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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 15 février 2000

• 0903

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib)): La séance est ouverte; conformément au mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, le comité poursuit son étude relative à la productivité, à l'innovation et à la compétitivité.

Je suis heureuse de souhaiter la bienvenue à tous nos témoins d'aujourd'hui. Je propose aux représentants des différents groupes de faire une déclaration d'ouverture, ensuite nous passerons aux questions dans le cadre d'une table ronde, où chaque question peut s'adresser soit à l'ensemble des témoins, soit à l'un d'eux. Si vous voulez participer au débat, signalez votre intention à la présidence, et je serai heureuse d'accueillir votre requête.

On m'a demandé de donner la parole en premier lieu à Peter Drake, du Groupe financier de la Banque Toronto Dominion.

Monsieur Drake.

M. Peter Drake (vice-président et sous-chef en économie, Groupe financier de la Banque Toronto Dominion): Merci, madame la présidente.

Je ne sais pas si mon document a été distribué.

La présidente: Oui, on l'a distribué.

M. Peter Drake: Il devrait être très utile, car on y trouve l'illustration de mes propos, qui seront brefs.

Je voudrais parler brièvement de certains aspects de la productivité: les résultats récents, leur rapport avec la croissance économique et l'investissement, la position du Canada par rapport à son principal partenaire commercial, les États-Unis, et la façon dont une croissance vigoureuse de la productivité pourrait favoriser l'écoefficacité du Canada et son environnement.

Si vous regardez le document, le premier tableau indique la croissance économique annuelle composée de chacune des économies industrialisée du G-7 pendant les années 90. On voit que la performance économique du Canada arrive au deuxième rang avec l'Allemagne parmi les pays du G-7, après les États-Unis.

Cependant, la croissance économique du Canada pendant les années 90, qui était de 2,1 p. 100 par an, a été en fait la plus mauvaise des quatre dernières décennies. Elle a été pénalisée par la restructuration que le secteur a du entreprendre au début de la décennie pour atteindre l'efficacité et la compétitivité nécessaires à l'économie mondiale. Elle a souffert également du retrait des gouvernements amorcé au milieu de la décennie dans le but d'éliminer les déficits et de commencer à rembourser la dette.

L'écart entre la croissance du Canada et celle des États-Unis est important. Les deux économies ont toujours présenté des taux de croissance à peu près identiques. Par exemple, au cours des années 80, les États-Unis n'ont que légèrement dépassé le Canada, avec un taux de croissance annuelle de 3 p. 100 contre 2,9 p. 100 au Canada. On peut donc se demander pourquoi l'écart s'est accentué et si le Canada va rester en retard par rapport aux États-Unis.

• 0905

Le deuxième tableau indique les prévisions économiques concernant chacun des pays du G-7 en 2000. Malgré la mauvaise performance de l'ensemble de la décennie, la croissance économique du Canada a repris de la vigueur pendant la deuxième moitié de la décennie et cette année, on prévoit qu'il arrivera en tête des économies du G-7 et dépassera les États-Unis pour la première fois en cinq ans.

L'une des différences dans la croissance des deux pays concerne les dépenses des consommateurs, qui représentent environ deux tiers du rendement économique. Au Canada, on prévoit que la croissance de l'emploi, la hausse des salaires et la réduction du fardeau fiscal personnel permettront aux consommateurs d'intensifier leurs dépenses. Aux États-Unis, l'augmentation des taux d'intérêt à court terme et le recul des gains sur le marché des valeurs mobilières amèneront les consommateurs à restreindre leurs dépenses.

La croissance en Europe occidentale reprend de la vigueur, tandis que celle du Japon, à notre avis, devrait conserver la mollesse qu'elle a manifestée l'année dernière. La productivité a plus de chances de s'améliorer lorsque l'économie est en forte croissance, et le rendement économique prévu pour cette année place le Canada en bonne position pour améliorer sa productivité.

Le tableau suivant indique le niveau des profits des entreprises avant impôt au cours des 10 dernières années ainsi que les profits en pourcentage du produit intérieur brut nominal. Comme vous le voyez, les profits avant impôt ont commencé à se ressaisir pendant la dernière moitié de la décennie, et ce aussi bien pour les niveaux de profits réels que pour les profits exprimés en pourcentage du produit intérieur brut. Nous prévoyons encore une croissance des profits cette année et l'année prochaine—environ 12 p. 100 pour cette année et un peu plus de 5 p. 100 pour l'année prochaine, compte tenu de la hausse des prix des matières premières et du maintien d'une forte demande, en particulier pour les exportations canadiennes sur les marchés américains.

Les profits sont liés à la productivité en ce sens qu'ils sont nécessaires à l'investissement, qui est lui-même indispensable aux gains de productivité.

Le troisième tableau indique les niveaux d'investissement en matériel et outillage en proportion du PIB réel, et je signale que la catégorie du matériel et outillage comprend des éléments de haute technologie comme les ordinateurs et les produits informatiques.

L'investissement en matériel et outillage est un moteur important de la croissance de la productivité, encore que ce ne soit pas le seul. Le niveau d'investissement en matériel et outillage au Canada a légèrement diminué pendant la première moitié des années 90, mais le vigoureux regain de la deuxième moitié de la décennie a fait remonter les résultats d'ensemble de près de 90 p. 100, pour atteindre 73,5 milliards de dollars en 1999, et on prévoit que ces investissements vont dépasser 83 milliards de dollars en 2001. En pourcentage du PIB, ils sont passés de 5,3 p. 100 en 1990 à 8,5 p. 100 en 1999. Ils devraient atteindre environ 9 p. 100 en 2001.

Au verso du document, on passe à la productivité; le premier tableau indique la croissance annuelle composée de la production réelle par heure de travail pendant les années 80 et 90 au Canada et aux États-Unis. Il y a évidemment plusieurs façons de mesurer la productivité, et celle-ci n'est qu'une façon parmi d'autres. Elle mesure la productivité de la main-d'oeuvre dans l'ensemble de l'économie et tient compte de l'influence de la quasi-totalité des facteurs qui déterminent la productivité, comme la croissance économique, l'investissement, les infrastructures, l'éducation, l'action des pouvoirs publics, notamment dans les domaines de la fiscalité et de la réglementation.

Comme l'indique le tableau, les États-Unis ont nettement dominé le Canada du point de vue de la croissance de la productivité pendant les années 80 et 90, mais les résultats canadiens se sont améliorés par rapport à ceux des États-Unis au cours des années 90. Plus particulièrement, la productivité de la main-d'oeuvre au Canada a augmenté de 0,7 p. 100 par an pendant les années 80, alors qu'aux États-Unis, elle augmentait 1,8 p. 100 par an. Au cours des années 90, les résultats canadiens se sont améliorés en moyenne de 1,1 p. 100 par an, tandis que les États-Unis se maintenaient à leur rythme antérieur de 1,8 p. 100.

Le dernier tableau compare la productivité du Canada et des États-Unis pendant les années 80 et 90 en utilisant la même mesure de productivité que dans le tableau précédent. La productivité de la main-d'oeuvre au Canada était nettement inférieure à celle des États-Unis il y a 20 ans, et l'écart n'a fait que s'agrandir depuis lors.

En particulier, la productivité canadienne en 1980 représentait environ deux tiers de la productivité des États-Unis. Dès 1990, elle chutait à 62 p. 100 de celle des États-Unis et en 1998, qui est la dernière année pour laquelle nous disposons de données, elle était d'un peu moins de 59 p. 100 de la productivité américaine. De ce point de vue, le Canada a deux problèmes de productivité: sa productivité est inférieure à celle des États-Unis, et elle continue à croître plus lentement que celle des États-Unis.

Les Américains ont profité d'une formidable croissance des industries technologiques, dont la plupart font défaut au Canada. Ces différences structurelles expliquent une grande partie de l'écart de productivité. On ne peut pas y faire grand-chose à court terme—le Canada dépend des ressources alors que les États-Unis misent sur la technologie—mais on peut réaliser des gains de productivité dans presque tous les secteurs industriels.

• 0910

La bonne nouvelle, c'est que les bons résultats obtenus récemment par le Canada dans les domaines monétaires et financiers ont amélioré le climat de l'investissement et des gains de productivité par rapport à la décennie précédente. Idéalement, les niveaux de productivité devraient augmenter plus rapidement au Canada qu'aux États-Unis. Mais d'un point de vue plus réaliste, le Canada devrait pouvoir espérer une amélioration par rapport à ses résultats antérieurs; par exemple, on pourrait viser une augmentation annuelle moyenne de 1,5 p. 100 au cours de la présente décennie.

Dans le petit encadré consacré au défi de la productivité, nous indiquons ce que l'on pourrait faire. Nous pensons que les gouvernements fédéral et provinciaux devraient réduire les taux d'imposition pour favoriser la compétitivité fiscale du Canada par rapport aux États-Unis, en particulier du côté de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Il faut appliquer des politiques susceptibles de promouvoir une main-d'oeuvre bien éduquée et bien formée, et de stimuler un climat plus favorable à l'investissement. Les autorités canadiennes doivent s'efforcer d'équilibrer leurs budgets pour que la dette publique continue à diminuer par rapport au PIB. De façon générale, nous pensons que ces mesures peuvent favoriser la productivité, qu'elles sont nécessaires pour améliorer le niveau de vie au Canada pendant la prochaine décennie et pour apporter des améliorations par rapport aux très mauvais résultats de la dernière décennie.

Le défi environnemental devrait faire augmenter les gains de productivité et le niveau de vie, mais il pourrait aussi aider le Canada à honorer ses engagements dans le domaine écologique. Après tout, les gains de productivité reviennent essentiellement à en faire plus avec mois. Ils ne sont pas tous nécessairement utiles pour l'environnement, mais si l'arrière-plan économique favorise les gains de productivité, il sera beaucoup plus facile de promouvoir des gains de productivité spécifiques utiles à l'amélioration de l'environnement.

L'un des thèmes auxquels nous réfléchissons concerne l'engagement précis pris par le Canada dans le cadre du protocole de Kyoto. Il n'est pas douteux que certaines industries auront du mal à réduire leurs émissions, et nous attendons avec un grand intérêt la stratégie fédérale prévue pour la fin de l'année ou le début de 2001. Encore une fois, de façon générale, je pense que l'état de notre économie et de nos finances publiques, qui n'a jamais été aussi bon depuis 10 ans, devrait certainement nous aider à relever ce défi.

En conclusion, les gains de productivité peuvent certainement aider le Canada à relever ses défis environnementaux. Nous pensons que la toile de fond de l'économie est excellente à cet égard, mais de toute évidence, rien ne se fera automatiquement. Nous allons devoir y travailler.

Merci. Je suis prêt à écouter les autres participants et à intervenir dans la discussion.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Drake.

Je me tourne maintenant vers la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, représentée par son président, le Dr Stuart Smith, et son directeur exécutif et directeur général, M. David McGuinty.

Docteur Smith, s'il vous plaît.

Dr Stuart Smith (président, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie): Merci beaucoup, madame la présidente.

Nous avons décidé que David McGuinty et moi-même allions tous les deux répondre aux questions par la suite, mais c'est moi qui présenterai l'exposé au nom de la Table ronde.

Comme vous le savez, la Table ronde est un collectif qui réunit des industriels, des groupes environnementaux, des représentants de la main-d'oeuvre et des membres des Premières nations. Nous travaillons sur l'écoefficacité, ce qui veut dire essentiellement qu'avec l'industrie, nous avons mis au point des mesures normalisées qui permettent à cette dernière d'indiquer son niveau d'efficacité dans l'utilisation de l'énergie et des matières premières. C'est un concept très important. L'industrie s'y intéresse de très près, et il a des conséquences considérables pour le Canada.

Dans mon intervention d'aujourd'hui, je voudrais faire comprendre deux choses. Tout d'abord, il ne faut pas centrer son attention uniquement sur la productivité de la main-d'oeuvre, car on s'intéresse de plus en plus à la productivité totale des facteurs. À ce propos, je suis tout à fait d'accord avec M. Drake sur tout ce qu'il a dit, mais il faut être conscient des limites de la productivité de la main-d'oeuvre en tant que mesure.

Deuxièmement, l'intérêt croissant pour la productivité totale des facteurs représente une menace très sérieuse pour l'économie du Canada et en particulier, il nous oblige à diversifier davantage notre économie, à la rendre moins dépendante des ressources naturelles, malgré l'importance que conserveront ces dernières pour notre pays dans un avenir prévisible.

Une bonne partie du travail que nous avons fait est fondée sur les opinions et la recherche d'Amory Lovins au Rocky Mountain Institute, sur les travaux du World Business Council on Sustainable Development, à Genève, et sur la réflexion des spécialistes en investissement qui suivent l'évolution des marchés boursiers. Comme vous le savez peut-être, depuis quelques années, la valeur des actions est presque directement proportionnelle au degré de conscience environnementale dont les entreprises font preuve.

• 0915

Parlons un peu de la productivité totale des facteurs, si vous me le permettez. Nous savons tous que les facteurs traditionnels qui composent l'économie sont le capital, la main-d'oeuvre et la terre. Ce troisième facteur représente en réalité tout ce que fournit la nature. C'est l'environnement naturel. Il comprend les ressources naturelles, renouvelables et non renouvelables, ainsi que la capacité d'absorption des déchets ou, si l'on veut, la capacité de régénération de l'environnement. C'est un facteur dont on ne parle jamais, car tous les chiffres de la productivité dont on se sert concernent la production par heure de travail, la production par employé, la production par semaine d'emploi, et ainsi de suite.

Malheureusement, il s'agit là d'une donnée dérivée. Personne ne gère son entreprise de cette façon. Personne ne calcule au jour le jour la production par employé, à moins qu'il ne s'agisse d'une entreprise tout à fait normalisée qui fonctionne depuis des années. De façon générale, les gens veulent savoir s'ils gagnent de l'argent, s'ils obtiennent un rendement de leur investissement. À tout le moins, c'est le rendement du capital qui les intéresse, et la productivité du capital.

Mais on tend désormais à porter plus d'attention à un troisième facteur, celui de la terre. On se demande s'il est possible de gagner davantage en utilisant moins de matières premières et moins d'énergie.

Autrefois, le rendement de l'investissement et la productivité de la main-d'oeuvre allaient de pair, car il s'agissait essentiellement de remplacer les vieux travailleurs par une nouvelle machine. Les deux chiffres allaient donc de pair. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il existe des sociétés—et je vous en donnerai quelques exemples—qui remplacent le matériel par des employés, de nouvelles technologies et de nouvelles connaissances. La productivité de la main-d'oeuvre ne donne peut-être pas de chiffre spectaculaire, mais le chiffre de la productivité totale des facteurs et le chiffre global des profits paraissent beaucoup plus avantageux.

C'est là un élément essentiel à comprendre si l'on ne veut pas centrer toute son attention sur la productivité de la main-d'oeuvre. Même si celle-ci donne une bonne idée de l'évolution de l'économie, il s'agit d'un chiffre dérivé. On constate à la fin de l'année comment le pays s'est comporté du point de vue de la productivité de la main-d'oeuvre. Personne ne peut le prédire, puisque les sociétés ne mesurent pas cette donnée. Elles ne fonctionnent pas de cette façon.

La nouvelle technologie se combine à la libéralisation des marchés, au renforcement de la concurrence et aux nouvelles formes de spécialisation pour permettre aux entreprises de remplacer les matières premières et l'énergie par des connaissances et, dans une certaine mesure, des services. Si vous regardez les économies des États-Unis et de l'Allemagne, vous constaterez que depuis cinq ans, ces deux pays ont changé d'attitude en matière de dépendance énergétique.

Autrefois, le PIB et la consommation d'énergie allaient de pair. Depuis cinq ans, les deux éléments se séparent. Le PIB continue d'augmenter, tandis que la consommation d'énergie plafonne. C'est ce que l'on constate dans ces deux économies, qui dépendent moins de l'énergie et, à mon avis, des matières premières; et nous verrons tout à l'heure pourquoi.

Il faut bien voir l'importance de cette réalité pour le Canada. C'est une tendance très importante à laquelle nous devons prêter attention.

La productivité des ressources naturelles augmente, et c'est là un autre élément important à prendre en compte. Les entreprises qui travaillent dans ce secteur sont parfois amenées à améliorer leur rendement environnemental. On constate que la capacité de la biosphère est limitée et que tôt ou tard, les accords internationaux, la réglementation gouvernementale et la prise en compte de la demande des consommateurs et de l'opinion des investisseurs imposent des limites aux entreprises. Pour différentes raisons, elles améliorent leur rendement environnemental.

Mais je vous avoue que dans la plupart des cas, cette amélioration est un résultat accessoire. La plupart des entreprises apportent des changements pour économiser et pour répondre aux exigences de la concurrence internationale. Elles font grand bruit de leurs efforts environnementaux, dont elles sont très fières, mais l'environnement n'est jamais leur première motivation.

On remarque donc un souci d'efficacité, non pas uniquement au niveau de la main-d'oeuvre, mais en ce qui concerne les matières premières et l'énergie utilisée par les entreprises. Je voudrais vous en donner quatre exemples.

Il existe un mouvement en faveur de la production d'énergie sur une petite échelle, que l'on connaît assez bien dans les provinces de l'Ouest. En effet, on dispose maintenant de matériaux nouveaux permettant de fabriquer de nouvelles micro ou mini turbines à grande efficacité. Grâce à elles, on peut produire de l'énergie, essentiellement à partir du gaz naturel, en évitant de gaspiller la chaleur, car la turbine est suffisamment petite pour que la chaleur produite puisse être utilisée sur place. On évite aussi la nécessité des lignes de transmission qui occasionnent des pertes, et qui nécessitent un important volume de matériaux. C'est un premier exemple.

• 0920

Autre exemple: celui des fabricants que l'on oblige de plus en plus à assumer la responsabilité du cycle de vie de leurs produits. Ils y pensent alors à deux fois et peuvent hésiter à laisser assumer la responsabilité par quelqu'un d'autre, au risque de devoir ramasser les pots cassés. Ils commencent donc à comprendre qu'ils vendent, non pas un produit, mais le service qui accompagne le produit. Par conséquent, ils commencent à revoir leur façon de faire les choses.

Je prends l'exemple d'Interface Carpets, une société dont vous avez certainement tous entendu parler. Ils ne vendent plus de tapis. Ils vendent un service de recouvrement de plancher. Ces gens-là viennent chez le client, installent des carreaux de tapis, dont ils conservent la possession, et, à partir de là, ils remplacent les carreaux à mesure qu'ils s'usent. Ils ne virent pas votre bureau ou votre entreprise sans dessus-dessous durant une semaine pour installer des nouvelles surfaces avec de nouvelles colles et de nouveaux solvants. Ils ne font que remplacer les carreaux. Et, en fin de compte, il y a beaucoup moins de gaspillage et de déchets à acheminer au site de remplissage. Ils récupèrent les vieux carreaux et les recyclent dans la mesure du possible. Donc, pour l'essentiel, leur domaine est celui du service de recouvrement de plancher.

Autre exemple, celui de Xerox. Chez Xerox, on estime qu'il n'y a même pas lieu de vendre la machine au client dans certains cas, étant donné que l'entreprise assume la responsabilité de la machine pour toute sa durée de vie utile. Parfois, Xerox ne loue même pas. La machine leur appartient. On vous fournit des documents. C'est ce que vous voulez, en réalité. Puisque Xerox conserve la maîtrise des machines et finit par les conserver, la société a désormais intérêt à réutiliser toutes les pièces dans la mesure du possible. On conçoit donc les nouvelles machines en conséquence, on rafistole les vieilles pièces, et on recycle à diverses reprises. Par conséquent, il y a donc moins de matières premières à acheter. Ainsi, on fournit un service de traitement de documents plutôt que de vendre une machine.

Autre exemple, celui de Dow Chemical et la formule Safety-Kleen. Autrefois, on vous vendait des tonnes de solvants pour dégraisser les machines. Aujourd'hui, avec Safety-Kleen, Dow Chemical offre un service de dégraissage. Les représentants viennent sur place et dégraissent les machines. Ils assument la responsabilité des solvants. Ils les apportent avec eux lorsque le travail est terminé.

Quels avantages y voient-ils? Eh bien, ils font davantage d'argent si l'utilisation de solvants est moindre. Ils vous offrent un service et sont rémunérés à l'unité, pour chaque machine dégraissée. Avec l'expérience acquise en dégraissage, ils sont en mesure de doser les solvants avec beaucoup d'exactitude. Il n'est plus nécessaire de former vos employés aux normes de sécurité qui concernent chaque solvant. L'entreprise fournit les connaissances et les compétences pertinentes. Elle assume la responsabilité en matière environnementale. Vous n'avez plus à vous inquiéter des visites des inspecteurs. Voilà donc un service excellent qui fait épargner de l'argent au client. La société Dow fait plus d'argent en vendant les compétences de son personnel qu'en vendant du solvant. De plus, elle utilise maintenant beaucoup moins de solvant. On a également appris à récupérer le solvant utilisé et à le redistiller une deuxième, une troisième et même une quatrième fois.

Les exemples abondent, mais le temps presse.

