INDU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY
COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 23 novembre 1999
La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): J'aimerais ouvrir la séance.
À l'ordre du jour que vous avez sous les yeux, il y a deux parties. Je vais attendre pour traiter des motions que nous ayons le quorum qui est de neuf. Nous allons d'abord donner la parole aux témoins mais avant de poser des questions, et ce n'est pas chose que j'aime faire, nous allons faire une interruption pour nous occuper des motions.
Nous commençons donc avec le mandat du comité qui est conforme au paragraphe 108(2) du Règlement, étude relative à la politique, à l'innovation et à la compétitivité.
J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue aux témoins de la matinée qui représentent le Conference Board du Canada, le Centre d'étude des niveaux de vie et Informetrica.
Nous allons tout d'abord demander à chacun de faire sa déclaration préliminaire. Monsieur Frank, voulez-vous commencer?
M. Jim Frank (vice-président et économiste en chef, Conference Board of Canada): Merci et bonjour. Brenda et moi sommes heureux d'avoir l'occasion d'évaluer certaines des questions qui entourent la productivité et la compétitivité.
Le Conference Board a commencé à donner beaucoup d'importance à cette question dès 1996 avec la publication de son premier rapport Rendement et potentiel. Et au cours de ces quatre années, nous n'avons cessé d'insister sur le sujet. Nous n'avons cessé de dire que la productivité était le facteur essentiel qui est à l'origine de notre qualité de vie et qui permet de la conserver. Une grande productivité donne lieu à des salaires élevés.
Pour essayer de voir comment nous pourrions améliorer notre rendement, le Conference Board pense qu'il nous faut considérer notre société comme un tout intégré, un tout où les politiques économiques et sociales interagissent pour nous permettre de réaliser notre potentiel. Ces politiques s'épaulent mutuellement et fonctionnent en synergie.
• 0910
L'un des documents que j'ai distribués est une copie des
diapositives que je vais développer au fur et à mesure de mes
remarques. J'attirerai votre attention sur les principales en cours
de route.
Dans notre rapport Rendement et potentiel 1999, nous franchissons un pas supplémentaire en évaluant le rendement du Canada en fonction de 40 indicateurs par rapport à six pays comparables qui servent de référence: les États-Unis, le Japon, l'Allemagne, l'Australie, la Norvège et la Suède. Nous indiquons que le Canada se situe dans la moyenne parmi ces pays. Nous ne sommes pas en tête de liste.
Il ne faut pas oublier que ce sont là des pays qui ont une position semblable à la nôtre en matière de développement industriel et de qualité générale de la vie. Nous pensons qu'en regardant ce que font les autres et en nous comparant aux meilleurs, nous pourrons voir ce qui est possible et tirer les leçons de cette opération.
Chaque pays a ses points forts parmi les 40 indicateurs, mais le Canada se démarque par des résultats particulièrement bons en matière de politique sociale dans les domaines de la santé, de l'éducation et du bien-être social. Nous connaissons aussi une amélioration du marché du travail et des résultats financiers—deux domaines où nous avons connu des problèmes au cours des dix dernières années.
Mais là où nous accusons du retard, c'est en matière de rendement de la productivité dans le secteur manufacturier. Mais là où les choses vont encore plus mal, c'est au chapitre de l'innovation où nous sommes les plus faibles de tous les pays choisis. Ce sont donc les deux sujets auxquels nous allons nous attacher aujourd'hui. Nous pensons que notre position privilégiée parmi les pays du monde n'est pas garantie au XXIe siècle si nous ne connaissons pas d'amélioration dans ces deux domaines.
Nous voulons aider les Canadiens à comprendre que pour augmenter notre productivité, nous devrons envisager toute une série de changements dans ce que nous faisons et dans la façon dont nous le faisons. Au Conference Board, nous sommes tout à fait convaincus qu'il n'y a pas qu'une seule solution simple pour améliorer notre productivité—il n'y a pas de remède miracle—mais nous sommes également convaincus que les Canadiens veulent et peuvent faire mieux.
Avant d'aller plus loin, permettez-moi de dire quelques mots du Conference Board. Nous sommes une entreprise de recherche à but non lucratif du secteur privé qui est essentiellement financée par des entreprises et des organismes gouvernementaux mais aussi par d'autres organisations et associations. Notre mission est d'être l'institution de recherche appliquée du secteur privé la mieux placée pour chercher à améliorer la performance des organisations canadiennes dans l'économie mondiale, d'où notre intérêt pour la productivité et la compétitivité du Canada.
Permettez-moi maintenant de passer aux principaux messages que nous aimerions vous transmettre sur le rendement de notre secteur manufacturier. C'est ce secteur que le Conference Board estime être d'importance critique parce qu'il représente environ 15 p. 100 de nos emplois et parce qu'il est fait face à la concurrence internationale du fait du commerce. Il y a quatre points importants que j'aimerais vous montrer ce matin.
La croissance de la productivité du travail dans le secteur manufacturier jusqu'en 1999 est restée inférieure à celle des États-Unis pendant six années consécutives. La croissance du coût unitaire de la main-d'oeuvre est hors de proportion avec celle de nos principaux concurrents. La compétitivité qui la sous-tend subit donc une érosion. S'il n'y avait pas eu de baisse du dollar, nous n'aurions jamais pu obtenir les succès commerciaux que nous avons connus dans les années 90. Les entreprises de tous les secteurs devraient essayer d'apprendre à mesurer et à améliorer leur propre productivité en se comparant à leurs concurrents.
En 1996, dans le premier rapport du Conference Board sur le rendement et le potentiel du Canada, nous avons souligné les lacunes du rendement de la productivité dans notre secteur manufacturier et nous avons indiqué l'importance de la productivité à la base de ce que souhaitent tous les Canadiens: une qualité de vie supérieure et durable. Nous avions comparé le Canada aux États- Unis pour montrer que nous avions encore beaucoup de progrès à faire. Nous avons répété ce message dans les rapports Rendement et potentiel en 1997, en 1998 et encore cette année. Rien n'a vraiment changé. Notre nouvelle évaluation de la productivité du travail dans le secteur manufacturier jusqu'en 1999 montre que le taux de croissance du Canada va encore accuser du retard par rapport à celui des États-Unis pour la sixième année consécutive.
Jusqu'ici, le débat au Canada n'a pas vraiment porté sur le problème véritable. Nous ne nous occupons pas de l'interaction entre productivité, coûts et taux de change pour notre compétitivité dans le secteur manufacturier. Au cours de cette décennie, nous avons connu une croissance moyenne de la productivité du travail d'environ 2,2 p. 100 par an contre 3 p. 100 par an aux États-Unis.
Si vous regardez notre graphique de la page 3, vous constaterez que c'est de lui que je parle en ce moment. Lorsque nous regardons nos coûts par rapport à notre croissance de productivité, nous constatons que le taux de croissance annuel en rémunération par heure de travail effectué par tous les employés du secteur manufacturier a augmenté d'environ 3,3 p. 100 par an, contre 3,8 p. 100 aux États-Unis.
Si on prend la différence entre la rémunération par heure de travail et la production par heure de travail, on obtient le coût de la main-d'oeuvre par production unitaire. Il a augmenté de 1,1 p. 100 par an contre 0,7 p. 100 par an aux États-Unis. Il s'agit de la troisième barre du graphique pour chacun des deux pays.
Cela veut dire que le coût de la rémunération pour produire des marchandises a augmenté plus rapidement au Canada qu'aux États- Unis et de façon constante pendant toutes les années 90. Nos augmentations de coût dépassent nos augmentations de productivité. Notre capacité de vendre à l'étranger aussi bien que chez nous face aux importations concurrentes diminue.
• 0915
Les Américains connaissent donc une croissance de productivité
supérieure qui se rapproche davantage de la croissance de la
rémunération. Ces gains de rémunération sont donc plus durables.
Cela est moins vrai au Canada. Nous ne pouvons guère nous vanter du
fait que nos augmentations de rémunération sont presque
équivalentes à celles des États-Unis. La croissance de notre
productivité est encore trop lente pour épauler de telles
augmentations.
Il nous faut comprendre que les salaires élevés viennent d'une productivité élevée. Les salaires supérieurs des citoyens américains sont en grande partie le résultat de leur productivité plus grande et de leur capacité de faire correspondre la croissance de la rémunération et celle de la productivité. En définitive, leur compétitivité industrielle est renforcée par cette capacité, ce qui nous manque au Canada.
La dernière partie des résultats des années 90 porte sur l'effet du taux de change sur la compétitivité et il s'agit là de la quatrième colonne du graphique de la page 3. Même si notre dollar a légèrement augmenté au début des années 90, il a perdu 2,4 p. 100 par an depuis 1989. Nous avons ainsi vu nos coûts unitaires de la main-d'oeuvre diminuer, en dollars américains, de 1,2 p. 100 par an, alors que ceux des États-Unis ont augmenté de 0,7 p. 100.
Nous savons que notre performance commerciale a été importante dans les années 90 et que l'emploi et la fabrication ont nettement augmenté de ce fait. Mais l'analyse ci-dessus laisse clairement entendre que ce n'est pas une situation durable. Elle s'appuie trop sur une monnaie dévaluée.
Parce que les coûts unitaires de la main-d'oeuvre canadienne évalués en dollars américains ont baissé de 1,2 p. 100 par an dans les années 90, nos produits sont devenus moins chers. Cela a renforcé notre compétitivité sur les marchés américains, mais il est aussi logique de conclure que cette situation cache un problème fondamental: l'affaiblissement de la compétitivité du secteur manufacturier. C'est cette partie du débat sur la productivité que l'on a oublié jusqu'ici et sur laquelle nous estimons que les Canadiens devraient insister.
Tandis que les années 90 se terminent, il apparaît clairement que nous avons construit notre maison sur des fondations peu sûres. Notre dollar plus faible a permis aux fabricants canadiens d'éviter de contrôler leurs coûts par rapport à leur capacité d'améliorer leur productivité et cela rend moins urgent aussi d'essayer d'améliorer la productivité.
Au cours des deux dernières décennies, de nombreuses études ont été réalisées sur les sources de la croissance de la productivité et sur les raisons qui font que les fabricants du Canada semblent avoir un rendement inférieur à ceux des États-Unis. Nous avons indiqué les principales conclusions dans le rapport Rendement et potentiel 1996 et elles concernent les domaines généraux suivants.
Le rythme d'évolution de la structure industrielle a été plus lent au Canada qu'aux États-Unis et nous ne sommes pas orientés aussi rapidement vers les industries qui ont une croissance de productivité plus rapide comme l'électronique et les communications. Il est également prouvé que les Canadiens ont moins de biens d'équipement pour travailler que les Américains.
De plus, la contribution des dépenses de R-D à la croissance industrielle a été inférieure au Canada comparée à celle des États- Unis. Nos procédés d'innovation, notre structure industrielle, notre structure de propriété, et le rythme de l'innovation au Canada pourraient tous être améliorés. On estime en général qu'ils avancent plus lentement qu'aux États-Unis.
Ces analyses s'attachent à la structure de l'économie et à sa composante industrielle multiple. Elles ne s'attachent pas aux facteurs micro-économiques qui touchent la productivité des entreprises individuellement, là où en définitive nous devons trouver nos solutions. Ce genre d'études se trouvent dans la documentation relative à la gestion où les principaux sujets abordés sont l'efficacité des organisations et la capacité d'innovation en matière de gestion.
Dans le rapport Rendement et potentiel 1998, nous soulignons l'importance des techniques de gestion des ressources humaines qui prévoient des incitatifs à l'intention des employés de l'entreprise et qui contribuent à créer ce que nous appelons une ambiance d'inventivité au travail. Les systèmes d'innovation qui favorisent la prise de risques et garantissent que de nouvelles idées vont arriver rapidement sur le marché sont des éléments non négligeables que devrait développer le fabricant moderne.
Les organisations très productives sont celles qui peuvent créer une valeur économique supplémentaire grâce à l'innovation dans des produits, des procédés et des structures et comportements organisationnels. Ce sont certains des domaines d'efficacité organisationnelle que nous mentionnons comme peu concrets mais cependant indispensables pour améliorer la productivité.
En définitive, nous n'avons pas trouvé de solution unique simple pour améliorer notre productivité. Il est clair que de nombreux facteurs influent sur notre capacité de produire des biens de façon efficace et l'efficacité organisationnelle aussi bien que le cadre politique établi par les gouvernements en font partie.
Au niveau de l'organisation, la capacité des gens de rassembler tous ces éléments dépend de leurs compétences fondamentales. Leur niveau d'instruction et leur formation au travail se répercutent partout, de leur capacité d'utiliser de façon optimale l'équipement à leur capacité d'effectuer de nouvelles activités rapidement et efficacement. On ne saurait trop insister sur l'importance des attitudes qui poussent à vouloir faire un travail honnête pour une rémunération honnête.
• 0920
La capacité de la direction d'innover et de sortir de nouveaux
produits est sans doute l'élément de la productivité le plus
difficile à mesurer et à évaluer. Elle ne doit pas être oubliée
lorsqu'on cherche des moyens d'améliorer le rendement.
Ces deux dernières semaines, nous avons publié notre premier rapport annuel sur l'innovation. Nous comparons des entreprises canadiennes en fonction de 70 indicateurs environ et nous constatons que ceux qui innovent beaucoup ont un meilleur rendement que ceux qui innovent peu. Mais nous avons aussi constaté, sur sept facteurs d'évaluation de l'innovation, que le Canada se situe en bas de l'échelle et que depuis 1981, la situation s'est détériorée dans pratiquement tous les cas.
Le dernier domaine sur lequel nous voulons insister concerne notre piètre résultat pour ce qui est de la formation au travail et du perfectionnement au Canada. Nous en parlons dans notre rapport Rendement et potentiel, mais le message selon lequel le taux d'alphabétisation des adultes et celui des abandons scolaires constituent de graves défis qui ne sont pas encore aussi bien compris qu'il le faudrait. Lorsque le taux d'abandon scolaire est de 15 p. 100 et que 52 p. 100 des Canadiens adultes dans le secteur manufacturier ont un niveau d'alphabétisation de un ou deux sur une échelle de cinq, il n'est pas surprenant que nous ayons des problèmes à augmenter l'innovation et la productivité dans ce secteur.
