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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 mai 2000

• 0909

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Conformément à l'ordre de renvoi qui nous a été donné en vertu du paragraphe 108(2), nous nous réunissons aujourd'hui pour examiner la Loi sur la concurrence.

Nous sommes heureux d'accueillir ce matin les porte-parole du Conseil canadien de la distribution alimentaire, M. Nick Jennery, président-directeur général, et M. David Wilkes, vice-président responsable de la région de l'Ontario.

• 0910

Monsieur Jennery, je vous invite dès maintenant à faire votre déclaration préliminaire, après quoi il y aura une période de questions. Vous pouvez débuter si vous êtes prêt.

M. Nick Jennery (président-directeur général, Conseil canadien de la distribution alimentaire): Merci, madame la présidente, et bonjour.

Je m'appelle Nick Jennery et je suis président et directeur général du Conseil canadien de la distribution alimentaire. J'ai avec moi David Wilkes, notre vice-président aux relations commerciales, qui s'occupe également de superviser bon nombre des initiatives qui sont prises conjointement au sein de notre industrie par les fournisseurs et les distributeurs.

Le CCDA est une association commerciale nationale qui représente des distributeurs de produits alimentaires auprès des magasins de détail et des entreprises du secteur des services alimentaires dans l'ensemble du Canada. Un distributeur peut être à la fois un détaillant et un grossiste. Parmi nos membres, nous comptons aussi bien de petits épiciers spécialisés dans des créneaux particuliers que d'importants distributeurs nationaux de produits alimentaires qui exercent leurs activités depuis Corner Brook à Terre-Neuve jusqu'à Victoria en Colombie-Britannique. Notre industrie emploie quelque 470 000 Canadiens.

Dans le cadre des audiences de votre comité, on a soulevé un certain nombre de questions à propos de la compétitivité de notre industrie. Nous chercherons simplement aujourd'hui à réagir aux témoignages que vous avez entendus et à exposer nos points de vue sur les modifications proposées à la Loi sur la concurrence. Nous avons remis au greffier du comité une copie du mémoire de notre association, qui résume nos opinions sur la question.

Permettez-moi d'abord d'aborder un instant la question de l'évolution que connaît notre industrie. Ces cinq dernières années, l'industrie canadienne de l'alimentation a traversé une période d'importants changements. La concurrence de plus en plus vive qui s'exerce sur notre marché, avec l'arrivée de nouveaux intervenants, de nouveaux concurrents, de nouveaux canaux de distribution, a provoqué des changements sans précédent: nécessité pour les distributeurs, pour les gros comme pour les petits, de réinvestir dans leurs entreprises; augmentation accélérée du nombre de nouveaux magasins et de magasins rénovés; apparition de nouvelles technologies, de nouveaux types de magasins, d'approches spécialisées de marchandisage et, surtout, un souci plus marqué de tenir compte de ce que veut vraiment le consommateur. Un simple coup d'oeil à l'intérieur de tout nouveau magasin d'alimentation nous en fournit une éloquente illustration.

Comment expliquer cette évolution? Elle est avant tout le résultat de l'arrivée de géants multinationaux sur le marché de la vente au détail des denrées alimentaires. Il s'agit d'un changement profond. Des sociétés comme Wal-Mart et Costco ont modifié les règles du jeu en s'amenant sur le marché avec de nouveaux atouts concurrentiels, de nouvelles infrastructures technologiques, de nouveaux niveaux de capitalisation, ainsi que de nouvelles stratégies globales d'achat. Pour concurrencer ces sociétés, les distributeurs canadiens n'ont eu d'autre choix que de remédier à leurs inefficacités et de rivaliser soit sur le plan de la taille soit sur celui de la spécialisation de leurs entreprises, soit sur ces deux plans à la fois. Comme nous allons le démontrer, ce sont les consommateurs qui ont manifestement été les grands gagnants de cette évolution, et ce sont les sociétés qui ont su tenir compte des nouvelles tendances qui ont connu la réussite.

Comme nous l'indiquons aux pages 2 et 3 du document que nous vous avons remis, l'épicerie classique n'est pas le seul endroit où les gens peuvent se procurer des produits alimentaires. Selon une étude de marché effectuée en 1990 par la maison NPD Grocery Research, la part du marché de l'alimentation que détenaient alors les épiceries était de 90 p. 100. Neuf ans plus tard, en 1999, elle n'était plus que de 81 p. 100, une chute de 9 p. 100.

À l'inverse, certains des nouveaux détaillants qui se font concurrence à l'échelle mondiale dans les entrepôts-clubs et les grandes surfaces ont connu une croissance phénoménale. Leur part de tout ce qui se vend dans les marchés d'alimentation, de 1 p. 100 qu'elle était en 1990, est passée à 9 p. 100 à l'heure actuelle. D'après une recherche effectuée par la maison A.C. Nielsen, cette évolution se répercute sur l'ensemble du secteur.

Si l'on regarde ce qu'il en est dans le cas des 150 principales catégories de produits vendus dans les magasins d'alimentation, qui représentent au-delà de 80 p. 100 du volume total des ventes de produits alimentaires, des catégories comme celles de l'eau embouteillée, des aliments pour animaux de compagnie, des détergents, etc., on constate que les épiceries classiques ont vu leur part de ce marché reculer en faveur des grandes surfaces et des entrepôts-clubs dans 78, soit plus de 50 p. 100, de ces catégories. Par exemple, la part du marché que s'approprient les entrepôts-clubs dans le cas des viandes froides, du maïs éclaté, de l'eau nature et du café a connu une croissance de près de 10 p. 100 entre 1997 et 1999. De même, on a assisté au cours de la même période à une croissance remarquable de la part de marché des magasins à grande surface en ce qui touche la gomme à mâcher, l'eau embouteillée et les détergents.

On a vu en outre apparaître certains grands détaillants spécialisés dans un créneau unique, comme Petsmart, de nouveaux marchés de produits maraîchers de provenance locale, et de nouvelles entreprises de détail qui offrent maintenant leurs produits au consommateur par l'entremise d'Internet. Ce sont là autant d'acteurs qui contribuent à l'intensification de la concurrence sur le marché.

Comment les petites épiceries et les petits fournisseurs parviennent-ils à s'en tirer dans cet univers de vive concurrence? Eh bien, ils l'affrontent—et ils le font efficacement—en changeant les règles du jeu, en se spécialisant dans certains créneaux pour répondre à des besoins particuliers, en fonction, par exemple, de l'appartenance ethnique ou de la texture démographique de leur clientèle, en offrant des formules inédites en ce qui concerne l'image et l'aménagement des magasins, la présentation des produits, le service après-vente, ou encore en combinant plusieurs de ces options innovatrices. Les épiciers continuent de modifier leur offre selon l'évolution des attentes des consommateurs. Par exemple, on trouvera moins de conserves sur les tablettes et on mettra davantage l'accent sur les produits frais, sur la diversité des produits, sur les produits de boulangerie, ou encore sur les aliments prêts-à-consommer.

• 0915

Les attentes que doivent satisfaire les fournisseurs ont elles aussi évolué. Sous peine de se voir éliminé de la course, un fournisseur doit se classer au premier, deuxième ou troisième rang de sa catégorie, ou à tout le moins pouvoir offrir un produit unique que réclame le consommateur.

Quelles conséquences a eues cette évolution pour le consommateur?

L'an dernier, le CCDA a chargé la maison A.C. Nielsen d'effectuer une recherche sur le prix des produits alimentaires. Nous lui avons en outre demandé de comparer les prix respectifs des paniers d'épicerie aux États-Unis et au Canada sur la base d'un échantillon semblable. Le coût de ce panier a été calculé en fonction de l'indice des prix à la consommation. Nous avons remis au greffier du comité une copie du résumé de ce document et de la description de la méthode de recherche utilisée.

Entre 1998 et 1999, les prix des produits alimentaires n'ont augmenté que de 1 p. 100 au Canada, alors que, dans l'ensemble, le taux d'inflation y a été de 2,2 p. 100. Par comparaison, les consommateurs américains ont vu, au cours de la même période, les prix de leurs produits alimentaires augmenter d'au minimum 2 p. 100, comme à Atlanta, à un maximum de 5 p. 100, comme à Chicago. De même, cette recherche a révélé que les Canadiens payaient moins cher pour leurs produits alimentaires que leurs voisins américains. Pour un panier contenant 39 produits de base d'épicerie, les Américains payaient au minimum 124 $, par exemple à Albany, jusqu'à un maximum de 144 $, par exemple à Chicago, alors qu'au cours de la même période, le prix moyen canadien de ce même panier était de 98 $. Ces résultats figurent à la page 3 du document que nous avons remis au greffier.

Notre industrie offre également un vaste choix aux consommateurs. Il nous est arrivé d'entendre dire que les épiciers canadiens n'offrent pas aux Canadiens de nouveaux produits innovateurs. Or, dans les faits, pour la période 48 semaines s'étant terminée le 1er janvier 2000, plus de 18 702 nouveaux produits sont apparus sur les tablettes des magasins d'alimentation au Canada, soit une moyenne de plus de 360 nouveaux produits chaque semaine.

Madame la présidente, j'aimerais simplement signaler qu'une erreur typographique s'est glissée à cet égard dans le document que nous vous avons remis. On y indique le chiffre de 15 702, alors qu'il s'agit en réalité de 18 702.

L'arrivée de nouveaux produits sur le marché favorise la venue de nouveaux fournisseurs. L'un des meilleurs indicateurs du nombre de nouveaux produits alimentaires sur le marché, c'est le nombre de nouveaux codes à barres CUP qui sont attribués. L'inscription d'un produit au répertoire doit obligatoirement être précédée de l'obtention d'un tel code. Ces 18 derniers mois, plus de 825 codes CUP de nouvelles sociétés ont été assignés à des fournisseurs d'épiceries. Je vous fais remarquer que ce chiffre est très modeste, car il ne tient pas compte des fournisseurs qui traitent avec des courtiers en alimentation ou avec des importateurs, ou encore des fournisseurs de produits maraîchers, de viandes, ou de fleurs naturelles—autant de secteurs qui sont en pleine croissance dans nos magasins.

Madame la présidente, nous pouvons résolument affirmer que l'industrie alimentaire canadienne est en plein essor. Elle est compétitive et offre aux consommateurs canadiens un meilleur choix que jamais dans le passé.

Enfin, j'aimerais simplement formuler quelques observations à propos de la nécessité de modifier la Loi sur la concurrence pour tenir compte des exigences de la mondialisation croissante.

Je vous le dis tout de suite, le CCDA reconnaît d'emblée qu'une révision de la loi s'impose pour tenir compte de cette accentuation de la mondialisation dont nous avons parlé tout à l'heure. C'est dans cet esprit que le CCDA appuie les propositions visant à mieux informer les consommateurs, à faciliter la coopération entre les autorités compétentes en matière de réglementation de la concurrence et à créer de nouveaux mécanismes de règlement des différends.

Vous trouverez dans le document que nous vous avons remis le détail de notre position, et nous nous ferons un plaisir de répondre à toute question que vous voudrez bien nous poser concernant les aspects que j'ai abordés dans mon exposé.

Pour plusieurs raisons, le CCDA porte un jugement critique surtout sur le projet de loi C-402. Il nous apparaît incorrect qu'on illustre, comme le fait le projet de loi C-402, l'abus de position dominante à l'aide d'exemples qui mettent en cause un secteur d'activité particulier. À cet égard, le CCDA souscrit aux propos du commissaire de la concurrence qui a indiqué dans son témoignage devant votre comité le 13 avril dernier que la Loi sur la concurrence est une loi d'application générale. Elle ne vise pas une industrie en particulier. Le CCDA n'est pas favorable à ce qu'on modifie la loi pour y incorporer les alinéas 78j) et l) du projet de loi C-402.

Le CCDA convient également que le rôle de la Loi sur la concurrence est de préserver la concurrence et non de protéger les concurrents. Là encore, comme l'a affirmé le commissaire dans son témoignage, la loi doit continuer d'avoir pour objet de favoriser le libre jeu de la concurrence sur le marché.

À l'heure actuelle, on peut dire que l'industrie canadienne des produits alimentaires répond à ce critère, car elle permet sur son marché l'entrée de nouveaux types de magasins, de nouveaux produits et de nouveaux fournisseurs, et surtout, l'exercice du libre jeu de la concurrence en matière de prix.

L'adoption des modifications que propose le projet de loi C-402 pourrait avoir des conséquences tout à fait contraires au but recherché. Plutôt que de favoriser la transparence et l'efficience dans l'industrie canadienne de l'alimentation, le gouvernement risquerait de compromettre ainsi les pratiques des sociétés et de l'industrie qui sont reconnues comme étant les plus efficaces et que nous avons passées brièvement en revue dans notre document.

Je tiens à vous remercier encore une fois de nous avoir donné l'occasion de vous exposer nos points de vue. Nous nous ferons maintenant un plaisir de répondre à toute question que les membres du comité voudront bien nous poser.

• 0920

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jennery.

Nous allons commencer par M. Penson. Allez-y, s'il vous plaît.

M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente. J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à nos invités ici ce matin. J'attendais impatiemment ce moment depuis un certain temps pour voir de quoi avaient vraiment l'air ces mauvais garnements. Il nous a parfois été donné d'entendre parler de la façon dont on inhibe la concurrence dans le secteur du commerce des produits alimentaires.

Monsieur Jennery, je vous ai entendu affirmer ce matin que la concurrence est passablement vive dans le domaine du commerce des produits alimentaires, particulièrement en raison de la venue de certains nouveaux magasins-entrepôts comme Costco, qui accaparent une bonne part du marché. Je me demande si vous seriez en mesure de dire au comité si, selon vous, la concurrence s'est intensifiée ou a diminué ces dix dernières années. Quel jugement portez-vous à cet égard?

J'aimerais également que vous nous parliez de l'intégration verticale dans ce secteur. Vous dites représenter des grossistes et des détaillants. Certains nous ont parfois affirmé qu'une telle pratique pouvait peut-être également nuire à la concurrence. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.