Pour le Canada, la leçon me semble claire. D'autant plus qu'il ne faut pas perdre de vue la détérioration à long terme des termes de l'échange, à savoir que les prix relatifs d'un autre produit de base sont en baisse étant donné que nous allons continuer à fournir des produits que les gens apprennent à utiliser avec de plus en plus de parcimonie. Nous avons pu constater le phénomène. Nous en avons fait état devant le Conseil des sciences durant les années 80. Nous avons fait valoir devant la Commission Macdonald que la technologie allait remplacer les matériaux, mais on ne nous a pas crus. Aujourd'hui, il devient de plus en plus évident non seulement que la technologie remplace la main-d'oeuvre, mais aussi que la technologie et la main-d'oeuvre ensemble remplacent les matériaux et l'énergie. La constatation est d'une grande importance pour un pays qui en fournit.

À l'heure actuelle, les ressources font l'objet d'une demande considérable. J'investis moi-même dans ce secteur, mais certainement pas à long terme. Le marché des ressources est caractérisé par des fluctuations. Il est cyclique. Lorsque les coûts sont à la hausse, nous sommes euphoriques, mais lorsqu'ils sont à la baisse, nous nous rendons compte que la tendance à long terme est baissière. Et le phénomène va prendre de l'ampleur. Cela ne va pas cesser, compte tenu des facteurs que j'ai décrits.

En conclusion, la réalité de la productivité totale des facteurs, qui englobe la productivité des ressources, s'impose déjà. C'est ce qui maximise la valeur pour l'actionnaire. Pour le Canada, cela veut dire que nous devons être plus présents dans les secteurs à forte intensité de savoir et moins dépendants des ressources naturelles.

Les chiffres concernant la productivité de la main-d'oeuvre nous éclairent relativement peu sur la situation économique. Ils donnent essentiellement une perspective historique. Or, malheureusement, les données chiffrées concernant la productivité totale de la main-d'oeuvre ne viennent confirmer que trop tard que l'on a investi dans le mauvais secteur ou la mauvaise entreprise. On pourrait en dire autant de la valeur de la devise. Pas nécessaire d'être un génie, donc, pour conclure que nous ne sommes pas dans le bon domaine d'activité, il suffit de voir ce que pense le monde de notre dollar. Les données sur la productivité de la main-d'oeuvre ne nous en diront guère plus. Dans la mesure où on a l'habitude d'offrir des services spécialisés, les données sur la productivité de la main-d'oeuvre risquent même d'être moins utiles que par le passé.

• 0925

Enfin, on prend déjà des initiatives, tant dans le secteur public que dans le secteur privé ici au Canada, pour participer davantage aux secteurs à forte intensité de savoir. Cependant, on doit axer bien davantage les efforts sur le développement de l'esprit d'entreprise et l'application de nouveaux produits axés sur le savoir, et ce dans tous les secteurs de notre économie.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, docteur Smith.

Je vais maintenant passer à l'Institut canadien de recherches avancées, représenté par le Dr Fraser Mustard, président-fondateur et fellow Bell Canada.

Dr Fraser Mustard (président-fondateur et Fellow Bell Canada, Institut canadien de recherches avancées): Merci. J'espère que vous avez tous un exemplaire de mon exposé. Il est fort agréable pour moi de prendre la parole à la suite de Peter et de Stuart. Peter a mis l'accent sur le fait que notre productivité a posé et continue de poser problème. Stuart a abordé la notion de productivité totale des facteurs, à laquelle je vais également faire appel.

Je m'adresse à vous en m'inspirant notamment des connaissances que j'ai acquises par le truchement de trois des programmes de l'institut: ceux relatifs à la santé, au développement humain et à la croissance économique. Très crûment, il faut dire que votre santé et votre bien-être sont surtout déterminés par les endroits où vous vivez et travaillez au cours de votre vie. La qualité de votre environnement social dépend, en définitive, de la nature de votre économie. Voilà deux réalités indissociables et, dans la perspective d'un environnement durable, tant sur le plan matériel que social, il s'agit d'aspects de l'économie qui sont fondamentaux. Voilà donc le thème dont je vais m'inspirer.

La première planche contient une citation du magazine The Economist. Il s'agit d'un article qui vise à expliquer le «mystère de la croissance économique». Nous avons lancé à l'institut un programme sur la croissance économique étant donné que la théorie économique néo-classique n'arrivait pas vraiment à intégrer l'importance de l'innovation dans l'évolution économique. Le texte de The Economist est d'une grande importance.

Il est question à la fin du document d'un ouvrage qui est issu du programme en question et selon lequel les politiques d'intérêt public qui ont rapport à l'innovation diffèrent essentiellement de celles qui ont rapport aux cycles économiques. Voilà une question qui pose un problème très considérable aux pouvoirs publics. L'article est donc fort intéressant et je suis heureux de constater qu'on y a cité le livre de Paul Romer, de l'institut.

Le tableau de la planche suivante nous provient de Fogel, un économiste de Chicago, historien, lauréat du Prix Nobel. Il illustre l'évolution de l'homme sur la planète sur une longue période. L'auteur a constaté une rupture importante coïncidant avec la période de la Révolution industrielle. Cela nous montre notamment pourquoi les taux de mortalité ont fléchi. S'ils l'ont fait, c'est à cause d'une prospérité accrue en Occident. Ce n'est ni à cause de la médecine, ni à cause de la santé publique. C'est à cause d'un effet direct sur la jeune enfance. Je me propose de vous expliquer les travaux de Fogel à cet égard. Il s'agit là d'un message d'une extrême importance.

La deuxième chose que vous remarquerez sur ce tableau de la croissance démographique dans le monde et au Canada, c'est que la vitesse du développement du nouveau savoir—ce dont parle Stuart—et le changement technologique sont exponentiels. Ce tableau présente très peu d'éléments concernant ce phénomène, mais essentiellement le monde est un village global qui compte une énorme population où l'enjeu consiste à déterminer comment utiliser ce nouveau savoir, et le Canada a fait preuve d'une faiblesse fondamentale. Il faut se situer dans ce contexte de changement à l'échelle planétaire.

Le tableau suivant—et Stuart m'a facilité les choses—indique que si vous tâchez de mesurer le changement technologique et la croissance économique, vous devez passer à ce qu'on appelle la productivité totale des facteurs. Ce tableau provient de travaux effectués par Paul David qui a examiné la transition de la puissance thermique à l'électricité en tant que source énergétique pour l'industrie américaine. L'utilisation de l'électricité remonte à environ 1890, mais il a fallu une quarantaine d'années avant que la puissance thermique disparaisse complètement, et au cours de cette transition vers ce changement technologique majeur, la productivité totale des facteurs atteint un plateau.

Le salaire moyen des gens à revenu moyen et faible a tendance à diminuer une fois que nous procédons à la normalisation. Donc nous savons que ces changements ont d'importantes conséquences pour la population.

J'ignorais que Stuart allait en parler, c'est pourquoi j'ai apporté avec moi une citation de Moses Abramovitz, qui aurait dû lui aussi recevoir le Prix Nobel. Économiste de formation, il se demandait comment mesurer le pouvoir d'innovation dans les économies en évolution, étant donné qu'il s'agit du plus important moteur. Selon Moses, il faut recourir à la productivité totale des facteurs. J'appuie tout à fait ce que dit Stuart, et je presse le gouvernement du Canada de commencer à s'assurer que cette mesure est plus souvent utilisée dans nos statistiques. J'adresse également cette requête aux banques.

• 0930

Fortin et Helpman sont deux économistes, l'un à Harvard et l'autre à l'Université du Québec. Ils ont fait une représentation graphique de la productivité totale des facteurs pour le Canada, que vous trouverez au tableau suivant. Celui-ci corrobore tout ce que Peter a dit à ce sujet. Il y a plafonnement aux alentours de 1975, époque à laquelle notre niveau de vie commence à baisser. Nous ne devenons pas pauvres, mais notre richesse relative n'augmente pas. Par conséquent, dans notre système, nos initiatives en vue de soutenir des instruments financés par l'État sont considérablement restreintes.

Le petit tableau suivant vous intéressera sans doute. Il s'agit d'un ancien tableau que j'ai utilisé à maintes reprises. Il est tiré du livre 2, chapitre 3, de Adam Smith. Adam Smith parle de la main-d'oeuvre productive et improductive. Mes collègues économistes n'ont pas aimé que Paul Romer me montre ce chapitre en particulier.

C'est un chapitre intéressant, parce que l'on y lit que les médecins font partie de la main-d'oeuvre improductive. Smith est plutôt négatif à l'égard des médecins. Il nous qualifie de domestiques. Je trouve cela plutôt insultant. Quoi qu'il en soit, il inclut aussi les avocats. Combien y a-t-il d'avocats ici dans la salle? Très bien. Bon, vous venez de vous joindre à la catégorie des domestiques. Il inclut aussi les chanteurs d'opéra. Bien entendu, l'argument fondamental qu'il veut faire valoir, c'est que la richesse qu'une société produit grâce aux biens et aux services qui y sont échangés produit la richesse qui vous permet de faire les autres choses qui ne sont pas des moteurs primaires dans ce cadre.

Si vous songez aux nouvelles notions de croissance économique, ce chapitre de l'ouvrage de Adam Smith est extrêmement important. Et je ne parle pas ici des cycles économiques. Si vous voulez une idée de l'enjeu, prenez la case supérieure gauche, qui est une représentation approximative de là où les gens travaillaient au Canada il y a 10 ans; c'est elle dont vous devez vous préoccuper. Quelle est sa performance à l'heure actuelle? Car c'est sa performance qui déterminera ce qui va se passer.

Si nous prenons l'exemple de Sudbury, où on a cessé l'exploitation minière du nickel, il faudra remplacer cette activité par une autre pour produire de la richesse véritable pour Sudbury. Il faut souligner au crédit de la société Inco qu'elle a pratiquement automatisé ses techniques d'exploitation minière. Elle a réduit sa main-d'oeuvre tout en devenant de plus en plus productive parce qu'elle a appliqué les nouvelles technologies. L'enjeu, pour toutes les sociétés, consiste à déterminer comment faire fonctionner ce système.

Le tableau suivant vous présente simplement un document préparé par le gouvernement du Canada. Si on part du principe que notre productivité totale des facteurs a plafonné aux alentours de 1975, les nantis—c'est-à-dire la plupart d'entre nous dans cette pièce âgés de plus de 45 ans—s'en sont bien sortis. Nos salaires ont eu tendance à se maintenir. Mais les jeunes ne s'en sont pas tirés aussi bien. C'est essentiellement le genre de changement que l'on constate à ce niveau.

Si vous voulez voir cela sous l'angle du changement technologique, pensez aux ordinateurs, mais la meilleure façon de se représenter la chose, c'est de faire une analogie avec la Révolution industrielle, qui a utilisé les combustibles fossiles comme source énergétique pour remplacer l'huile de coude, ce qui a transformé les sociétés. C'est une révolution semblable à celle provoquée par l'avènement des microcircuits intégrés. C'est en réalité un moyen d'incorporer dans des systèmes globaux des fonctions d'intelligence de bas niveau, ce qui transforme tout ce que l'on fait.

Il est intéressant de constater que Martin et Porter, dans le document qu'ils ont publié en janvier, ont souligné, comme Peter l'a dit je crois, que nous avons amélioré nos indicateurs macro-économiques mais que nous n'avons pas vraiment augmenté notre productivité. Notre niveau de vie, comparativement au reste du monde occidental, au moins, a diminué. C'est un élément important.

Trefler, qui fait partie du programme de croissance économique de l'Institut canadien de recherches avancées, souligne que nos dépenses en matière de R-D à application commerciale sont très faibles. Je pense que cela remonte à l'époque où Stuart Smith faisait partie du Conseil des sciences. Cela remonte à l'époque du Conseil consultatif national des sciences et de la technologie. Le problème fondamental, c'est que nous n'avons pas créé la capacité industrielle nous permettant de faire des investissements à cette fin. Au Canada, l'adoption commerciale du nouveau savoir laisse vraiment à désirer et le taux d'adoption des nouvelles technologies est faible.

Comment pouvons-nous passer d'une économie de réplication à une économie axée sur l'innovation? Il faut modifier la structure fiscale, le régime d'imposition des entreprises. Je suis un farouche partisan de l'élimination de l'impôt sur les gains en capital pour les investissements fait dans des entreprises qui innovent réellement, et de l'augmentation de ce même impôt pour ceux qui font de l'argent en jouant avec l'argent, ce que j'appelle la roulette financière. Nos mécanismes d'incitation ne marchent pas et nos instruments directeurs n'ont pas vraiment permis de s'attaquer à ces difficultés.

Pour que le Canada devienne une entité géopolitique dans un monde fondé sur le savoir, il faut apprendre à créer une capacité nationale de regroupement. Je tiens à insister sur cet aspect. S'il vous est impossible de créer une capacité nationale de regroupement, vous n'aurez pas la main-d'oeuvre nécessaire pour favoriser une nouvelle économie fondée sur le savoir. Heureusement, cela est rendu possible grâce à la révolution dans le secteur des communications et des transports.

Permettez-moi de faire une petite digression. J'espère que quelqu'un est venu vous parler du Programme national de centres d'excellence. Ce programme a été mis sur pied dans les années 80, pour être exact.

• 0935

Ce programme visait à établir des regroupements nationaux dans les principaux domaines du savoir, et il a fonctionné. Vous avez des groupes de gens dans les universités et les laboratoires de recherche un peu partout au pays qui travaillent ensemble sur les frontières du savoir.

Toutes ces initiatives devaient déboucher sur de nouvelles entreprises. Cependant, voyez le tableau suivant qui ressemble un peu à un temple grec. Il se trouve que je préside l'un de ces conseils d'administration, donc je sais de quoi je parle. Nous n'avons rien fait pour créer l'environnement micro-économique, si je puis m'exprimer ainsi, permettant d'utiliser ce savoir et de l'appliquer à des entreprises. Notre performance à cet égard est tout simplement lamentable.

Si vous, politiciens, tenez à trouver une raison quelconque de soutenir une entité géopolitique qui s'appelle le Canada dans ce monde qui se transforme prodigieusement et que vous voulez pouvoir créer de la richesse, vous devrez mettre l'accent sur la façon de créer un environnement micro-économique permettant de transférer ce savoir dans des instruments productifs dans différentes régions du pays. Cela est possible, mais personne n'en parle et je vous recommanderais fortement d'y réfléchir.

Maintenant, dans un esprit un peu intéressé, puisqu'il se trouve que je fais partie du conseil d'administration de Ballard Power Systems, j'aimerais simplement vous raconter une petite histoire.

On peut se demander: Pourquoi le développement de la pile à combustible se fait-il au Canada? Il se trouve qu'un entrepreneur du nom de Geoffrey Ballard s'est dit qu'il pouvait en tirer quelque chose. Il a mené une piètre existence jusqu'à ce qu'un capitaliste de Ventures Ouest décide de l'appuyer. Toutefois, cela ne lui a rien valu.

L'anecdote est intéressante étant donné ce qu'a dit Stuart Smith. Le dirigeant de la société Daimler à l'époque a réalisé que les automobiles munies d'un moteur à combustion interne ne seraient pas très en vogue dans les villes européennes de l'avenir. La société avait déjà commencé à investir dans la technologie de la pile à combustible. Heureusement, Geoff Ballard avait sur elle une énorme longueur d'avance, ce qui a amené Daimler à investir dans l'entreprise de Ballard.

Avec la mondialisation que nous connaissons, cela signifie qu'il existe, ailleurs qu'au Canada, un usager potentiel de la technologie qui se servira d'un produit développé au Canada. Pour ma part, je pense que l'environnement n'a rien à craindre de ce produit et c'est extrêmement important car on pourrait en munir les autobus des villes de Mexico et de Toronto et se débarrasser de tous les effets néfastes que les mécanismes dont ils sont munis actuellement ont sur l'environnement.

Il faut en outre que les Canadiens sachent que d'autres dirigeants industriels en font autant. Le nouveau président du conseil d'administration de la société Ford, William Clay Ford Jr, a décidé de rajeunir son conseil. Il a annoncé que la société allait s'orienter vers l'écotechnologie. Bravo pour ce constructeur d'automobiles mais c'est bien ce qu'il a dit. Il a annoncé qu'il allait explorer la pile à combustible. Et qui a tapé à la porte de Ballard? Ford.

Ainsi Ford et Daimler investissent toutes les deux dans l'entreprise Ballard. Pour l'instant, elles n'en détiennent pas le contrôle mais cela est révélateur.

Cela nous amène donc à conclure que si le Canada crée des produits dans un certain domaine, les gens de l'extérieur, si l'on fait le nécessaire, s'adresseront à nous.

Je voudrais ajouter ici une note humoristique. La revue The Economist publie des articles plutôt louangeurs sur la pile mais dans un éditorial du 13 janvier du quotidien Globe and Mail, rédigé par quelqu'un qui ne connaît rien aux piles à combustible, d'après moi, on dit que ces dernières sont difficiles à réparer. C'est à se demander si cette personne a jamais vu une pile à combustible.

Combien d'entre vous en ont déjà vues? Il s'agit d'un bidule très simple, extrêmement simple. On y insère une technologie puissante. Mais si le prétendu quotidien national du Canada ne peut pas être bien renseigné alors que le reste du monde l'est, il faut croire que notre pays est aux prises avec un grave problème médiatique. Tant qu'on ne pourra pas trouver des gens qui expliquent correctement ce que les Canadiens font, sans devoir compter totalement sur les gens de l'extérieur, nous aurons beaucoup de mal à faire progresser l'économie.

Je tenais à insister là-dessus. Stuart est encore mieux placé que moi pour le savoir.

Je vais conclure mon exposé en vous présentant un petit tableau. Comme certains le savent, nous avons préparé un rapport à l'intention de M. Harris sur la petite enfance, ses effets sur l'apprentissage, le comportement et la santé au cours du cycle de vie. Je ne vais pas m'appesantir sur les détails du rapport mais nous avons tiré à part le deuxième chapitre de ce rapport qui explique l'argument économique qui sous-tend la thèse que nous défendons sur le plan de l'environnement.

Les sociétés qui parviennent à investir dans le développement de la petite enfance deviennent des sociétés où les gens savent lire et compter. Je ne vais pas vous donner tous les détails, mais nous avons expliqué à M. Harris que l'Ontario accusait un retard par rapport au reste du Canada et pour lui c'est important et révélateur.

Sur le tableau, vous voyez le cerveau humain qui est l'instrument qui nous permet de nous servir de nouvelles connaissances, et on constate que c'est dans les premières années de la vie qu'il est le plus malléable. C'est cette ligne qui marque les sommes que vous et moi dépensons dans notre société pour surmonter des handicaps ou former notre main-d'oeuvre. Rappelez-vous ce que je vous disais tout à l'heure: ce qui détermine de façon la plus marquante la santé et le bien-être, sur le plan physique et mental, c'est ce qui se passe pendant les six premières années de la vie.

• 0940

Ainsi, si le comité fait toute une série de recommandations, il faudra que cette notion en fasse partie et qu'elle soit expliquée d'une façon logique pour les Canadiens qui ne manqueront pas d'y adhérer.

Nous espérons vivement pouvoir compter sur de solides recommandations de la part du comité.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mustard.

Nous allons donner la parole aux représentants de l'Institut du développement durable, en la personne de Colin Isaacs, président de la société Contemporary Information Analysis Ltd.

M. Colin Isaacs (président, Contemporary Information Analysis Ltd., Institut pour le développement durable): Merci beaucoup, madame la présidente, et merci aux membres du comité. Je suis ravi d'être ici ce matin et d'avoir l'occasion de parler avec vous d'écoefficacité.

Je voudrais d'abord signaler que j'occupe certains postes dans le secteur du bénévolat, y compris la présidence du forum des politiques nationales de l'Association canadienne des industries de l'environnement, mais je vous parle ce matin strictement en mon nom personnel car je ne représente aucun organisme en particulier.

J'ajoute que je suis entièrement en accord avec les messages exposés par les deux témoins précédents. Je pense que vous constaterez que nous nous entendons tous plutôt bien.

Le lien entre la rentabilité environnementale et le rendement économique fait l'objet de nombreux débats depuis les travaux de la Commission mondiale de l'environnement et du développement. La commission Brundtland a publié son rapport, intitulé Notre avenir commun, en 1987. Ce rapport définissait la notion de développement durable comme tout développement qui répond aux besoins présents sans compromettre la capacité des générations à venir à répondre à leurs propres besoins. En 1989, ma compagnie, en même temps qu'un grand nombre d'entreprises de par le monde, a entrepris de concrétiser cette notion en élaborant des stratégies pratiques pour les entreprises et les pouvoirs publics.

Il existe un grand nombre de sources de renseignements qui démontrent le lien entre la rentabilité environnementale et le rendement économique. C'est sans doute un rapport de 1991 de Michael Porter qui a eu le plus d'impact pour le Canada et il est intitulé: Le Canada à la croisée des chemins: La réalité du nouvel environnement concurrentiel.