Le Conference Board estime que l'apprentissage durant toute la vie devra être davantage le mot d'ordre pour les entreprises et notre société si nous voulons réaliser notre potentiel. Pour l'instant, il est prouvé que ceux qui doivent améliorer leur niveau d'alphabétisation ne croient même pas qu'ils ont un problème ou que cela peut avoir un effet sur leur travail.
Les répercussions des politiques gouvernementales sont également importantes, car elles affectent le cadre dans lequel se font les affaires. Les gouvernements peuvent freiner l'esprit d'entreprise en imposant des règlements et des procédures juridiques qui font obstacle au changement et à l'innovation dans les entreprises de toutes tailles. Ils peuvent affaiblir les incitations à la concurrence en offrant une protection et en limitant les marchés. Ils peuvent imposer les intrants comme la main-d'oeuvre ou l'équipement et ainsi décourager l'investissement.
Nous voulons terminer en disant que les Canadiens avisés chercheront à tout prix à améliorer la productivité. Ils travailleront fort pour trouver des mesures adaptées à leurs organisations, des mesures qui sont pertinentes pour leur entreprise et qui peuvent être comparées à celles d'autres organisations. Sinon leur emploi sera compromis, qu'ils soient chefs syndicaux, présidents ou salariés.
Constituer une culture d'amélioration de la productivité va représenter un très gros défi pour les organisations canadiennes, mais c'est la seule tâche qui nous permettra d'atteindre notre objectif de qualité de vie supérieure et durable. Nos rapports sur le rendement et le potentiel du Canada montrent la nécessité d'améliorer nos résultats en ce qui concerne le taux d'alphabétisation des adultes et d'abandon scolaire. Ils montrent aussi notre piètre rendement dans le domaine de l'innovation et la difficulté de réaliser des progrès importants dans ces domaines.
Mais si nous voulons vraiment conserver ce dont notre société jouit, oublions l'idée de lui offrir davantage, il nous faudra avoir de bien meilleurs résultats dans les domaines du développement et du maintien des compétences humaines et de l'amélioration de nos capacités d'innovation et de notre productivité.
Je m'arrêterai à ces dernières remarques. Je serais très heureux de répondre aux questions. Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Frank. Je vais maintenant donner la parole à M. Andrew Sharpe, directeur exécutif du Centre d'étude des niveaux de vie.
Monsieur Sharpe, je vous en prie.
M. Andrew Sharpe (directeur exécutif, Centre d'étude des niveaux de vie): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je suis très heureux de voir que le Comité de l'industrie étudie le problème de la productivité. Je crois que c'est le deuxième comité permanent à le faire cette année. Cet intérêt pour la question est tout à fait justifié étant donné l'importance de la productivité comme l'un des principaux déterminants du niveau de vie.
Je vais parler de la productivité du secteur manufacturier et, à bien des égards, mes remarques compléteront celles de Jim. Je suis en fait d'accord avec la plupart, sinon toutes—ma foi, peut- être pas toutes, mais la plupart—des remarques qu'il a faites. Je vais approfondir davantage cette question de la productivité du secteur manufacturier qui est un sujet que le Centre d'étude des niveaux de vie a approfondi récemment. Nous envisageons précisément d'organiser une conférence sur le sujet en janvier. Je pense vous en avoir distribué le programme provisoire.
Comme Jim l'a indiqué, au cours des années 90, nous avons connu une augmentation d'environ 2,2 p. 100 de la production annuelle moyenne par personne-heure pour la productivité du secteur manufacturier alors qu'elle est d'environ 3 p. 100 aux États-Unis. Cette différence d'environ 1 p. 100 signifie que notre niveau de productivité dans ce secteur a en fait diminué pour représenter non plus 78 p. 100 de celui des États-Unis comme en 1989, mais environ 73 p. 100 en 1998. Cela représente un écart général de productivité d'environ 20 p. 100 par rapport aux États-Unis. Autrement dit, notre production horaire moyenne pour l'économie dans son ensemble est d'environ 80 p. 100 de celle des États-Unis, alors que celle du secteur manufacturier n'est que de 73 p. 100.
• 0925
Cela nous oblige à nous poser trois questions. La première,
qui est d'ordre général, consiste à se demander pourquoi la
productivité du travail est chez nous inférieure à celle des États-
Unis dans le secteur manufacturier et à celle de l'économie en
général? La deuxième question consiste à se demander pourquoi cette
croissance de la productivité du secteur manufacturier dans les
années 90 a été plus lente au Canada qu'aux États-Unis. Et la
troisième question, qui est liée aux deux premières, consiste à se
demander pourquoi, dans le secteur manufacturier, notre performance
est inférieure à celle des autres secteurs, lorsqu'on regarde
l'ensemble de la productivité, par rapport aux États-Unis.
Voilà les questions que j'aimerais formuler. Je ne pense pas pour l'instant qu'il y ait de réponse précise, bien que nous en ayons une assez bonne idée. Je vais simplement vous donner quelques explications plausibles.
Premièrement, je dois dire que plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la croissance relativement faible de la productivité de notre secteur manufacturier. En fait, nous pourrions en dresser la liste, mais je me contenterai d'en aborder quelques-unes pour vous les soumettre. Je reviendrai dans un instant aux principaux facteurs.
On a parlé de la faible valeur de notre dollar qui a protégé les fabricants face à la nécessité d'améliorer la croissance de la productivité. On a parlé du faible rendement des petites entreprises canadiennes par rapport aux américaines. On a parlé de façons différentes de mesurer les résultats et de la manière dont nous rassemblons les chiffres relatifs à la productivité. On a parlé d'une plus grande rigidité de la main-d'oeuvre au Canada, du plus faible rythme de la restructuration économique, que Jim a mentionné, de nos impôts plus élevés, de nos gestionnaires moins efficaces. On pourrait dire qu'il y a quelques preuves épisodiques pour appuyer ces constatations.
Mais il me semble que les principales explications doivent venir d'autres secteurs, bien qu'elles soient à certains égards liées à quelques-uns d'entre eux.
Pour trouver l'explication de cet écart, nous devons regarder les déterminants de la croissance de la productivité. Il y a toute une documentation qui existe sur le sujet et les experts ne s'entendent certainement pas sur les origines de la croissance de la productivité mais dans l'ensemble, les chercheurs qui s'occupent du sujet ont identifié six domaines problématiques importants sur lesquels je reviendrai de façon plus détaillée après les avoir énumérés.
L'un des principaux déterminants de la croissance de la productivité est toute la question de l'accumulation du capital. Le deuxième est le progrès technique et l'innovation. Le troisième la qualité des ressources humaines. Les trois autres facteurs généraux importants sont le cadre macro-économique de l'économie, le cadre micro-économique et ce que j'appelle la structure industrielle et les transferts intersectoriels. J'approfondirai ces six facteurs pour montrer de quelle façon ils influent sur l'écart qui existe entre la productivité du Canada et des États-Unis.
Je vous ai distribué un document qui résume cela, mais je dois préciser que mes remarques sont vraiment préliminaires d'une certaine façon. Nous organisons une conférence en janvier au cours de laquelle des communications seront faites sur 15 travaux de chercheurs européens, américains et canadiens sur le sujet. La conférence va peut-être changer mon optique de la question car la recherche en est encore à ses débuts.
Si l'on considère l'accumulation du capital, car le capital est essentiel à la croissance de la productivité, plus une entreprise a de capitaux, de façon générale, plus elle est productive. Il est vrai que nos investissements en outillage et en équipement ont été inférieurs à ceux des autres pays par rapport au PIB. On pourrait donc prétendre que c'est là l'un des facteurs.
Lorsqu'on compare le ratio capital-main-d'oeuvre entre les pays, il y a un problème de mesure du capital-actions. C'est en effet l'un des aspects de l'économie les plus difficiles à évaluer. Les organismes des divers pays utilisent des taux d'amortissement différents. Par exemple, au Canada, nous passons l'équipement en charge beaucoup plus rapidement dans nos comptes nationaux, environ 18 p. 100 par an, par rapport au taux d'amortissement des États- Unis qui est de 4 p. 100 par an. On ne peut donc pas vraiment comparer le ratio capital-main-d'oeuvre pour les fabricants canadiens et américains à partir des données officielles. Il y a là des incertitudes, mais, de façon générale, je crois qu'il est vrai que notre capital global par travailleur est inférieur à celui des États-Unis et que cela explique certainement en partie notre taux général de productivité du travail plus faible.
Il y a cependant un côté ironique dans le fait qu'une grande partie du débat sur la productivité a porté sur la productivité de l'ensemble des facteurs. Je ne vais pas vous en parler en détail aujourd'hui, mais je pense que la productivité du travail est une mesure supérieure de la productivité si vous la considérez sous l'angle du niveau de vie. Si vous vous inquiétez de l'efficacité de l'utilisation des ressources, la productivité du capital est sans doute une meilleure mesure. Mais pour le niveau de vie, c'est la productivité du travail qui importe.
• 0930
La façon dont les chercheurs arrivent à évaluer la
productivité de l'ensemble des facteurs est très complexe.
Statistique Canada et Industrie Canada se disputent actuellement
sur la meilleure façon de procéder. Cela rend le débat encore bien
plus difficile car nous ne nous sommes pas si mal comportés pour ce
qui est de la croissance de la productivité de l'ensemble des
facteurs par rapport aux États-Unis puisque nous utilisons, paraît-
il, moins de capitaux qu'eux. Lorsqu'un pays utilise beaucoup de
capitaux, il va sans doute avoir de moins bons résultats pour la
productivité de l'ensemble des facteurs mais meilleurs pour la
productivité du travail.
De toute façon, je crois qu'il y a quelques vérités au fait que nous avons moins de capitaux par travailleur au Canada qu'aux États-Unis, malgré les problèmes techniques que cette mesure présente.
La question suivante est celle du progrès technique et de l'innovation parce qu'en définitive la productivité à long terme dépend du progrès technique. L'élément important ici est que le Canada importe plus de 95 p. 100 de son progrès technique d'autres pays, surtout des États-Unis. Ce n'est donc pas tellement nos efforts de R-D au Canada mais plutôt ceux du monde qui font que nous utilisons les innovations les plus récentes. Mais si nous ne faisons pas de R-D au Canada, nous pourrions être moins à même de l'adapter des autres pays. Et nous consacrons certainement une part moins importante de notre PIB à la R-D que les autres pays.
De ce point de vue donc, et là encore je suis d'accord avec Jim, il y a dans notre piètre résultat en matière d'innovation dans le domaine de la R-D un élément qui a quelque peu contribué à la croissance plus lente de notre productivité. Mais il est vraiment très difficile d'évaluer cela de façon précise.
Pour les ressources humaines, il y a là un moins grand problème que dans les deux premiers domaines déjà mentionnés. Si nous regardons les pourcentages d'étudiants dans l'enseignement supérieur, nous avons littéralement le pourcentage le plus élevé du monde d'étudiants de niveau postsecondaire par rapport à la population pertinente. Nous avons peut-être des problèmes pour ce qui est de terminer les études secondaires ou de donner une formation industrielle, mais je ne pense pas que ce soit aussi grave que certains veulent bien le laisser entendre. Je pense donc que dans l'ensemble, nous nous sommes assez bien débrouillés pour les ressources humaines. S'il y a encore des problèmes—on ne peut jamais dire qu'il n'y a pas de problèmes, car on ferait alors de l'autosatisfaction. Il importe de toujours insister sur les problèmes. Mais dans l'ensemble, je ne pense pas que notre retard tienne au domaine des ressources humaines.
Si nous regardons les deux autres questions plus générales, l'environnement macro-économique est très important pour la croissance de la productivité. Malheureusement, les économistes ne sont pas d'accord sur le cadre idéal en matière macro-économique. Certains disent que tout ce qui importe c'est une inflation faible, tout ce qui importe c'est de faire diminuer le déficit, de réduire le pourcentage de la dette par rapport au PIB, et que cela va se traduire par une croissance économique forte. Cela ne s'est pas produit dans les années 90 jusqu'à une date très récente.
D'aucuns prétendent qu'au cours de la deuxième moitié de la décennie, nous avons connu un environnement macro-économique très favorable et que cette situation va pour finir porter ses fruits. C'est peut-être vrai, mais il y a une autre façon de voir qui est que l'environnement macro-économique est lié à la situation de la demande, laquelle a été très faible dans l'ensemble au cours des années 90, bien qu'elle se soit un peu améliorée dernièrement. Si la situation de la demande n'est pas bonne, les fabricants ne peuvent pas avoir de longs cycles de production; les économies d'échelle sont moins justifiées et la croissance générale de votre productivité est faible. Il est clair qu'au cours des années 90, la croissance de la production de notre secteur manufacturier a été inférieure à celle des États-Unis. Il est donc possible que cela ait contribué à la croissance plus lente de notre productivité du travail.
L'environnement micro-économique représente la politique commerciale, la politique concurrentielle, la politique fiscale et la réglementation. Il y a eu bon nombre de changements et d'améliorations, à ce qu'il me semble, dans notre environnement micro-économique au cours des années 90 pour améliorer la productivité, et je ne pense pas vraiment que nous puissions faire beaucoup dans ce domaine. Je ne crois pas qu'il y ait des différences énormes entre notre environnement micro-économique et celui des États-Unis. Nous avons fait beaucoup à ce chapitre; je ne pense pas que nous puissions trouver de nombreuses façons de l'améliorer. Nous pouvons sans doute améliorer la productivité sur les marges, mais ce n'est sans doute pas l'élément important.
Le dernier facteur, qui est à mon avis le plus important, est celui de la structure industrielle et des transferts intersectoriels car la productivité de l'ensemble du secteur manufacturier est la moyenne pondérée de la productivité des différents sous-secteurs des 20 industries manufacturières. Et dans ces secteurs, les taux de croissance et de productivité sont différents.