La troisième chose qui me préoccupe, c'est qu'à ma connaissance, le pourcentage de revenu disponible que les Canadiens consacrent à l'achat de denrées alimentaires n'a cessé de décroître depuis un certain temps. J'ai moi-même une ferme, et, si je ne m'abuse, il y a trente ans, quand je me suis lancé dans ce domaine, les Canadiens dépensaient environ 18 p. 100 de leur revenu disponible pour l'épicerie et les aliments. Cette proportion se situe maintenant à environ 10 ou 11 p. 100. J'ignore si ces chiffres sont exacts, mais, chose certaine, c'est là la tendance. Je me demande si cela correspond à ce que vous pourriez nous en dire.

M. Nick Jennery: Oui, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

En ce qui a trait à la concurrence, ce que nous avons pu observer au cours des dix dernières années auxquelles vous faites référence, c'est l'apparition d'un plus grand nombre de canaux de distribution. Le consommateur n'a jamais eu autant de choix de points de vente et de types de magasins de détail où se procurer des produits alimentaires, et cette tendance va en s'accroissant. On peut maintenant se procurer des produits alimentaires dans les magasins à grande surface, dans les dépanneurs, dans les stations d'essence, sur Internet, et on continue d'assister à une érosion du mode traditionnel d'approvisionnement que constituaient les épiceries, et ce, en raison de l'apparition de tous ces autres canaux de distribution. Ainsi, si les ventes semblent stagner dans l'ensemble, c'est qu'un plus grand nombre de concurrents se partagent le gâteau.

Cette situation a notamment eu pour conséquence d'amener les épiceries classiques à revoir leur structure de coûts pour être plus compétitifs. À vrai dire, les nouveaux concurrents qui arrivent sur le marché, qu'il s'agisse d'entreprises qui vendent leurs produits sur Internet ou de magasins sans fioritures, fonctionnent à moindre coût.

Pour pouvoir offrir des marchandises à un prix compétitif, on a donc vraiment dû déployer d'énormes efforts pour remédier aux inefficacités, par exemple en uniformisant les pratiques commerciales, en s'adaptant au progrès technologique, ou encore en diminuant les stocks. Il s'est publié un certain nombre d'études qui font état des inefficacités auxquelles l'industrie a dû remédier ces cinq dernières années.

Pour ce qui est de l'intégration verticale, je vous rappelle que le deuxième poste de dépenses en importance pour les magasins d'alimentation, c'est l'achat de marchandises, le coût de la main-d'oeuvre venant en premier. Si l'on considère que cette industrie—qui génère un chiffre d'affaires de 60 milliards de dollars en ventes de denrées alimentaires, sans compter les quelque 30 milliards de plus provenant des commerces de restauration—fonctionne depuis toujours avec une marge bénéficiaire de 1 à 2 p. 100, force nous est d'en déduire que les entreprises de ce secteur n'ont pas le choix d'être extrêmement attentives à leurs coûts de fonctionnement, notamment à leurs postes de dépenses les plus lourds.

L'énormité du coût des achats a été à l'origine de la création de consortiums d'achat; c'est ce qui explique l'existence dans ce secteur de sociétés verticalement intégrées. Les canaux d'approvisionnement sont multiples, et c'est précisément pour cette raison qu'on opte pour l'intégration verticale, parce que cette formule permet d'obtenir les meilleurs prix possibles. Naturellement, les économies sont proportionnelles au volume de ventes de l'entreprise, mais il reste que c'est là l'aspect qui nous préoccupe le plus. On cherche sans cesse de nouveaux moyens de diminuer les coûts. D'ailleurs, les fabricants ont eux aussi senti le besoin de s'orienter dans ce sens.

En ce qui touche le pourcentage de son revenu disponible que le consommateur consacre à l'épicerie, la façon d'envisager la chose... C'est un peu triste à dire, mais ce que le consommateur dépense en moins en épicerie, il en prive son ventre. C'est que, comme consommateurs, nous optons de plus en plus pour les produits prêts-à-consommer, pour les produits qu'on mange à l'extérieur de chez soi. Le secteur de la restauration connaît une croissance constante, ce qui s'explique du fait que le consommateur cherche ce qui est le plus commode pour lui. D'ailleurs, le prix des aliments prêts-à-consommer a vraiment diminué, ce qui rend cette option beaucoup plus abordable.

• 0925

M. Charlie Penson: À propos des stocks, vous dites que vous fonctionnez avec une marge bénéficiaire d'environ 1 p. 100, c'est-à-dire de 1 à 2 p. 100. J'imagine que cela suppose de nombreuses rotations des stocks au cours d'une même année.

M. Nick Jennery: Vous avez raison.

M. Charlie Penson: J'imagine que, pour ce faire, il faut pouvoir compter sur des mécanismes de distribution fort efficaces.

M. Nick Jennery: Tout à fait.

M. Charlie Penson: Est-ce là une des raisons pour lesquelles vous sentez le besoin d'opter pour l'intégration verticale?

M. Nick Jennery: Il y a, je crois, six ou sept ans, nous nous sommes intéressés à une étude qui se penchait sur ce qu'on appelle l'efficacité continuellement renouvelée, dans laquelle on examinait vraiment l'efficacité de l'industrie sous tous ses aspects. Cette étude montrait que le coût des inefficacités dans cette industrie représentait environ 10 p. 100 des coûts totaux de fonctionnement et que 40 p. 100 des possibilités de redressement pouvaient être réalisées par une meilleure gestion des stocks.

C'est ainsi qu'alors qu'autrefois, un magasin d'alimentation pouvait se contenter d'une livraison par semaine, il doit en recevoir aujourd'hui trois par jour. On cherche ainsi à réduire au minimum la quantité de marchandises en stock, car, autrement, on doit gérer ces stocks, mettre quelqu'un en charge de cette gestion, aménager des locaux pour les entreposer, encaisser les coûts des avaries qu'ils subissent. Il y a une foule de coûts indirects associés au maintien de marchandises en stock.

M. Charlie Penson: Sans compter qu'il est coûteux d'en faire l'inventaire.

M. Nick Jennery: C'est juste.

C'est ce qui amène l'industrie du commerce des produits d'alimentation à s'orienter dans le même sens que l'a fait l'industrie de l'automobile il y a un certain nombre d'années, vers la méthode du juste-à-temps... Or, avec les nouvelles technologies qui s'implantent, nous ne sommes pas loin d'en arriver au point où, du moment qu'un produit alimentaire aura été retiré des tablettes et que l'information aura été consignée dans le registre des sorties de marchandises, une série de messages se déclenchera pour avertir le fournisseur que le temps est venu de regarnir les tablettes.

C'est pourquoi de plus en plus de magasins adoptent maintenant des systèmes de commandes assistés par ordinateur, qui sont précisément conçus pour permettre une circulation constante de la marchandise, afin de réduire au minimum les stocks. L'aire d'entreposage des magasins est de plus en plus restreinte; la partie avant des magasins est de plus en plus vaste de manière à ce que le consommateur ait un plus grand choix de produits et de services.

M. Charlie Penson: L'évolution des attentes du consommateur—qui exige des produits frais—y est peut-être aussi pour quelque chose.

M. Nick Jennery: Tout à fait. Jamais, dans le passé, le consommateur ne s'est montré aussi exigeant qu'aujourd'hui en ce qui touche la fraîcheur et la qualité des produits. Par exemple, il ne tolérerait pas qu'on lui offre un produit périmé. C'est en faisant en sorte que le produit offert sur les tablettes soit le plus frais possible qu'on amène le consommateur à acheter.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.

Monsieur McTeague, allez-y.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente, et encore une fois, bonjour monsieur Jennery.

M. Nick Jennery: Bonjour.

M. Dan McTeague: Vous me semblez trouver que les arguments du genre de ceux que vous avez utilisés à propos du projet de loi C-235 sonnent encore juste. Je me demande, monsieur Jennery, ce qui, selon vous, a changé entre le temps où nous avons examiné le projet de loi C-235 et maintenant où nous examinons le projet de loi C-402.

M. Dennis J. Mills (Broadview—Greenwood, Lib.): Pourriez-vous nous expliquer quel était l'objet du projet de loi C-235?

M. Dan McTeague: Le projet de loi C-235 avait pour objet d'interdire les pratiques déloyales en matière de fixation des prix. M. Jennery et son association se sont opposés à l'adoption du projet C-235, qui visait plusieurs industries, comme l'exige la Loi sur la concurrence, et comme c'est d'ailleurs le cas du projet de loi C-402.

Monsieur Jennery, j'aimerais connaître votre avis. Au cours de cette période, vous ne sauriez nier, je crois, qu'une foule de changements sont survenus dans l'industrie du commerce des produits alimentaires. Si j'ai bien compris, vous représentez ici aujourd'hui des sociétés comme Sobey's, Great Atlantic & Pacific Tea Company, et bien sûr, Loblaws.

Je suis curieux de savoir ce que vous pensez des conséquences de ce qui s'est passé tant au Canada qu'aux États-Unis au cours de cette période. Aux États-Unis, un sous-comité—dominé par les Républicains, monsieur Penson—s'est permis de mener une enquête sur la question des ristournes d'étalage, en évoquant le fait que cinq chaînes de super-magasins du secteur de la vente au détail de produits alimentaires contrôlaient en réalité quelque chose comme 30 p. 100 de ce marché.

J'aimerais que vous nous donniez une idée de l'importance de la part de marché ou du pourcentage de ce marché—et je veux parler du marché de vente au détail des produits alimentaires ici en Ontario, au Canada—qu'ont ces trois sociétés que je viens de nommer dans le secteur de la distribution et de la vente au détail des produits alimentaires.

M. Nick Jennery: A&P, Loblaws, et...

M. Dan McTeague: Sobey's, et, si vous voulez, Empire Foods.

M. Nick Jennery: Ce dont il faut tenir compte ici, c'est du pourcentage de produits alimentaires vendus dans l'ensemble des grands réseaux de distribution en regard du pourcentage des produits alimentaires vendus dans l'ensemble du secteur de la vente au détail des produits alimentaires. Je n'ai pas sous la main les chiffres précis à cet égard. Je pourrais les fournir au comité... Nous connaissons les chiffres d'affaires de ces sociétés ainsi que la valeur totale des ventes de l'ensemble du marché. Je préférerais fournir au comité des chiffres précis.

M. Dan McTeague: Monsieur Jennery, je vous serais reconnaissant de le faire. J'ai ici les chiffres pour 1998, et, vous me le pardonnerez, je n'ai pas ceux de 1999. Les chiffres que j'ai en main sont en partie antérieurs à la fusion qui a été approuvée entre Loblaws et Provigo, et, bien sûr, à la fusion non approuvée mais projetée de Sobey's et de Loeb.

Chez les plus gros détaillants de produits alimentaires au Canada, sur un chiffre d'affaires total de quelque 50 milliards de dollars, Loblaws en a un de 17 milliards, Sobey's, de 9 milliards, Metro-Richelieu, de 3 milliards et Great Atlantic & Pacific, d'environ 2 milliards.

• 0930

Nul ne saurait nier qu'étant donné l'importance de votre pouvoir d'achat de produits destinés à la revente au détail, les détaillants vous ont consenti certains privilèges sous forme de concessions commerciales. Ce qu'ils obtiennent en échange vient brouiller le jeu normal de la concurrence, et je songe notamment aux ristournes d'étalage, aux rabais déduits sur la facture, aux bas prix de chaque jour, à la publicité conjointe—toujours en sus des ristournes—aux rabais pour emmagasinage et aux programmes spéciaux.

Un fabricant a eu l'amabilité de me fournir de l'information à propos de la pratique de l'auto-subvention—en biffant son nom, bien entendu, car si j'allais dévoiler son nom ici aujourd'hui, il risquerait fort de ne plus pouvoir faire affaire avec Loblaws; soit dit en passant, il se trouve que, de toute façon, cette personne a cessé depuis d'être en affaires. Après que la société en question soit passée sous le contrôle de Loblaws, on a demandé à cette personne de rembourser tout rabais que sa société aurait accordé à la société qui a fait l'objet de l'acquisition par Loblaws—en l'occurrence Provigo—et, naturellement, on a déduit unilatéralement ce montant de sa facture.

Vous êtes sans doute au courant que nous avons entrepris l'été dernier une étude—c'est-à-dire l'examen des résultats combinés de plusieurs enquêtes—portant notamment sur la question des ristournes d'étalage, que vous désignez par l'expression codes à barres, alors que moi, je parle d'UGS, car je crois que c'est plutôt ce terme qui a cours dans l'industrie. Ce que nous avons pu constater nous porte à croire que ces deux grands acteurs exigent maintenant des concessions commerciales beaucoup plus importantes que celles qu'ils seraient en mesure d'exiger s'il y avait davantage de concurrence.

Je tiens à faire remarquer aux membres du comité que vous venez nous dire ici que tout va pour le mieux dans cette industrie comme dans le meilleur des mondes, alors qu'en réalité, on peut y observer l'existence de graves problèmes, quand on sait que des fabricants y voient leurs produits boycottés et que des indépendants s'y voient forcés de cesser leurs activités parce que vous contrôlez à la fois l'entreposage et la vente en gros des produits.

M. Nick Jennery: Vous avez là une foule de questions; voyons si je puis en éliminer quelques-unes.

D'abord, je ne saurais me prononcer sur une situation impliquant des sociétés que je ne connais même pas, et, de toute façon, je respecte le caractère confidentiel des renseignements qu'on vous a communiqués à cet égard.

M. Dan McTeague: Loblaws.

M. Nick Jennery: Loblaws et l'autre fournisseur dont vous nous avez parlé. Je ne crois pas qu'il conviendrait que je me prononce là-dessus.

Mais permettez-moi d'aborder la question des ristournes d'étalage. Je vous ai indiqué que plus de 18 000 nouveaux produits ont été introduits sur le marché l'an dernier, un record. Voilà qui non seulement illustre les possibilités qui se présentent pour les fournisseurs qui ont à offrir des produits que veulent les consommateurs, mais également qui montre que le souhait des détaillants...

M. Dan McTeague: Je m'excuse de vous interrompre, monsieur Jennery, mais s'agit-il de marques maison ou de marques nominatives?

