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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 novembre 1999

• 0904

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous menons une étude sur la productivité, l'innovation et la compétitivité.

J'ai le grand plaisir d'accueillir à nouveau M. John Baldwin, directeur de l'analyse microéconomique à Statistique Canada, et M. Serge Nadeau, directeur général de l'analyse microéconomique au ministère de l'Industrie.

Nous allons d'abord entendre les déclarations liminaires des deux témoins, après nous passerons aux questions.

Nous allons commencer par M. Baldwin.

M. John Baldwin (directeur, Division de l'analyse microéconomique, Statistique Canada): Merci beaucoup.

• 0905

La technologie me joue un tour ce matin. Nous devons parler de productivité et de technologie mais je constate qu'une des lampes de la machine est morte, ce qui m'empêche de vous présenter les acétates dans les deux langues.

Quoi qu'il en soit, toutes les acétates sont reproduites dans la documentation qui vous a été remise. J'attirerai donc votre attention sur les acétates pertinentes pendant mon exposé, ce qui vous permettra de mieux suivre.

Je commence par mentionner les deux séries d'acétates, en noir et blanc, qui se trouvent dans le classeur bleu que l'on vous a remis. Ce sont les acétates auxquelles j'ai l'intention de faire référence dans l'exposé, lequel suivra à toutes fins pratiques le texte d'un article récemment publié dans la revue vedette de Statistique Canada, L'observateur économique canadien. Il s'agit de l'article spécial intitulé «Croissance de la productivité au Canada et aux États-Unis». Voilà les deux documents qui vous permettront de mieux suivre mon exposé.

Pour commencer, précisons tout de suite que la productivité est l'un des indicateurs économiques clés de la santé d'une économie. Ce n'est toutefois que l'un des indicateurs importants, mais c'est celui auquel je m'intéresse aujourd'hui puisque c'est ce que l'on m'a demandé de faire. La productivité est une mesure de la capacité de production d'une économie, c'est-à-dire qu'elle exprime le niveau de production de l'économie en fonction des ressources affectées à la production.

Statistique Canada mesure la croissance de la productivité dans le temps. L'évolution de la productivité indique dans quelle mesure nous améliorons notre capacité de production à mesure que nous accroissons les facteurs de production. La croissance de la productivité est la progression de notre efficience en production. Elle est fonction de l'enrichissement de nos connaissances et de nos techniques de production. Elle s'opère parce que les établissements croissent et exploitent des économies d'échelle, utilisent une main-d'«uvre de meilleure qualité ou conçoivent de meilleurs produits. Elle peut également tenir à des changements organisationnels de gestion des établissements ou de modes d'organisation de la production.

La mesure la plus courante de la productivité est la productivité du travail, c'est-à-dire la quantité de production de chaque travailleur ou, selon notre méthode de mesure, la quantité de production par heure de facteur de travail. Cette mesure est affectée par la quantité de capital mise à la disposition des travailleurs. Par capital, on entend simplement les immobilisations accumulées en outillage et en bâtiments. Les établissements au capital supérieur présentent généralement aussi une production supérieure par heure travaillée.

Comme il importe de savoir si les variations de la productivité du travail s'expliquent par l'évolution de la quantité de capital exploitée par opposition à d'autres facteurs, Statistique Canada et la plupart des autres agences pertinentes ont adopté une mesure dite de la productivité multifactorielle. Cette mesure réunit les facteurs de production que sont le travail, le capital et les intrants intermédiaires, de façon à saisir les variations d'extrants par rapport aux variations d'intrants. C'est une notion plus complexe mais je pense qu'elle est relativement facile à comprendre si je vous demande de vous placer dans la peau de l'entrepreneur. Si vos extrants augmentent de 6 p. 100 et que tous vos intrants ont augmenté de 5 p. 100—après la pondération requise, bien sûr—on peut dire qu'il y a eu une augmentation de 1 p. 100, c'est-à-dire la différence entre six et cinq, de la productivité multifactorielle.

Dans notre première acétate importante, intitulée «Comme la productivité du travail, la productivité multifactorielle du secteur des entreprises indique un ralentissement après 19973», vous pouvez voir un graphique montrant le niveau de productivité du travail et de productivité multifactorielle pour plusieurs périodes allant de 1966 à 1997. On constate ainsi que, pendant les trois dernières décennies, 1973-1979, 1979-1988 et 1988-1997, la productivité multifactorielle n'a quasiment pas changé.

Le taux de croissance de la productivité du travail est resté quasiment le même pendant les deux dernières décennies mais, ce qu'il faut souligner, c'est que, pendant les trois dernières périodes ou décennies envisagées, le taux de croissance de notre productivité, qu'il s'agisse de la productivité du travail ou de la productivité multifactorielle, a considérablement baissé par rapport aux périodes antérieures. Et c'est là un phénomène qui était largement répandu dans les pays de l'OCDE, mais surtout au Canada et aux États-Unis.

Avec l'acétate suivante, je veux montrer que nous avons connu des taux de productivité du travail relativement constants au cours des deux dernières décennies mais que cela ne veut absolument pas dire que les années 90 ont été faciles. Certains d'entre vous concluront peut-être que je semble dire que, puisque la croissance de la productivité a été environ la même dans les années 90 que dans les années 80, cela veut dire que les années 90 ont été à peu près aussi bonnes que les années 80, mais ce ne serait pas vrai. En effet, les années 90 ont été accompagnées de nombreux autres facteurs économiques dont il faut tenir compte pour évaluer correctement notre situation. Nous avons connu une hausse du chômage, une stagnation du revenu par travailleur et une polarisation croissante du revenu familial avant impôt.

• 0910

Si vous passez à l'acétate suivante, intitulée «Origines de la croissance économique dans le secteur des entreprises canadiennes pour différentes périodes», vous y voyez le taux de croissance, ou la production réelle, pendant les mêmes périodes, le taux de croissance de ce que nous appelons la contribution du travail et la contribution du capital, et, finalement, notre mesure de la productivité multifactorielle. La mesure de la productivité multifactorielle est la barre grise qui se trouve à droite de chacun des quatre panneaux. Vous pouvez constater que cette barre grise est à peu près de même taille pour les trois dernières périodes envisagées. Cela veut dire que notre productivité multifactorielle—c'est-à-dire le taux de croissance de nos extrants par rapport à nos intrants—n'a quasiment pas changé.

Si vous analysez la barre qui se trouve à gauche de chacun des panneaux, en gris foncé, elle représente le taux de croissance de la production réelle. Or, vous pouvez voir qu'elle a continuellement baissé à partir des années 60 et que, pour la période allant de 1988 à 1997, elle est à un niveau plus bas que pendant les deux décennies précédentes. Autrement dit, même si l'on a eu un taux de croissance de la productivité relativement constant, l'économie aurait pu faire mieux du point de vue de sa croissance globale.

Passons maintenant à la comparaison des taux de productivité entre le Canada et les États-Unis, ce qui constituera l'essentiel de mon exposé d'aujourd'hui.

Les comparaisons internationales de productivité sont invariablement difficiles. On ne mesure pas toujours de la même manière les intrants et les extrants. Parfois, on mesure le travail en fonction du nombre de personnes occupant un emploi, ou du nombre d'emplois, plutôt qu'en fonction du nombre d'heures travaillées. En outre, ces données peuvent être corrigées pour tenir compte de la qualité des travailleurs dans différentes situations. Pour ce qui est du capital, on peut aussi le mesurer de plusieurs manières, par exemple comme capital brut ou comme capital brut net de l'amortissement, ce que d'aucuns appellent le capital utilisé ou le capital utile.

Si l'on compare la situation de plusieurs pays très différents, il est fort difficile de tirer des conclusions valides. Heureusement, le Bureau américain de la statistique du travail produit des mesures raisonnablement similaires, mais pas identiques, aux mesures canadiennes. On peut donc comparer directement la productivité du travail, ce que je ferai dans un instant. La comparaison de la productivité multifactorielle est relativement plus difficile mais on peut se demander si ces comparaisons changeraient en changeant les hypothèses, ce que je ferai aussi dans un instant.

La figure publiée dans l'article du Quotidien, à la page 3.2—et c'est la figure 10 des acétates—compare la productivité du travail dans le secteur des entreprises au Canada et aux États-Unis pendant la période allant de 1961 à 1997. Elle montre clairement que le Canada et les États-Unis ont connu une évolution relativement parallèle à ce chapitre pendant une période très longue. C'est à la toute fin des années 60 et au début des années 70 que les tendances se sont relativement écartées, avant l'OPEP. Depuis lors, toutefois, les courbes sont très parallèles.

La comparaison de la productivité multifactorielle est légèrement plus difficile parce qu'il y a beaucoup de différences dans les hypothèses. Toutefois, si vous passez au graphique suivant, c'est-à-dire à la figure 2 de la page 3.3 ou figure 11 des acétates, vous pouvez voir que le taux de croissance...

La présidente: Monsieur Baldwin, vous savez que vos pages ne sont pas numérotées. Vous allez donc devoir indiquer les titres.

M. John Baldwin: Oui, je sais. Veuillez m'excuser, les acétates elles-mêmes l'étaient.

La présidente: Certes, mais je vous demande d'indiquer les titres des figures.

M. John Baldwin: C'est «Productivité multifactorielle dans le secteur des entreprises: Canada et États-Unis», ou la figure 2 de la page 3.3 de l'article.

[Français]

Vous retrouverez ce tableau à la page 3.3 du document qui porte l'en-tête «Étude spéciale» et qui a paru dans L'Observateur économique canadien.

[Traduction]

Avez-vous tous trouvé? On me dit d'aller plus vite car je n'ai que 15 minutes.

Vous pouvez voir que les estimations de la productivité multifactorielle—c'est-à-dire les taux de croissance au cours des années, à partir de l'indice 100 pour 1961—montrent que le Canada s'est séparé des États-Unis et a fait mieux qu'eux depuis 1981. Toutefois, les différences entre les deux pays sont relativement minces. Si l'on change les hypothèses faites par les deux pays pour les rendre plus similaires, on obtient des estimations du taux de croissance de la productivité au Canada—par rapport aux États- Unis—qui sont encore plus proches. Celles que nous avons données à la figure 3 de la page 3.3, ou à l'acétate suivante de votre classeur, intitulée «Comparaison du ratio Canada/États-Unis des productivités du travail avec celui des productivités multifactorielles - secteur des entreprises», montrent simplement l'évolution des taux de croissance de la productivité au Canada et aux États-Unis.

• 0915

Les courbes du tableau, qui se situent au-dessus de l'indice 100 de départ, montrent que la croissance canadienne au début de cette période était légèrement supérieure à la croissance américaine. La crête a été atteinte en 1981, environ, après quoi on a enregistré une légère baisse jusqu'en 1996, baisse d'environ 5 p. 100. Le facteur important à souligner est la taille de ces échelles. On commence à 100 et on aboutit à environ 106. Donc, après une période très longue, près de 40 ans, on enregistre une différence de seulement 5 p. 100 dans le taux de croissance cumulé des deux pays, avec cette mesure. Les mesures de la productivité du travail et de la productivité multifactorielle ont évolué de manière semblable.

Je devrais peut-être préciser à cette étape que je parle seulement ici des taux de croissance. Il y a d'autres manières de comparer notre performance à celle des États-Unis. Nous pourrions par exemple parler des niveaux. Nous pourrions nous demander si notre production par travailleur est supérieure ou inférieure à celle des États-Unis. Notre programme vise à produire des taux de croissance et c'est ce dont nous discutons aujourd'hui. Mon collègue, M. Nadeau, indiquera comment le Canada se compare aux États-Unis du point de vue des niveaux.

Si je vous ai seulement montré que le programme de Statistique Canada révèle une relative similitude entre les deux pays pendant cette période, en termes de taux de croissance, la question suivante que l'on m'a constamment posée lorsque j'ai fait ce même exposé au printemps était de savoir si la période actuelle est une anomalie. Y a-t-il quelque chose de différent entre la période contemporaine et il y a 20, 50 ou 80 ans?

La figure 4 de la page 3.4, ou la figure suivante de votre documentation, intitulée «Taux de croissance historiques: Canada/États-Unis», compare la croissance de notre production par employé sur une très longue période. De fait, on y remonte presque à la Confédération puisqu'on démarre en 1870. Le graphique reflète le taux de croissance annualisé aux États-Unis et au Canada de la mesure de la productivité la plus simple possible pour toute cette période.

Vous pouvez voir que le Canada, entre 1961 et 1997, ce qui est le dernier panneau à droite dans la figure de L'observateur économique canadien—et je viens juste de constater que c'est le panneau de gauche dans mes acétates—s'est légèrement mieux comporté que les États-Unis, alors que la situation était relativement identique dans la période 1950-1960 et qu'elle fut à nouveau légèrement meilleure de 1929 à 1950. À la sortie de la Première Guerre mondiale, nous avons manifestement pris du retard pendant le boom des années 20, et nous étions également légèrement en retard entre 1870 et 1930. Donc, sur une période très longue, la mesure de productivité la plus simple pour des périodes de très longue durée révèle une situation quasiment identique entre les deux pays.

La dernière question que je souhaite aborder avait été déjà soulevée au printemps, lorsque nous discutions du sens même de nos chiffres de productivité. Des journalistes de renom prétendaient qu'il n'était pas très sérieux de notre part d'affirmer que la croissance de la productivité au Canada avait été sensiblement la même dans les années 90 que dans les années 80 puisque chacun sait que le niveau de vie n'a pas augmenté aussi rapidement dans les années 90 que dans les années 80. Les gens associent généralement la productivité au niveau de vie, et c'est une mesure du niveau de vie fondée sur la production par habitant. La dernière partie de cet exposé traite de cette difficulté.