Au sujet de ce qui s'est passé dans les années 90, j'ai distribué un document sur les nouvelles évaluations de la productivité du secteur manufacturier. Malheureusement, je n'avais pas suffisamment d'exemplaires pour tout le monde. Nous avons fait une étude au début de l'année sur la croissance de la productivité industrie par industrie et nous avons constaté que plus de la moitié des industries canadiennes, sur les 19 qui ont un niveau supérieur à dix, ont connu en fait, dans les années 90, une croissance de la productivité du travail supérieure à celle des États-Unis. Donc la plupart des industries canadiennes sont en fait plus performantes que celles des États-Unis.
Il y a deux industries qui dominent totalement ce tableau. Ce sont les industries de l'outillage d'une part et de l'équipement électrique et électronique d'autre part; cette dernière étant le nouveau type d'économie, l'économie des technologies de pointe. Dans ces industries, les États-Unis se sont beaucoup mieux comportés que le Canada. En fait, ces deux industries représentent en réalité la totalité de l'augmentation de la production réelle du secteur de la fabrication américain.
• 0935
De plus, ces industries ont des niveaux de productivité
beaucoup plus élevés que les autres industries. Ainsi, si vous les
excluez, le Canada a en fait augmenté sa productivité à un taux
d'environ 2 p. 100 par an, ce qui représente le même taux que celui
du secteur manufacturier dans son ensemble, mais aux États-Unis,
l'augmentation a en fait été de 0,2 p. 100, c'est-à-dire de
beaucoup inférieure. Ces deux industries sont donc les principales
responsables de la croissance inférieure de la productivité de
notre secteur manufacturier.
Aux États-Unis, il y a eu un transfert massif des ressources vers ces deux industries de pointe. Je suppose que nous ne nous sommes pas trompés dans nos calculs. Nous envisageons de très importantes diminutions des prix dans le secteur des ordinateurs. Si nous nous trompons dans nos calculs, alors tous ces chiffres ne veulent rien dire. Supposons que les statisticiens ne se trompent pas. Comme je le disais, ces industries ont fait des bonds énormes et elles représentent une beaucoup plus grande part de l'économie américaine que de l'économie canadienne.
Ce mouvement vers les industries de très haute technologie semble dont avoir été plus lent au Canada, mais il n'y a pas eu d'étude qui nous montre pourquoi cela a été le cas, si c'est lié simplement à notre manque d'innovation, ou aux économies d'agglomération que l'on voit aux États-Unis dans les secteurs des technologies de pointe, où tout le monde veut aller, ce qui a entraîné une croissance énorme de ces industries. À cet égard donc, lorsque nous parlons du secteur manufacturier, il est très important de faire la distinction entre le rendement de ces deux industries et celui des autres industries qui n'a pas été si mauvais.
Pour conclure, je répéterai que j'estime que notre compréhension de la question de la productivité du secteur manufacturier n'en est qu'à ses débuts. Après notre conférence, nous aurons une meilleure idée du problème général. Mais je voudrais redire, à la suite de Jim, l'importance de ces deux industries de haute technologie pour expliquer notre rendement inférieur par rapport aux États-Unis.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Sharpe.
Avant de passer la parole à M. McCracken, nous allons nous occuper des motions puisque nous avons le quorum qui est de neuf. Je sais que certains vont devoir se rendre à la Chambre vers 10 heures ou lorsque la Chambre reprendra ses travaux. Je prie les témoins de m'excuser de faire cela au milieu de leurs déclarations.
Vous avez sous les yeux le budget supplémentaire et les déjeuners de travail qui correspondent aux activités du sous- comité. Quelqu'un voudrait-il proposer la première motion sur le budget supplémentaire.
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): J'en fais la proposition.
(La motion est adoptée) [Voir Procès-verbaux]
La présidente: Passons maintenant à la deuxième motion concernant les déjeuners de travail.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Je la propose.
(La motion est adoptée) [Voir Procès-verbaux]
La présidente: Merci. Je vous prie de m'excuser.
Monsieur McCracken.
M. Michael McCracken (président et chef de la direction, Informetrica): Voilà un bon exemple de productivité. Pour l'adoption de ces motions, il fallait le moment opportun et la participation de tous.
Je vais peut-être prendre un peu de recul pour ne pas être aussi technique et vous allez sans doute m'entendre revenir sur quelques-uns des mêmes thèmes. J'aimerais consacrer un peu de temps à la définition de la productivité et au lien qu'elle a avec quelques autres notions qu'on lui accole lorsqu'on en parle. Je ferai quelques observations à ce sujet. J'essaierai de voir ce qui importe et ce qu'il faut faire pour améliorer la situation, et de voir également comment nous nous comportons.
En gros, la productivité c'est le rapport des extrants par rapport aux intrants. En termes réels on peut donc penser aux tonnes d'acier par travailleur de la production. On peut penser à un concert symphonique comme l'extrant des intrants que sont la salle de concert, c'est-à-dire les musiciens, le chef d'orchestre et l'attention du public. On peut penser à la productivité dans le domaine de la politique lorsqu'on prend des décisions qui concernent les intrants pour le régime d'assurance-chômage: les travaux de recherche, la consultation, le débat politique, etc. On peut aussi penser à un saucisson comme étant l'extrant des intrants que sont le boucher, le matériel, les services et les animaux qui ne participent pas nécessairement volontairement à l'opération. Dans l'esprit de certains, la fabrication des saucissons et les décisions concernant l'assurance-chômage représentent un procédé semblable.
Mais on voit très vite ce faisant des complications apparaître. On a tendance à essayer de trouver un moyen d'ajouter les extrants et les intrants; et on finit par avoir une idée en dollars constants. Mais on s'écarte très vite des mesures physiques des extrants par rapport aux mesures physiques des intrants, même si on essaie d'arriver à quelque chose d'approximatif de cette façon.
• 0940
Il y a un autre moyen de faire la part des choses qui me
semble utile, c'est la méthode des boîtes, comme je l'appelle, qui
figure sur le deuxième graphique et dans laquelle la productivité
est une notion du milieu de travail. Je base donc l'idée de
productivité en tant au notion au niveau de l'entreprise, du
ministère ou d'une autre organisation—autrement dit, du lieu de
travail. Elle sert de point de départ à la compétitivité et aux
gains en revenu réel sans en être l'équivalent.
L'idée de compétitivité est une notion qui a cours sur les marchés. Il s'agit là de coûts relatifs. Ceux-ci permettent de voir si l'exploitation d'une entreprise sera durable et si certaines industries peuvent durer.
Mais ce n'est pas tout car la compétitivité sur le marché est à l'origine, du moins en partie, de ce qui se passe dans la société, c'est-à-dire la troisième boîte du diagramme. La prospérité est une notion de société qui porte sur l'amélioration du revenu réel, de la qualité de la vie, de l'équité et de la durabilité environnementale, lesquels représentent quelques-uns des objectifs.
Mais il se peut tout simplement qu'il y ait croissance de la productivité sans compétitivité ou compétitivité sans prospérité. Il faut en fait agir tout le long de la chaîne pour réussir.
Si nous regardons la productivité, nous pensons savoir ce qu'il faut pour qu'elle ait vraiment lieu, pour que les forces motrices se manifestent. J'ai résumé cela de façon schématique: amélioration des ressources humaines; plus gros effort d'investissement; adoption de nouvelles technologies; meilleure infrastructure dans le secteur public; et ce qu'Andrew Sharpe vient de vous décrire, un petit truc de productivité qui vous fait essayer d'insister, si c'est possible, sur la production dans les secteurs où les niveaux de productivité par personne sont particulièrement élevés.
Du point de vue politique, la chose est contestée, mais cela se traduit en gros par les éléments suivants: diminution de l'inflation, meilleure macropolitique, bonnes politiques-cadres—on en entend beaucoup parler—puis toutes les questions de ressources humaines, dont l'importance a été mentionnée par Jim Frank: amélioration de l'éducation et de la formation; capacité d'utiliser les compétences; et présence des structures d'organisation voulues pour l'entreprise.
Il en va de même pour la compétitivité. La compétitivité concerne l'amélioration de l'efficacité et de l'efficience du marché. Sur le plan international, il s'agit de votre prix, de votre qualité, de votre capacité de livrer le produit et de vos services, relativement parlant. Avec les gouvernements, il s'agit de savoir de quels types de règlements, de normes, de subventions fiscales, de sociétés d'État, d'ententes internationales, etc, il s'agit. Et bien sûr il y a la question d'avoir l'infrastructure matérielle voulue pour faire arriver les produits sur le marché.
Que faut-il donc faire sur le plan politique pour la compétitivité? Améliorer les procédés réglementaires, réduire les barrières intérieures au commerce, améliorer l'accès aux marchés internationaux, généraliser l'infrastructure informatique et aider les entreprises canadiennes à pénétrer de nouveaux marchés. Ce ne sont pas des rôles nouveaux pour les gouvernements qui continuent leurs efforts dans ce domaine.
La prospérité se résume cependant aux questions suivantes: Arrivons-nous en fait à augmenter les revenus réels pour tous les Canadiens? Avons-nous un environnement durable? Faisons-nous notre part pour le reste du monde en offrant aide, etc.? Que faisons-nous pour notre économie régionale? Que faisons-nous pour notre agrément?
De quelle façon agissons-nous? La population participe-t-elle à ce processus ou non? La façon de procéder est ici très différente. Il s'agit de redistribuer le revenu à partir d'une masse qui augmente, d'avoir des systèmes de soins de santé efficaces, d'avoir un système d'éducation de qualité, d'encourager le bénévolat et les dons de charité, et de faire participer les citoyens au choix de nos objectifs.
Revenons maintenant à la question de la productivité. Je vais vous proposer un peu d'arithmétique, mais c'est surtout un moyen pour élargir quelque peu la discussion.
L'essentiel de la discussion sur la productivité selon ce qu'on appelle une «fonction de production». En gros, cela veut dire que l'extrant dépend des intrants de main-d'oeuvre et de capitaux et c'est ce que l'on vous a décrit techniquement.
Il y a plusieurs années, on a constaté que d'autres éléments entrent dans cette fonction de production. Notamment, pour de nombreuses industries, le capital est fourni gratuitement aux entreprises par les gouvernements. La soi-disant infrastructure, l'infrastructure matérielle, s'avère aussi importante. Vous ne pouvez pas avoir une grande industrie du camionnage sans routes. L'eau pure est certainement un intrant essentiel pour le secteur de la transformation alimentaire, etc.
• 0945
Il est aussi devenu évident que la technologie importe, nous
avons donc ajouté la lettre «T» et il s'agit alors de voir quelles
sont les dépenses de R-D, les taux d'adoption de la nouvelle
technologie, etc.
Il y a quelques années, au début des années 60 en fait, il est apparu clairement que même en prenant en compte la technologie, l'infrastructure matérielle, les capitaux et la main-d'oeuvre, ce n'était pas suffisant pour comprendre les différences qu'il y a entre les pays et les secteurs... et également à l'intérieur d'un même pays sur un certain laps de temps.
La lettre «S», qui représente le capital social ou la cohésion sociale, a été ajoutée à cet ensemble. Cette dimension du travail s'est avérée en fait très intéressante plus récemment puisqu'il a été de plus en plus prouvé que les différences de capital social entre les pays sont très importantes pour expliquer les rendements de productivité différents à la longue. Deux études, l'une réalisée en 1997 et l'autre en 1998, l'ont mis en lumière et ont aussi montré que c'était dans ce sens que les flèches allaient.
Même si vous mettez tout cela ici, il y a de bonnes chances qu'il y ait d'autres éléments à prendre à compte et j'ai donc ajouté «X, W et Z».
L'une de ces choses est à mon avis l'élasticité de l'économie. L'une des caractéristiques de l'économie canadienne, contrairement à celles des États-Unis, a été le choix fait par nos responsables politiques de faire tourner notre économie en lui enlevant quelques bougies d'allumage. Nous tournons en fait sur quatre cylindres alors que nous en avons six ou huit dans notre moteur. Cela permet de contrôler la vitesse pour ceux qui ont peur de l'inflation, mais il n'est pas évident que ce soit très utile pour ce qui est de la croissance du revenu réel ou de la croissance de la productivité.
La dernière ligne sur cette diapositive nous rappelle qu'outre tous les intrants, nous ne devrions pas oublier que les entreprises produisent autre chose que des petits trucs. La production des entreprises comprend quelques bonnes choses—des personnes formées. Donc même si l'entreprise fait faillite, il restera des gens qui auront reçu une formation, qui auront acquis de l'expérience, etc. Les entreprises produisent aussi de mauvaises choses. Elles produisent des polluants. Les entreprises périclitent, disparaissent, et ensuite lorsqu'on se rend sur les lieux, on constate qu'elles ont laissé toutes sortes de résidus dont le nettoyage demandera des millions de dollars.
Pourquoi vouloir inclure cet aspect plus général des extrants? Nous avons pris un exemple très simple, dans le contexte de l'économie américaine, en examinant la croissance de la productivité dans le secteur de l'électricité. Si vous regardez son rendement pour la période de l'après-guerre, vous avez l'impression qu'il a très peu progressé. Autrement dit, pendant 40 ou 50 ans, la croissance de la productivité, à toutes fins utiles, a été pratiquement nulle.
Mais si vous incluez dans l'extrant ou la production de ce secteur de l'électricité les polluants qu'elle a produit, vous constaterez qu'il a nettement réduit le nombre de ces polluants au cours de la période de l'après-guerre. Si vous donnez une valeur à cet élément et que vous le comptez comme extrant négatif, vous observez alors qu'il y a environ 1 ou 1,5 p. 100 de croissance de la productivité par année dans le secteur de l'électricité avec cette mesure augmentée de la production. Il est important de ne pas seulement penser aux intrants, mais également aux extrants lorsqu'on parle de productivité.
