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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 13 avril 2000

• 0906

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Conformément au mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, le comité examine la Loi sur la concurrence.

Nous avons le grand plaisir d'accueillir aujourd'hui le commissaire de la concurrence, M. Konrad von Finckenstein. Il est accompagné du sous-commissaire principal de la concurrence, M. Gaston Jorré, et du sous-commissaire de la concurrence, M. Don Mercer.

Bienvenue. Nous préférons entendre votre déclaration avant de vous poser des questions.

M. Konrad von Finckenstein (commissaire de la concurrence, Bureau de la concurrence, ministère de l'Industrie): Merci de m'avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd'hui.

Si vous vous souvenez bien, quand j'ai comparu devant le comité le 25 novembre 1999, j'ai déposé les résultats d'une étude indépendante sur les dispositions relatives à l'établissement des prix de la Loi sur la concurrence, et les mécanismes d'application en vigueur au Bureau. J'avais demandé au professeur Anthony VanDuzer, de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, d'examiner les dispositions de la Loi relatives à l'établissement de prix anticoncurrentiels, et leur pertinence à la lumière des forces économiques actuelles. Cette étude avait pour but de contribuer à votre propre examen, examen que vous avez entrepris à la suite de l'analyse du projet de loi C-235, de M. McTeague. À ce moment-là, je vous ai donné mon point de vue préliminaire sur les conclusions du professeur VanDuzer et de son collègue, M. Paquet.

J'ai écouté ce qu'ont dit les témoins qui ont comparu devant votre comité jusqu'à présent, et j'en conclus.

Que le problème réel des dispositions concernant l'établissement des prix tient à leur complexité. Je ne crois pas que des modifications soient nécessaires. Il serait toutefois utile qu'on explique leur fonctionnement en termes plus clairs.

[Français]

Donc, premièrement, le bureau révise ses lignes directrices sur la pratique du prix d'éviction dans le but de clarifier sa politique de mise en application et d'aider le public à comprendre les circonstances qui peuvent mener à une enquête en vertu de la loi.

Deuxièmement, le bureau élabore des lignes directrices pour les dispositions sur l'abus de position dominante. L'abus de position dominante est une affaire civile qui a pour objet de prévenir qu'un joueur dominant étouffe la concurrence sur un marché. Les lignes directrices peuvent être utilisées afin de traiter des prix anticoncurrentiels ainsi que d'autres comportements. J'espère être en mesure de rendre publiques ces lignes directrices très bientôt.

Finalement, dès que les lignes directrices seront terminées, nous reverrons nos critères de sélection pour attribuer les priorités aux cas.

[Traduction]

Vous m'avez aussi demandé, avant de comparaître aujourd'hui, de commenter l'efficacité de la Loi sur la concurrence par rapport à l'économie mondiale. C'est une question extrêmement importante. La Loi sur la concurrence traite de la concurrence sur un marché qui subit une transformation marquée en raison de la mondialisation et de changements technologiques rapides.

À court terme, nous avons besoin de changements législatifs pour venir à bout de deux tendances. Premièrement, nous devons mesurer l'étendue du marché qui est touchée par la mondialisation, et surtout par l'intégration de l'économie nord-américaine. Les entreprises fonctionnent de plus en plus au-delà des frontières. Cela représente de nouveaux défis pour la mise en application de notre loi sur la concurrence. Nous devons être en mesure d'échanger des renseignements avec nos partenaires commerciaux afin d'appliquer nos lois respectives sur la concurrence. Nous devons aussi encourager les alliances stratégiques sur lesquelles comptent les entreprises canadiennes pour soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux.

Deuxièmement, nous devons reconnaître l'impact qu'ont la technologie et la mondialisation sur la structure des marchés et les activités des entreprises. Dans l'économie d'aujourd'hui axée sur l'innovation, la vitesse est primordiale. Cela représente de nouveaux défis pour la mise en application de la loi. Les entreprises doivent avoir directement accès à un mécanisme qui leur permet de régler rapidement leurs différends. Le mécanisme de règlement des différends lui-même doit être rapide et efficace—d'où la nécessité d'apporter des améliorations importantes au processus actuel du Tribunal de la concurrence.

• 0910

Nous devons aussi nous attaquer à l'incidence du commerce électronique et de l'Internet. Nous nous attendons à ce que les entreprises modifient radicalement la façon dont elles font des transactions, non seulement dans les secteurs du détail et de la distribution, mais aussi dans celui de la production et des services. Ce qui nous amène à la question suivante: comment adapter la Loi sur la concurrence à un monde sans frontière où évoluent des entreprises mobiles habituées à l'ère électronique?

Franchement, nous n'avons pas encore de réponse à cette question, car nous ne savons pas quels défis nous attendent. Mais nous y reviendrons en temps opportun. Entre-temps, nous allons suivre la situation de près.

J'aimerais partager avec vous quelques idées sur deux défis que nous devons relever à court terme: la structure changeante des marchés et le besoin de rapidité dans l'économie mondiale d'aujourd'hui.

Parlons d'abord de la structure changeante des marchés.

[Français]

la structure changeante du marché exige vraiment une coopération mutuelle. Dans les marchés mondiaux, les effets d'un comportement anticoncurrentiel traversent les frontières. C'est un problème pressant pour l'application de nos lois sur la concurrence, spécialement sur le marché nord-américain, où le Canada effectue la plupart de son commerce.

Le Canada a mis en place des mesures afin de permettre aux organismes de mise en application dans différents pays d'échanger des renseignements sur les affaires criminelles, mais pas sur les affaires civiles. De plus, les affaires civiles en matière de concurrence, comme l'examen des fusionnements et l'abus de position dominante, sont extrêmement importantes dans l'économie mondiale. On n'a qu'à regarder la tendance aux mégafusionnements internationaux ou la naissance de joueurs dominants comme Microsoft.

La solution est de présenter une loi habilitante qui nous permettrait d'avoir des ententes de coopération mutuelle avec d'autres organismes de mise en application, particulièrement aux États-Unis et dans l'Union européenne. Ces ententes permettraient d'échanger des preuves sur les affaires civiles en matière de concurrence.

Ces ententes ne seraient pas ouvertes. Elles auraient nécessairement des restrictions afin d'obtenir un juste équilibre entre le maintien de la confidentialité et un échange réciproque important entre les organismes antitrusts.

[Traduction]

Nous devons également nous attaquer aux alliances stratégiques et aux dispositions sur les complots qui figurent sur la Loi sur la concurrence.

À l'heure actuelle, les entreprises canadiennes font de leur mieux pour soutenir la concurrence le plus efficacement possible sur ces marchés mondiaux. Certaines développent des relations très étroites avec d'autres entreprises dans le but d'avoir accès à des technologies, de coopérer dans le domaine de la R-D et de réaliser des économies par le biais d'ententes de commercialisation et d'approvisionnement dans de nouveaux marchés.

Le défi, ici, tient aux dispositions de la Loi relatives aux complots, qui interdisent la conclusion d'ententes qui limitent de façon indue la concurrence. Le problème, c'est que les alliances stratégiques impliquent souvent des ententes parmi les concurrents. L'imposition de sanctions pénales peut donc décourager les entreprises à participer à de telles alliances. Elle peut, dans les faits, avoir un effet dissuasif. C'est un problème que le professeur VanDuzer a soulevé. Le droit criminel ne permet pas d'établir une distinction entre un comportement anticoncurrentiel et un comportement qui est en fait la manifestation d'une saine concurrence.

À notre avis, la Loi sur la concurrence se trouverait renforcée si on établissait une distinction plus claire entre un comportement criminel grave, comme l'établissement des prix, comportement qui serait assujetti aux dispositions relatives aux complots, et une entente visant à favoriser la concurrence entre sociétés rivales, entente dont les effets anticoncurrentiels pourraient être mieux évalués en vertu du droit civil.

Par ailleurs, il faut répondre au besoin de rapidité qui caractérise l'économie mondiale d'aujourd'hui. Actuellement, seul le commissaire peut renvoyer au Tribunal de la concurrence les affaires susceptibles d'examen. Si le commissaire décide, pour une raison ou une autre, de ne pas donner suite à un cas, le plaignant, lui, ne peut en saisir le Tribunal en son propre nom. Voilà pour le droit civil. En ce qui concerne le droit pénal, la personne qui s'estime victime d'un acte criminel peut intenter une poursuite en justice.

À notre avis, le droit d'action privée favoriserait la mise en application de la loi. Il permettrait d'augmenter l'effet dissuasif de la Loi et de créer une jurisprudence dont nous avons grandement besoin.

• 0915

Dans le cas du Tribunal de la concurrence, le droit d'action privée pourrait être appliqué aux questions qui concernent essentiellement les acheteurs et les vendeurs et qui ne justifient pas une intervention publique. Les dispositions visées sont les articles 75, qui porte sur le refus de vendre, et 77, qui traite des ventes liées, de la limitation du marché et d'exclusivité.

Dans les discussions précédentes au sujet du bien-fondé du droit d'action privée—et il y en a eu beaucoup—les intervenants ont insisté sur la nécessité d'adopter des mesures pour éviter que ce droit ne donne lieu à des litiges stratégiques. Il faudrait assortir ce droit de mesures de protection, telles que l'autorisation du tribunal de déposer une demande, l'octroi de dépens et le non-versement de dommmages-intérêts.

Cependant, le droit d'action privée demeure pour nous option réalisable. Le processus d'examen serait plus rapide et plus efficace. Les entreprises pourraient régler des questions essentiellement privées avec plus d'efficacité.

[Français]

On doit aussi améliorer et élargir les procédures du Tribunal de la concurrence. Le processus actuel d'examen du tribunal peut être lent et onéreux. Dans l'économie innovatrice d'aujourd'hui, la rapidité compte et un plaignant peut très bien ne plus être en affaires avant qu'un cas ne soit entendu et que des mesures correctives ne soient imposées.

Plusieurs changements au niveau des procédures amélioreraient le système de résolution des différends: les renvois permettraient de résoudre rapidement des questions clés dont un cas dépend; la discrétion d'attribuer des dépens donnerait au Tribunal de la concurrence un outil pour discipliner les litiges stratégiques; les procédures sommaires permettraient au tribunal de résoudre rapidement un cas si la preuve soumise par l'une ou l'autre des parties semblait n'avoir aucun mérite; et, finalement, les nouvelles ordonnances provisoires permettraient au commissaire de faire cesser temporairement l'abus de position dominante dans tous les secteurs. Ceci pourrait être similaire aux pouvoirs déjà existants pour les compagnies aériennes.

[Traduction]

La plupart de ces propositions figurent déjà dans deux projets de loi d'initiative parlementaire. Il y a d'abord le projet de loi C-471, de Mme Jennings, qui encouragerait l'entraide internationale en matière civile et qui permettrait les renvois au Tribunal de la concurrence. Il y a ensuite le projet de loi C-472, de M. McTeague, qui traite des alliances stratégiques, du droit des particuliers de présenter une demande au Tribunal de la concurrence, de l'attribution de dépens et des procédures sommaires. Il introduirait un nouveau pouvoir de rendre des ordonnances provisoires. Voilà les principaux changements que le Bureau souhaite voir apporter à la Loi.

La protection du consommateur est un autre domaine important qui est visé par la législation sur la concurrence. Deux autres projets de loi d'initiative parlementaire visent à apporter des améliorations à la Loi sur la concurrence. Il y a le projet de loi C-402, de M. McTeague, qui traite de l'abus de position dominante dans le secteur du détail et qui vise à répondre aux préoccupations des consommateurs concernant les marchés dominés par quelques gros joueurs. Il y a ensuite le projet de loi C-438 de Mme Redman, qui interdit les concours trompeurs distribués par la poste, une mesure que vous avez récemment endossée et qui cadre avec les dispositions du projet de loi qui traitent du télémarketing trompeur.

En résumé, notre programme visant l'amélioration de la Loi sur la concurrence coïncide grandement avec les quatre projets de loi d'initiative parlementaire dont vous êtes saisis. Le ministre de l'Industrie, l'honorable John Manley, vous a dit qu'il était d'accord avec les principes sous-jacents des projets de loi et qu'il envisage de les inclure dans un projet de loi du gouvernement. Il veut toutefois entendre ce que les intervenants ont à dire. Il veut tenir de vastes consultations et entendre le point de vue de toutes les parties concernées. Comme il s'agit d'une loi d'application générale qui influe sur tous les segments de l'économie canadienne, il est important d'évaluer toutes les ramifications possibles des changements qui seront apportés.

Nous avons retenu les services du Forum des politiques publiques, qui dirigera les consultations en vue d'assurer la plus grande participation possible à celles-ci. Un document d'étude sera préparé et auquel seront annexés les quatre projets de loi. Nous demanderons aux personnes intéressées de soumettre des mémoires. Enfin, sept tables-rondes auront lieu dans différentes villes du Canada.

• 0920

Nous espérons qu'un consensus se dégagera de ces vastes consultations sur les changements qui doivent être apportés à la Loi sur la concurrence, changements qui serviront de fondement à un projet de loi gouvernemental et qui nous permettrons de relever les défis que pose la mise en application de la Loi sur la concurrence dans l'économie mondiale. Si un tel consensus se dégage, le ministre déposera un projet de loi qui s'inspirera des grands principes que j'ai mentionnés. Nous aurons ainsi une Loi sur la concurrence plus efficace.

Merci beaucoup. Je répondrai volontiers à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur le commissaire.

Nous allons d'abord entendre M. Penson.

M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Merci.

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur von Finckenstein, à vous et à vos fonctionnaires. Vous avez parlé de l'évaluation dont a fait l'objet votre bureau, comme il en est question ce matin dans le National Post. Je n'entrerai donc pas dans les détails. J'ai toutefois quelques questions à poser.

La charge de travail, au cours des trois dernières années, a augmenté, passant de 1 400 ou 1 500 dossiers par année, à 10 000. Voilà ma première question. Pourquoi une telle augmentation?

Vous avez parlé du projet de loi C-402, celui de M. McTeague, et vous avez dit que vous voudriez que la loi englobe les modifications proposées dans le projet de loi d'initiative parlementaire. Quel est le problème qui doit être réglé? Quelles sont les lacunes qui existent dans la loi actuelle au chapitre de l'abus de position dominante, dont traite le projet de loi de M. McTeague?

Je sais que vous avez déjà comparu devant le comité et que vous avez dit que... Prenons l'essence, par exemple, qui semble toujours être un sujet d'actualité. Vous vous êtes penché là-dessus à plusieurs reprises et vous avez constaté que c'est l'absence de preuves qui pose problème. Or, on réclame une loi plus sévère pour traiter des cas d'abus de position dominante. Quelles sont les lacunes qui existent à l'heure actuelle? Pourquoi jugez-vous nécessaire de renforcer la loi pour venir à bout de ce problème?

M. Konrad von Finckenstein: D'abord, pour ce qui est de la question de la charge de travail, nous sommes en train d'assister à une vague sans précédent de fusions à l'échelle mondiale et au Canada. Le nombre de fusions a augmenté de façon radicale. Cela ajoute à notre charge de travail. Nous assistons également à l'échelle internationale à une vague de complots d'une ampleur inégalée. Par exemple, les grands producteurs de vitamines A à l'échelle mondiale ont travaillé ensemble et conspiré de façon systématique pour partager les marchés et fixer les prix. Cela ajoute à notre charge de travail.

Il y a également, bien entendu, l'intégration des économies nord-américaines par suite de l'ALÉNA. Nous sommes donc confrontés à de plus gros joueurs. Les problèmes sont plus complexes parce que vous devez traiter avec diverses compétences. Vous devez coordonner vos activités avec celles de vos partenaires.

Est-ce que cela grève nos ressources? Oui. Serait-il utile d'en avoir plus? Absolument. Je compte demander au Conseil du Trésor de nous fournir des ressources additionnelles. Vais-je les obtenir? Nous verrons. C'est un problème qui existe à l'échelle mondiale. Tous mes collègues des autres agences antitrust font face au même problème. Personne n'a jamais été confronté à une telle vague de fusions, à un tel nombre de cas aussi complexes.

Pour ce qui est de la position dominante, les modifications législatives que j'entrevois, et que l'on retrouve en partie dans les projets de loi d'initiative parlementaire et qui feront l'objet de consultations, comme je l'ai mentionné, nous permettrons, espérons-le, d'atteindre deux objectifs. D'abord, le droit d'action privée. Il y a beaucoup de différends dans le domaine de la concurrence qui ne sont pas tellement majeurs. Ils devraient nous concerner ou peuvent nous concerner, et c'est à ce moment-là que l'État doit intervenir.

Le refus de vendre est un bon exemple. Si vous êtes un petit détaillant, que vous voulez un certain produit et que le grossiste, pour une raison quelconque, refuse de vous le vendre, si vous jugez ce produit essentiel et que vous présentez peu de risques de crédit, vous devriez alors avoir le droit de l'acheter. À l'heure actuelle, vous devez soumettre une plainte au commissaire, qui lui en saisit le Bureau. Ce que nous proposons, c'est que vous ayez le droit de régler ce problème vous-même.

