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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 22 février 2000

• 0901

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Conformément au mandat que nous confère le paragraphe 108(2) du Règlement nous effectuons une étude relative à la productivité, à l'innovation et à la compétitivité.

J'ai le grand plaisir d'accueillir nos témoins ce matin. Il s'agit de M. Peter Smith, président-directeur général de l'Association des industries aérospatiales du Canada, et de M. Bill Murnigham, représentant national des Travailleurs canadiens de l'automobile.

Soyez les bienvenus. Je propose que vous fassiez vos déclarations liminaires, après quoi nous passerons aux questions. Certaines questions s'adresseront à vous deux et d'autres ne s'adresseront peut-être qu'à l'un d'entre vous. Si vous avez quelque chose à ajouter au sujet d'une question qui ne vous est pas adressée, je vous prie de me le signaler. En ma qualité de présidente, je me ferai alors un plaisir de vous donner la parole. Je propose que nous commencions par M. Smith.

M. Peter Smith (président-directeur général, Association des industries aérospatiales du Canada): Madame la présidente, membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à me joindre à vous ce matin. J'aimerais tout d'abord passer quelques minutes à vous dire qui nous sommes, en quoi consiste notre secteur et quels sont certains des défis que nous avons à relever. J'ai confié au greffier, aussi bien en français qu'en anglais, le texte de mon exposé. Je vous prie de me signaler tout problème. Nous pouvons vous fournir des exemplaires additionnels.

L'AIAC est le porte-parole du secteur aérospatial au Canada à l'échelle nationale. Nous sommes fiers de dire que nous comptons plus de 250 membres répartis dans toutes les régions du pays, réalisant environ 95 p. 100 du chiffre de ventes dans le secteur de l'aérospatiale. Nous comptons des associés provinciaux dans cinq provinces: la Colombie-Britannique, l'Alberta, le Manitoba, l'Ontario et la Nouvelle-Écosse. Cinq conseils stratégiques présidés par des membres du conseil de l'AIAC gèrent les grands dossiers suivants: commerce, technologie, fournisseurs, acquisitions de défense et après-marché.

Enfin, il importe de signaler au cours des discussions d'aujourd'hui que nous entretenons de solides liens avec les organisations qui sont nos homologues dans divers pays, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Italie. Nous sommes donc en mesure de fournir certains éléments d'analyse comparative concernant la situation dans d'autres pays.

Pour les années 90, le secteur de l'aérospatiale peut faire état d'un succès éclatant sur les plans de l'emploi et de la croissance. Notre chiffre de ventes a doublé depuis 1993, et cette année, au Canada, nous prévoyons dépasser les 19 milliards de dollars. Il s'agit là d'un taux de croissance trois fois plus élevé que celui du PIB dans son ensemble. Nos exportations représentent plus de 75 p. 100 des ventes. Nous sommes fiers d'informer le comité que, depuis 1991, nous avons participé à l'excédent commercial à hauteur de 25 milliards de dollars.

C'est en matière de produits commerciaux que notre réussite est la plus éclatante, étant donné que nos capacités sont fort réputées dans le monde en matière d'aéronefs-navettes, de moteurs à turbine, d'hélicoptères civils et de simulateurs de vol. Ce sont là nos produits clés.

Notre investissement annuel dans le secteur de l'aérospatiale a crû de 70 p. 100, passant à près de 1,7 milliard de dollars. À l'heure actuelle, nous employons directement quelque 76 000 personnes, et nous avons créé 23 000 nouveaux emplois depuis 1993.

• 0905

Permettez-moi maintenant de vous donner un bref survol de nos principaux segments de marché. De toute évidence, la plus grande partie de notre production vise les cellules, et la propulsion vient au deuxième rang. Notre production est plus modeste en matière d'espaces d'avionique, d'électronique de défense et d'autres productions. Nous avons d'importantes capacités dans tous les segments de produits.