Dans un document très contesté l'année dernière, en mars 1998, Arnold Harberger a donné une optique assez différente de la productivité qui pourrait peut-être vous aider. Il a en gros interprété la productivité, surtout la productivité de l'ensemble des facteurs du résiduel. Il lui a simplement donné un nouveau nom en décidant de parler de réductions des coûts réels; c'est en effet de cela qu'il s'agit—au niveau des entreprises, il s'agit des réductions des coûts réels. Voici ce qu'il dit et je le cite:
-
[...] cela donne une certaine importance au résiduel, vu comme la
réduction des coûts réels, importance que ne lui ont jamais
accordée les externalités macro-économiques éloignées. Cela donne
l'ensemble résiduel, dans la mesure où le nombre de dollars
économisés par les réductions des coûts réels est une quantité
tangible mesurable. Le résiduel a ainsi un nom (la réduction des
coûts réels), une adresse (l'entreprise), et un visage (le visage
de l'entrepreneur, du PDG, du directeur de la production, etc.). Et
on pourra constater que les expressions sur ce visage peuvent être
très différentes, même lorsqu'on passe d'une entreprise à l'autre
dans une même industrie, tandis que l'expérience de la productivité
de l'ensemble des facteurs d'une période de nettement positive
devient irrésistiblement négative.
• 0950
Son argument, et nous espérons que c'est quelque chose que son
travail encouragera au Canada, est donc qu'il faut examiner les
choses au niveau de chaque entreprise. Si la productivité est une
notion d'entreprise, on devrait pouvoir la rechercher au niveau de
l'entreprise. En comparant les diverses entreprises d'une industrie
donnée, il a constaté que leur rendement était nettement différent.
Il me semble que c'est à partir de là que nous avons beaucoup à apprendre sur ce que l'on peut faire pour améliorer la productivité globale. Cela va certainement dans le sens des méthodes du Conference Board et d'autres organisations qui encouragent la comparaison avec les meilleures entreprises du pays ou sur une plus grande échelle. Le seul prolongement que je donnerais à l'opinion de M. Harberger, c'est que nous devons nous rappeler qu'il s'agit aussi du visage des employés, et non pas seulement des employeurs.
On pourrait parler un peu plus des dimensions sociales, mais, étant donné l'objet de votre réunion, je les laisserai de côté.
Voilà quelques éléments dont vous devriez vous soucier. Rappelez-vous que la productivité est une notion qui se situe au niveau des entreprises. Réduire le relâchement de l'économie serait utile. Il ne faut pas oublier les dépenses d'infrastructure qui ont diminué au Canada pendant la période de l'après-guerre. Occupez- vous autant du contexte social que de la technologie et ne vous inquiétez pas des autres facteurs. Vous devez aussi reconnaître que la productivité est le départ du long cheminement vers la prospérité qui passe par la compétitivité.
Au dos du document distribué, je vous donne quelques représentations schématiques qui vous montrent le contexte dans lequel nous fonctionnons. L'écart du PIB, à mon avis, est assez important au Canada—il représente actuellement un peu moins de 9 p. 100 du PIB. Cela représente un gaspillage d'environ 80 milliards de dollars par an. Pour nos efforts d'investissement, le pourcentage de notre PIB que nous mettons dans nos investissements a diminué sur presque tous les plans. Dans le domaine des infrastructures, il est environ la moitié de ce qu'il était dans les années 60.
Pour bien vous faire comprendre que la productivité n'est qu'un élément de l'ensemble, si vous regardez la productivité du travail et les salaires réels, vous observerez qu'au Canada, les salaires réels n'ont pas suivi les gains de productivité qui ont en fait été réalisés, surtout dans l'optique des employés. Cette toute première ligne de transmission des gains de productivité en salaires réels a été freinée ou supprimée au Canada à cause de l'élasticité du marché du travail et du pouvoir relatif ou de l'absence de pouvoir des syndicats.
De ce fait, le revenu réel disponible au Canada, si l'on prend comme référence 100 pour 1981, est aujourd'hui de 6 p. 100 inférieur à celui de 1981 par foyer. Par habitant, il est de 5 p. 100 plus élevé environ, mais encore inférieur aux niveaux de 1989.
On peut pratiquement dire que, quelle que soit la façon dont on mesure la prospérité par rapport aux revenus de façon générale, notre performance a été assez piètre. Il en va de même pour la convergence de notre taux d'emploi avec celui des États-Unis et nous avons un pourcentage particulièrement faible de personnes qui travaillent.
Lorsque nous prenons en compte certaines mesures de la cohésion sociale, du capital social, là encore, les indicateurs sont décevants. Un indicateur qui est propre aux entreprises est le pourcentage de la part de la direction et de l'administration dans l'emploi total. L'une des caractéristiques intéressantes est l'augmentation de ce chiffre tant aux États-Unis qu'au Canada. Il s'agit actuellement de 14 p. 100 environ du total des emplois.
Si vous regardez ce ratio dans différents pays, vous constaterez avec intérêt que tous les pays européens sont à environ 5 p. 100. Le Japon à environ 5 p. 100. L'Amérique du Nord—le Canada et les États-Unis—à environ 14 p. 100. Cela reflète peut- être certains des problèmes connexes.
Lorsqu'on fait la comparaison avec les États-Unis, comme ce fut le cas aujourd'hui, et c'est une comparaison importante dans l'optique du commerce, pour le secteur manufacturier, la croissance de la productivité en Amérique du Nord—aux États-Unis et au Canada—a été une chose dont on ne peut guère se vanter par rapport au reste de l'OCDE et à de nombreux autres pays.
Je m'arrêterai ici. Je serais heureux de répondre aux questions que vous pourriez avoir.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur McCracken.
Je tiens à préciser aux témoins qu'ils doivent me signaler s'ils ont une observation à faire, même si la question ne leur est pas adressée. Nous voulons une discussion de type table ronde.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Merci, madame la présidente.
Je souhaite la bienvenue aux témoins d'aujourd'hui. J'aurais bien aimé qu'on ait plus de temps pour discuter avec ce groupe intéressant, mais nous ferons de notre mieux dans le délai qui nous est imparti.
Il me semble que le lien de tout cela avec les Canadiens, c'est leur niveau de vie. La productivité doit se traduire par une sorte de mesure pour la plupart des Canadiens. Je crois qu'ils veulent savoir ce qu'elle fait à leur niveau de vie.
Je l'ai entendu ce matin et je l'entends dire un peu partout, le niveau de vie baisse. Le salaire net que touchent les Canadiens diminue. Ce qu'ils peuvent acheter avec ce salaire net est encore inférieur à ce qu'ils voudraient se payer. Nous avons eu une croissance extraordinaire des exportations, surtout depuis l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Pourquoi cela ne nous a-t-il pas fait progresser?
Monsieur Frank, j'aimerais en venir à la différence entre le dollar canadien et américain. Vous avez dit avec force que c'était un mauvais fondement sur lequel construire les entreprises canadiennes. Nous avons cette différence de taux du dollar. Nous avons les équipes de hockey de la Ligue nationale qui nous disent que si nous ne leur accordons pas en subventions la différence entre le dollar canadien et américain, elles vont s'en aller. Nous avons perdu beaucoup d'entreprises. Nous avons perdu beaucoup de jeunes au profit des États-Unis avec l'exode des cerveaux. Comment pouvons-nous remédier à cette différence du dollar? De plus, si nous n'agissons pas pour redresser la situation, où cela va-t-il nous mener?
M. Jim Frank: Il y a de nombreuses choses qui influent sur la valeur d'une monnaie. Nous avons parlé un peu de macropolitique ce matin. La politique monétaire en est une dans la mesure où elle a un rapport avec cette différence du taux d'intérêt. Nous avons essayé au Canada de maintenir le taux d'inflation à un niveau assez bas depuis dix ans pratiquement. Nous y sommes assez bien parvenus. Nous avons un taux d'inflation bien inférieur à celui des États- Unis depuis plusieurs années. Nous avons un écart du taux d'intérêt légèrement négatif. On pourrait penser, avec le temps, que notre monnaie va commencer à remonter grâce aux faibles taux d'inflation. Voilà donc l'une des choses que l'on pourrait prévoir. Maintenant si vous me demandez comment remédier au problème, il faudrait essayer d'avoir une économie où l'inflation est beaucoup moins rapide que chez votre concurrent principal.
L'autre aspect qui concerne l'attrait général d'un pays pour les investissements, parce que cela attire des capitaux pour installer usines et équipement pour la fabrication ou la vente, qu'il s'agisse de biens ou de services.
Le problème pour nous, et nous l'avons dit dans notre travail sur le rendement et le potentiel, c'est que le Canada représente un tout petit pays par rapport au reste du monde. Il doit d'une certaine façon faire face à la concurrence des autres pays comme lieux d'investissement et d'implantation d'entreprises pour desservir des marchés plus importants.
Demandez-vous quel intérêt nous représentons. Quelle est notre compétitivité? Notre principal concurrent, il ne faut pas nous leurrer, est à 150 milles de nous. Si les États-Unis sont considérés comme le meilleur endroit pour investir, c'est là que l'argent va naturellement aller. Notre monnaie sera bien sûr plus faible de ce fait, par rapport à la monnaie américaine. Il y a donc dans cet ensemble un élément d'attrait d'un pays pour les investisseurs.
M. Charlie Penson: Monsieur Frank, me permettez-vous de vous interrompre pour vous poser une question? Quel effet de frein notre dette et nos impôts élevés ont-ils sur les éventuels investisseurs qui amèneraient au Canada les nouvelles technologies?
M. Jim Frank: Je ne peux pas vous répondre précisément. Pour être franc, je ne sais pas. Peut-être mes collègues sont-ils plus avancés.
M. Charlie Penson: Si je pose la question, c'est que j'ai l'impression que nous remboursons actuellement notre dette nationale. Nous sommes enfin arrivés à avoir des budgets équilibrés. Nous remboursons notre dette nationale à raison de 3 milliards de dollars par an. Il faudra 191 ans à ce rythme pour la rembourser complètement. Je me demande quel genre d'indications cela représente pour le reste du monde.
M. Jim Frank: Je vous répondrais de la façon suivante. Si vous hésitez entre deux endroits pour investir et que l'un d'eux a un régime fiscal plus lourd, lequel allez-vous choisir? Bien franchement, ce n'est que l'un des déterminants de la décision d'investir, même s'il est important.
• 1000
Si vous prenez l'expérience de l'Irlande, il est généralement
reconnu que la réduction des taux d'imposition, surtout en ce qui
concerne l'impôt sur les sociétés, a été l'un des facteurs
importants pour le redressement de l'économie de ce pays. Mais
franchement, je ne peux pas vous dire quelle importance cela aurait
au Canada—c'est juste une note en passant.
Le Conference Board a fait énormément de travail de comparaison des charges fiscales entre industries au Canada et aux États-Unis. De façon générale, pour l'impôt sur les sociétés, nous avons un régime assez concurrentiel. Le véritable défi pour notre pays n'est pas, me semble-t-il, de savoir s'il est suffisant d'être simplement à égalité. Il s'agit de savoir si nous devrons être meilleurs que les États-Unis. C'est ce que nous répétons dans ce rapport chaque année. Être simplement à égalité avec les États- Unis, à certains égards, ne nous suffira sans doute pas.
Les impôts sont donc importants, mais je ne peux pas vous dire jusqu'à quel point ils sont liés à la valeur de la monnaie, par exemple.
La présidente: M. Sharpe souhaite répondre.
M. Jim Frank: Rapidement, le troisième point qui concerne la monnaie est la question du prix des marchandises et je crois que vous comprenez cet argument.
La présidente: Monsieur Sharpe, voulez-vous dire quelque chose?
M. Andrew Sharpe: Oui. J'aurais quelques remarques à faire sur ce que vous avez dit sur la productivité et le niveau de vie. C'est bien sûr à long terme que la productivité est un déterminant clé pour les tendances du niveau de vie, si on le définit comme le PIB par habitant. Pour les court et moyen termes, il y a également un élément déterminant du niveau de vie, et c'est le ratio emploi- population: combien de personnes ont un emploi par rapport à l'ensemble de la population?
En fait, ce qui s'est passé dans les années 90 explique le déclin de notre niveau de vie. Ce n'est pas la productivité qui a diminué, c'est le ratio emploi-population. Si vous considérez le PIB par travailleur, il n'y a en fait pas eu de diminution dans les années 90 par rapport aux périodes antérieures. Même dans le secteur manufacturier, qui n'est pas aussi essentiel pour le niveau de vie que l'ensemble de l'économie, même là, on parle d'un écart. Ce qui s'est passé, c'est que les États-Unis ont amélioré leur productivité dans les années 90. Ça n'a pas été le cas au Canada, mais nous avons à peu près le même taux de croissance que dans les années 80.
Ce n'est pas la diminution de la productivité qui explique la détérioration de notre niveau de vie, c'est la chute du ratio emploi-population qui est due à un chômage plus important, mais aussi, et c'est là chose encore plus importante, à la très grande baisse de participation de notre main-d'oeuvre. C'est là le facteur clé.
On peut ensuite discuter de la politique monétaire, de la politique fiscale qui ont joué un rôle dans ce relâchement...
M. Charlie Penson: Ainsi, c'est davantage le taux de participation de la main-d'oeuvre que le nombre de personnes au chômage...
M. Andrew Sharpe: Il y a deux choses: le taux de chômage et le taux de participation de la main-d'oeuvre qui à eux deux nous donnent le ratio emploi-population. Ce sont ces deux facteurs qui déterminent ensemble le ratio général emploi-population.
M. Charlie Penson: Je crois que tous ceux qui vont aux États- Unis à l'heure actuelle s'en rendent compte. La situation est meilleure. La population active est plus importante. Je crois que le taux de chômage en Californie est de 1,5 p. 100 ou à peu près à l'heure actuelle...