Est-il possible que le niveau de vie n'augmente pas aussi vite que le niveau de productivité? Oui, c'est tout à fait possible. Le niveau de vie exprimé par la production par habitant est relié par une identité à une mesure de productivité. Cette identité est très simple. La production par habitant, qui est le critère du niveau de vie que la plupart des gens utilisent—mais on pourrait en utiliser d'autres—est égale à la production par heure travaillée multipliée par le nombre d'heures travaillées et divisée par le nombre de personnes dans l'économie. Les deux facteurs, soit la production par habitant et la production par heure travaillée, devraient être très proches l'un de l'autre, à moins qu'il n'arrive quelque chose au troisième terme de l'équation, c'est-à-dire le nombre d'heures travaillées par le nombre de personnes dans l'économie.

• 0920

La figure 5, intitulée «Réconciliation du PIB réel per capita avec la productivité du travail—Canada», vise à rapprocher ces deux mesures différentes. Elle le fait toutefois de manière plus complexe que ce que je viens de décrire. En fait, le PIB réel par habitant est égal à la production réelle par travailleur ou à la productivité du travail multipliée par le nombre d'heures travaillées par emploi multipliée par le nombre d'emplois par population 15+ multipliée par la population 15+ par rapport à la population totale. Donc, votre production par travailleur et votre production par habitant peuvent évoluer dans deux directions différentes si tous ces autres éléments n'évoluent pas dans le même sens.

Si vous examinez ce graphique, je peux vous dire que la barre de gauche, qui correspond au PIB réel par habitant, est simplement égale à la somme de toutes les autres barres. On peut voir que, pendant la période 1979-1988, la production par habitant a augmenté plus rapidement que la productivité du travail—la production par habitant étant la barre de gauche et la productivité du travail, la barre de droite—et que cela a été le contraire dans les années 90. La croissance de la productivité par habitant a chuté si on compare le côté gauche au côté droit. La barre d'extrême gauche, la croissance du PIB réel par habitant, est bien moins élevée dans les années 90, mais la productivité par travailleur ou la productivité du travail est sensiblement la même. Qu'est-ce qui explique cette différence? La proportion d'emplois par population de plus de 15 ans a chuté de manière spectaculaire. Alors qu'elle était positive entre 1979 et 1988, elle a été négative dans les années 90.

Pourquoi cela? À cause du climat macro-économique. Dans les années 80, pendant la récession du début de cette décennie, beaucoup de gens ont perdu leur emploi et le nombre de personnes occupant un emploi par rapport à la population totale a baissé avant de commencer à remonter à la fin de la décennie. Globalement, nous produisions environ autant d'heures travaillées ou d'emplois par rapport à la population qu'auparavant.

Dans les années 90, pendant la récession, le nombre de personnes occupant un emploi par rapport à la population a de nouveau diminué mais, au lieu de baisser simplement pendant une année comme dans les années 80, il a baissé pendant deux ou trois années et il n'a ensuite pas remonté avant une longue période. Nous avons connu une croissance très anémique. Cela est relativement important car ça veut dire que notre niveau de vie n'a pas continué d'augmenter si on l'envisage du point de vue de la production en fonction de tous les membres de l'économie.

C'est aussi un facteur pertinent quand on veut comparer le Canada aux États-Unis. Alors que le Canada a enregistré une croissance économique du marché du travail pendant cette période, cela n'a pas été le cas aux États-Unis. Les Américains ont continué d'employer environ la même proportion de travailleurs et le nombre d'heures travaillées a continué d'augmenter. De ce fait, leur PIB par habitant a continué d'augmenter à peu près au même rythme que les heures travaillées.

Qu'est-ce que cela veut dire quand on compare le niveau de vie relatif du Canada et des États-Unis? Essentiellement, que nous avons atteint une crête et que nos résultats ont été relativement mauvais dans les années 90, pas parce que le taux de croissance de notre productivité a baissé par rapport à celui des Américains mais parce que le taux d'emploi de notre population a diminué.

J'ai deux graphiques...

La présidente: Avant de passer au graphique suivant, pourriez- vous indiquer le sens des barres de votre tableau, pour l'information des membres du comité? Les cases ne sont pas claires.

[Français]

M. John Baldwin: Pardon?

[Traduction]

La présidente: La «Réconciliation du PIB réel per capita» correspond à ce que vous venez juste d'expliquer au sujet de la productivité du travail pendant les deux derniers cycles. Il y a cinq barres. J'ai compris le sens de celles de gauche et de droite mais pas de celles du centre.

M. John Baldwin: Si nous sortons cette acétate, nous pourrons mieux voir avec les couleurs. C'est très difficile à voir sur le papier mais on le verra à l'écran avec la diapositive 17.

La présidente: Est-ce que l'ordre indiqué en haut est le même de gauche à droite?

M. John Baldwin: Oui.

La présidente: Très bien, ça va. C'est la précision que je voulais.

M. John Baldwin: La barre de gauche correspond au taux de croissance du PIB réel par habitant. Vous pouvez voir qu'elle est beaucoup plus élevée dans la première période que dans la deuxième. La barre de droite correspond au taux de croissance de la productivité du travail. Elle est à peu près identique pour les deux périodes.

En ce qui concerne les autres facteurs, ce sont à peu près les mêmes. Le vrai changement concerne la proportion d'emplois par rapport à la population 15+. Il y a une augmentation pendant la période 1979-1988 puis une diminution pendant les années 90.

• 0925

Que se passe-t-il si on compare le Canada aux États-Unis avec ces diverses mesures? Voici la croissance de la productivité du travail, que vous avez déjà vue. En ce qui concerne la croissance de la productivité du travail canadien, vous pouvez voir que la courbe bleue continue d'augmenter à peu près au même rythme que la courbe orange, qui est la courbe américaine. La croissance est sensiblement la même pendant cette dernière période. Par contre, si l'on examine notre taux de croissance par habitant—c'est-à-dire notre production par habitant dans les années 90—on constate que la courbe canadienne s'effondre pendant la récession et commence seulement aujourd'hui à retrouver les niveaux d'avant 1988, alors que la courbe américaine a continué d'augmenter, tout comme la mesure de productivité américaine.

Donc, pendant cette période des années 90, où nous n'avons pas eu de bons résultats du point de vue du PIB par habitant, cela s'explique essentiellement parce que nous avons employé moins de personnes par rapport à la population. Il se peut que ce soit parce que des gens ont choisi de ne pas travailler, comme je prends soin de l'indiquer dans le rapport, ou parce que des gens n'ont pas trouvé de travail. Nous ne formulons aucun jugement quant à la question de savoir si cela résulte d'une demande inadéquate ou d'une mutation des marchés du travail, avec plus de gens prenant une retraite anticipée. On peut cependant constater que la similarité des deux courbes de croissance avant les années 90 disparaît presque totalement pendant les années 90.

Cela met un terme à mon exposé.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Baldwin.

Je donne maintenant la parole à M. Serge Nadeau.

[Français]

M. Serge Nadeau (directeur, Direction de l'analyse micro-économique, ministère de l'Industrie): Bonjour et merci de m'avoir invité à faire une autre présentation sur la productivité.

[Traduction]

Mon exposé comprend deux parties. Dans la première, je vais indiquer pourquoi il est important d'accroître notre productivité si nous voulons accroître notre niveau de vie. Dans la deuxième, j'examinerai les facteurs qui influent sur la productivité—c'est- à-dire les facteurs sur lesquels nous devons agir si nous voulons améliorer notre productivité.

Vous pouvez voir que mon exposé est très complémentaire à celui de John. Alors que John parlait de taux de croissance, je parlerai quant à moi de niveaux, et seulement en ce qui concerne la productivité du travail. Comme l'a dit John, la productivité multifactorielle est très difficile à mesurer. Les résultats peuvent varier considérablement selon les hypothèses retenues.

En outre, si nous voulons faire des comparaisons de niveaux de vie, il y a une relation beaucoup plus directe entre la productivité du travail et le niveau de vie.

Premièrement, qu'est-ce que la productivité? Laissons de côté les formules très compliquées parce que le concept est en fait très simple. Voici une définition très simple: la productivité est la mesure de l'efficience avec laquelle les gens, le capital, les ressources et les idées sont combinés dans l'économie.

Le mot clé est «efficience». Autrement dit, la productivité n'est pas une question de gens travaillant plus fort ou plus longtemps mais de gens travaillant plus intelligemment. Il s'agit de gens travaillant de manière plus efficiente.

Pourquoi s'intéresse-t-on à la productivité? Cette question est l'une des rares sur lesquelles les économistes peuvent s'entendre. La productivité est le principal déterminant à long terme du niveau de vie d'un pays. Ce graphique est frappant en ce qui concerne la relation entre la productivité du travail et les salaires. Plus la productivité d'un pays est élevée, plus les salaires y sont élevés.

Les salaires augmentent en même temps que la productivité du travail. La corrélation est presque automatique.

• 0930

Quelle est la situation au Canada? Elle est relativement bonne: productivité élevée et salaires élevés. Le problème, pour bon nombre de Canadiens, je pense, est que le Canada pourrait faire beaucoup mieux.

En fait, un consensus commence à se former dans le pays à ce sujet. Voici ce que disait l'un de nos économistes les plus réputés lors d'une «conférence C.D. Howe» prestigieuse:

    La croissance de la productivité est la source dominante d'augmentation exponentielle du niveau de vie au Canada et dans les autres pays industrialisés depuis deux siècles. Si les Canadiens ne réussissent pas à augmenter leur productivité, ils peuvent dire adieu à la croissance du revenu réel par habitant pour des périodes plus longues que cinq à 10 ans.

Cela met à nouveau en relief le fait que la productivité est le facteur clé du niveau de vie à longue échéance.

J'ai montré qu'il y a une corrélation très étroite entre la productivité et les salaires des divers pays. On peut constater la même chose au cours des années. Lorsque la productivité augmente—voici le cas du Canada—les salaires augmentent aussi. La relation est très étroite.

Mme Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): Madame la présidente, est-ce à cause des emplois? Au lieu de nous dire simplement que c'est une réalité, pouvez-vous nous en donner les raisons? Je ne doute pas de ce que vous dites mais j'aimerais connaître l'explication.

La présidente: Je vais demander aux membres du comité de ne pas interrompre le témoin car, si nous acceptons des interruptions, l'exposé sera très long.

Mme Brenda Chamberlain: D'accord.

La présidente: Monsieur Nadeau, j'ai une autre question. Est- ce bilingue? J'ai demandé à M. Baldwin de ne pas faire de présentation unilingue. Or, je ne vois qu'une langue ici.

M. Serge Nadeau: Il y a des acétates en français dans la série, donc c'est bilingue.

La présidente: Merci.

M. Serge Nadeau: En ce qui concerne le niveau de vie, voyons ce qui s'est passé au cours des 30 dernières années. Pendant les années 60, le niveau de vie du Canada a augmenté d'environ 3,3 p. 100 par an en moyenne. Au cours des 10 dernières années, toutefois, il n'a augmenté que d'environ un cinquième de ce taux, soit 0,7 p. 100.

Qu'est-ce que ça veut dire? Concrètement, que notre niveau de vie doublait tous les 21 ans alors que, maintenant, il lui faudra plus de 100 ans pour doubler.

Autrement dit, pendant les années 60, on pouvait s'attendre à ce que nos enfants connaissent un niveau de vie deux fois plus élevé que le nôtre. Aujourd'hui, il leur faudra quatre générations pour atteindre le même résultat.

Un indice peut-être plus concret est celui du revenu familial moyen. Pendant les 20 dernières années, le revenu familial moyen a augmenté d'environ 20 $ par an, ce qui représente environ 40 à 50 ¢ par semaine. En gros, le prix d'un café. Voilà le chiffre qu'on cite très souvent dans les journaux.

Pour ce qui est du revenu familial après impôt, nous avons enregistré une baisse d'environ 142 $ par an. Ça ne paraît peut- être pas beaucoup mais, sur 20 ans, ça fait 2 800 $, ce qui est à peu près le prix des vacances d'une famille moyenne.

L'argument, à mon sens, est que le Canada pourrait faire beaucoup mieux, ce qui ressort d'autant mieux quant on compare avec les États-Unis.

Pourquoi nous comparer aux États-Unis? Il y a plusieurs raisons à cela. L'une d'entre elles est que c'est notre voisin et que c'est le pays auquel la plupart des Canadiens se comparent. En outre, que ça nous plaise ou non, les États-Unis sont notre principal concurrent et ont l'économie la plus dynamique au monde.

• 0935

Nous comparer aux États-Unis ne veut pas dire que nous devrions adopter leurs politiques. De fait, personne ne dirait que la législation relative aux armes à feu augmente le niveau de vie ou la productivité. L'argument qui ressort de ce graphique est que le gâteau économique que se partagent les Américains est beaucoup plus gros que celui du Canada.

Il est beaucoup plus gros. Comme l'a dit John, il est très difficile de faire des comparaisons internationales car de nombreux facteurs entrent en jeu, comme le taux de change. Si on utilise ce qu'on appelle la parité du pouvoir d'achat—autrement dit, 85 ¢ représentent le pouvoir d'achat d'un dollar canadien aux États-Unis, et c'est probablement plus représentatif de ce que les économistes estiment... Je ne dis pas que c'est la vraie valeur du dollar mais que c'est une valeur plus représentative du dollar—la différence de revenu par habitant entre le Canada et les États-Unis, c'est 7 500 $ par an et par personne.

Si on utilise le taux de change qui prévalait à une époque, 67 ¢, le chiffre monte à 17 000 $, ce qui est probablement trop. On a pu lire ce chiffre dans les journaux mais il est exagéré. Les 7 500 $ signifient que les Américains reçoivent en moyenne 7 500 $ de plus par an en termes de revenu ou de services de l'État.

Comment se fait-il que le niveau de vie aux États-Unis, ou le revenu aux États-Unis, soit beaucoup plus élevé qu'au Canada? John s'est penché sur le creusement de l'écart pendant les années 90 et il a constaté que cela s'explique essentiellement par un taux d'emploi plus élevé aux États-Unis. Cette constatation est exacte mais elle concerne seulement le creusement de l'écart. Ce qui m'intéresse, quant à moi, c'est le niveau—autrement dit, les 7 500 $.