Il vaut la peine de signaler que le secteur canadien de l'aérospatiale est unique à divers égards, mais ce qui le caractérise surtout, c'est l'infrastructure d'approvisionnement qu'il offre aux constructeurs OEM, à savoir les constructeurs de matériel comme Bombardier et Bell. De plus, Bombardier, par exemple, concentre ses activités sur les aéronefs de 100 places ou moins, tandis que Airbus et Boeing font partie de la catégorie des 100 places et plus. Ainsi, même si Airbus et Boeing se disputent des parts de marché, nous sommes les fournisseurs de l'un comme de l'autre. Également, la réussite de Bombardier dans la catégorie des 100 places ou moins est tout à fait remarquable.

Ainsi la réussite du secteur canadien de l'aérospatiale est attribuable notamment à son intégration totale et au fait qu'il est en mesure d'offrir une vaste gamme de produits au marché mondial.

Les marchés à créneaux où nous avons bien réussi sont, par exemple, ceux des aéronefs régionaux, produits par Bombardier; des aéronefs d'affaires—encore ici il s'agit de Bombardier; des hélicoptères commerciaux, comme ceux de Bell, de Textron et d'Eurocopter; des petits et moyens turbomoteurs, comme ceux de Pratt et de Noranda; des circuits du train d'atterrissage, de renommée mondiale, comme ceux de Messier-Dowty, de BFGoodrich, et de Héroux; et de simulateurs de vol, bien entendu, produits par CAE et Atlantis.

Notre réussite est en grande partie attribuable aux résultats d'une poignée d'entrepreneurs principaux. Notre production est principalement axée sur les exportations, et, comme je l'ai souligné, nous nous sommes établis dans certains marchés à créneaux. Le secteur canadien de l'aérospatiale est indubitablement de calibre mondial. Pour conserver notre excellente réputation à cet égard, nous avons consenti des investissements soutenus visant des produits et services novateurs.

Il convient de noter qu'il est relativement peu coûteux de faire affaire au Canada et que le faible taux de change du dollar canadien rend nos produits très concurrentiels. Nous avons établi des collaborations un peu partout dans le monde en matière de partage des risques, mais nous collaborons également de façon très efficace dans le cadre de divers programmes de soutien gouvernementaux, comme ceux de la Société pour l'expansion des exportations, la CCC, le programme Partenariat technologique Canada et, bien entendu, les crédits du RSDE.

Pour nous, l'aérospatiale, au Canada, est l'élément stratégique d'une économie dynamique axée sur le savoir. Nous sommes le principal exportateur de technologie de pointe au Canada. Comme je l'ai déjà souligné, nos exportations représentent 75 p. 100 du chiffre des ventes, et nous prévoyons qu'elles continueront de croître pour atteindre plus de 80 p. 100 de ce chiffre au cours des quelques prochaines années.

Nous sommes un chef de file en matière d'innovation. En effet, notre secteur de l'aérospatiale représente 15 p. 100 de l'ensemble de la R-D industrielle au Canada. À ce jour, nous réinvestissons annuellement 12 p. 100 du chiffre des ventes en R-D.

Nos emplois sont très spécialisés. Ils sont axés sur l'innovation et bien rémunérés. Les travailleurs de la connaissance forment un fort pourcentage de l'effectif, compte tenu des compétences nécessaires dans le secteur de l'aérospatiale. Les salaires des travailleurs de la production sont très supérieurs à la moyenne du secteur manufacturier, et je pense bien que mon collègue des TUA pourra confirmer que les postes qu'offre notre secteur de l'économie sont très convoités.

Notre secteur est d'autant plus intéressant qu'il offre des possibilités de retombées technologiques dans d'autres secteurs comme la santé, l'environnement, la sécurité et la technologie de l'information.

Les perspectives du marché sont excellentes, étant donné que la circulation aérienne est censée augmenter de 5 à 6 p. 100 par année au cours des 20 prochaines années. Les prévisions atteignaient les deux chiffres il y a deux ans, mais, en raison de ce que l'on a convenu d'appeler la grippe asiatique, elles ont été révisées à la baisse. Les chiffres sont fondés sur les projections de l'IATA.

Le remplacement des flottes va stimuler la demande de nouveaux aéronefs, et nous prévoyons que la demande mondiale d'aéronefs s'élèvera à plus de 1,25 billion de dollars US entre 1999 et 2019. La sous-traitance et les ententes de partenariat ouvrent de nouvelles perspectives aux fournisseurs capables de s'adapter rapidement. La demande d'infrastructures et de services connexes sera aussi soutenue, et, à cet égard, les entreprises canadiennes sont des chefs de file dans des créneaux choisis.