M. Nick Jennery: Je veux parler de tous les nouveaux produits.

M. Dan McTeague: Désolé. Pourriez-vous me dire s'il s'agit de tous les nouveaux produits, y compris des marques maison?

M. Nick Jennery: Il s'agit de tous les nouveaux produits, y compris de ceux qui portent des marques maison.

Nous avons donc là également une illustration des possibilités qui s'offrent aux fournisseurs. J'ai fait mention des changements qui sont apparus dans l'agencement de l'intérieur des magasins. Dans tous les nouveaux magasins, on a effectué les mêmes changements: les conserves y occupent moins de place, car vous et moi, comme les autres consommateurs, cherchons davantage de variété dans les catégories de produits frais, davantage de produits maraîchers, davantage de produits santé. Il y a maintenant dans ces magasins des centres de mieux-être, alors qu'il n'y en avait jamais eu auparavant. On y trouve également des rayons offrant toute la gamme des produits pharmaceutiques, ce qui n'était pas le cas par le passé.

Étant donné que les magasins ne sont pas plus grands qu'ils ne l'étaient, on peut en déduire que cette évolution est attribuable en partie au fait que les détaillants ont pris soin de demander aux consommateurs ce qu'ils voulaient vraiment. Une des choses qu'on a probablement réalisées, c'est que, dans certaines catégories de produits, il y a plus de double-emploi que de variété.

M. Dan McTeague: Merci.

M. Nick Jennery: Les détaillants se sont donc mis à chercher à se rendre au désir du client de se voir offrir un plus grand choix. Il faut garder à l'esprit que les consommateurs veulent quelque chose de nouveau.

M. Dan McTeague: Peut-on parler de double-emploi, selon vous, quand trois sociétés différentes offrent concurremment un même produit portant un même UGS? Car, en raison de la question de l'espace limité...

Je vous fais remarquer que, selon ce qu'affirmait le Canadian Grocer dans son édition de 1998, nos magasins seraient beaucoup plus petits que les magasins américains; ces derniers seraient en effet beaucoup plus grands que les nôtres et leur volume de ventes par travailleur serait plus considérable, tout comme les supermarchés américains auraient un plus grand nombre d'UGS que les nôtres et un chiffre d'affaires moyen par UGS plus élevé.

Quand vous dites que vos magasins offrent plus de produits qu'auparavant, mais qu'en moyenne ils ne sont pas plus grands, et qu'en même temps vous tenez à éviter d'offrir des produits qui font double-emploi, voulez-vous dire qu'en réalité, vos supermarchés offrent moins de choix qu'il y a trois ans, ou que n'en offrent les supermarchés américains?

M. Nick Jennery: Non, absolument pas. Les marchés américains et canadiens sont très différents. Les habitudes de consommation n'y sont pas les mêmes, les acheteurs n'y ont pas le même comportement. Par exemple, il y a de fortes chances qu'un supermarché ontarien aura du mal à obtenir de bons résultats, alors que, dans l'Ouest, le même magasin s'en tirera de mieux en mieux. Au Québec, l'essentiel des ventes se font par l'intermédiaire de petits détaillants indépendants.

Ces particularités découlent des choix que font les consommateurs. Ces choix ne sont pas les mêmes sur le marché américain. Quand je parle de double-emploi, je veux dire qu'il fut un temps où on avait 58 UGS de café décaféiné. Les détaillants se rendent maintenant compte que les consommateurs n'ont pas besoin d'une si grande multiplicité de choix. Ils préféreraient qu'on leur offre des catégories supplémentaires plutôt que...

• 0935

M. Dan McTeague: Monsieur Jennery, sur cette question...

La présidente: Monsieur McTeague, laissez M. Jennery terminer sa réponse, je vous prie.

M. Dan McTeague: C'est quand même un point important que je vais soulever. S'il parle de 58 UGS pour illustrer un aspect, madame la présidente, j'aimerais savoir...

La présidente: Monsieur McTeague...

M. Dennis Mills: Qu'entendez-vous par UGS? Je ne suis pas un expert...

M. Dan McTeague: Unités de gestion de stocks.

M. Dennis Mills: Merci.

M. Nick Jennery: Chaque détaillant prend ses décisions en fonction de l'espace de rayonnage dont il dispose. Il connaît extrêmement bien ses clients. Le consommateur de Scarborough est très différent de celui de Hamilton ou d'Ottawa. En se fondant sur ce qu'il sait des habitudes de consommation de ses clients, le détaillant marchandise ses produits, à l'aide de ce qu'on appelle un planogramme d'étalage, lequel variera selon le magasin. On observe donc, dans la gamme des produits offerts, une tendance de plus en plus marquée à la spécialisation selon les magasins et les régions. Je suis sûr que si vous faites une tournée des magasins dans la région d'Ottawa, vous verrez que la liste des produits n'y est pas la même partout et que celle-ci dépend des stratégies de promotion et de commercialisation propres à chacun des magasins.

M. Dan McTeague: Monsieur Jennery, si en principe un détaillant pouvait vendre 58 produits—58 marques de café, pour utiliser votre exemple...

M. Nick Jennery: ...de café décaféiné.

M. Dan McTeague: Ça va, décaféiné. Disons qu'il s'agit de café instantané. À supposer que chacun des fabricants vend à tel ou tel prix, et qu'aucun d'eux ne craint d'affronter la concurrence de 57 autres marques, comment se fait-il qu'on n'en peut trouver que deux ou trois dans certains de ces mêmes magasins? Vous nous avez donné un exemple. Êtes-vous en train de me dire à moi et aux membres du comité que, dans des cas comme celui dont vous vous servez comme exemple, ces fabricants ont tout simplement décidé de se retirer de la course? Ou ne serait-ce pas plutôt que vous avez tellement fait monter les enchères des ristournes d'étalage que seuls les fabricants qui peuvent se permettre de payer le gros prix pour trouver place dans vos planogrammes peuvent continuer d'avoir accès à vos tablettes? N'est-ce pas là ce qui se produit?

M. Nick Jennery: Non. Il serait insensé de la part d'un détaillant de refuser de vendre un produit qui jouit de la faveur des consommateurs. À partir d'un certain point, on parle de rendement décroissant. Un détaillant qui offre une trop grande variété d'un même produit arrive à un point où, compte tenu du coût très élevé qu'entraînent les étalages par accaparement de l'espace immobilier, ses ventes lui procurent un rendement décroissant. Par leurs habitudes d'achat, les consommateurs montrent qu'ils préfèrent qu'on leur offre une plus grande variété de produits, c'est-à-dire des catégories plus diversifiées de produits et de services dans leur magasin, quitte à se voir offrir une gamme plus limitée de formats d'un même produit.

En sus de tous ces facteurs, il y a aussi qu'on note l'existence de types très variés de magasins. Certains se spécialisent dans un seul créneau, d'autres offrent à la fois des services et des produits, et d'autres encore ne vendent que des produits maraîchers. Voilà le genre de diversification qu'on peut actuellement observer sur le marché.

La présidente: Ce sera votre dernière question, monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Oui, merci, madame la présidente.

Un certain nombre de personnes sont venues nous parler de cette question, c'est-à-dire aux membres du comité, à d'autres députés et à moi-même, et ce, même du temps où nous étudiions le projet de loi C-235. Vos explications à propos de l'exemple dont nous venons de discuter ne sont pas, selon moi, très claires pour nous tous ici présents. Vous dites qu'un fabricant dont les activités sont rentables et qui doit faire face à un certain nombre de concurrents retirera lui-même son produit des tablettes s'il ne se vend pas. La question est...

M. Nick Jennery: Ce n'est pas exact.

M. Dan McTeague: Vous dites que ces fabricants ont déjà accès à vos magasins, mais, étant donné que vous avez modifié vos formules, moi-même et mes collègues craignons que les trois ou quatre sociétés qui dominent le marché à hauteur de 60, 70, 80, voire 90 p. 100 dans un domaine donné ne soient en mesure d'exiger des rabais qui n'ont rien à voir avec les règles du jeu normal de l'offre et de la demande. Si le consommateur choisit d'acheter telle marque de café instantané décaféiné et si le fabricant demeure disposé à fournir ce café au détaillant parce qu'il se vend bien et que sa vente lui procure un rendement suffisant, la seule chose qui pourrait lui nuire et l'amener à renoncer à offrir ce produit serait que le détaillant exige de lui des ristournes d'étalage à ce point abusives qu'il ne puisse plus vendre son produit à un prix compétitif.

M. Nick Jennery: Permettez-moi d'essayer d'apporter quelques éclaircissements sur cette question. J'ai mentionné que plus de 18 000 nouveaux produits avaient fait leur apparition sur le marché. Ce qui est moins connu, c'est que 71 p. 100 de ces nouveaux produits n'ont finalement jamais eu la faveur des consommateurs. Je ne connais aucun autre secteur commercial qui tolérerait ainsi un taux d'insuccès de 71 p. 100 et qui demeurerait compétitif sur le marché. Ce chiffre nous vient de la maison A.C. Nielsen. La notion de succès est d'ailleurs bien définie dans le mémoire que nous avons remis au greffier.

Donc, il se peut qu'une chaîne de détaillants liste un produit et le commercialise, l'entrepose, l'inventorie, l'offre dans tous ses magasins, pour enfin constater qu'il ne se vend pas. Le fabricant avait cru de bonne foi qu'il serait en demande. Le détaillant pensait que les données recueillies et la recherche effectuée permettaient de conclure que le produit aurait la faveur du consommateur. Nous avons tous été témoins de très nombreux cas où de tels produits ne survivent pas. Songez seulement à tous ces produits écologiques qui dorment encore sur les tablettes des magasins. Tout le monde prétendait vouloir acheter des produits respectueux de l'environnement. Les consommateurs ont eu beau les réclamer, il reste qu'ils ne les ont pas achetés.

J'espère que ces considérations vous auront été utiles.

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Dubé, avez-vous des questions?

• 0940

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je n'en ai qu'une seule. Votre conseil compte-t-il dans ses rangs des membres du Québec et avez-vous des groupements corporatifs parmi vos membres?

[Traduction]

La présidente: Juste une seconde, monsieur Dubé. L'interprète pourrait-il dire quelque chose en anglais pour nous assurer que tout fonctionne bien?

[Français]

M. Nick Jennery: Pardon, monsieur.

M. Antoine Dubé: Je voulais savoir si vous aviez des membres au Québec.

[Traduction]

M. Nick Jennery: Oui. Les sociétés comme Metro-Richelieu et Provigo sont toutes membres de notre organisation; c'est le cas aussi de certains groupes plus petits, comme ceux de Jean-Paul Beaudry et de A. De La Chevrotière.

[Français]

M. Antoine Dubé: Très bien. Pour les statistiques que vous avez mentionnées ce matin, est-ce que vous avez la ventilation par province? Ce n'est pas inclus dans le rapport.

[Traduction]

M. Nick Jennery: Oui, nous avons une ventilation par province de la part de marché qu'occupent les épiceries. Si le député le souhaite, nous pourrions fournir ces données au comité.

[Français]

M. Antoine Dubé: J'aimerais bien. Disons que j'arrive à lire l'anglais, mais c'est plus long. Est-ce qu'il serait possible que cette ventilation par province soit ensuite traduite par la Chambre? Merci. C'est tout.

[Traduction]

M. Nick Jennery: Nous nous engageons à le faire, oui.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Dubé.

J'aurais une question à poser avant de redonner la parole à un autre membre du comité. Quand vous parlez de nouveaux produits, qu'entendez-vous par là? Voulez-vous parler de nouvel emballage, de nouvel étiquetage, de nouveau format? Tenez-vous compte de tout cela dans les 18 000...

M. Nick Jennery: Un produit est considéré comme étant nouveau si on doit lui attribuer un code UGS distinct. Il peut donc s'agir, par exemple, d'une nouvelle saveur de Jello, ou encore d'un plat cuisiné de viande froide et fromage. Un des grands débats en cours...

La présidente: Mais il pourrait s'agir d'un produit existant offert sous un nouveau format.

M. David Wilkes (vice-président, région de l'Ontario, Conseil canadien de la distribution alimentaire): Je m'excuse, mais j'aimerais intervenir.

Dans un tel cas, il ne serait pas nécessaire d'attribuer à ce produit un nouveau code UGS, puisque ce code sert à identifier le produit. On pourrait donc l'offrir en se servant du même code—du code à barres figurant sur cette catégorie de produits.

La présidente: Je vois mal comment il pourrait en être ainsi, car, à ma connaissance, le code à barres indique également le prix du produit.

M. David Wilkes: Vous avez raison.

La présidente: Si le produit est offert sous un nouveau format, son prix sera différent, de sorte qu'il faudra lui assigner un nouveau code à barres.

M. David Wilkes: Un simple changement d'emballage ne nécessiterait pas un nouveau code UGS, mais un nouveau format, oui.

La présidente: C'est donc dire que, dans le cas d'un nouveau format, il faudrait un nouveau code.

M. David Wilkes: C'est exact.

La présidente: Ainsi donc, s'il n'y a que l'emballage qui diffère, le code demeure le même.

M. David Wilkes: Tout à fait. S'il ne s'agit que d'une nouvelle présentation, ou de...

La présidente: Combien de ces nouveaux produits ne diffèrent que par leur format, ou ne sont que des variantes d'un autre produit exactement semblable?

M. Nick Jennery: Je l'ignore. Nous pourrions probablement obtenir ce renseignement auprès de la maison A.C. Nielsen, qui tient une liste à jour de tous les nouveaux produits. À vrai dire, je ne saurais...

La présidente: Ce que j'essaie d'établir, en réalité, c'est ce qui constitue un nouveau produit et ce qui n'en est pas un. Par exemple, je vois mal comment on peut considérer comme un nouveau produit un produit existant présenté sous un nouveau format, même s'il faut lui attribuer un nouveau code UGS, ou un nouveau code quelconque, quel que soit le nom qu'on lui donne. C'est tout simplement que cela m'agace qu'on parle de 18 000 nouveaux produits quand, dans les faits, ce n'est pas le cas. Entre nous, pourquoi parler d'un nouveau produit quand on a tout simplement décidé d'en modifier le format?