Dans ce rapport, M. Porter écrit:

    [...] des normes et des règlements sévères visant le rendement des produits et l'impact sur l'environnement peuvent créer et intensifier la position concurrentielle du Canada en poussant les entreprises à améliorer la qualité de leurs produits et de leurs procédés. En outre, des normes qui tiennent compte très tôt des nouvelles tendances internationales procurent très souvent des effets particulièrement bénéfiques. Le Canada n'a pas une expérience uniforme sur le plan de la création d'une demande plus sophistiquée répondant à l'anticipation de normes et de règlements sévères. À quelques exceptions près, les normes environnementales ont rarement été la grande préoccupation à l'échelle internationale, moyennant quoi les entreprises du secteur des pâtes et papiers doivent investir considérablement tout simplement pour se mettre à niveau.

Depuis 10 ans, on a pu constater que les incitatifs et les outils économiques produisent de meilleurs résultats que l'imposition de règlements pour améliorer la performance environnementale, mais l'essentiel du message de M. Porter—la performance environnementale aboutit à un meilleur rendement économique et cela n'a pas toujours été pratiqué au Canada—tient toujours.

On ne s'étonne pas d'entendre dire qu'une entreprise et un pays peuvent bénéficier de mesures de prévention de la pollution. Les déchets, qu'il s'agisse de déchets ménagers, de pollution atmosphérique, de pollution de l'eau ou de rejet de matériaux dangereux, représentent forcément la perte des matières premières constituant le déchet éliminé, de même que tous les intrants—l'énergie, l'eau, etc.—qui ont servi à la production du produit éliminé. En réduisant les déchets, les matières premières sont utilisées plus efficacement, la quantité d'intrants nécessaires à la fabrication du produit étant moindre.

Toutefois, la nature même de notre économie et de nos secteurs industriels est telle que la mise en oeuvre de mesures de prévention de la pollution n'est pas toujours simple et rentable aux yeux de l'entreprise, contrairement à ce que mon exemple suggère, de sorte que l'on constate l'avènement de technologies innovatrices et d'entreprises de services axés sur le savoir dont la vocation est d'aider les entreprises et les pouvoirs publics à relever le défi que représente la prévention de la pollution.

Aujourd'hui, l'industrie de l'environnement joue un rôle de premier plan dans la création d'emplois et de richesse. Cette industrie aide les autres industries à atteindre leurs objectifs économiques et environnementaux et apporte une contribution appréciable à la productivité canadienne. C'est aussi indéniablement un des secteurs les plus importants de notre économie pour amener l'ensemble du pays à respecter les obligations du Canada découlant des accords internationaux comme le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, Action 21 et, plus récemment, l'accord de Kyoto.

• 0945

Aujourd'hui, l'industrie de l'environnement au Canada compte plus de 5 000 entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse les 19 milliards de dollars, soit 2,2 p. 100 du PIB. Le secteur compte environ 220 000 employés, ce qui le place au troisième rang pour l'emploi derrière les secteurs des pâtes et papiers et chimique. C'est une industrie à fort coefficient de savoir et de technologie. Cinquante pour cent de la main-d'oeuvre a un diplôme universitaire ou collégial. Les entreprises environnementales sont implantées dans toutes les régions du pays et leurs exportations s'élèvent à plus d'un milliard de dollars.

Bon nombre des entreprises environnementales canadiennes ajoutent de la valeur à l'ensemble de la société en créant des emplois et en contribuant à la croissance économique aux niveaux local, régional et provincial; en protégeant et en améliorant les écosystèmes locaux et en empêchant leur dégradation; et en améliorant la qualité de vie des Canadiens en réduisant la quantité de polluants nocifs susceptibles de nuire à la santé.

Toutefois, ceux parmi nous qui travaillent dans le domaine du développement durable et de la gestion environnementale au Canada et sur la scène internationale savent parfaitement que le Canada n'est pas un chef de file dans ce domaine. Cela a peut-être déjà eu une incidence sur notre compétitivité auprès des consommateurs sensibles aux questions environnementales, notamment ceux de nombreux pays européens, et cette incidence ira grandissante à l'avenir.

Au fur et à mesure que le dollar canadien s'apprécie face au dollar américain, il faudra que l'économie canadienne puisse réduire ses coûts en misant sur l'écoefficacité. Si nous ne privilégions pas de façon déterminée les initiatives d'écoefficacité, comme d'autres le font déjà, et notamment les mesures d'efficacité énergétique, de réduction du gaspillage et de prévention de la pollution, alors il est à prévoir que nos produits deviendront de moins en moins compétitifs, même sur notre plus important marché. Les entreprises américaines mettent déjà en oeuvre des initiatives d'écoefficacité beaucoup plus rapidement que ne le font les entreprises canadiennes.

L'une des mesures de l'écoefficacité est la mise en place dans le secteur privé de systèmes de gestion environnementale pour lesquels la norme internationale est connue sous la désignation ISO 14001. En date d'août 1999, le Canada se classait au 22e rang dans le monde pour le nombre total d'entreprises ayant obtenu la certification ISO 14001—loin derrière le Japon avec 2 338 certifications, l'Allemagne avec 1 400, le Royaume-Uni avec 1 009; et les États-Unis qui en comptent 480. D'après les sources que j'ai consultées, le Canada n'avait, en août 1999, que 100 entreprises ayant obtenu la certification ISO 14001.

Quand ce nombre est exprimé par unité du PIB, notre rang est encore moins enviable. Nous arrivons 34e dans le monde pour le nombre de certifications ISO 14001 par unité de PIB, derrière tous nos principaux concurrents et derrière des pays tels que la Corée, la Thaïlande, le Brésil et le Mexique.

Certains diront que cette mauvaise note n'est pas méritée car de nombreuses entreprises ont mis en place des systèmes de gestion environnementale mais n'ont pas demandé la certification ISO 14001. Si c'est vrai dans une certaine mesure, notre performance à cet égard est si mauvaise que même si nous avions le double des entreprises certifiées ISO 14001, nous ne remonterions que de quelques places dans le classement. Pour devenir leader mondial en gestion environnementale, améliorer l'efficacité environnementale et en retirer les avantages économiques qui en résultent, au moins six fois plus d'entreprises doivent adopter les systèmes de gestion environnementale de qualité ISO 14001 ou l'équivalent.

Je me permets d'ajouter qu'un représentant du Conseil canadien des normes m'a dit hier que plusieurs milliers d'entreprises américaines auront, d'ici deux ans, mis en place des systèmes de gestion environnementale de qualité ISO 14001. Il n'existe aucune liste semblable pour les entreprises canadiennes.

Nous devons manifestement nous demander pourquoi les entreprises canadiennes prennent du retard en matière de performance environnementale comparativement aux entreprises des autres pays si cela constitue une saine stratégie économique. L'expérience m'a enseigné qu'il y a à cela plusieurs raisons.

Au Canada, on a peu encouragé les entreprises à améliorer leur performance sur le plan environnemental. Il n'est pas nécessaire que les incitatifs soient financiers: ils pourraient prendre la forme d'initiatives destinées à améliorer l'accès aux marchés publics des sociétés ayant obtenu la certification ISO 14001, de mentions dans les discours de ministres, de prix prestigieux, etc.

• 0950

Aux États-Unis, les principaux dirigeants politiques expliquent depuis plusieurs années les mérites du développement durable et des stratégies de prévention de la pollution. On peut constater que cela a eu pour effet d'amener les sociétés à accorder davantage d'importance à la performance environnementale comparativement à ce que nous constatons au Canada pour la période la plus récente. On pourrait en dire autant de l'Europe de l'Ouest.

Deuxièmement, les chefs d'entreprise au Canada attendent toujours du gouvernement qu'il impose une réglementation directe et ils attendent qu'il leur dise à quelles exigences environnementales ils doivent se plier. Bien que le Canada semble vouloir abandonner la réglementation directe, le fait est que tout avance très lentement et que les entreprises ont été échaudées dans le passé quand elles ont adopté des mesures volontaires dont elles n'ont pas eu le crédit, le gouvernement ayant par la suite mis en place des exigences obligatoires. Dans une grande mesure, cela s'est produit au niveau provincial, mais peu de chefs d'entreprise font la distinction entre les régimes réglementaires fédéral et provinciaux.

Troisièmement, la plupart des écoles de commerce n'offrent toujours pas de cours sur le développement durable et peu de chefs d'entreprise ont compris que c'est une occasion d'affaires à saisir. En outre, peu d'établissements financiers notent bien une bonne performance environnementale, même si la tendance commence à changer, particulièrement sur les marchés financiers américains et européens. Certains parmi vous connaissent peut-être bien l'indice de durabilité Dow Jones créé récemment.

Enfin, au Canada, les associations de l'industrie ont cherché à contrôler et à limiter l'action environnementale dans leur secteur beaucoup plus qu'aux États-Unis et en Europe de l'ouest. Dans ces pays, le rendement environnemental est un élément de la concurrence intérieure depuis au moins 10 ans, les grandes sociétés s'étant habituées à une concurrence axée sur le haut rendement environnemental et l'écoefficacité. Les pays en développement et les économies en transition ont plus de leçons à tirer de l'expérience européenne que de l'expérience canadienne.

En conclusion, j'aimerais formuler quatre recommandations pour la gouverne du comité. Premièrement, que le gouvernement du Canada mette en place un régime environnemental qui reconnaisse et encourage le leadership environnemental et l'action volontaire par les sociétés; deuxièmement, que le gouvernement du Canada encourage l'adoption par l'industrie canadienne de systèmes de gestion environnementale de pointe comme le font les organismes publics en Europe et aux États-Unis; troisièmement, que le gouvernement du Canada adopte un programme de marchés publics écologiques qui donne l'avantage aux fournisseurs qui font preuve d'un grand sens de la responsabilité environnementale, tous les autres facteurs étant égaux par ailleurs; et enfin, que les programmes et les stratégies de développement économique et industriel, axés sur le marché intérieur ou les marchés d'exportation, donnent la priorité aux sociétés et aux organisations qui peuvent montrer qu'elles ont adopté les normes les plus rigoureuses de performance environnementale.

Merci.

La présidente: Merci, monsieur Isaacs.

Je vais maintenant demander à M. Penson d'ouvrir la période des questions.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je remercie les membres de la table ronde qui nous ont fait ce matin des exposés très intéressants.

J'aimerais faire un commentaire auquel j'aimerais entendre votre réaction même si vous pensez que je n'y suis pas du tout.

Vous êtes plusieurs à avoir parlé de la transition entre l'économie essentiellement primaire à une économie axée davantage sur le savoir et les services au Canada, aux États-Unis et au sein de l'Union européenne notamment. Or, je me demande s'il ne s'agit tout simplement pas d'une économie arrivée à maturité. Comme de nombreux autres pays du monde, nous continuons d'être dépendants des ressources naturelles même si c'est de plus en plus une caractéristique des pays du tiers monde ou des pays en développement. Nous continuons d'avoir besoin de ces ressources naturelles mais le Canada et d'autres pays semblables profitent de la maturité de l'économie pour mettre davantage l'accent sur le secteur des services. Toutefois, notre économie ne s'est pas transformée du tout au tout. Voilà ma première question.

C'est M. Mustard, je crois, qui nous a dit que les entreprises canadiennes ont un très faible taux d'adoption des nouvelles technologies. Ma deuxième question est la suivante: À votre avis, dans quelle mesure la politique publique explique-t-elle ce phénomène? Et cela m'amène à une question connexe: Que peut faire le gouvernement? J'ai noté que Pierre Fortin a relevé le manque de productivité, l'écart entre le Canada et les États-Unis, la nécessité de réduire l'impôt au Canada et de rembourser la dette nationale, par exemple. Je vous demande alors: Jusqu'où le gouvernement peut-il aller pour régler ces problèmes?

• 0955

La présidente: Qui veut commencer? Monsieur Smith.

Dr Stuart Smith: Je veux bien. Il va sans dire que le secteur des ressources naturelles continuera d'exister partout dans le monde. Le Canada y trouverait certainement son intérêt s'il devenait expert dans la prestation de services à ce secteur, où qu'il soit. Nous avons déjà des entreprises qui le font extrêmement bien en utilisant les plus récentes technologies que vous connaissez certainement très bien.

Cela dit, il existera toujours dans le monde une demande pour la main-d'oeuvre bon marché. La question est de savoir si le Canada veut devenir celui qui tentera de répondre à cette demande-là. Le véritable problème tient au fait que le prix réel qu'on pourra obtenir pour les ressources, en termes relatifs, continuera de baisser. C'est une tendance lourde. En ce sens-là, nous continuerons toujours d'exploiter nos ressources naturelles, mais nous devons réduire notre dépendance.

Le monde continue de penser que notre dollar est un dollar-denrées, comme vous le savez, et tant que le Canada n'aura pas adopté délibérément une politique volontariste et révolutionnaire pour diversifier son économie, la tendance continuera d'être orientée à la baisse. À l'époque, nous occupions déjà le deuxième rang pour le revenu par habitant et où en sommes-nous maintenant? Je suis certain que Peter a ces chiffres, mais nous perdons constamment du terrain et rien ne permet de croire que la tendance s'inversera.

Il ne fait aucun doute que nous sommes des experts en exploitation des ressources et nous pouvons très certainement utiliser les technologies de pointe pour aider ce secteur, où qu'il se trouve. Il ne sera pas nécessairement toujours au Soudan, mais c'est là une autre question.

Votre autre question portait sur le taux d'adoption des nouvelles technologies. Ce n'est pas facile d'y répondre. Je pense que Fraser Mustard est mieux placé que moi pour y répondre car son institut a fait des études très poussées là-dessus.

Je me contenterai donc de dire qu'il faut modifier en profondeur notre régime fiscal. C'est Stuart Smith qui vous le dit et pas tous les membres de la table ronde. Il faut modifier en profondeur le régime fiscal pour encourager les gens à adopter chaque fois que c'est possible les technologies de pointe.

Je vais maintenant céder la parole à Fraser ou à Peter.

M. Charlie Penson: Puis-je d'abord vous demander, monsieur Smith, si cela touche en partie à la confiance de ceux qui pourraient investir au Canada? Quand vous parlez de fiscalité et de politique fiscale, nous dites-vous que cela détermine la confiance des investisseurs?

Dr Stuart Smith: Je ne sais pas si les gens croient que c'est un grave problème, mais à mon sens, c'est un énorme problème. Je ne veux pas être un rabat-joie, pas du tout. Je crois au Canada et je crois à l'ingéniosité des Canadiens et à notre capacité de soutenir la concurrence de quiconque si nous le voulons. Toutefois, je sais qu'un changement dramatique de régime fiscal a entraîné un important retournement de la situation en Irlande. Ce n'est pas le seul facteur qui ait changé en Irlande, mais je dis que c'était un facteur important.

Je suis convaincu qu'il faut de profonds changements particulièrement pour convaincre les gens d'investir dans des entreprises plus risquées sans être pénalisés par le régime fiscal. Je sais que Fraser et Peter, et d'autres aussi, voudront dire quelques mots à ce sujet.

M. Fraser Mustard: J'aimerais moi aussi répondre à la première question. La race humaine assiste à une extraordinaire explosion du savoir dans les domaines scientifiques et comme toujours, cela soulève la question de savoir à quoi servira ce savoir.

Dans les sciences biologiques, dont j'ai parlé dans le contexte des réseaux de centres d'excellence, l'un d'eux s'intéresse à la structure et à la fonction des protéines... Votre réflexe sera peut-être de penser que c'est bon à manger, que les acides aminés font fonctionner l'organisme, mais en fait cette recherche a d'importantes retombées pour la conception des puces car ces produits biologiques infléchiront la conception des puces de l'avenir. C'est un autre secteur de recherche sur les matériaux qui ne ressemblera guère aux gisements de minerai que nous avons connus, vous et moi.

Ou encore, les membranes en polymère des cellules à carburant seront construites à partir d'ingrédients dont la source ne sera plus le secteur primaire et, puisque ces technologies seront axées sur le savoir, elles seront d'autant plus précieuses pour la société. C'est quand on aborde la question sous cet angle que l'on mesure bien toute l'importance de l'adoption des connaissances nouvelles.

• 1000

J'ai eu du mal avec le premier programme de l'Institut sur l'intelligence artificielle et la robotique. Stuart Smith sait de quoi je veux parler. Nous savions que, quand les puces prendraient le relais des fonctions neurologiques, cela favoriserait une automatisation plus généralisée dans la société, comme c'est le cas de l'avion A-320 dans lequel je suis venu ce matin. À toutes fins utiles, les pilotes ne sont pas nécessaires si l'avion est bien programmé. Il pourrait décoller et atterrir seul. Je n'aurais pas confiance, mais l'avion peut le faire. Il y a aussi le phénomène des automates bancaires.

Nous avons cru que la révolution se ferait sentir plus qu'ailleurs dans les industries primaires. Inco a mis beaucoup trop de temps à automatiser ses opérations minières—je connais l'histoire de cette société—car il n'avait pas à l'interne la capacité structurelle voulue.

Les industries primaires adoptent les nouvelles connaissances, mais elles ont énormément de mal à le faire. Elles n'y sont pas prédisposées comme les Ballard dont le concurrent Toyota investit 800 millions de dollars par année dans ses cellules à carburant. Nous n'avons pas ce genre de budget. Si nous ne sommes pas à l'affût du savoir, nous serons évincés par Toyota. Comme l'a dit M. Porter, la compétitivité est un facteur clé.

J'aimerais revenir à ce que disait Colin. Pourquoi le monde se laisse-t-il emballer par les cellules à carburant? L'État de la Californie a adopté un règlement interdisant les émissions d'automobiles. Trente millions de Californiens ont pris cette décision. C'est assez intéressant. C'est ce qui a motivé les entreprises. En outre, les gens futés comprennent les règles des marchés publics. Nos trois premiers autobus ont été achetés avec l'argent des contribuables américains pour l'administration des transports de Chicago et ces véhicules sont alimentés à l'hydrogène. Nous ne savons pas utiliser les marchés publics.

Permettez-moi de vous raconter une anecdote. Quand Ballard a annoncé qu'elle allait construire une importante usine de fabrication de moteurs, aucune province canadienne n'a téléphoné pour dire: «Pourquoi ne pas vous implanter ici?» Nous avons reçu des appels des États-Unis. Pourquoi Mike Harris n'a-t-il pas eu le courage de téléphoner et de dire: «Nous allons acheter pour Toronto 200 autobus à cellules électro-chimiques si vous construisez votre usine à Windsor?» Comment ne pas se demander alors pourquoi nous n'adoptons pas une politique sur les marchés publics qui soit avantageuse pour notre propre société?

L'adoption du savoir est fonction de la capacité du système. Dans une économie où l'on se contente, malgré les risques, d'accueillir des succursales, l'adoption des nouveaux savoirs se fera au siège social des sociétés. La façon de voir les choses est importante. Combien de dirigeants d'entreprises, membres du CCCE, dirigent effectivement des organisations transnationales plutôt qu'une simple succursale d'une organisation transnationale?

La présidente: Merci, monsieur Mustard.

Monsieur Drake.

M. Peter Drake: J'aimerais aborder très brièvement le deuxième volet de la question qui touchait de façon plus générale l'influence de la politique publique sur la productivité.

Le premier élément à retenir est que la productivité—d'autres l'ont déjà dit ici—est une notion très difficile à expliquer, même si on veut opposer la productivité du travail à la productivité plurifactorielle. Nous parlons de productivité du travail parce que nous pensons que plus de gens connaissent cette notion. Or, le fait est—et ces deux témoins ont raison—particulièrement lorsque l'on parle d'environnement, que la productivité plurifactorielle est très importante. Je vais faire ce que recommande M. Mustard et distribuer davantage de documents de TD Economics.

L'une des difficultés pratiques auxquelles se heurte le gouvernement, mise à part l'initiative bien précise suggérée par M. Mustard, c'est que la productivité est une notion très variable. Beaucoup de facteurs agissent sur la productivité, dont la politique réglementaire, la politique fiscale et la scolarité. Le travail qu'a fait M. Mustard sur le développement de la petite enfance a un lien très direct avec la productivité.

Je pense qu'il serait très difficile qu'un gouvernement puisse imaginer une initiative unique capable d'accroître la productivité. Rien n'empêche d'adopter des initiatives précises dans divers secteurs, mais trop de facteurs jouent pour que l'on adopte une politique unique. Il n'y a pas qu'un seul ordre de gouvernement qui puisse agir sur les différents facteurs. Ainsi, même si la tâche est ardue, si les gouvernements souhaitent réellement contribuer à accroître la productivité, ce qu'ils devraient faire, alors il faudra qu'ils prennent des mesures dans beaucoup de domaines. Je pense que la tâche est difficile pour les gouvernements, mais elle est aussi très importante.

La présidente: Monsieur Isaacs, vouliez-vous ajouter autre chose?

M. Colin Isaacs: Pas pour l'instant. Merci.

La présidente: Ce sera votre dernière question, monsieur Penson.

M. Charlie Penson: J'aimerais poser une courte question complémentaire.

Je songeais plus particulièrement à l'écart de productivité enregistré entre le Canada et les États-Unis depuis six ans. L'industrie américaine a-t-elle décidé d'elle-même de faire les investissements voulus? Est-ce la politique du gouvernement qui fait la différence? C'est ce que je voulais élucider.