• 0910

Quel est donc le problème? La concurrence s'intensifie. Je n'ai pas à rappeler à votre comité, compte tenu de son expérience en matière d'activités industrielles, que les regroupements créent des concurrents plus puissants. Les entrepreneurs principaux canadiens font face à une vive concurrence de la part des États-Unis, de l'Europe, de l'Amérique du Sud et de l'Asie.

L'évolution des pratiques d'achat des équipementiers entraîne une réduction du bassin de fournisseurs. On a tendance aujourd'hui à intégrer les achats, ce qui implique essentiellement—et je pourrai parler plus à fond des répercussions sur certains de nos membres—que l'intégration des achats offre non seulement des possibilités, mais également des défis. Compte tenu de la faible taille de certains secteurs d'activité au Canada, ils ne sont pas nécessairement en mesure de profiter des occasions extraordinaires qui existent à l'échelle mondiale pour ceux qui sont capables de consentir les investissements voulus en capital, en terrain ou en main-d'oeuvre.

Les entrepreneurs principaux sont également à la recherche de solutions pleinement intégrées et s'attendent à ce que les fournisseurs s'associent, c'est-à-dire qu'ils partagent les risques technologiques et financiers, ce qui n'est pas à la portée de bon nombre de nos sociétés relativement peu dotées en infrastructure.

Les entrepreneurs principaux canadiens ne sont pas à l'abri d'une telle dynamique du changement. Ils sillonnent eux aussi la planète à la recherche de fournisseurs d'envergure mondiale, et leurs démarches se répercutent sur l'ensemble du circuit d'approvisionnement. Par conséquent, dans ce nouveau paradigme, la qualité va de soi. Les nouveaux discriminateurs de la concurrence sont la capacité d'assumer les risques financiers et technologiques, la capacité de concevoir et d'intégrer des systèmes et de gérer des projets, la capacité de pouvoir réduire de façon appréciable les coûts pour la durée du programme, la rapidité de réaction et la capacité d'adaptation aux nouvelles demandes du marché, et la masse critique voulue pour s'adapter à l'inconnu ou à l'imprévu.

La plupart des fournisseurs canadiens ne sont pas encore concurrentiels à l'échelle mondiale. De fait, moins de 10 p. 100 de nos membres sont prêts à l'exportation. Par rapport aux pays concurrents, ils traînent de l'arrière en matière de dépenses en R-D, d'intensité technologique et d'adaptation technologique. Rares sont les PME ayant la capacité sur les plans de la technique et de la gestion et la masse critique voulue pour prendre progressivement de l'importance comme fournisseurs.

La fabrication de modèles établis n'est plus une option de survie. Il y a là un défi dont il est très difficile de discuter avec les représentants des PME, à savoir celui de la nécessité du changement, d'un paradigme en évolution, étant donné que ces entreprises se sont satisfaites d'une croissance annuelle dépassant les 10 p. 100 au cours de la dernière décennie. Pourquoi, en effet, laisser tomber une formule gagnante?

Les investissements qu'il faut consentir pour faire la transition sont substantiels et souvent hors de portée pour les PME. Pour le secteur canadien de l'aérospatiale, le marché intérieur, tant commercial que militaire, est très restreint. Il ne fournit qu'un levier de croissance limité, et nous devons donc compter sur le marché mondial pour notre survie.

Les taux de change favorables servent souvent de béquilles, de sorte que l'on évite d'investir et d'accroître la productivité. Nous avons constaté qu'une partie de la réussite de notre secteur de l'aérospatiale s'explique du fait des taux de change favorables, mais nous aurions tort d'être complaisants à cet égard. Les gouvernements étrangers continuent d'intervenir dans leur secteur de l'aérospatiale en consentant des investissements considérables.

J'ai ici un tableau qui illustre l'évolution du secteur de l'aérospatiale. Je crois d'ailleurs qu'il pourrait s'appliquer à bon nombre d'autres secteurs. Par le passé, les constructeurs OEM faisaient affaire avec une multitude de fournisseurs. À l'heure actuelle, la nature des plates-formes implique que l'intégrateur de systèmes agisse comme tampon entre la base de fournisseurs, à savoir les troisièmes et quatrièmes paliers, et le groupe de fournisseurs qui font partie des fournisseurs privilégiés des constructeurs OEM.