M. Nick Jennery: Madame la présidente, je vous ferai remarquer qu'en entrant dans un magasin d'alimentation, vous constaterez immédiatement que les nouveaux produits offerts le sont notamment dans les rayons spécialisés dans les produits santé ou nutritifs. Comme je l'ai mentionné plus tôt, vous y trouverez deux allées de produits santé qui n'étaient pas là auparavant. Parmi les tout nouveaux produits, il y a les produits biologiques, les viandes et les produits d'épicerie contenant moins de sel, moins de sucre, moins de gras—ce sont là autant de nouveaux types de produits. Les rayons de mets ethniques—mexicains, taiwanais, chinois—sont beaucoup plus vastes qu'ils ne l'ont jamais été auparavant.

Je vous prie de m'excuser, mais je suis tout simplement en train de passer en revue mentalement...

De même, si vous examinez un peu ce qu'on offre sur les étalages de produits maraîchers, vous allez constater qu'alors qu'auparavant, nous n'avions le choix qu'entre deux ou trois variétés de laitue pommée, nous pouvons maintenant en trouver facilement huit ou dix variétés différentes.

On trouve aussi davantage de produits importés... les deux tiers des produits maraîchers sont maintenant importés de l'étranger; je veux parler des produits exotiques, qui sortent de l'ordinaire.

• 0945

Pourvu que vous m'en donniez le temps, je pourrais probablement vous fournir des renseignements plus détaillés sur les différentes catégories de produits nouveaux, si le comité juge que cela lui serait utile.

La présidente: Vous avez mentionné que vous avez comparé les prix respectifs des paniers de provisions canadien et américain. Sur la base de quel taux de change avez-vous effectué cette comparaison?

M. Nick Jennery: Comme on le mentionne dans le document que nous vous avons remis, qui décrit en détail la méthode qu'on a utilisée, les calculs ont été effectués en dollars américains, car il fallait bien opter pour une des deux devises pour éviter que la comparaison ne soit boiteuse.

La présidente: Je veux bien, mais vous auriez pu tout aussi bien prendre le dollar canadien et faire la conversion, pour que nous sachions au jour le jour s'il y a eu fluctuation. J'essaie simplement de me faire une idée de ce qu'il en est. Cette comparaison vaut-elle encore aujourd'hui? Les prix ont-ils évolué depuis?

M. David Wilkes: Pour effectuer ce calcul, on a tenu compte du taux de change qui avait cours au moment de l'étude.

La présidente: Quand était-ce?

M. David Wilkes: L'étude a été achevée en août 1999. Elle a été effectuée sur la base du taux de change en vigueur à ce moment-là, en tenant compte de ses variations sur la période de 12 mois visée. Pour répondre à votre question, je dirais que ces chiffres seraient sensiblement les mêmes aujourd'hui.

La présidente: Très bien.

J'ai une autre question. Dans le mémoire que vous nous avez remis, vous comparez le volume des ventes des magasins où le droit d'acheter est conditionnel à l'obtention d'une carte de membre avec celui des autres types de magasins. Observe-t-on le même genre d'évolution aux États-Unis?

M. Nick Jennery: On y observe la même tendance, mais une pénétration moindre. Je pourrais vous fournir plus tard des chiffres précis à ce sujet. On y observe la même tendance en ce sens que les entrepôts-clubs ont accaparé une bonne part du marché dans nos deux pays. Ce que font essentiellement ces magasins-clubs, c'est qu'ils se contentent d'offrir les produits qui se vendent le mieux sans s'embarrasser de garder en stock l'éventail complet des produits qu'on trouve généralement dans les autres magasins. C'est ainsi qu'ils agissent pour s'approprier une part de plus en plus grande du marché.

La présidente: Et quel type de magasins entrent dans cette catégorie?

M. Nick Jennery: Oh, nous entendons par là les magasins Price Costco, les...

La présidente: Quelle distinction faites-vous entre ces magasins et les Zehrs?

M. Nick Jennery: Un magasin Zehrs ne serait pas considéré comme...

La présidente: Quand vous contractez une hypothèque au comptoir bancaire d'un Zehrs, par exemple, on vous remet une carte qui vous permet, à chaque fois que vous y achetez de l'épicerie, d'accumuler des points. Alors, quelle différence y a-t-il? Vous obtenez des points dans le magasin d'alimentation parce que vous en êtes membre.

M. Nick Jennery: À vrai dire, la part du marché dont nous faisons état dans notre mémoire est exclusivement attribuable à Price Costco.

M. David Wilkes: Alors qu'un magasin-club se définit comme celui qui ne vend qu'aux clients qui ont payé une cotisation de membre, le programme offert dans les Zehrs est plutôt axé sur la fidélité des clients.

La présidente: Je vois.

Monsieur Mills.

M. Dennis Mills: Merci beaucoup, madame la présidente.

Messieurs, je représente ici près de 100 députés avec qui je travaille en étroite collaboration à la défense de la cause de près de 240 000 exploitants canadiens de fermes familiales. Nous sommes d'avis et avons le sentiment que les fruits du commerce des produits alimentaires dans notre pays ne sont pas équitablement répartis, ou plus précisément, que la part qui revient à l'agriculteur est trop mince en regard des investissements et du travail que nécessite la production agricole.

Je suis ici aujourd'hui pour solliciter votre considération et votre coopération. De concert avec votre organisation, le Conseil canadien de la distribution alimentaire, nous pourrions élaborer un plan, imaginer un moyen, en vue d'amener le consommateur à remédier à cette anomalie. Si nous faisions en sorte qu'en déambulant dans les allées d'un Loblaws ou d'un Sobey's ou de quelque autre magasin, le consommateur se rende compte que tel produit porteur d'un symbole ou d'un logo particulier provient du réseau canadien de fermes familiales, nous pourrions, en définitive, en vendant ce produit à un prix légèrement plus élevé et en faisant savoir au consommateur que cette portion du prix majoré va directement au secteur des fermes familiales, atteindre deux objectifs. Premièrement, nous viendrions en aide au réseau canadien de fermes familiales. Deuxièmement, nous donnerions au consommateur l'occasion d'adhérer volontairement au mouvement, de se demander si l'on n'y gagnerait pas tous en soutenant la ferme familiale canadienne.

• 0950

Ce que je crains, après vous avoir écouté ce matin, c'est qu'avec toute cette concurrence et toute cette pression qui pèsent sur les gens avec qui vous faites affaire, depuis le fabricant jusqu'au distributeur, ma demande ne soit en contradiction flagrante avec tous ces moyens que vous prenez pour tenter de maintenir la compétitivité de vos détaillants. Il faudrait que je sache, monsieur Jennery, si oui ou non vous seriez prêt à envisager, avec moi et avec d'autres, de relever ce défi, au nom des agriculteurs canadiens.

M. Nick Jennery: Merci de votre suggestion. Au risque d'avoir l'air d'affirmer qu'on agit déjà en ce sens, permettez-moi simplement de vous expliquer deux ou trois choses.

Actuellement, il y a un certain nombre de provinces—les provinces du Québec et de l'Alberta sont les deux qui me viennent à l'esprit—dont les gouvernements ont déjà mis en branle des initiatives conçues pour promouvoir non seulement l'achat chez nous mais également la production agricole locale. La province de Québec est peut-être celle qui s'est montrée la plus dynamique à cet égard. Sauf erreur, son programme en ce sens en est à sa deuxième année, et déjà les statistiques y font voir un accroissement de la part du marché de biens alimentaires produits et vendus localement.

M. Dennis Mills: Mais ce dont je veux parler, c'est non pas de part du marché, mais plutôt de la part du prix de vente qui retournera à l'agriculteur.

M. Nick Jennery: Une part du prix de vente de...

M. Dennis Mills: Autrement dit, nos agriculteurs finiraient par recevoir davantage au lieu d'être coincés financièrement et de se voir accorder le moins possible. Ce que nous voulons, ce n'est pas nécessairement accroître leur part du marché, mais faire en sorte que leur revenu net augmente.

M. Nick Jennery: Dans ce cas, vous voulez parler d'une sorte de réglementation des prix.

M. Dennis Mills: Non, nous ne voulons pas parler de réglementation.

Nous sommes de plus en plus nombreux à croire, en ne nous fondant toutefois que sur des données très peu scientifiques, que les consommateurs dans nos principaux marchés sont profondément convaincus que nous devrions sauvegarder nos fermes familiales. Nous avons des raisons de penser que certains de vos membres ne partagent pas notre vision à cet égard. L'un de vos homologues, M. George Fleischmann, nous a carrément affirmé n'être pas de notre avis sur cette question. Il s'est dit persuadé que ce que cherche le consommateur, c'est de payer le moins cher possible, indépendamment de l'endroit où le produit lui est offert ou de la façon dont il se le procure. Vous connaissez sûrement son opinion sur cette question et celle de nombre des membres de son groupe. Ce que je voudrais, c'est que les agriculteurs reçoivent davantage pour leurs produits.

Soit dit en passant, il ne s'agirait pas d'un programme régional, mais bien d'un programme national.

M. Nick Jennery: Je vois.

De leur côté, les détaillants sont évidemment très attentifs aux souhaits de leurs clients, et ceux-ci ont eu l'occasion de montrer qu'ils étaient sensibles à ce dont vous venez de parler. D'ailleurs, sur le plan commercial, les détaillants ne demandent pas mieux que d'acheter des produits locaux frais. Lequel d'entre eux préférerait se compliquer la vie et payer davantage en frais de camionnage pour faire venir de l'autre bout du pays ou de l'étranger des produits qu'il peut acheter localement? Le transport, ce n'est rien pour améliorer la qualité du produit.

Donc, les détaillants ne demanderaient pas mieux que de pouvoir s'approvisionner localement. D'ailleurs, cela se pratique déjà beaucoup. Même s'ils participent à des programmes regroupés de mise en marché et d'approvisionnement, certains magasins et sections de magasin sont autorisés à acheter localement. M. Wilkes pourrait, je crois, vous en fournir des exemples.

En ce qui touche le partage des bénéfices sur les ventes—l'aspect sur lequel portent vos revendications—c'est une idée que j'ai un peu plus de mal à partager, car elle suppose qu'on s'ingère directement dans les relations d'affaires entre fournisseurs et détaillants.

M. Dennis Mills: Monsieur Jennery, je regrette, mais vous avez mal saisi mon point.

Vous représentez les intérêts du plus puissant groupe de détaillants en alimentation de notre pays. Quand les épiciers détaillants décident de s'unir pour faire quelque chose à l'échelle nationale, ils peuvent y parvenir sur un simple signal de ralliement. Ce que je vous demande, c'est s'il me serait possible de m'asseoir avec vous et avec les hauts dirigeants de certains de vos principaux détaillants pour envisager la possibilité d'élaborer et de concevoir un plan qui, en dernière analyse, nous permettrait d'établir s'il n'y aurait pas une façon de faire en sorte que le réseau de fermes familiales de notre pays reçoive une plus grande part des profits sur les ventes. Il ne s'agit pas de trouver ici aujourd'hui une solution à ce problème, mais j'aimerais savoir si vous seriez disposé à participer à ce genre de dialogue.

M. Nick Jennery: Il s'agirait que j'amène les détaillants à une table de discussion sur cette question. Je serais prêt à le faire.

M. Dennis Mills: Merci, monsieur.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mills.

Monsieur McTeague, vous aviez une autre question?

M. Dan McTeague: Oui, en effet.

Monsieur Jennery, je me suis permis de rendre visite à la haute direction de quelques-unes des plus grosses entreprises de fabrication de notre pays, et d'autres de taille moyenne. Il n'y en a pas qu'une, ni quatre, mais des dizaines. Naturellement, certaines d'entre elles n'ont pas accepté de collaborer à une telle enquête confidentielle, car elles en craignaient les répercussions.

• 0955

Ce qu'on m'a affirmé de vive voix dans ces salles de réunions, c'est que les principales chaînes d'épicerie ont augmenté de 100 p. 100 et sans justification leurs exigences en matière de ristournes d'étalage. Par exemple, en 1998, elles pouvaient exiger à ce titre 50 000 $ par UGS, alors qu'aujourd'hui, elles demandent en moyenne 130 000 $.

Ne croyez-vous pas qu'on pose ainsi obstacle à la venue de nouveaux produits sur le marché, à ce choix auquel vous avez fait référence tout à l'heure? Des fabricants m'ont carrément affirmé qu'ils se voyaient empêchés d'introduire de nouveaux produits sur le marché canadien. Dans nombre de cas, il s'agit de sociétés multinationales qui font de très bonnes affaires aux États-Unis et qui pourraient nous apporter des nouveaux produits, mais qui se heurtent à un obstacle de taille en raison de ces ristournes d'étalage et autres concessions commerciales qu'exigent de plus en plus trois grandes chaînes qui exercent virtuellement ici un oligopole, un monopole. Ils sont incapables d'offrir leurs nouveaux produits à moins d'augmenter artificiellement leurs prix, ce qui a deux conséquences: premièrement, d'augmenter les prix; deuxièmement, de restreindre le choix.

Généralement parlant, selon vous, comment peut-on tolérer de telles pratiques? Comment justifier une telle situation, et en quoi profite-t-elle aux consommateurs qui se retrouvent avec un choix plus limité et, en fin de compte, des prix plus élevés?

M. Nick Jennery: Monsieur McTeague, j'estime que ce que vous dites ne correspond pas à la réalité. Les nouveaux produits constituent l'élément vital de notre industrie. Les consommateurs les réclament, et si vous ne les leur fournissez pas, ils iront là où ils peuvent les trouver. La croissance qu'on observe dans les catégories dont nous avons parlé indique clairement que les consommateurs exigent une plus grande diversité de produits qu'il y a quelques années.