M. Charlie Penson: Monsieur Finckenstein, est-ce que la loi canadienne contient des lacunes à ce chapitre par rapport à la loi américaine? Pouvez-vous nous dire comment les deux lois traite cette question?

• 0925

M. Konrad von Finckenstein: Pour ce qui est du droit d'action privée, les États-Unis ont adopté un régime totalement différent. Vous pouvez vous-même intenter des poursuites. Vous n'avez pas de dépens à verser, comme c'est le cas au Canada. Deuxièmement, vous pouvez effectuer des recours collectifs, prévoir des honoraires conditionnels, ainsi de suite. Leur régime est diamétralement opposé au nôtre. Les poursuites représentent un outil stratégique, un outil qui est souvent utilisé pour renforcer votre position déjà avantageuse.

Or, nous ne voulons pas avoir le même système. Nous ne voulons pas commettre les mêmes erreurs que les Américains. Par ailleurs, le fait de ne pas bénéficier d'un droit d'action privée ne suffit pas.

Ce que nous voulons, c'est un droit d'action privée limité que les concurrents pourraient utiliser dans certains cas, mais sans exiger le versement de dommages-intérêts. Vous n'allez pas intenter des poursuites dans le but de vous enrichir. Si vous intentez des poursuites et que vous obtenez gain de cause, vous allez obtenir une injonction ou une ordonnance de faire, c'est tout.

De plus, le Tribunal devrait avoir la possibilité de vous imposer des dommages-intérêts si vous n'obtenez pas gain de cause. Si vous voulez éviter que le différend ne donne lieu à un litige stratégique, il serait peut-être alors logique d'obtenir d'un tribunal l'autorisation de déposer une demande. Vous devez démontrer que cette pratique anticoncurrentielle vous cause un tort considérable, que vous n'intentez pas une poursuite dans le but d'obtenir un avantage concurrentiel.

Voilà pour la question de la position dominante. Il y a ensuite les ordonnances d'interdiction, un pouvoir que nous avons réclamé dans le cas des compagnies aériennes. Cette proposition figure dans le projet de loi de M. McTeague. C'est une piste qu'il faudrait explorer.

Le problème avec les cas d'abus de position dominante, c'est que le processus est très long. Très souvent, avant que le Bureau ne termine son enquête et que des poursuites ne soient engagées, le plaignant a quitté le marché ou encore décidé qu'il a été suffisamment pénalisé et qu'il est inutile d'aller de l'avant avec la poursuite. Ils ne veulent pas une poursuite qui va s'étendre sur deux ans. Ils se conforment donc aux règles que le joueur en position dominante essaie d'imposer.

M. Charlie Penson: Prenons l'exemple de l'industrie pétrolière. Aux États-Unis, je crois comprendre que le marché est desservi à 80 p. 100 par les petites entreprises indépendantes, et à 20 p. 100, par les grandes. Ici, c'est essentiellement l'inverse, du fait que nous avons des économies différentes. Mais c'est là une autre façon d'atteindre le même but, n'est-ce pas?

Si la concurrence était plus vive, il ne serait pas vraiment nécessaire d'avoir une loi sur la concurrence dans ce domaine si notre marché était différent. Ce que j'essaie de dire, monsieur Finckenstein, c'est que nous devons avoir une saine concurrence, mais sans dépasser les bornes. Nous avons ici quelques projets de loi d'initiative parlementaire, et nous en avons déjà examiné certains qui portaient sur les concours. Or, comment pouvons-nous amener les gens à assumer une certaine part de responsabilité, sans réglementer le tout?

M. Konrad von Finckenstein: Permettez-moi d'abord de répondre au premier point concernant les États-Unis.

De nombreux États américains ont adopté des lois qui, en effet, interdisent aux sociétés pétrolières intégrées de vendre leur produit à des détaillants. Cela explique peut-être en partie pourquoi vous avez une telle... Nous n'avons pas ce genre de loi ici. Au Canada, la société pétrolière intégrée effectue des forages pour trouver du pétrole, raffine le produit, le vend à des détaillants. Certains États interdisent cette pratique. Nous ne le faisons pas.

M. Charlie Penson: Cette pratique est interdite.

M. Konrad von Finckenstein: Oui. Or, elle n'est pas interdite au Canada. De toute façon, cette question relève des provinces et il faudrait qu'elles adoptent une loi pour l'interdire.

Ce que nous proposons, c'est que si des entreprises privées, par exemple des détaillants, estiment être lésées par une société pétrolière en position dominante qui, par exemple, refuse de transiger avec elles, ainsi de suite, ces entreprises devraient avoir la possibilité de s'adresser aux tribunaux si nous estimons que cette plainte n'est pas justifiée ou que le préjudice anticoncurrentiel n'est pas suffisamment évident.

Deuxièmement, il est très difficile d'établir une distinction entre un comportement anticoncurrentiel et ce que l'on considère comme étant de la vive concurrence. Voilà pourquoi nous estimons qu'il faudrait avoir recours au droit civil, et non pénal, pour régler ces questions.

Ce que vous essayez de faire essentiellement, c'est de gagner, comme vous l'avez mentionné. Vous pouvez avoir autant de concours que vous voulez, mais il ne faut pas utiliser des tactiques qui sont trompeuses. Vous grattez quatre cases et vous obtenez quatre zéros: hourra, j'ai gagné. Or, il vous faut une loupe pour pouvoir lire les détails qui figurent au bas de la carte, et qui disent que si vous gagnez, vous devez appeler tout de suite. Vous devez composer un numéro 1-900, à vos frais, et chaque appel coûte 25 $. Tout ce que vous apprenez, en fait, c'est que vous pouvez participer au concours, non pas que vous avez gagné quelque chose.

• 0930

M. Charlie Penson: Est-ce qu'il faut s'adresser au Bureau dans un cas comme celui-là?

M. Konrad von Finckenstein: Nous ne voulons pas imposer des règles pour ces concours. Tout ce que nous disons, c'est qu'ils ne devraient pas être trompeurs. Nous émettons des directives à ce sujet. Nous ne sommes pas là pour réglementer l'activité. Ce que nous disons aux entreprises, c'est qu'il y a des paramètres. Si elles les respectent, il n'y aura pas de problèmes. Si elles ne les respectent pas, elles auront affaire à nous, puisque nous jugeons qu'il s'agit là d'un comportement anticoncurrentiel.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je voudrais revenir au commentaire qu'a fait M. Penson au sujet de ce merveilleux rapport qui s'intitule Global Competition Review.

Je suis ce dossier de près depuis déjà un certain temps, et je constate avec plaisir que certaines initiatives commencent à porter fruits. Je note également que nous tenons de plus en plus de consultations sur des questions qui découlent du projet de loi C-235—et porte maintenant le numéro C-201—et le projet de loi C-402, qui porte maintenant le numéro C-472.

Comme vous, monsieur von Finckenstein, j'ai été un peu étonné de voir, dans la plupart des journaux, que le Bureau obtient une note si faible. Au début, en raison des préoccupations que j'avais au sujet de la rapidité avec laquelle vous approuviez les fusions, de la concentration de... Surtout dans les médias, et il n'est pas étonnant que le National Post ait publié des articles à ce sujet à plusieurs reprises... Je remarque également que, dans l'industrie de l'alimentation au détail, l'industrie pétrolière, l'industrie forestière, et peut-être celle du propane... Je pensais que l'examen portait sur l'impact des fusions sur l'économie canadienne en général, les principes d'indépendance et de transparence, les préoccupations que cela soulève.

Lorsque j'ai téléchargé de l'information au sujet du Global Competition Review, j'ai été un peu surpris de découvrir que la simple question de savoir qui a effectué la notation est toujours très importante. Je tiens à vous faire part, madame la présidente et M. von Finckenstein, de ce passage qui a suscité mon intérêt dans les remarques préliminaires:

    L'idée d'évaluer les organismes de réglementation a pris naissance à un colloque de l'Association internationale du barreau qui a eu lieu en Italie. L'idée a été lancée à l'Institut universitaire européen, à Fiesole, dans le cadre d'un déjeuner réunissant des employés de GCR, d'anciens cadres supérieurs d'organismes de réglementation et des avocats principaux d'organismes internationaux compétents en matière de concurrence. De l'avis général, alors que les régimes concurrentiels prolifèrent, il serait utile de repérer les organismes de réglementation qui offrent des services exemplaires afin qu'ils servent de point pour les autres.

Il y a eu une faiblesse, selon moi, dans ce genre de déclaration. Je m'imagine avoir affaire à des gens qui boivent leur Perrier citron en dégustant probablement des canapés et qui décident qu'ils n'aiment pas les régimes concurrentielles, pour toutes sortes de raisons.

Comme vous le savez, si je n'ai pas manqué de critiquer votre bureau par le passé c'est parce, dans le cas des fusions que vous avez autorisées, vous n'avez pas tenu compte autant que faire se peut de l'intérêt public.

Il me semble qu'en lisant dans ce rapport au sujet des cabinets d'avocats que vous recommandez en raison de leur intégrité... Par exemple, en ce qui concerne Davies, Ward & Beck, le meilleur d'entre eux est Cal Goldman, qui, je crois, s'est déjà trouvé à votre place et qui a plaidé la fusion d'Exxon avec Mobil et à l'égard de Superior Propane. Je poursuis et je m'arrête à William J. Rowley, c.r.; section IBA, droit commercial chez McMillan Binch. Rowley a largement contribué à la rédaction de la loi en 1986 que j'ai beaucoup critiquée. Je poursuis et tombe sur Francine Matte et d'autres qui ont joué en général un rôle dans des entreprises qui ont déployé des efforts pour la question des fusions au Canada et, je suppose, dans le monde.

Si des gens doivent vous évaluer en fonction de leur intérêt personnel ou sur ce qui semble—avec tout le respect que je vous dois—être leur propre intérêt de ne pas avoir obtenu assez rapidement l'approbation en ce qui a trait à leur fusion, ou vous avez, pour une raison ou pour une autre, des difficultés avec eux parce que vous vous faites le champion de l'intérêt public, comment voulez-vous que nous nous fassions une opinion objective de ce qu'est votre organisation alors que ceux qui donnent leur opinion sont eux-mêmes suspects et en fait des gens qui, je crois, préféreraient s'occuper de leurs clients?

Cela mènerait probablement à ma deuxième question. Si les États-Unis ont obtenu le niveau quatre étoiles et que son barreau est différent, comme l'a laissé entendre M. Penson, en raison du fait qu'une bonne partie de leurs litiges sont proantitrust plutôt que proclients, n'avez-vous pas l'impression d'une certaine partialité? Il ne s'agit peut-être pas là d'une question aussi objective qu'elle devrait l'être, mais je crains que les gens qui vous évaluent le font en fait pour d'autres raisons.

• 0935

M. Konrad von Finckenstein: Comme vous le savez, je n'étais pas satisfait du rapport et je l'ai dit publiquement.

Laissez-moi vous dire au départ que j'estime excellente l'idée d'évaluer les autorités antitrust internationales. Je vois que nous nous dirigeons vers la mondialisation des marchés. Ni l'OMC ni l'OCDE ne ménage ses efforts pour mettre en place des normes et des procédures uniformes en ce qui a trait aux actions antitrust. Je crois que c'est un objectif valable. Cela implique en partie que vous établissez un point de repère et comparez les organismes les uns aux autres. Je les félicite donc de l'effort qu'ils ont déployé.

Je crois toutefois que leur méthodologie comporte de sérieuses lacunes et je l'ai signalé. Je crois aussi que le fait de rendre compte en rapportant les propos d'une personne de façon anecdotique et de donner ainsi l'impression que cela reflète l'opinion de l'ensemble est une pratique déloyale.

Cela dit, je leur ai écrit afin de leur dire que je suis disposé à collaborer avec eux pour les aider à parfaire leur méthode et à progresser parce que je crois que l'effort est valable.

En toute justice pour eux, ils disent—si quelqu'un prend la peine de lire les mises en garde, et il y en a six—par exemple:

    Les avocats dans certaines instances peuvent avoir tendance à favoriser le statu quo plutôt que l'innovation en matière de doctrine ou de politique. Dans ces instances, il est possible qu'un nombre moindre d'avocats soient réceptifs aux progrès, par exemple dans le domaine de l'analyse économique. De façon plus générale, il se peut que les autorités les plus critiquées soient celles qui exigent le plus de leurs barreaux.

Vous demandez si vous voulez être bien ou mal coté dans ce rapport, parce que leur mesure principale semble être la vitesse à laquelle vous approuvez les fusions. Je ne suis pas convaincu qu'il s'agirait vraiment de la meilleure façon d'examiner une autorité antitrust, étant donné que ce qui importe c'est la qualité de l'examen auquel vous soumettez la fusion et non la rapidité avec laquelle vous l'effectuez. Si l'examen a été effectué rapidement, quiconque entérine chaque fusion devrait alors obtenir un niveau cinq étoiles.

M. Dan McTeague: En ce qui a trait à la manie des fusions, je consulte certains sites Web et Canoe et d'autres ont toute cette section qui traite d'un monde tout à fait différent mais plus particulièrement d'un Canada très différent.

Le Conseil canadien des chefs d'entreprise s'inquiète du fait que des cadres quittent le Canada, mais ne se demandent pas tout simplement si leur société est une filiale à 100 p. 100 ou fusionnée à une société étrangère et si les cadres mettent peut- être simplement le cap sur ces pays plutôt que de rester ici.

Comme vous le savez, j'ai beaucoup critiqué par le passé la façon dont nous nous traitons les fusions et il y aura encore probablement beaucoup à dire à ce sujet.

Je m'intéressais à une chose dont ils n'ont pas parlé, mais leurs statistiques en témoignent. Cela a de nouveau trait à des questions qui ont déjà été soulevées. D'après GCR, peut-être pourrait-il vous être utile de cette manière—votre budget annuel se chiffre à environ 17 millions de dollars américains. Je me suis ensuite rendu à la division antitrust du département de la Justice des États-Unis et de la Federal Trade Commission. J'y ai découvert que leur budget est d'environ 240 millions de dollars américains. Si je calcule rapidement, c'est 14 fois plus que ce dont nous disposons au Canada, dans un univers où les fusions s'intensifient peut-être davantage.

Par tête d'habitant, cela ne laisse-il pas supposer alors, que le Canada ne verse pas suffisamment d'argent à votre organisme pour lui permettre de bien faire son travail, c'est-à-dire protéger avant tout l'intérêt public plutôt que les intérêts des personnes qui représentent GCR internationalement et de toute évidence plus localement ici?

M. Konrad von Finckenstein: Je n'ai pas besoin de vous dire que vos propos sont doux à mon oreille.

M. Dan McTeague: Telle n'était pas l'intention. Je crois...

M. Konrad von Finckenstein: En ce qui concerne l'analyse à laquelle nous procédons, les crédits que nous obtenons ne suffisent pas. Deux problèmes se posent, à mon avis. Il y a d'abord le sous- financement et ensuite l'examen des programmes, un problème d'envergure gouvernementale. Pour réduire le déficit, le gouvernement doit sabrer énormément dans les dépenses à l'échelle du gouvernement. Chaque organisme gouvernemental sent donc la pression ces jours-ci.

En outre, dans le cadre de la déréglementation et de la libéralisation d'une partie de notre économie, par exemple le transport, les télécommunications et maintenant l'énergie, la responsabilité du bureau s'est en fait accrue. Dans la mesure où ces domaines ont été déréglementés et ne sont plus assujettis à un organisme de réglementation précis, il nous incombe donc de nous en occuper. Malheureusement, l'élargissement de notre mandat n'a pas donné lieu à une hausse des crédits qui nous sont alloués. Comme je l'ai dit plus tôt, nous allons faire notre présentation au Conseil du Trésor. Nous avons tout à fait l'impression que sans une hausse considérable des crédits qui nous sont alloués, nous ne pourrons remplir notre mission.

M. Dan McTeague: Farce à part, je sais qu'il se trouvera des gens dans le monde, comme Terence Corcorans ou Andrew Coynes, qui laisseront entendre que nous avions discuté vous et moi de cette question avant la réunion de ce matin.

• 0940

J'en viens à des conclusions très similaires. Je trouve tout à fait scandaleux que cette organisation ait pris de grandes libertés et n'ait pas dit grand chose elle-même à cet égard, certainement au sujet de ce qui s'est produit.

Vous et moi n'avons jamais, ni personne de votre bureau, à votre connaissance, discuté de cet examen global auparavant, n'est- ce pas?

M. Konrad von Finckenstein: Non.

M. Dan McTeague: Je tenais à le préciser, madame la présidente, parce que je suis convaincu que les journaux en parleront dans les jours qui viennent.

M. Konrad von Finckenstein: Je peux même vous dire que je n'ai su que lundi que l'on effectuait cet examen. C'est à ce moment que je l'ai appris.

La présidente: Monsieur McTeague, je m'en rends bien compte. On lisait hier dans le journal que nos recommandations s'apparentaient à celles du Conseil canadien des chefs d'entreprise et notre rapport a été terminé plus de deux semaines avant la publication de celui du BCNI.