Les raisons pour lesquelles le Canada a un niveau de vie inférieur aux États-Unis sont très simples. C'est quelque chose dont conviennent tous les économistes. Certes, il n'y a pas autant de gens qui travaillent au Canada, et cela explique environ 4 p. 100 de l'écart. Cela représente 4 p. 100 de l'écart entre 1989 et 1998, ou 240 $ par an.

Le reste, tout le reste, soit 96 p. 100, s'explique par une productivité du travail moins élevée. L'emploi est important et il est évidemment important d'augmenter l'emploi, mais c'est la productivité qui explique la plus grande partie de l'écart entre les niveaux de vie du Canada et des États-Unis. Je répète que cela n'explique pas l'approfondissement de l'écart dans les années 90 mais seulement l'écart lui-même.

En termes de productivité, comme l'a dit John, la productivité ou l'économie totale comparée aux États-Unis est restée environ la même. Certes, nous avions un écart d'environ 15 p. 100 au début de la décennie mais il est encore aujourd'hui d'environ 15 p. 100.

Dans le secteur manufacturier, toutefois, l'écart s'est profondément agrandi. Il est maintenant de l'ordre de 25 p. 100. Évidemment, on peut dire que l'écart existait aussi il y a 80 ans et que c'est tout simplement une réalité inévitable. Toutefois, bon nombre d'économistes affirment qu'il n'y a rien d'inévitable à cela. C'est quelque chose que nous pouvons changer, et c'est quelque chose que d'autres pays ont essayé de changer.

Comme nous allons le voir, le Canada est le seul pays du G-7 qui n'a pas rétréci son écart par rapport aux États-Unis, sur le plan de la productivité. En 1976, le Canada arrivait au deuxième rang des pays du G-7 du point de vue de la productivité. En 1997, il était cinquième. Tous les autres pays se sont rapprochés des États-Unis et sont aujourd'hui beaucoup proches des États-Unis. Ils ont dépassé le Canada.

Qu'en est-il des régions? Certaines régions sont plus productives que d'autres. Ce qui est intéressant à ce sujet, encore une fois, c'est la relation qui existe entre la productivité et le niveau de vie. Les régions les plus riches du Canada sont aussi les plus productives. L'aspect le plus intéressant de ce graphique, toutefois, c'est que même nos régions les plus productives sont loin derrière les États-Unis.

• 0940

Par exemple, j'ai ici la moyenne pour New York, la Californie et les États-Unis. En moyenne, même nos régions les plus productives sont 10 p. 100 moins productives que la moyenne américaine. Et, comme je l'ai dit, ces régions ne sont pas les plus productives des États-Unis. L'État le plus productif est l'Alaska. Le Connecticut est également très productif. Il est à environ 160. Je pourrais comparer à des États plus proches, comme le Michigan, qui est à environ 120, soit 15 p. 100 plus productif que l'Ontario. Pourquoi cela? Le climat n'est pas tellement différent.

En termes de secteurs industriels, le Canada n'est plus productif que les États-Unis que dans quelques rares secteurs. Ce qui est intéressant, c'est que ces secteurs sont ceux des ressources naturelles: pétrole, métaux primaires, papier et productions connexes, et bois. Il y a le transport, où nous faisons très bien, et aussi la pierre, l'argile et le verre. En matériel de transport—c'est le secteur de l'automobile—nous sommes plus productifs que les États-Unis. Ce qui ressort toutefois clairement de cette comparaison c'est que les secteurs dans lesquels nous faisons mieux que les Américains sont ceux des ressources naturelles, c'est-à-dire nos secteurs d'abondance.

Il est intéressant aussi de comparer les deux secteurs connaissant la plus forte croissance en Amérique du Nord, c'est-à- dire la machinerie, et l'équipement électrique et électronique. Ce sont ce que nous appelons les secteurs du savoir, des secteurs en très forte expansion et très dynamiques. Or, notre productivité y est d'environ la moitié de celle des États-Unis. Évidemment, cela peut varier d'une entreprise à l'autre. Nortel est une société très compétitive. Nous ne parlons que de moyennes. Globalement, dans ces secteurs, notre productivité n'est égale qu'à la moitié de la productivité américaine.

Vous vous demandez peut-être pourquoi j'attache autant d'importance à la productivité alors qu'on ne cesse de lire dans les journaux que le Canada est devenu plus compétitif au cours des 10 dernières années. Le but de ce graphique est de comparer ces deux facteurs, de concilier ces deux thèses. Ce que vous voyez, c'est que l'augmentation de notre compétitivité s'explique uniquement par la dévalorisation de notre dollar. La chute du dollar canadien est bonne pour l'exportation mais, reconnaissons- le, elle représente aussi ce que d'aucuns appellent un appauvrissement collectif.

Examinons ce graphique. Comme je l'ai dit, il est un peu compliqué mais nous verrons bien.

Il est exact que la compétitivité du Canada, en tout cas mesurée en fonction de coût unitaire du travail, c'est-à-dire de ce que coûte la production d'une unité d'extrant dans le secteur manufacturier, a considérablement augmenté au cours des 10 dernières années. De fait, elle a augmenté de plus de 18 p. 100. Voyons cependant d'où vient ce gain de productivité. La productivité du travail aux États-Unis, nous l'avons vu plus tôt, a augmenté plus vite qu'au Canada pendant cette période, dans le secteur manufacturier. Du point de vue de la productivité du travail, nous avons perdu environ 8 p. 100 de compétitivité.

Voyons les salaires. Les salaires ont légèrement compensé cette différence. Les salaires au Canada n'ont pas augmenté aussi vite qu'aux États-Unis et, en fait, nous avons gagné 3,1 p. 100 sur ce front. Si l'on prend ces deux facteurs ensemble, on enregistre une baisse de 4,7 p. 100 de notre compétitivité. Le principal gain est venu de la dépréciation du dollar, de l'ordre de 22,6 p. 100.

Je ne veux pas dire que la chute du dollar a été causée par une croissance moins élevée de notre productivité, et je ne veux pas dire que notre moindre croissance de productivité s'explique par la faible valeur du dollar. Je dis simplement que c'est ce qui s'est passé dans le secteur manufacturier, d'un point de vue global.

Que pouvons-nous faire pour améliorer notre productivité ou, plutôt, quels sont les facteurs qui influent sur la productivité, ou comment se fait-il que nos résultats du point de vue de la productivité ont été au mieux médiocres? Est-ce parce que le Canada souffre de plusieurs handicaps naturels? Nous allons examiner ces handicaps mais voyons d'abord quels sont les atouts que nous pourrions exploiter pour accroître notre productivité, car nous avons évidemment des atouts. D'abord, si on compare le déficit du Canada à ceux des États-Unis, du Japon et de l'Union européenne, nous arrivons au deuxième rang du point de vue de l'excédent. Les États-Unis sont au premier rang. Pour ce qui est de l'inflation, nous sommes également au deuxième rang, le Japon étant le premier. Mais nous sommes premiers en matière de croissance prévue.

• 0945

Selon l'OCDE, nous connaîtrons le plus fort taux de croissance en 1999-2000. Notre bassin de travailleurs du savoir est excellent et nous formons beaucoup de travailleurs. Nous avons les coûts de main-d'oeuvre les plus faibles. En matière d'infrastructure de réseau et d'infrastructure de communications, nous arrivons au premier rang, avec les plus faibles coûts de R-D. Et, bien sûr, nous avons la meilleure qualité de vie au monde. Voilà donc quelques atouts que nous pouvons exploiter. En revanche, nous souffrons aussi de plusieurs handicaps, comme je l'ai dit. L'un d'entre eux est qu'il semble que notre structure industrielle ne soit pas aussi dynamique ni aussi flexible que celle des États- Unis.

Revenons sur les deux secteurs connaissant le plus fort taux de croissance en Amérique du Nord, du point de vue manufacturier: l'électronique et le matériel électrique, ainsi que la machinerie. L'augmentation de productivité dans ces deux secteurs de croissance maximale a été d'environ trois ou quatre fois celle du Canada. Plus important encore, les États-Unis, comme ils sont productifs dans ces secteurs, ont réussi à doubler leur part de ces deux secteurs dans leur production, alors que le Canada a à peine augmenté sa part pendant cette période. Voilà donc les deux secteurs connaissant la plus forte croissance—les secteurs de productivité—aux États-Unis et il se trouve que ce sont les deux secteurs connaissant la plus forte croissance en Amérique du Nord.

Voyons ce qui est arrivé aux deux secteurs ayant connu la plus forte croissance de productivité au Canada. Ce sont le tabac et le pétrole raffiné et le charbon. Pas exactement les deux secteurs connaissant la croissance la plus élevée. Les ressources naturelles sont précieuses et importantes, et il est fort bien que l'on améliore leur productivité mais, soyons réalistes, ce ne sont pas vraiment des secteurs d'avenir.

En outre, même si la productivité a augmenté en partie parce que la production a augmenté, nous voyons ici que leur part de la production a à peine bougé. En fait, si on creuse un peu plus, on constate que le gain de productivité s'explique ici par la réduction de la main-d'oeuvre. Ici, la productivité est accompagnée d'une augmentation de la main-d'oeuvre mais, ici, par une diminution. Ce n'est pas exactement ce qu'on veut quand on parle de croissance de la productivité. Certes, les gains de productivité sont satisfaisants et nous aimerions que notre productivité augmente plus vite, mais nous aimerions aussi qu'elle s'accompagne d'une augmentation de la production.

L'investissement est un autre secteur dans lequel le Canada pourrait mieux faire. Il existe une très forte relation entre l'investissement dans le secteur de la machinerie et de l'équipement et la productivité. Bien sûr, les machines rendent les gens plus productifs. Le Canada investit peu et enregistre une faible hausse de productivité. Par rapport aux pays de l'OCDE, le Canada se situe environ 20 p. 100 en dessous de la moyenne de l'OCDE, et environ 10 p. 100 à 15 p. 100 en dessous de celle des États-Unis. À cette étape, notre investissement en M&E est d'environ 30 p. 100 inférieur à ce qu'il est aux États-Unis ou à la moyenne de l'OCDE. Je parle ici d'investissement, pas de capital. Et ceci vaut année après année après année.

L'investissement direct étranger est bon pour la productivité. Pourquoi? Parce que nous importons du savoir-faire et nous importons de l'innovation. Ce qui s'est passé, cependant, c'est que notre part de l'investissement nord-américain total a diminué alors que le montant total de l'investissement direct étranger au Canada augmentait. Nous sommes de plus en plus en concurrence avec les États-Unis et les États-Unis ont augmenté leur part. Pour montrer que l'investissement étranger est bon, les analystes montrent que les firmes contrôlées par l'étranger sont plus productives que les firmes sous contrôle national.

En fait, prenons 100 comme productivité moyenne des firmes sous contrôle étranger. Ce qu'on voit ici, c'est un écart global de 13 p. 100 entre les firmes sous contrôle canadien et celles sous contrôle étranger. Donc, en moyenne, les firmes sous contrôle étranger au Canada sont de 13 p. 100 plus productives que les firmes sous contrôle canadien. C'est tout à fait cohérent. Les firmes qui investissent dans d'autres pays ont besoin d'être compétitives. Elles ont besoin d'étendre leurs marchés et elles sont donc plus productives.

L'innovation est un autre facteur extrêmement important. C'est peut-être celui dans lequel le Canada a les pires résultats. Il existe plusieurs indicateurs d'innovation. Il n'y en a pas qu'un seul. On peut analyser les intrants de l'innovation, c'est-à-dire la R-D. On peut aussi examiner la production. En fait, John a fait beaucoup de recherche dans ce domaine. À ma connaissance, il n'existe aucun indicateur montrant un résultat positif du Canada du point de vue de l'innovation.

• 0950

Si on prend la R-D, le Canada est avant-dernier dans les pays du G-7 en matière de R-D exprimée en pourcentage du PIB.

Si on prend les brevets, on constate que les activités de brevet sont au total environ trois fois plus élevées aux États-Unis qu'au Canada, non seulement du point de vue global mais aussi dans de nombreux secteurs. C'est même pire, par exemple, pour les ordinateurs et les communications—secteurs très dynamiques—où le quotient est d'environ quatre pour un, ainsi que dans l'électricité et l'électronique. Globalement, nous brevetons trois fois moins, ou nous sommes peut-être trois fois moins innovateurs que les États- Unis, mais c'est quatre fois dans les secteurs les plus dynamiques. C'est d'ailleurs ce qui amène Manuel Trajtenberg, économiste principal à l'Institut canadien des recherches avancées, à dire que le Canada est peut-être en train de rater le bateau de la technologie.

En outre—et je crois que cela ressort de l'étude de John—la comparaison entre le Canada et les États-Unis nous est également défavorable en termes d'adoption de la technologie. Les grandes firmes adoptent autant de technologie que leurs homologues américaines mais, pour ce qui est des petites firmes, c'est seulement 50 p. 100.

[Français]

Une main-d'oeuvre qualifiée est aussi extrêmement importante pour la productivité. Ce graphique donne un bon exemple de l'économie du savoir. Les seuls emplois qui ont été créés depuis 1990 sont des emplois qui ont été occupés par des personnes détenant un diplôme d'études postsecondaires. En fin de compte, au niveau de l'agrégat, seuls les gens ayant des diplômes d'études postsecondaires ont trouvé des emplois au cours des dix dernières années, ce qui illustre très bien qu'on est dans une économie du savoir.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, le Canada a une très bonne performance au niveau des travailleurs qualifiés. En fait, le Canada est classé au premier rang selon le Global Competitiveness Report. On a le plus haut taux d'inscriptions à l'université. Cependant, au niveau de la formation, le Canada se classe seulement treizième et a peut-être du retard par rapport à d'autres pays.

Pour ce qui est du fardeau fiscal, on lit dans tous les journaux que le régime fiscal canadien ne favorise pas la productivité. C'est comme si on entendait parler seulement de cela, mais on a vu qu'il y avait beaucoup d'autres facteurs. Évidemment, le régime fiscal a un impact sur la productivité. Comment le Canada se compare-t-il à d'autres pays?