Le problème, c'est lorsqu'un fabricant s'amène devant un détaillant pour lui offrir un produit qu'il vient de mettre au point en lui disant qu'il s'agit d'un produit formidable, qu'il y croit et que le détaillant devrait le mettre en évidence sur ses tablettes. Dans certains cas, les recherches qui s'imposent n'ont pas été adéquatement effectuées, ou encore, le consommateur boudera le produit, tout attrayant qu'il soit. Toute la panoplie des produits écologiques qu'on a vu apparaître à un certain moment en est peut-être l'exemple le plus classique. Ces produits semblaient merveilleux. Les consommateurs se disaient prêts à acheter des produits écologiques, mais ils ne sont pas passés de la parole aux actes.

En fait, le détaillant sait mieux que quiconque ce que ses clients, qu'il voit aller et repartir chaque jour, chaque semaine, souhaitent. Il connaît sans l'ombre d'un doute... Dites-vous simplement que c'est lui qui est le mieux placé pour comprendre les attentes de ses clients. S'il est persuadé qu'un nouveau produit va se vendre, il le mettra sur ses tablettes.

Les ristournes d'étalage ne représentent pas un obstacle. Elles sont le résultat du bilan terriblement négatif qui caractérise l'avènement des nouveaux produits. Une proportion de 71 p. 100 de ces produits finissent par devoir être retirés des tablettes. N'oublions pas que, pour leur donner une place de choix sur les rayons, il a fallu déplacer d'autres produits qui, en conséquence, se sont moins vendus. Il s'agit là d'un lourd facteur d'inefficacité.

M. Dan McTeague: Monsieur Jennery, vos propos ont beau être fort intéressants, ils ne répondent pas à ma question. Les ristournes d'étalage qu'exigent vos sociétés membres ont-elles augmenté au cours de la dernière année, oui ou non?

M. Nick Jennery: Je ne puis répondre à cette question. Je l'ignore.

M. Dan McTeague: Vous êtes capable de répondre à tout le reste, mais pas à cette question. Les fabricants savent fort bien, eux, que ces ristournes leur coûtent de plus en plus cher.

M. Nick Jennery: Monsieur McTeague, les ristournes d'étalage ne représentent qu'un élément parmi d'autres dans l'ensemble des négociations qui se tiennent entre fournisseurs et détaillants. Il appartient à chaque chaîne de détail de décider si elle entend faire la promotion de tel produit, si elle va l'offrir, et, le cas échéant, si elle le fera dans ses 250 magasins ou dans un seul, si elle le placera sur la tablette du haut ou à l'arrière du magasin, si elle prendra ou non divers autres moyens pour en stimuler la vente, etc. Ces négociations se font au cas par cas, et les ristournes d'étalage n'en sont qu'un aspect.

M. Dan McTeague: Monsieur Jennery...

La présidente: Ce sera votre dernière question.

M. Dan McTeague: Merci, madame la présidente.

Dès le début de mon intervention, si je vous ai parlé des diverses concessions commerciales, dont les plus frappantes sont les ristournes d'étalage, c'est que je crois que les gens comprennent facilement ces pratiques aussi bien au Canada qu'aux États-Unis. Toutefois, en omettant de répondre à la question simple que les fabricants ont portée à mon attention et à celle d'autres députés, vous avez en réalité laissé entendre que tout semble bien aller dans cette industrie.

Étant donné que vous n'avez pas voulu ou pu répondre à cette question, j'en ai une autre plus précise encore.

Si les ristournes d'étalage qu'on exige du fabricant augmentent à un point tel qu'il devient non rentable pour lui de fournir ses produits, de les entreposer et de les placer sur les tablettes des magasins, comment peut-on encore parler de négociations quand on a affaire à des gens qui ne peuvent tout simplement pas se permettre d'offrir leurs produits et d'en payer le transport et l'entreposage, encore moins de verser des pots-de-vin?

M. Nick Jennery: Le secteur de la fabrication est beaucoup plus rentable que celui de la vente au détail.

Il me semble que les chiffres concernant l'apparition de nouveaux produits, de nouvelles catégories de produits, de nouveaux fournisseurs, illustrent éloquemment qu'il existe actuellement, au moment où nous nous parlons, des possibilités très réelles et très lucratives pour les petits fournisseurs, pour ceux qui ont vraiment de nouveaux produits intéressants à offrir, et qu'on continuera à se demander si tel ou tel produit va se vendre.

Je ne saurais vous donner de réponse plus claire que celle-là. Vous n'avez qu'à songer aux statistiques concernant les nouveaux produits qui apparaissent sur les tablettes, aux 825 nouvelles sociétés, toutes nouvelles, qui fournissent actuellement aux magasins d'alimentation des produits qui n'existaient même pas il y a 18 mois. Ce sont là des faits.

La présidente: Merci, monsieur McTeague.

• 1000

Monsieur Jennery, j'aurais une question brève à vous poser. À la page 5 du mémoire que vous nous avez remis, concernant l'alinéa 78l) proposé, vous dites que, dans la plupart des relations d'affaires, on peut convenir de toute une variété de modes de redressement des comptes. Est-ce qu'on s'adonne à de telles pratiques sans entente préalable?

M. David Wilkes: Ce à quoi nous faisons référence dans ce document, c'est aux retenues dont il est question dans le projet de loi. Celles-ci sont régies par deux choses: par la série de lignes directrices que l'industrie a élaborées et dont nous parlons dans notre mémoire, et par les contrats conclus entre les partenaires commerciaux. Ainsi, pour répondre à votre question, il y a...

La présidente: C'est donc dire que l'alinéa 78l) ne changerait rien à votre façon de procéder. Si vous avez déjà un contrat qui prévoit quel sera le mode de paiement, comment le paiement sera effectué, vous n'avez vraiment rien à craindre de l'alinéa 78l) proposé.

M. David Wilkes: Notre préoccupation concernant l'alinéa 78l) proposé a trait à une façon particulière qu'on a souvent de remplir ces exigences. Or, il se trouve que les retenues constituent l'un des moyens les plus efficaces de redresser...

La présidente: Si vous avez conclu un contrat qui précise le mode de paiement... Ou bien il y a entente préalable, ou bien il n'y en a pas.

M. David Wilkes: Tout à fait.

La présidente: Autrement, je ne crois pas que vous devriez vous permettre de faire de telles retenues. Si ces choses ne sont pas établies et convenues d'avance...

Ces gens ont des montants à verser ou attendent des remboursements au titre de la TPS. Étant donné qu'il leur faut apporter les ajustements voulus à leurs comptes, il me semble qu'ils ont besoin de savoir d'avance ce qu'ils recevront, quels paiements ils auront à effectuer. Mais si tout cela est prévu dans le contrat, la situation est évidemment tout autre.

M. David Wilkes: Oui, j'en conviens. C'est d'ailleurs ce que cherchaient à clarifier les lignes directrices dont je vous ai parlé, car là où les choses se compliquent, c'est quand il y a un manque de communication, quand les gens n'ont pas compris au départ en quoi consisterait l'activité promotionnelle, de quel ordre seraient les déductions, à quel moment elles seraient retenues, etc. Ces lignes directrices contribuent donc elles aussi à préciser ces choses.

La présidente: Tout à l'heure, monsieur Jennery, vous avez signalé que la majorité des magasins d'alimentation ne sont pas plus grands qu'auparavant, ou que la taille de la majorité des magasins et de leur rayonnage demeure la même. Je puis vous dire que ce n'est pas forcément le cas dans ma région.

M. Nick Jennery: Je veux parler de la superficie totale. Naturellement, il se construit aujourd'hui un certain nombre de grands magasins, tout comme d'ailleurs il s'en construit de petits. Si l'on considère la taille moyenne des magasins—et les apparences peuvent être trompeuses, j'en conviens—on constate qu'elle n'augmente pas, et qu'elle est en réalité beaucoup plus petite qu'aux États-Unis.

Cela étant dit, il se construit des magasins qui se spécialisent dans un créneau donné, tout simplement parce que certains consommateurs... Et c'est une tendance que vous allez pouvoir observer. Avec le vieillissement de la population, les personnes âgées ne sont pas toujours friandes de devoir déambuler dans les allées d'un magasin d'une superficie de 100 000 pieds carrés; elles préfèrent faire leurs achats au marché de produits maraîchers ou au magasin d'alimentation de leur quartier. Certains diront: «Vous savez, j'aime l'ambiance des granges aux aubaines. Si l'on y offre de meilleurs prix, c'est là que je vais».

Donc, il y a toute une variété de types de magasins, mais, dans l'ensemble, leur taille moyenne n'augmente pas.

La présidente: J'aimerais également vous remercier d'avoir accepté de donner suite à la demande de M. Mill. Nous y attachons beaucoup d'importance.

M. Nick Jennery: Tout à fait. Je ne puis rien vous garantir en ce qui a trait aux résultats de la démarche, mais je vais certes participer à la discussion.

La présidente: Comme cette question revêt énormément d'importance pour nombre des membres de notre comité, nous vous en serions reconnaissants.

M. Nick Jennery: Bien sûr, absolument.

La présidente: Quoi qu'il en soit, nous vous remercions pour votre comparution et votre mémoire. Nous espérons que M. Dubé pourra le lire lui aussi.

M. David Wilkes: Nous allons faire le nécessaire sans tarder.

La présidente: Je vous en suis vraiment reconnaissante.

M. David Wilkes: N'ayez crainte. D'ailleurs, nous aurions dû le faire dès le départ.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes, le temps de permettre à nos autres témoins de prendre place.

• 1003




• 1007

La présidente: Nous reprenons nos travaux.

Nous sommes très heureux de souhaiter la bienvenue à nos prochains témoins. C'est donc avec un grand plaisir que nous accueillons maintenant le coordonnateur de l'organisme Démocratie en surveillance, M. Duff Conacher.

Monsieur Conacher, je vous invite à nous présenter votre exposé si vous en avez préparé un, après quoi nous passerons aux questions.

M. Duff Conacher (coordonnateur, Démocratie en surveillance): Merci beaucoup.

La présidente: Je m'excuse de vous interrompre, mais Mme Jennings aimerait auparavant soulever un point de Règlement.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Madame la présidente, depuis un certain temps, nous faisons preuve d'un peu de laxisme ou de tolérance quant à la distribution des mémoires soumis par les témoins dans une seule des deux langues officielles. Il y a cependant eu un temps où nous les refusions. C'était un règlement du comité que de refuser ces documents s'ils n'étaient pas traduits et disponibles dans les deux langues officielles.

Je vous rappelle que nous avions été très exigeants lors des consultations publiques sur le projet de loi C-6, aujourd'hui la Loi sur la protection des renseignements personnels. Par la suite, on a un peu relâché ces règles. Toutefois, je trouve inacceptable qu'un organisme qui représente des détaillants de l'industrie de l'épicerie, lequel selon son propre témoignage a un chiffre d'affaires dans les milliards de dollars, présente ici aujourd'hui un document rédigé uniquement en anglais et qu'on le distribue.

Je veux vous faire remarquer que ces commentaires ne devraient peut-être pas s'appliquer à un organisme comme Democracy Watch qui, même s'il est pancanadien, a peu de ressources. C'est un organisme d'avocats pour les consommateurs. Si on accepte cette restriction, je vais proposer qu'on revienne à une application stricte du règlement: on ne distribue aucun document qui n'est pas disponible dans les deux langues officielles, point.

Nous devrions être capables de faire la distinction entre un organisme qui a peu de ressources et un organisme qui a des milliards de dollars à sa disposition.

• 1010

[Traduction]

La présidente: Premièrement, madame Jennings, nous n'avons jamais eu de telle règle à notre comité. Dans le cas du projet de loi C-6, nous avions pu nous y prendre de six à huit semaines à l'avance pour informer nos témoins de la tenue de nos audiences.

Deuxièmement, les témoins ne sont pas tenus de fournir leurs documents dans les deux langues officielles. Le Règlement de la Chambre des communes dit qu'ils peuvent les soumettre dans l'une ou l'autre des deux langues officielles. Nous demandons néanmoins aux grandes organisations de nous fournir, si possible, tous leurs documents dans les deux langues officielles, mais lorsqu'elles ne le peuvent pas, nous nous chargeons nous-mêmes d'en faire faire la traduction.

Nous ne disposons hélas que de trois semaines pour tenir les présentes audiences, et malheureusement, certains témoins ont été invités à témoigner moins longtemps à l'avance que d'autres, étant donné qu'il nous a fallu apporter des changements à notre programme d'audition des témoins. Ce sont des choses qui arrivent. Parfois, nous sommes obligés d'essayer de trouver des accommodements pour faire une place à certains témoins en nous efforçant d'utiliser le plus efficacement possible le temps dont nous disposons pour notre étude.

Le représentant des marchés d'alimentation qui vient tout juste de témoigner promet de nous faire parvenir dans les plus brefs délais la traduction des documents qu'il nous a remis. Il n'y est pas tenu, mais, comme il représente une grosse organisation, il accepte d'emblée de s'en charger. Autrement, il nous faudrait à cette fin avoir recours au service qui fait habituellement ce travail pour notre comité.

Je vais demander au greffier de rappeler aux témoins, du moins aux grands organismes, qu'ils doivent, lorsqu'ils sont invités à comparaître devant notre comité, nous fournir leur documentation dans les deux langues officielles. M. Dubé a soulevé la question tout à l'heure lorsqu'il a interrogé les porte-parole des épiciers. Ces gens ont manifestement compris le message, et il est peu probable qu'ils comparaissent de nouveau devant notre comité sans fournir leurs documents dans les deux langues officielles.

À l'avenir, nous allons, exactement dans les mêmes termes, rappeler cette politique à tous les témoins que nous inviterons à comparaître. Je vais demander au greffier de les informer très explicitement de nos attentes à cet égard. Dans le passé, nous avons souvent eu à demander des explications à des témoins qui ne nous avaient pas soumis leurs documents dans les deux langues officielles.

[Français]

Monsieur Dubé.

Mme Marlene Jennings: Monsieur Dubé, excusez-moi, mais je n'ai pas terminé.

M. Antoine Dubé: Oh, pardon.

Mme Marlene Jennings: Merci. Je comprends très bien que les témoins ne sont pas obligés de fournir eux-mêmes leurs mémoires dans les deux langues, mais quand même, un organisme qui dessert des membres au Québec, comme les témoins l'ont dit eux mêmes, est sans doute en mesure de les desservir en français. Selon moi, même si cela doit signifier un délai de trois jours...