De toute façon, monsieur Brien,

[Français]

s'il vous plaît.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Je suis surpris ce matin d'entendre M. McTeague se porter à la défense du Bureau de la concurrence comme il vient de faire. En général, on discrédite les études qui n'arrivent pas aux conclusions qu'on aime. Je vois que vous n'êtes pas très différent. Entre autres chose, vous tentez d'orienter le débat pour faire croire que l'étude qui a été faite met beaucoup l'accent sur le processus d'approbation ou sur la vitesse d'approbation des fusions.

Pour que les choses soient claires pour tout le monde, même ceux qui n'ont pas lu l'étude, je dirai qu'il y a cinq autres critères d'évaluation qui sont: le délai de traitement des dossiers autres que des fusions; l'expertise technique de l'agence; les procédures de fonctionnement; l'indépendance; et son leadership.

Donc, ce n'est pas vrai qu'on peut simplement dire que la seule variable à prendre en considération est la vitesse d'approbation du processus de fusion. Cela dit, la variable qui m'inquiète le plus parmi celles que j'ai lues, c'est celle de l'indépendance de l'organisme, que certaines personnes critiquent. Récemment, j'ai été très surpris d'entendre le ministre de l'Industrie appuyer sa décision de confier l'étude du marché de l'essence et des produits de l'essence au Conference Board parce qu'il voulait que l'enquête sur l'industrie soit faite de façon indépendante. C'est ce qu'il a dit dans son communiqué de presse et dans ses déclarations publiques.

Expliquez-moi pourquoi vous n'auriez pas pu faire une étude indépendante. Le ministre lui-même a choisi quelqu'un d'autre en vertu du critère de l'indépendance. Et voilà qu'un organisme externe critique votre indépendance. Cela fait deux fois en peu de temps que cette question fait surface. Cela m'inquiète.

M. Konrad von Finckenstein: Premièrement, j'ai dit que la vitesse était un des critères clés. Je n'ai pas dit que c'était le seul critère.

Par exemple, dans le cas d'un autre critère, celui de la confidentialité, on nous donne deux étoiles et demie et trois étoiles pour les cas majeurs. Pour sa part, l'Argentine a droit à trois étoiles. Mais on dit dans les textes que l'Argentine ne peut pas respecter la confidentialité. Pour moi, c'est inexplicable. Si vous faites un examen des fusionnements, la clé est de garder les données, parce qu'il est très important pour les compagnies de pouvoir avoir confiance dans l'organisme, de savoir qu'ils peuvent partager leurs informations les plus secrètes afin qu'on puisse disposer de leur cas. On dit que l'Argentine ne peut pas faire cela, mais que nous pouvons le faire, que nous avons une grande expertise dans les fusionnements, une expertise technique, et on nous donne deux étoiles et demie alors qu'on en donne trois à l'Argentine.

C'est le problème que me pose ce sondage. Comme je l'ai dit, j'appuie leur effort. Je crois qu'il était nécessaire qu'ils fassent une comparaison, mais leur méthodologie n'est pas la bonne.

Deuxièmement, au sujet de l'indépendance, j'ai fait des études sur la question de l'essence. Elles sont sur notre site Internet. Nous avons expliqué plusieurs fois les résultats de nos recherches sur le marché en Ontario, au Québec, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Tous les détails sont sur notre site Internet.

Maintenant, le ministre de l'Industrie a demandé au Conference Board de faire une étude et aussi de tenir des audiences publiques dans diverses villes au Canada pour que tous puissent exprimer leur opinion: le public, les consommateurs, les grossistes et les producteurs.

• 0945

On va avoir une discussion publique. Les recherches que j'ai faites sont confidentielles. Nous avons le pouvoir de demander des données à l'industrie, de faire des enquêtes, etc. Les résultats sont publics, mais le processus, selon la loi, est confidentiel. Le ministre voulait que cette étude du Conference Board fasse l'objet d'une discussion publique, à un forum où tout le monde pourra s'exprimer. On va voir les résultats. Est-ce qu'il y a d'autres aspects de cette industrie que le gouvernement doit nécessairement prendre en considération? Jusqu'à présent, on a choisi le... [Note de la rédaction: Mot inaudible]. Selon moi, cela n'a aucun rapport avec mon indépendance.

Si vous avez des doutes sur mon indépendance, regardez l'affaire des compagnies aériennes. J'ai donné mon avis là-dessus et hier, ici même, à la Chambre des communes, j'ai répété mes opinions sur la politique et dit explicitement que la solution était d'ouvrir le marché à la concurrence. Ce n'est pas la politique du gouvernement. Pour le moment, on ne fait pas ça. Si je n'étais pas indépendant, comment pourrais-je soutenir une politique différente de celle du ministre des Transports? Franchement, je n'accepte pas cette critique.

M. Pierre Brien: Je reviens à la question de l'essence. Vous dites que nous avez étudié la question et que vous avez rarement conclu qu'il y avait des problèmes. En général, vous avez conclu que les pratiques étaient correctes. Si le ministre envoie la question à quelqu'un d'autre, s'agit-il d'un désaveu?

M. Konrad von Finckenstein: Nous avons dit que quand il y a des plaintes, nous faisons une enquête. S'il y a des preuves et des problèmes, nous prenons les mesures nécessaires. Nous avons trouvé dans 11 cas un complot régional, local, et nous avons commencé à étudier d'autres cas. Nous avons présentement un cas à Sherbrooke, dans la province de Québec, où nous avons la preuve d'un complot local. On va voir comment la cour va disposer de ce cas.

Nous n'avons jamais trouvé de preuves d'un complot au niveau national entre les compagnies de raffinage, entre les grossistes, etc. S'il y a des preuves, nous allons les poursuivre. Mon travail, comme commissaire, consiste à appliquer la loi, et la loi stipule qu'on doit avoir des preuves. Nous ne pouvons pas en trouver même si nous avons tous les outils pour obtenir les données.

M. Pierre Brien: Cela ne vous inquiète-t-il pas? Je cite deux sources là-dessus. Deux données m'ont frappé. Dans une étude faite par des députés libéraux avec des données de l'Agence internationale de l'énergie, on a pris des échantillons—je ne sais pas quelle était l'ampleur de celui des députés libéraux avec les données des ressources naturelles—et quand on a comparé certains marchés des États-Unis aux marchés canadiens, on a vu qu'il y avait un écart de quelques cents entre les prix hors taxes. Je crois que l'écart était de 5 ¢ lors de l'étude des libéraux, alors que nous, sur 10 ans, nous arrivons à un écart de 3,7 ¢ pour des marché qui, à certains égards, se ressemblent beaucoup. Quand on voit la très forte concentration ici, la puissance des raffineurs-distributeurs, qui sont des entreprises intégrées, on l'impression que, par toutes sortes de pratiques commerciales, ils arrivent à une position dominante dans le marché qui n'est pas saine pour la concurrence.

Les libéraux ont fait cette étude. De notre côté, on arrive à peu près à la même situation. Il est certain que vous n'aurez pas nécessairement une plainte d'un citoyen là-dessus. Pourquoi n'êtes-vous pas capables de faire un examen de cette industrie sous cet angle et d'expliquer cet écart de prix, qui est toujours de 3 ¢, 4 ¢ ou même 5 ¢ le litre en moyenne, sur des périodes de 10 ans? Pour vous, n'y a-t-il pas un problème dans cette industrie?

M. Konrad von Finckenstein: Ma tâche n'est pas de dire qu'il y a un problème dans cette industrie. Si vous me demandez s'il y a un marché de l'essence parfait, je ne vous dirai ni oui ni non. Ce n'est pas ma tâche. Ma tâche, c'est de faire des enquêtes et de voir s'il y a violation de la Loi sur la concurrence. S'il y a violation, ma tâche est de poursuivre les coupables. C'est ma tâche et c'est ce que je fais. S'il y a des plaintes ou des soupçons, je peux faire une enquête et je vais les poursuivre. Si le prix est trop haut ou s'il est très volatile, il peut y avoir un certain nombre de raisons. Il ne s'agit pas nécessairement d'une violation de la Loi sur la concurrence. S'il s'agit d'une violation de la Loi sur la concurrence, à ce moment-là, oui, c'est ma tâche et on va faire quelque chose.

• 0950

Par ailleurs, la hausse générale est causée, comme nous le savons, par l'OPEP. Enfin, c'est un complot international. C'est quelque chose qui est complètement en dehors de la Loi sur la concurrence. On n'a pas d'outils pour faire quoi que ce soit. Ni les Américains ni les autres pays ne peuvent faire quoi que ce soit contre l'OPEP. Nous savons qu'il y a une plainte à cet égard. Nous savons que le but est d'augmenter les prix, mais on ne peut rien y faire. Notre tâche est bien claire: il s'agit de mettre en application la Loi sur la concurrence et de poursuivre ceux qui se rendent coupables de violations civiles ou criminelles. S'il y a des preuves, on le fait.

La présidente: Merci, monsieur Brien.

[Traduction]

Monsieur Cannis, vous avez la parole.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente.

Bonjour monsieur von Finckenstein et tous les intervenants autour de la table.

J'avais une question d'un autre ordre, mais je veux poursuivre dans la ligne de pensée de M. Brien. Vous avez dit plus tôt dans votre déclaration que la détermination des prix intégrée relève des provinces, que les producteurs peuvent procéder au raffinage et à la vente. Par conséquent, peut-on rendre ce processus bel et bien concurrentiel à l'échelle du pays?

M. Konrad von Finckenstein: Vous voyez, la Loi sur la concurrence est une loi d'application générale. Elle ne touche pas une industrie en particulier. Si vous essayiez de l'appliquer à une industrie en particulier, vous empiéteriez alors sur la compétence des provinces.

Nous essayons de faire en sorte que le marché favorise le jeu de la concurrence, soit le plus efficace possible, offre des choix aux consommateurs et incite à l'innovation.

Si vous imposez dans la Loi sur la concurrence des règles pour régir le comportement—ce que vous pouvez faire, la mesure dans laquelle vous pouvez être un détaillant, un grossiste, etc.—vous devrez le faire pour toutes les industries, pas seulement pour l'essence. Le fardeau sur l'économie serait incroyablement lourd et vous auriez alors toutes sortes de répercussions que vous ne souhaitez peut-être pas avoir.

M. John Cannis: Je ne voulais pas vraiment me limiter à l'essence.

Comme vous le savez, le projet de loi sur la protection des renseignements personnels est devant la Chambre. Vous avez fait allusion dans votre exposé entre autres à la façon dont les choses évoluent à l'échelle mondiale à l'heure actuelle, de la vitesse, des nouvelles technologies, au commerce électronique effréné et à toutes les choses que nous avons aujourd'hui et qui progressent à grands pas presque quotidiennement. Je veux savoir ce que vous pensez de cette mesure législative.

Hier soir, à la chaîne CPAC, j'écoutais les énoncés de politique proposés par le Parti conservateur. Ils s'opposent à l'adoption de cette mesure législative. Ils disent que nous ne devrions pas réglementer, que nous ne devrions pas intervenir, que nous devrions laisser l'industrie s'autoréglementer. Je veux savoir ce que vous pensez de l'autoréglementation.

Vous avez aussi parlé dans votre exposé du fait que les entreprises fonctionnent de plus en plus au-delà des frontières. Avec le projet de loi de Mme Redman qui porte sur les concours trompeurs, le projet de loi C-438, il y a eu des exemples autres que les simples cartes à gratter. Des choses se passent dans les salons professionnels au Canada—à Toronto, à Montréal, et ailleurs—quelqu'un remplit un formulaire et apprend une ou deux semaines plus tard par l'entremise d'un appel téléphonique qu'il a gagné un voyage en Floride, par exemple, et qu'il n'a qu'à donner son numéro de carte Visa pour confirmer. Quelques jours plus tard 1 000 américains sont portés au débit de leur compte Visa. Cela s'est en fait produit il y a une ou deux semaines et, jusqu'à ce que cette personne le remarque et réussisse à rejoindre cette entreprise par téléphone et lui dise essentiellement ce qu'elle comptait faire, cette entreprise n'était pas disposée à biffer le montant.

Le fait que les entreprises traversent de plus en plus les frontières, comme vous le dites dans votre exposé, a des répercussions à l'échelle mondiale. Selon, vous, est-ce que cette mesure législative soumise à la Chambre contient des dispositions pour régler certains de ces problèmes?

M. Konrad von Finckenstein: Le projet de loi sur la protection des renseignements personnels? Je croyais qu'il venait tout juste de recevoir la sanction royale. Parlez-vous d'un autre projet de loi que le C-6?

M. John Cannis: Non, le projet de loi C-6.

M. Konrad von Finckenstein: Le projet de loi C-6 traite de la protection des renseignements personnels. En cette ère moderne de l'Internet, des gens sont d'avis qu'il faudrait être en mesure de contrôler certains renseignements et protéger les gens. Cela n'a rien à voir avec la concurrence. Nous parlons ici en fait de la protection obligatoire des droits fondamentaux des citoyens.

• 0955

Les données sur la santé en sont un parfait exemple. Dans quelle mesure devraient-elles être communiquées et protégées? Vous ne voulez pas que les gens puissent avoir accès à ces données lorsqu'ils doivent décider de vous embaucher ou non.

Ce qui m'inquiète le plus, à l'instar de beaucoup d'autres, c'est le commerce électronique en tant que tel. Je veux parler des répercussions et de la façon dont nous appliquons nos lois. Il peut arriver très souvent que la société se trouve dans une juridiction étrangère. C'est la raison pour laquelle nous souscrivons au projet de loi de Mme Jenning ou à l'idée d'une collaboration accrue avec les organismes antitrust, parce qu'en fait c'est la seule façon de régler ces problèmes, c'est-à-dire en concluant des ententes avec d'autres pays.

Ces ententes découleront probablement d'un problème qui se pose en matière de ventes frauduleuses sur l'Internet, etc. Le site relève de votre juridiction, mais les victimes sont ici. Je vais vous donner les preuves, vous allez vous occuper des poursuites et vice et versa si le site relève de notre juridiction. Il faudra conclure des ententes de cette nature.

L'application posera d'énormes difficultés. Il faut ensuite se demander où le crime est perpétré? Où la transaction a-t-elle eu lieu si ce site se trouve dans un pays, le produit dans un deuxième, la livraison dans un troisième et ainsi de suite? Il faudra régler tous ces problèmes.

Je le répète, je ne pense pas que personne n'ait une idée des répercussions. Nous voyons les premiers aspects négatifs de la publicité trompeuse, du vol et de l'emploi abusif des cartes de crédit. Nous avons demandé au Parlement de promulguer les dispositions relatives au télémarketing, ce qui a été fait, pour régler le problème.

Comme les frais d'interurbain sont très bas à l'heure actuelle, presque tout le télémarketing se fait au-delà des frontières. Des magasins de tous genres au Canada ciblaient les citoyens américains et vice versa. Nous espérons que ces dispositions nous permettront de régler le problème.

Mais il s'agit d'un problème préoccupant et je crois que la réponse se trouve dans l'entraide juridique internationale et, dans une certaine mesure, dans la normalisation. Il s'agit de nous assurer que des lois similaires existent dans les deux pays pour que, peu importe l'endroit où vous vous trouvez, cette activité soit illégale et puisse être contestée.

M. John Cannis: D'après votre expérience, est-ce que cette entraide existe?

M. Konrad von Finckenstein: Oui, nous ne ménageons pas nos efforts à cet égard. Tous les trois mois je me rends à Paris au siège de l'OCDE pour travailler avec d'autres organismes antitrust à la mise au point de normes communes qui permettront de définir ce qui est trompeur, ce qu'est un cartel, ce qu'est une fusion anticoncurrentielle. Nous abordons tous la question de points de vue différents et nous cherchons des solutions semblables.

La tâche n'est pas facile compte tenu des différentes traditions juridiques et des divers modèles économiques. Les grandes idées nationales se perpétuent. Penser par exemple que seuls les grands joueurs sont en mesure de soutenir la concurrence, que peut-être certains préjudices anticoncurrentiels sur le plan national feront en sorte que nos entreprises prendront prendre conscience du prix que nous sommes prêts à payer, etc.

M. John Cannis: Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Cannis.

Monsieur Riis, vous avez la parole.

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson et Highland Valleys, NPD): Merci, madame la présidente.

Je tiens à vous dire que votre exposé de ce matin a été absolument fascinant. Vous ne me paraissez pas être quelqu'un de très timide, pourtant il me semble que les besoins de votre ministère sont criants. Vous avez clairement affirmé que, sur le plan de la dotation, en période de déréglementation, si un ministère a besoin du fourbir ses armes, c'est bien le Bureau. Je crois donc que vous trouverez autour de cette table beaucoup de personnes prêtes à vous encourager dans vos efforts lorsque vous irez demander du personnel additionnel.

Ce n'était qu'en guise de préambule. Il y a tant de domaines à aborder pour commencer.