Cependant, compte tenu de l'évolution des pratiques d'achat, on accordera, pour les plates-formes à venir, un pouvoir discrétionnaire aux intégrateurs de systèmes, de telle sorte qu'une entreprise qui a déjà été le fournisseur de Bombardier, par exemple, deviendra vraisemblablement un fournisseur de Messier-Dowty ou de Honeywell à l'avenir, à titre d'intégrateur de systèmes. Ainsi, l'évolution considérable du paradigme en matière de pratiques d'acquisition posera des difficultés d'adaptation pour les entreprises du troisième et du quatrième paliers sur le plan de l'accroissement de la capacité.

• 0915

La société Messier-Dowty n'est pas simplement un fournisseur de Bombardier, mais aussi un fournisseur de trains d'atterrissage à l'échelle du monde entier. C'est sur ce genre de paradigme que j'aimerais voir le comité faire porter son attention, pour ce qui est de la situation de la productivité au Canada.

Voici un exemple du genre d'évolution dont je veux parler. Il s'agit de changements qui se sont succédé très rapidement au cours des derniers mois. Aujourd'hui, le train d'atterrissage complet d'un Boeing 777—construit ici au Canada chez BFGoodrich, soit dit en passant—arrive aux installations de Boeing à Everett en trois assemblages. Auparavant, Boeing devait planifier et exécuter le processus de commande, de stockage et d'assemblage de 1 850 pièces pour fabriquer le même train d'atterrissage. Vous êtes donc en mesure de constater à quel point les choses ont changé à ce palier, et je suis en mesure de vous donner des exemples de l'évolution du paradigme pour divers produits et diverses pièces.

Notre tâche consiste maintenant à consolider la compétitivité du secteur canadien de l'aérospatiale. La productivité est aujourd'hui au coeur de la dynamique concurrentielle. Comme je l'ai déjà dit, on lie beaucoup trop la compétitivité, à l'heure actuelle, à la valeur du dollar canadien. Une hausse, même modeste, pourrait menacer la compétitivité des entreprises canadiennes de notre secteur. On peut d'ailleurs en dire autant de l'ensemble des secteurs, mais le secteur de l'aérospatiale est touché plus particulièrement. En effet, il dépend largement du commerce et des exportations, et son marché est donc d'envergure mondiale. Nous accusons un certain retard sur nos principaux concurrents en matière d'amélioration de la productivité, et ce, notamment aux troisième et quatrième paliers.

L'innovation est la clé de la croissance de la productivité et de la compétitivité. Par ailleurs, innovation et croissance de la productivité sont inextricablement liées, selon nous. Il est essentiel d'investir dans la capacité d'innovation pour renforcer la productivité et la compétitivité, qui sont les forces motrices de notre croissance économique. Ce n'est pas en s'en tenant au statu quo que le Canada ira bien loin comme participant à une économie mondiale axée sur le savoir. Notre avenir économique est de plus en plus menacé par nos lacunes en matière d'innovation. Nous accusons un retard par rapport à nos concurrents en matière de dépenses de R-D, ainsi que d'adoption et de diffusion de technologies nouvelles.

Le Canada doit se doter d'un plan d'action en matière d'innovation. En effet, selon nous, l'innovation est le moteur de la productivité et de la compétitivité. Comment donc stimuler l'innovation? En investissant davantage en R-D; en cherchant constamment à améliorer les procédés, sur le plan de la fabrication sans gaspillage, par exemple; en prenant des initiatives en matière de qualité comme la formation six sigma, l'accréditation ISO 9000 et d'autres programmes que vous connaissez certainement.

Il nous faut augmenter la capacité des entreprises canadiennes d'investir dans la technologie et l'innovation; promouvoir et faciliter la collaboration et le partenariat en matière de développement technologique; créer des centres névralgiques d'excellence; renforcer la capacité de la recherche universitaire et les liens entre universités et entreprises; et accroître l'accès des PME aux capitaux patients qui sont nécessaires pour l'investissement en matière d'innovation.