• 1005

M. Peter Drake: C'est un peu des deux. Il existe au départ aux États-Unis, une structure industrielle favorable au développement des nouvelles technologies et les politiques publiques ont certainement une influence. Encore une fois, il n'existe pas de réponse simple. C'est une combinaison de tous ces facteurs. Si la politique du gouvernement est favorable, alors on peut attendre de l'industrie une réponse plus positive.

M. Fraser Mustard: J'aimerais ajouter à cela.

J'ai demandé pourquoi nous ne tirons pas des leçons de notre expérience. J'ai dit que vous devriez, dans un premier temps, examiner les réseaux de centres d'excellence dans les sciences biologiques et, dans un deuxième temps, le sort qu'Industrie Canada réserve à ces programmes pour l'avenir.

D'abord, vous avez mis en place une infrastructure de réseau parsemée sur tout le territoire. Porter dit que vous devriez avoir des grappes pour obtenir les meilleurs résultats. Pour la recherche, ça va assez bien. Or, nous n'avons pas de grappes industrielles capables de commercialiser les résultats de la recherche. Colin a mis dans le mille quand il a parlé des écoles de commerce.

En partant d'ici, je me rends à la réunion du conseil du Réseau de centres d'excellence en génie protéique et je dois expliquer aux participants pourquoi je crois que nous décevrons les attentes d'Industrie Canada qui croyait que les retombées de ce réseau attirerait suffisamment de clients pour réussir à financer durablement ce réseau de recherche. Aux États-Unis, personne n'imaginerait pareille chose. Les National Institutes of Health sont financés par le gouvernement américain dans le cadre d'un programme d'infrastructure de soutien au secteur des sciences biologiques.

Je n'arrive pas à comprendre qu'on ait pu proposer une telle politique dans un pays comme le nôtre où l'industrie des sciences biologiques est très limitée. C'est parfaitement stupide. Nous allons tenter de faire comprendre cela au gouvernement, mais il n'existe pas un environnement microéconomique, pour ainsi dire, nécessaire à la réussite dans un monde axé sur le savoir et particulièrement dans un pays où les ressources sont clairsemées et j'insiste sur ce point. Le réseau est présent dans tout le Canada, dans les petites et grandes collectivités—du moins si vous considérez que Saskatoon est une petite collectivité—et cela fonctionne, mais la capacité d'exploiter ce savoir pour créer des entreprises embryonnaires que pourraient soutenir les bailleurs de capital à risque, fait défaut.

La présidente: Monsieur Smith, souhaitez-vous ajouter quelque chose?

Dr Stuart Smith: Oui, très brièvement.

Les États-Unis ont sur nous un énorme avantage. Nous sommes comme le fils de riche que l'on prend en pitié. Nous avions accès à tant de ressources faciles à exploiter que nous n'avons pas eu à nous convertir à l'économie axée sur le savoir. La Suède a dû passer du bois aux scies car son bois n'était pas d'assez bonne qualité. Elle a dû passer du minerai de fer à l'acier inoxydable parce que son minerai de fer n'était pas d'assez bonne qualité. Nos ressources ont été de bonne qualité. Les États-Unis ont su profiter d'un programme militaire qui leur a permis de mettre au point tous les genres de technologie imaginables. Ils ont de nombreuses concentrations de population et de nombreuses grappes d'universités au milieu de ces concentrations de population. Nous en avons très peu.

La seule façon pour nous d'être concurrentiel et de faire les bons choix de secteurs d'activités, c'est de revoir du tout au tout nos politiques macroéconomiques afin d'encourager les gens à investir dans de nouvelles entreprises, dans de nouvelles technologies, et à créer de nouvelles grappes comme celles qui existent ici à Kanata. Les possibilités sont très limitées. Ce serait possible à quelques endroits dont Calgary, Vancouver et Toronto. Peu de centres sont en mesure de créer de telles grappes, mais nous devons changer du tout au tout nos façons de faire et si nous y parvenons, le monde entier le remarquera. Nous ne pouvons pas continuer de faire ce que nous faisons maintenant.

La présidente: Monsieur Murray, s'il vous plaît.

Merci, monsieur Penson.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.

Messieurs, l'un des grands privilèges que j'ai comme député, c'est d'avoir accès à des gens comme vous. Chacun de vous pourrait parler à guichets fermés à un déjeuner du Canadian Club et c'est bien qu'un petit groupe comme le nôtre ait cette occasion de parler avec vous.

J'ai de la difficulté à formuler une question. J'aimerais revenir à l'idée que gouverner, c'est l'art du possible. Si on reste député assez longtemps, on en vient à trouver de plus en plus attrayante l'idée d'une dictature bienveillante.

Depuis le début de la discussion, quelques arguments m'ont tout particulièrement frappé et notamment l'idée selon laquelle la santé et le bien-être d'une personne dépendent de l'endroit où elle naît et de la santé de l'économie. Par exemple, je pense aux mineurs de l'île du Cap-Breton et aux efforts déployés par les gouvernements au fil des ans pour assurer la survie de cette industrie. Or, certains diraient que ce n'est pas un milieu de travail très sain et qu'il aurait été préférable de ne pas les encourager à travailler dans les mines. À Sudbury, quand les réserves de nickel s'épuiseront, les habitants de la ville se tourneront vers le gouvernement.

• 1010

Monsieur Mustard, vous savez que notre collègue John Godfrey ne cesse de dire que nous devrions investir davantage dans la petite enfance. Les électeurs qui téléphonent à mon bureau semblent craindre que le gouvernement ne décide à leur place comment élever leurs enfants. Ils réclament plutôt que l'on donne davantage d'argent aux parents pour qu'ils s'occupent eux-mêmes de leurs enfants. Ils ne veulent pas d'ingérence de l'État.

Je sais que vous diriez que nous ne comprenons pas de quoi il s'agit et que nous n'arrivons pas à bien expliquer de quoi il s'agit, mais j'ai toujours eu du mal à voir comment on peut gérer l'environnement microéconomique. Avant de me lancer en politique, je travaillais chez Northern Telecom. Au début des années 90, j'étais conscient de l'exode des cerveaux puisque je voyais beaucoup de collègues partir vers les États-Unis en disant ne pas vouloir revenir. Ils me disaient qu'ils devaient partir pour assurer à leurs familles une meilleure qualité de vie grâce à des revenus plus élevés.

J'ai donc une question qui me revient sans cesse à l'esprit: comment le gouvernement peut-il faire de la micro-gestion sans pour autant accorder un privilège à un groupe social au détriment d'un autre? Si nous acceptons le postulat selon lequel la société dans son ensemble se trouvera améliorée du fait que le gouvernement aura financé toutes ces mesures que vous avez tous proposées, comment le gouvernement doit-il réagir aux demandes de ceux qui exigent qu'il fasse office de filet de sécurité pour les mines de charbon du Cap-Breton ou, par exemple, pour le cas où il n'y aurait plus de nickel à exploiter à Sudbury?

La question est loin d'être claire, j'en suis bien conscient, mais c'est avec cela qu'il faut composer quand on gouverne: les demandes d'aide fusent de toutes parts et le gouvernement a du mal à réaliser ces gains de productivité. Je lance cela comme sujet de réflexion pour savoir ce que vous en pensez.

La présidente: Monsieur Mustard.

M. Fraser Mustard: J'essaierai de répondre. Votre question est assez générique. Elle revient à ce que disait Stewart Smith au sujet du passage d'un monde axé sur les ressources à un nouveau monde planétaire où ce sont les idées qui sont à l'origine du développement. Que doit être le rôle du gouvernement? Eh bien, les citoyens qui élisent un gouvernement s'attendent à ce qu'il fasse preuve de bon sens et de jugement dans les politiques et les règlements qu'il imposera à la société et qui auront une incidence sur les structures économiques et sociales.

Les économies de marché qui ne comportent aucun élément de responsabilité sociale sont très dangereuses, car c'est finalement la société dans laquelle on vit et on travaille qui est aux commandes de tous les leviers, de sorte qu'on est en présence d'un équilibre subtil. Mes collègues du milieu économique, des gens comme Amartya Sen, qui a reçu le Prix Nobel l'an dernier, signalent que la science économique doit s'intéresser de plus près aux structures sociales. Il ne faut pas conclure pour autant que toutes les activités de la société exigent un filet de sécurité, mais il faut commencer à réfléchir à l'importance de l'aspect social.

Pour des vieux comme moi, il n'y a peut-être pas grand chose à faire, mais pour la nouvelle génération, il y a bien des choses que vous pourriez faire, car l'infrastructure scolaire devient alors excessivement importante pour la société—et j'entends par là qu'il faut lui assurer un bon enseignement, et ce, à tous les stades de sa vie, y compris pendant la petite enfance. Soit dit en passant, vous n'avez qu'à lire le rapport adressé à M. Harris pour comprendre que son gouvernement n'assume pas la responsabilité du développement des enfants; il veut plutôt mettre en place l'infrastructure nécessaire pour permettre aux familles de jouer ce rôle, et c'est là une considération très importante, parce que cela revient à votre argument. Il y a une espèce de politique gouvernementale subtile à laquelle il faut réfléchir.

Si nous montons maintenant d'un cran, que doit faire Sudbury pour assurer son avenir? Eh bien, Sudbury possède des atouts intéressants. On y trouve des technologies minières informatisées qui sont assez sophistiquées que l'on pourrait rendre écologiquement viables pour ensuite les exporter aux quatre coins du globe, comme le disait Colin. C'est là un nouveau secteur d'activités pour Sudbury, qui pourrait survivre même si le gisement de minerai disparaissait. Ce secteur a mis au point des systèmes de détection de pointe qui sont utilisés dans divers pays du monde à des fins notamment de prospection.

Ce sont là autant de développements axés sur le savoir, et les plus astucieux s'assurent que ces développements se font chez eux en faisant tout ce qu'ils peuvent pour les y attirer. Comme l'a indiqué Colin, on peut notamment recourir à des stratégies de marchés publics pour favoriser certains de ces développements, comme le fait le secteur de la défense aux États-Unis. Le nouveau monde axé sur le savoir a cet avantage énorme que les gens n'ont pas besoin d'être tous au même endroit. Il est possible de créer des grappes électroniques, et nous avons un urgent besoin de ces grappes chez nous car elles remplaceraient avantageusement le réseau des chemins de fer. Sinon, notre entité géopolitique risque de se démanteler. On peut faire toutes ces choses-là, on peut échanger le savoir et on peut favoriser les développements.

• 1015

Si vous y réfléchissez dans cette optique, dans l'optique qui doit être la vôtre en tant qu'élus, si vous vous interrogez sur l'incidence possible de la révolution sur le maintien de l'entité géopolitique que constitue notre pays, et si vous commencez à vous poser ces questions, vous commencerez à voir quelles sont certaines des possibilités qui s'offrent à vous.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Drake.

M. Peter Drake: Quelques petites observations seulement. D'abord, vous demandez ni plus ni moins comment le gouvernement peut contribuer au changement. La réponse est simple à mon avis: il le fait avec beaucoup de difficulté et avec beaucoup de patience. Les erreurs que font parfois les gouvernements nous amènent à supposer que toute la responsabilité appartient au gouvernement. Or, il est clair qu'il doit y avoir interaction. Des séances comme celles-ci sont d'ailleurs très utiles. D'une certaine façon, les gouvernements doivent à la fois donner le ton et emboîter le pas.

Une des choses que peuvent faire les gouvernements—et cela peut paraître anodin dans le contexte des notions importantes dont nous discutons ici aujourd'hui—c'est de continuer à faire ce qu'ils font. Ce qui est arrivé dans les années 90, c'est que les gouvernements devaient faire quelque chose pour remettre de l'ordre dans les finances publiques. Je crois qu'il sera maintenant un peu plus facile de gérer le changement, parce que les électeurs ont l'impression que les deux paliers de gouvernement sont en assez bonne posture financière et que leurs niveaux d'imposition sont raisonnables. Les gens raisonnables accepteront, je crois, de payer des impôts raisonnables, et je crois que c'est à cela que nous sommes en train de revenir. Cela aidera, mais il faudra aussi beaucoup d'interaction et de discussions.

Il a aussi été question des mines du Cap-Breton. La plupart des gens n'aiment pas le changement, et cela ne changera jamais. Le mieux n'est pas toujours de donner aux gens ce qu'ils pensent vouloir. Il est très facile à quelqu'un qui n'est pas au gouvernement de dire que le gouvernement devrait avoir le courage de la situation. Je le sais bien, mais il est important de se rappeler cela.

La présidente: Monsieur Isaacs.

M. Colin Isaacs: Très brièvement, je suis certainement d'accord avec M. Mustard et M. Drake là-dessus. Je le répète, l'idée du développement durable nous est très utile pour ce qui est de découvrir des débouchés et des possibilités d'emploi pour les Canadiens.

Il y a deux ans environ, mon entreprise a effectué une étude pour le compte de la Commission de la reprise économique de Terre-Neuve; nous devions chercher de nouveaux débouchés qui feraient appel à une performance environnementale accrue, qui tiendrait compte des possibilités économiques et qui répondrait aux besoins de la société. Je vous en présente très rapidement deux exemples.

La pêche au crabe est toujours en très bonne santé à Terre-Neuve. On y pêche le crabe, on le nettoie, on le surgèle et on l'expédie au Japon. Nous avons trouvé un créneau qui nous permettrait de travailler avec une grande entreprise alimentaire pour assurer la transformation de ce crabe à Terre-Neuve, pour en faire un produit ayant une plus grande valeur ajoutée—autrement dit, pour en faire des produits gastronomiques qui pourraient être vendus dans les épiceries fines du Canada et des États-Unis—de manière qu'il y ait ainsi plus d'emplois à Terre-Neuve qu'il n'y en aurait eu si la ressource avait simplement été exportée à l'étranger.

Je vous cite un autre exemple: Terre-Neuve a un secteur maraîcher assez actif, où l'on cultive des légumes comme le chou et le navet. À cause des conditions climatiques, il est possible de cultiver ces légumes sans pesticides. Il n'est pas nécessaire de recourir à des pesticides là-bas. À l'heure actuelle, ces légumes biologiques se vendent sur les marchés de Terre-Neuve au même prix que les légumes cultivés selon les méthodes habituelles. En exportant ces légumes de Terre-Neuve aux marchés d'aliments biologiques du nord-est des États-Unis et à la région Toronto-Ottawa, on ajouterait considérablement à leur valeur économique et on créerait ainsi des débouchés pour les agriculteurs terre-neuviens.

C'est précisément ce que nous faisons au Brésil et dans d'autres pays. Le développement durable offre des possibilités de croissance économique énormes. À mon avis, le rôle du gouvernement consiste, non pas à investir dans ces entreprises, mais à aider à découvrir les possibilités et à encourager les investisseurs du secteur privé à y investir.

Je pourrais vous donner encore bien des exemples de débouchés semblables qui existent vraiment. La clé est de prévoir et de prévenir les effets désastreux du passage à une économie plus durable. Certaines industries seront bien sûr appelées à disparaître, mais il y a suffisamment de travail à faire, suffisamment de débouchés pour maintenir un niveau d'emploi très élevé au Canada si tous nos gouvernements font preuve de ce genre de leadership et qu'ils cherchent ainsi à découvrir les possibilités qui s'offrent à nous.

La présidente: Merci.

Monsieur Smith, avez-vous quelque chose à ajouter à cela?

Dr Stuart Smith: J'en aurais beaucoup à ajouter, mais comme le temps file, je m'abstiendrai.

La présidente: Très bien. Je vous remercie.

Monsieur Jones.

• 1020

M. Jim Jones (Markham, PC): Je voudrais revenir au cas d'Inco que vous avez évoqué. Pourquoi a-t-il fallu tellement de temps à la direction de la société pour passer à une technologie plus moderne? Est-ce aussi le cas dans bien d'autres industries?

M. Fraser Mustard: C'est moi qui ait évoqué le cas d'Inco.

Invariablement, les institutions, les gouvernements y compris, sont influencés par ceux qui se trouvent à leur tête, et ceux qui se trouvent à leur tête sont influencés par les circonstances dans lesquelles ils se trouvent. Quand la situation est stable et qu'il n'y a pas trop de changement au gouvernement, la composition des partis politiques s'en ressent. Si, toutefois, on est aux prises avec des changements complexes, comme vous le savez tous, la structure des partis politiques va changer. Ainsi, nous maintenions un niveau de dépenses très élevé, comme vous le savez, mais sans pouvoir compter sur les richesses qui nous auraient permis de relever les impôts à un niveau suffisant pour continuer à dépenser ainsi, si bien que nous avons fini par devoir serrer les dents et réduire les dépenses publiques.

Il en va de même des entreprises, ce qui nous ramène à ce que disait Colin au sujet du livre de M. Porter et aux propos de Stuart Smith qui parlait de l'époque où le Conseil des sciences du Canada existait toujours. Les dirigeants passent à l'action quand les forces de la concurrence sont réunies de manière à les obliger à agir. On a des chances de s'en sortir si on a un bon conseil—si vous me permettez de m'exprimer ainsi—qui est sensible au changement et est prêt, au besoin, à opérer un changement au niveau de la direction.

Je songe, par exemple, à ce à quoi pensait le nouveau président du conseil d'administration de Ford quand il a dit à la direction de l'entreprise que les piles à combustible étaient la voie de l'avenir—il devait composer avec des administrateurs assez conservateurs. Il se disait, je crois, que Ford ne pourrait plus miser sur la fabrication de véhicules automobiles dans 20 ans. Je crois qu'il veut transformer l'entreprise en société énergétique, car il sait que les piles à combustible sont une source d'énergie fixe et mobile et qu'elles peuvent aussi servir dans le domaine du transport. Il est conscient de cela.

L'organisation qui ne peut pas compter sur ce genre de leadership se trouve à la remorque des autres. Créer une culture favorable—et les gouvernements ont un rôle important à jouer à cet égard—c'est réussir à réunir les incitations nécessaires pour conserver ce genre de leadership dynamique au sein de la société. On ne crée pas le leadership, mais on peut certainement créer les infrastructures qui lui permettront de s'exercer et qui le fidéliseront.

Je pense à nos institutions financières. Je ne suis pas très au courant de ce qu'elles font, mais je parie qu'elles se démènent pour s'assurer que leur leadership est capable d'adapter son rôle à la nouvelle économie. Il faudrait peut-être pour cela que les banques soient autorisées à fusionner, mais je ne le sais pas. Je me souviens qu'on leur a refusé cette autorisation.

M. Jim Jones: Voilà le genre de discussion qu'il nous faut avoir.

La présidente: Monsieur Jones, M. Smith aurait quelque chose à ajouter.

Dr Stuart Smith: Je veux bien écouter ce que M. Jones a à dire. J'avais une réponse à lui faire au sujet d'Inco, mais...

M. Jim Jones: J'aurais simplement une observation à faire, après quoi vous pourrez répondre à la question.

Je me disais que, s'il n'y avait pas cette volonté de moderniser le plan d'action, c'est peut-être qu'il n'y avait tout simplement pas d'incitatifs sur le plan fiscal, de déductions pour amortissement, etc., comparativement à la politique fiscale des Américains.

Dr Stuart Smith: Voilà qui est une bonne entrée en matière.

Si vous le permettez, madame la présidente, monsieur Jones, il n'y a qu'un producteur de nickel qui a cherché à diversifier ses activités en aval au lieu de se concentrer uniquement sur son produit de base. Il s'agit de la société minière Sherritt, qui a dû agir ainsi parce qu'elle avait le plus médiocre de tous les gisements de minerai. Elle n'avait donc d'autre choix que de commencer à produire du métal de monnayage et d'autres produits à base de nickel qu'elle pouvait tenter de vendre.

À l'époque très lointaine où, en ma qualité de chef des Libéraux, dans les années 70, je discutais très fort avec la direction d'Inco, la société vendait en fait du nickel à un fabricant de dispositifs antipollution. Elle a même racheté ce fabricant qui se trouvait en Georgie dans un autre État du sud des États-Unis, mais elle refusait toujours de dépolluer ses propres cheminées. Elle ne voyait pas l'avantage de faire ainsi la promotion de son produit en aval.

Le problème au Canada, c'est que nous sommes soumis aux oscillations du marché. Quand le marché est à la baisse et qu'on se présente chez les industriels pour leur dire que le moment est venu d'adopter une approche tout à fait différente, ils disent que c'est peut—être vrai, mais qu'ils arrivent à peine à survivre, alors prière de ne pas les inquiéter. Quand le marché est à la hausse et qu'on se présente chez eux pour leur dire que le moment est peut-être venu d'adopter une nouvelle approche, ils disent que ce serait de la folie parce que tout va tellement bien.

Il en va de même dans le monde politique. Cela revient à la question de M. Murray. On se fait élire en disant aux gens que tout est beau. On ne se fait pas élire en leur disant que la situation a peut-être l'air d'être au beau fixe aujourd'hui, mais qu'elle pourrait se gâter considérablement à l'avenir et qu'il faudrait donc prendre des mesures radicales dès aujourd'hui. Les gens n'y verront que des élucubrations puisque la situation leur paraît être assez bonne.