Le fardeau fiscal total du Canada est d'environ 25 p. 100 plus élevé que celui des États-Unis. On peut se comparer à la France, à l'Italie et à l'Allemagne, mais il ne faut pas se leurrer: on est en concurrence avec les États-Unis.

Maintenant, plusieurs économistes disent que le facteur qui a l'impact le plus direct sur la productivité est le fardeau fiscal des entreprises, des sociétés. Dans le secteur de la fabrication, on voit que le régime fiscal canadien est quand même assez compétitif vis-à-vis de celui des États-Unis. On a un fardeau fiscal qui est d'environ 10 p. 100 plus élevé, mais cela se compare. C'est au niveau du secteur des services que le bât blesse. Dans le secteur des services, le fardeau fiscal du Canada est le plus élevé de ceux des pays du G-7 et il est environ 50 p. 100 plus élevé que celui des États-Unis. Le secteur des services est celui où on trouve la plus forte croissance économique en ce moment, et on s'attend à ce qu'il connaisse aussi la plus forte croissance économique à l'avenir.

Un autre facteur extrêmement important pour la productivité est le commerce. Quand on fait le commerce avec d'autres pays, cela nous force à à être plus compétitifs. Le Canada est en réalité un pays exportateur. Nous sommes le pays le plus ouvert au monde, en fait. Cependant, le Canada n'est pas un pays d'exportateurs. Presque 25 p. 100 de toutes les exportations canadiennes sont faites par seulement cinq compagnies. Les autres exportations sont faites par d'autres compagnies, mais il faut dire qu'environ 50 exportateurs font presque 50 p. 100 de toutes les exportations. Les cinq principaux exportateurs canadiens sont les trois grands de l'auto, IBM et l'Office canadien du blé.

• 0955

[Traduction]

Une autre explication possible de nos mauvais résultats en productivité est la gestion. Le Canada possède le quatrième meilleur environnement micro-économique au monde, selon le Forum économique mondial. L'environnement micro-économique désigne les lois sur la concurrence, les règlements, etc. Toutefois, en termes d'activités et de stratégie des entreprises, nous arrivons au douzième rang, alors que les Américains, nos principaux concurrents, arrivent au premier.

Industrie Canada entreprend une grosse étude là-dessus. Quelle est la raison de cette situation? Comment se fait-il que la gestion au Canada ne semble pas aussi dynamique que dans d'autres pays?

Et qu'en est-il du public? Quelle est sa réaction? Que pense le public de la productivité? Ces résultats nous ont beaucoup surpris. Nous constatons en effet ici que la productivité trouve un écho très fort dans le grand public. C'est pourtant un sujet très complexe. Où se situe-t-il? Il arrive au cinquième rang parmi les priorités que... En fait, si j'étais premier ministre pendant un jour, quelles devraient être les principes guidant l'activité de mon gouvernement?

Finalement, pour conclure cet exposé, je vous ai montré que la productivité est influencée par plusieurs facteurs. Il n'y a donc pas de solution simple au problème et nous sommes obligés d'aborder la question sur plusieurs fronts en même temps—en particulier sur le front de l'environnement micro-économique des affaires. Ce qu'il nous faut, c'est un faible taux d'inflation et une bonne gestion budgétaire.

En résumé, il nous faut nous ouvrir au commerce et avoir plus d'exportateurs exportant dans un plus grand nombre de pays.

Il nous faut aussi plus d'investissements en machinerie et en équipement, et plus d'IDÉ.

Il nous faut une structure industrielle plus dynamique.

Pour ce qui est du capital humain, il nous faut continuer à investir dans l'éducation, dans les gens.

Stratégies et priorités de gestion—il nous faut une gestion peut-être plus dynamique que celle que nous avons maintenant.

En matière d'innovation, bien sûr, il nous faut plus de R-D, plus de diffusion et d'adoption des nouvelles technologies.

Finalement, en termes de structure du marché, il nous faut une politique fiscale et une réglementation compétitives par rapport à ce qu'il y a de mieux au monde.

Merci. Cela met un terme à mon exposé.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Nadeau. Je remercie MM. Baldwin et Nadeau de nous avoir fait des exposés très complets.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Penson.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie tous deux de vos exposés.

C'est un phénomène bizarre d'avoir la possibilité de voir la frontière entre le Canada et les États-Unis, au 49e parallèle, et c'est étrange qu'on puisse la voir. En photographie infrarouge montrant les terres agricoles du Dakota du Nord, du Montana, de la Saskatchewan et de l'Alberta, on peut voir concrètement la frontière canado-américaine. Comment cela se fait-il? C'est à cause des politiques gouvernementales. Aux États-Unis, le gouvernement est favorable à de grosses subventions qui permettent aux Américains de cultiver des céréales jusqu'à la frontière. Du côté canadien, les subventions ne sont pas aussi élevées et on trouve des pâturages. Cela ressort clairement des photographies en infrarouges et c'est là que se situe la frontière entre les deux pays.

J'estime pour ma part que le sombre tableau que vous venez de brosser aujourd'hui s'explique en grande mesure de la même manière: les politiques du gouvernement.

Quand notre comité sur le commerce international a voulu étudier pourquoi les PME n'exportent pas, comme l'a dit M. Nadeau, celles-ci ont dit que le coût des affaires au Canada est extrêmement élevé. Il faut que l'on réduise les impôts et les taxes salariales. La réglementation nous coûte très cher au Canada. Les obstacles au commerce international—une société est venue nous dire qu'elle avait récemment déménagé de l'Ontario au Michigan. Il est maintenant plus facile de faire des affaires avec les provinces canadiennes à partir du Michigan qu'à partir de l'Ontario. Il me semble que cela montre clairement où se situe le problème.

Je veux poser une question. Monsieur Nadeau, vous avez passé assez rapidement sur la relation qu'il y a entre le dollar canadien et notre productivité. Les exportateurs sont aussi des importateurs, en grande mesure, surtout lorsqu'ils importent des composants des États-Unis pour exporter ensuite les produits finis. En outre, l'investissement dans l'équipement neuf et les nouvelles technologies vient également souvent des États-Unis—je parle de l'équipement réel.

• 1000

Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur la relation qui existe entre la faible valeur du dollar canadien et notre productivité? Je ne pense pas que nous ayons eu le temps de bien comprendre ce phénomène.

M. Serge Nadeau: C'est une excellente remarque. La faible valeur du dollar profite peut-être aux exportateurs, puisque cela leur permet d'être beaucoup plus compétitifs. En revanche, j'ai parlé aussi d'un appauvrissement collectif. Cela appauvrit la nation dans son ensemble, notamment parce que nous avons besoin d'importer des marchandises des États-Unis. De fait, la majeure partie de notre investissement en machinerie provient des États- Unis. Cela veut dire, si on prend la valeur du dollar, et c'est une estimation très grossière, qu'acheter de la machinerie aux États- Unis nous coûte aujourd'hui 25 p. 100 de plus qu'il y a 10 ans.

Je ne veux pas dire que la Banque du Canada devrait intervenir pour influer sur la valeur du dollar. Je dis simplement que c'est une réalité. Quand on dit que le dollar déprécié est très bon pour les exportateurs, il ne faut pas oublier qu'il engendre aussi d'autres coûts, en particulier pour les exportateurs mais aussi pour le grand public, dans la mesure où les marchandises que nous achetons à l'étranger coûtent beaucoup plus cher.

Pour revenir au dollar, je ne saurais dire quelle devrait en être la valeur ultime puisque cela relève au fond de la Banque du Canada. Cela dit, votre remarque est tout à fait juste. Un dollar trop faible rend l'investissement beaucoup trop dispendieux et peut nuire à la productivité à long terme.

La présidente: Avez-vous quelque chose à ajouter à cela, monsieur Baldwin?

M. Charlie Penson: Puis-je poser une brève question à M. Baldwin?

La présidente: Je vous en prie.

M. Charlie Penson: Il semble y avoir une certaine contradiction en ce qui concerne l'importance des taux d'emploi dans toute cette équation. Monsieur Baldwin, vous avez dit que les taux d'emploi sont pas mal plus faibles au Canada qu'aux États- Unis. M. Nadeau, quant à lui, dit que cela n'explique qu'environ 4 p. 100 de notre productivité. Pourriez-vous nous aider à mieux comprendre?

M. John Baldwin: Bien sûr. Comme l'a dit M. Nadeau, les deux exposés portaient sur deux aspects différents du même problème. Le programme de Statistique Canada s'intéresse aux taux de croissance, à ce qu'on appelle la productivité. Est-ce que nous nous améliorons à terme? L'exposé de Serge était beaucoup plus axé sur où nous en sommes par rapport aux États-Unis. Pour nous expliquer, disons que l'un parle de variation et l'autre de niveau. Certes, les deux sont importants. Notre programme est axé sur la croissance elle-même parce que c'est un facteur plus facile à étudier pour nous. Cela ne veut pas dire que l'autre soit impossible à faire et Serge s'en est fort bien sorti.

Quand je parlais de l'effet du climat du travail sur ces mesures, je voulais comparer ce qui est arrivé à l'évolution des taux de croissance entre les années 80 et les années 90. Serge, pour sa part, a simplement examiné le niveau et s'est posé la question suivante: s'il y a une différence entre la production par habitant aux États-Unis et la production par habitant au Canada, quelle partie de cette différence s'explique par le fait qu'il y a plus de personnes employées aux États-Unis qu'au Canada, par rapport à la population totale? Il n'y a pas de contradiction. Je suis complètement d'accord avec Serge là-dessus.

Si vous examinez les niveaux, la majeure partie de la différence de niveaux s'explique par des différences de niveau de productivité plutôt que par des différences de niveau d'employabilité. Mais si on essaie d'analyser la tendance, on constate que la principale explication de la détérioration de notre situation dans les années 90 porte sur des problèmes d'emploi plutôt que sur une détérioration de la croissance relative de l'emploi.

Quelqu'un m'a rappelé une conférence qui s'est tenue plus tôt à Toronto cette année. Une des sessions s'intitulait: «Nos manufacturiers sont-ils fainéants?», la question étant de savoir s'ils géraient pour augmenter de plus en plus leur productivité dans cette décennie par rapport aux précédentes. La réponse est non, ils font à peu près aussi bien que dans le passé. Il y a quelque chose d'autre qui est en jeu—les marchés du travail, la demande globale, les changements de la structure sociale—et c'est quelque chose qui a changé le taux d'emploi des gens. J'espère que cela répond à votre question.

• 1005

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'ai toujours plusieurs questions à poser quand on discute de productivité. Vous avez dit que cinq exportateurs font 25 p. 100 de notre chiffre d'affaires, et ainsi de suite. Est-ce que le secteur de l'automobile, qui a tant d'importance au Canada, nous empêche de mieux comprendre les secteurs? Avez-vous des graphiques montrant la situation sans le secteur de l'automobile? Je n'ai pas vu le secteur de l'automobile. Je suppose qu'il a été intégré au secteur manufacturier dans toutes vos analyses, n'est-ce pas?

M. Serge Nadeau: Vous parlez de productivité?

M. Walt Lastewka: Oui.

M. Serge Nadeau: Vous trouverez à la page 9 une ventilation de la productivité par secteur, où le secteur des transports est présenté à part.

M. Walt Lastewka: Le transport, c'est tout le secteur de l'automobile...

M. Serge Nadeau: C'est exact, les pièces détachées et tout le reste. Le tableau montre que le secteur de l'automobile au Canada est en fait très productif. Il est à peu près aussi productif que son homologue américain, d'aucuns diraient même qu'il l'est plus.

M. Walt Lastewka: Vous avez tous les deux beaucoup parlé de niveau de vie. Mon problème est que vous parlez de moyennes alors qu'il y a des extrêmes. Est-ce que les extrêmes sont similaires au Canada et aux États-Unis, où l'on trouve des gens possédant un niveau de vie extrêmement élevé et d'autres un niveau de vie extrêmement bas? Je vois par exemple qu'il y a aux États-Unis 40 millions de personnes sans soins de santé, qui perdent leur logement, qui perdent leurs biens, mais vous venez ensuite nous dire qu'ils ont un meilleur niveau de vie. Bonne chance pour ces 40 millions!

La présidente: Monsieur Baldwin.

M. John Baldwin: Dans un exposé comme celui-ci, il est toujours difficile de présenter toutes les données que l'on voudrait voir. Quand nous parlons de moyennes, nous parlons d'une statistique particulière que les analystes sont portés à utiliser dans la plupart des cas parce que les gens la comprennent. Ce n'est peut-être pas toujours la statistique la plus révélatrice, et ce n'est pas la seule que l'on puisse envisager.

Il y a un article intéressant de l'un de mes collègues qui dirige un service de recherche à Statistique Canada, Michael Wolfson. Vous pourriez inviter Michael devant votre comité pour parler de ça. Il compare non pas le PIB par habitant, la production totale par travailleur, mais plutôt les salaires par personne à partir de microbases de données, et il se demande ce qui se passe quand on compare la moyenne. Et que se passe-t-il quand on compare la médiane.

La médiane est le point qui divise également toute la population, c'est-à-dire qu'il y en a 50 p. 100 au-dessus et 50 p. 100 en dessous. Si la mesure que l'on examine est fortement faussée—et les variables économiques le sont généralement, les revenus le sont, car il y a un très petit nombre de très riches et un très grand nombre de pas riches—la médiane donne parfois une meilleure idée des différences dans les populations.

Michael constate que la situation au Canada est meilleure qu'aux États-Unis si on utilise les médianes. Certes, l'écart ne disparaît pas. En fait, il se creuse encore depuis 20 ans, mais il est vrai qu'il y a aux États-Unis une beaucoup plus forte concentration de richesse qu'au Canada. On peut obtenir de grosses différences si on fait l'analyse avant impôt plutôt qu'après impôt, et si l'on tient compte des transferts de revenu. Le Canada a un système de transfert plus généreux.

Vous avez donc tout à fait raison. Les données que nous avons examinées aujourd'hui révèlent une situation bien différente de celle que montreraient d'autres mesures. Lorsqu'on essaie d'évaluer des normes relatives ou une qualité de vie—et je constate que le débat s'est relativement déplacé des questions de productivité aux questions de qualité de vie au cours des trois derniers mois—il y a beaucoup de critères à prendre en considération, notamment la distribution des revenus.