Je ne veux pas vous offenser en vous posant cette question, mais pour faire suite aux commentaires de mon collègue, je dirais que le Bureau pour le moment n'a pas très bonne presse en général auprès du public. L'Examen de la concurrence mondiale n'a pas aidé. Je crois qu'il n'a fait que confirmer beaucoup de soupçons qu'entretenaient bien des gens. Je pense notamment aux consommateurs et à la question de l'essence.

Monsieur von Finckenstein, pouvez-vous nous expliquer, de même qu'à la population, quel est le problème? Quand les gens sont de façon générale convaincus qu'il y a établissement des prix ou collusion et ce genre de choses avec les pétrolières et que vous nous dites que, d'après la loi, il n'y a pas de problème, il existe certes un problème de perception.

Vous nous avez expliqué le travail que vous effectuez et je comprends que vous suivez la lettre de la loi. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ce problème de perception? Je crois qu'il s'agit plutôt de cela et non pas que votre Bureau ne fait pas le travail auquel nous nous attendons de lui.

• 1000

M. Konrad von Finckenstein: Ce n'est pas un problème uniquement canadien; c'est un problème mondial. Il se pose partout. Quand je rencontre mes collègues des autres nations, qu'ils soient britanniques, américains ou australiens, l'essence constitue un problème pour tout le monde et ils connaissent le même problème de perception que vous avez évoqué.

Il y a, entre autres aspects, l'instabilité du prix. Le prix monte et descend radicalement par suite du changement dans le prix du brut.

M. Nelson Riis: Excusez-moi, monsieur, je ne me suis peut-être pas fait clairement comprendre—je ne veux pas que vous me décriviez le problème, je veux savoir pourquoi les Canadiens pensent que vous êtes si inefficaces.

M. Konrad von Finckenstein: J'y arrivais.

Comme vous le savez, le prix est également très bien annoncé—c'est probablement le mieux annoncé au Canada—de sorte que les consommateurs l'ont bien en tête. Ils voient les prix monter à l'unisson, et ils en viennent à la conclusion qu'il doit y avoir un complot car, autrement, il y aurait une différence dans les prix.

Il se trouve que ce produit est très homogène. Il n'existe pas du tout de différence que vous achetiez l'essence d'Esso ou de Shell. C'est purement une question de prix. Il n'existe aucune différence, quelle qu'elle soit, entre les divers produits. Ce n'est donc qu'une affaire de prix, et il monte.

Du reste, c'est également une industrie qui affiche ses prix. L'information sur le prix qui circule dans l'industrie est facilement disponible à tout le monde. Les compagnies n'ont donc aucun problème à agir à l'unisson, et c'est ce qu'elles font. C'est du parallélisme conscient.

Les marges des détaillants sont relativement modestes. S'il s'offre une occasion de hausser le prix et d'accroître sa marge, et qu'une personne le fait, tout le monde suit. C'est le comportement que constatent les consommateurs, et ils disent qu'il doit y avoir une conspiration. Jusqu'à présent, nous n'en avons découvert aucun. C'est tout ce que je peux dire. Je n'en ai pas trouvé, malgré une longue enquête, des millions de dollars dépensés pour consulter des milliers de documents, assermenter des gens, rechercher et saisir des documents, etc.

M. Nelson Riis: Le problème, c'est donc que les consommateurs ne sont pas trop intelligents? Votre explication me paraît plutôt claire, pourtant il existe cet écart de perception entre le public et vos déclarations sur le sujet. Je suis curieux de savoir pourquoi il existe un tel écart.

M. Konrad von Finckenstein: Ce n'est pas que le consommateur n'est pas intelligent. Le consommateur est perplexe, vraiment perplexe. Nous n'avons probablement pas bien réussi à expliquer la situation, et c'est en partie pourquoi le ministre de l'Industrie a engagé une firme de politiques publiques. Elle fera peut-être un meilleur travail de sensibilisation que nous.

Le deuxième problème qui existe, et qui est sans rapport avec l'autre, c'est le sort des indépendants. La part des indépendants est demeurée la même. Leur nombre a diminué, parce qu'il vous faut un certain appui pour rester rentable, et bon nombre d'entre eux n'en ont pas.

En outre, même si vous vendez de l'essence, vous faites en fait de l'argent sur les cigarettes, le chocolat, les boissons gazeuses, et non pas sur l'essence. Ceux qui n'ont pas compris cela et qui ont essayé de faire de l'argent avec l'essence perdent malheureusement leur argent. Il vous faut un dépanneur. On vend de l'essence pour que le client arrête l'acheter. Ça suffit en soi, mais votre marge bénéficiaire vient du dépanneur.

M. Nelson Riis: C'est intéressant. Merci beaucoup.

Pour ce qui est de vos commentaires, je pense à l'intervention précédente de M. McTeague concernant l'Examen de la concurrence mondiale et ceux qui ont participé à l'examen. Les consommateurs sont un groupe qui a été bizarrement absent de cet examen.

Quand vous parcourrez le pays pour consulter les parties prenantes, j'imagine que le consommateur jouera un rôle important.

M. Konrad von Finckenstein: Tout à fait. Par partie prenante, je veux dire tous ceux qui ont un intérêt dans la concurrence, ce qui est essentiellement chacun des joueurs de l'économie, y compris les consommateurs.

M. Nelson Riis: Diriez-vous que dans l'examen lui-même auquel vous avez fait allusion plus tôt, la perception des consommateurs ou l'opinion des consommateurs a été absente de cette évaluation?

M. Konrad von Finckenstein: Ils ne disent pas clairement qui ils ont consulté, mais d'après les réponses, il me semble qu'ils ont principalement consulté les barreaux des différents pays—les bureaux de la concurrence, je dirais.

M. Nelson Riis: Oui.

• 1005

J'aimerais revenir au passage de votre exposé où vous dites que l'une de vos préoccupations concerne, bien entendu, la rapidité de traitement des transactions de nos jours et donc, la nécessité pour votre service d'agir rapidement. De même, vous mentionnez qu'avec l'économie mondialisée, vous devez conclure des ententes avec vos collègues des organismes antitrust d'autres pays. Vous avez dit vous rencontrer tous les trois mois.

Cela me semble être peu. Si nous voulons nous attaquer à ce problème, il nous faut vraiment accorder une plus grande priorité à cette coopération internationale. Estimez-vous qu'elle permet à l'heure actuelle de combler le retard, j'imagine, avec les marchés mondialisés?

M. Konrad von Finckenstein: Les négociations internationales sont par définition très lentes. L'Uruguay Round sur l'OMC a mis sept ans à aboutir. Le Kennedy Round a duré quatre ans. L'ALE a été négociée en deux ans, ce qui a été presque un accord de vitesse pour un accord international.

J'espérais beaucoup que la prochaine série de négociations de l'OMC serait lancée à Seattle et que la concurrence serait à l'ordre du jour. Comme vous le savez, le processus n'a jamais levé de terre, ni non plus la concurrence.

Nous avons eu d'intenses discussions avant Seattle. Il est devenu clair que les nations industrialisées dominent beaucoup la situation. Quant à elles, les nations non industrialisées voient la concurrence comme le luxe d'un homme riche qu'elles ne peuvent pas se permettre encore. Donc, il faut également faire un important travail de sensibilisation.

Pour ce qui est de la rapidité, vous constaterez probablement davantage de progrès au plan bilatéral que sur le plan multilatéral. C'est pourquoi, par exemple, il y a dans la loi américaine une disposition qui permet l'échange d'informations civiles avec d'autres nations qui ont une législation semblable.

Entre autres choses, j'aimerais qu'il y ait dans la Loi sur la concurrence—et c'est vraiment ma priorité numéro un—une disposition me permettant de conclure un tel accord avec les Américains de sorte que nous puissions échanger ce genre de renseignements.

M. Nelson Riis: Cette disposition n'existe pas encore, mais de toute évidence vous aimeriez bien pouvoir en avoir une.

M. Konrad von Finckenstein: Oui.

M. Nelson Riis: Excellent.

Vous avez parlé de la «folie des fusions»—je crois que c'est le terme à la mode—qui a rendu votre travail beaucoup plus éprouvant. Pouvez-vous nous donner une idée du degré de fusion au Canada par rapport à certaines des fusions qui se produisent dans d'autres grandes nations? Notre taux de fusion est-il plus élevé ou moins élevé que celui de certains de nos principaux concurrents?

M. Konrad von Finckenstein: Comme mon collègue, Gaston Jorré, est sous-commissaire principal aux fusions, je vais le laisser répondre à la question

M. Gaston Jorré (sous-commissaire principal de la concurrence, Bureau de la concurrence, ministère de l'Industrie): Je dirais que cette vague déferle partout sur le monde industrialisé.

M. Nelson Riis: Ce mouvement n'est pas plus accentué au Canada que dans d'autres pays?

M. Gaston Jorré: Il se produit à vaste échelle aux États-Unis également. Les gens qui assument les mêmes fonctions aux États-Unis sont tout aussi submergés de travail. Cela se produit en Europe. Cela semble être un phénomène mondial.

Pour vous donner une idée de son ampleur, pour ce qui est des transactions de déclaration obligatoire, au cours de l'année financière qui vient juste de se terminer, nous avons eu en gros deux fois plus de cas que nous en avions il y a cinq ans. Nous assistons donc à une très grande vague de fusions.

M. Nelson Riis: Vous n'êtes peut-être pas la personne indiquée pour répondre à cette question mais...

La présidente: Dernière question, s'il vous plaît.

M. Nelson Riis: Les 10 minutes sont déjà écoulées?

Pour ce qui est de la concentration qui se produit dans une économie par suite des fusions et prises de contrôle, comment le degré de concentration au Canada se compare-t-il avec celui de certaines des autres nations avec lesquelles nous commerçons? Pourriez-vous, en particulier, nous parler du secteur des journaux?

M. Gaston Jorré: De façon générale, la meilleure comparaison serait peut-être avec les États-Unis. Je ne parle pas des journaux; en général, les niveaux de concentration dans ce pays ont historiquement été plus élevés, et ils le sont encore.

Je ne sais pas ce qu'il en serait si nous établissions la comparaison avec différents pays d'Europe, par exemple. Je suis pas mal certain que leurs niveaux de concentration seraient plus élevés que les niveaux aux États-Unis. De façon générale, historiquement, nos niveaux ont été plus élevés et sont plus élevés qu'aux États- Unis.

Pour ce qui est des journaux, la concentration est certes plus forte qu'aux États-Unis. Je ne sais pas si je pourrais vous fournir des chiffres, mais il y a plus d'intervenants dans le marché américain.

• 1010

M. Konrad von Finckenstein: Bien entendu, quand nous parlons des journaux, il ne s'agit pas d'un marché ouvert. Nous avons au Canada des restrictions quant à la propriété. Elles contribuent sans aucun doute à la concentration. Quand il existe des restrictions à la propriété dans une industrie, qu'il s'agisse des journaux, des télécommunications ou de la télédiffusion, etc., vous êtes susceptible de disposer de moins de joueurs dans le marché que si vous aviez un accès illimité.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Riis.

Monsieur Lastewka, s'il vous plaît.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente. J'ai quelques questions.

J'aimerais délaisser l'aspect politique du Bureau de la concurrence pour m'attaquer—et je crois que M. Riis y arrivait—à la définition du Bureau de la concurrence, en faire la publicité, le faire connaître aux Canadiens pour ce qu'il est ou ce qu'il n'est pas.

À mon avis, qu'importe le prix qu'on paie pour quelque chose, dès qu'il monte, on reproche au Bureau de la concurrence de ne pas faire son travail. Mais quand on demande aux gens ce qu'ils pensent du travail du Bureau de la concurrence, on s'aperçoit qu'ils ne le connaissent pas ou très peu. Je n'ai pas vu beaucoup de publicité, c'est ainsi que je l'appellerai, pour ce qui est d'expliquer aux Canadiens en quoi consiste votre travail. Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez?

M. Konrad von Finckenstein: Oui. Pour moi, mon travail ne consiste pas uniquement à appliquer la loi, mais surtout à éduquer ou à informer les Canadiens et les joueurs de l'économie sur ce que sont les règles, la façon dont elles fonctionnent, et ce que nous faisons. J'ai pour objectif de m'assurer qu'on respecte la loi plutôt que de la faire respecter.

Mon travail consiste également en partie à informer le grand public. Si vous consultez notre site Web, vous constaterez qu'il y a beaucoup de renseignements sur ce que nous faisons, la manière dont nous le faisons, etc. Nous publions toute une série de dépliants et de brochures d'information, etc., sur notre travail. Personnellement, tout comme mes collègues, j'accepte pratiquement toutes les invitations que l'on me fait pour expliquer la Loi sur la concurrence. Nous invitons également les universités à offrir des cours sur la concurrence, étant donné que ceux qui étudient le commerce ou l'économie ont besoin de connaissances de base dans le domaine de la concurrence.

Cela dit, vous avez raison d'affirmer qu'on ne sait pas, malheureusement, ce qu'est la concurrence. Ce sujet est très souvent confus. Notre travail vise à nous assurer qu'il existe un marché compétitif. On confond très souvent cette question avec la protection des concurrents. Donc, quand une compagnie éprouve des difficultés financières ou ferme ses portes, on ne sait pas trop si c'est notre travail de se porter à sa rescousse. Ce n'est pas du tout notre travail. Cela fait partie d'une économie normale. Ce n'est que lorsque cette fermeture est causée par des pratiques anticoncurrentielles de leurs concurrents que nous avons un rôle à jouer. C'est une activité très fastidieuse, et qui exige beaucoup de main-d'oeuvre et de ressources. Nous y consacrons autant d'efforts que nous le pouvons, mais il y a beaucoup à faire.

M. Walt Lastewka: Compte tenu du grand nombre de fusions qui se produisent à l'échelle nationale, lesquelles nous touchent pratiquement de façon régulière, il me semble que vous devriez consacrer certains de vos futurs efforts à inciter davantage de Canadiens à faire connaître en quoi consiste notre travail.

M. Konrad von Finckenstein: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Depuis trois ans que j'occupe ce poste, je crois que c'est maintenant la sixième fois que je comparais devant vous. Vous avez consacré énormément de temps et d'efforts à la Loi sur la concurrence et avez beaucoup contribué à la faire connaître de même que son importance. Les divers projets de loi d'initiative parlementaire ont attiré l'attention sur la Loi sur la concurrence. Je m'attends à ce que la consultation à laquelle nous procéderons permettre, dans une grande mesure, de faire connaître l'objet de la loi.

L'une des raisons pour lesquelles nous avons demandé au Forum des politiques publiques de procéder à cette consultation à notre place, c'est que c'est la seule tribune que je connais qui rassemble des leaders des milieux des universités, des affaires et du gouvernement. Elle a une portée immense. Elle permettra, nous l'espérons, de consulter toutes sortes d'intervenants qui normalement ne participent pas, et on pourra donc ensuite informer les Canadiens sur les effets positifs de la concurrence quand elle est bien administrée.

M. Walt Lastewka: J'aimerais revenir à la question du Conference Board du Canada. Je sais qu'il y a eu des études de faites sur la situation de l'établissement du prix de l'essence, etc. L'industrie pétrolière dit toujours qu'il existe un conflit, ou ce sont les indépendants ou les consommateurs qui le disent. Jusqu'à quel point le Conference Board est-il indépendant?

• 1015

M. Konrad von Finckenstein: Le Conference Board est une organisation à but non lucratif. Il dispose de son propre conseil d'administration. Ses membres, bien entendu, proviennent de divers organismes, y compris de l'industrie. M. Mercer, ici, qui a très activement participé aux discussions avec le Conference Board, pourrait probablement nous éclairer davantage là-dessus.

Don.

M. Don Mercer (sous-commissaire de la concurrence, Unité des modifications, Bureau de la concurrence, ministère de l'Industrie): Merci, Konrad.

Merci, monsieur Lastewka.

Le Conference Board fait ses recherches de façon tout à fait indépendante de son conseil d'administration. À l'heure actuelle, un compagnie pétrolière, Syncrude, qui, comme vous le savez, est la compagnie des sables bitumineux, siège au conseil.

Il tient farouchement à son indépendance et gère ses activités en toute autonomie. Ses membres, qui comprennent de grosses compagnies pétrolières, par exemple, ont droit aux services réservés aux membres. Ils obtiennent des données du Conference Board et assistent aux conférences qu'il organise, mais ils n'ont absolument aucune influence sur les travaux de recherche que le Conference Board effectue dans le cadre de son travail. C'est une des raisons pour lesquelles nous sommes heureux de nous associer à lui. Il tient farouchement à son indépendance.

La présidente: Merci monsieur Lastewka.

Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Alliance canadienne): Merci beaucoup madame la présidente.

Merci beaucoup à vous, monsieur von Finckenstein, et à vos fonctionnaires.

Je tiens à vous féliciter pour une ou deux choses. Vous avez beaucoup insisté sur votre indépendance et vous allez aussi vous adresser à divers intervenants au sujet du Bureau de la concurrence. Après toute cette analyse et cette comparaison entre notre Bureau de la concurrence et celui d'un autre pays, je suis un peu inquiet de constater que nous parlons de ce qui existe maintenant, en faisant en quelque sorte une rétrospective de ce qui s'est passé et de vos réussites. Ce sont toutes des données historiques qui sont consultées.