Enfin, nous devons attirer les étudiants les plus brillants vers des études de 2e et 3e cycles en sciences et en génie et les garder au Canada après leurs études.

Selon nous, les priorités d'action pour l'innovation sont fondées sur un leadership énergique et décisif. Il s'agit de bâtir une nouvelle culture fondée sur la création de richesse, et non pas sur la redistribution des richesses, ainsi que sur l'innovation et la croissance de la productivité. Nous devons créer de nouvelles incitations à investir dans l'innovation et les occasions de croissance. Nous avons également fait valoir devant le Comité des finances des mesures en matière de réduction des impôts—visant les revenus des sociétés, ceux des particuliers, et les gains en capital—qui sont essentielles pour créer un climat d'incitation propice.

Il nous faut des investissements stratégiques en éducation, en financement de la R-D, et en matière d'infrastructure. Je signale ici encore que nous avons fait valoir devant bon nombre de comités l'intérêt de divers secteurs de l'économie canadienne, et tout particulièrement celui de l'aérospatiale, de participer au programme du gouvernement en matière de partenariat. Pour nous, partenariat coïncide avec investissement. Nous avons déjà investi plus de 15 millions de dollars dans les installations de mise à l'essai de moteurs du Conseil national de recherches aussi bien que dans ses installations de la production avancée. Nous attendons maintenant que le gouvernement apporte sa contribution aux deux installations, étant donné qu'elles seront accessibles aux étudiants d'universités et auront des retombées intéressantes pour notre secteur à l'avenir.

Nous proposons la suppression des obstacles structurels que sont la réglementation non nécessaire, et tout particulièrement les entraves au commerce interprovincial. Sur le plan international, je me ferai un plaisir d'aborder les difficultés actuelles que nous avons dans nos rapports avec les États-Unis pour ce qui concerne la réglementation du commerce international des armements, connue sous l'appellation de ITAR.

• 0920

Nous devons faire en sorte que les politiques et les programmes d'acquisition favorisent un potentiel industriel à la fois novateur et concurrentiel à l'échelle mondiale.

En dernier lieu, nous devrions étudier la possibilité d'utiliser de façon novatrice et créatrice les obligations de compensation en cours—un aspect sur lequel votre comité a peut-être déjà eu l'occasion de se pencher.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Smith.

Nous allons maintenant passer à M. Murnigham, des Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile.

M. Bill Murnigham (représentant national, Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile): Je remercie le comité de nous avoir invités à faire un exposé. Permettez-moi tout d'abord de vous présenter brièvement les TCA-Canada, soit le plus grand syndicat du secteur privé au Canada et celui qui joue un rôle prépondérant dans le secteur de l'automobile. Également, comme l'a signalé Peter, nos membres sont répartis dans l'ensemble du secteur du matériel de transport, et nous en comptons plus de 100 000 dans les sous-secteurs des pièces et du montage d'automobiles, ainsi que de l'aérospatiale, et de la fabrication de camions et d'autocars.

Ce matin, j'aimerais m'inspirer d'un document qui a été préparé récemment à Ottawa par l'un de mes collègues, Jim Stanford, du Centre d'étude du niveau de vie. Ce document examine les questions relatives à la productivité et a été distribué au comité. Je crois qu'il a été laissé auprès du comité pour qu'il le fasse traduire. Le titre du document est «A Success Story: Canadian Productivity Performance in Auto Assembly».

Donc plutôt que de vous faire un exposé vraiment formel, je vais m'inspirer de cette étude à propos de la tenue de la productivité dans l'industrie au Canada—quelles sont les raisons qui expliquent cette réussite—et de ce que cela signifie pour l'élaboration de politiques aujourd'hui et demain.

L'industrie automobile a affiché un excellent rendement au cours des dix dernières années. Pour ce qui est de mesures simples comme l'emploi, au cours des dix dernières années cette industrie a permis de créer 35 000 emplois très bien rémunérés, dont 30 000 dans l'industrie des pièces et 5 000 dans l'assemblage. En 1998, elle a contribué 10,7 milliards de dollars à l'excédent commercial—pour lequel nous avons les chiffres les plus récents en matière de commerce—et a représenté la moitié de l'excédent sur marchandises du Canada au cours de cette même année, et cette tendance se poursuit.