M. Walt Lastewka: C'est pour ça que j'espérais voir quelques autres acétates dans votre exposé, simplement pour que les gens soient conscients de la différence entre la moyenne et la médiane en matière de niveau de vie, parce que ça fausse vraiment la chose, je pense.

La présidente: Monsieur Nadeau, une remarque?

• 1010

M. Serge Nadeau: Oui. J'ai pris soin de dire dans mon exposé qu'il s'agissait là d'une mesure de la taille du gâteau économique. Il y a deux questions en jeu: la taille du gâteau économique et la manière dont il est distribué. Aux États-Unis—vous avez parfaitement raison—il n'est pas distribué aussi également qu'au Canada mais le fait est qu'il est beaucoup plus gros.

Beaucoup d'économistes estiment que cela ne veut pas dire que le Canada doive adopter les mêmes politiques sociales que les États-Unis pour avoir un gâteau aussi gros. Ces deux facteurs ne s'excluent pas mutuellement. Je conviens avec vous qu'on peut utiliser d'autres critères de la qualité de vie mais disons que je l'ai fait du point de vue du revenu. Pour ce qui est de la taille du gâteau économique, c'est le critère qu'on utilise le plus souvent.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): À la page 9, vous parlez de la construction navale. La placez-vous dans la catégorie de la construction ou dans celle du matériel de transport?

M. Serge Nadeau: Dans celle du matériel de transport.

M. Antoine Dubé: Merci.

Quand on parle de la productivité, beaucoup de citoyens de nos comtés pensent immédiatement aux travailleurs, au nombre de jours de grève, au nombre de jours perdus en congés de maladie et ainsi de suite. Évidemment, vous avez fait un examen rapide et vous n'avez pas traité de cet aspect. Est-ce que vous en tenez compte quelque part?

M. Serge Nadeau: Au Canada, les statistiques sont basées sur le nombre d'heures travaillées et ne tiennent pas compte des heures de grève. Ici, on tient compte des heures de grève. Donc, on contrôle aussi dans le cas des heures de grève.

M. Antoine Dubé: J'ai lu beaucoup d'articles, et on disait qu'au Québec, notamment, il y avait eu une certaine augmentation des heures de grève au cours des dix dernières années. Est-ce que cela peut expliquer une partie de notre retard par rapport aux États-Unis?

M. Serge Nadeau: On a vu d'autres statistiques qui indiquent que ce n'est pas tant dans le secteur privé qu'il y a eu augmentation du nombre d'heures de grève, mais surtout dans le secteur public. Ici, on ne touche pas tellement le secteur public, sauf lorsqu'on fait des comparaisons sur l'économie totale. Dans la présentation, nous parlons surtout du secteur privé et en particulier du secteur manufacturier, où la situation n'est pas si mauvaise selon les statistiques.

Il faut bien voir qu'un endroit où il y a beaucoup de grèves n'est pas très attrayant pour les investisseurs étrangers. Cependant, je ne pense pas qu'on puisse attribuer la faible productivité aux grèves.

M. Antoine Dubé: J'ai bien aimé le lien que vous avez fait entre le taux de productivité d'un pays et sa capacité de verser de bons salaires, parce qu'on nous dit souvent le contraire. Par exemple, dans le cas des chantiers navals, la partie patronale s'oppose aux syndicats en disant que si les salaires sont trop élevés, l'entreprise sera moins compétitive, mais vous dites que ce n'est pas le cas. Vous dites que si tout va bien, que si on a les bons équipements, que si on fait de la recherche-développement, que si on est productif et compétitif, on va pouvoir verser de bons salaires.

M. Serge Nadeau: Oui, mais la relation s'établit entre la productivité et le salaire. Il est vrai que si les firmes sont plus productives, elles peuvent offrir de meilleurs salaires. Cependant, avant d'offrir de meilleurs salaires, elles doivent être productives.

M. Antoine Dubé: J'arrive d'une mission économique en Europe de l'Est avec M. Normand. Nous sommes allés dans trois pays.

Évidemment, vous parlez du G-7 et vos données sont peut-être plus fiables, mais dans certains pays, il est difficile de comparer lorsqu'on n'a pas certains chiffres, ceux de toute l'économie au noir. Dans quelle mesure y a-t-il une place pour l'économie au noir là-dedans?

M. Serge Nadeau: Les comparaisons que j'ai présentées sont pour les pays de l'OCDE et les pays du G-7. Je ne pense pas que l'économie au noir ait un impact important pour les statistiques que j'ai présentées. Cependant, dans le cas de la Russie ou d'autres pays, cela a peut-être un impact sur les statistiques.

M. Antoine Dubé: Merci.

• 1015

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Dubé.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.

Ma question s'adresse à M. Nadeau, mais les deux témoins pourront y répondre s'ils le veulent. On attribue souvent à notre économie de filiales notre faible niveau de R-D industrielle. Avec le libre-échange, on a vu beaucoup de filiales manufacturières de sociétés mères américaines être rapatriées aux États-Unis. J'aimerais savoir si vous voyez une raison quelconque d'espérer une amélioration de notre R-D industrielle en accroissant l'investissement direct étranger au Canada. Quel serait le rôle du gouvernement? Dans le secteur pharmaceutique, par exemple, nous avons vu un échange de bons procédés, si l'on veut, c'est-à-dire l'offre d'une meilleure protection des brevets en échange de promesses des entreprises qu'elles feraient plus de R-D chez nous. Pensez-vous que les sociétés étrangères nous considéreront toujours comme un appendice du marché américain, du fait de notre proximité des États-Unis, et qu'elles ne ressentiront donc jamais la nécessité d'entreprendre des activités importantes de R-D au Canada?

M. John Baldwin: Je vais répondre à cette question car nous avons consacré beaucoup d'attention pendant les trois derniers mois à l'intensité de R-D des sociétés étrangères par rapport aux sociétés nationales, ainsi qu'aux activités d'innovation des deux populations. Je ne saurais dire si la mutation de la nature du Canada, à l'heure actuelle, aurait aussi une incidence profonde sur l'innovation ou la R-D à l'avenir.

Quand je faisais mes études, nous considérions que le Canada était une économie de filiales. Cette expression désignait simplement le fait que les firmes étrangères présentes au Canada étaient des firmes tronquées. Elles n'avaient pas une gamme complète d'activités. Elles faisaient toute leur R-D à l'étranger et, plus important encore, elles en faisaient même moins ici que les firmes nationales.

Les données des 15 dernières années portent à croire que cette image n'est pas exacte. Nous disposons d'une enquête sur l'innovation qui porte à penser que, depuis 1993, les firmes étrangères sont plus susceptibles de faire de la R-D au Canada que les firmes canadiennes. Quand on sépare les firmes nationales de celles qui sont multinationales ou sous propriété étrangère, on constate très peu de différence entre ce groupe et le groupe des étrangères. Toutefois, le groupe des étrangères reste légèrement en avance du point de vue de sa tendance à avoir des installations de R-D et à faire de la R-D continue dans un service distinct—ce sont tous les facteurs qui les rendent dans un certain sens plus actives en R-D. Ces firmes signalent aussi qu'elles ont recours aux innovations plus fréquemment que les firmes canadiennes. Donc, à toutes fins pratiques, cette enquête montre que l'idée que les multinationales sont des firmes tronquées et qu'elles fonctionnent uniquement comme des filiales n'est plus vraie aujourd'hui. Elle l'était peut-être il y a 30 ans, lorsque cela nous inquiétait beaucoup.

Les études nous disent simplement si elles font certaines choses, elles ne nous disent rien sur l'intensité de ces choses. Il y a cependant au moins une étude effectuée avec des données de Statistique Canada et publiée dans Politique de la recherche qui a montré que, sur les firmes qui font de la R-D, l'intensité de cette R-D mesurée d'après les dépenses de R-D par rapport aux ventes est aussi élevée pour les firmes étrangères que pour les firmes nationales.

D'après toutes ces études, qui donne donc l'impression de traîner la patte ou de manquer de dynamisme? Ce sont les firmes canadiennes qui n'exportent pas et n'ont pas d'opérations à l'étranger. Elles font très peu de R-D et elles sont très peu susceptibles d'en faire. Si on revient aux mesures de la productivité, leur productivité à tendance à être plus faible que celle des autres et elle n'augmente pas aussi rapidement. Nous disposons d'une autre étude concernant le taux de croissance de la productivité du travail des firmes ou usines multinationales au Canada par rapport aux firmes canadiennes, et on constate une hausse plus rapide à ce chapitre. Donc, ce n'est pas du tout le secteur étranger qui traîne la patte.

M. Ian Murray: C'est donc la vision des gestionnaires canadiens que vous remettez en cause? On parlait tout à l'heure de la gestion au Canada par rapport à la gestion des États-Unis. Est- ce là que se situe le problème?

M. John Baldwin: Serge connaît la question mieux que moi. Je ne suis pas expert en la matière.

M. Serge Nadeau: Je ne pense pas être un expert non plus à ce sujet, même si j'en ai parlé.

• 1020

Comme je l'ai dit, c'est l'une des raisons qui ont été avancées. Cela fait d'ailleurs partie de notre programme de recherche sur la raison pour laquelle les firmes canadiennes ne semblent pas innover ou investir autant que les autres. C'est peut- être relié à la gestion mais nous n'en avons pas de preuve.

M. Ian Murray: Est-ce simplement parce que nous nous contentons de moins, parce que nous n'essayons pas d'être les meilleurs?

M. John Baldwin: Le professeur Daly, de York, fait au sujet des problèmes des gestionnaires canadiens par rapport aux gestionnaires étrangères une présentation qui pourrait vous intéresser. Il y a d'autres gens qui ont examiné cette question de plus près que moi.

M. Serge Nadeau: Il y a aussi Roger Martin, doyen de l'Université de Toronto, dont la théorie est que les patrons canadiens s'occupent de stratégie de reproduction plutôt que de stratégie d'innovation. Autrement dit, ils s'intéressent plus à la reproduction et à la réduction des coûts qu'à l'innovation.

Il y a donc d'autres théories sur ce sujet. Vous pourriez inviter ces personnes.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Murray.

Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci, madame la présidente.

Merci d'être venus, messieurs.

Je trouve cette séance extrêmement intéressante. J'ai tant de questions à vous poser que je ne sais pas par laquelle commencer. En fait, je vais commencer par la plus simple: avez-vous fait des recherches quelconques au sujet de la productivité relative d'une petite firme par rapport à une grande?

M. Serge Nadeau: C'est John qui est l'expert à ce sujet.

La présidente: Monsieur Baldwin.

M. John Baldwin: Dans notre pays, il est très difficile d'obtenir de bonnes mesures du facteur de productivité le plus sophistiqué, c'est-à-dire la productivité multifactorielle, qui tient compte de tous les intrants.

Je tiens à dire cela dès le départ car nous savons, d'après nos enquêtes, que les petites et les grandes entreprises diffèrent sur de nombreux plans. Elles diffèrent sur le plan des technologies qu'elles utilisent. Une grande entreprise n'est pas simplement une petite entreprise démultipliée pour tous ses facteurs de production. Il est donc extrêmement difficile de mesurer l'efficience globale des petites par rapport aux grandes, et c'est pourquoi on préfère utiliser des mesures de la productivité multifactorielle.

On peut mesurer le travail ou la production par travailleur, et on sait que les petites firmes sont moins productives que les grandes d'après ce seul critère étant donné qu'elles produisent moins par personne. Il y a cependant une bonne raison à cela. Elles utilisent moins de capital. Elles n'emploient pas autant de capital par personne. Les petites firmes ont un processus de production différent. Elles commencent petit et elles évoluent progressivement pour ressembler peu à peu aux grandes.

En conséquence, nous savons certaines choses au sujet de la différence qu'il y a entre les petites et les grandes entreprises du point de vue de la productivité du travail mais j'hésite toujours à aller plus loin et à en tirer des conclusions du point de vue de leur efficience, qui est quelque chose qui dépasse la mesure que nous avons, qui est la productivité du travail. La productivité du travail peut être différente à cause d'une différence d'efficience, mais elle peut aussi être différente tout simplement parce qu'on utilise un panaché capital-main-d'oeuvre très différent dans chaque catégorie d'entreprises.

M. Werner Schmidt: Et c'est pourquoi il est difficile de faire des comparaisons, comme vous venez de le dire. Ce qui ressort de tout ça, c'est qu'environ 85 p. 100 de nos nouveaux emplois sont apparemment créés par les petites firmes. En outre, beaucoup des nouvelles idées viennent aussi des petites firmes.

M. John Baldwin: Oui.

M. Werner Schmidt: Le gouvernement semble donc confronté à un véritable dilemme pour formuler ses politiques: devrait-il encourager les petites firmes à se développer et à devenir grandes, de façon à bénéficier du plus gros avantage qu'est la hausse du gain de productivité par travailleur?

M. John Baldwin: Je suis d'accord. C'est un dilemme important et je le communiquerai aux experts en politiques.

La présidente: Monsieur Nadeau.

M. Serge Nadeau: Comme vous l'avez dit, c'est un dilemme en termes d'élaboration de politiques. Évidemment, du point de vue du gouvernement, je suppose que le but est d'obtenir que les petites firmes deviennent grandes le plus tôt possible. Je ne sais pas si nous avons besoin de choisir entre les grandes firmes et les petites, étant donné que bon nombre de politiques s'appliquent aux deux. Considérant ces études, je suppose que l'on peut s'entendre sur le fait que l'on souhaite que les petites entreprises deviennent grandes le plus tôt possible.

La présidente: Monsieur Baldwin.

M. John Baldwin: Dans certains domaines, les obstacles à la croissance... J'aimerais insister sur la remarque de Serge, c'est- à-dire que l'on souhaite une économie dynamique dans laquelle les deux catégories de firmes, grandes et petites, enregistrent de bons résultats. Les études sur l'innovation et la technologie que nous avons effectuées nous ont amenés à poser des questions sur les obstacles que rencontrent les entreprises, et nous avons tenté de déterminer si les deux groupes semblent souffrir de problèmes différents du point de vue de leur croissance, c'est-à-dire de problèmes de gestion ou de problèmes de mise en oeuvre des nouvelles technologies.