Je me demande si, avec les changements qui surviennent, autant au Canada qu'à l'étranger, cela va nous aider à établir des principes et des orientations pour l'avenir parce que, selon moi, le marché est le problème de fond. Comment définit-on le marché? Comment définit-on la concurrence? Comment s'assurer qu'il y a effectivement une concurrence?

Il n'est pas surprenant qu'il y ait des fusions. Elles ne se produisent pas sans raison. Les fusions ne surviennent pas parce qu'on trouve que c'est une bonne idée, mais pour des raisons économiques. Le marché évolue.

Si vous aviez entièrement carte blanche et que vous étiez chargé d'indiquer au gouvernement comment établir un marché vraiment concurrentiel, sans créer de complications, mais en offrant un milieu dans lequel les entreprises peuvent fonctionner, utiliser leur capital et être concurrentielles avec une certaine équité, quel genre de bureau mettriez-vous sur pied?

M. Konrad von Finckenstein: C'est une question intéressante.

M. Werner Schmidt: Sans vouloir vous offenser, ce n'est pas une question frivole.

M. Konrad von Finckenstein: Non, je sais.

M. Werner Schmidt: C'est une question très sérieuse.

La présidente: Je pense qu'il va vous répondre.

M. Werner Schmidt: Merci.

M. Konrad von Finckenstein: En fait, vous posez deux questions. Vous voulez d'abord savoir comment on définit le marché et ensuite comment s'en occuper.

M. Werner Schmidt: C'est exact.

M. Konrad von Finckenstein: C'est une question fondamentale pour empêcher les trusts. Ça l'est toujours. La situation se complique parce que le marché devient à tout le moins nord-américain sinon international, et nous sommes donc tous orientés vers le même but. Disons, pour les fins de la discussion, que le marché est nord-américain. Nous étudions l'impact sur le marché canadien, et les Américains étudient l'impact sur leur marché.

C'est pourquoi je pense, comme je l'ai dit au début, que la priorité absolue est la coopération internationale. Nous devons pouvoir conclure des ententes utiles pour que la tâche puisse être partagée et accomplie là où c'est le plus logique.

Nous avons tous le même but, dans l'ensemble. Nous voulons que le marché soit concurrentiel. Nous voulons réduire au minimum la réglementation gouvernementale. Nous voulons que les intervenants économiques aient toute la liberté d'action voulue pour être le plus efficaces possible.

• 1020

Cela dit, tout le monde est d'accord avec ce principe, mais c'est plus compliqué quand on essaie de le définir concrètement. Il a fallu deux ans de discussion à Paris pour en arriver à une déclaration internationale sur les cartels. On pourrait croire que la situation est assez évidente dans le cas des cartels, que c'est quelque chose à éviter, par exemple. C'est encore difficile d'essayer d'établir ce qu'est et ce que n'est pas un cartel et de s'entendre sur des questions comme le boycottage. Le boycottage est-il une activité liée aux cartels ou non? J'aurais pensé que oui, mais il y a des pays européens qui ont soulevé des problèmes importants sur la question de savoir si le boycottage devrait être inclus.

Nous avons donc d'abord besoin de moyens, mais il faut ensuite s'entendre sur des normes. Nous allons y arriver. J'en suis convaincu. Je pense que nous allons nous inspirer de la norme internationale sur la propriété intellectuelle qui prévoit la protection que les membres doivent offrir pour ce qui est des brevets, du droit d'auteur et des marques de commerce. Puis, c'est à chaque pays de décider comment l'appliquer conformément à ses antécédents judiciaires, ses traditions et ses moyens. Il y aura certaines normes horizontales, pour empêcher la discrimination, assurer l'équité, etc. Et il y aura un mécanisme de règlement des différends pour déterminer si on respecte vraiment, non pas ses intentions particulières, mais les obligations prévues dans le traité sur la protection à assurer?

Si on l'applique au domaine antitrust, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut vérifier les fusions et interdire les cartels. Et, dans ce cas, chaque pays verra à faire appliquer ses règles de façon sérieuse en... en précisant comment. Chaque pays décide ce que cela veut dire dans son contexte. C'est ce vers quoi nous nous orientons.

Vous m'avez ensuite demandé quel Bureau de la concurrence établir. Comment le structurer? Il y trois modèles. Il y a le modèle canadien, selon lequel le bureau est un organisme indépendant qui fait partie d'un ministère à vocation économique, parce que la concurrence est considérée comme un outil de politique économique. Puis, il y a le modèle qui est essentiellement celui adopté par l'Australie et les États-Unis. En fait, les États-Unis ont les deux. Ils ont un organisme qui suit le modèle canadien et qui relève du ministère de la Justice, et ils ont aussi une commission indépendante, la Federal Trade Commission. D'un côté, il y a un organisme indépendant et, de l'autre, il peut y avoir un organisme qui ne fait pas seulement enquête mais qui rend aussi des décisions finales. Donc, le même organisme peut à la fois faire enquête et régler les différends, qui peuvent être susceptibles d'appel devant un tribunal.

Nous avons examiné les trois modèles. Ils comportent tous des avantages et des inconvénients. Notre modèle peut-il être amélioré? C'est certain. Mais faut-il que les changements soient radicaux ou progressifs? C'est quelque chose que nous n'avons pas encore résolu. Il y a beaucoup à dire sur un organisme indépendant, mais il présente aussi certaines difficultés.

De plus, d'autres pays se sont penchés sur une question que nous n'avons pas encore examinée, et c'est celle de la dérogation, d'une dérogation pour des raisons d'intérêt national, qui permet des exemptions aux règles strictes de la concurrence. Comment s'en prévaloir? Qui pourrait le faire? Nous n'avons pas cette possibilité. Les Américains non plus. Les Européens l'ont à peu près tous. Les Australiens aussi. C'est une question très importante. En principe, je pense que c'est attrayant. En pratique, va-t-on en abuser? Sera-t-elle assujettie à énormément de pressions politiques? Ce sont des questions auxquelles il faut répondre.

À mesure que le marché prend de l'expansion, il faut se demander si un certain volume n'est pas nécessaire pour être concurrentiel sur le marché. Strictement sur le plan de la concurrence et sur le marché canadien, on répondrait non, que ce n'est vraiment pas nécessaire. Mais comme le marché est international, on pourrait soutenir que le volume est nécessaire; c'est le prix... Personnellement, je n'y crois pas, mais il y en a qui le préconisent ardemment, et c'est la raison pour laquelle ce sont des problèmes qu'il faut examiner.

• 1025

Je m'excuse, mais il est très difficile de répondre à cette question, et il n'y a pas de réponse claire à ce sujet, du moins à mon avis.

M. Werner Schmidt: Je suis sûr qu'il n'y a pas de réponse claire actuellement. Ce que je veux dire, c'est qu'il est nécessaire d'examiner les modèles en vigueur ailleurs dans le monde mais, en même temps, si nous voulons concevoir quelque chose de nouveau à partir de quelque chose qui existe déjà, nous allons avoir beaucoup d'ennuis parce que deux points de vue contradictoires vont s'opposer.

D'un côté, il faudra accroître le volume pour transiger à l'échelle mondiale. De l'autre côté, avec la compression de l'information qui est maintenant possible, surtout avec le cybercommerce sans fil qui commence à s'implanter, il est probable que le volume va diminuer parce que les interactions sont presque instantanées, et toute une nouvelle série de variables vont entrer en jeu. Les anciens modèles ne pourront plus s'appliquer. Il faudra s'adapter à ces variables.

La question que je pose est donc très sérieuse parce qu'il ne sera pas possible de définir le marché à partir des anciennes variables en vigueur. Il faut envisager le marché d'une nouvelle façon. Le marché fonctionne encore comme avant pendant que le nouveau marché s'installe, et il y a un certain chevauchement entre les deux modes de fonctionnement. Mais il semble que si on veut établir un Bureau de la concurrence efficace, il faut pouvoir examiner les deux façons de fonctionner. Je ne pense pas que les modèles existants vont convenir au nouveau marché qui se développe.

M. Konrad von Finckenstein: Vous avez tout à fait raison. La nouvelle économie comporte plusieurs caractéristiques qui sont très inquiétantes. Il s'agit effectivement d'une économie de réseau.

M. Werner Schmidt: Tout à fait.

M. Konrad von Finckenstein: Et celui qui contrôle le réseau peut abuser de sa position dominante. Ou il y a plusieurs réseaux, etc. La nouvelle économie crée énormément d'interrelations et d'interdépendances, et on peut se demander comment assurer la concurrence dans ce contexte.

Il y a aussi le fait que les droits sur la propriété intellectuelle deviennent de plus en plus importants. Par définition, ils limitent l'utilisation d'une certaine propriété. Nous avons, par exemple, indiqué dans les lignes directrices l'interaction entre le régime de la propriété intellectuelle et le régime de la concurrence, parce qu'il me semble que c'est un problème qui va se présenter de plus en plus souvent.

Nous examinons toutes ces questions de très près. Je vous ai parlé aujourd'hui des problèmes qui me sautent aux yeux. Mais cela ne veut pas dire que je ne suis pas tourné vers l'avenir et que nous ne devons pas nous pencher sur ces questions. Pour l'instant, l'avenir n'est pas très clair.

M. Werner Schmidt: Je comprends. Mais parfois il faut sauter des étapes. Il n'est pas nécessaire de progresser de façon linéaire. Je pense qu'il faut parfois faire le saut, et je voudrais bien que cela arrive parce que je pense que le Canada peut être un chef de file.

D'après les discussions que j'ai eues avec des spécialistes de l'électronique, je crois que le Canada peut être un chef de file dans le domaine du cybercommerce sans fil. Si votre bureau doit poursuivre ses activités, je pense qu'il devrait peut-être prendre l'initiative d'explorer un tout nouveau domaine et faire quelque chose de complètement différent. Il ne devrait pas attendre très longtemps. Je pense que vous devriez commencer tout de suite à vous en occuper.

M. Gaston Jorré: Je me demande si je pourrais ajouter quelque chose susceptible de vous aider.

Lorsque vous faites une analyse de politique en matière de concurrence et que vous devez examiner ce qu'est le marché pertinent, c'est une question de fait, et ce n'est pas quelque chose de fixé dans le temps. Vous devez examiner, en fait, ce qu'est le marché, compte tenu de la structure actuelle des affaires et de la technologie. Par conséquent, lorsque vous examinez ce qu'est le marché pertinent d'aujourd'hui, il peut être, dans certains domaines, très différent de ce qu'il était il n'y a pas plus de 10 ans, lorsque Internet n'existait pas. La loi prévoit énormément de flexibilité de manière à tenir compte de l'évolution du marché.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Oui, mais je crois que la définition de propriété va poser un problème. Je n'allais pas soulever la question, mais je le fais maintenant en raison de ce que vous venez tout juste de dire.

La présidente: Vous devrez attendre.

M. Werner Schmidt: C'est en fait la définition de propriété intellectuelle qui, je crois, va devoir changer.

• 1030

M. Konrad von Finckenstein: La propriété intellectuelle est considérée comme propriété aux fins de la Loi sur la concurrence. C'est un produit et la définition de «produit» est suffisamment vaste pour englober la propriété intellectuelle. Il y a en fait...

M. Werner Schmidt: Vous devez être prudent.

M. Konrad von Finckenstein: Vous avez absolument raison.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Schmidt.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Merci.

Monsieur Jorré, vous avez fait quelques remarques très intéressantes à propos d'un mot que j'aime également. On retrouve plusieurs qualificatifs dans la Loi sur la concurrence notamment à l'article 92 sur les fusions. Pour ce qui est de la définition de marché à la partie III, il est indiqué que, en général, un marché pertinent...

    ...désigne le plus petit groupe de produits et la plus petite région géographique où les vendeurs [...] pourraient imposer et maintenir avec profit une augmentation de prix importante non transitoire supérieure aux niveaux qui normalement prévaudraient en l'absence de fusion.

Dans ce contexte, le bureau considère qu'une augmentation de 5 p. 100 est importante. Est-ce bien cela, plus ou moins?

M. Gaston Jorré: Oui.

M. Dan McTeague: Je cite Nozick qui bien sûr est un livre désuet.

Ce qui me préoccupe en ce moment, après avoir fait il y a quelque temps avec ce comité et avec d'autres l'examen de l'industrie gazière et après être arrivé à la question beaucoup plus vaste de «tous les chemins mènent à Rome», en ce qui concerne la Loi sur la concurrence, je me demande... Peut-être est-ce une question plus générale que je pose à vous tous ici présents aujourd'hui. Nous avons parlé un peu plus tôt des degrés de différence parmi ceux qui plaident des causes devant le bureau et, plus important encore, devant le tribunal.

Comme vous le savez, en ce moment même, vous vous attaquez à la question assez intéressante de Superior Propane, la demande de fusion. Je crois que vous avez choisi de dire, avec sagesse, que cela ne représente pas un bon intérêt du public, qu'il n'existe pas réellement de solution de rechange—j'imagine qu'on pourrait le contester. Pouvez-vous me dire, dans des cas comme celui-ci, si les groupes de consommateurs, les particuliers qui pourraient être touchés, peuvent se faire entendre devant le tribunal? Ont-ils des avocats prêts à plaider leur cause, comme cela se ferait aux États- Unis en cas de fusion de même nature?

M. Gaston Jorré: Vous ne pouvez certainement pas avoir ce que vous avez aux États-Unis, soit les poursuites antitrust intentées par des particuliers, à grande échelle. Un particulier ne peut être partie à une de nos actions. Il peut chercher à intervenir, à se faire entendre et à exprimer son point de vue, mais il ne peut pas être partie à l'action.

M. Dan McTeague: D'accord. Je pose cette question, car ce que je propose dans le projet de loi C-472 englobe un droit très limité d'accès au tribunal.

Ce qui m'inquiète en général, toutefois—et compte tenu de mes observations précédentes—c'est que cet examen est mené par et pour ceux—avec leur consentement—qui ont évidemment des intérêts directs, alors qu'aux États-Unis, les organismes antitrust sont très forts, sans compter qu'il existe aussi des groupes comme l'American Antitrust Institute.

En général, ceux qui se retrouvent en première ligne des changements dans le domaine de la concurrence, ou qui s'interrogent au sujet des compétences en matière de concurrence, ne sont pas de simples avocats représentant des clients particuliers. Par conséquent, à quoi servirait mon projet de loi si les particuliers n'ont pas recours à une procédure efficace devant le tribunal, vu que—et pour les raisons indiquées par M. von Finckenstein plus tôt—les honoraires conditionnels ne sont pas prévus dans certaines provinces du Canada? Comment est-il possible pour nous d'éviter ce qui est indiqué à la page 8: «Dans l'économie innovatrice d'aujourd'hui, la rapidité compte et un plaignant peut très bien ne plus être en affaires avant qu'un cas ne soit entendu et que des mesures correctives ne soient imposées.»

Ce sont des points dont j'ai parlé dans le projet de loi C-201 et qui laissent supposer que si nous avons un barreau servile à l'égard d'un groupe particulier et fermement décidé à maintenir le statu quo—celui de 1986—comment alors un changement que j'apporterais à la Loi sur la concurrence—qui pourrait être adopté par le gouvernement—pourrait-il aboutir si les avocats tendent tous à faire preuve de partialité?

M. Konrad von Finckenstein: Pas si vite.

M. Dan McTeague: Je brûle quelques étapes, mais je crois que c'est important, car je sais que nous allons y arriver tôt ou tard.

M. Konrad von Finckenstein: Tout d'abord, nous avons retenu les services du forum des politiques publiques pour nous assurer que l'éventail le plus large possible d'intervenants sera consulté, pas seulement les avocats, afin que le gouvernement entende tous les intéressés.

Deuxièmement, la disposition que l'on retrouve dans votre projet de loi à propos de l'accès privé permettrait aux sociétés de présenter les affaires qui tombent sous le coup des articles 75 et 77 et qui sont les plus urgentes.

Pour ce qui est des fusions, dont vous parlez, lorsque nous sommes saisis d'une affaire de fusion, tout d'abord, au moment où nous l'examinons, nous parlons à tous ceux qui sont touchés par la fusion, y compris aux consommateurs. Nous prenons leur point de vue en compte avant de décider s'il y a lieu de contester la fusion ou non.

• 1035

Lorsque nous contestons une fusion, une partie intéressée peut demander à intervenir. La cour lui permet d'intervenir si elle a quelque chose à ajouter à la question contestée—c'est-à-dire la fusion et son effet. S'il s'agit simplement d'outrage général, elle ne le peut pas bien sûr, mais en règle générale le tribunal de la concurrence est très libéral dans son interprétation des interventions qu'il autorise.

Maintenant, ces interventions ne sont pas bon marché; elles coûtent cher. Il vous faut un avocat, etc. Malheureusement, les associations de consommateurs, en général, manquent de financement si bien qu'il n'y a pas eu beaucoup d'interventions. Ce n'est pas un vice de construction, c'est une question de ressources.