D'ailleurs, notre greffier a communiqué avec eux il y a trois jours pour leur demander s'ils pouvaient se présenter aujourd'hui. Avec les moyens technologiques et informatiques qui existent, des compagnies de traduction peuvent le faire. Il existe même des programmes informatiques de traduction. Je connais des gens qui les utilisent. En 12 heures, normalement, on peut obtenir la traduction d'un document de huit pages. Donc, je pense qu'un organisme de ce genre, même s'il n'y est pas obligé, en a les moyens. Il n'a donc pas d'excuses.

[Traduction]

La présidente: Je m'excuse, madame Jennings, mais notre comité n'est pas en mesure de faire traduire des documents en douze heures.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Je ne parle pas de nous ici. Je dis qu'il est inexcusable que des organismes nationaux assez bien nantis, qui représentent des membres de partout au Canada et qui opèrent dans les deux langues officielles, ne trouvent pas le moyen de faire traduire leur document même s'ils n'ont eu qu'un délai de 36 ou 48 heures.

Le président: D'accord. Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: L'ayant vérifié auprès du greffier, je sais qu'un comité peut adopter des règles au moment où il est créé. Sur 20 comités, il y en a une quinzaine qui ont adopté une règle en ce sens. Bien sûr, on ne peut pas obliger tous les témoins à le faire eux-mêmes, mais la question est de savoir si on distribue les documents ou pas. Une quinzaine de comités permanents ont décidé de ne pas les distribuer.

Je ne le propose pas pour d'ici la fin de juin, mais je pense qu'au début de la prochaine session, à l'automne, on devrait se demander si ce comité-ci devrait adopter une règle semblable, qui existe dans les autres comités. Lorsque les témoins se présentent avec un texte dans une seule des langues officielles, on ne le distribue pas, point. À ce moment-là, c'est juste pour tout le monde. Je vous demande de comprendre. Certains députés sont bilingues, mais cette étude du Conseil canadien de la distribution alimentaire est très détaillée et elle date de 1999. Est-ce que ça veut dire qu'elle n'a pas été envoyée aux membres francophones de l'organisme?

• 1015

Je ne veux pas insister davantage sur ce point, mais je pense qu'on devrait y réfléchir avant la prochaine session.

[Traduction]

La présidente: D'accord. Nous prenons bonne note de votre point. Nous avons ici un témoin devant nous, et je compte bien que vous allez tous rester pour la poursuite de la séance.

Monsieur Conacher, veuillez prendre la parole, s'il vous plaît.

M. Duff Conacher: Merci beaucoup, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité, de votre invitation. Je vous prie de m'en excuser, mais je vais devoir faire mon exposé uniquement en anglais, et d'ailleurs, notre mémoire n'est également qu'en anglais.

Je vais m'adresser à vous en anglais seulement

[Français]

parce que mon français a encore besoin d'une longue pratique.

[Traduction]

Mon collègue, Daniel Martin Bellemare, qui s'est chargé de la recherche pour notre mémoire et mon exposé d'aujourd'hui, n'a malheureusement pu se joindre à moi, occupé qu'il est depuis deux ou trois semaines à régler une affaire personnelle qui l'accapare beaucoup. Comme il est parfaitement bilingue, il m'aurait été d'un grand secours, mais il m'a prié de vous demander de l'excuser. Nous nous sommes employés à mettre la dernière touche à ce rapport. Daniel continue de recueillir de nouveaux faits, et il a entamé des procédures judiciaires pour tenter d'obtenir que le ministère de la Justice lui transmette, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, des renseignements complémentaires à ce sujet.

Nous avons réuni dans ce document tous les éléments que nous avons pu accumuler jusqu'à maintenant. En fait, je ne m'attendais pas à ce que notre mémoire vous soit remis aujourd'hui. Je croyais que, pour qu'un mémoire soit distribué, il était de règle qu'il soit déjà traduit. Je suis donc conscient que vous le voyez tous pour la première fois. Je vais d'abord vous entretenir brièvement des conclusions de notre recherche, de même que de nos critiques et de nos recommandations. Je serai ensuite à votre disposition pour répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.

Comme vous pouvez le voir, nous avons intitulé notre mémoire «Revolving Doors, the Undue Influence of Corporate Lawyers on the Competition Bureau» (Des portes tournantes: l'influence indue qu'exercent les avocats de la grande entreprise sur le Bureau de la concurrence). Si nous avons donné ce titre à notre mémoire, c'est qu'on y trouve des détails à propos de cas relativement nombreux où le procureur général du Canada et le commissaire de la concurrence ont fait appel à un petit nombre de cabinets d'avocats spécialisés en droit des sociétés pour conseiller ou représenter le commissaire dans des causes relatives à la concurrence au lieu de confier ce travail aux avocats du gouvernement. Ces mêmes avocats de pratique privée, ou leur cabinet, ont également été appelés à représenter des sociétés mises en cause dans des affaires relatives à la concurrence dont la décision relevait du Bureau de la concurrence, parfois en même temps qu'ils représentaient le commissaire.

Nous exposons en détail dans notre mémoire sept causes qui illustrent cette pratique, et au cas où vous vous demanderiez si sept c'est beaucoup, ce l'est, du moins à nos yeux, puisque le Tribunal de la concurrence n'a été appelé à se prononcer que sur 20 à 25 causes depuis 1986. C'est donc dans environ le tiers de toutes les causes que le Tribunal a entendues que des avocats de pratique privée ont été mis à contribution par le commissaire ou désignés par le procureur général du Canada.

La première de ces causes avait trait à la prise de contrôle de Texaco par Imperial Oil en 1989. Un avocat à l'emploi du cabinet Blake Cassels & Graydon avait alors été chargé de négocier, pour le compte d'Imperial Oil, un projet d'entente avec le commissaire de la concurrence en poste à cette époque, Calvin Goldman. En même temps, ce même avocat, Warren Grover, représentait le commissaire Goldman devant le Tribunal de la concurrence dans un litige contre NutraSweet. Pour défendre ses intérêts auprès du Tribunal, Imperial Oil avait engagé John Howard, un autre avocat au service du cabinet Blake Cassels & Graydon.

Donc, comme vous pouvez le constater, des avocats du même cabinet—en fait le même avocat—représentaient la société cliente tout en travaillant pour le commissaire.

Également en 1989, dans le deuxième exemple dont nous révélons les détails, le commissaire Goldman avait déposé une demande de révision de la fusion d'Asea Brown Bovery avec d'autres sociétés. Westinghouse Canada, une partie en cause dans cette révision, était également représentée par des avocats du cabinet Blake Cassels & Graydon.

Dans une affaire qui a été instruite en août 1987 et qui mettait en cause trois sociétés québécoises de récupération animale, le procureur général du Canada avait désigné un autre avocat du cabinet Blake Cassels & Graydon pour conseiller le commissaire Goldman. Avant même que le Tribunal n'ait rendu sa décision dans la cause de ces sociétés québécoises, le même avocat et deux de ses collègues du cabinet Blake Cassels & Graydon allaient représenter deux sociétés ontariennes de récupération animale dans une affaire de fusion dont était saisi le Tribunal de la concurrence.

• 1020

Passons au quatrième cas. En novembre 1990, le commissaire a déposé une demande d'audience devant le Tribunal de la concurrence contre Southam Inc. concernant une fusion survenue antérieurement. Le commissaire était représenté par Stanley Wong, un avocat qui travaillait pour le compte de Davis & Company, de Vancouver. Or, le 25 mars 1991, le commissaire instruisait une cause contre Laidlaw Waste Systems, qui s'est alors fait représenter par des avocats du cabinet Davis & Company, le même qui avait représenté le commissaire à peine quelques mois plus tôt.

Le cinquième cas qui, à nos yeux, soulève de sérieuses questions a trait à un litige relatif à la Loi sur la concurrence et impliquant les sociétés Loblaws et Provigo. Dans cette affaire, les règles concernant les situations de conflit d'intérêts ont été appliquées selon nous d'une façon fort douteuse. En effet, le procureur général du Canada avait, en février 1995, nommé Robert Russell, un avocat du cabinet Borden & Elliot, pour conseiller le commissaire d'alors, George Addy, à propos de l'examen de deux fusions survenues dans l'industrie des conteneurs d'expédition. Me Russell a représenté le commissaire jusqu'au 31 mars 1998. Puis, quelques mois plus tard, on le retrouve devant le Bureau comme avocat représentant les intérêt de la société Loblaws. Alors, vous voyez pourquoi il est question de «portes tournantes» dans le titre que nous avons donné à notre rapport.

Nous exposons également en détail deux autres causes où, selon nous, l'impartialité du commissaire de la concurrence peut être sérieusement mise en doute en raison de toute cette situation qui a été créée. La première de ces causes a été instruite devant le Tribunal de la concurrence en 1994. Elle impliquait la société D & B. Companies of Canada comme défenderesse. Dans cette cause, l'ancien commissaire Goldman représentait l'une des parties, la partie demanderesse. D & B. Companies était représentée par les avocats Randal Huges et John Rook, qui avaient tous deux représenté antérieurement le commissaire et travaillé pour le gouvernement à diverses reprises depuis le milieu des années 80.

Enfin, notre septième cause concerne la désignation, par le procureur général, en 1987, d'Yves Bériault, un avocat du cabinet McCarthy et Tétrault, de Montréal, pour représenter le commissaire devant le Tribunal dans une affaire impliquant la société ADM Agri-Industries. M. Bériault avait également représenté le commissaire en 1987. L'affaire ADM a été close en août 1988—seulement cinq mois plus tard—quand M. Bériault s'est de nouveau présenté devant le commissaire, le Bureau, et tout le Tribunal de la concurrence pour y défendre la cause d'un client.

Nous nous inquiétons de ce perpétuel scénario de porte tournante, car, selon nous, lorsque des avocats de pratique privée représentent la grande entreprise, on ne s'étonne pas de les voir s'opposer avec la dernière énergie à l'application rigoureuse de mesures antitrust—particulièrement si celles-ci risquent d'être appliquées contre leur client. Mais si ces mêmes avocats sont par la suite engagés par le Tribunal ou le commissaire, il n'y a pas lieu de s'attendre, croyons-nous, à ce qu'ils plaident leur cause avec ardeur devant le Tribunal de la concurrence, puisqu'il risquerait d'en résulter des précédents nuisibles à leurs clients habituels.

Somme toute, nous croyons qu'en faisant ainsi constamment appel à des avocats de pratique privée pour conseiller ou représenter le commissaire, comme le Bureau nous semble l'avoir fait, le procureur général du Canada et le commissaire délèguent l'administration et l'exécution de la loi à une poignée d'avocats qui représentent par ailleurs certaines des plus grandes sociétés au pays.

Enfin, nous croyons que ces avocats de pratique privée établissent des liens étroits avec le commissaire et son personnel et que ces liens leur permettent de se familiariser avec la façon dont le commissaire prépare son dossier en vue de l'instruction d'une cause. Ces avocats peuvent ensuite se servir de cette information privilégiée et de leurs contacts pour négocier, au nom de leurs clients, des règlements favorables ou obtenir l'abandon d'une enquête. Bref, nous croyons que de tels liens discréditent le Bureau de la concurrence.

Essentiellement, nous estimons qu'il s'agit là de situations classiques où on laisse le loup entrer dans la bergerie. À notre avis, il faudrait premièrement établir des règles claires et les appliquer rigoureusement pour empêcher qu'on porte ainsi régulièrement atteinte à l'intérêt public. Nous partageons l'opinion exprimée le mois dernier par le commissaire lorsqu'il a affirmé dans son témoignage devant votre comité qu'il ne disposait pas des ressources voulues pour administrer et faire appliquer adéquatement la loi. Nous sommes entièrement d'accord avec lui, et nous pressons instamment le procureur général et le commissaire d'affecter les fonds nécessaires à l'embauche d'un nombre suffisant d'avocats pour que le Bureau soit en mesure de traiter convenablement toutes les causes relatives à la Loi sur la concurrence.

• 1025

Deuxièmement, il faudrait resserrer les règles sur les conflits d'intérêts dans le cas des avocats appelés à s'occuper de contentieux relatifs à la concurrence.

Troisièmement, on ne devrait faire appel à des avocats de pratique privée que dans des circonstances vraiment exceptionnelles, et, dans les cas où on serait amené à le faire, il faudrait veiller à prévenir toute situation de conflit d'intérêts réel ou apparent ou toute absence d'objectivité.

Comme vous serez à même de le constater, notre rapport est étayé d'une foule de notes de bas de page, qui renvoient à tous les comptes rendus des causes auxquelles nous faisons référence ainsi qu'aux communiqués de presse du commissaire. Notre rapport est très détaillé et complet, et la thèse que nous défendons est à notre avis probante, puisque le Bureau a fait appel à des avocats de pratique privée dans sept des 20 à 25 causes qu'il a défendues devant le Tribunal.

Cette pratique généralisée nous inquiète vivement. Nous espérons d'ailleurs que le comité recommandera l'application des mesures que nous pressons le procureur général d'adopter, et que ce dernier s'engagera à régler ce problème récurrent qui, à notre avis, discrédite le Bureau, sape la réputation de l'administration de la justice dans ce domaine et, surtout, porte atteinte à l'intérêt public en général.

Nous vous soumettons ce rapport pour votre information et en guise de requête officielle auprès du procureur général du Canada. Nous envisageons d'ailleurs d'intenter une action si le procureur général omet de prendre les mesures de redressement qui s'imposent.

Je suis maintenant prêt à répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Conacher.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé: Merci, monsieur Conacher. Votre document est bien fait. Le sommaire est concis et très bien fait.

Nous avons entendu ici certains témoins, des avocats. Je ne sais pas si les arguments qu'ils ont soulevés sont valables, et j'aimerais que vous me donniez votre opinion là-dessus. Ils ont dit que la loi est très complexe et que, finalement, il n'y a qu'un nombre très limité de spécialistes qui s'y connaissent en règles de la concurrence au Canada. Cela laisserait entendre que la situation que vous décrivez n'est pas si anormale.