M. Andrew Sharpe: C'est exact.
M. Charlie Penson: ... et cet État fait de la publicité pour essayer de faire venir les travailleurs spécialisés.
M. Andrew Sharpe: Exactement. Il y a très bien réussi.
M. Charlie Penson: J'imagine que c'est ce qui pousse les Canadiens à déménager aux États-Unis. Est-ce pour cela que nous perdons certaines personnes?
M. Andrew Sharpe: On aurait dû en fait voir un mouvement beaucoup plus important du Canada vers les États-Unis dans les années 90 étant donné les incroyables occasions d'emploi qu'il y avait dans ce pays par rapport au Canada. Je suis surpris qu'il n'y ait pas davantage de personnes qui soient parties. Selon John Halliwell, les statistiques ne révèlent absolument pas une augmentation énorme du nombre des personnes qui vont aux États- Unis, en partie en raison de la réglementation relative à l'immigration.
J'aimerais revenir brièvement sur ce que vous avez dit du dollar et de l'effet du dollar qui chute sur notre niveau de vie. Je dirais tout le contraire: c'est la faiblesse de notre dollar qui a contribué à notre niveau de vie dans les années 90.
Cette situation du dollar a un effet double. Premièrement, si le dollar diminue, le prix de nos importations augmente. Cela veut dire que notre inflation est légèrement supérieure à ce qu'elle aurait été, donc la situation de tout le monde se détériore un peu du fait de ces prix plus élevés. La baisse du dollar peut donc effectivement entraîner une diminution du niveau de vie.
Mais il y a un autre effet: lorsqu'il y a un relâchement dans votre économie, comme M. Mike McCracken l'a souligné à juste titre, un dollar à la baisse peut entraîner une augmentation de la compétitivité des coûts et une augmentation des exportations. C'est en fait ce que nous avons vu. Nous avons eu une très forte croissance des exportations pendant les années 90, et cela est dû en partie à la dépréciation de notre monnaie. Celle-ci entraîne des créations d'emplois, lesquelles font qu'il y a davantage de revenus pour les Canadiens et donc une augmentation du niveau de vie général.
M. Charlie Penson: Mais vous dites que c'est à court terme plutôt qu'à long terme.
M. Andrew Sharpe: C'est exact. Cela vaut pour les court et moyen termes.
Les modèles économétriques montrent que le niveau de vie général s'est en fait amélioré du fait de la dépréciation du dollar—pour les court et moyen termes, de toute façon. Peut-être que cela aura des effets négatifs à long terme, mais nous ne pouvons pas dire que la dépréciation de notre dollar ait abouti à une réduction du PIB par habitant dans les années 90.
La présidente: Monsieur Frank, vous avez une dernière remarque à faire?
M. Jim Frank: Je me sens obligé de poser la question suivante. Si notre dollar à 68 cents n'a pas eu de répercussion sur notre niveau de vie, entre autres, et que cela a nettement amélioré la situation de nos exportations... et nous avons eu beaucoup de chances ces dernières années, car la plupart des prix des marchandises se sont effondrés dans le monde entier et il y a véritablement eu un risque de déflation. En Chine à l'heure actuelle et au Japon, la déflation est un problème. Alors vraiment... si un dollar à 68 cents, c'est une bonne idée, pourquoi ne pas essayer un dollar à 50 cents?
• 1005
La dépréciation de notre monnaie ne nous sera pas profitable.
La seule façon d'améliorer notre rendement commercial et notre
emploi, c'est de continuer à déprécier notre monnaie. Sauf votre
respect, je crains que cela nous pose quelques graves problèmes. À
un moment donné, il y a un lien entre le coût des marchandises que
nous importons et consommons et notre monnaie—c'est du moins ce
que je crois.
Mais je suis d'accord avec vous, Andrew, pour ce qui est du court terme. Cela ne fait aucun doute. Si nous nous sommes attachés à la compétitivité et au dollar canadien, c'est que sur une période assez prolongée—c'est du moins ce que nous pensons—cela va commencer à se voir et cela se manifestera sous forme de compétitivité affaiblie de nos industries.
La présidente: Merci.
Je vais laisser M. McCracken faire une remarque avant de passer à la question suivante.
M. Michael McCracken: Très bien. Très rapidement, il y a toutes sortes de façons différentes d'envisager la dépréciation du taux de change.
L'une de ces façons qui a l'avantage d'être pratique, c'est de la voir comme un impôt qui s'applique à tous les consommateurs du fait du prix plus élevé des importations. On prend le produit de cet impôt pour le donner aux entreprises qui exportent ou qui sont en concurrence avec des importateurs parce qu'elles ont maintenant davantage de marge de manoeuvre, si vous voulez, pour augmenter leurs prix. Jusqu'ici, ce n'est qu'un transfert des particuliers aux entreprises.
Il y a alors une question qui se pose: que font les entreprises de ce transfert, de ce revenu supplémentaire? Si elles investissent, si elles s'agrandissent, si elles améliorent l'emploi, vous pouvez alors dire que c'était une bonne idée—par rapport à la perte de revenu que connaissent les particuliers. Nous constatons dans nos modèles qu'il y a en fait une nette amélioration, mais ce n'est pas une amélioration aussi bonne que si les entreprises investissaient de toute façon, sans avoir besoin d'être subventionnées par les consommateurs.
Pour ce qui est du rendement global de notre économie, il y a une amélioration au niveau de l'emploi, mais le revenu disponible réel n'augmente pas avec une dépréciation autant que les bénéfices des sociétés par exemple, et de loin.
Je crois que l'un des problèmes que nous avons au Canada, c'est que le contexte n'encourageait pas les entreprises à dire que dans une telle situation, elles allaient vraiment investir, vraiment s'agrandir. Mais cela est bien sûr dû au fait que nous leur disons que nous n'allons pas laisser l'économie croître trop rapidement, que nous n'allons pas permettre de surchauffe; elles se demandent donc pourquoi elles investiraient.
M. Charlie Penson: Ou elles investissent à l'étranger.
M. Michael McCracken: Ou elles vont à l'étranger. C'est l'autre problème. C'est vrai. Vous êtes de toute façon perdant.
En ce qui concerne le ratio d'emploi, une petite note, sur les documents que vous avez distribués, au sommet de la page 9, il y a un graphique qui montre le ratio d'emploi et le taux de participation sur une certaine période. Les chiffres qui s'appliquent à la période d'après 1998 sont des prévisions, mais avant cela, ils représentent ce qui s'est passé et vous avez donc une idée de la chute dont a parlé Andrew Sharpe.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Cannis.
M. John Cannis: Merci, madame la présidente.
Je tiens à souhaiter la bienvenue aux membres du groupe de discussion. Je suis très heureux de voir que le débat a lieu aussi bien de l'autre côté que de ce côté. Je ne sais pas vraiment par où commencer. C'est un sujet des plus intéressants.
Je commencerai peut-être en reprenant ce qu'a dit M. McCracken du ratio des extrants par rapport aux intrants.
Pour revenir à certaines remarques de M. Sharpe, vous avez parlé de points de référence en y revenant très souvent. L'un des domaines que vous avez cités à de très nombreuses reprises était celui de l'éducation, de la formation, de l'apprentissage durant toute la vie. Vous avez raison.
Vous savez j'en suis sûr que pour résoudre ce problème, et nous sommes tous d'accord là-dessus je crois, il ne suffit pas de mettre un boulon. Il en faut plusieurs: la main-d'oeuvre, la formation, l'apprentissage durant toute la vie et les obligations des employeurs pour garder à jour leurs employés.
J'espère qu'en ce qui concerne cette responsabilité partagée—maintenant que nous savons tous que la formation de la main-d'oeuvre est une compétence provinciale—les provinces aussi ont vu son importance. Je ne sais si vous avez parlé à vos homologues provinciaux. Vous avez parlé d'alphabétisation, de taux d'abandon scolaire élevé; pouvez-vous préciser. L'idée m'est venue lorsque je regardais une émission il y a peu de temps sur une région de la Virginie je crois, où le revenu moyen était de 10 000 $. La principale raison de cette situation était que la plupart des gens de la région avaient une instruction très limitée, et donc des compétences limitées, et intéressaient peu les éventuels employeurs.
• 1010
Que faire, selon vous, pour progresser et faire savoir que
nous avons besoin d'une main-d'oeuvre dûment formée et suffisamment
instruite? Que je sache—et vous pouvez me corriger si je me
trompe—un jeune de 15, 16 ou 18 ans qui est malheureusement au
chômage à l'heure actuelle devrait être à l'école, ne croyez-vous
pas? Devrait-on rendre l'école obligatoire plus longtemps pour
qu'il y reste? Comment résoudre ce problème?
J'aimerais revenir sur quelque chose que vous avez dit concernant une comparaison, monsieur McCracken. Je vous ai déjà entendu parler dans le passé. Avec d'autres, vous nous avez dit il y a de nombreuses années, alors qu'un nouveau gouvernement s'installait, occupez-vous de votre déficit, occupez-vous du ratio du PIB et redressez votre situation financière car cela va régler le problème, ou en tout cas une partie du problème.
M. Michael McCracken: Je ne pense pas qu'il y ait de preuve que j'aie jamais dit ça au gouvernement en place, ni ici ni ailleurs.
Des voix: Oh, oh!
M. Michael McCracken: Les autres peut-être, mais je pense avoir dit à peu près le contraire.
Des voix: Oh, oh!
M. John Cannis: La politique monétaire et la formation de la main-d'oeuvre—est-ce là l'essentiel, selon vous, monsieur Frank?
M. Jim Frank: Je vais vous demander de vous reporter à la page 8 du document que j'ai distribué. Je veux que vous vous représentiez le tableau.
Brenda a fait énormément de travail, au Conference Board, sur la question de l'alphabétisation. Si vous regardez en bas de la page 8, vous y trouverez le pourcentage de jeunes qui ne terminent pas l'école secondaire. Cela vaut pour tout le pays.
La moyenne canadienne est d'environ 15 p. 100. Soit dit en passant, nous leur donnons beaucoup de temps pour finir leurs études secondaires. Nous leur donnons jusqu'à l'âge de 24 ans. Nous leur avons demandé s'ils avaient terminé leurs études secondaires à leur 24e anniversaire. Vous constaterez qu'il en reste encore 15 p. 100 qui n'en sont encore pas là à cet âge-là.
Ensuite, si nous perdons cette partie de la population, comment pouvons-nous nous attendre à ce qu'elle soit un jour autosuffisante et apporte une certaine valeur à la société en travaillant? Il y a des chances que ce ne soit pas le cas.
Quelle est la solution en l'occurrence? Ma femme est enseignante du secondaire. Depuis 30 ans, elle enseigne les mathématiques. C'est un véritable défi que de faire coïncider les aptitudes et l'intérêt des enfants avec les programmes. Si je devais vous transmettre un message que je crois juste pour le Canada, et peut-être aussi pour les États-Unis, ce serait que nous insistons sur les universités et les programmes universitaires avec trop de zèle et que cela n'est pas utile à un grand nombre de jeunes.
Je crois qu'il faut donc que l'on place les jeunes là où ils ont des capacités. Et c'est bien sûr dans les écoles techniques, les collègues, les instituts...
M. John Cannis: Voulez-vous dire qu'il faille les y placer plus tôt?
M. Jim Frank: Oui.
M. John Cannis: Lorsqu'ils arrivent à l'école secondaire?
M. Jim Frank: Lorsque des jeunes de 15 ans ou plus ont une aptitude dans certains domaines, nous devrions leur permettre d'y étudier plutôt que de les garder dans des cours qu'ils trouvent ennuyeux ou qu'ils sont incapables de suivre. C'est juste une remarque en passant sur le sujet.
Je vous demanderais maintenant de vous reporter au bas de la page 9 où vous avez des renseignements sur les aptitudes à la lecture et à l'écriture.
Brenda, si vous voulez ajouter quelque chose, n'hésitez pas à le faire.
L'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes porte sur trois domaines différents: les documents, la prose et les mathématiques. Nous vous montrons ici uniquement l'aptitude à lire des documents. Il y a cinq échelons. Le un est le niveau inférieur et le cinq le niveau supérieur.
Vous remarquerez qu'au Canada, environ 41 p. 100 des adultes sont aux niveaux un et deux pour la capacité de lire des documents. Dans le secteur manufacturier, mesdames et messieurs, ce sont 52 p. 100 de la population qui se situent aux deux échelons inférieurs.
En pratique, lorsque vous êtes au niveau un, cela veut dire que vous ne savez ni lire ni écrire. Au niveau deux, vous avez une petite capacité, mais vous auriez du mal à remplir une feuille de demande d'emploi, par exemple.
Passons à la page suivante, au graphique du milieu de la page 10. Nous avons demandé aux personnes qui ont participé à cette enquête ce qu'elles pensaient de leurs capacités. Nous avons posé la question aux personnes qui se situent aux deux niveaux inférieurs. Près de 30 p. 100 d'entre elles estiment qu'elles ont de bonnes capacités face à des documents; 30 autres p. 100 pensent qu'elles ont des capacités excellentes. Donc aux deux niveaux inférieurs, 60 p. 100 des gens estiment avoir des capacités bonnes ou excellentes.
Et comme vous le montre le dernier graphique de la page 10, nous leur avons demandé si cela était important au travail et 60 p. 100 ont répondu que cela ne les handicapait pas du tout.
• 1015
Brenda a eu l'idée d'opposer ceux qui savent à ceux qui ne
savent pas, car beaucoup de personnes ne savent pas qu'elles ne
savent pas.
Au Conference Board, nous replaçons cela dans le cadre des organisations car c'est là que se réalise la productivité. Je ne devrais pas dire «se réalise»; c'est là qu'on peut faire changer les choses. C'est à ce niveau qu'il faut intervenir.
Mais s'il n'y a pas de bonne formation au travail—et nous pouvons vous montrer, preuves à l'appui, que les organisations canadiennes estiment elles-mêmes ne pas très bien se placer pour ce qui est de la formation au travail—comment peut-on changer cette situation?
Le taux d'abandon et la formation au travail sont donc deux choses vraiment importantes et elles représentent le perfectionnement du capital humain.
La présidente: Monsieur McCracken.