Comme le comité se penche sur la question de la productivité, je suis sûr que vous avez commencé à vous rendre compte qu'il s'agit d'une question extrêmement complexe pour ce qui est de mesurer la productivité et de tâcher de dégager certains des éléments qui favorisent une forte productivité. J'aimerais examiner certaines des mesures de la productivité et établir certaines distinctions entre la croissance au niveau de la productivité et les niveaux réels de productivité. Je pense que ce sont deux des facteurs qui prêtent le plus à confusion lorsque l'on aborde les questions de productivité.

Si on examine la productivité des usines de montage d'automobiles au Canada, ce qui est tout à fait remarquable, c'est qu'il s'agit de l'une de la poignée d'industries à fort rapport économique au Canada qui affichent en fait des niveaux de productivité plus élevés que ceux affichés par les États-Unis. En ce qui concerne l'une des mesures les plus fondamentales, à savoir la valeur réelle ajoutée par unité de main-d'oeuvre, au cours des 12 dernières années la productivité au Canada a augmenté de 57 p. 100, et a légèrement diminué aux États-Unis. Ici encore, il s'agit de croissance, et non pas de niveaux absolus.

En ce qui concerne les autres statistiques globales concernant l'industrie, les études d'Industrie Canada semblent indiquer que les années 90 ont été une décennie importante sur le plan de l'amélioration de la productivité au Canada. Une étude récente d'Industrie Canada a signalé une productivité plus élevée au niveau de la fabrication, soit autour de 7 p. 100, tout au long des années 90.

Lorsque nous parlons des niveaux de productivité au Canada comparativement à ceux en vigueur aux États-Unis, les taux de change viennent toujours compliquer les choses—un peu comme ce dont Peter a parlé il y a un instant—lorsqu'on essaie d'examiner ces niveaux. Lorsque vous examinez différentes hypothèses concernant les taux de change, il n'en reste pas moins que l'on constate que la productivité au Canada a été en moyenne de 15 p. 100 plus élevée qu'aux États-Unis dans l'industrie du montage d'automobiles.

Si vous examinez les statistiques globales, avant les années 90, on constate qu'à l'époque la productivité au Canada était inférieure à celle affichée par les États-Unis, et que les niveaux de croissance étaient aussi inférieurs. C'est au cours des années 90 que l'on a constaté un renversement de cette tendance. Les niveaux de croissance ont grimpé en flèche au Canada et les niveaux réels de productivité ont surpassé ceux des États-Unis.

Ce qui est intéressant, c'est que cela se situe au niveau global. Si on examine une autre source d'information sur la productivité dans l'industrie du montage—c'est-à-dire les propres chiffres de l'industrie produits par Harbour and Associates, une firme d'experts-conseils aux États-Unis—cette information est beaucoup plus détaillée. Le rapport Harbour nous offre une rare occasion d'examiner la productivité usine par usine, d'examiner le nombre d'heures travaillées et le nombre de travailleurs par véhicule. Ici encore, ces chiffres et les données les plus récentes indiquent que le Canada affiche une productivité de 13 p. 100 supérieure à celle des États-Unis dans le montage d'automobiles, et un léger désavantage dans le montage de camions, y compris les mini-fourgonnettes et les véhicules loisir-travail. Mais en général, lorsqu'on fait le compte, ces mesures permettent de constater ici encore un avantage de 6 p. 100 au niveau de la productivité pour le Canada.

• 0925

En ce qui concerne la productivité, à titre de comparaison, la productivité du Mexique est inférieure de 60 p. 100 à celle du Canada. Elle progresse rapidement, mais le Mexique a encore beaucoup de chemin à parcourir sur le plan de la productivité de la main-d'oeuvre.

Voilà pour les niveaux absolus. Pour revenir sur ce que nous avons vu dans les études plus globales, les rapports Harbour sur l'industrie montrent qu'entre 1992 et 1998 la croissance absolue de la productivité a été de 26,5 p. 100 au Canada contre 18 p. 100 aux États-Unis. Cela confirme ce que nous avons vu ailleurs. Il faut en conclure que, quel que soit le mode de mesure utilisé, que vous l'examiniez dans son ensemble ou usine par usine, deux choses peuvent être observées quant à la croissance de la productivité dans l'industrie automobile au Canada. C'est, d'une part, que la croissance y a été plus forte qu'aux États-Unis, tout au long de la décennie et, d'autre part, que les niveaux de productivité actuels correspondent aux niveaux américains ou les surpassent. Les décideurs politiques doivent donc s'interroger sur les raisons de ce succès.