• 1025

Pour reprendre cet exemple, l'une des enquêtes sur l'innovation a révélé que les grandes firmes aussi bien que les petites estiment faire face à des problèmes tout aussi difficiles en ce qui concerne le marché du travail. Dans les deux groupes, ce problème prime sur tous les autres pour le plus grand nombre de répondants, et les deux pensent que c'est une problème relativement grave. Donc, si l'on cherche un domaine dans lequel les deux groupes semblent faire face à des problèmes réels, il n'y a aucune différence entre les deux groupes.

Dans d'autres domaines, il y en a. Les grandes firmes ne sont pas aussi nombreuses à dire qu'elles font face à des problèmes en matière d'accès à l'information sur les nouvelles technologies. Après tout, les grandes firmes sont organisées essentiellement pour acquérir de l'information, la diffuser, l'assimiler, etc.

Les petites firmes sont beaucoup plus nombreuses à nous dire que l'acquisition de technologie et l'information sur les nouvelles technologies constituent un vrai problème. Et, bien sûr, le gouvernement a des politiques et des programmes en la matière.

On peut donc trouver des différences entre les grandes firmes et les petites à cet égard.

La présidente: Dernière question, monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Allons un peu plus loin: y a-t-il un lien entre la proportion de petites entreprises et la proportion de grandes entreprises aux États-Unis et leur niveau de productivité par rapport à ce ratio au Canada?

M. John Baldwin: Statistique Canada et Industrie Canada effectuent actuellement une étude commune pour voir si tel est le cas.

M. Werner Schmidt: On ne le sait donc pas encore?

M. John Baldwin: Non, mais on espère le savoir bientôt.

La présidente: Merci, monsieur Schmidt.

Monsieur Cannis.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): J'ai une grande question à poser à M. Nadeau et une petite à poser à M. Baldwin.

Monsieur Nadeau, en présentant votre graphique sur les entreprises étrangères et sur la manière dont elles sont devenues plus productives, vous avez dit que c'était à cause de la réduction de leurs effectifs. Cela veut-il dire que les entreprises étrangères réduisent leur personnel, ce qui leur permet d'augmenter leurs profits, et qu'elles sont mieux à même d'adapter leurs effectifs que les firmes canadiennes? C'était ma première question.

La deuxième est la suivante: je me demande s'il y a une corrélation... Vous dites par exemple que nous sommes au premier rang en ce qui concerne les travailleurs du savoir. Nous sommes les premiers à ce chapitre. Vous dites ensuite que les États-Unis sont largement en avance. Pourtant, nous dépensons plus d'argent. Nous sommes treizièmes alors que les États-Unis sont quinzièmes. Quelle corrélation y a-t-il donc avec le fait que les États-Unis soient quinzièmes en matière de formation professionnelle? Nous investissons plus dans la formation et pourtant nous avons moins de productivité. Est-ce parce que nous perdons les gens que nous avons formés? Que se passe-t-il?

Ma petite question s'adresse à M. Baldwin, et je la relie à l'un de vos graphiques, celui concernant la réconciliation du PIB mondial par habitant à la productivité de la main-d'oeuvre pour les deux ou... vous avez ici «Ratio: Population 15+ par rapport à population totale». Dois-je comprendre que vous incluez les enfants de 15 ans? Si tel est le cas...

M. John Baldwin: Ce sont les plus de 15 ans, c'est-à-dire à partir de 16 ans.

M. John Cannis: Est-il vraiment juste et réaliste d'inclure une personne de 15 ans dans cette équation, c'est-à-dire une personne qui devrait être à l'école? Si nous l'incluons, qu'est-ce qu'elle apporte du point de vue de la formation et de l'éducation? Est-il normal de l'inclure si l'on affirme que ce sont des compétences de très haut niveau qui vont nous permettre d'être compétitifs?

M. John Baldwin: Je voudrais apporter une précision. Bon nombre d'économistes du marché du travail de Statistique Canada utilisent ce critère lorsqu'ils essaient de fixer le nombre de personnes qui devraient normalement être en mesure de travailler. Je conviens que l'on pourrait commencer à partir des personnes de plus de 20 ans. Entre les deux, il est difficile de savoir si l'on devrait s'arrêter à 15 ans, 16 ans, 17 ans ou 18 ans. La manière dont les chiffres sont calculés permet de faire certaines ventilations plutôt qu'une autre qui serait probablement moins inappropriée, c'est-à-dire à partir de plus de 20 ans. Entre 15 et 20 ans, il y a quand même un bon nombre de personnes qui sont dans la population active.

J'ai demandé au personnel si cela changerait les résultats et on m'a dit que non.

La présidente: Monsieur Nadeau.

M. Serge Nadeau: Parlons d'abord de la formation. Pour ce qui est de la page 16, c'est simplement un classement des entreprises, lorsque nous disons que nous sommes au treizième rang. Cela n'inclut pas les études universitaires, sauf si c'est financé par les universités. C'est seulement la formation universitaire. On peut donc supposer une situation où l'on aurait le plus grand nombre d'étudiants de niveau universitaire mais le résultat ne serait pas aussi bon sur le plan de la formation.

• 1030

Comment se fait-il que, même en ayant ce grand nombre d'étudiants de niveau universitaire et ce taux élevé d'études achevées, nous ne soyons pas aussi productifs que les États-Unis? Il y a deux raisons à ça. L'une est que notre bassin de gens diplômés n'est pas aussi vaste qu'aux États-Unis. L'autre tient à la nature des domaines d'études choisis. Par exemple, il y a aux États-Unis deux fois plus de gens ayant un diplôme d'ingénieur qu'au Canada—50 p. 100 de plus qu'au Canada. Nous sommes donc en retard à ce chapitre. Nous remontons peu à peu la pente mais le retard existe encore.

Un autre facteur est bien sûr que, même si les travailleurs qualifiés sont importants, d'autres éléments entrent en jeu. Il nous faut plus d'investissement. Voilà pourquoi, du point de vue des politiques publiques, on ne peut pas se concentrer uniquement sur l'un des facteurs déterminant la productivité.

Pour ce qui est de l'autre question que vous avez posée, je dois d'abord préciser qu'elle n'est pas reliée à la page 12. Malheureusement, dans l'exemplaire que je vous ai remis, je n'ai pas eu le temps d'inclure le graphique concernant le contrôle étranger. Il figurait par contre dans les acétates présentés à l'écran. À la page 12, on voit que la productivité plus élevée des secteurs du tabac, des produits pétroliers raffinés et des produits du charbon provient de la réduction d'effectifs, mais nous ne savons pas si cela s'explique par le fait que les entreprises étaient sous contrôle étranger ou par d'autres raisons, par exemple par plus d'investissement.

Pour revenir au fond de vos questions, nous n'avons aucune donnée montrant que les sociétés sous contrôle étranger sont plus productives que les sociétés canadiennes parce qu'elles réduisent leurs effectifs. Nous n'avons aucune donnée à ce sujet.

La présidente: Monsieur Nadeau, pourrions-nous obtenir un exemplaire de ce graphique que vous avez présenté à l'écran mais qui ne faisait pas partie de la documentation? Si nous pouvions vous demander de nous le remettre après la réunion...

M. Serge Nadeau: D'accord.

La présidente: Je vais maintenant passer à M. Penson puis à M. Pickard.

M. Charlie Penson: Monsieur Nadeau, vous parliez de l'investissement et du fait que l'investissement direct étranger au Canada a sensiblement baissé au cours des années. En fait, nous ne nous classons pas très bien à ce chapitre parmi les pays de l'OCDE. J'irais même jusqu'à dire que, selon mes informations, le Canada envoie plus d'investissement à l'étranger qu'il n'en reçoit. C'est là un changement radical par rapport aux années passées.

Je n'aime pas que le climat des investissements ne soit pas assez bon pour que les Canadiens eux-mêmes investissent chez eux. Certes, je sais qu'il y a de nouvelles occasions à saisir dans d'autres pays, mais il n'en reste pas moins que le climat de l'investissement au Canada n'est pas assez positif pour nous amener pour nous amener à investir chez nous.

Il y a par contre d'autres régions du monde qui sont fort efficaces pour attirer de nouveaux investissements, comme le «nouveau Sud» des États-Unis. Il y a quelques années, j'étais en vacances au Mississippi et j'ai pu constater que c'est un État florissant. Que s'est-il donc passé là-bas, en matière d'attraction de nouveaux investissements, dont nous pourrions tirer les leçons? Y a-t-il des modèles quelconques que l'on a utilisés là-bas pour attirer de nouveaux investissements? Avez-vous des exemples d'autres régions qui se débrouillent mieux que le Canada pour attirer de l'investissement direct étranger?

M. Serge Nadeau: Ma réponse à votre question va vous décevoir. Nous n'avons fait aucune étude sur les raisons pour lesquelles des régions comme le Mississippi ou le nouveau Sud réussissent si bien. C'est manifestement une question qui ferait l'objet d'une étude de cas fort intéressante.

Les études que nous consacrons à l'investissement direct étranger sont de nature beaucoup plus générale mais il est vrai qu'il serait peut-être tout à fait intéressant d'étudier le cas des régions qui ont très bien réussi à ce chapitre, afin de voir si nous avons des leçons à en tirer.

M. Charlie Penson: La raison pour laquelle je vous pose cette question est évidemment que j'aimerais savoir ce que nous pourrions faire mieux. Qu'est-ce qui pénalise le Canada lorsqu'il s'agit d'attirer de l'investissement? Le pourcentage de notre investissement continue de baisser et je crois comprendre, d'après vos deux exposés, que l'investissement étranger—en particulier—vient généralement avec des niveaux élevés d'innovation et de technologie. C'est l'une des raisons pour lesquelles des entreprises investissent à l'étranger.

Si je comprends bien, les firmes canadiennes qui font de l'exportation ont également effectué des investissements de cette nature en technologie et en innovation mais il n'en reste pas moins que nous continuons de prendre du retard, d'un point de vue collectif, et j'aimerais savoir pourquoi. Que pourrions-nous changer dans nos politiques publiques pour mieux réussir à attirer le type d'investissement qui favorise l'innovation et la nouvelle technologie?

• 1035

M. Serge Nadeau: Plusieurs facteurs influent sur l'investissement direct étranger. Je veux parler des compétences disponibles, domaine dans lequel le Canada réussit relativement bien. Il y a aussi les marchés existants. Le Canada obtient des résultats relativement bons dans d'autres domaines.

Le fait est qu'il est difficile de cerner des raisons très précises. Les États-Unis bénéficient d'une croissance extraordinaire depuis...

M. Charlie Penson: Vous êtes économiste. C'est bien à ce genre de question que vous vous intéressez, n'est-ce pas? Vous devez certainement avoir une idée des raisons pour lesquelles le Canada prend du retard en ce qui concerne l'investissement direct étranger. Il doit bien y avoir certaines informations qui permettent de penser... Est-ce que vous ne discutez jamais avec les dirigeants d'entreprises pour savoir pourquoi ils n'investissent pas au Canada?

M. Serge Nadeau: La raison pour laquelle je suis un peu... Vous pouvez voir, d'après mon attitude, que j'essaie d'être prudent à ce sujet. C'est parce que nous n'avons pas beaucoup de données concrètes. Plusieurs raisons ont été avancées. On a parlé d'incertitude générale. On a parlé de la taille du marché, puisque le marché canadien est plus petit que le marché américain. On a parlé aussi du fardeau fiscal qui serait plus élevé au Canada qu'aux États-Unis. Cela dit, je ne peux vous donner une raison précise, et je pense qu'aucun économiste ne pourrait le faire, car les facteurs en jeu sont multiples.

M. Charlie Penson: Monsieur Baldwin, voulez-vous vous attaquer à la question?

M. John Baldwin: Je n'ai aucune information sur les politiques qui marchent ou qui ne marchent pas. Je m'en excuse.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.

Monsieur Pickard.

M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'aimerais aborder deux domaines. Le premier concerne très simplement les informations qui nous ont été présentées ce matin au sujet du niveau de vie. L'échelle salariale canadienne par travailleur est d'environ 20 p. 100 inférieure à celle des États- Unis mais cela ne nous empêche pas d'avoir une qualité de vie supérieure à celle des États-Unis. À mon sens, l'argent contribue beaucoup à la qualité de vie des familles. Il y a donc là un problème que je ne saisis pas très bien.

Ma deuxième question est celle-ci: quand nous aurons obtenu toutes les statistiques et toutes les informations voulues, il nous faudra bien synthétiser nos informations et produire des recommandations sur ce qu'il faudrait faire pour rehausser la compétitivité du Canada, la productivité et la possibilité d'améliorer le niveau de vie des gens. J'aimerais donc avoir quelques indications de votre part à ce sujet, quelques idées sur les politiques que le gouvernement pourrait mettre en oeuvre pour nous permettre de mieux faire en tant que nation.

M. Serge Nadeau: En ce qui concerne votre première question, la qualité de vie, il faut bien comprendre que les Nations unies ont mesuré la qualité de vie en fonction de trois indicateurs. L'un est le revenu. Techniquement parlant, on a utilisé une échelle logarithmique qui veut dire qu'au-delà de 10 000 $ par an, les gains supplémentaires sont marginaux. Les autres facteurs sont la scolarisation, pour laquelle le Canada fait également très bien, et l'espérance de vie, qui est aussi très bonne au Canada. Voilà donc les trois indicateurs.

Évidemment, cela peut prêter à débat. Pour bien des Canadiens, 10 000 $ par an ne seraient pas suffisants mais c'est la limite qu'a retenue l'ONU. L'indicateur de qualité de vie de l'ONU est utile mais c'est le plus bas dénominateur commun que l'on puisse appliquer à tous les pays, et je pense qu'il ne faut pas l'oublier si on veut évaluer la valeur réelle de ce résultat.