M. Michael McCracken: J'aimerais dire un petit mot sur la formation au travail. Il me semble qu'à ce niveau, le lien avec l'état de la macro-économie est important.
Si le chômage s'élève à 7,2 p. 100, ou que le taux de chômage des jeunes est à 14 p. 100, ce qui est le cas actuellement pour les jeunes de moins de 25 ans au Canada, il faut se demander lorsqu'on est employeur: «Pourquoi offrirais-je une formation?» Si l'on se place dans l'optique du public, la question devient: «Pourquoi s'en préoccuper?»
Ce que l'on observe lorsque le marché du travail est serré, c'est tout à fait le contraire. Aux États-Unis à l'heure actuelle, lorsque le taux de chômage est à 1 p. 100 dans certains ghettos urbains, les employeurs y viennent chercher des gens en leur offrant une formation; ils leur offrent de venir les chercher en autobus pour les amener au travail, de leur donner une formation et ensuite un emploi rémunéré 16 $ l'heure. Pourquoi en est-il ainsi? Ce n'est pas que les entreprises le fassent par altruisme; c'est parce que c'est la seule façon d'obtenir des travailleurs. Ils permettent en gros de maximiser les bénéfices et de minimiser les coûts.
Nous pouvons donc les exhorter à suivre une formation au travail, mais cela ne se fera pas tant que quelques petits calculs montrent qu'il coûte moins cher d'engager quelqu'un de l'extérieur que de faire la formation nous-mêmes. Ce n'est pas quelque chose que l'entreprise peut contrôler d'une certaine façon; c'est la responsabilité directe de la Banque du Canada et du ministère des Finances.
La présidente: Monsieur Cannis, vous avez droit à une dernière question.
M. John Cannis: On a dit que lorsque l'économie connaît une surchauffe, on intervient pour la ralentir. Nous entendons parfois les États-Unis...
Pouvez-vous me l'expliquer? Lorsqu'une économie est solide, pourquoi Greenspan ou un autre viendrait-il dire: nous allons intervenir, augmenter les taux et ralentir l'économie? Pourquoi le faire, monsieur Frank?
M. Jim Frank: C'est un argument qui vaut pour le plein emploi. Le taux d'inflation sans effet d'accélération du chômage est le taux de chômage en dessous duquel on pense que l'inflation commence à s'accélérer. Autrement dit, lorsqu'il passe de 2 à 3 ou à 4 p. 100.
Selon les évaluations du Conference Board, pour le Canada, il se situe en ce moment précis autour de 7,8 p. 100. Autrement dit, le taux qui n'entraîne pas d'accélération est de 7,8 p. 100. Je dois vous avouer franchement qu'il y a des divergences sur la décimale, mais imaginez qu'il se situe dans ces eaux-là.
Si, lorsque l'emploi à l'échelle nationale descend en dessous de ce niveau, vous estimez que les marchés du travail sont si serrés que les augmentations de salaires que les employeurs sont obligés d'accorder pour conserver leur personnel et pour obtenir de nouveaux effectifs dépassent les gains en productivité, et exigent donc que les augmentations de coût soient transmises, ce qui entraîne des taux d'inflation supérieurs à la pompe, au magasin, où que vous vouliez le mesurer, c'est là l'argument que l'on présente. Dans l'ensemble du pays, il y a évidemment de grosses différences à ce chapitre.
Voyons maintenant quelle est la situation actuelle au Canada en matière de prévisions. Il est généralement admis que l'Alberta fonctionne au-dessus du plein emploi. On voit donc en Alberta des ententes salariales dans les relations industrielles qui sont pratiquement le double des augmentations de taux salarial de l'Ontario. Et c'est ce qui se produit depuis environ un an maintenant.
Il y a donc au moins un microcosme où la théorie s'applique et où l'on peut voir que lorsque le taux de chômage descend dans cette catégorie très serrée, les augmentations salariales commencent à s'accélérer et à un certain point, cela provoquera une certaine inflation. Nous n'en sommes pas encore là, ni à l'échelle nationale, ni en Alberta. Voilà donc d'où vient cet argument.
Si l'on veut continuer à contrôler l'inflation dès qu'on arrive sur ce terrain, on fait des discours sur le fait que les marchés du travail sont trop serrés qu'il faut resserrer, ralentir les choses pour que les employés ne touchent pas trop par rapport à ce qu'ils produisent. Cela entraîne des augmentations de prix que l'on constate lorsqu'on mesure l'inflation avec l'indice des prix à la consommation. Voilà l'argument.
• 1020
Aux États-Unis, depuis le milieu de l'année 1997, chaque État
est au niveau ou au-dessus du niveau du plein emploi, à l'exception
d'Hawaii. Les îles Hawaii n'en sont pas là parce qu'elles ont été
très durement touchées par la crise asiatique. Et pourtant aux
États-Unis, où en est l'inflation? D'où viennent les problèmes qui
font augmenter le coût de la main-d'oeuvre? Cela n'est pas évident.
Et pourtant le gouvernement fédéral dit clairement qu'il s'inquiète
maintenant davantage de la possibilité d'une augmentation plus
rapide de l'inflation qu'il ne le voudrait. Nous avons vu une
réaction semblable ici au Canada.
Quelle sera la gravité de la chose? On peut en discuter. Si l'atterrissage se fait en douceur, comme on l'a dit pour les États- Unis, le Canada suivra sans doute le même chemin et il ne connaîtra pas de ralentissement important. C'est du moins la façon dont nous entrevoyons la suite. Mais c'est là la théorie et la logique qui la sous-tend.
La présidente: Monsieur McCracken, vous vouliez faire une remarque?
M. Michael McCracken: Ça ne tient pas l'eau et c'est un piètre conseil de politique. Dire que vous allez délibérément faire augmenter le chômage pour faire baisser l'inflation revient à dire que vous vous inquiétez pour l'environnement et que vous allez tout simplement fermer les entreprises. Si c'était notre politique pour lutter contre les problèmes environnementaux, le secteur des entreprises serait le premier à se faire entendre et à demander que l'on trouve une autre solution. Il dirait qu'il doit y avoir une meilleure solution. En fait, nous savons qu'il y a de meilleures solutions. Nous avons imposé les pollueurs. Nous avons l'instruction de ne pas laisser de déchets. Nous avons toutes sortes de contrôles, d'exhortations, de systèmes liés à l'impôt. On pourrait aussi bien les utiliser pour l'inflation.
Si nous devions vraiment commencer à appliquer cette idée négative à l'échelle régionale, très bien, mais essayons de sortir un outil régional. Augmentons par exemple les impôts personnels en Alberta pour ralentir l'économie et réduisons l'impôt dans le reste du pays pour l'accélérer. On pourrait le faire en fonction du code postal si on veut affiner la chose. Il y a certainement du bon dans cela, si on évite ainsi des taux d'intérêt plus élevés pour tous les Canadiens et la faillite d'entreprises et de particuliers dans tout le pays.
La présidente: Merci. Merci, monsieur Cannis.
[Français]
Monsieur Dubé, s'il vous plaît.
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je n'ai pas eu le temps de tout lire, mais c'était très intéressant et je remercie chacun d'entre vous de nous avoir fourni toutes ces données.
Est-ce que vous avez des données ventilées par province?
M. Andrew Sharpe: Au Centre d'étude des niveaux de vie, nous avons constitué une base de données sur la productivité qui comporte des données pour chacun des secteurs dans chaque province.
Par exemple, pour le Québec, nous avons les données pour près d'une centaine d'industries et nous avons des estimations à partir de l'année 1984 jusqu'à 1997, je crois. Nous aurons celles de 1998 d'ici quelques semaines. C'est accessible gratuitement sur Internet. Nous avons des estimations du niveau de productivité du travail et aussi des taux de croissance. Nous avons aussi les estimations de la productivité du capital et de la productivité de l'ensemble des facteurs. Donc, tout est là, à votre disposition.
M. Antoine Dubé: À votre adresse Internet.
Je m'intéresse en particulier à la productivité du capital. Souvent, dans la conception populaire, on pense que ce sont nécessairement les coûts de main-d'oeuvre, le nombre de jours travaillés durant l'année, le temps perdu à cause des grèves ou des congés de maladie, etc. qui comptent. Mais il y a aussi le capital. Or, M. Frank du Conference Board a très bien dit qu'à cet égard, nous sommes désavantagés par rapport aux États-Unis parce que les investisseurs investissent là où la croissance économique et la croissance de leurs capitaux sera plus grande selon eux. Comment lutter contre cette tendance?
[Traduction]
M. Jim Frank: Cela fait certainement partie du défi. Je ne peux d'ailleurs pas vous donner une réponse simple. Je suis très inquiet personnellement, en tant que Canadien, du fait que notre pays ne soit pas aussi attrayant qu'il devra l'être, surtout à cause du marché nord-américain qui devient si intégré et de plus en plus un marché unique.
• 1025
Vu sous cet angle, il est presque impossible, pour nous, de
concevoir l'industrie automobile canadienne indépendamment de
l'industrie automobile américaine. C'est l'industrie nord-
américaine. Là où s'en vont les investissements dépend beaucoup des
personnes qui prennent les décisions pour ce qui est de savoir quel
est l'endroit le plus rentable et le plus productif pour y
installer une usine de fabrication de moteur ou de montage. C'est
ce qui compte. On se soucie directement de ce qui entoure l'usine.
C'est pourquoi le Conference Board le répète sans cesse.
Ce sont les organisations qui s'en occupent—les dirigeants, les syndicats et les travailleurs de l'atelier—qui font la différence. Cela se rapporte à la formation, aux décisions concernant la meilleure rentabilité, le régime réglementaire et les questions environnementales qui sont parmi les principales préoccupations des gens à l'heure actuelle. Par exemple, il y a eu de nombreuses contestations lorsqu'il a été question de développer Voisey's Bay. C'est simplement un exemple actuel d'une mise en valeur possible qui demandera longtemps avant d'être lancée, tandis que nous tâchons d'aplanir les difficultés. Allons-nous prendre la bonne décision ou non? Je n'en sais rien. Il en irait de même pour les investissements dans l'industrie automobile et l'industrie des technologies de pointe.
Le défi consiste à régler ce problème pour le Canada afin d'en faire un pays relativement plus attrayant pour les investissements. C'est ce à quoi il faut essayer de parvenir. Ce ne sera pas une seule chose qu'il faudra changer. Les impôts à eux seuls ne suffiront pas, la formation non plus, les incitatifs de R-D non plus. Il va falloir s'occuper de l'ensemble du tableau.
[Français]
M. Antoine Dubé: On pourrait diviser le domaine industriel en deux secteurs: celui des entreprises traditionnelles et celui des entreprises modernes. On dit qu'il est souvent plus facile d'améliorer les qualités d'un humain que de corriger ses défauts, mais on observe qu'à l'échelle d'un pays, certaines régions tirent de la patte ou ont plus de difficultés.
Par exemple, l'un de vous a parlé de la région de l'Atlantique, de son éloignement, etc., ce qui fait que son niveau de productivité est plus faible. C'est bien beau de dire qu'on va améliorer les régions les plus fortes dans les secteurs les plus performants, mais qu'en est-il des régions complètes qui sont vouées un chômage et qui deviennent un fardeau pour l'ensemble du pays?
M. Andrew Sharpe: C'est un défi, bien sûr. Il y a des politiques de développement régional au Canada. On est au courant qu'il y en a pour l'Atlantique, pour le Québec et même pour l'ouest du Canada. Il n'y a pas de panacée pour cela. Ce sont toujours les mêmes remèdes, par exemple le développement des ressources humaines en Atlantique et l'innovation, surtout dans les petites et moyennes entreprises. Les solutions sont les mêmes pour les régions pauvres et pour les régions riches.
M. Antoine Dubé: Mais si ce sont les mêmes, elles ne corrigent pas la situation. Comment corriger la situation?
M. Andrew Sharpe: Dans une économie capitaliste ou de marché, il se trouvera toujours des régions dynamiques et des régions moins dynamiques. Cela fait partie du jeu. Donc, on ne peut pas avoir un système où chaque région connaît le même taux de croissance. On va voir des régions bien se comporter pendant un certain temps grâce au prix des biens, puis d'autres régions aller moins bien.
M. Antoine Dubé: On parle souvent du taux de croissance et de productivité, et on est porté à le comparer à celui d'autres pays. J'étais dans le domaine du sport, où un athlète moins rapide mais plus jeune améliore plus rapidement sa performance. Par contre, il arrive un certain point où il est de plus en plus difficile de s'améliorer au-delà de l'excellence.
Est-ce que la comparaison des augmentations du taux de croissance est la méthode idéale? Ne faudrait-il pas plutôt pondérer le progrès en rapport avec le niveau de productivité lui-même?
M. Andrew Sharpe: C'est une bonne question. C'est vrai que dans le passé, si nous avions un taux de croissance de 2 p. 100, ce n'était pas si mal, parce qu'en 35 ans on est arrivé à doubler le niveau de vie. Mais si les États-Unis ont un taux de croissance de 3 p. 100, ils iront plus vite et il y aura un écart grandissant entre le niveau de vie au Canada et le niveau de vie aux États-Unis, même si celui du Canada continue d'augmenter de 2 p. 100 par année.
Est-ce qu'on veut une mesure de notre niveau de vie par rapport à celui des Américains ou une mesure du niveau de vie des Canadiens comme tel? Le niveau de vie des Canadiens en termes absolus augmente de 2 p. 100 par année, mais celui des Américains augmente de 3 p. 100. Donc, ils deviennent de plus en plus riches comparativement à nous.
• 1030
Donc, la question qui se pose est de savoir si on veut
connaître le niveau de vie des Canadiens en termes
absolus ou en termes relatifs. Il n'y a pas de
réponse facile à cette question.
