la hauteur des attentes de tous les Canadiens et toutes les Canadiennes à l'endroit de ce service, à savoir un service de première qualité, un service public, tant de radio que de télévision, dont les gens sont fiers.
Notre commentaire en est un que tout le monde peut partager parce que si nous avions plus d'information devant nous, notre discours, ce matin, serait beaucoup plus renseigné qu'il ne l'est. En passant, le même rapport de la vérificatrice générale a révélé que pour la même année, en mars 2005, quand elle a complété son rapport, du côté de CBC, la télévision de langue anglaise — Radio-Canada n'était pas la seule à avoir comme pratique de mettre sur la tablette plusieurs heures de programmation —, il y avait tout près de 6 000 heures de programmation sur les tablettes, non diffusées.
Alors, la question qui se pose est: comment un diffuseur public se comporte-t-il, dans ses pratiques d'acquisition, pour stocker autant d'émissions sans les mettre en ondes? Il y a peut-être une bonne raison, mais...