M. Dan McTeague: C'est une excellente remarque, monsieur le commissaire. J'imagine que je suis encore plus inquiet vu que je me rends compte que ceux qui pourraient avoir un point de vue différent de ceux qui ont un intérêt direct peuvent très bien ne pas avoir les mêmes ressources pour défendre un point particulier, nonobstant des changements qui pourraient être apportés à la Loi sur la concurrence à propos d'un droit d'action privé limité.

Ce qui m'inquiète, en général, c'est que les députés, par exemple, risquent de ne pas avoir le pouvoir, comme c'est le cas dans d'autres compétences, de proposer des changements par le biais d'informations nombreuses et diverses—pour aboutir à une loi sur la concurrence qui garantit des règles du jeu équitables.

Je ne veux pas dire que dans le modèle américain on retrouve des règles du jeu équitables, mais je reconnais que la capacité de quiconque de se faire représenter comme il se doit dépend du coût. Si vous êtes sur le point d'être éliminé ou si vos affaires ne marchent pas, à cause de ce qui pourrait être considéré comme étant une mesure anticoncurrentielle, disposez-vous véritablement de règles du jeu équitables, nonobstant mon droit privé d'action devant le tribunal? Le particulier sera-t-il en mesure de présenter le même argument que certaines des grandes sociétés qui sont traditionnellement bien reconnues... qui sont bien informées et en général bien appuyées au sujet du travail du Bureau de la concurrence?

M. Konrad von Finckenstein: Dans n'importe quel procès entre deux parties, les ressources offertes à un plaideur vis-à-vis de l'autre peuvent avoir un impact. C'est malheureux, mais c'est la réalité que je ne peux pas changer. Nous proposons toutefois de modifier les règles pour que le règlement soit aussi rapide que possible et les motifs de retard aussi peu nombreux que possible. Par ailleurs, les sociétés qui considèrent être touchées et avoir de véritables griefs, mais qui ne peuvent pas nous convaincre d'instituer une action, pour quelque raison que ce soit—ou parce que nous pouvons avoir une divergence d'opinion—auront la possibilité de se défendre elles-mêmes. Je crois que c'est la meilleure chose qu'il est possible de faire.

M. Dan McTeague: Merci, parce que c'est exactement ce que je pensais dans les circonstances. Je m'inquiète simplement du scénario.

Je crois, madame la présidente, que vous vous souvenez de ma toute dernière observation au sujet du projet de loi C-201, à savoir que je crains que ce soit David contre Goliath, que ce soit un environnement où les plaideurs et ceux qui comprennent cette loi peuvent l'interpréter de nombreuses façons différentes. Je comprends bien que vous devez appliquer la loi telle qu'elle existe. En tant que parlementaires, nous pouvons nous assurer qu'elle donne les résultats attendus, peut-être, ou que dans la mesure du possible, les règles du jeu soient équitables.

Peut-être pourrais-je proposer quelque chose ici, dans le cadre de ma dernière question. Si c'est le premier pas que nous prenons, il faudrait peut-être envisager de reconnaître le déséquilibre relatif qui existe entre un particulier et celui qui dispose de ressources illimitées. Il faudrait également penser à s'assurer que votre ministère dispose des ressources si bien que même lorsqu'un droit privé d'action n'aboutit pas, on puisse effectivement envisager d'assurer le minimum de protection du consommateur—c'est très important ici—par opposition à ceux qui ont des intérêts particuliers qui ne correspondent pas nécessairement aux intérêts publics de l'économie.

Je comprends qu'il vous est très difficile de répondre à des questions comme celles-ci, car vous êtes simplement là pour appliquer la loi. Vous pouvez proposer certaines choses, mais si nous, en tant que législateurs, ne décelons pas certaines insuffisances, nous finirons par avoir une loi qu'il faudra appliquer, alors qu'elle risque de ne pas répondre aux exigences d'une économie en évolution.

M. Konrad von Finckenstein: C'est une déclaration que vous venez juste de faire, non pas une question, si bien que je ne pense pas qu'il soit nécessaire pour moi de faire de commentaires.

• 1040

M. Dan McTeague: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur McTeague.

[Français]

Monsieur Brien, avez-vous d'autres questions?

M. Pierre Brien: Un peu dans la même veine, votre rôle est de faire appliquer la loi, mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'avoir un Bureau de la concurrence plus proactif, quitte à ce qu'il ait plus de ressources? Je reviens à la question de l'essence. Ne devriez-vous pas avoir vous-même le mandat de faire des choses plus larges que de simplement vérifier s'il y a une infraction à la loi, c'est-à-dire de mener vous-même une étude sur la problématique d'une industrie qui est relativement concentrée comparativement à ce qui se passe aux États-Unis, par exemple? Ne serait-ce pas là un rôle complémentaire que vous pourriez assumer, compte tenu des ressources dont vous disposez?

M. Konrad von Finckenstein: C'est possible. Ce sont deux questions. Premièrement, est-ce que mon organisme est l'organisme idéal pour faire cette étude ou est-ce que d'autres organismes doivent être chargés de cette affaire? Puisque nous faisons des enquêtes, est-ce qu'un organisme qui a pour tâche première de faire des enquêtes est l'organisme idéal pour faire des recherches approfondies?

Deuxièmement, il y a des dispositions précises dans la loi qui permettent à des organismes de faire une étude approfondie sur une industrie, non pas parce qu'il a pas une violation de la Loi sur la concurrence, mais parce qu'il y a des développements qu'on n'aime pas. On ne sait pas où ça va et on veut faire une étude et avoir des recommandations. On peut aussi s'adresser, par exemple, au Tribunal de la concurrence. Nous avons le Tribunal canadien du commerce international qui a maintenant le pouvoir de mener des enquêtes s'il y a une demande par le gouverneur en conseil. Tout cela prend beaucoup de ressources et beaucoup de temps, et je crois qu'en général, il vaut mieux que ça ne soit pas fait chez nous, parce que je crois que le rôle des enquêteurs est différent du rôle de ceux qui font une étude. On ne veut pas tout mélanger.

J'aimerais avoir le pouvoir de m'adresser, pour le marché de l'essence, disons, à ce tribunal ou à cet organisme et de lui dire que vraiment, il y a ici des développements qui ne sont pas contre ma loi, mais qui pourront avoir des répercussions assez sérieuses, assez négatives dans le futur. Je crois que le temps est venu de prendre un aperçu de la situation actuelle et de faire des recommandations.

Ça existe et c'est sans doute quelque chose que vous, comme députés, pouvez prendre en considération pour suggérer des modifications en ce sens.

M. Pierre Brien: J'ai une autre question, dans un autre ordre d'idées. Je remarque depuis quelque temps—et on le voit beaucoup dans les projets de loi privés—une tendance à vouloir protéger davantage les consommateurs et à se servir de la Loi sur la concurrence pour atteindre cet objectif. Récemment encore, on a étudié un projet de loi sur les sollicitations indésirables, telles que les loteries, etc. Il y a une tendance à vouloir faire de la Loi sur la concurrence une loi plus étendue.

Bien sûr, la Loi sur la concurrence protège les consommateurs, mais je m'inquiète quand on tente d'étendre sa portée afin d'en faire davantage une loi sur la protection du consommateur. Au Québec, par exemple, il existe une Loi sur la protection du consommateur. Nous avons des recours ainsi qu'un organisme de surveillance, et on sent que, de plus en plus, le gouvernement fédéral a cette tentation de protéger les consommateurs. Or, on va arriver à une situation où il va y avoir deux lois qui auront pour objectif spécifique la protection des consommateurs, alors que selon ce que je comprends, vous êtes là pour surveiller la concurrence.

M. Konrad von Finckenstein: Je suis d'accord avec vous. Nous ne sommes pas un organisme de protection des consommateurs. La Loi sur la concurrence n'est pas une loi pour protéger les consommateurs. C'est une loi pour assurer un marché concurrentiel.

Un ingrédient essentiel pour qu'il y ait un marché concurrentiel, c'est qu'il y ait des données honnêtes pour que le consommateur, comme acteur économique, puisse faire un choix éclairé.

• 1045

Il y a des dispositions de la loi qui sont presque pour les consommateurs. Elles portent vraiment sur la publicité trompeuse, sur le télémarketing trompeur. C'est vraiment pour protéger le consommateur, non pas au niveau de sa décision, mais pour qu'il ait une information adéquate qui lui permettra de prendre une décision éclairée.

Si vous voyez une tendance à faire de la Loi sur la concurrence une loi sur la protection des consommateurs, je partage vos inquiétudes. Je ne veux pas que nous allions dans cette direction. Selon moi, cela doit rester comme c'est maintenant: une loi pour assurer que le marché fonctionne d'une façon concurrentielle. C'est son objectif primordial et cela doit rester ainsi.

M. Pierre Brien: D'accord, merci.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Brien.

Madame Jennings, s'il vous plaît.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib): Merci, madame la présidente.

Merci, monsieur von Finckenstein. Veuillez m'excuser de ne pas avoir entendu votre exposé; malheureusement, j'ai été retenue à la Chambre.

Si je comprends bien, vous avez brièvement parlé de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le C-471, en réponse à une question de mon collègue, M. Cannis, à propos des pratiques trompeuses de télémarketing.

Je crois que vous êtes au courant de l'intérêt que je manifeste à l'égard de la question de la globalisation et de la technologie de l'information et de leur impact important sur les pratiques commerciales au Canada et à l'étranger. Une affaire particulière mettant en cause des fleuristes a suscité mon intérêt et m'a amenée à examiner le Bureau de la concurrence et les genres d'outils dont il dispose, afin de collaborer et de coopérer sur la scène internationale au sujet de ces affaires civiles transfrontalières.

Avez-vous déjà expliqué à la Chambre les outils dont vous disposez actuellement et si mon projet de loi d'initiative parlementaire peut vous permettre d'avoir des outils plus efficaces et efficients, si c'est ce que vous pensez?

M. Konrad von Finckenstein: J'ai brièvement indiqué dans ma déclaration liminaire qu'il y avait quatre projets de loi d'initiative parlementaire, y compris le vôtre, le C-471. J'ai également indiqué que la coopération internationale est une priorité pour moi. Nous vivons de toute évidence dans un marché nord-américain intégré et probablement dans un marché de plus en plus global.

Nous ne pouvons pas appliquer la Loi sur la concurrence correctement sans bénéficier de la coopération internationale, tout d'abord celle des États-Unis, mais aussi celle d'autres pays. La coopération que nous avons avec eux est excellente dans le domaine des affaires criminelles. Nous avons la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle et menons régulièrement des enquêtes conjointes. Nous échangeons des données et avons réussi à traiter des cartels internationaux.

Nous n'avons pas le même genre d'échanges du côté civil, car la loi américaine ne le permet pas à moins que la loi canadienne ne renferme des dispositions de réciprocité. Votre loi le prévoit en fait. Comme je l'ai annoncé, le ministre de l'Industrie est d'avis que l'idée maîtresse des quatre projets de loi est bonne et qu'ils pourraient être utiles; toutefois, nous parlons d'une loi d'application générale qui toucherait toutes les industries, si bien qu'elle aurait des ramifications.

Nous allons publier un document de travail mardi prochain avec ces quatre projets de loi en annexe. Il indiquera en fait que nous sommes d'accord en principe avec l'idée maîtresse de ces projets de loi. Nous voulons une consultation à grande échelle et avons retenu les services de trois forums de politiques publiques permanents. Ils vont demander des mémoires et tenir ensuite des débats publics dans sept villes différentes afin d'entendre le plus d'intervenants possible.

De toute évidence, nous parlerons de votre projet de loi et de la nécessité d'échanger des informations sur les affaires civiles. Beaucoup d'actes anticoncurrentiels ne relèvent pas du criminel mais du civil. Par conséquent, à mon avis, il est absolument essentiel d'avoir cette capacité de manière à pouvoir se pencher sur la question.

• 1050

Si nous échangeons cette information, il faudra penser tout de suite en fait à ce que les agences antitrust appellent les commentaires positifs—c'est-à-dire, nous décidons où l'activité trouve son équilibre. Si c'est aux États-Unis, nous n'interviendrons pas. Si c'est au Canada, nous interviendrons. Nous allons nous assurer qu'il existe une solution à laquelle les deux pays peuvent souscrire et qu'elle s'applique à tout le marché.

Mme Marlene Jennings: Merci, monsieur von Finckenstein.

Comme vous le dites, en vertu de leur loi, ils peuvent en fait conclure des accords avec d'autres pays afin de pouvoir échanger de l'information sur des affaires civiles. Connaissez-vous des accords que les États-Unis auraient en fait conclus avec d'autres pays? De toute évidence, ce n'est pas avec le Canada puisque notre loi ne le permet pas.

M. Konrad von Finckenstein: À l'heure actuelle, ils n'ont pu le faire qu'avec un seul pays, l'Australie.

Mme Marlene Jennings: À quand remonte cet accord? Avez-vous des informations sur la façon dont cela fonctionne?

M. Konrad von Finckenstein: C'est l'année dernière que cet accord a été signé. Je ne sais pas dans quelle mesure il y a eu des échanges d'information suite à cet accord.

Mme Marlene Jennings: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame Jennings.

Monsieur Riis, avez-vous d'autres questions?

M. Nelson Riis: Juste une question rapide.

Monsieur le commissaire, vous avez de nouveau parlé des séances publiques qui vont se dérouler dans les sept villes ainsi que du document de travail qui va être publié dans quelques jours. Pouvez-vous nous indiquer le calendrier de votre enquête?

M. Don Mercer: Monsieur Riis, peut-être pourrais-je répondre à cette question. Le forum des politiques publiques va en fait mettre le document de travail sur son site web. Je pense que cela va se faire lundi. Il va publier un communiqué expliquant le processus.

En vertu du contrat avec le commissaire, le forum dispose de quatre mois pour effectuer cette consultation. Le jour de la publication du document de travail, des commentaires écrits seront sollicités. Après une période de 30 jours, toute cette documentation sera résumée et des discussions régionales pourront débuter dans les sept villes. Le forum présentera son rapport au commissaire d'ici le 31 août.

M. Nelson Riis: J'imagine que cela soulève une question; je me demande si nous ne devrions pas jouer un certain rôle dans tout cela.

M. Don Mercer: Vous avez un rôle à jouer. Vous êtes encouragé à jouer un rôle dans ce processus. Je crois que cela apparaîtra clairement dans l'annonce du forum des politiques publiques. Vous serez en mesure de participer à ces audiences régionales et de donner votre avis.

M. Konrad von Finckenstein: Oui, comme n'importe qui d'autre. Plus encore, tout ce qui sortira du processus, sera bien sûr rendu public. Vous pourrez alors décider si vous voulez tenir une audience à ce sujet vous-même, en complément de votre processus.

M. Nelson Riis: Oui, nous le comprenons.

Monsieur le commissaire, à votre avis, y a-t-il un pays, doté d'une loi ou d'une politique, qui donne l'exemple? Je reviens aux points soulevés par M. Schmidt au sujet de la nouvelle économie et du marché en évolution. Y a-t-il un pays vers lequel on pourrait se tourner?

M. Konrad von Finckenstein: Divers pays ont des caractéristiques qui, à mon avis, sont intéressantes. En règle générale, globalement, je dirais probablement que c'est l'Australie qui est le pays le plus progressif et qui est en général reconnu comme tel.

M. Nelson Riis: C'est intéressant.

Ma dernière question porte de nouveau sur les points soulevés par M. McTeague. Dans vos recommandations, voyez-vous des changements à la loi qui permettraient d'arriver à l'équilibre que vous avez préconisé à plusieurs reprises et que M. McTeague a décrit comme correspondant à des règles de jeu plus équitables...? Y a-t-il des changements visant à garantir aux consommateurs, compte tenu de leur accès limité aux ressources financières, d'avoir davantage voix au chapitre dans votre processus de décision?

M. Konrad von Finckenstein: À l'heure actuelle, nous consultons les consommateurs régulièrement lorsque nous sommes saisis de certaines questions. Pour moi, les changements vont permettre d'arriver à un système plus concurrentiel, un système amélioré qui, par définition, sera avantageux pour les consommateurs. Comme vous le savez, le plus gros problème, c'est que beaucoup de consommateurs sont trop occupés et ne sont pas très bien organisés. Grâce aux dispositions relatives à l'accès privé et grâce à l'amélioration apportée au processus du tribunal, nous permettrons aux organisations de consommateurs ou à leurs représentants d'intervenir en fait au moment crucial du processus. Ils seront entendus et ils pourront faire d'autres commentaires, si bien que le dialogue ne se fera pas uniquement entre les intervenants économiques mais aussi avec les consommateurs.

• 1055

Si la procédure est plus ouverte et si l'accès privé est plus important, il ne fait aucun doute que les intérêts du consommateur seront mieux défendus. Le concept de la loi ne vise pas la protection du consommateur, comme je l'ai dit en réponse à une question du Bloc. La loi a pour but de créer un système concurrentiel qui, par définition, assurera la protection du consommateur. La protection du consommateur n'est pas vraiment une responsabilité fédérale.