[Traduction]
M. Michael McCracken: Permettez-moi de jeter un peu de lumière sur ce dernier point.
Je crois que nous courons le risque de nous attacher à rechercher un taux de croissance de la productivité plus rapide que celui des États-Unis, comme si c'était l'élément clé. Si le taux de productivité des États-Unis est de 3 p. 100 et que le nôtre est de 2 p. 100, c'est tout de même préférable à un taux de 1 p. 100 pour les États-Unis et de 1 p. 100 ou même de 2 p. 100 pour le Canada. Cela se justifie par le fait que la croissance plus rapide de la productivité dans d'autres régions... Et cela serait aussi vrai, soit dit en passant, au Canada, si le Québec connaissait une croissance plus rapide que le reste du pays. Cela est dû au fait que les augmentations de revenus dans cette région vont créer pour nous des marchés et améliorer également notre bien-être à la longue.
C'est très simple de se laisser aller à croire qu'il s'agit d'un concours, mais ce n'est pas un concours entre pays ni même entre peuples. Ce sont des entreprises qui s'opposent les unes aux autres avec des produits donnés et certains prix, et la productivité différentielle peut certainement les aider dans leurs jeux, mais pas dans le jeu de la vie. Pour le jeu de la vie, il s'agit de savoir si on peut augmenter le niveau de vie général. On devrait encourager les améliorations du revenu réel et les célébrer chaque fois qu'elles se produisent. Si nous pouvons les obtenir pour nous, c'est très bien; c'est toujours préférable. Mais il ne faut pas que ce soit aux dépens des autres.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Dubé.
Monsieur Malhi, je vous en prie.
M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Merci, madame la présidente.
Quel pourcentage d'entrepreneurs, d'investisseurs, de personnes qui travaillent dans l'industrie de la haute technologie ou de professions libérales s'en vont aux États-Unis chaque année? Avez-vous un message à transmettre au gouvernement fédéral ou au gouvernement provincial pour améliorer la situation?
M. Jim Frank: L'été dernier, le Conference Board a publié un rapport intitulé Are We Losing Our Minds?, je crois. C'est un rapport qui a été très contesté car nous dénoncions carrément ce que l'on appelle l'exode des cerveaux en disant que nous la jugions importante et qu'elle constituait un problème croissant. Le débat tourne autour de l'importance et de l'interprétation des visas temporaires qui sont délivrés aux Canadiens pour travailler aux États-Unis. C'est autour de cela que le débat tourne.
Autrement dit, cela veut-il dire quelque chose si de plus en plus de Canadiens vont travailler aux États-Unis et obtiennent de façon générale des visas TN-1 qui sont en général délivrés pour un an? Il y a des exceptions dans le cas des infirmières actuellement, car on leur accorde des visas de six mois seulement. Il y a donc deux poids deux mesures.
Je crois que si nous avons fait une erreur en publiant ce document, c'est d'avoir un peu trop insisté, mais rétrospectivement parlant, et depuis quatre mois qu'il a été publié, il est devenu assez clair pour nous que le problème est bien réel et qu'il est grave.
Statistique Canada disait bien sûr que c'est le nombre de personnes qui importe et qu'un Néo-canadien ayant un doctorat a une productivité équivalente à celle d'Andrew ou à la mienne, ce qui peut être vrai, mais pas nécessairement, et je crois que c'était la position adoptée par M. Fellegi.
Des renseignements supplémentaires ont aussi été pris dans les documents du revenu national en ce qui concerne le nombre de Canadiens qui ont abandonné leur résidence au Canada pour des raisons fiscales. Dans les années 90, cette augmentation... Je suis désolé de ne pas être tout à fait préparé pour ceci, mais je pense que ces chiffres tournaient autour de 20 000 au début de la décennie et autour de 27 000 en 1997. Mais il est important de préciser que nous verrons une nouvelle augmentation de ces chiffres pour 1998.
• 1035
Mais vous avez demandé que faire à cet égard? À notre avis, si
les gens déménagent aux États-Unis, ce n'est pas pour payer moins
d'impôt. On va aux États-Unis parce qu'on a un meilleur emploi et
un revenu plus élevé. Lorsqu'on regarde les taux d'imposition et ce
qu'ils vous permettent de garder dans votre poche, cela ne
représente que le glaçage du gâteau pour ainsi dire. Pour les gens
qui vont effectivement s'installer aux États-Unis, ils n'y vont pas
en disant qu'ils veulent être moins imposés. Ils y vont parce
qu'ils veulent avoir cet emploi qui est plus intéressant et qui
paie davantage.
Mais deux ans plus tard, lorsqu'ils se demandent s'ils doivent revenir au Canada, et qu'ils constatent qu'ils ne pourront pas gagner autant dans notre pays et qu'ils garderont une moins grande partie de l'argent gagné, il est bien sûr beaucoup moins plausible qu'ils reviennent au Canada.
La météorologie n'est bien sûr pas un facteur négligeable. Je la donne toujours comme explication partielle possible, bien que je ne pense pas qu'elle représente un facteur important. Sur les trois premiers facteurs, seul l'impôt est le plus marginal.
Cela nous amène à boucler la boucle et à nous demander comment nous pourrions créer dans notre pays un environnement qui soit nettement avantageux pour créer des emplois très bien rémunérés et un grand nombre d'entre eux. Dans notre pays, si nous ne pouvons pas nous vanter d'avoir des emplois très bien rémunérés et un grand nombre d'entre eux, nous ne pourrons pas avoir ce que nous voulons. Vous avez raison, ce n'est pas vraiment une course entre les pays; les gens se déplacent. Les pays ne se déplacent pas.
Une dernière chose sur le sujet. En 1994, lorsque l'ALENA est entré en vigueur, je crois qu'un changement structurel s'est produit entre notre pays et les États-Unis. Il n'a jamais été plus facile qu'aujourd'hui pour les Canadiens de travailler aux États- Unis. Et j'espère qu'il n'y aura pas de récession grave aux États- Unis qui ralentisse ce marché au point que les Canadiens doivent trouver des emplois chez eux, parce que je crois que les conséquences seraient beaucoup plus graves que nous le voudrions. Nous estimons que c'est un problème grave.
M. Gurbax Singh Malhi: Vous pensez donc que les salaires sont le principal souci.
M. Jim Frank: Les salaires et les occasions.
La présidente: Merci, monsieur Malhi.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, madame la présidente.
Je suis heureux d'être venu aujourd'hui. Je suis membre du Comité des finances et c'est la première fois que je participe à une séance du Comité de l'industrie. Le Comité des finances a étudié la question de la productivité l'année dernière. C'était un peu comme vouloir identifier le nombre d'anges qui peuvent se tenir sur une tête d'épingle. Ça nous rappelle ce qu'a dit H.L. Mencken: «À tout problème complexe, il y a une solution simple, élégante, plausible mais qui n'est pas la bonne.» Je crois que vous avez tout à fait raison: il y a toutes sortes de choses que nous pourrions mieux faire et sans doute vaudrait-il mieux en dresser la liste plutôt que d'essayer de nous occuper du côté théorique et de nous contenter d'identifier les choses que nous pouvons changer.
En matière fiscale, étant donné qu'une réduction des impôts est maintenant possible, certains craignent qu'elle représente une mesure politique prise pour faire plaisir au lieu d'avoir des répercussions optimales à long terme sur la croissance de la productivité et de l'économie pour les Canadiens.
Le rapport Mintz, qui a été déposé il y a un an en juin, traitait des distorsions et des problèmes structuraux que comporte le régime fiscal canadien pour les sociétés. Ses recommandations n'ont pas été mises en oeuvre, en partie parce que si elles n'avaient pas d'effet sur les revenus, elles auraient créé des gagnants et des perdants. Mais on reconnaissait dans ce rapport qu'on a au Canada un régime d'imposition qui représente une discrimination envers le secteur de la technologie et celui des services—c'est-à-dire les secteurs économiques dans lesquels nous devrions nous préparer à prendre une plus grande part dans la nouvelle économie.
Proposeriez-vous de mettre en oeuvre le rapport Mintz et peut- être d'avoir recours à une réduction des impôts pour compenser certaines des répercussions sur le secteur traditionnel afin d'essayer d'arriver à une situation où, en ayant à la fois une réforme fiscale et une réduction d'impôt, tout le monde serait gagnant? Serait-ce un moyen de redresser l'élément de distorsion de notre régime fiscal des sociétés qui pourrait avoir des répercussions sur la productivité et les investissements dans les secteurs de croissance?
M. Jim Frank: Je n'ai pas lu le rapport Mintz; je n'en connais donc pas les éléments. Peut-être que mes voisins pourraient répondre de façon plus efficace à votre question. Je dirais simplement que tout économiste qui considère un régime fiscal vous dira que moins il y a de distorsion, mieux cela vaut.
• 1040
Si vous voulez que certaines choses se fassent, il ne faudrait
pas les imposer. Si vous voulez que l'on investisse beaucoup, il
faut donc prendre garde à la façon dont on impose les
investissements. Si vous voulez des initiatives, de l'innovation et
du changement, il faut éviter d'imposer l'innovation et le
changement. Je crois que c'est sur la question des distorsions
qu'il faut essayer de régler le problème.
Maintenant, il y a la question du taux d'imposition général du Canada et cela est, dans une très grande mesure, une question politique. Comme nous le disons à la fin de notre document en parlant de la durabilité du programme de politique sociale canadien, si les contribuables estiment en avoir pour leur argent avec les dépenses de santé, d'éducation et de bien-être social, tout va très bien. Mais si ce n'est pas le cas, alors nous aurons un problème de durabilité et cela devient une question politique, et nous savons comment les choses se sont passées récemment. Je ne sais pas comment cela se passera à l'avenir.
La présidente: Monsieur McCracken.
M. Michael McCracken: Je n'ai que quelques remarques brèves à faire.
L'un des problèmes qui complique toute réforme fiscale au Canada et qu'il ne faut pas oublier, c'est comme si on supprimait du jour au lendemain l'impôt sur les sociétés. Une grande partie de nos corporations sont des multinationales, des entreprises transnationales et elles vont payer l'impôt là où elles ont leur siège principal, ou une somme plus importante si notre impôt est plus lourd. L'une des situations dans lesquelles se trouve parfois notre régime fiscal, c'est de devoir essayer de saisir le plus d'argent possible, jusqu'au dernier sou, pour le Canada parce que si nous ne le faisons pas, le Trésor américain le fera. C'est une autre complication.
Il ne faut pas oublier que nous avons instauré en 1991 un nouveau régime fiscal, celui de la TPS, dont l'objectif était de ne pas imposer les intrants des entreprises, et plus particulièrement le capital. Si vous prenez les investissements en outillage et en équipement comme part du PIB, il n'y a guère de preuve qu'il y ait eu une réaction à l'allégement fiscal ainsi accordé. Nous avons supprimé à l'époque une taxe de vente assez importante pour les fabricants. Nous pouvons donc nous demander ce qui se passe. Il est évident qu'il n'y a pas que le régime fiscal qui importe.
J'aimerais beaucoup pouvoir dire: n'imposons absolument pas les sociétés parce qu'alors nous constaterions que cela ne fait guère de différence et nous oublierions le fait que c'était d'une certaine façon le facteur essentiel. Nous payons tous d'une certaine façon à titre de particuliers. Ce ne sont pas les sociétés qui paient. Il y aurait donc une répercussion directe, on peut l'espérer, même si certains décalages pourraient en découler.
Je crois que vous le savez, sur la question de savoir ce qu'il faut faire en matière d'imposition et ce qu'il faut faire, si vous voulez, pour résoudre certains de ces problèmes, une grande partie de la question tourne autour du fait de savoir si on peut relancer l'économie pour qu'elle connaisse une croissance suffisamment rapide pour rendre le pays attrayant au point que l'on envisage d'agrandir les entreprises, d'engager des gens, de les former et d'investir. Je ne pense pas que cela puisse se passer tant que nous n'aurons pas oublié notre idée générale de vouloir maintenir un rythme lent. Il restera lent tant que nous aurons cette attitude.
Les réductions fiscales ne feront qu'alimenter la flamme et on s'empressera alors de l'éteindre avec des compressions ailleurs ou des taux d'intérêt plus élevés.
M. Scott Brison: Étant donné le lien qu'il y a entre l'investissement et la productivité, est-ce que ces impôts...? Par exemple, notre régime fiscal sur les gains en capitaux est deux fois plus oppressif que celui des États-Unis. Ne devrait-on pas s'occuper de cet aspect, surtout étant donné les questions d'accès au capital et la façon dont notre capital a tendance à être bloqué? D'une certaine façon, c'est un peu une distorsion.
À titre d'information, je vous signale que la réduction de notre fardeau fiscal personnel relatif aux gains en capitaux pour que l'on arrive au niveau américain représenterait environ 250 millions de dollars par an. Ne pas régler ce problème est davantage une question de perception de la réduction de l'impôt sur les gains en capitaux qu'une réalité.
M. Michael McCracken: Une si petite somme ne devrait pas avoir un si gros effet alors, non?
M. Jim Frank: Mais le problème avec cet argument, Mike, c'est qu'on ne sait pas quelle est la capacité financière des gens qui quittent le pays. Je crois que l'inquiétude du Conference Board au sujet de la fuite effrénée des cerveaux venait de ce que ce sont nos revenus les plus élevés, nos plus grandes capacités d'innovation, nos plus grands esprits d'entreprise qui ont tendance à quitter le pays. Soyons francs là-dessus.
• 1045
Même lorsque vous regardez les données de Statistique Canada
et Revenu Canada, elles indiquent clairement qu'une bien plus
importante partie des personnes qui ont un revenu élevé, je veux
parler des gens qui ont des salaires de 150 000 $ par an ou
davantage, entre 100 000 $ et 150 000 $—1 p. 100 des contribuables
qui appartiennent à cette catégorie des 150 000 $ ou plus, en
gros—abandonnent en fait leur résidence au Canada. Je ne connais
pas suffisamment la législation fiscale pour savoir ce qui se passe
au niveau du portefeuille de l'individu, en supposant qu'il en ait
un, lorsqu'il abandonne sa résidence au Canada pour des raisons
fiscales. Qui ramasse le fric là-dessus...