Si on veut changer le régime fiscal... et soit dit en passant, ce n'est pas à cause du régime fiscal qu'Inco n'est pas passé à l'action. Je suis d'avis qu'il faudrait que nous rendions notre régime fiscal deux fois plus attrayant que celui des Américains—pas aussi attrayant que celui des Américains, mais deux fois plus attrayant que le leur—pour inciter les entreprises à prendre les mesures nécessaires ici. Si toutefois on décide qu'il faut effectivement réduire le niveau d'imposition de ceux qui génèrent la richesse, le peuple y verra en quelque sorte une injustice. Si on leur dit que c'est parce que le moment est venu de prendre des mesures radicales, ils répondront: «il n'y a pas lieu de prendre des mesures radicales; la situation nous semble être assez bonne.» On est donc battu aux élections. Voilà le problème.

• 1025

Comme nous le disions il y a longtemps—Je me souviens d'avoir fait cette analyse dans les années 70, et Fraser s'en souviendra— notre problème, c'est que nous allons être bouillis à mort un demi-degré à la fois et que nous ne sortirons pas de la marmite, comme la célèbre grenouille qui finit par mourir dans sa marmite d'eau bouillante. Cela ne leur fait tout simplement pas assez mal, si bien que les gens refusent de se mobiliser pour nous suivre. Voilà l'éternelle dilemme en politique. Je crois toutefois qu'il faut commencer à essayer de faire comprendre à la population que l'économie suit une évolution cyclique et que la tendance à long terme, si prometteuse qu'elle puisse paraître à l'heure actuelle, n'est pas bonne et qu'il nous faut prendre des mesures radicales.

M. Jim Jones: Oui, Fraser l'a dit aussi.

Pourriez-vous m'expliquer ce que vous entendez par là? S'agit-il d'une stratégie de grappe «naturelle» ou «nationale»?

M. Fraser Mustard: Le savoir n'est pas que le fait d'une seule institution dans notre mode moderne; il a des origines multiples. Il y a un avantage à établir des liens entre différentes institutions pour créer ce qu'on appelle des «grappes». Silicon Valley est une grappe bien connue qui s'articule autour de Stanford et d'autres villes semblables. C'est la proximité physique qui donne naissance à la grappe, comme c'est le cas des réseaux Nortel dans la région d'Ottawa.

Pensons toutefois au domaine en pleine évolution, pensons à la révolution dans les sciences génétiques et dans la compréhension de la structure et des fonctions des protéines: tout cela est époustouflant. Pensons aux applications pratiques. Si on peut relier des chercheurs de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba de l'Ontario et du Québec pour qu'ils puissent travailler ensemble dans un même domaine, on construit ainsi un mécanisme de transfert des connaissances, de développement des connaissances, qui est national et qui peut soutenir la concurrence avec ceux de n'importe quel autre pays. Il y a donc aussi un lien à faire à l'échelle internationale, de façon que les connaissances affluent chez nous.

Voyez de qui se passe à Saskatoon: voyez les entreprises de biotechnologie qui naissent de cette interaction. Voyez ce qui se passe à Vancouver: c'est la même chose. On peut le voir aussi à Edmonton, à Toronto et à Montréal.

Le pays se trouve ainsi complètement réseauté, parce qu'on a un groupe de personnes dans chaque région qui souscrivent d'emblée à ce nouveau monde. En favorisant ces liens, on se retrouve avec un mécanisme national, mais qui n'est pas sous l'égide du gouvernement. Ces cas de réseautage témoignent d'une certaine habilité à obtenir la participation de pas mal de provinces. On peut ainsi éviter les terribles querelles de compétence provinciale et fédérale.

Je pense que ce qui serait important pour votre comité, si vous ne l'avez pas fait, ça serait que quelqu'un vous présente le programme des réseaux de centres d'excellence, car ce programme avait eu pour but de créer des grappes d'industries à base de connaissances dans tout le pays pour alimenter la nouvelle économie.

La présidente: Monsieur Jones, vous avez une autre question?

M. Jim Jones: Oui.

Vous avez dit qu'il fallait supprimer les gains en capital. Au cour des dernières années, quelles ont été les conséquences de l'imposition sur les gains en capital par opposition à un régime plus lucratif en matière de gains en capital?

M. Fraser Mustard: Je parle de stimulants quand je dis cela.

Je connais assez bien l'histoire de Geoffrey Ballard. Il est assez riche maintenant, mais il a pris un risque énorme en pariant qu'il pouvait utiliser cette technologie pour faire des piles à combustible. Ce n'est pas du tout le même genre de risque que celui qu'on prend quand on investit dans un fonds de capital et d'emprunt qui rapporte sur le marché des obligations et des actions. Certes, il y a là aussi un certain risque, mais le risque que prenait Ballard était colossal.

Pourquoi ne le laisserait-on pas profiter des gains qu'il a réalisés en lançant une nouvelle technologie dans le monde? Pourquoi même imposer ces gains en capital? Je trouve cela absurde, car vous savez bien comme moi que nous profitons tous de l'arrivée d'une nouvelle technologie respectueuse de l'environnement et de la création d'entreprises qui l'accompagne.

J'affirme donc qu'il faudrait faire une différence très nette entre les gains en capitaux que je réalise en jouant à la roulette financière dans mon établissement d'investissements et l'apport d'un inventeur à la société. Ce n'est pas simple, mais beaucoup de gens considèrent que c'est très important lorsqu'on songe aux stimulants que l'on va pouvoir mettre en place pour l'avenir.

La présidente: Merci, monsieur Jones. Vous avez terminé?

M. Jim Jones: Quelqu'un a dit que sur le plan de l'enseignement, l'Ontario était à la traîne du reste du Canada. J'aimerais savoir pourquoi?

• 1030

M. Fraser Mustard: Vous devriez vous procurer un exemplaire de notre rapport.

M. Harris, et c'est à son honneur, s'est préoccupé de la petite enfance. Ayant été lui-même un enseignant, il s'est rendu compte du rapport qui existait entre les années préscolaires et les années de scolarité: c'est quelque chose de très important. C'est pour cela qu'il a demandé ce rapport. Nous avons pu lui fournir des données très concrètes. On peut déterminer les aptitudes futures d'un individu en évaluant ses compétences orales à l'âge de quatre ou cinq ans. Cette évaluation permet de prévoir un grand nombre de choses, y compris concernant la santé.

Nous avons obtenu des données sur l'Ontario qui portent sur tous les secteurs socio-économiques, des riches aux pauvres—McCain et Mustard ont coprésidé cette étude—et nous avons pu établir que chez les riches, au sommet, 10 p. 100 des enfants avaient des difficultés, alors qu'au bas de l'échelle, 35 p. 100 des enfants avaient des difficultés. Mais c'est dans la classe moyenne qu'il y a le plus d'enfants en difficulté. À tous les niveaux de l'échelle, la situation des enfants de l'Ontario a été moins bonne que dans le reste du Canada.

Si l'on prend une autre mesure, celle que nous appelons l'alphabétisation fonctionnelle, nous constatons que l'Ontario arrive en cinquième position, derrière le Canada et les trois provinces des Prairies. Ce constat confirme la thèse des compétences verbales. Nous savons qu'il y a un lien entre tout cela.

Nous avons ensuite pu démontrer que cette situation n'était pas en fonction de la distribution du revenu, ce qui est très important car beaucoup de gens invoquent la pauvreté. La pauvreté est quelque chose de regrettable, mais il s'agit d'autre chose. Il se trouve que le rôle des parents est l'un des facteurs le plus important. Il ne s'agit pas simplement de savoir si les parents sont de bons parents, mais il s'agit en fait de comprendre les bouleversements sociaux et économiques considérables qui sont en train de se produire. Environ 68 p. 100 des femmes qui ont des enfants de moins de six ans font maintenant partie de la population active.

Pour en revenir à ce que disait Colin, il faut que les entreprises apprennent à devenir plus accueillantes pour les familles. Il y a des entreprises américaines qui le font, qui s'organisent de manière à conserver les mères de famille. Je connais une banque—pas la vôtre—où le taux d'absentéisme le plus élevé est enregistré chez les jeunes mères de famille qui occupent les postes les moins bien rémunérés. Ce n'est pas un bon signe et ce n'est pas une bonne chose pour cette banque. Nous avons suggéré aux responsables de cette banque des moyens de rectifier la situation car il s'agit aussi d'une question d'environnement, si je puis dire.

Il y a eu une croissance énorme du nombre de familles monoparentales, et il n'y a rien de mal à cela. Il ne s'agit pas de mères adolescentes, mais de femmes qui se séparent pour de bonnes raisons. Par conséquent, quand on détermine les modifications qui se produisent dans l'écologie, si je peux utiliser ce terme, de notre population active et de sa présence, il est extrêmement important d'accorder toute l'attention voulue à la création d'une capacité communautaire—vous remarquerez les termes que j'utilise—afin de mettre en place des dispositifs qui remplaceront les structures de la famille intergénérationelle dans laquelle nous avons grandi, vous et moi.

Donc, où que vous soyez, si vous prenez votre test communautaire... Je voudrais essayer encore une chose. Certains d'entre vous connaissent la chaîne de magasins à bon marché Tigre géant que l'on retrouve dans 90 localités du Québec et de l'Ontario. Il y a deux ou trois ans, j'ai rencontré le directeur de cette chaîne et j'ai discuté de cette question avec lui. Il m'a dit qu'il n'était pas d'accord pour que le gouvernement l'impose et réutilise ensuite cet argent car les programmes du gouvernement ne marchaient pas. Je lui ai demandé ce qu'il penserait de l'idée de lui accorder un crédit d'impôt pour ouvrir un centre de développement de la petite enfance à l'intention de ses employés et de la collectivité locale. Il m'a dit que ce serait un excellente idée.

Vous comprenez ce que je veux dire? Il n'était pas opposé à l'idée de prendre les mesures voulues pour adapter son entreprise à ce genre de situation.

La présidente: Avant de continuer, monsieur Mustard, je voudrais préciser une chose. Je ne comprends pas très bien. Vous dites que l'Ontario suit vos conseils maintenant? Je sais que chez nous, on a sabré dans les programmes de jardin d'enfants et de maternelle, c'est-à-dire les programmes qui s'adressent aux enfants de 0 à 6 ans.

M. Fraser Mustard: Je ne représente aucune province. Tout ce que je puis vous dire, c'est que dans le cadre de mon travail au sein du Founders' Network, je constate que l'on essaie de trouver une solution à ce problème en divers endroits du Canada, y compris le Yukon, ce qui est assez intéressant. Il y a là-bas une question d'interface avec les Premières nations qui est extrêmement importante. Le Manitoba est fermement engagé dans cette voie. Je pense que M. Harris va avoir une sérieuse concurrence s'il pense prendre de l'avance sur certaines autres provinces.

Ce qui est encourageant, c'est que les provinces progressent clairement dans ce domaine—avec toutes sortes d'initiatives que nous n'avons pas le temps de mentionner ce matin. Pour autant que je sache, M. Harris est déterminé à mettre en oeuvre les recommandations de ce rapport et il a déjà pris certaines initiatives en ce sens.

La présidente: Monsieur Mustard, j'espère que vous irez voir ce qui se passe dans d'autres régions de l'Ontario et que vous constaterez qu'il fait au contraire machine arrière dans certains endroits. Mais nous n'allons pas discuter de cela tout de suite.

Monsieur Penson.

• 1035

M. Charlie Penson: J'ai une brève question à poser à M. Isaacs.

Je faisais partie du Comité des affaires étrangères et du commerce extérieur avant de faire partie de celui-ci, et nous avons fait faire une étude pour déterminer en quoi devait consister la position du Canada lors des négociations du cycle de l'OMC. Lors de nos audiences à Winnipeg, votre organisation a présenté un exposé qui m'a paru excellent. Vous avez parlé des subventions et de leurs répercussions négatives sur l'environnement, et vous avez souligné que ces subventions n'encourageaient pas les industries à s'adapter aux modifications dont on parle à propos des industries fondées sur les ressources. Les mines du Cap-Breton seraient probablement un bon exemple de situation où les subventions servent en fait à encourager le maintien d'exploitations inefficaces et entravent leur capacité d'innovation.

Pouvez-vous nous dire si vous êtes d'accord ou si vous avez un autre point de vue sur la question?

M. Colin Isaacs: Certainement. Je précise toutefois que cet exposé a été présenté par l'Institut international du développement durable et non pas par mon organisation. Toutefois, je connais très bien ce rapport et la position de cet institut et je les approuve.

De nombreuses subventions sont anti-écologiques. Autrement dit, elles ont pour conséquence une agression accrue contre l'environnement ou le maintien de quelque chose qui n'est pas durable sur le plan de l'environnement et de l'économie.

Il faut être réaliste: dans le contexte de notre économie, ce qui n'est pas rentable n'est pas durable. C'est la réalité, car nous fonctionnons dans un régime de libre entreprise et pour continuer à exister, une entreprise doit nécessairement générer des profits.

Il peut arriver néanmoins que les coûts augmentent dans un secteur de l'économie alors que les bénéfices augmentent dans un autre secteur et qu'il soit nécessaire de faire un transfert. C'est à cela que servent les instruments économiques de gestion environnementale. Je vous ai donné tout à l'heure un article de journal que j'ai écrit et dans lequel je parle de certaines propositions d'échange de droits d'émission en Ontario. C'est un exemple de ces programmes de transfert. Mais il s'agit de toute autre chose que les subventions.

Évidemment, on pourrait mettre en équilibre les subventions anti-écologiques et les subventions écologiques. Je pense qu'il est clair que personne au Canada n'a envie de procéder de cette façon, et j'estime donc que nous devons de fait viser une réduction d'ensemble et en fin de compte une élimination totale des subventions pour permettre au marché de fonctionner de manière plus efficace.

Cela impliquera diverses conditions. Il faudra notamment comptabiliser de manière plus complète les coûts environnementaux dans la facturation des utilisateurs de ressources communes. Il faudra aussi qu'il y ait une évolution analogue de la part d'un grand nombre de nos partenaires commerciaux, car si le Canada se met à fonctionner sans subventions alors que ses partenaires commerciaux continuent à avoir recours à ces subventions, nos industriels risquent d'être désavantagés face à la concurrence.

Ce n'est donc pas simple, mais je suis entièrement favorable à la thèse de la suppression progressive des subventions.

M. Charlie Penson: J'imagine que ce que vous souhaitez, c'est que nous nous efforcions d'obtenir une réduction des subventions lors des négociations. Vous êtes d'accord?

M. Colin Isaacs: Tout à fait.

M. Charlie Penson: Bon.

La présidente: Merci, monsieur Penson.

Monsieur Cannis, très brièvement s'il vous plaît.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): J'ai juste une brève question, car les autres ont déjà été posées.

Vous avez parlé d'investir dans des grappes d'excellence, et nous avons parlé d'encourager les investissements du secteur privé. Nous nous sommes comparés aux États-Unis, et ainsi de suite. En ce qui concerne le secteur bancaire, a-t-on fait des études sur l'attitude canadienne, la mentalité canadienne, la façon dont nous prenons des risques par comparaison avec les autres? Est-ce que nous osons plus prendre des risques ou investir maintenant? Est-ce que c'est un facteur qui entre en ligne de compte?

M. Peter Drake: Je n'ai pas connaissance d'une étude particulière sur la question et je ne peux donc pas vous citer de chiffres, mais je crois que nous hésitons à investir dans des entreprises plus risquées.

D'une manière très générale, la baisse des taux d'intérêt a suscité un changement considérable. Les gens investissent maintenant dans des actions qui présentent manifestement plus de risques que des certificats de placement garantis ou des obligations parce que ces placements ne sont plus rentables. Donc, cette évolution a modifié les données.

• 1040

Je crois aussi qu'il y a beaucoup plus de capital-risque disponible au Canada qu'il y a 10 ou 15 ans. Même de grandes organisations comme la mienne ont une branche qui se consacre spécifiquement aux investissements de capital-risque.

On peut se demander naturellement si c'est suffisant, si nous savons prendre suffisamment de risques, et la réponse est évidemment non, nous ne savons pas prendre suffisamment de risques. Je crois que Dr Mustard a parlé d'initiatives que l'on pourrait prendre pour encourager cela. Certes, il y a un progrès, mais il reste beaucoup à faire dans cette direction.

La présidente: Docteur Smith.

Dr Stuart Smith: Je fais partie du conseil d'administration d'une des entreprises de capital-risque appuyées par les syndicats, et nous avons eu un énorme afflux de capitaux à l'époque de l'ancienne réglementation. Le gouvernement s'est affolé en voyant affluer tout ce capital, et en constatant qu'une des grandes entreprises de capital-risque ne l'investissait pas suffisamment vite. Le gouvernement a donc resserré les règles et rendu ce genre de financement moins attrayant, ce qui fait que cette source de capitaux s'est tarie.

Le gouvernement s'est affolé pour rien. Il devrait rétablir les anciennes règles ou en tout cas améliorer sérieusement la réglementation actuelle. Il est très difficile de trouver du capital dans un tel contexte.

Je suis sur le point de monter avec trois collègues une cybercompagnie. Je peux vous garantir qu'il est beaucoup plus facile de convaincre des investisseurs américains de faire un investissement de capital-risque de 5 millions de dollars que de convaincre des Canadiens. Au Canada, tout ce qu'on vous répond, c'est: «Oui, 5 millions, c'est intéressant, mais que pourrions-nous faire avec un million ou 750 000 $ pour commencer?» C'est la réaction systématique. Nous ne sommes tout simplement pas prêts à foncer ici.

On pourrait encourager cette mentalité si l'on supprimait, comme le suggère Dr Mustard, l'imposition des gains en capital résultant de ce genre d'investissements. Nous pourrions encourager cette mentalité si nous avions une fiscalité beaucoup plus attrayante concernant les options sur actions et si nous pouvions réduire globalement les impôts sur les sociétés—en fait, je ne suis pas contre une diminution des impôts sur les sociétés—et augmenter la déduction pour amortissement du nouveau matériel, des nouvelles techniques, si l'on peut prouver qu'il s'agit manifestement d'un progrès ou que ce matériel ou ces technologies présentent un rendement de 25 ou 30 p. 100 supérieur à celui des précédents.

Tout cela contribuerait à modifier le climat et à encourager les gens à prendre des risques. Si quelqu'un maintient son investissement dans une nouvelle entreprise pendant cinq ans, il est absurde de lui faire payer des impôts sur les gains en capital au terme de ces cinq ans. Ce n'est pas la même chose que quelqu'un qui rétrocède un bien immobilier ou qui transfère son argent d'un fonds commun de placement d'une semaine à l'autre. Fraser Mustard a raison: il faut faire la distinction.

Il faut bien comprendre que le capital-risque, ce n'est pas seulement une bonne chose, c'est quelque chose d'absolument vital pour le Canada. La panique du gouvernement face aux fonds de travailleurs est et était injustifiée.

La présidente: Merci.

Je voudrais vous remercier tous d'être venus aujourd'hui. Nous allons être à court de temps et nous avons d'autres témoins à entendre. Cette discussion a été très intéressante.

J'aimerais ajouter une ou deux remarques avant de passer aux autres témoins. Nous allons examiner d'autres secteurs au cours des jours à venir.

Nous parlons beaucoup aujourd'hui des ressources naturelles et de la baisse des cours à long terme, qui pourrait se traduire par un appauvrissement du Canada. Certains prétendent que ce n'est pas vrai, que les cours baissent parce que les entreprises investissent massivement dans des outillages et du matériel qui permettent de réduire les frais de production et que la concurrence entraîne ainsi une baisse des cours, mais que grâce à cela des gens s'enrichissent. Le véritable risque de la spécialisation dans ce genre de produits, c'est qu'ils se vendent uniquement en fonction du cours, et que la seule façon de faire mieux que la concurrence, c'est d'innover sur le plan des technologies car on ne peut pas innover sur le plan du produit.

Par ailleurs, quand on parle de croissance fondée sur l'innovation dans le domaine des produits, on parle de différenciation et de concurrence de marques, et c'est quelque chose qui peut aussi contribuer à enrichir le Canada dans un certain nombre de domaines que nous avons étudiés et que nous allons continuer à examiner au cours des jours à venir.

Je pense aussi que l'activité économique du Canada risque de s'enliser si nous nous concentrons uniquement sur l'exploitation des ressources naturelles. Il faut que le Canada s'oriente dans diverses autres directions.

• 1045

Nous avons eu aujourd'hui un débat très intéressant qui va inciter, je pense, le comité à poursuivre cette discussion à un niveau différent et de manière plus approfondie.

Nous vous remercions d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Nous espérons que vous lirez notre rapport avec intérêt. Si vous avez d'autres commentaires, n'hésitez pas à nous les faire parvenir.

Nous allons lever la séance deux minutes, le temps de faire entrer les témoins suivants.

Merci encore une fois.

• 1046




• 1052

La présidente: Nous reprenons la séance. Nous sommes très heureux d'accueillir le groupe de témoins suivants. Il s'agit de Roger Martin, doyen de la Rotman School of Management à l'Université de Toronto, et de Douglas Porter, économiste en chef et vice-président chez Nesbitt Burns.