Bien sûr, ils ne parlaient pas de la même époque. Ce sont des objections que j'ai entendues tout récemment. Se peut-il que ce soit dû à la complexité de la loi et au très petit nombre de spécialistes en la matière qu'on trouve au Canada?

[Traduction]

M. Duff Conacher: Je crois que c'est bien le cas, n'étant pas moi-même un spécialiste, et je sais, pour en avoir parlé avec mon collègue Daniel Martin Bellemare—qui connaît le Bureau et la loi de fond en comble et qui est parfaitement au courant de toutes les causes qui ont été entendues à ce sujet depuis 1986—qu'il s'agit d'un très petit barreau, comme ils disent. Mais nous ne voyons pas que ce soit là une excuse, compte tenu que nous avons des preuves que cela fait au-delà de 14 ans qu'on fait ainsi systématiquement appel à des avocats de pratique privée. Nous voyons mal pourquoi, pendant tout ce temps—et comme nous sommes profondément convaincus qu'on aurait dû le faire avant 1993, nous ne blâmons pas à cet égard uniquement le gouvernement actuel—le procureur général du Canada n'a pas pris soin de doter le gouvernement d'une équipe d'avocats compétents en la matière. Et il nous apparaît important, vu la complexité de la loi, que le gouvernement puisse à cet égard compter à long terme sur une équipe d'avocats qui soient au fait des moindres subtilités de la loi ainsi que de tous les litiges et de toute la jurisprudence pertinente pour être en mesure de faire appliquer la loi. Il faudrait également faire en sorte que les avocats qui représentent les entreprises privées ne puissent, quand ils affrontent ceux du gouvernement, s'ériger en experts accomplis en face d'avocats du gouvernement qui ne sont que des novices débutants.

Il y a longtemps qu'on aurait dû régler ce problème. Ce que nous demandons, c'est qu'on s'empresse de remédier enfin à cette situation. Comme nous l'avons appris hier, le gouvernement dispose actuellement d'un excédent proprement gigantesque. Il n'y a donc aucune raison pour qu'on n'en consacre pas une partie à faire respecter certains principes très importants pour la sauvegarde de l'autorité de la loi et de l'intérêt public. La mesure la plus efficace que le gouvernement pourrait prendre à cet égard consisterait à se doter d'une équipe d'avocats déterminés à veiller à ce que l'intérêt public soit protégé, plutôt que de permettre à des avocats inféodés à l'entreprise privée de représenter les intérêts tantôt du secteur public tantôt du secteur privé en ne se ménageant entre-temps, dans la meilleure hypothèse, que de très courtes périodes de retrait.

• 1030

Par exemple, les ministres et les hauts fonctionnaires sortants sont assujettis à cet égard à des règles de déontologie. Ils doivent attendre un an ou deux avant de pouvoir aller plaider la cause de tierces parties auprès de leur ancien ministère. Pourtant, dans les causes dont nous faisons ici état, nous voyons des avocats représenter à la fois—ou encore successivement, quelques mois à peine après avoir quitté leur poste—les deux parties qui s'affrontent devant cette même commission dont ils ont eu à représenter les intérêts, parfois pendant deux ou trois ans, alors qu'ils y agissaient comme conseillers du commissaire. Il est proprement contraire à l'intérêt public de maintenir une telle pratique.

La présidente: Monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé: Vous soulevez un bon point. Il existe d'autres tribunaux quasi judiciaires au gouvernement. Est-ce que vous avez comparé les règles que vous mentionnez à celles d'autres tribunaux qui existent dans l'ensemble du gouvernement canadien? Si oui, est-ce que vous avez de l'information à nous fournir là-dessus? Si vous ne pouvez nous donner cette information aujourd'hui, vous pourrez peut-être nous la faire parvenir.

[Traduction]

M. Duff Conacher: Pour la simple raison que nous manquons de ressources, nous n'avons pas pu examiner systématiquement le cas d'autres organismes. Je puis toutefois vous dire que, d'après mon expérience de travail sur les questions bancaires—nous menons depuis 1994 une campagne en faveur de la responsabilisation des banques—en règle générale, la politique du Bureau du surintendant des institutions financières à cet égard nous apparaît préoccupante, car il fait lui aussi appel, sur une base temporaire—dans le cadre de programmes d'échange ou de détachement—à des avocats de pratique privée rattachés à des institutions financières. Mais je dois dire que c'est le seul autre organisme dont nous connaissons assez bien le cas.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je trouve le rapport de votre organisme intéressant pour l'ensemble de ce dossier. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais dans certaines causes de droit civil, le problème que je vois se manifester en rapport avec la concurrence, c'est que de grandes entreprises, et on le déplore, ont souvent tendance, sans exercer de monopole, à accaparer de plus en plus de pouvoirs au détriment de petites entreprises.

Dans ma région, ce sont des petites entreprises qui existent. Parmi les quelques personnes de ma circonscription qui sont venues me voir, la plupart trouvaient cela trop complexe. À leur point de vue, cela prenait aussi trop de temps. Les gens décident donc de ne pas poursuivre ou de ne même pas tenter de faire appel. Il y avait deux cas. L'un des deux a tout simplement fait faillite avant la fin. Vous comprenez que, dans son état psychologique, il n'avait pas le goût de continuer.

Serait-il possible de songer à une forme de recours collectif pour les petites entreprises qui connaissent les mêmes difficultés? Serait-il possible qu'elles s'unissent pour présenter une même cause? À ce moment-là, elles pourraient se permettre d'attendre et de durer.

Deuxièmement, seriez-vous d'accord pour qu'il y ait un accès direct au tribunal, ce qui n'existe pas actuellement?

[Traduction]

M. Duff Conacher: Merci beaucoup de votre question. J'ai omis de vous mentionner—il est temps que je le fasse, car nous nous rendons compte que, sauf erreur, c'est votre dernière journée d'audiences sur cette question—que nous espérons vivement... Mon collègue Daniel Bellemare présentera lui aussi un mémoire, comportant cette fois des données plus techniques. Il n'a tout simplement pas eu le temps de l'achever. Mais nous avons examiné ensemble certaines de ces questions, et nous sommes favorables à l'hypothèse du recours collectif et de l'instruction de causes qui pourraient servir à établir des précédents propres à nous guider dans l'avenir, ainsi qu'à d'autres changements dont je n'entends pas vous entretenir ici, en partie parce que je ne m'y connais tout simplement pas suffisamment et qu'il n'a pas été possible à Daniel ces dernières semaines de me communiquer les renseignements nécessaires concernant ces autres mesures qu'il serait indiqué de prendre, notamment pour faciliter l'application de la loi.

Donc, j'espère que vous allez recevoir ce mémoire dans les meilleurs délais, pour qu'au moins votre comité en soit saisi, car il vous sera remis peut-être trop tard pour que vous puissiez en tenir compte dans votre rapport. Nous allons également soumettre ce rapport ainsi qu'un mémoire à caractère technique au Forum des politiques publiques que, comme vous le savez sans doute, le Bureau de la concurrence s'est engagé à tenir pour amener les intervenants et les experts en la matière à se réunir au cours de l'été. La date limite pour soumettre un tel rapport était censée être hier, mais on l'a reportée à la fin de juin...

La présidente: En fait, on l'a reportée de la première semaine de mai à la fin de juin.

M. Duff Conacher: C'est exact. Nous allons donc soumettre un mémoire ainsi que le présent rapport lors de ce forum que le Bureau est à organiser.

La présidente: Merci.

Merci beaucoup, monsieur Dubé.

Madame Jennings, la parole est à vous.

• 1035

Mme Marlene Jennings: Premièrement, monsieur Conacher, merci beaucoup pour votre exposé. Vous n'aviez pas à vous excuser de présenter votre déclaration et votre mémoire en anglais seulement. J'espère avoir fait valoir clairement, dans les remarques que j'ai formulées en invoquant le Règlement pour protester contre le fait que des documents nous avaient été remis dans une seule des deux langues officielles, que mon reproche ne s'adressait pas à des organisations comme la vôtre. Et de un.

Deuxièmement, je vous prie de transmettre mes salutations à Me Daniel Martin Bellemare et de lui faire savoir que je suis impatiente de lire le mémoire technique qu'il est à préparer.

Les questions que vous avez soulevées ici concernant les conflits d'intérêts et l'éthique sont très sérieuses, comme vous le savez fort bien, et je crois qu'elles mériteraient plus ample considération. Que ce soit par notre comité ou par un autre organisme, elles devraient indéniablement être examinées de plus près.

J'ai en outre apprécié que vous ayez soulevé la question de savoir si c'est parce qu'il manque de ressources que le Bureau du commissaire de la concurrence a été dans l'incapacité de mettre sur pied sa propre équipe de spécialistes. Pour ajouter aux propos de M. Dubé à cet égard, je dirais que ce qu'il propose se fait déjà dans d'autres secteurs. Si on prend l'exemple de notre système de justice pénale, des bureaux du procureur général, etc., on y trouve des procureurs fort compétents qui sont reconnus comme étant parmi les meilleurs spécialistes des questions relatives, par exemple, au blanchiment d'argent et aux activités des milieux du crime organisé.

C'est donc dire qu'il est possible d'attirer et de former une équipe d'experts en de telles matières, et je crois que, pour nous attaquer au problème des avocats qui passent constamment d'un camp à l'autre, comme vous l'avez expliqué, il nous faudrait examiner de près cette possibilité.

En plus de souligner que cette situation existe depuis au moins 10 ou 15 ans et qu'il s'impose qu'on y remédie, auriez-vous des recommandations à formuler à cet égard? À supposer que les gens conviennent tous qu'il faut redresser cette situation, avez-vous des recommandations précises concernant les moyens d'y parvenir? Même si on y consacrait trois millions de dollars, on ne saurait résoudre le problème immédiatement. À court terme, à moyen terme, à long terme...

M. Duff Conacher: Notre première recommandation vise simplement à ce qu'on cesse d'abord immédiatement de faire systématiquement appel à des avocats de pratique privée et qu'on applique, concurremment et sans tarder, les mesures de redressement appropriées. Essentiellement, nous croyons qu'il faudrait non seulement prendre des mesures de redressement sur le plan des ressources, mais également resserrer les lignes directrices du ministère de la Justice en matière de poursuites pour prévenir, dans toutes les causes, les situations réelles ou apparentes de conflit d'intérêts ou de partialité. Cette règle est la norme dans le code d'après-mandat des titulaires de fonctions publiques, et nous avons la ferme conviction qu'on devrait la faire respecter. Il s'agit d'ailleurs d'une norme très élevée.

Quand nos parlons d'«apparence», nous ne voulons pas dire aux yeux des parties concernées, mais plutôt aux yeux de toute personne raisonnable. On a d'ailleurs souligné ce principe dans quelques causes criminelles récentes où étaient impliqués des hauts fonctionnaires, comme dans les pourvois La reine c. Hinchey et La reine c. Cogger. Dans ces causes, la Cour suprême du Canada a souligné toute l'importance qu'elle attachait à ce principe et a fait valoir que les fonctionnaires devraient à cet égard être soumis à une règle beaucoup plus contraignante que celle qui pourrait déjà sembler sévère à la plupart des gens, et ce, afin de préserver l'intégrité du gouvernement. La Cour suprême du Canada, dans le pourvoi La reine c. Hinchey, a également insisté sur l'importance que même l'apparence d'intégrité du gouvernement soit sauvegardée, sans quoi celui-ci ne saurait s'imposer comme une force du bien dans la société puisqu'il n'en aurait pas la légitimité.

Donc, commençons simplement par cesser de faire systématiquement appel à des avocats de pratique privée, par renforcer les règles et accroître les ressources, et ensuite, si, pour défendre efficacement son point de vue, le commissaire a besoin de recourir aux connaissances techniques d'un avocat de l'extérieur, qu'il le fasse, mais à la condition que cet avocat soit tenu à une période de retrait après avoir cessé d'être au service du commissaire et qu'au cours de la période où l'avocat ou le cabinet juridique en question—s'il s'agit d'un cabinet juridique au complet—est au service du commissaire, ses collègues du cabinet juridique n'aillent pas plaider devant le commissaire et qu'ils soient eux aussi tenus à une période de retrait. Il se peut que telles mesures rendent plus difficile le recours à des avocats de pratique privée, mais, je le répète, cela ne fait que souligner l'importance de constituer à l'interne, comme vous le préconisez, une équipe permanente d'avocats compétents voués à la défense des intérêts du gouvernement. Pour prendre l'exemple des États-Unis, nous y observons une différence très marquée en ce qui touche l'application de la loi ainsi que la somme des compétences et des ressources qu'on consacre à ce domaine.

• 1040

Mme Marlene Jennings: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Merci, madame la présidente.

Monsieur Conacher, nous sommes heureux de votre présence parmi nous aujourd'hui.

M. Duff Conacher: Merci.

M. Dan McTeague: Ce que vous avez expliqué ici n'est certes pas nouveau pour certains d'entre nous de ce côté-ci. En passant, je vous prie de transmettre également mes salutations à Daniel Martin Bellemare. Je n'ai pas vu Daniel depuis un bon moment, quoique nous ayons eu à travailler ensemble devant la Régie des rentes du Québec où un certain nombre de gros bonnets bien nantis et bien dressés on réussi à m'empêcher de témoigner sur la question de l'impact de la présence sur le marché de détaillants d'essence indépendants et de l'existence actuelle d'un oligopole dans le secteur de la distribution de l'essence dans cette province et ailleurs.

Vous avez soulevé un certain nombre de questions et fait état de quelques-unes de vos préoccupations—je songe, par exemple, à la question des ressources—en vous adressant au commissaire et à d'autres. Nous avons à plusieurs occasions fait la démonstration du manque flagrant de ressources du Bureau de la concurrence, compte tenu de l'impressionnant déploiement d'énergies que demande l'examen de questions comme celles des fusions. D'ailleurs, j'ai remarqué qu'une bonne partie des causes que vous avez mentionnées avaient trait à des demandes de fusion ou de quasi-fusion.