M. Michael McCracken: Il peut réaliser son portefeuille et doit alors payer l'impôt.
M. Scott Brison: Par ailleurs, on a recours aux options d'achat d'actions à titre d'indemnisation, surtout dans le secteur de la haute technologie. Pour ces gens donc, cela devient encore...
M. Jim Frank: À quel prix ces options sont-elles évaluées? Au prix d'émission?
M. Scott Brison: Oui. L'impôt sur les gains en capitaux doit être payé au moment où ils se réalisent.
M. Jim Frank: Mais si la personne réside aux États-Unis pour des raisons fiscales, doit-elle payer l'impôt sur ces actions aux États-Unis ou le gouvernement canadien en obtient-il une part?
M. Scott Brison: Il y a un impôt de départ.
M. Michael McCracken: Lorsque ces gens partent, ils ne paient pas d'impôt.
Il y a là une différence essentielle. Il y a quelque chose à faire à ce chapitre, Scott. Aux États-Unis, si vous êtes citoyen américain, vous payez l'impôt sur votre revenu mondial, quel que soit votre lieu de résidence; vous payez l'impôt aux États-Unis même si vous ne vivez pas dans le pays. Vous avez donc droit à un crédit pour les revenus gagnés à l'étranger, mais il se monte à 70 000 $ par an environ.
Au Canada, si vous quittez le pays, vous ne payez pas d'impôt au Canada. Si vous partez, c'est terminé. Vous payez seulement au moment de votre départ sur les biens que vous avez.
Si vous voulez essayer de trouver quelque chose qui encourage les gens à rester, accordez-leur le même traitement qu'aux États- Unis face à l'impôt. Faites en sorte que les résidents, les citoyens canadiens, paient l'impôt sur leur revenu canadien ou leur revenu de citoyens canadiens quel que soit leur lieu de résidence. Les indications ne seraient pas les mêmes et on pourrait alors réaliser ici les options d'achat d'actions des États-Unis.
M. Scott Brison: Et avec le régime actuel, avec votre taxe de départ, le signal que l'on donne à quelqu'un qui est jeune, intelligent et promis à un grand avenir, c'est de quitter rapidement le pays—surtout ne pas attendre. Et cela a des répercussions négatives sur beaucoup de gens à qui l'on conseille en réalité de partir tôt plutôt que de se lancer dans une carrière ou de constituer une entreprise ici.
M. Michael McCracken: Et vous avez aussi financé leur éducation, vous les avez fait naître, vous les avez aidés pendant je ne sais combien de temps, en tant que pays, et maintenant ils s'en vont. Demandez-leur de payer.
La présidente: Merci.
M. Scott Brison: Merci beaucoup, madame la présidente.
M. Michael McCracken: Merci pour cette idée, Scott.
M. Jerry Pickard: Plus j'écoute et plus je constate que l'acquisition de quelques connaissances est une chose dangereuse. Je vois des points de vue très différents, des questions portant sur certains problèmes qui sont posés par tous les partis politiques et des réponses qui se ressemblent.
J'ai été particulièrement intrigué par l'idée de M. McCracken de considérer le taux de change comme un impôt sur la société, et plus particulièrement sur les travailleurs, alors que les entreprises en tirent les bénéfices. On pourrait s'attendre alors à ce que les entreprises réinvestissent cet argent au Canada et que le Canada serait un endroit beaucoup plus attrayant pour qu'on vienne s'y installer, alors que M. Frank a dit je crois qu'il fallait faire davantage et le rendre beaucoup plus attrayant.
Ma foi, cela ne peut pas être l'argument ultime de la position que vous avez avancée, monsieur McCracken.
La présidente: Monsieur Brison, je vous demanderais de ne pas vous adresser directement aux témoins.
M. Scott Brison: Je vous prie de m'excuser.
La présidente: Merci.
M. Jerry Pickard: Il me faut croire que, quelles qu'en soient les raisons, si les décisions d'une entreprise ne sont pas prises en fonction de son appartenance nationale, elles le sont en fonction des bénéfices que récupère la direction et si une entreprise est dans une bien meilleure position du fait du taux inférieur du dollar, j'imaginerais que cela devrait se traduire par l'installation de nombreuses entreprises au Canada, ce qui ne semble pas être le cas. Nous avons abordé de nombreuses questions. Prenons l'industrie automobile dans la région de Windsor que je connais mieux. Il me semble que ce n'est pas seulement la direction de la société, mais également toute l'industrie de soutien extérieure qui gravite autour de cette industrie dans la région de Windsor qui la fait fonctionner et qui la rend très fructueuse—et ainsi de suite pour tout le sud-ouest de l'Ontario.
• 1050
On a mentionné d'autres problèmes régionaux qui se rapportent
aussi à ce facteur. L'Ontario se plaint très régulièrement de ce
que sa juste part de l'impôt ne l'aide pas à connaître la
croissance et à progresser.
Est-ce que le climat des affaires dans des provinces comme l'Ontario, et plus particulièrement dans des régions comme le sud- ouest de l'Ontario, permet d'attirer des industries alors qu'il n'en va peut-être pas de même à... Je prendrai Terre-Neuve, parce que c'est une province qui se trouve loin de presque toutes les régions du pays, parce qu'elle a besoin de soutien et parce qu'elle n'a pas...
M. Charlie Penson: Nous en sommes peut-être loin.
M. Jerry Pickard: C'est possible aussi.
Je ne nie pas le fait qu'il y a des endroits très concurrentiels pour ce qui est d'attirer des industries, des usines de fabrication et même la productivité. Mais il y a des régions où ce n'est peut-être pas le cas. Prend-on cela en compte lorsqu'on parle du Canada en général et de la compétitivité du Canada dans l'économie mondiale?
La présidente: Monsieur Sharpe.
M. Andrew Sharpe: Pour ce qui est de notre capacité d'attirer l'investissement, il est vrai que la part du Canada dans l'investissement étranger en Amérique du Nord a diminué au cours des années 90. C'est une statistique que nous voyons souvent. Mais si nous regardons l'investissement effectif en dollars, en faisant l'ajustement voulu pour l'inflation, il y a eu une grande augmentation des investissements étrangers au Canada dans les années 90. De nombreuses entreprises étrangères ont décidé de multiplier leurs activités ici ou de prendre le contrôle d'une société canadienne, et cela est lié en partie à la faiblesse du dollar. En fait, certains Canadiens se sont plaints de ce que nous vendions toutes nos sociétés aux Américains parce que la faible valeur de notre dollar fait que prendre le contrôle des sociétés canadiennes revient peu cher, que ces propriétés étrangères deviennent un problème.
Prenez le secteur de l'automobile. Une bonne partie des investissements dans ce secteur ont été faits à cause de notre avantage concurrentiel en matière de coûts, et cela est dû en partie à la faiblesse de notre dollar, mais aussi à nos augmentations salariales très modestes, qui ont été inférieures à celles des États-Unis dans les années 90. Dans certains secteurs, comme le secteur automobile, il y a eu de très forts gains de productivité, comparables sinon supérieurs à ceux des États-Unis.
Dans l'ensemble, je crois que nous avons été tout à fait concurrentiels pour ce qui est d'attirer des investisseurs. Si vous regardez les États-Unis, dans l'optique de l'économie mondiale et des problèmes en Asie et dans d'autres pays, il y a eu énormément de capitaux qui sont allés aux États-Unis dans les années 90. En comparaison, nous n'en avons pas eu autant si nous prenons en compte la part du total de ces flux de capitaux à destination de l'Amérique du Nord, mais en termes absolus, nos résultats sont très bons. Je ne crois donc pas qu'il y ait un gros problème en Ontario pour ce qui est de pouvoir attirer des capitaux. On peut toujours faire mieux, et je pourrais signaler certains problèmes, mais dans l'ensemble, je ne pense pas que cela ait constitué une gêne importante pour notre développement économique.
La présidente: Monsieur McCracken.
M. Michael McCracken: Oui, permettez-moi de boucler la boucle.
Je trouve que votre question sur l'amortissement est très perspicace. Voici donc le reste de la boucle: Quelle est la situation idéale? La situation idéale est celle où, dans une entreprise, on arrive à obtenir une croissance supérieure de la productivité. Cela permet ensuite à l'entreprise de payer des salaires réels plus élevés, ce qui veut dire des revenus réels plus élevés pour les travailleurs canadiens concernés. Et en faisant correspondre ces gains salariaux aux gains de productivité, on permet à l'entreprise de rester concurrentielle de sorte que le coût unitaire de sa main-d'oeuvre ne change pas et qu'elle peut continuer à acheter ses biens à l'étranger. Appelons cela la «boucle virtuelle» que nous recherchons.
Si nous faisons suffisamment cela, nous verrons sans doute plutôt notre taux de change s'apprécier, ce qui entraînera un bénéfice supplémentaire qui permettra ensuite aux Canadiens d'acheter davantage de biens à l'étranger pour le même montant de dollars canadiens. Cela aboutira à une amélioration de leur revenu réel.
Ce qu'il faut donc, c'est ce que l'on appelle une appréciation gagnée—gagnée parce que le taux de productivité augmente. C'est l'une des voies possibles pour tirer profit des gains de productivité. Le problème lorsque la dépréciation est un moyen pour éponger le relâchement de l'économie, c'est que ce modèle marche lorsque le taux de chômage est élevé. C'est un ajustement partiel de ce relâchement et l'appréciation que l'on connaît lorsque les marchés du travail se resserrent est un moyen de supprimer en partie la surchauffe de l'économie, de maintenir une pression à la baisse sur les prix et de transférer en retour les revenus aux Canadiens.
• 1055
Ce que nous devrions voir, c'est un peu plus de mouvement vers
le haut, et cela n'a pas encore été le cas. C'est ce que nous
espérons de l'avenir. Ce que nous devrions observer lorsque cela se
produira, c'est une amélioration de la productivité et une
appréciation de la monnaie, et à ce moment-là, nous devrions nous
féliciter de l'appréciation de la monnaie tant qu'elle est
véritablement gagnée, tant qu'elle n'est pas obtenue
artificiellement par des taux d'intérêt élevés ni par le bradage de
la ferme au profit d'investisseurs étrangers qui viennent chez nous
et font gonfler artificiellement le dollar. C'est là le côté moins
rose d'une telle situation.
La présidente: Monsieur Frank.
M. Jim Frank: J'ai retenu votre question sur les différences dans le pays entre l'Ontario et les autres provinces. Il est vrai que les pays et les provinces ne se font pas de concurrence dans le sens où ils n'établissent pas leur prix pour essayer de se vendre, mais les régions se font bien concurrence. Et il est maintenant tout à fait clair que l'Ontario cherche à rendre son régime fiscal s'appliquant aux particuliers aussi concurrentiels que celui de l'Alberta. L'Alberta clame son avantage depuis je ne sais combien de temps maintenant, peut-être cinq ans ou davantage. C'est effectivement une province qui s'est énormément diversifiée au cours des 20 dernières années après avoir connu de graves revers et des désavantages importants. C'est une province qui n'a pas accès à la mer, qui se trouve au milieu du continent, et qui n'a pas de marchés importants à une distance raisonnable comme vous qui avez dans le triangle industriel de l'Ontario, à une journée de route, je ne sais combien...
M. Jerry Pickard: Soixante pour cent.
M. Jim Frank: Oui, un très gros marché à votre disposition. Votre situation géographique importe donc.
Ce qui commence à se produire au Canada, c'est que les provinces comprennent qu'elles doivent plus ou moins se faire concurrence pour les investissements, le développement, etc. Et on voit au Québec des incitatifs pour investir dans les industries québécoises. On voit l'Ontario s'en plaindre et l'Alberta prendre l'avantage ici ou là avec son régime fiscal. Cela se passe donc dans le pays. Mais une région qui a un désavantage important, en raison de la distance, du climat ou autre, n'a aucune possibilité ou doit offrir d'une certaine façon une solution meilleure que toutes les autres. Et c'est le défi que doivent relever les régions que nous considérons souvent comme désavantagées. Je viens du centre de l'Alberta qui est une région agricole et vous n'avez guère d'autre possibilité que l'agriculture. La capacité d'expansion de cette région est donc très limitée.
Lorsqu'on a supprimé le taux du Nid-du-Corbeau, on a vu le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta se diversifier dans l'agroalimentaire. Et je dirais que c'est une bonne chose, car cela va créer une plus grande valeur ajoutée dans ces provinces, des emplois et des occasions d'entreprise pour la population.
La présidente: Je dois vraiment m'excuser auprès des témoins et de tout le monde. Un autre comité doit siéger dans cette salle dans quelques minutes aussi allons-nous devoir interrompre ici nos délibérations. Ce fut une discussion très intéressante et nous remercions les témoins de s'être joints à nous.
Je ferai une dernière remarque étant donné que je représente moi aussi le sud-ouest de l'Ontario. Je vous ai écouté parler du dollar et du fait qu'il devait remonter. Et je sais que l'un des secteurs où nous sommes les plus productifs actuellement au Canada, est celui de l'automobile, et pourtant nos salaires sont plus élevés qu'aux États-Unis. Je n'ai jamais vu les salaires baisser. Je sais qu'ils sont payés en dollars canadiens, mais si le dollar canadien devait s'apprécier, cela créerait une situation intéressante. C'est une question à laquelle nous devrons peut-être tous réfléchir en faisant nos analyses que cette nécessité pour le dollar de remonter. Notre échelle salariale est différente du fait de la valeur de notre dollar à l'heure actuelle.
Voilà ce que je voulais vous dire. J'ajouterais qu'à Windsor, pour être employé dans une usine, il faut avoir été jusqu'en 12e année, et on l'exige depuis plusieurs années. Il serait intéressant que vous repreniez vos études pour faire quelques calculs afin de voir quelles ont été les tendances récentes de l'embauche, surtout dans le secteur automobile, et de constater qu'on trouve maintenant dans les usines des gens qui sont allés à l'université.
Quoi qu'il en soit, j'en resterai là. Je vous remercie tous d'être venus.
La séance est levée.