M. Nelson Riis: Pour ce qui est des directions que va prendre le bureau, selon vous, en quoi cela diffère-t-il de ce qui se passe actuellement? Vous avez dit plus tôt que vous faites l'effort d'entendre le point de vue des consommateurs.

M. Konrad von Finckenstein: Le Tribunal de la concurrence est probablement un tribunal sous-utilisé à l'heure actuelle, à cause de l'accès limité et des procédures coûteuses et longues. Si les changements que nous proposons sont mis en oeuvre, je crois qu'il sera plus souvent utilisé. Ce sera moins coûteux et plus rapide. Par conséquent, les agents de protection des consommateurs hésiteront moins à participer et auront plus l'occasion de le faire.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Riis.

Monsieur Penson.

M. Charlie Penson: Monsieur von Finckenstein, on a pas mal discuté ce matin de l'effet de la Loi sur la concurrence à l'échelle de la planète. Nous avons parlé de l'Organisation mondiale du commerce. Vous avez dit que le modèle des droits relatifs à la propriété intellectuelle sera peut-être le modèle retenu. J'ai quelques inquiétudes à ce sujet, surtout lorsque l'on touche au domaine de la génétique et qu'on se demande comment les choses vont se passer.

Nous avons vu l'exemple de Monsanto et des semences génétiquement modifiées utilisées par les agriculteurs. Cette société a le contrôle d'un certain gène et il n'est pas disponible au grand public en raison de la protection du droit à la propriété intellectuelle. Lorsqu'on arrivera à la prochaine étape, le côté humain, comment allons-nous nous protéger si une société commerciale possède le droit de propriété intellectuelle dans le domaine de la génétique humaine?

M. Konrad von Finckenstein: Eh bien, cela dépasse mon champ de compétence. Ce sont des questions éthiques, des questions relatives à la limite que vous voulez imposer à la recherche sur les génomes humains, etc. La première partie de votre question, sur Monsanto, est l'exemple précis qui nous intéresse en ce qui concerne nos directives sur la propriété intellectuelle. Quelle est l'interaction de la Loi sur la concurrence?

Les lois en matière de propriété intellectuelle ont dans l'ensemble deux raisons d'être. D'abord, elles vous confèrent le droit de propriété relatif à vos idées pour que vous puissiez les commercialiser et les financer. Comme c'est vous qui avez fait le travail intellectuel, c'est vous qui devriez en profiter. C'est là essentiellement le principe. Ce droit de propriété vous est conféré pour une durée limitée après quoi l'idée fait partie du domaine public. La période de protection varie selon le bien intellectuel dont il est question.

Toutefois, le fait de vous avoir donné essentiellement ce qui revient à un monopole d'une durée limitée ne vous donne pas le droit d'en abuser. La Loi sur la concurrence s'applique si votre bien intellectuel est absolument crucial, non seulement pour l'exploitation de votre idée mais si, dans les faits, il existe tout un marché et que c'est vous qui en détenez la clé.

La première chose que nous examinons est la façon dont vous commercialisez votre idée, de quelle façon vous consentez des permis d'utilisation, ce que vous pouvez faire. Nous faisons en sorte que les permis que vous vendez ne sont pas vendus de manière telle que vous vous en servez pour vous imposer sur d'autres marchés et que vous profitez d'un avantage déloyal qui n'a rien à voir avec votre invention. Comme vous êtes le propriétaire de cette invention et que les gens veulent l'utiliser, ils sont disposés à en payer le prix. Voilà donc l'aspect du levier inéquitable.

Ensuite, il arrive, rarement j'en conviens, que nous disions que, parce que votre invention est la clé qui ouvre la porte à un marché plus important et que vous refusez de le partager avec qui que ce soit, vous entravez le développement général. Vous avez en réalité causé des ravages dans l'économie canadienne. Cela revient essentiellement à abuser de son pouvoir. Il est naturel que vous profitiez de votre invention et ainsi de suite, mais il faut le faire de manière équitable.

L'article 32 de la loi nous permet de présenter une requête au tribunal. Jusqu'ici, nous ne l'avons jamais fait puisqu'il n'y avait pas lieu de le faire, mais étant donné l'importance absolument cruciale de l'informatique, la façon dont elle s'impose dans nos vies et dont les entreprises se réseautent, il se pourrait fort bien que nous ayons à le faire plus tard. Les lignes directrices tentent de coucher sur papier les critères dont il faudrait tenir compte.

• 1100

M. Charlie Penson: Serait-ce le genre de discussions que vous avez avec vos homologues internationaux lors de ces rencontres?

M. Konrad von Finckenstein: Nous avons publié les lignes directrices sur notre site Web et avons demandé à quiconque le désire de nous faire connaître ses vues. Nous avons reçu beaucoup de rétroaction de nos collègues internationaux. Et oui, effectivement, quand nous nous rencontrons à la table de l'OCDE, un des principaux sujets de discussion est le secteur électronique. Comment faut-il en traiter? Comment, d'une part, le favoriser, car il peut être un outil extrêmement puissant et avoir un effet qui se multiplie de lui-même, et d'autre part éviter qu'il ne devienne dominant ou qu'il n'essaie de s'imposer sur d'autres marchés et ainsi de suite?

M. Charlie Penson: Comment évaluez-vous la position que vous défendez au sein de l'OCDE ou de l'OMC à ce sujet? Le Canada mène- t-il les pourparlers ou certains pays demandent-ils une définition plus restreinte pour que nous puissions exercer un certain contrôle en cas d'abus?

M. Konrad von Finckenstein: En termes de concurrence, cinq pays sont au premier rang, soit les États-Unis, l'Australie, l'Union européenne, particulièrement les Allemands, et nous. En règle générale, nous sommes les membres de l'OCDE qui réclament avec le plus de véhémence. Pour ma part, je préside un des groupes de travail sur la coopération internationale. J'estime que c'est là qu'il faut en réalité concentrer nos efforts pour donner du muscle à la Loi sur la concurrence au sein d'une économie mondiale.

M. Charlie Penson: Je vous remercie beaucoup.

La présidente: Monsieur Penson, je vous remercie beaucoup.

Monsieur le commissaire, nous avons eu un débat vraiment intéressant ce matin. J'aurais quelques questions à vous poser dans des domaines que nous n'avons pas encore abordés ce matin.

Un des enjeux dont on parle dans les journaux depuis quelque temps est la concentration de la propriété des journaux. Je sais qu'au cours des dernières années, vous avez effectué plusieurs examens—trois, je crois—à la fin desquels vous avez conclu qu'il y aurait une baisse de la concurrence, mais que les acquisitions ne soulèveraient pas d'autres préoccupations. Je me demande si vous pouvez expliquer au comité cette tendance à une concentration de plus en plus grande dans l'industrie de la presse écrite ou si vous pouvez nous donner une idée d'à quoi vous attribuez cette tendance, ou encore si vous pouvez nous donner une vue d'ensemble de la façon dont le bureau examine les questions de concentration dans cette industrie.

M. Konrad von Finckenstein: Je crois que mon collègue, Gaston Jorré, qui est en charge des fusionnements, est celui qui peut le mieux répondre à cette question.

M. Gaston Jorré: Je vous remercie.

Je commencerais tout d'abord par vous expliquer comment nous examinons les fusionnements projetés de journaux, après quoi nous pourrons peut-être commencer à répondre à votre première question au sujet de ce qui se passe.

La Loi sur la concurrence est une loi d'application générale. Donc, les principes fondamentaux et l'approche fondamentale appliqués aux journaux sont les mêmes que pour toute autre industrie. Quand un fusionnement est projeté, quelle que soit la taille des entreprises, il doit obligatoirement nous être déclaré. Le premier critère que nous utilisons est de savoir si le fusionnement provoquera une baisse sensible de la concurrence. Ce que j'aimerais faire, c'est de vous exposer brièvement les étapes, puis de vous décrire certaines caractéristiques propres à l'industrie que nous examinons.

[Français]

En gros, les étapes sont les suivantes. Une fois qu'on a reçu l'avis, on essaie de déterminer quels sont les marchés de produits pertinents, quels sont les marchés géographiques pertinents, et je vais y revenir dans le contexte des journaux. Ensuite, il y a une analyse de part de marché qu'il faut faire. Il faut voir quelle serait la part du marché après la fusion. À la troisième étape, on examine d'autres facteurs: par exemple, est-il facile pour une nouvelle entreprise d'entrer dans ce marché ou est-ce que la fusion proposée va enlever un concurrent qui est très fort? Et on examine d'autres facteurs. Finalement, à la dernière étape, on rassemble toute cette analyse pour arriver à une conclusion et, d'après cette conclusion, on peut soit accepter la fusion, soit s'y opposer, soit tenter de négocier certains changements.

[Traduction]

Toutefois, les journaux ont certaines caractéristiques qui leur sont propres. Tout d'abord, j'aimerais vous rappeler que notre analyse est d'une nature essentiellement économique, de sorte que l'accent a tendance à être mis sur la publicité. Pourquoi cet accent sur la publicité, me demanderez-vous? Parce que, d'un point de vue commercial, le principal produit qu'a à vendre un journal est de l'espace publicitaire, qu'il vend aux annonceurs. C'est pourquoi notre analyse gravite autour de la publicité.

• 1105

Dans l'ensemble, on peut dire qu'il y a deux genres de publicité. Il y a la publicité nationale qui a tendance à promouvoir une préférence de marque, par opposition à un achat particulier, par exemple, à un point précis dans le temps. On peut la comparer avec l'autre extrême, la publicité locale qui vise peut-être un produit particulier dans un certain magasin de telle ville. Elle est beaucoup plus détaillée et d'intérêt local.

Maintenant, dans le cas de la publicité nationale, les journaux ont tendance à livrer concurrence aux autres médias—par exemple, aux magazines et jusque dans une certaine mesure aux médias électroniques. Il se pourrait fort bien qu'actuellement, l'Internet soit devenu un concurrent. J'ignore si nous avons eu à examiner cette question dans le passé, mais nous l'examinerions certes maintenant.

Dans le cas de la publicité locale, qui est beaucoup plus détaillée, les journaux ont tendance à représenter un marché à eux seuls. Ils ne font pas vraiment concurrence, habituellement, aux médias électroniques ou aux magazines, bien que les dépliants publicitaires, par exemple, puissent être une source de concurrence.

Pour ce qui du marché géographique, on examine le territoire des annonceurs. Donc, si vous examinez de la publicité locale, elle a tendance à viser un certain territoire qui correspond à celui de la plupart des journaux. La publicité nationale, bien sûr, s'étend au pays tout entier. Il existe quelques journaux d'envergure nationale—le Globe and Mail et le National Post, entre autres—, mais comme je l'ai dit tout à l'heure, la plupart des autres sont très locaux.

Quelles autres caractéristiques y a-t-il? Il existe un assez grand nombre de marchés où il n'y a en réalité qu'un seul journal. S'il y a un changement de propriété, celui-ci peut avoir divers effets sur la politique rédactionnelle notamment, mais cela ne va pas changer la nature du marché concurrentiel local. Vous n'aviez qu'un journal avant et vous n'en aurez qu'un après. Par contre, il y aura naturellement un problème si, par exemple, il y a deux journaux dans une ville et que le propriétaire de l'un deux décide d'acheter l'autre.

Donc, en tant que telle, la partie rédactionnelle ou la politique rédactionnelle d'un journal n'est pas examinée en fonction de la politique de la concurrence.

Pour en revenir à la première partie de votre question, au sujet de ce qui se passe, il n'y a déjà pas beaucoup de joueurs sur le marché des journaux, et comme nous imposons des restrictions à la propriété des journaux... Il existe en effet des restrictions indirectes résultant de la Loi de l'impôt sur le revenu qui, à l'article 19, interdit de déduire les frais de publicité à moins de satisfaire à certaines conditions. Essentiellement, ces conditions ont pour résultat de favoriser la propriété canadienne, qui est définie de manière très précise. Les chaînes de journaux étrangères ne peuvent pas se porter acquéreuses de journaux ici, de sorte que le nombre d'acheteurs est très limité, à moins qu'une entreprise extérieure à la presse écrite ne décide subitement de se lancer dans ce secteur d'activité. Mais pareil cas ne s'est pas présenté dernièrement.

Voilà donc un aperçu de la situation.

La présidente: Vous avez mentionné que vous n'êtes pas mandatés pour examiner la politique rédactionnelle, et nous en sommes conscients. Vous avez aussi parlé des annonceurs et du genre de publicité qui se fait. Y a-t-il d'autres aspects de l'industrie qui exigent un examen spécial dans le cadre de votre analyse des effets de fusionnements projetés sur la concurrence? Y a-t-il autre chose à ajouter?

M. Gaston Jorré: Je suppose qu'une préoccupation croissante est le fait que beaucoup de journaux sont en train de passer à l'Internet, et je soupçonne que cela va modifier la façon dont nous analysons les situations, parce que les journaux sont l'une des principales sources de l'information que l'on trouve sur l'Internet et qu'il existe sur Internet des marchés de la publicité. Nous ne faisons que commencer à comprendre le fonctionnement de ces marchés.

La présidente: Je sais que M. Riis a une question à poser à ce sujet, mais avant de lui céder la parole, j'aurais une dernière question. Où se situe le bureau au juste, dans tout cela? Nous savons que le CRTC a compétence tout comme le bureau et que les fusionnements dans le domaine des télécommunications n'ont pas besoin d'être approuvés à l'avance. Vers quoi nous dirigeons-nous? Si nous affirmons que la presse écrite se dirige de plus en plus vers le commerce électronique, sommes-nous sur le point de buter contre des enjeux juridictionnels, des barrières ou un conflit quelconque? Y a-t-il conflit éventuel?

• 1110

M. Konrad von Finckenstein: Excusez-moi, mais vous ai-je bien entendu dire que les fusionnements dans le secteur des télécommunications n'avaient pas besoin d'être approuvés à l'avance?

La présidente: Aux termes de la Loi sur les télécommunications.

M. Konrad von Finckenstein: En vertu de la Loi sur les télécommunications.

Tout d'abord, il faut nous aviser de ces fusionnements. Il faut nous les déclarer à l'avance. Nous les examinons, et le CRTC le fait également. En fait, il existe un processus de double approbation. Nous examinons le projet en fonction de son effet antitrust sur le marché pertinent, par exemple sur la publicité, comme l'a souligné mon collègue. Le CRTC examinera naturellement le projet en fonction de ses effets et en fonction du nombre de concurrents et ainsi de suite.

En réalité, nous avons émis un document conjointement avec le CRTC pour décrire notre interface et délimiter notre champ de compétence par rapport au leur parce qu'il y a beaucoup de confusion au sein de l'industrie à ce sujet. On peut consulter le document sur notre site Web et sur celui du CRTC.

Cependant, si vous parlez de fusionnement de médias électroniques, nous venons tout juste d'examiner l'achat par CTV de TSN. Nous l'avons examiné et nous en sommes venus à la conclusion qu'en termes de permis—un avait un permis régional et l'autre un permis local—, il n'y avait pas de recoupement important. Le CRTC a aussi examiné le fusionnement et conclu que, dans les faits, il conférerait à CTV un trop grand monopole en matière de nouvelles sportives. Il a donc obligé le réseau à vendre Sportsnet, ce qu'il est actuellement en train de faire. Il s'agit donc de la même question, examinée sous deux angles différents. On en vient parfois à la même conclusion et parfois à des conclusions différentes.

La présidente: Vous ne voyez donc pas de conflits éventuels ou de problèmes dans l'utilisation de l'Internet. Je constate que les médias favorisent de plus en plus l'Internet, et je me demande simplement si nous entrevoyons d'éventuels problèmes à cet égard. Nous sommes en train d'adopter le commerce électronique. Croyez- vous avoir les outils qu'il vous faut pour en traiter?

M. Konrad von Finckenstein: Le CRTC aura peut-être un assez gros problème, car il n'est pas prouvé que l'Internet relève de sa compétence. Il a tenu des audiences sur les nouveaux médias et en est venu à la conclusion que, tout d'abord, les nouveaux médias ne devraient pas être réglementés parce qu'essentiellement, il est impossible de le faire. Les médias électroniques sont en plein essor, et l'on ne voudra pas les étouffer ou les inciter à quitter le pays. De plus, dans la mesure où il ne s'agit pas de radiodiffusion, ils ne relèvent pas de la compétence du CRTC. Il n'est pas facile de déterminer si l'Internet fait partie de la radiodiffusion.

S'il y a des fusionnements, nous examinerons assurément l'Internet et les nouveaux médias. Toutefois, si nous l'examinons à travers le prisme de la concentration, à ce stade-ci, il comporte un nombre imposant de joueurs et il n'y a pas eu jusqu'ici de problèmes de concentration. Il se pourrait fort bien qu'il y en ait. Comme je l'ai mentionné en réponse à la question de M. Cannis, je crois, toute la question de l'Internet et du commerce électronique nous cause bien des maux de tête. Du point de vue de l'exécution, la tâche peut être fort difficile, parce que le fournisseur du produit, le consommateur et le marché pourraient tous se trouver dans des pays différents. D'où le besoin d'une coopération internationale.