Pour ce qui est des recommandations de politiques, je m'en remets au ministre. Notre rôle à nous a simplement été d'examiner les facteurs qui peuvent influer sur la productivité et je me garderai bien de faire des recommandations précises en matière de politiques publiques.

La présidente: Monsieur Pickard.

• 1040

M. Jerry Pickard: Je me demande si M. Baldwin a des remarques à faire à ce sujet car je constate que tout semble très positif sur ce graphique. Nous sommes censés avoir un avantage mais que devrions-nous faire à partir de maintenant? Je ne vous demande pas de faire plus que spéculer sur certains des changements qui pourraient être mis en oeuvre pour nous rendre plus compétitifs. Je crois que cela fait partie de votre tâche.

M. Serge Nadeau: Tout ce que je peux dire c'est que le gouvernement se doit d'agir sur plusieurs fronts en même temps. Par exemple, le dernier graphique de mon exposé montrait tous les fronts sur lesquels on pourrait agir. Il nous faut plus de commerce extérieur, mais je ne sais pas quelles politiques précises je pourrais recommander à ce sujet. Il nous faut plus d'investissement. Il nous faut plus de dynamisme des entreprises. Je crois qu'il y a neuf bulles montrant les secteurs dans lesquels nous devrions agir.

Ce que je peux vous dire, cependant, concernera l'innovation—envisagée particulièrement du point de vue de la productivité. Ce qui est troublant, c'est le degré d'innovation dans l'économie canadienne. Quels que soient les indicateurs retenus, le Canada ne s'en sort jamais très bien du point de vue de l'innovation. M. Baldwin connaît peut-être d'autres indicateurs que j'ignore mais je n'en ai encore vu aucun qui permettrait de conclure que le Canada réussit bien sur ce front. Or, regardons les choses en face, dans l'économie du savoir de demain, c'est de là que viendra la croissance.

Les États-Unis font très bien à ce chapitre et c'est parce qu'ils ont une croissance plus rapide dans les secteurs économiques connaissant déjà le plus fort taux de croissance et qui sont les plus dynamiques: l'électronique et la machinerie. Ce sera peut-être aussi le cas de la biotechnologie à l'avenir mais nous n'en savons encore rien. Le fait est que tout cela explique une bonne partie du plus grand dynamisme que l'on constate dans d'autres économies qu'au Canada. C'est mon avis.

La présidente: C'est tout, monsieur Pickard?

Allez-y, monsieur Baldwin.

M. John Baldwin: Vous nous demandez notre avis. Évidemment, en tant que statisticien, je n'ai pas d'opinion à exprimer sur les politiques publiques dans ce domaine. Par contre, en ce qui concerne l'indice de la qualité de vie, il est clair que le salaire en est un élément important. Toutefois, je ne pense pas que ce soit le seul facteur important, sinon je ne vivrais plus dans ce pays et la plupart des économistes qui étaient autour de la table du Comité des finances lorsque nous discutions de cette question au printemps ne seraient plus ici non plus.

Je me souviens que quelqu'un avait alors demandé à ces économistes s'ils ne seraient pas très heureux d'une baisse des impôts. Tous ont évidemment répondu par l'affirmative mais je dois dire que je sais que les deux tiers d'entre eux pourraient fort bien traverser la frontière demain matin et facilement gagner deux fois ce qu'ils gagnent au Canada. Pourtant, ils sont encore ici.

Le SRI a publié une étude consacrée à la différence existant dans les modes de vie des Américains et des Canadiens après avoir pris en compte les dépenses consacrées à la santé et à l'éducation, secteurs qui relèvent au Canada du domaine public et qui représentent donc pour nous une épargne.

J'aime raconter une histoire que j'appelle l'histoire de l'oncle décédé. Quand je vivais à Cambridge, au Massachusetts, je me souviens que le chien des gens d'en face donnait une très bonne image de ce qui se passait dans la maison d'en face. Un jour nous avons vu qu'il était très heureux et qu'il s'amusait beaucoup. Au lieu d'aboyer, il est venu nous voir et il s'est même laissé caresser. Plus tard dans la journée, j'ai rencontré l'un des enfants de la famille et je lui ai demandé comment ça allait. Je lui ai dit que j'avais l'impression que tout devait aller fort bien. Tout excité, il m'a répondu que son oncle venait de mourir. Je lui ai dit qu'il avait dû avoir un oncle très méchant. Au contraire, m'a-t-il dit, il était très gentil mais, avec son héritage, les enfants allaient maintenant pouvoir aller dans une école privée. C'était un facteur très important de leur niveau de vie. Certes, l'école publique à laquelle ils allaient jusqu'alors paraissait très bien mais ils ne pensaient pas qu'elle était assez bonne. Ni moi ni personne n'a à se préoccuper de questions de ce genre dans notre pays.

Je pense que ces questions sont importantes et qu'il y a d'ailleurs des gens qui essaient de dresser une liste plus complète de facteurs pertinents, afin de produire un indice plus global. Je crois qu'il y a en Oregon ou dans l'État de Washington des gens qui s'intéressent à cette question et qui ont dressé une liste assez longue de facteurs qui leur semblent pertinents pour mesurer la qualité de vie.

En tant que statisticien, je pense que c'est l'une des choses que l'on devrait faire pour essayer de se faire une meilleure idée de la situation en général.

La présidente: Monsieur Nadeau, une dernière remarque?

M. Serge Nadeau: Oui. La seule chose que je voudrais ajouter est que des salaires élevés et une qualité de vie élevée ne sont pas contradictoires. Mais ça ne veut pas dire que nous devrions renoncer à notre qualité de vie pour atteindre un niveau de vie plus élevé au Canada.

• 1045

Il y a une dernière chose que je voudrais préciser, simplement à titre d'information. Dale Orr, du WEFA, a publié des chiffres montrant que les États-Unis dépensent plus d'argent que le Canada pour les pauvres. Ce sont des chiffres récents mais je pense qu'ils méritent d'être pris en considération. Si le gâteau est plus gros, on en a plus à distribuer.

La présidente: Merci, monsieur Pickard.

Comme il y a encore plusieurs personnes qui souhaitent intervenir, je vais vous demander d'aller un peu plus vite.

Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Je vais donc poser une question très simple: quelle est la différence entre la productivité et la performance du marché du travail?

M. Serge Nadeau: Ce sont deux choses différentes. La productivité indique fondamentalement dans quelle mesure les gens sont productifs quand ils travaillent. La performance du marché du travail nous indique plus combien de gens occupent un emploi.

M. Werner Schmidt: Qu'est-ce qui devrait nous préoccuper le plus: les taux de croissance ou les niveaux de rendement?

M. Serge Nadeau: Ça dépend. Selon nous, ce qui détermine le niveau de vie, c'est le niveau... ce n'est pas une opinion personnelle, c'est un fait établi que le niveau de vie dépend du niveau de productivité et, bien sûr, du niveau d'emploi.

Il faut voir les choses dans leur contexte. Quand les comparaisons montrent que notre taux de croissance est aussi rapide que celui des États-Unis, c'est peut-être fort bien mais, au sein du G-7, les États-Unis arrivent à l'avant-dernier rang pour le taux de croissance. Est-ce que nous voulons rester au bas de la liste? D'autres pays se sont rapprochés des États-Unis pour ce qui est de la productivité.

On peut donc bien parler du niveau et expliquer la différence de niveau de vie mais, bien sûr, si nous voulons accroître notre niveau, nous devons accroître notre taux de croissance. Ce que je veux dire c'est que, même si notre taux de croissance est comparable à celui des États-Unis depuis un siècle, il n'y a pas de raison que nous soyons condamnés à ça pour l'éternité. D'autres pays ont comblé l'écart. Pas le Canada, pour toutes sortes de raisons.

La présidente: Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: J'espère qu'on pourra cerner ces raisons.

M. Serge Nadeau: Certaines d'entre elles sont l'innovation, l'investissement et le manque de dynamisme. Voilà des possibilités.

M. Werner Schmidt: Cela a à voir aussi avec l'identification des secteurs. Il est clair que le secteur du tabac s'en sort très bien. Tel n'est pas le cas de l'électricité et de la fabrication. Quel est donc le problème?

M. Serge Nadeau: On dit parfois que c'est à cause du manque de dynamisme de l'économie canadienne.

M. Werner Schmidt: Je ne le crois pas. Après tout, ce sont les gens qui font l'économie. Ce qui se passe dans un secteur ne se passe pas dans un autre.

M. Serge Nadeau: Mais pourquoi n'est-ce pas le cas dans les secteurs en croissance rapide?

M. Werner Schmidt: Je crois que cela nous ramène à ce que disait M. Murray. Est-ce un problème de gestion, parce que les patrons ne voient pas...?

M. Serge Nadeau: La prise de risques? C'est une possibilité. C'est quelque chose que nous examinons. C'est la théorie de Roger Martin, de l'Université de Toronto. Il dit que les patrons canadiens sont plus compétents dans la reproduction que dans l'innovation. Ce ne sont pas des preneurs de risques. Innover exige qu'on prenne des risques.

M. Werner Schmidt: Absolument.

M. Serge Nadeau: Mais ce n'est qu'une théorie. Comme je l'ai dit, nous lançons un projet de recherche pour voir si c'est vraiment le cas. Pour l'instant, je ne peux pas tirer de conclusion.

La présidente: Merci, monsieur Schmidt.

Madame Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, madame la présidente. Vous nous disiez qu'il était très difficile de comparer la productivité et d'autres facteurs chez les grandes entreprises et chez les petites et moyennes entreprises en raison des processus radicalement différents auxquels on a y a recours. Est-ce qu'il existe des études comparatives entre les PME canadiennes et les PME américaines, qu'exploitent nos voisins, en termes de création de petites entreprises, de croissance d'une petite entreprise vers une entreprise moyenne et, par la suite, vers une grande entreprise? Si on a identifié des différences significatives, est-ce qu'il existe des études portant sur les divers secteurs de l'industrie qui pourraient nous indiquer quelles en sont les raisons?

• 1050

M. John Baldwin: Il y des études qui ont comparé les chiffres sur la création de petites entreprises. Nous avons constaté que le taux de création de petites entreprises était presque le même dans les deux pays. Nous sommes aussi dynamiques que les États-Unis dans ce domaine-là. Il y a aussi des études qui ont essayé de suivre ces nouvelles entreprises au fil des ans. Il est plus difficile de juger du résultat de ces études, mais je pense que le taux de croissance est plus fort aux États-Unis qu'au Canada.

[Traduction]

C'est une question de bon sens. Nous savons que les Américains ont des entreprises beaucoup plus grosses. À terme, les firmes américaines deviennent toujours plus grosses.

[Français]

Est-ce que nous savons pourquoi? Non. Peut-être est-ce attribuable à la taille du marché ou encore au financement, mais nous ne le savons pas en ce moment. Il y a beaucoup de gens qui sont en train d'étudier ces choses-là.

Mme Marlene Jennings: Jusqu'à maintenant, on n'a pas réussi à expliquer ce phénomène.

M. John Baldwin: Non.

Mme Marlene Jennings: J'ai une petite question à adresser au Dr Nadeau. Vous avez dit qu'une des raisons qui ont été invoquées par d'autres experts pour justifier le manque d'investissements étrangers ou leur décroissance était l'incertitude générale, general insecurity. De quoi parlez-vous exactement?

M. Serge Nadeau: On mentionnait entre autres les grèves au début. D'un point de vue extérieur, on regarde parfois seulement les statistiques générales. C'est vrai qu'il y a plus de jours de grève au Canada, mais il y a beaucoup d'autres facteurs, comme je l'ai mentionné. La taille du marché est probablement un facteur important. C'est vrai qu'il y a l'ALENA, mais il y a encore une frontière entre le Canada et les États-Unis. Cela peut être une des raisons pour lesquelles les États-Unis accroissent leur part du marché de l'investissement.

Mme Marlene Jennings: Est-ce que l'incertitude politique peut être un des facteurs de cette incertitude généralisée?

M. Serge Nadeau: C'est possible, mais quelques études ont été faites, et il semble que ce ne soit pas une raison significative. Maintenant, il y en a beaucoup qui parlent, mais c'est quelque chose qu'on ne sait pas réellement.

Mme Marlene Jennings: Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Madame Chamberlain.

Mme Brenda Chamberlain: Merci, madame la présidente.

Je voudrais revenir à la page 16 et aux questions de M. Cannis. Je lis cette phrase: «Toutefois, la formation en cours d'emploi est essentielle et la performance du Canada à ce chapitre est faible». Il y a une douzaine d'années, l'Université de Guelph avait consacré une étude à ce problème et cela avait été l'une de ses conclusions.

Je vais faire quelques remarques, après quoi je vous demanderais quelle est l'importance de la formation professionnelle dans ce scénario de fiscalité, d'exportation, de dynamisme des entreprises et de tout ce dont nous venons de parler.

Quelle est l'importance de la formation professionnelle pour le comité? Je tiens à ce que ce soit dit publiquement. Il est regrettable, madame la présidente, que les membres de l'opposition ne soient pas présents car j'estime que c'est une question très importante aujourd'hui. Nous parlons de créer des emplois pour les Canadiens et d'être très compétitifs. Le fait qu'aucun député de l'opposition ne soit présent me déçoit.

Comme je l'ai dit, la formation en cours d'emploi avait été identifiée comme facteur important dans une étude faite il y a plusieurs années. Cela recouvre plusieurs choses. Par exemple, est- ce que ce sont les employeurs qui devraient s'occuper de formation? Je ne sais pas si nos témoins ont une opinion à ce sujet. Cela dit, il est évident que certains employeurs donnent de la formation à leur personnel. D'autres, par contre, sont très mauvais à ce chapitre, nous le savons tous.