Je vous souhaite la bienvenue et vous prie de nous excuser pour ce petit retard. Je vous propose de faire tous les deux votre déclaration liminaire et nous passerons ensuite aux questions. Vous avez peut-être des commentaires à faire sur la discussion qui vient d'avoir lieu. Je sais que certains d'entre vous sont arrivés vers le milieu de cette séance.

Monsieur Martin, vous pouvez commencer si vous voulez.

M. Roger Martin (doyen, Joseph L. Rotman School of Management, Université de Toronto): Je vous remercie de m'avoir permis de venir m'adresser à vous.

En guise de brève introduction, je vous dirai que je suis Canadien mais que pendant 17 ans, à partir de 1981, j'ai été conseiller en stratégie un peu partout dans le monde, et pour l'essentiel à l'étranger. En septembre 1998, je suis revenu à l'Université de Toronto pour y occuper le poste de doyen de la Rotman School of Management. En cours de route, en 1991, j'ai dirigé une étude sur l'économie canadienne qui a débouché sur la rédaction d'un livre intitulé Le Canada à la croisée des chemins. C'est pourquoi le titre de l'exposé que vous avez sous les yeux, je l'espère, est le suivant: «La compétitivité canadienne: neuf ans après la croisée des chemins». Ce texte fait le point de mes réflexions de ce qui s'est passé depuis.

Si je commence à la page 2, je vois d'un côté un fabuleux redressement macroéconomique agencé par notre gouvernement, et nous pouvons en être très fiers, car nous sommes passés d'une situation déplorable en 1991 à une excellente situation sur le plan macroéconomique. En 1991, nous étions le deuxième pays du G-7 à avoir le plus gros déficit budgétaire après l'Italie, et nous pensions que nous ne nous en sortirions jamais. Nous avons maintenant un excédent et nous sommes en fait en tête du G-7.

Nous savions qu'il fallait que notre économie devienne plus exportatrice dans le contexte de la mondialisation, et nos exportations en pourcentage du PIB ont augmenté là aussi plus que dans n'importe quel autre pays. Certes, il y a un revers à cette médaille, c'est que nous l'avons fait en réduisant les prix, et je pense qu'on en a déjà parlé. Nous avons réussi à vendre nettement moins cher que les autres. Donc il y a ce petit point noir. Néanmoins, dans l'ensemble, on peut vraiment parler d'un redressement fantastique.

Toutefois, à la page 3, je souligne des tendances inquiétantes en matière de compétitivité d'ensemble. Ce redressement de l'environnement général ne s'est pas traduit par une situation très brillante sur le plan de la concurrence. Ce qui m'inquiète le plus, c'est que notre PIB par habitant, qui constitue la meilleure mesure de la prospérité d'une économie, diminue par rapport à ceux des autres pays. En 1990, nous étions les troisièmes du monde, et nous l'étions encore en fait depuis des dizaines d'années, si l'on fait abstraction de tous petits États-nations comme Hong Kong ou le Luxembourg. Comparativement à ce que j'appelle les vrais pays, nous étions le numéro 3 mondial, et ce depuis très longtemps.

• 1055

En 1998, nous étions tombés au cinquième rang mondial, et si nous étions restés au troisième rang, si nous avions simplement maintenu notre niveau, ce niveau que nous avions depuis des décennies, nous aurions 13 000 $ par personne pour une famille de quatre personnes au Canada, c'est-à-dire 650 $ par mois de revenu après impôt. Autrement dit, chaque famille canadienne aurait les moyens de se payer une maison, avec presque 100 000 $ de plus, elle aurait pu financer son hypothèque sans s'appauvrir ou s'acheter une autre voiture, etc. C'est donc la tendance qui m'inquiète le plus dans notre compétitivité.

Au risque de vous présenter un exemple trop négatif, je dirais qu'il faut toujours nous comparer à la Nouvelle-Zélande, qui occupait la quatrième place dans le monde en matière de PIB par habitant en 1946. Après la Deuxième Guerre mondiale, ce pays occupait la quatrième place dans le monde grâce à ses exportations de toutes sortes de produits agricoles. En 1970, il était tombé au neuvième rang. En 1998, il était au dix-huitième rang et la différence entre le dix-huitième rang et le quatrième rang, c'est l'équivalent de 32 000 $ US par famille en Nouvelle-Zélande. C'est ce genre de dérapage qui nous menace si nous nous laissons distancer par les économies de pointe du monde.

Comment expliquer ce paradoxe? Nous avons redressé la situation macroéconomique, qui était la seule chose qui nous inquiétait en 1991, en nous attaquant de plein fouet au déficit. Le problème, c'est qu'il y a trois facteurs qui contribuent ensemble à assurer la prospérité, la compétitivité et la productivité d'une économie. Ces facteurs consistent à avoir un contexte politique, juridique et macroéconomique stable et efficace, ainsi que des fondements microéconomiques, notamment le degré d'avancement des entreprises en matière de fonctionnement et de stratégie et des choses comme la qualité du contexte microéconomique. Il s'agit par exemple de savoir quel genre de protection de la propriété intellectuelle nous avons, quel type de régime juridique, de savoir s'il y a de bons concurrents, une bonne infrastructure de télécommunications. Tous ces éléments interviennent au niveau microéconomique plutôt qu'au niveau macroéconomique.

Si nous examinons tout cela à la page 5, nous constatons que le Canada n'occupe pas la place qu'il devrait occuper, surtout en matière d'exploitation et de stratégie. Il y a un indice de notre performance dans ce domaine dans la case du bas, où l'on présente nos fondements microéconomiques, et vous voyez que nous y occupons le huitième rang mondial, c'est-à-dire que notre situation y est encore moins bonne que pour notre PIB, pour lequel nous sommes cinquième au monde. Cela vient du fait que bien que notre environnement microéconomique soit très solide, puisque nous sommes quatrième au monde d'après l'étude qu'a effectuée mes collègues, nous occupons seulement la douzième place mondiale en matière d'exploitation et de stratégie des entreprises.

Si nous passons à la quatrième colonne, ce qui pose problème, c'est la nature de l'avantage en matière de concurrence que recherchent les entreprises canadiennes. Si l'on se demande si nos entreprises essaient de fonder cet avantage sur une main-d'oeuvre moins coûteuse ou des matières premières moins coûteuses, ou au contraire sur l'originalité des produits et des procédés, on constate que nous avons beaucoup plus tendance à compter sur une main-d'oeuvre à moindre coût ou des matériaux à moindre coût—nous occupons la 21e place dans le monde sur ce plan. D'après une étude analogue, nous sommes au 20e rang dans le monde en matière d'innovation, au 19e en matière de conception de produits, et au 15e en matière de contrôle de la distribution internationale.

Nous avons actuellement une économie dans laquelle le palier macroéconomique représente généralement la mise de base du jeu de la concurrence internationale. Il faut que l'économie fonctionne bien sur ce plan, mais c'est le contexte microéconomique—déterminé en grande partie par le mode de fonctionnement des entreprises—qui fait la plus grosse différence sur le plan des niveaux de vie respectifs.

Pourquoi? Si nous creusons un peu plus, et je passe à la page 6, nous constatons que le degré de perfectionnement de la stratégie et de l'exploitation d'une entreprise est fonction des choix stratégiques fondamentaux de cette entreprise, et que ces choix déterminent la mesure dans laquelle l'entreprise se dote des outils de productivité et de compétitivité auxquels elle peut faire appel. Si l'entreprise ne se fixe pas des aspirations et des objectifs suffisamment élevés—si elle se contente de vouloir être une bonne entreprise canadienne plutôt qu'une bonne entreprise mondiale—, elle va vouloir jouer seulement au Canada ou dans une partie du Canada. Et pour gagner sur son marché, elle va peut-être choisir de se servir d'une main-d'oeuvre à bon marché ou de matières premières peu coûteuses. Mais ces choix ne vont absolument pas lui permettre de devenir plus compétitive ou plus productive.

• 1100

À la page suivante, on voit une série de choix incompatibles avec l'amélioration de la compétitivité et de la productivité. Au Canada, trop d'entreprises figurent dans la colonne de gauche plutôt que dans la colonne de droite. C'est le principal facteur qui explique la faiblesse de la productivité et de la croissance de la productivité. Dans l'économie mondiale qui est la nôtre, la colonne de droite illustre ce qui permet aux entreprises de moderniser la manière dont elles consomment main-d'oeuvre, capitaux et matières premières pour les transformer en produits.

Si elles aspirent à être compétitives sur le plan mondial, d'être en tête du peloton, et qu'elles décident d'être présentes mondialement plutôt que localement, de servir la clientèle la plus exigeante et de fournir des produits et des procédés uniques, elles vont augmenter leur productivité, devenir plus fortes et plus compétitives.

Il y en a trop dans la colonne de gauche. C'est pourquoi nos cotes d'exploitation et de stratégie d'entreprise sont aussi faibles qu'elles le sont.

Nous pouvons poser la question: Faisons-nous tout ce que nous pouvons pour venir en aide à ces entreprises? Je dirais que non.

Passons à la page 8. Voici les taux d'imposition réels des entreprises intérieures des pays du G-7. Notre fiscalité se situe parmi les plus lourdes. L'Allemagne, quant à elle, met actuellement en oeuvre une série de changements radicaux et il y a à peine deux semaines, un pan de la réforme a été appliqué. Ce pays se situe dans la partie inférieure de la fourchette et nous serons les seuls dans la partie supérieure.

Cela signifie que nous avons créé un régime d'encouragement où il y a peu d'incitations pour les entreprises à se moderniser de manière à être plus lucratives. Nous pensons peut-être ici avoir le choix; nous pensons peut-être maîtriser tel ou tel facteur et que nous pouvons décider de l'opportunité de taxer les entreprises à un niveau élevé. À mon avis, ce n'est pas le cas. Dans ma carrière de consultant stratégique, j'ai vu beaucoup d'entreprises qui pensaient être capables de maîtriser un facteur qui faisait leur affaire. Par exemple, nos banques ne voulaient pas offrir de produits à rendement élevé à leurs clients. Elles préféraient qu'ils se cantonnent dans des comptes ordinaires parce que c'est ce qui est le plus rentable pour elles. Que s'est-il produit? Tous les dépôts sont passés aux fonds communs de placement. Ils se sont envolés. Il n'aurait pas été commode pour elles de réduire leurs bénéfices sur les dépôts ordinaires mais cela aurait été sûrement moins commode que de voir leur marché se volatiliser.

C'est un secteur où cela disparaît. Comparez nos recettes fiscales de 1965 à celles de 1995. En 1995, les impôts des sociétés étaient la moitié de ce qu'ils étaient en 1965. Cela est en train de disparaître. La seule question à se poser est de savoir si nous voulons chasser nos entreprises du Canada et les dissuader d'investir avant qu'il n'y ait plus rien ou si nous voulons prendre les devants. À mon avis, c'est la seule question qui se pose.

Quant à savoir si nous avons un environnement qui aide ces entreprises à innover plutôt que d'imiter ce qui se fait ailleurs, nous voyons à la page 9 une autre évaluation, réalisée ici par mes collègues, qui nous montre loin derrière, en neuvième place dans le monde, pour notre capacité d'innovation. Ceci combine la capacité de l'économie et celle des entreprises. Dans les sept catégories qui composent cette cote, il n'y en a qu'une où nous sommes dans les dix premiers: les sommes que nous consacrons à l'enseignement supérieur en pourcentage du PIB. Toutefois, notre performance a baissé dans le temps. Depuis 20 ans, nous régressons, et nous sommes sur le point d'être dépassés par le Danemark et la Finlande. Nous n'avons donc pas vraiment réussi à créer un environnement qui incite les entreprises à innover.

• 1105

Le dernier facteur est la fiscalité globale en pourcentage du PIB. Cela est relié à la question des incitations à vivre, s'installer, travailler, économiser et investir au Canada. Encore une fois, elle est beaucoup plus lourde que celle de notre voisin. La question, dont j'ai traité dans divers articles, est de savoir comment elle pèse sur nos incitations. Très lourdement.

En résumé, comme à la première page, je dirais que la place du Canada dans l'économie internationale et sa cote de croissance de la prospérité, de la productivité et de la compétitivité sur les plans politique, juridique et macroéconomique sont heureusement passées des pires aux meilleures des pays du G-7. L'unique élément qui détone, c'est notre fiscalité. Elle ne convient pas du tout à la compétitivité. Ici, nous avons imité assez bien ce que d'autres ont fait, mais imparfaitement.

En ce qui concerne la qualité du cadre macroéconomique dans lequel évolue l'entreprise, nous occupons la 4e place dans le monde. Nous étions à la 3e place l'an dernier, mais c'est encore assez bon. Une des faiblesses de ce cadre, c'est qu'il est moins propice à la mobilisation de fonds que cela n'est le cas aux États-Unis. Je sais que le groupe de témoins précédent en a parlé.

Encore une fois, nous sommes des imitateurs. Le cadre microéconomique dans lequel évolue l'entreprise n'a rien, rien, absolument rien d'unique ou de différent.

Enfin, sur le plan de la qualité de la stratégie et du mode d'exploitation de l'entreprise, le Canada est un pays de deuxième ordre. Beaucoup trop d'entreprises ont des stratégies d'imitation: elles fabriquent les mêmes produits que les autres, avec les mêmes procédés, à l'aide de main-d'oeuvre et de matières premières bon marché. Il y a de louables exceptions, que je n'énumérerai pas, mais c'est néanmoins notre avis.

Je dirais que si nous voulons accroître notre prospérité et nous hisser de la 5e à la 3e place, il faudra que l'économie délaisse l'imitation en faveur de l'innovation. Il faut rechercher la singularité et l'innovation dans ces trois catégories. Nos pouvoirs publics doivent aller au-delà de la simple imitation des mesures macroéconomiques des autres pays.

Malgré tout ce que nous avons accompli de louable, si vous me demandez si nous avons fait quelque chose de différent, je vous répondrai fermement que non. Les pays qui se sont démarqués et qui ont fait les choses autrement, eux, ont prospéré.

L'Irlande en est le meilleur exemple. En 1987, le PIB par habitant était la moitié du nôtre. Imaginez-vous: moitié moins. Chaque habitation était moitié moins grande. Les automobiles avaient deux ans de plus. Les Irlandais pouvaient consulter leur médecin moitié moins souvent, prendre moitié moins de vacances et possédaient moitié moins d'appareils ménagers.

C'était en 1987. En 2000, son PIB par habitant sera supérieur à celui du Canada. Aujourd'hui, l'Irlande est un pays plus riche que le Canada. En 13 ans à peine.

Qu'a fait l'Irlande en 1987? Elle a sabré l'impôt des sociétés. Aujourd'hui, son impôt sur les investissements de capitaux est le tiers de celui du Royaume-Uni et le cinquième de celui du Canada.

Je ne dis pas qu'il faut en faire autant, mais je dis que l'Irlande a fait quelque chose d'unique et de différent. C'est cela qu'il faut faire.

Pour ce qui est du cadre microéconomique, il faut qu'il comporte la meilleure infrastructure et le meilleur système d'enseignement qui soient pour faire des affaires. Le gouvernement a pris certaines mesures comme la création des chaires d'enseignement du millénaire et la challenge foundation. En revanche, au cours des trois dernières années, par exemple, 48 des 50 États américains ont augmenté le budget de l'éducation de 16 p. 100 en moyenne. Au Canada, depuis trois ans, ce budget a baissé de 3,3 p. 100. Ce n'est pas de cette façon que nous voulons nous singulariser.

Enfin, l'obsession de nos entreprises doit être de se mesurer aux autres en misant sur des produits et des procédés uniques en leur genre.

Voilà mes réflexions, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Martin.

Nous entendrons maintenant M. Porter, économiste principal et vice-président de Nesbitt Burns.

Monsieur Porter.

M. Douglas Porter (économiste principal et vice-président, Nesbitt Burns Inc.): Merci et bonjour.

Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je félicite le comité de se concentrer sur la question cruciale de la productivité même dans une période où la situation économique du pays semble aussi favorable.

Aujourd'hui, j'aimerais prendre un peu de recul et considérer à l'échelle macroéconomique la question de la productivité. Commençons par le début. J'ai apporté quelques tableaux que je vais commenter, mais je vais d'abord vous faire mes 10 observations sur la productivité du Canada.

• 1110

Tout d'abord, comme le groupe précédent vous l'a dit, il y a de nombreuses mesures de la productivité. J'estime quant à moi qu'il faut retenir la production ou la valeur ajoutée par heure de travail puisque c'est ce qui se compare le mieux d'un pays à l'autre.

Il y a deux choses importantes ici. La première, c'est qu'une meilleure productivité signifie travailler mieux et non pas plus puisqu'elle se mesure à l'heure. Deuxièmement, et chose plus importante, c'est que l'accent doit être mis sur la valeur ajoutée et la façon de l'augmenter.

Habituellement, lorsque l'on parle de productivité, on répète qu'il faut produire davantage et plus d'unités d'un certain produit à l'heure alors qu'il faudrait plutôt insister sur la production d'unités de valeur de plus en plus grande. Par exemple, un jeu vidéo électronique vaut davantage et crée plus de richesse pour son créateur que la fabrication de 100 hula-hoops. Le nombre d'unités ne devrait donc pas être la seule mesure de la productivité.

Je signale que si la hausse de la productivité sera probablement la principale source de la création de la richesse par habitant sur le long terme, il ne s'agit pas là du seul facteur lorsque l'emploi n'est pas à son maximum. Autrement dit, lorsque le chômage est très élevé, il est possible de relever les revenus plus rapidement en augmentant l'emploi qu'en augmentant la productivité. Mais le Canada s'achemine à nouveau vers le plein emploi ou presque, et c'est pourquoi l'accent doit encore être mis sur la croissance de la productivité.

Ma deuxième observation, c'est que la croissance de la productivité est importante pour tous les secteurs de l'économie et non seulement pour le secteur de la fabrication. On accorde beaucoup d'attention à la fabrication puisque que l'on estime que la concurrence se livre à l'échelle internationale et qu'il est plus facile d'en mesurer la productivité. Toutefois, la valeur ajoutée peut provenir de n'importe quel secteur de l'économie, et non seulement de la production de biens.

Deuxièmement, la question de la mesure n'est peut-être pas tout à fait nette du côté de la fabrication. Par exemple, certaines indications montrent que les données sur la productivité du secteur manufacturier sont gonflées par le recours à des travailleurs temporaires aux dépens d'autres secteurs.

La troisième observation, c'est que la productivité du Canada est considérablement inférieure à celle des États-Unis pour l'ensemble de l'économie, de l'ordre de 25 à 30 p. 100. L'an dernier, lorsque la question de la productivité occupait le devant de la scène, on a débattu la question de savoir si la croissance de la productivité du Canada était effectivement à la remorque de celle des États-Unis ces dernières années, mais les polémistes des deux bords restaient convaincus que la production à l'heure était nettement plus basse au Canada. Cela se traduit par un niveau de vie plus bas.

Nous avons aussi trouvé un peu troublant le fait que l'écart de la productivité entre le Canada et les États-Unis ne se soit pas rétréci dans les années 90, même à la suite de l'accord de libre-échange et de la restructuration de l'industrie au début de la décennie.

La quatrième observation, c'est que des chiffres récents donnent à penser que l'écart entre le Canada et les États-Unis n'est pas resté stable dans les années 90 et c'est peut-être ici que l'on peut se reporter aux tableaux. En effet, si vous consulter la page 3, on constate que l'écart s'est élargi davantage entre les États-Unis et le Canada, qu'il s'agisse du secteur de la fabrication ou de l'économie dans son ensemble.

Statistique Canada nous a appris l'an dernier que la croissance de la productivité avait en fait été semblable aux États-Unis et au Canada dans les années 90. Toutefois, des révisions majeures à la hausse des chiffres américains à la fin de l'an dernier ont montré que la croissance de la productivité avait en fait été beaucoup plus vigoureuse aux États-Unis qu'on l'avait cru précédemment, si bien que l'écart se creuse. Cela apparaît clairement à la page 4, avant et après les révisions aux États-Unis. Il n'y a donc pas lieu d'être content de soi dans ce domaine.

S'agissant de Statistique Canada, rien n'indique qu'il y aura des révisions à la hausse de même ampleur pour ce qui est des chiffres canadiens.

Je vais vous donner un exemple. La croissance de la productivité aux États-Unis l'an dernier était de 2,9 p. 100, ce qui est tout simplement spectaculaire en cette période tardive du cycle économique. On ne dispose toujours pas des chiffres du Canada pour 1999, mais d'après les premières indications, il semble que notre croissance de la productivité économique globale représentait environ la moitié de ce qu'elle a été observée aux États-Unis. Cela signifie entre 1 et 1,5 p. 100, ce qui dans une année normale n'est pas mauvais, mais qui fait piètre figure par rapport aux États-Unis.

La cinquième observation, c'est que l'écart de productivité est particulièrement prononcé dans le cas des PME. Malheureusement, les données ici n'existent que pour les fabricants et on entend par grandes entreprises celles qui comptent au moins 500 employés. Vous pouvez voir les différences à la page 6.