La présidente: Pour en revenir à la question des journaux, le président de Thomson Corporation, comme nous l'avons déjà reconnu, a déclaré que c'est la voie de l'avenir. Je me demande simplement ce que le passage à un médium électronique représente sur le plan de la concentration des journaux, s'il y a des questions au sujet de vos capacités ou d'éventuels problèmes que vous prévoyez ou même si nous pouvons prédire ce que nous réserve l'avenir.

M. Konrad von Finckenstein: Aucun d'entre nous ne peut prédire de quoi sera fait l'avenir. Il y a divers modèles, et l'on parie littéralement des millions de dollars sur le modèle d'entreprise pour l'Internet. Quelle est la formule gagnante? Faut-il investir dans tous les domaines ou se concentrer sur un créneau? Est-il nécessaire d'offrir beaucoup de contenu ou est-il préférable d'avoir un contenu spécialisé? Cherche-t-on à attirer une vaste clientèle ou un groupe ciblé?

L'Internet vous permet d'avoir plusieurs dimensions et de cibler de très petits marchés qui auparavant n'étaient pas rentables. Est-ce une tendance qui va se maintenir? Pourrait-on obtenir ce qu'on veut simplement en cliquant quatre fois sur la souris? La plupart des utilisateurs refusent de cliquer plus de quatre fois. Donc, s'il faut cliquer plus de quatre fois pour vous trouver, oubliez cela. Vous n'existez pas. Les America on Line de ce monde jouissent d'un grand avantage. En allant sur leur site, vous pouvez tout trouver. Vous pouvez le faire en quatre clics.

• 1115

D'autres affirment qu'on veut en réalité... Si vous êtes un mordu du golf et que vous souhaitez réellement obtenir des renseignements spécialisés sur le sport, les renseignements généraux que vous offre America on Line ne vous intéressent pas.

Il est réalité trop tôt pour dire ce qui arrivera et pour déterminer les aspects anticoncurrentiels ou les aspects concurrentiels dont il faudra tenir compte.

La présidente: Monsieur Riis.

M. Nelson Riis: Madame la présidente, je souhaitais simplement creuser davantage la question que vous avez abordée.

Monsieur le ministre, vous avez mentionné tout à l'heure que toute la nouvelle économie est une économie électronique. Quiconque contrôle les réseaux va contrôler l'économie. Mon unique question relève du même ordre d'idées.

Nous avons entendu Gaston nous décrire le rôle du bureau de la concurrence en ce qui concerne les journaux. Est-il possible, du point de vue du bureau, qu'un magnat de la presse comme Conrad Black puisse être propriétaire de tous les journaux au Canada et que, s'il structure bien sa politique de publicité et ainsi de suite, il ait l'aval du bureau?

M. Gaston Jorré: Prenons l'exemple de celui qui essayerait de devenir propriétaire à la fois du Globe and Mail et du National Post. Étant donné le genre d'examen que nous effectuons, il faudrait se pencher sur des enjeux très graves. Il est difficile de concevoir qu'une seule personne puisse être propriétaire de tous les journaux sans que cela ne soulève de questions, mais il est possible d'être propriétaire de nombreux journaux parce qu'il existe beaucoup de marchés où il n'y en a qu'un seul. Mis à part le Global Mail et le National Post, la plupart des journaux ne font pas vraiment concurrence à l'extérieur de leurs territoires. On peut donc avoir probablement une très forte concentration sans que la concurrence s'en ressente trop.

M. Nelson Riis: Toutefois, il existe de nombreux marchés aujourd'hui où il n'y a qu'un seul journal. Ne pourrait-on se retrouver avec un pays qui n'a plus qu'un seul journal?

M. Konrad von Finckenstein: Sur certains marchés... Toronto est l'exemple parfait. Le Toronto Star a essayé d'acheter le Toronto Sun. Nous nous y sommes vigoureusement opposés parce qu'il s'agissait du même marché.

M. Nelson Riis: Et qu'en est-il de Vancouver?

M. Konrad von Finckenstein: La situation est la même là-bas. Il y a eu une cause là-bas qui est allée jusqu'à la Cour suprême quand nous avons obligé Southam à se départir d'un des journaux de Vancouver Nord qu'il avait achetés.

M. Nelson Riis: Toutefois, les deux grands journaux de Vancouver, soit le Vancouver Sun et le Province, sont la propriété de la même personne.

M. Konrad von Finckenstein: Effectivement.

M. Nelson Riis: Vancouver Nord, d'accord. Pourtant, quand on pense que les deux sont presque des journaux provinciaux, tout comme les journaux du Greater Lower Mainland... Je sais que vous êtes intervenus pour empêcher le marché de Vancouver-Nord, mais il s'agissait là d'un joueur plutôt important sur la scène régionale.

M. Konrad von Finckenstein: Cela s'est passé avant que j'entre en fonction, de sorte que je ne puis vous dire sur quoi portait l'examen.

Comme l'a dit Gaston, il est impossible de concevoir qu'une seule personne puisse être propriétaire de tous les journaux des villes où il n'y en a qu'un seul, sur tous les marchés servis par un seul journal. Du point de vue de la concurrence, vous pouvez l'empêcher en invoquant la législation nationale qui l'interdit ou quelque chose du genre. Mais rien dans la Loi sur la concurrence n'empêche que tous les marchés où il n'y a qu'un seul journal appartiennent à la même personne. À moins de pouvoir démontrer que le propriétaire abuse de cette dominance pour dicter ses conditions aux autres, nous n'aurions pas d'objection.

M. Nelson Riis: D'accord.

M. Konrad von Finckenstein: Comme un autre l'a souligné, si l'Internet devient un débouché distinct, alors il faudra s'interroger. La personne peut-elle être propriétaire à la fois du journal et du service Internet de cette ville? Il faudra trouver réponse à ces questions.

M. Nelson Riis: On pourrait donc en revenir à des exploitations intégrées comme les pétrolières.

Madame la présidente, je vous remercie.

La présidente: Monsieur Riis, je vous remercie.

J'aurais simplement un dernier point à soulever. Tout à l'heure, vous avez parlé des pouvoirs d'ordonner qu'on cesse une activité et qu'on s'en obtienne et de ce qui se passe dans l'industrie du transport aérien. M. McTeague en a aussi parlé. Vous avez décrit plusieurs fois le mandat du Bureau de la concurrence et affirmé que vous aviez pour raison d'être de protéger la concurrence. Ce pouvoir ne signifie-t-il pas que vous protégez les concurrents plutôt que la concurrence?

M. Konrad von Finckenstein: Non. Grâce à ce pouvoir, vous interviendriez parce qu'un joueur dominant a fait main mise sur les marchés. C'est ce qui est prévu au sujet des lignes aériennes actuellement, pour l'application de l'article 79, soit lorsqu'il y a un joueur dominant. Dans ce cas-ci, Air Canada contrôle 80 p. 100 de tous les vols. S'il a ce pouvoir et qu'un concurrent tente de pénétrer le marché, le joueur dominant peut l'utiliser pour faire concurrence et il le fera, mais il doit le faire de manière équitable.

• 1120

Les lignes aériennes sont le meilleur exemple. Je vais donc continuer de m'en servir. Nous affirmons que si WestJet souhaite pénétrer le marché et offrir des liaisons entre Hamilton et Ottawa à un certain prix, par exemple 300 $, et qu'Air Canada réplique en l'offrant à 250 $, nous ferons un examen. Si les coûts inévitables d'Air Canada représentent en réalité plus de 250 $, nous estimerons qu'elle a un comportement anticoncurrentiel, parce qu'elle n'a pas d'autres raisons d'agir ainsi que de dicter les prix et qu'elle est disposée à absorber des pertes supérieures à son coût réel.

Vous avez une position dominante. Ce n'est pas pour la part du marché. Vous en avez déjà 80 p. 100. L'unique raison que vous puissiez avoir d'agir ainsi est d'éliminer un concurrent. C'est là que nous interviendrions. Nous émettrions une ordonnance de cesser de s'abstenir et, ensuite, un tribunal devrait décider si nous avons eu raison ou tort de le faire.

La présidente: Je comprends ce que vous voulez dire lorsque vous parlez d'intervenir. Je vois la question sous un angle plus vaste, celui de la nature du rôle du Bureau de la concurrence. Si je comprends bien le projet de loi C-26, il s'y trouve des dispositions particulières à un secteur—des dispositions qui visent l'aviation commerciale.

À ce que j'avais cru comprendre d'après les discussions que ce comité a eues dans le passé sur l'industrie pétrolière et d'autres sujets, on ne pouvait pas viser un secteur d'activité particulier. C'est d'ailleurs l'un des principaux problèmes que nous a posé le projet de loi d'initiative parlementaire de Dan McTeague. Il ne pouvait pas viser un secteur d'activité, parce que ce n'était pas le rôle de la Loi sur la concurrence.

Je vois bien que ce que propose le projet de loi C-26 vise un secteur d'activité particulier, et je me demande si c'est vraiment la voie que devrait prendre la Loi sur la concurrence, ou que nous devrions adopter.

M. Konrad von Finckenstein: Non, je ne dis pas que nous devrions viser un secteur en particulier.

Par définition, la circulation aérienne est sous autorité fédérale. Cet article de la loi aurait tout aussi bien pu se trouver dans la Loi sur les transports du Canada en plus de la Loi sur la concurrence. Il se trouve là parce qu'il y a un commissaire, et tout le mécanisme a été décrit dans la Loi sur la concurrence. C'est donc aux fins de simplicité et d'uniformité législative qu'on a voulu mettre dans cette loi toutes les dispositions relatives à la Loi sur la concurrence.

M. McTeague, dans son projet de loi, propose une disposition générale qui s'applique à tous les secteurs d'activité. La question est de savoir s'il serait sensé de l'appliquer à tous les organismes comme nous le faisons pour les compagnies aériennes. Les compagnies aériennes sont de compétence fédérale, et on y remarque maintenant une dominance. Vous savez qu'il y a un gros problème, parce que dans une industrie où il n'y avait que deux participants, l'un a échoué. Est-ce qu'il serait logique d'appliquer cette disposition à d'autres secteurs d'activité, et est-ce qu'il serait sensé de n'en viser qu'un?

Il se pourrait très bien qu'en conclusion de cette consultation, il soit décidé que non, il n'est pas logique d'appliquer cette disposition à tous les secteurs d'activité; ou encore, que oui, il faudrait la formuler autrement, la structurer autrement, parce que les compagnies aériennes sont une entité à part, où l'on traite de problèmes immédiats. S'il fallait l'appliquer à tous les secteurs d'activité, il faudrait l'atténuer, la nuancer, etc.

C'est l'un des éléments que j'espère voir ressortir des discussions que tiendra le Forum des politiques publiques.

La présidente: Je croyais pourtant que c'était l'un des objectifs visés, que tous les secteurs d'activité soient traités sur le même pied, qu'il n'y ait rien d'axé sur un secteur particulier d'activité. À voir ce qui se passe avec le projet de loi C-26, je m'inquiète de nous voir emprunter une voie que, selon les conclusions que nous avions tirées, la Loi sur la concurrence ne devrait pas emprunter.

M. Konrad von Finckenstein: Si le projet de loi que le Parlement examine actuellement au sujet des compagnies aériennes est adopté, il est certain qu'il y aura une disposition particulière au secteur des compagnies aériennes qui ne concerne pas d'autres secteurs. Et vous avez raison, cette disposition romprait l'uniformité qui, autrement, caractérise la Loi sur la concurrence.

Je l'ai déjà dit, vous auriez pu prendre les mêmes dispositions et les intégrer à la Loi sur les transports du Canada en déclarant «nous avons des dispositions qui portent sur le transport, et particulièrement sur trois modes de transport, et comme les compagnies aériennes connaissent des problèmes particuliers, nous prévoyons les présentes dispositions». C'est une question de commodité législative.

La plus grande question qui se pose est celle que vous avez soulevée. Voulons-nous, ou non, prendre pour tous les secteurs d'activité les même mesures qui ont été adoptées au sujet des compagnies aériennes—parce que le gouvernement perçoit un problème avec les compagnies aériennes?

La présidente: Je suppose que c'est une autre question. Notre rôle devient-il alors, de celui de poursuivant, où on fait l'analyse, à celui de juge et de jury aussi, où on présente des solutions temporaires...? En passant, le terme temporaire n'a pas le même sens dans le domaine aérien que dans le secteur du commerce électronique. Quatre-vingt ou quatre-vingt dix jours, c'est beaucoup de temps dans le secteur du commerce électronique, comparativement à l'industrie aérienne.

M. Konrad von Finckenstein: Premièrement, c'est 20 jours, qui peuvent être prolongés à deux reprises de 30 jours.

La présidente: C'est donc bien 80 jours.

M. Konrad von Finckenstein: Oui, mais la personne contre qui l'ordonnance est émise peut en faire appel devant un tribunal le deuxième jour.

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Deuxièmement, comme je le disais, une question très importante qui se pose, c'est que si on devait appliquer cette disposition à tous les secteurs, est-ce que la période devrait être écourtée, ou devrait-il y avoir un processus accéléré pour passer devant le Tribunal de la concurrence, au lieu que ce soit à nous de prendre la décision?

Tout cela revient au problème d'abus d'une position dominante, lorsque tous les avantages sont du côté du contrevenant qui détient le marché dominant. Dans quelle mesure peut-on accélérer le processus qui permettrait de régler le problème et empêcher la personne qui abuse de son pouvoir d'appliquer sa force économique pour faire traîner les choses? Comment atteindre un juste équilibre?

M. McTeague a proposé une solution, et il se pourrait très bien qu'au bout de la consultation, une toute autre solution soit trouvée. Tout ce que je sais, c'est qu'il faut régler ce problème. Dans l'état actuel des choses, c'est celui qui occupe une position dominante sur le plan économique et qui abuse de son pouvoir qui tire parti du délai. Il peut s'en servir de telle façon qu'au moment où une solution est trouvée, il est déjà trop tard.

La présidente: Nous attendrons de voir ce qui ressort du processus de consultation. Nous y participerons à tout le moins, si nous n'y intervenons pas activement.

J'ai une dernière question à poser. Ces dernières années, plusieurs amendes ont été imposées à des sociétés multinationales. Pour certaines d'entre elles, le coût d'une amende s'élevant à plusieurs millions de dollars fait partie du jeu. Je ne suis pas convaincue que certaines amendes aient été perçues comme beaucoup plus qu'une redevance. Je me demande comment vous déterminez le montant de l'amende. Lorsque je vois le montant de certaines comparativement aux recettes et aux marges de profit des sociétés visées, je me demande où est l'élément dissuasif.

M. Konrad von Finckenstein: Les amendes sont très élevées. Ce sont les plus importantes qui aient jamais été imposées de toute l'histoire criminelle du Canada. Personne n'a jamais perçu d'amendes du genre de celles que nous avons vues depuis deux ans. En plus, elles ne sont pas déductibles du revenu imposable, donc elles frappent directement le revenu du contrevenant au bout du compte.

Si vous voulez connaître la méthode de calcul des amendes, M. Mercer peut vous la décrire. Don, je vous laisse la parole.

M. Don Mercer: Je crois qu'il est important de comprendre qu'en fin de compte, bien sûr, ce sont les tribunaux qui déterminent le montant des amendes. Mais lorsque le ministère de la Justice participe à l'évaluation des cas, c'est vrai qu'il recherche l'élément de dissuasion. On examine la valeur du commerce et l'incidence de l'acte sur les compagnies touchées. On analyse aussi le comportement passé de la société. Est-ce que c'est relativement nouveau de sa part, ou est-ce que cela fait longtemps qu'elle affiche ce genre de comportement? Les tribunaux en tiennent compte, et nous aussi, au moment de déterminer la peine.

Il ne fait pas de doute que les amendes qui ont été imposées dans ces cas particuliers ont eu un plus grand effet dissuasif qu'elles ne l'auraient eu il y a quelques années, lorsque le montant maximal de l'amende qui pouvait être imposée pour le même volume d'activité était de un million de dollars.

On a fait du chemin avec ce genre de processus. En fait, vous remarquerez cette tendance tant aux États-Unis qu'au Canada, et aussi que depuis trois ou quatre ans, les amendes sont montées en flèche, les tribunaux étant d'avis que la fixation des prix constitue effectivement une infraction criminelle qui doit être prise au sérieux. C'est une mesure qui a de fortes répercussions sur l'économie, et il n'y a pas d'excuse à cela.

M. Konrad von Finckenstein: Ces amendes ne donnent aucune indication, cependant, de ce qui a pu arriver au sein des compagnies qui en ont été frappées, les restructurations, les mises à pied, les changements de gestionnaires, etc.

La présidente: Je tiens à vous remercier tous d'être venus ce matin. Merci à vous, monsieur le commissaire, et à vos collaborateurs, M. Jorré et M. Mercer, d'avoir participé à cette discussion très intéressante. Nous apprécions le temps que vous avez consacré à notre comité. Votre participation a été très précieuse à nos démarches, qui ne font que commencer, et nous sommes impatients de vous revoir.

M. Konrad von Finckenstein: Merci.

La présidente: La séance est levée.