J'ai bien apprécié vos observations concernant l'importance de faire en sorte que le processus apparaisse équitable et qu'on n'ait nullement à craindre l'existence de situations de conflit d'intérêts. Il est intéressant de constater que nombre des avocats dont vous avez parlé ont en fait eu l'occasion de comparaître devant notre comité. Certains d'entre eux ont préconisé qu'on établisse des règles claires concernant les ordonnances visant à mettre fin aux activités présumées déloyales entre le moment où la procédure d'enquête est enclenchée et celui où la décision est exécutée, mais, naturellement, aucun d'eux n'a abordé la question du risque de conflit d'intérêts que comporte le fait de représenter simultanément deux camps qui s'affrontent.

Il me semble donc que nous avons vraiment abordé une question—peut-être même y sommes-nous allés au coeur—qui préoccupe nombre d'entre nous. Trop peu d'intervenants soulèvent des questions concernant la Loi sur la concurrence, de telle sorte qu'en réalité, ce domaine est actuellement la chasse gardée d'une poignée d'individus au pays.

J'aimerais savoir comment, selon vous, nous pourrions mettre sur pied une sorte de pépinière d'avocats spécialistes de la Loi sur la concurrence, des avocats qui se chargeraient ni plus ni moins de faire un peu comme j'ai essayé de faire à l'occasion du dépôt de plusieurs projets de loi, en ce sens que j'ai préconisé qu'on fasse un premier essai, serait-il limité, de l'octroi d'un droit de recours aux parties qui s'estiment lésées, de donner au minimum à celles-ci, quelle que soit leur envergure ou leur taille, le moyen de pouvoir compter sur une disposition relative aux ordonnances de mettre fin aux activités présumées déloyales qui leur laisserait au moins le temps de respirer un peu et de se protéger. Trouvez-vous souhaitable que le Comité de l'industrie formule des recommandations visant à favoriser la formation d'une toute nouvelle génération, d'une toute une nouvelle cuvée, d'avocats et d'économistes spécialistes de la Loi sur la concurrence, qui pourraient en dernière analyse nous épauler dans la lutte que nous menons pour assurer l'équité d'un système qui, pour l'heure et aux yeux de gens comme vous, semble favoriser indûment les uns au détriment des autres?

M. Duff Conacher: Je crois qu'il y aura toujours des problèmes chez les avocats du secteur privé. Des mesures comme les ordonnances de mettre fin aux activités présumées déloyales, les recours collectifs qui permettraient la mise en commun de ressources, l'autorisation explicite de conclure des ententes prévoyant le versement d'honoraires conditionnels—quoique je ne croie pas que ce soit interdit—seraient autant de moyens d'encourager les avocats qui font affaire avec les petites entreprises à acquérir une expertise dans ce domaine pour devenir davantage aptes à défendre les intérêts de leurs clients.

Je ne crois pas qu'en principe il soit très difficile d'instruire une cause devant le Tribunal de la concurrence. Il suffit d'avoir six requérants, mais une fois cette condition remplie, est-on en mesure de défendre la cause? On a vu récemment ce que cela a donné dans le cas des détaillants d'essence.

M. Dan McTeague: Oui, bien entendu.

M. Duff Conacher: D'ailleurs, à cette occasion, M. Bellemare a présenté un plaidoyer. Il s'agissait de ce qu'on appelle une instruction sur dossier. Il a, en notre nom, soumis un plaidoyer à propos du projet d'Ultramar d'acquérir une raffinerie. Faute de ressources, les détaillants locaux, qui constituaient la partie demanderesse, n'ont finalement même pas présenté de plaidoyer.

On est sans cesse placé dans de telles situations avec les avocats du secteur privé. Naturellement, toute grande société dispose de suffisamment de ressources pour pouvoir se permettre d'exiger d'un cabinet juridique qu'il acquière l'expertise voulue dans ce domaine et de le rémunérer en conséquence. En réalité, elle n'a qu'à donner à ce cabinet le mandat à long terme de la représenter en justice dans les affaires relatives à la concurrence.

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Toute mesure ayant pour objet de permettre et de faciliter la mise en commun de ressources ne pourrait qu'être utile. Je sais, pour en avoir parlé avec Daniel, qu'il est très difficile à un avocat de gagner sa vie en ne pratiquant que le droit relatif à la Loi sur la concurrence, à moins de se mettre au service de la grande entreprise.

M. Dan McTeague: Monsieur Conacher, à l'occasion de l'examen par le comité d'un projet de loi qui date d'un bon moment, le projet de loi C-235, j'ai formulé un commentaire qui a été dans une large mesure, je crois, à l'origine de ce que nous faisons aujourd'hui. Je ne crois pas exagérer en disant cela. J'avais alors affirmé que la condition ou la position dans laquelle sont placés le défendeur et le demandeur, compte tenu de l'importance des ressources dont ils disposent respectivement, me faisait penser à celle de Godzilla en face de Bambi.

Jugez-vous en quelque sorte probable, nécessaire... La question que je vais vous poser va bien au-delà de celle des honoraires conditionnels, qui elle-même déborde celle de savoir ce que nous pouvons y faire, nous du gouvernement fédéral, notamment en Ontario, par exemple, où ces honoraires sont interdits ou proscrits. Je me demande s'il vous apparaîtrait utile non seulement qu'on facilite le recours en justice, comme on le fait aux États-Unis, mais également qu'on prévoie la possibilité de réclamer en dommages le double et le triple de la valeur du préjudice subi, comme c'est le cas aux États-Unis, pour faire en sorte que les avocats du barreau ne soient pas à la merci de ceux qui ont les moyens de les rémunérer même quand ils n'ont pas gain de cause.

M. Duff Conacher: En gros, nous avons le sentiment que le gouvernement a, depuis un certain nombre d'années, abandonné la réglementation sans jamais avoir vraiment essayé de faire respecter celle qui existait.

Pour revenir sur le point que vous avez soulevé concernant les amendes, nous avons l'impression que les grandes sociétés se sont toujours trouvé des motifs de ne pas respecter la réglementation, que ce soit en raison de la faiblesse des règles ou des mesures visant à faire observer la loi, ou encore en raison des très faibles amendes imposées. Toute lacune concernant l'un ou l'autre de ces éléments incite les sociétés à ne pas respecter la réglementation.

Ayant été formé, durant mes études de droit, par les spécialistes les plus réputés de l'Université de Toronto dans les domaines du droit et de l'économie, je sais pertinemment que c'est en fonction de la probabilité d'être prise en défaut que toute grande entreprise considère le risque de devoir payer une amende. Ainsi, une importante société qui s'expose à devoir payer une amende d'un million de dollars mais qui considère qu'elle n'a qu'une chance sur mille d'être prise en défaut traitera la chose comme si elle risquait une amende de 1 000 $. C'est exactement ainsi qu'elle l'envisagera. Vous pouvez appeler Michael Trebilcock ou Ron Daniels ou tout autre spécialiste du droit et de l'économie, et ils vous diront la même chose. C'est tout de qui intéresse les grandes sociétés: le résultat net.

Il est donc impératif qu'on augmente les amendes, qu'on resserre les mesures visant à faire observer la loi et qu'on impose des règles plus sévères, car s'il subsiste un point faible concernant l'un ou l'autre de ces éléments, on encourage ces sociétés à ne pas se conformer à la réglementation, à considérer ce risque comme faisant partie de leurs coûts de fonctionnement et à continuer à enfreindre la loi.

M. Dan McTeague: Ma dernière question sera pragmatique. J'aimerais savoir si vous imaginez votre organisation comme étant appelée un jour à jouer un peu le rôle de l'American Antitrust Institute, mais en lui donnant une portée qui irait au-delà de la simple perspective juridique.

À ma connaissance, il n'y a personne dans notre pays qui publie des écrits à propos de l'état actuel de la concurrence au Canada, mis à part les comités de sages ou les divers professeurs émérites des facultés d'économie ou de droit de nos universités. Nous n'avons aucun organisme vraiment indépendant qui traite de ces questions au cas par cas et de manière thématique. Je me demande si vous verriez votre organisation s'acquitter de cet exigeant mandat afin de pouvoir fournir aux députés et aux autres autorités du secteur public la possibilité de prendre constamment le pouls de l'efficacité de notre Loi sur la concurrence.

M. Duff Conacher: Je ne suis pas sûr que Daniel aimerait qu'on parle de lui comme d'un institut. Il s'agirait d'un institut formé d'une seule personne. Nous nous sommes entretenus de cette question avec d'autres groupes qui représentent les consommateurs ou les citoyens en général. Outre les très rares opérations ponctuelles que réalisent ces groupes en ce sens, nous sommes vraiment le seul groupe de citoyens qui examine ces questions de près, et, si nous le faisons, c'est uniquement parce que Daniel s'est consacré tout entier à ce domaine particulier du droit au cours de ses études de baccalauréat et de maîtrise en droit. C'est dommage qu'il ne parvienne pas à s'allier des collègues d'un peu partout au pays.

Actuellement, nous parlons de notre campagne antitrust. Si nous réussissions à recruter deux ou trois autres collègues, peut-être pourrions-nous parler de notre institut antitrust? Mais je ne suis pas sûr que nous allons pouvoir tenir le coup très longtemps.

M. Dan McTeague: Bonne chance! Vous aurez mené un combat solitaire pendant un bon moment.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur McTeague.

• 1050

Monsieur Conacher, je crois que nous convenons tous qu'on devrait peut-être allouer davantage de ressources au Bureau de la concurrence. Mais je tiens à vous signaler, pour le compte rendu, qu'il y a tout un trésor de compétences chez les avocats qui travaillent au Bureau de la concurrence et qui, en réalité, se chargent d'effectuer les recherches relatives à ces causes. Mais le plus souvent, c'est pour le volet plaidoirie qu'on y fait appel à des avocats de pratique privée. Ai-je raison de le croire? Partagez-vous mon avis là-dessus?

M. Duff Conacher: J'en ai bien l'impression, mais il me faudrait quand même vérifier ce qu'il en est auprès de Daniel, car c'est lui qui a effectué la recherche à cet égard, qui a soumis la demande d'accès à l'information et qui a examiné toutes les causes pertinentes depuis 1986. Il connaît donc la question beaucoup mieux que moi.

La présidente: L'une de vos suggestions portait qu'on devrait faire appel à des avocats de pratique privée seulement quand des circonstances exceptionnelles le justifient. Je ne veux pas dire que je suis en désaccord avec vous là-dessus, mais, le plus souvent, ce me semble être effectivement dans de telles circonstances que le gouvernement fait appel à des avocats de pratique privée. Il nous arrive souvent de devoir essuyer, de la part d'une foule de groupes qui défendent des intérêts spéciaux, des critiques concernant le manque de compétence des avocats du gouvernement qui sont appelés à aller plaider au tribunal, et c'est pourquoi nous sommes parfois amenés à faire appel à cette fin à des avocats de pratique privée. Vous laissez entendre que nous devrions éviter d'agir de la sorte. Je suis simplement curieuse de savoir sur quoi vous fondez votre position à cet égard.

M. Duff Conacher: Si vous examinez bien la façon dont les choses se passent, vous allez constater qu'effectivement, les avocats auxquels le Bureau fait appel vont et viennent d'un camp à l'autre, qu'ils ne sont pas soumis à une période de retrait obligatoire et que, dans certains cas, un même procureur représente simultanément les deux parties. Un cabinet juridique est une entité indivisible. Il n'y a pas...

La présidente: Monsieur Conacher, vous êtes au courant qu'il y a des lois qui régissent les situations de conflit d'intérêts. Les avocats qui sont admis au barreau de l'Ontario sont soumis à des lignes directrices concernant de telles situations ainsi qu'à des règles de conduite professionnelle.

M. Duff Conacher: Oui, et nous envisageons d'ailleurs de porter plainte auprès de la Société du barreau à propos de certains cas de manquement à ces règles.

La présidente: Sans vouloir vous contredire, je ne suis pas certaine de souscrire à ce qu'on nous a servi ce matin pour démontrer que ces avocats agiraient en violation des règles de conduite professionnelle, étant moi-même membre de ce barreau.

Je crois toutefois que c'est à juste titre que vous soulevez la question de l'insuffisance des ressources allouées au Bureau de la concurrence. Je pense du reste que les membres de notre comité sont eux aussi tout à fait de votre avis là-dessus. Je suis par ailleurs convaincue que notre comité reconnaît également—c'est à tout le moins mon cas—qu'il y a des circonstances où le Bureau peut être justifié, par nécessité, de faire appel à des avocats ou à des experts du secteur privé pour défendre le point de vue du gouvernement devant le Tribunal, par exemple, ne serait-ce que parce qu'il est peut-être préférable à ce niveau de compter sur des gens qui font quotidiennement ce genre de travail plutôt que sur d'autres qui ne mettent les pieds dans un palais de justice qu'une fois par année. Je crois qu'il s'agit là d'un élément à prendre en considération.

J'estime également que vous avez soulevé certains arguments convaincants en faveur du renforcement du Bureau, et nous espérons que vous allez continuer de préconiser qu'on lui alloue davantage de ressources. C'est ce que notre comité a recommandé dans le passé, et il continuera probablement de le faire, compte tenu de l'autorité accrue qu'on a conférée au Bureau, de l'énormité des tâches qui lui incombent et de la nécessité qu'il soit en mesure de s'acquitter de ses responsabilités au moment où nous continuons d'évoluer vers une économie de plus en plus planétaire. Pour toutes ces raisons, le Bureau a un besoin accru de ressources.

Nous vous sommes reconnaissants d'avoir comparu devant nous aujourd'hui, et nous sommes impatients de vous rencontrer de nouveau dans l'avenir.

M. Duff Conacher: Merci beaucoup. À l'occasion de notre participation au Forum des politiques publiques, nous allons continuer de préconiser énergiquement qu'on adopte des mesures propres à renforcer la capacité du Bureau de la concurrence, comme je l'ai déjà expliqué, et nous avons bon espoir que votre rapport et celui du Forum des politiques publiques déboucheront sur une mesure législative qui entrera en vigueur dans les meilleurs délais et qui visera à résoudre un bon nombre des problèmes dont nous venons de faire état.

La présidente: Merci beaucoup.

La séance est levée.