Les grandes entreprises sont tout aussi productives que celles des États-Unis, ce qui est tout à fait normal puisque les grandes entreprises se délocalisent volontiers en faveur d'usines à haute productivité jusqu'à ce que cette productivité soit sensiblement la même entre toutes leurs usines. Mais ce mécanisme de compensation ne joue sans doute pas pour les entreprises plus petites ou non multinationales.

Malheureusement pour le Canada, notre production provient en grande partie des PME, ce qui est beaucoup moins le cas aux États-Unis. Le fait que la productivité relative soit plus faible dans les petites entreprises ne signifie pas que notre productivité globale soit beaucoup plus basse. Je ne dis pas cependant qu'il faudrait punir les secteurs à forte productivité, comme les grandes entreprises, pour soutenir les plus petites.

• 1115

La sixième observation, c'est que l'écart entre la croissance de la productivité au Canada et aux États-Unis dans les années 90 se concentre largement dans une poignée d'industries, en particulier la machinerie, les appareils électriques et l'électronique. Certains s'en réjouissent. D'autres, comme Robert Gordon de l'université Northwestern, mettent en doute le décollage de la productivité américaine parce qu'il est trop concentré dans un trop petit nombre d'industries.

Gordon a déclaré que les ordinateurs nous ont rendus plus productifs uniquement dans la production d'un plus grand nombre d'ordinateurs. Mais je dirais que c'est précisément ce à quoi l'on doit s'attendre—que les gains de productivité les plus forts soient enregistrés dans le secteur de haute technologie—car c'est là que se fait le plus gros de l'innovation. Avec le temps, cette croissance de la productivité s'affirmera dans d'autres secteurs de l'économie. Nous en voyons déjà des signes aux États-Unis.

Cela m'amène à ma septième observation, à savoir que la productivité ou la valeur ajoutée dépend énormément de l'innovation. Idéalement, si le procédé de fabrication le meilleur et le plus efficace est déjà largement répandu, l'économie tournera déjà au maximum de sa productivité ou presque. Pour augmenter davantage la productivité, il faudra innover ou adopter de nouveaux procédés, ce qui nous ramène à nouveau au concept de la valeur ajoutée. La meilleure façon pour une entreprise d'ajouter de la valeur ou d'accroître sa richesse, c'est de créer un nouveau produit, une nouvelle idée ou un nouveau procédé.

Ma huitième observation, c'est que l'innovation, tout simplement, est alimentée par un surcroît d'investissements, que l'on parle de compétences, de machines ou de matériel.

Ma neuvième observation, c'est que les investissements et les capitaux iront là où existent des chances de bénéfices. Autrement dit, les capitaux réagissent aux signaux. Si ces signaux sont faussés par des subventions ou des taux d'imposition variables, les investissements ne se répartiront pas aussi efficacement que possible. Certaines mesures peuvent être prises par les autorités pour augmenter la somme de capital en encourageant le capital risque et des mesures peuvent être prises pour rendre les investissements plus attirants à l'aide d'une baisse d'impôt, mais l'économie livrée à elle-même est très efficace et montre bien où les capitaux d'investissement devraient aboutir.

Enfin et surtout, les profits, l'investissement et le capital de risque sont toujours plus bas au Canada qu'aux États-Unis par rapport à l'ensemble de l'économie. De ce fait, la productivité est moins forte. Le régime fiscal, avec ses taux d'imposition beaucoup plus élevés des gains en capital et des entreprises, n'est peut-être pas la seule cause de ces résultats inférieurs, peut-être n'en est-il même pas une cause importante, mais c'est néanmoins un facteur que les décideurs peuvent et devraient maîtriser.

De surcroît, comme les pays de l'OCDE ont procédé à d'importants allégements fiscaux, ou qu'ils envisagent de le faire, l'écart entre le Canada et le reste du monde sur le plan fiscal risque de s'agrandir encore dans les années à venir. Nous allons donc devoir courir plus vite pour rester au même niveau que nos principaux concurrents sur le plan fiscal. Par exemple, l'Allemagne, le Japon, l'Australie et le Royaume-Uni ont réduit leurs impôts sur les sociétés et sur les gains en capital, même si leurs gouvernements obéissent à des tendances couvrant l'ensemble de l'éventail politique. Enfin, les candidats républicains et Al Gore proposent tous d'autres allégements fiscaux aux États-Unis dans les années à venir; c'est d'une importance fondamentale pour le Canada.

On peut ergoter sur les détails au niveau microéconomique, mais c'est l'intervention macroéconomique qui peut donner les meilleurs résultats, notamment grâce à un régime fiscal plus favorable. Mon message est donc très clair: la meilleure façon d'améliorer la productivité consiste tout simplement à abaisser les impôts, que ce soit sur les gains en capital, les sociétés ou le revenu des particuliers.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Porter.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Penson, s'il vous plaît.

M. Charlie Penson: Merci.

J'ai trouvé cet exposé très intéressant. Je suis d'accord avec vous sur pratiquement tout.

Monsieur Porter, vous avez assez bien résumé la question de l'investissement: l'investissement va là où il trouve une bonne occasion d'affaires. Les entreprises canadiennes et les Canadiens en général font plus d'investissements directs à l'étranger qu'au Canada. Le changement s'est produit il y a quelques années, et il s'accélère de façon spectaculaire.

À mon avis, ce changement est dû notamment à la politique fiscale et à des éléments comme les revendications territoriales et les études d'impact environnemental, qui sont interminables et coûteuses. On peut prendre l'exemple de l'industrie minière canadienne. Un montant d'environ 8 milliards de dollars d'investissements canadiens au Chili est parvenu des différentes régions du Canada.

Il s'agit donc de s'interroger sur la confiance des investisseurs. N'ont-ils pas besoin d'une grande confiance envers les dirigeants politiques?

• 1120

Pour mon autre question, je suis prêt à vous suivre en matière de réduction des impôts, mais il y a actuellement un autre débat au Canada sur l'utilité de la réduction des impôts par rapport au remboursement de la dette. Étant donné qu'un tiers de chaque dollar d'impôt versé à Ottawa est consacré au service de la dette, que pensez-vous de l'idée qu'il faut s'en tenir à une réduction d'impôt, sans forcer sur le remboursement de la dette? Quelle place occupe le remboursement de la dette dans vos propositions?

La présidente: Vous posez sans doute vos questions à nos deux invités.

M. Charlie Penson: Oui.

La présidente: Qui veut commencer? Monsieur Porter?

M. Douglas Porter: Certainement. Merci.

Pour commencer sur l'investissement étranger direct, je vous dirai que tout récemment, le flux s'est inversé en faveur du Canada; c'est ce qu'on a vu au cours des quatre derniers trimestres. Il m'aurait semblé consternant que l'on n'assiste pas à un apport net d'investissements étrangers, tout simplement à cause de la valeur de notre dollar. Nos actifs sont proposés à des prix tellement avantageux, à cause de la sous-évaluation du dollar, qu'il est difficilement concevable qu'il n'y ait pas un apport massif d'investissements.

La timidité de l'apport d'investissements étrangers directs observée me semble décevante. En réalité, on devrait assister à une véritable vague d'investissements, compte tenu de la faiblesse actuelle du dollar. Nos actifs sont proposés à vils prix par rapport à ceux des autres pays.

Il est bien certain que l'investissement étranger direct est attiré par le régime de réglementation, le régime fiscal et la perspective des profits. Le fait qu'on n'ait pas assisté récemment à un afflux plus massif de capitaux étrangers au Canada jette certains doutes sur le degré de confiance des investisseurs étrangers envers le Canada.

En ce qui concerne le choix entre le remboursement de la dette et la réduction des impôts, je dirais que si nous partions d'une situation où le régime fiscal canadien serait comparable à celui de nos principaux concurrents, il faudrait mettre l'accent sur le remboursement de la dette, mais j'estime que nous sommes dans une situation où nous perdons de l'investissement, où nous sommes en retard au plan de la productivité essentiellement à cause du régime fiscal, et c'est donc sur lui que l'attention devrait se porter à court terme. Par ailleurs, la dette commence à retrouver des niveaux plus raisonnables.

À court terme, il n'est pas certain que l'économie ait grand-chose à gagner d'un remboursement de la dette. Autrement dit, nous avons déjà fait baisser les taux d'intérêt au niveau des taux américains. Sur le plan macroéconomique, le remboursement de la dette ne présenterait donc pas un intérêt immédiat.

M. Charlie Penson: Pensez-vous qu'il faille donc s'en désintéresser?

M. Douglas Porter: À plus long terme, je pense qu'il faudra toujours réduire la dette, lentement mais sûrement. Je ne pense pas qu'on puisse s'en désintéresser totalement. Il est prudent et sage de rembourser une petite partie de la dette chaque année, mais toutes les autres ressources devraient être consacrées avant tout à la réduction des impôts.

La présidente: Monsieur Martin.

M. Roger Martin: Merci.

Votre première question portait sur les flux de capitaux; je trouve extraordinaire que celui qui a fait le point sur les flux de capitaux au niveau international ne soit nul autre que Robert Mundell, qui est sans doute le plus grand économiste canadien de tous les temps et qui vient d'obtenir le Prix Nobel. Il a établi dès les années 60 qu'au plan international, les capitaux vont là où ils produisent le meilleur rendement après impôt. Cela semble évident aujourd'hui, mais ce n'était pas le cas lorsqu'il a fait ses recherches.

Il me semble intéressant de faire remarquer que c'est l'influence de Mundell qui a amené le gouvernement du Canada, alors dirigé par Turner, à indexer les tranches d'imposition en 1971, ce qui a aidé le Canada à l'emporter sur la plupart des autres économies au cours des années 70, grâce aux tranches d'imposition ajustées en fonction du taux d'inflation. Voilà un domaine où le Canada s'est singularisé et n'a pas voulu faire comme les autres.

Je considère que les flux internationaux de capitaux sont un phénomène très important et comme vous, j'estime qu'il y a actuellement un manque de vision et de leadership concernant l'état de l'économie. C'est ce qui amène les investisseurs à se détourner de notre économie, à moins, comme l'a dit Doug, qu'ils ne puissent acquérir nos actifs à très bon marché.

Encore une fois, je ne souhaite pas que le Canada gagne en se vendant à vil prix; je souhaite qu'il gagne parce qu'il aura les meilleurs actifs au monde. Je crois que le gouvernement actuel, qui a fait preuve d'un leadership remarquable en matière de réduction du déficit au début des années 90—tout le monde, y compris les gouvernements provinciaux, avaient le même objectif commun—, devrait faire maintenant preuve de leadership en matière de prospérité.

• 1125

Quant à savoir s'il faut mettre l'accent sur les allégements fiscaux ou le remboursement de la dette, je pense qu'il faut absolument... Nous avons actuellement une occasion unique, avec cet excédent de 90 milliards de dollars, pour modifier la structure des incitatifs au travail, à l'épargne et à l'investissement. Je pense donc qu'il faut s'orienter vers une réduction d'impôt, car nous nous trouvons dans une situation désespérée du point de vue de notre prospérité... Notre prospérité relative est en train de déraper, et nous nous dirigeons vers une situation désespérée de ce point de vue. Il nous faut donc des allégements fiscaux orientés directement vers des incitatifs au travail, à l'épargne et à l'investissement.

Bon nombre des réductions d'impôt qui ont été proposées, d'après les renseignements qui ont transpiré, ne changeront rien aux incitations marginales. Par exemple, ces réductions sont peut-être louables du point de vue de la politique sociale, mais le fait d'accroître le crédit d'impôt pour enfants ne change rien aux décisions des contribuables, car le taux d'imposition du revenu marginal est exactement le même. Le fait d'accroître le crédit d'impôt pour TPS, et même de relever le seuil des tranches d'imposition, ne change pas grand-chose aux incitations marginales pour l'ensemble des Canadiens et coûte extrêmement cher.

Je ne recommanderais donc pas de rembourser la dette—je conviens avec Doug qu'elle est maintenant à un niveau gérable—étant donné qu'il est absolument essentiel de modifier dès à présent notre structure d'incitations fiscales. J'investirais au maximum dans toute mesure susceptible d'inciter davantage les gens à travailler, épargner et investir.

M. Charlie Penson: Monsieur Martin, je déduis de ce que vous nous dites—et j'aimerais en obtenir confirmation—qu'au cours de cette période de croissance dans notre économie, vous souhaitez en profiter pour apporter des changements structurels à notre fiscalité, car vous craignez que si le Canada retombe dans une dépression, nous n'ayons pas résolu nos problèmes d'ordre fiscal et que nous prenions encore plus de retard. Est-ce bien cela?

M. Roger Martin: Parfaitement. À mon avis, même si nous vivons dans un merveilleux pays, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande. Ce pays n'a pas pris au sérieux son déclin, lorsqu'il est passé du quatrième au neuvième rang. Les responsables se sont dit que les choses n'étaient peut-être pas mirobolantes, mais tout à coup, c'était la chute libre. Selon moi, c'est ce qui devrait absolument retenir notre attention.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci à tous deux de votre exposé.

Monsieur Porter, j'aimerais me reporter à votre graphique à la page 3 du document—en fait, il s'agit des pages 3 et 6, sauf erreur. J'aimerais quelques explications complémentaires. Jusqu'à 1985, environ, l'économie globale, soit le taux de croissance de la productivité, est resté assez proche de celui des États-Unis, après quoi les courbes se séparent. Vous pourriez peut-être nous en expliquer la raison. Parallèlement, si l'on examine le secteur manufacturier, je constate que la croissance s'est faite en parallèle jusqu'à l'année 1994 ou 1995, après quoi les deux courbes se séparent. Si j'examine ensuite le graphique sur les petites entreprises, à la page 6...

La présidente: De quel document parlez-vous? Est-ce celui de M. Porter?

M. Walt Lastewka: Oui, page 6.

La présidente: Très bien.

M. Walt Lastewka: Les petites usines au Canada ont été apparemment en perte de vitesse depuis les années 70 et pendant la décennie 1980, et l'écart continue de s'accroître par rapport aux entreprises américaines.

Pourriez-vous nous expliquer l'origine de ces écarts et ce qu'il faut faire pour renverser la tendance dans le secteur de la petite entreprise qui, à l'heure actuelle, est la cause de notre écart de productivité?

M. Douglas Porter: Très bien. Je vais commencer par le graphique de la page 6.

Tout d'abord, les changements dans la série chronologique—autrement dit, de 1977 à 1987 et à 1992—entre ces groupes ne sont pas très importants. Ce qu'il faut retenir ici, c'est qu'il semble y avoir un véritable problème dans le secteur de la petite entreprise et que, loin de disparaître, le problème semble s'être aggravé ces dernières années, ou en tout cas pour les dernières années où nous disposons de données. Je crois que c'est donc ce qu'il convient de retenir en l'occurrence: c'est dans ce secteur que l'écart de productivité est vraiment important.

• 1130

Quant aux solutions proposées, en toute franchise, je ne pense qu'il en existe de toutes simples. Il n'y a pas de formule magique pour résoudre ce problème. La seule chose sur laquelle j'insisterai à nouveau, c'est que le capital sera investi dans les secteurs où le taux de rendement est le plus prometteur, et des réductions d'impôt constituent la meilleure façon de favoriser ces gains. À mon avis, la façon la moins onéreuse de procéder consisterait à réduire l'impôt sur les gains en capital.

J'y reviendrai dans un instant. Je vais parler tout d'abord du graphique de la page 3, qui correspond à la productivité totale.

Je dirais que c'est aux États-Unis que l'écart s'est manifesté en premier lieu, et la fiscalité canadienne a véritablement commencé à évoluer au début des années 80; il a fallu quelque temps pour que cela ait des effets sur les statistiques relatives à l'économie globale ou la productivité. Il a fallu attendre quelques années, surtout pour l'ensemble du secteur manufacturier. Les changements se sont fait sentir plus rapidement pour l'ensemble de l'économie.

Quant à savoir ce qui a permis au secteur manufacturier de mieux s'aligner sur la croissance américaine, là encore, je pense que les entreprises et les capitaux investis ont plus de facilité à traverser les frontières, surtout dans l'industrie manufacturière. Si une grosse entreprise industrielle peut fabriquer un produit de façon plus rentable à Sudbury ou au Tennessee, elle déménagera ses installations à cet endroit. Autrement dit, dans le secteur manufacturier, plus de pressions s'exercent pour maintenir le même taux de productivité entre les deux pays.

Étant donné qu'il y a deux ou trois ans à peine que cet écart s'est vraiment élargi, je ne suis pas tout à fait convaincu que les données dont nous disposons soient tout à fait exactes. Si elles le sont, toutefois, je pense qu'il faut y voir un signal d'alarme et que cela est sans doute dû à la différence entre les deux structures économiques; en d'autres termes, c'est parce que les États-Unis ont une industrie de pointe dans le secteur des semi-conducteurs beaucoup plus importante que la nôtre. C'est dans la fabrication du matériel qu'il y a eu les plus importants gains de productivité réels ces dernières années; c'est sans doute tout récemment que les États-Unis ont réalisé les gains les plus importants dans l'industrie de la fabrication.

M. Walt Lastewka: J'aime toujours poser la question suivante: si l'on faisait abstraction du secteur automobile, notre problème serait-il moindre ou plus sérieux?

M. Douglas Porter: Il serait plus sérieux, pour autant que je sache.

M. Walt Lastewka: Ce serait plus grave?

M. Douglas Porter: Oui.

M. Walt Lastewka: L'autre chose qui me préoccupe vient de ce que lorsque la valeur de notre dollar baisse et que nous réussissons à exporter davantage de marchandises et à devenir plus concurrentiels, il semble s'instaurer une certaine attitude de complaisance et l'industrie manufacturière s'appuie alors sur le dollar. Dès que le dollar augmente, nous constatons que nous n'avons pas suffisamment progressé et avant même de nous en rendre compte, nous perdons du terrain et sommes dans le négatif. Est-ce un problème que vous avez décelé au cours des cycles économiques?

M. Douglas Porter: C'est évidemment un problème qui a suscité bien des débats. On l'appelle le problème des fabricants paresseux. Je ne suis pas convaincu que cela soit dû nécessairement au fait que nos fabricants se laissent aller à une certaine complaisance. Ce qui s'est passé, c'est qu'à mesure que le dollar perd de sa valeur, bon nombre d'entreprises qui sont marginales et qui ne pourraient pas survivre avec un dollar plus élevé, et dont la productivité est sans doute moindre, réussissent à s'en tirer grâce à notre devise bon marché. C'est sans doute ce qui entraîne une réduction de notre taux de productivité.

Il y a un autre problème: lorsque le dollar perd de sa valeur, cela fait augmenter les frais d'importation des entreprises, lesquelles importent énormément de machines et de technologie, surtout des États-Unis et du Japon. Elles ont donc moins de marge pour investir lorsque le dollar est à la baisse, ce qui entraîne sans doute encore une fois une baisse de productivité.

Il y a donc un certain nombre de secteurs où la baisse du dollar a en fait pour effet d'entraîner une baisse de productivité.

M. Walt Lastewka: Monsieur Martin.

M. Roger Martin: Je tiens à confirmer vos préoccupations et à les replacer dans un contexte plus général.

Tous les travaux que mes collègues et moi avons faits dans le domaine de la compétitivité mondiale, pour essayer de comprendre la question, nous portent à croire que les entreprises deviennent concurrentielles au niveau mondial lorsqu'elles sont assujetties à des pressions, parce qu'elles sont obligées de faire des choix, d'être plus novatrices et d'investir de façon plus judicieuse. Les pressions sont donc très positives et chaque fois qu'on relâche la soupape de pression en diminuant notre devise, cela a une incidence négative sur les décisions que prennent les entreprises pour être concurrentielles grâce à des moyens plus pointus.

Je trouve très triste l'évolution du dollar canadien. Elle nous a appauvris. Depuis que nous avons effectué l'étude en 1991, les Canadiens ont subi une baisse des salaires de l'ordre de 25 p. 100. C'est ahurissant. Si l'on en tenait compte dans le tableau comparatif du PIB par habitant, nous serions au 15e rang. C'est une situation qui nous appauvrit et qui n'incite pas nos entreprises à prendre les décisions qui leur permettront de se mesurer aux autres.

• 1135

M. Walt Lastewka: J'ai fortement l'impression que nous nous cachons derrière notre faible dollar et que, dès qu'il remonte, nous pensons pouvoir retomber sur nos pieds du jour au lendemain, ce qui n'est pas le cas.

M. Roger Martin: C'est exact.

M. Walt Lastewka: Nous nous laissons aller à oublier nos inquiétudes et la nécessité d'innover, et dès que le dollar remonte, nous voulons changer complètement dès le début de la semaine suivante. C'est impossible.

Certaines entreprises canadiennes se fixent elles-mêmes un taux de change, par exemple un dollar—disons d'un dollar à 85c. américains, pour se donner un avantage concurrentiel. Bon nombre d'entre elles ne le font pas, et la faible valeur du dollar est à notre détriment.