• 1055

Puisque nous parlions tout à l'heure des politiques publiques, il y avait autrefois un programme, que les Conservateurs ont aboli, qui permettait aux entreprises d'obtenir une déduction fiscale si elles achetaient de l'équipement comportant un volet de formation. D'après mes discussions avec des employeurs, c'était un programme très important et qui les aidait beaucoup. Il les incitait à faire justement ce dont nous parlons, c'est-à-dire à former leur personnel et, bien sûr, à renouveler et à moderniser leur équipement. Ce programme a été aboli. Le Comité de l'industrie aurait peut-être intérêt à revoir la question.

On entend aussi beaucoup parler du fonds de l'AE et de l'excédent qui s'y trouve. Croyez-vous qu'une partie du fonds de l'AE devrait être consacrée à la formation professionnelle? Je ne sais pas quelle devrait être la proportion, par exemple un tiers pour l'AE et les deux tiers pour l'employeur. Quoi qu'il en soit, si on veut parler de politiques concrètes, voilà une chose très concrète que nous pourrions examiner. Il est certain que l'argent de l'AE était destiné à la formation et qu'on a imposé des réductions à ce chapitre, à certains égards.

J'aimerais avoir une réponse générale à ce sujet, messieurs.

M. John Baldwin: Je vais commencer et vous pourrez parler des politiques. J'aime bien cette répartition du travail. Le statisticien en chef aussi.

Statistique Canada a mené plusieurs études sur l'incidence de la formation professionnelle. Nous avons examiné la question dans le cadre d'enquêtes plus générales qui concernaient le type de stratégies que pourraient mener les petites, moyennes et grandes entreprises. En réalité, il semble qu'un nombre considérable d'entreprises font de la formation en cours d'emploi, formelle ou non. Selon nos enquêtes, la proportion serait largement supérieure à la moitié.

Nous venons d'achever pour le Comité des compétences professionnelles d'Industrie Canada un rapport qui résume tout ce travail. C'est un document exhaustif. Une bonne partie de la formation professionnelle est reliée à l'utilisation des nouvelles technologies et à l'innovation. C'est extrêmement répandu. Quand l'innovation et la formation sont associées dans une petite entreprise, et je reviens ici à quelque chose qu'on disait plus tôt, celle-ci a tendance à se développer plus rapidement et à faire mieux que les autres. Si elle veut s'occuper de la formation elle- même, elle a tendance à ne pas réussir. C'est la formation dans le contexte de la nouvelle économie qui paraît importante, et elle est très fréquente.

Connaissons-nous bien les problèmes auxquels font face les entreprises dans ce domaine? Lors d'une enquête récente, nous avons demandé aux firmes si elles faisaient face à des problèmes de financement dans différents domaines, c'est-à-dire la R-D, la nouvelle technologie et la formation. Nous nous demandions si les entreprises parleraient du troisième élément. Or, nous avons constaté qu'elles font face au même problème pour la formation et pour la R-D, c'est-à-dire qu'elles doivent financer cela avec leurs fonds propres. On ne peut pas demander du capital aux marchés ou à l'extérieur pour ça. Cela veut dire que l'activité menée dans ces secteurs exige que l'entreprise connaisse déjà du succès et soit déjà capable de gagner de l'argent.

Nous savons qu'il y a beaucoup de formation professionnelle qui est dispensée, que cela concerne la nouvelle économie, que ces firmes semblent connaître plus de succès, que c'est associé aux investissements de R-D et que ce type d'investissement est généralement difficile à financer parce que c'est risqué et que c'est difficile à évaluer de l'extérieur.

Vous pouvez maintenant parler des politiques publiques.

La présidente: Monsieur Nadeau.

M. Serge Nadeau: Nous n'avons pas fait de recherche précise sur les contraintes dans le domaine de la formation professionnelle, étant donné que cela ne fait pas vraiment partie du mandat d'Industrie Canada. Je crois que Développement des ressources humaines a étudié la question, c'est-à-dire les obstacles à la formation professionnelle, par exemple, et s'est peut-être aussi penché sur des propositions précises en la matière.

La présidente: Merci. Merci, madame Chamberlain.

Il nous reste un peu de temps pour deux brèves questions de M. Lastewka et de M. Murray. Monsieur Lastewka.

• 1100

M. Walt Lastewka: Ma question s'adresse à M. Baldwin et concerne sa remarque concernant le fait que les firmes étrangères font plus de R-D au Canada. Avez-vous des données ventilées à ce sujet pour l'industrie pharmaceutique, l'industrie de l'acier, l'industrie de l'électronique et l'industrie du transport?

M. John Baldwin: Non.

M. Walt Lastewka: C'est donc pris...

M. John Baldwin: Il s'agissait d'une étude générale.

M. Walt Lastewka: Dans l'industrie du transport, je sais que ces firmes font très peu de R-D au Canada par rapport à ce qui se fait aux États-Unis, et je me demande si ces données ne sont pas complètement faussées à cause des secteurs.

M. John Baldwin: C'est une bonne question. Nous essaierons de vérifier ça.

M. Walt Lastewka: Je connais une firme qui avait annoncé qu'elle allait faire 20 millions de dollars de R-D mais cela ne représentait même pas 1 p. 100 de ce que faisait la société mère aux États-Unis. Si nous avions nos 10 p. 100, ça ferait 200 millions de dollars par an.

M. John Baldwin: Oui.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray: Merci, madame la présidente. Je n'ai qu'une brève question à poser.

Pendant les 10 dernières années, nous avons constaté une augmentation du nombre d'entreprises ayant des programmes de développement des fournisseurs. Nous avons aussi vu beaucoup d'entreprises obtenir une certification ISO. Avez-vous analysé, et je dois dire que je ne serais pas surpris si vous ne l'aviez pas fait, s'il y a une différence entre les sociétés canadiennes et les sociétés américaines du point de vue des programmes de développement des fournisseurs? Ces programmes peuvent être très bénéfiques aux PME.

M. Serge Nadeau: Nous ne l'avons pas fait à Industrie Canada. Ce n'est pas quelque chose qui nous intéresse.

M. Ian Murray: Bien.

Monsieur Baldwin.

M. John Baldwin: Nous avons les données nécessaires pour examiner la question mais, pour le moment, cela n'a pas été fait.

M. Ian Murray: Bien. Merci.

La présidente: Merci, monsieur Murray.

Monsieur Nadeau, j'aimerais avoir une précision au sujet de votre graphique no 9. M. Dubé et M. Lastewka ont posé des questions au sujet du secteur des transports. Serait-il possible de ventiler la productivité entre les différentes branches de l'industrie des transports? Très précisément, le comité aimerait connaître la situation pour la construction navale. Regrouper la construction navale, l'automobile, le rail et l'avion et conclure que nous arrivons avant les États-Unis—j'ai du mal à accepter ça parce que je ne pense pas que la situation soit la même dans chaque branche.

M. Serge Nadeau: Nous pourrions essayer. Je ne sais pas si de telles estimations seraient très fiables car il y a évidemment très peu de constructeurs de navires au Canada.

La présidente: C'est précisément ce que je veux dire. On peut bien dire que la productivité est élevée mais... Je pense que ce n'est pas assez précis.

Monsieur Baldwin.

M. John Baldwin: J'ai une autre remarque à faire mais pas sur cette question.

La présidente: Bien. Si vous pouviez essayer, monsieur Nadeau, nous vous en serions reconnaissants.

M. Serge Nadeau: Je vais essayer. Lorsque je vous enverrai les tableaux sur la productivité des firmes sous contrôle étranger, je vous dirai si nous avons réussi ou non. Si nous avons réussi, je vous donnerai les chiffres.

La présidente: Au tableau 4, vous présentez l'écart entre le Canada et les États-Unis, et je suppose que vous postulez aussi que les prix au Canada sont plus élevés qu'aux États-Unis, ou que les prix sont moins élevés aux États-Unis.

M. Serge Nadeau: Les chiffres relatifs à la parité du pouvoir d'achat sont destinés à éliminer l'effet des niveaux de prix. Au fond, s'il est vrai qu'un dollar canadien vaut environ 67 ¢ américains sur le marché, on considère que vous pourriez acheter pour 85 ¢ de marchandises avec un dollar américain au Canada. Le but est simplement de tenir compte des différences de prix.

La présidente: Bien.

M. John Baldwin: Cela mesure le prix relatif des marchandises et évite de parler des taux de change. C'est une méthode directe. Statistique Canada recueille des données sur les prix américains et les prix canadiens et s'efforce de calculer la différence réelle. Il se trouve que c'est très différent du taux de change.

La présidente: Bien.

Monsieur Baldwin, vous vouliez faire une dernière remarque.

M. John Baldwin: Serge m'avait posé une question un peu plus tôt. Je ne conteste pas ce qu'il a dit aujourd'hui mais il m'a demandé si j'avais des données montrant que le Canada n'est pas en retard sur le plan de l'innovation. Je voudrais répondre à ça. Je n'ai pas beaucoup de données claires mais je ne voudrais non plus vous laisser l'impression que les Canadiens sont tous des imbéciles. On a fort peu d'informations concrètes. On n'a pas encore commencé à les recueillir.

La question de l'innovation et du retard à ce chapitre n'est examinée que depuis peu mais on commence à avoir certaines indications émanant des universités—après tout, c'est dans les universités que nous dépensons beaucoup d'argent pour nos programmes scientifiques—et on peut commencer à se demander si les choses que font les scientifiques des universités canadiennes sont citées dans le reste du monde aussi souvent que celles des autres pays, et les données ne sont pas décourageantes. Nous ne faisons peut-être pas mieux que les autres mais nous ne faisons pas pire qu'eux non plus.

• 1105

On peut aussi se demander si la production de ceux qui travaillent dans le système de l'innovation ressemble plus ou moins au reste du monde. Comment faire ça? On peut examiner les brevets accordés sur les marchés américains et faire une division non pas par la population canadienne mais par le nombre de travailleurs de R-D au Canada, ce qui donne un nombre de brevets par travailleur de R-D au Canada. À ce chapitre, nous tombons en plein milieu du reste du monde.

Donc, ceux d'entre nous qui travaillent dans le système de R-D semblent être relativement brillants et relativement productifs. Nos scientifiques semblent être aussi productifs que ceux d'autres pays, mais nous avons moins de scientifiques, moins de travailleurs de R-D dans ce domaine particulier. C'est pour cela qu'on risque d'avoir une image légèrement différente des compétences dans le pays et que l'on tend parfois à chercher d'autres manières de résoudre les problèmes. Je vous laisse là-dessus.

La présidente: Je suis heureuse que vous ayez soulevé cette question, monsieur Baldwin, car l'autre tableau au sujet duquel je voulais interroger M. Nadeau est celui des brevets par million d'habitants.

Si on compare la population du Canada à celle des États- Unis—et la manière dont vous avez décrit ce tableau donnait l'impression que le Canada n'est pas en très bonne posture. En fait, je pense que le Canada s'en sort très bien si l'on tient compte du nombre de gens qui vivent ici par rapport au nombre de gens qui vivent là-bas, et peut-être que nous ciblons des secteurs différents. Voulez-vous répondre, monsieur Nadeau?

M. Serge Nadeau: Ce tableau tient compte de la taille de la population. En fait, c'est par million. Ce que cela veut dire, c'est que, du point de vue du nombre total de brevets, par exemple, dans un secteur où nous en avons moins d'après le tableau, trois fois moins de brevets qu'aux États-Unis... Si je ne tenais pas compte de la population, ce serait 30 fois moins.

La présidente: D'accord.

M. Serge Nadeau: Je voudrais revenir sur ce que disait John. Soyons très clairs. Je ne pense pas que je ferais ce travail si je pensais que les Canadiens ne faisaient pas d'innovation parce qu'ils sont plus stupides que les autres. Le fait est, comme l'a dit John, que nous n'avons pas autant de scientifiques que d'autres pays et que nous ne sommes pas aussi actifs que d'autres dans le secteur de l'innovation, mais ce n'est pas parce que les scientifiques canadiens ne sont pas aussi bons.

La présidente: Il y a quelque chose que je n'ai pas vu dans votre tableau, monsieur Nadeau, et je vais donc vous poser la question. Il y a une grande différence dans la législation des brevets au Canada et aux États-Unis. Cela pourrait-il aussi être un facteur?

M. Serge Nadeau: Peut-être bien, et c'est quelque chose qu'on essaie d'ailleurs d'examiner. On se demande si le plus grand nombre de brevets délivrés aux États-Unis ne s'explique pas en partie parce que la législation américaine des brevets est différente. Cela dit, je ne pense pas que cela puisse expliquer toute la différence.

La présidente: Mais au moins une partie.

Monsieur Baldwin.

M. John Baldwin: L'une des méthodes employées par ceux qui étudient cette question consiste à examiner les autres marchés. Autrement dit, on examine le nombre de brevets obtenus aux États- Unis par des non-Américains, étant donné que l'on n'essaie d'obtenir un brevet que pour une découverte relativement importante, puisque cela coûte assez cher. Ça permet de tenir compte des différences dans la législation. Aux États-Unis, la législation est la même pour tout le monde. Si des Hollandais, des Suisses, des Allemands et des Canadiens viennent demander des brevets aux États-Unis, comme ils ont tendance à le faire puisqu'il s'agit du marché le plus gros et le plus riche au monde, on obtient une indication de l'efficacité relative des divers pays. C'est dans ce contexte que je disais que les Canadiens ne semblent pas faire plus mal que les autres.

Cela dit, nous n'avons pas encore beaucoup de gens qui font ça car nous n'avons pas beaucoup de gens en R-D. Par contre, ceux que nous avons sont très efficaces.

Je reviens à cette différence de productivité. Quand j'étais à cette conférence où on parlait des manufacturiers canadiens fainéants—je ne pense pas que ce soit un qualificatif adéquat. Il faut tenir compte de tous les facteurs qui expliquent les différences.

La présidente: Merci.

Je vous remercie tous les deux d'être venus témoigner ce matin. Le débat a été fort intéressant et nous vous remercions du travail que vous avez fait pour préparer vos exposés. Nous allons poursuivre notre étude en tenant compte de vos informations. Merci beaucoup.

Je rappelle aux membres du comité que nous aurons une autre réunion cette après-midi, à 15 h 30, avec M. Carty du Conseil national de recherches.

La séance est levée.