M. Roger Martin: En effet, et ce sont à mon avis les entreprises intelligentes. J'en connais quelques-unes qui calculent tous leurs coûts à partir d'un dollar à 85c. car cela leur paraît normal, et si elles ne font pas de bénéfices à ce niveau-là, elles estiment que c'est insuffisant. Toutefois, ces entreprises sont très rares.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Lastewka.

Monsieur Jones, vous avez la parole.

M. Jim Jones: Merci.

Pouvez-vous me citer des exemples de ce que vous entendez par incitations marginales?

M. Roger Martin: Bien sûr. Il s'agit du taux d'imposition du dernier dollar gagné par une entreprise ou un particulier canadien. À un moment donné, un particulier canadien se dit: «La valeur que je peux retirer d'une heure de travail supplémentaire est inférieure à ce que me coûte cette heure supplémentaire de travail», ou: «La valeur que je pourrais retirer d'une dépense pour l'achat d'un bien de consommation est supérieure à ce que me rapporterait l'investissement de la même somme». L'élément le plus important est donc le taux d'imposition grevant ce dollar supplémentaire.

Un régime fiscal progressif a de toute évidence du bon sur le plan social, mais ce qui est regrettable dans un tel régime, c'est que le revenu marginal est assujetti au taux d'imposition le plus élevé. Il existe donc dans cette fiscalité progressive un facteur dissuasif inhérent, qui dissuade les gens de travailler, d'épargner et d'investir.

C'est pourquoi je dis que si, par exemple, on pouvait modifier la fiscalité canadienne sans que cela ne coûte rien, de façon à supprimer le taux de 17 p. 100 auquel sont assujettis les Canadiens à revenu élevé... Sur la première tranche de 30 000 $, les Canadiens à revenu élevé payent 17 p. 100 d'impôt. Cela coûte cher au trésor, le fait qu'ils payent 17 p. 100 sur la première tranche de 30 000 $. Mais on se fonde sur la base de 29 p. 100, soit le taux qu'ils vont payer sur les tranches supplémentaires. Si nous supprimions la tranche de 17 p. 100 pour les Canadiens plus nantis, nous pourrions ramener de 29 à 26 p. 100 leur taux d'imposition marginal, ce qui stimulerait énormément l'économie, sans que nous ayons à dépenser un seul dollar à des réductions d'impôt. Cette mesure serait tout à fait neutre.

M. Jim Jones: Selon vous, donc, une personne qui gagne 100 000 $ payerait un taux d'imposition forfaitaire de 26 p. 100.

M. Roger Martin: Oui. En vertu d'un tel régime, ces gens payeraient en fait plus d'impôt qu'à l'heure actuelle mais ils seraient incités à travailler un peu plus fort, à investir un peu plus, à gagner 105 000 $, plutôt que 100 000 $, et en fin de compte ils auraient un revenu net disponible plus important, ce qui serait favorable à notre économie.

Lorsqu'on parle de dépenser les 90 milliards de dollars, il y a certaines dépenses qui ne seraient pas utiles, en fait. Remarquez bien que ma proposition ne vise pas à prendre aux pauvres pour donner aux riches; je dis que la façon dont on perçoit de l'impôt auprès des nantis est extrêmement néfaste pour notre économie et la croissance économique—extrêmement néfaste.

M. Douglas Porter: J'aimerais faire une autre remarque. Je suis tout à fait d'accord avec Roger, soit dit en passant. Il faut toutefois tenir compte du fait qu'il ne faut pas se contenter d'examiner le taux d'imposition marginal supérieur. Un autre facteur d'importance cruciale est le seuil de revenu à partir duquel l'impôt commence à augmenter. Autrement dit, on pourrait accroître les incitations fiscales en relevant les seuils de chaque tranche d'imposition. Cela serait certainement utile pour les contribuables à revenu moyen et faible.

• 1140

À mon avis, c'est là qu'il y a des écarts encore plus grands sur le plan des stimulants entre le Canada et les États-Unis. Dans ce pays, le taux d'imposition marginal de la tranche supérieure de revenu s'applique à partir de 250 000 $ US, tandis qu'au Canada, c'est plutôt à partir de 60 000 $ à 70 000 $. C'est simple, je pense que c'est tout à fait ridicule. En d'autres termes, une personne qui est très proche du revenu moyen risque de se voir imposer au taux marginal supérieur. C'est un autre secteur qui mérite toute notre attention.

M. Roger Martin: D'une part, je suis tout à fait d'accord là-dessus. D'autre part, c'est une façon onéreuse d'atteindre l'objectif que l'on vise. Disons que l'on augmente le seuil pour le taux de 17 p. 100, en le faisant passer de 30 000 $ à 35 000 $, et le seuil pour le taux de 26 p. 100, qui passe de 60 000 $ à 70 000 $. Les seuls Canadiens qui y verront un incitatif sont ceux qui gagnent entre 30 000 $ et 35 000 $, et entre 60 000 $ et 70 000 $, soit ceux qui se trouvent dans cette fourchette assez restreinte. Tous les Canadiens aisés, qui continuent d'être imposés à 29 p. 100, auront droit à un allégement fiscal sur le revenu qu'ils gagnent entre 30 000 $ et 35 000 $ ou entre 60 000 $ et 70 000 $.

Cela augmente leur revenu net, mais ça ne change rien au niveau des stimulants. Cela ne change rien pour l'économie. S'ils peuvent dépenser l'argent mieux que le gouvernement, et nous soutenons que c'est possible, cela procurera un petit avantage. Toutefois, ce qui serait très avantageux, c'est de modifier les incitatifs concernant le moment où les gens veulent cesser de travailler, d'épargner et d'investir.

Si on me laissait le choix, je ne changerais rien aux tranches d'imposition, même si je conviens qu'elles sont ridiculement faibles, et je modifierais le taux d'imposition marginal pour chaque tranche.

M. Douglas Porter: Pour que tout soit bien clair, je conviens en fait que, avant toute chose, il serait utile d'abaisser les taux d'imposition marginaux. Il est un fait que cela coûterait cher de relever les tranches d'imposition. Toutefois, pour ce qui est du nombre de personnes touchées et de l'incidence que cela aurait au point de vue stimulants, il faut ni plus ni moins s'attaquer à la classe moyenne.

M. Roger Martin: Je suis d'accord, mais si l'on fixait le taux d'imposition à 16 p. 100, 25 p. 100 et 28 p. 100, il y aurait 100 p. 100 des Canadiens qui se trouveraient au taux marginal sans que cela change grand-chose sur le plan des incitatifs.

La présidente: Permettez-nous de nous dissocier de cette opinion.

Monsieur Jones, ce sera votre dernière question.

M. Jim Jones: J'ai deux questions à poser.

Compte tenu de ce qui s'est passé en Irlande et des diminutions d'impôt accordées en Allemagne et en Finlande, et étant donné que Gore et George Bush, qui sont tous deux candidats à la présidence, disent qu'ils vont proposer des réductions d'impôt, qu'elle est la première priorité du Canada dans ce domaine: un allégement fiscal pour les sociétés ou pour les particuliers?

M. Roger Martin: Je réduirais en fait l'impôt sur les sociétés, car il n'y a absolument aucune raison d'avoir des taux d'imposition plus élevés pour le secteur commercial. Pour les particuliers canadiens, on peut dire que le gouvernement offre un ensemble de biens et de services tout à fait unique en son genre. Nous pouvons faire valoir l'argument que tous ces programmes et services sont exceptionnels, et de ce fait les taux d'imposition sont justifiés. Dans le secteur des sociétés, il n'y a aucune justification. Si l'on augmente le taux d'imposition des entreprises qui ont le choix de s'installer là où elles le souhaitent, elles décideront d'investir et de gagner leurs revenus ailleurs. C'est donc l'impôt le plus dangereusement aberrant. Toutefois, si j'avais le choix, je proposerais qu'on réduise l'impôt dans les deux cas, en consacrant la partie que l'on souhaite de ces 90 milliards de dollars à des réductions d'impôt par une diminution sensible des taux d'imposition marginaux.

M. Douglas Porter: J'hésite à répondre à cette question car je pense que les écarts sont tellement grands dans tous les domaines qu'il est difficile de faire un choix de priorités. Je soutiens que même si l'impôt sur les sociétés doit sans doute, selon moi, être la priorité du point de vue politique, ce serait plus facile de faire accepter des réductions d'impôt visant aussi le revenu des particuliers. À mon avis, des réductions générales d'impôt à tous les niveaux constituent sans doute la solution.

En ce qui concerne leur ampleur dans chaque catégorie, pour ma part, je crois qu'il faudrait accorder la priorité à l'impôt sur les gains en capital, si l'on veut inciter les Canadiens à investir. C'est sans doute ce qui coûterait le moins cher au Trésor.

En fait, je n'ai pas eu l'occasion de parler de mon tout dernier tableau, le graphique 12. Si l'on prend le cas des États-Unis, il n'y a pour ainsi dire aucun rapport entre les taux d'impôt sur les gains en capital et les revenus. Il n'y a eu un rapport qu'une seule fois, en 1986, juste avant l'augmentation du taux d'impôt sur les gains en capital. Une foule de gens ont liquidé leurs biens juste avant cette hausse, de sorte qu'il y a eu un énorme apport de gains en capital juste avant l'augmentation du taux. Par la suite, il n'y a eu pratiquement jamais aucun rapport entre le taux d'imposition des gains en capital et les sommes perçues par le gouvernement ou le Trésor américain par rapport au PIB.

• 1145

Ce que nous disons, c'est que la réduction des gains en capital peut en fait entraîner une augmentation des recettes découlant de l'impôt sur les gains en capital.

La présidente: Merci, monsieur Jones.

M. Jim Jones: J'ai une dernière petite question.

Roger, dans vos graphiques aux pages 4 et 5 où il est question du retard du Canada et du niveau de perfectionnement des activités et stratégies des entreprises, j'ai examiné le cas de l'Irlande et je constate que dans tous les cas, ce pays figure vers le bas de la liste. Je pensais que l'économie irlandaise allait assez bien. Je pensais que ce pays occuperait un bien meilleur rang. Pourquoi ces chiffres ne sont-ils pas plus élevés?

M. Roger Martin: C'est dû en partie au fait que l'Irlande a progressé très rapidement, tout récemment. Vous constaterez sous peu qu'elle gagnera du terrain sur tous les plans. À ce chapitre toutefois, si vous examinez la page précédente, dans cette boîte macro, l'Irlande a dépassé tous les autres pays et créé un milieu qui lui est très propre. Cela l'a propulsée en avant et lui a donné l'occasion d'investir dans les bases microéconomiques. Il ne faut pas oublier que c'est un pays pauvre, qui était désespérément pauvre en 1987 et qui investit aujourd'hui dans sa prospérité uniquement parce qu'il a les moyens de le faire maintenant.

M. Jim Jones: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Jones.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray: Merci beaucoup.

Monsieur Martin, lorsque vous avez dit qu'il fallait passer d'une économie d'imitation à une économie d'innovation, vous avez dit que nous devions faire quelque chose de tout à fait particulier. On dirait qu'il faut que nous nous écartions de nos traditions nationales.

Vous avez cité l'exemple de l'Irlande, mais je me demande si vous avez des idées pour un modèle canadien. Nous avons parlé de modifier la fiscalité, tant pour les sociétés que pour les particuliers, mais si le Canada pouvait attirer l'attention du monde sur lui... Je veux dire, je ne sais pas ce que l'expression «fait au Canada» signifie de nos jours pour le reste du monde. Cela ne veut sans doute plus rien dire si ce n'est qu'il s'agit d'une ressource naturelle quelconque. Toutefois, si on veut que le tampon «fait au Canada» représente quelque chose et que l'on souhaite également avoir cette application particulière, qu'il s'agisse de la politique financière ou autre, avez-vous des idées des mesures que nous pourrions prendre et qui nous seraient tout à fait propres, au lieu de nous inspirer de l'exemple irlandais, disons?

M. Roger Martin: J'ai une opinion à ce sujet et j'en ai d'ailleurs traité dans un article que je vous ferai volontiers parvenir. Je pense que l'on peut dire que nous sommes désormais tout à fait entrés dans l'économie axée sur le savoir, et que c'est l'économie la plus dynamique que nous n'ayons jamais eue. On peut dire aussi que nous en sommes arrivés à un point où, dans nos principaux secteurs industriels, soit l'industrie des logiciels et la technologie, les jeunes en savent nettement plus que leurs parents. On peut se demander qui s'occupe de la gestion des logiciels des systèmes informatiques personnels? S'il y a des enfants de 14 ans dans une maison, ce sont eux qui s'en occupent et non les personnes de 29 ou 30 ans.

Si on part donc de ce principe, les jeunes sont plus importants pour l'économie mondiale que jamais auparavant. Il faudrait complètement remanier notre fiscalité pour qu'elle soit la plus intéressante au monde pour les jeunes.

À mon avis, il est tout à fait bête—et bien des bêtises se produisent au fil du temps, qui ne sont attribuables à personne en particulier—de payer de l'impôt sur le revenu en fonction d'une tranche de vie qui correspond à l'année visée. Il en résulte que des personnes âgées vraiment riches payent 17 p. 100 d'impôt sur les 30 000 premiers dollars de revenu. Cela n'apporte absolument rien à notre économie, et elles ont moins besoin d'argent. Ce sont les jeunes qui élèvent des familles, qui achètent leur première maison, qui s'endettent lourdement et qui remboursent leurs dettes d'études, qui ont besoin, désespérément besoin, de ce revenu supplémentaire. Et pourtant, on commence à leur imposer des taux extrêmement élevés, comme l'a dit Doug, au tout début de leur vie active, s'ils réussissent à gagner près de 60 000 $, soit le salaire de départ de nombreux ingénieurs de 22 ans.

Pourquoi ne pas modifier le système de façon à payer de l'impôt sur le revenu imposable de toute une vie? On payerait 17 p. 100 d'impôt sur la première tranche de 500 000 $ du revenu imposable de toute sa vie, et 26 p. 100 sur la tranche suivante de 500 000 $, et le reste serait assujetti à un taux de 29 p. 100. On ferait du Canada le pays d'Amérique du Nord le plus attrayant pour les jeunes travailleurs, et cela nous permettrait d'offrir les meilleurs stimulants à l'épargne, au travail et à l'investissement, là où ils sont les plus efficaces. Ce serait révolutionnaire. Aucun autre pays au monde n'applique un tel système, de sorte que tous les yeux seraient tournés vers nous pour ce qui est de notre fiscalité.

• 1150

M. Ian Murray: Que pensez-vous de la méthode de la carotte et du bâton pour les entreprises, surtout les petites entreprises, si on voulait leur donner en fait un petit coup de fouet? Il y a les taux d'impôt visant les petites entreprises, etc., qui ne suffisent pas apparemment à les stimuler.

M. Roger Martin: Là encore, j'aime les petites entreprises, mais l'impôt sur la petite entreprise n'est pas une bonne idée. Je ne sais pas d'où vient cette idée, il faudrait remonter en arrière pour le savoir. Toutes les petites entreprises ont comme une épée de Damoclès sur la tête dans la mesure où, si elles prennent trop d'expansion, elles seront assujetties à un taux marginal supérieur. Quelles sont les mesures incitatives qui les poussent à prendre de l'expansion? La structure des incitatifs les pousse à rester petites, et on assiste bien souvent à la prolifération des petites entreprises, où la même personne possède 12 petites entreprises qui sont toutes assujetties au taux inférieur.

Tout cela fait un peu vieillot. C'est charmant d'être gentil pour la petite entreprise, mais cela n'apporte rien à notre économie si ce n'est ce caractère vieillot.

M. Ian Murray: On dit souvent que «ce qui est petit est joli», et cette idée remonte aux années 70, quand E.F...

M. Roger Martin: E.F. Schumacher, je sais.

M. Douglas Porter: En un mot, cela me ramène à ce que j'ai dit plus tôt, à savoir qu'il est essentiel de niveler dans la mesure du possible la structure des incitatifs, pour ne pas créer de distorsion à cause des subventions et de taux d'imposition différents. C'est tout ce que je voulais dire.

M. Ian Murray: Très bien, je vous remercie.

La présidente: Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci.

Ce qu'il y a de bien, lorsqu'on est parmi les derniers à poser des questions, c'est que l'on entend les autres membres du comité poser des questions très semblables de sorte que les témoins ont déjà répondu en partie à mes premières questions.

Je me demandais simplement, monsieur Martin, si vous comptiez rencontrer votre homonyme pour discuter du prochain budget.

J'ai écouté vos observations avec beaucoup d'intérêt et je voulais savoir simplement si la politique monétaire du gouvernement, outre le côté fiscal, à savoir qui paye de l'impôt et qui n'en paye pas, bref si nous avons une fiscalité plus novatrice qui aille dans le sens du modèle que vous avez présenté... Je pense que cela mérite quelques explications plus poussées, et c'est exactement ce qui m'intéresse.

Avant d'en arriver là toutefois, j'aimerais savoir s'il est vrai que certains pays qui se débrouillent très bien et qui reçoivent moins d'investissements étrangers ont en fait une population beaucoup plus importante, même si ce cas ne s'applique pas à certains pays du Moyen-Orient, etc., et si oui ou non le Canada, étant beaucoup plus ouvert à l'investissement étranger et assujetti à la politique financière de tous les autres, peut en fait justifier les mêmes réductions d'impôt qu'ont adoptées le Japon, l'Allemagne et les États-Unis?

M. Roger Martin: Je crois que oui, et je crois que les pays qui ont obtenu d'excellents résultats dans les années 90—ceux qui nous ont littéralement dépassés—sont la Norvège et le Danemark, par exemple. Ils sont très ouverts sur l'extérieur, ont un territoire et une population moindres que les nôtres, etc. Même si cela ne plaît pas à d'autres pays du monde, je suis convaincu que Alan Greenspan fixe la politique monétaire mondiale et qu'il incombe à tous les autres pays de s'aligner sur celle-ci. Tant qu'il donnera le bon exemple, ce sera logique. Je ne pense pas que cela entrave la prospérité; au contraire, cela a créé un milieu où les autres pays du monde ont des possibilités de croissance même s'ils sont petits et ont une économie ouverte.

M. Dan McTeague: Je m'interrogeais justement là-dessus, car l'été dernier, nous avons été nombreux à nous préoccuper de la crise asiatique et des problèmes soudains qu'ont connus l'économie mexicaine et d'autres, victimes des méfaits causés par les flux quasi instantanés de capitaux et l'absence de politiques appropriées. Ce peut être une bonne chose d'avoir des politiques fiscales adaptées et accueillantes; c'est certainement un avantage. Toutefois, dans de telles circonstances, lorsque j'entends dire que les entreprises sont attirées par les retombées de bonnes pensions, de bons régimes de santé et d'enseignement, que ce soit dans les pays que vous avez mentionnés ou même au Canada... Ces entreprises ne tiennent pas nécessairement compte de la fiscalité mais plutôt de la richesse relative de la nation à laquelle elles vont vendre leurs produits.

Ainsi que nous sommes nombreux à le savoir, ces derniers temps, nous sommes passés d'une économie de la fabrication à celle de l'entrepôt, ce qui sous-entend aussi que dans certains secteurs il y a énormément de richesses. Je me demande donc si la prédominance des investissements étrangers au Canada dans certains secteurs primordiaux nous empêche d'attirer des capitaux.

• 1155

M. Roger Martin: Eh bien, cela rend la chose plus délicate et plus difficile. Notre politique devrait encourager la venue de capitaux très divers, et nous devrions nous efforcer de faire de la place pour les entreprises étrangères dont l'exploitation au Canada a des ramifications internationales.

En conséquence, des initiatives comme l'exclusivité mondiale d'un produit, la création de centres mondiaux et d'autres entreprises de ce genre, revêtent une très grande importance pour l'avenir du Canada. Nous devrions d'ailleurs nous efforcer de faire de notre pays un lieu où les entreprises canadiennes peuvent croître, s'épanouir, prendre de l'ampleur et se lancer sur le marché international. C'est toutefois assez complexe, étant donné les nombreux investissements étrangers, et nous devrons donc redoubler d'efforts.

M. Dan McTeague: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur McTeague.

Je tiens à remercier M. Martin et M. Porter. Je m'excuse encore de notre léger retard, mais malgré cela, nous avons pu tenir une très bonne discussion, et nous vous sommes reconnaissants de vos exposés. Si vous souhaitez ajouter quoi que ce soit à votre témoignage dans le cours de nos audiences, nous nous ferons un plaisir de recevoir de vos nouvelles.

Peut-être que chacun d'entre vous aimerait faire une dernière remarque à notre intention.

M. Roger Martin: Je dirai simplement à quel point je suis impressionné par le travail abattu par Industrie Canada dans ce dossier. MM. Kevin Lynch, Serge Nadeau, Andreï Sulzenko et d'autres font du travail carrément remarquable. Je vous en félicite.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Martin.

Monsieur Porter.

M. Douglas Porter: Je vous remercie encore de m'avoir permis de prendre la parole devant vous aujourd'hui.

La présidente: Nous vous remercions tous les deux de votre présence.

Je rappelle aux membres du comité que nous nous réunirons de nouveau à 15 h 30 dans cette même salle. Merci.

La séance est levée.