Souvent, on a du mal à comprendre le phénomène d'auto-renforcement du cycle de productivité dont parlent beaucoup de gens. Je suis certain que le comité s'est penché sur la question. Une forte productivité dans une industrie entraîne une meilleure compétitivité sur les marchés d'exportation et une croissance de la production, ce qui attire les investissements, lesquels entraînent à leur tour une hausse de la productivité. Cela crée un cercle vertueux de la productivité, et il est donc assez difficile de dégager les facteurs qui contribuent à ceci ou cela. C'est l'oeuf et la poule, comme certains l'ont dit, mais lorsqu'on examine l'exemple du Canada—et j'insiste sur ce point—on voit clairement que quatre facteurs sont à l'origine de la croissance de la productivité dans notre pays.

Le premier facteur est la formation de capital fixe. Il s'agit des investissements non pas dans des valeurs spéculatives, mais dans l'achat d'outillage et d'équipement. Les usines de montage automobile du Canada ont battu tous les records, dans les années 90, en attirant des investissements moyens de 3,5 milliards de dollars par an, ce qui représente un niveau nettement supérieur à celui de la dernière poussée, dans les années 80.

Le rapport de cause à effet entre la formation de capital fixe et la croissance de la productivité est clair et net. Si vous achetez de l'équipement neuf et la toute dernière technologie, la productivité de votre industrie augmente. C'est ce que nous avons constaté au Canada dans les années 90. Pratiquement toutes les usines de montage automobile du pays ont été réoutillées une par une ou ont largement investi dans de l'équipement neuf. Cela s'est souvent accompagné de changements dans les méthodes et les relations de travail. C'est donc l'un des principaux facteurs de la productivité.

Il y a aussi la compétitivité des coûts. Là encore, surtout pour ce qui est des frais de main-d'oeuvre, l'investissement a été plus important en période de vaches grasses, et moins d'emplois ont été perdus en période de vaches maigres grâce à la compétitivité des coûts au Canada. Plusieurs études, y compris celles qu'Industrie Canada a faites en 1998, mentionnent que les coûts de main-d'oeuvre sont 30 p. 100 plus bas au Canada qu'aux États-Unis en termes absolus. Le fait que notre dollar soit plus faible nous a certainement aidés—et c'est une question qui a déjà été soulevée—mais une bonne partie de cet avantage sur le plan de la productivité est attribuable aux soins de santé, surtout dans l'industrie automobile. Les soins de santé imposent d'énormes frais aux fabricants américains, et, selon Industrie Canada, cela représente 4 $ d'économie en frais de main-d'oeuvre au Canada. Environ le tiers de la différence dans les coûts de main-d'oeuvre vient de ce que le coût de notre système de santé est assumé par l'ensemble des contribuables. La compétitivité des coûts favorise donc l'investissement. C'est ce que nous avons constaté, et c'est l'un des principaux facteurs à souligner.

La syndicalisation est un autre facteur. Les usines de montage automobile sont syndiquées à 90 p. 100, et cela depuis longtemps, contre 50 p. 100 pour l'industrie des pièces. Aux États-Unis, le niveau de syndicalisation est comparable dans le secteur du montage tandis que dans le secteur des pièces d'automobile, il est tombé à 20 p. 100 environ. Néanmoins, il s'agit d'un milieu fortement syndiqué. Et selon la théorie économique, si un syndicat parvient à augmenter les frais de main-d'oeuvre et à exercer des pressions sur les salaires, l'industrie réagit en cherchant des investissements propres à accroître la productivité afin de réduire ces coûts de main-d'oeuvre. C'est ce qui s'est passé dans toutes les usines de montage automobile du Canada, et sans doute aussi dans d'autres secteurs comme l'aérospatiale, et cela a été l'un des effets de la syndicalisation.

• 0930

Un autre facteur a bien entendu été la stratégie des TCA. Au cours de la décennie, nous avons parfois adopté une stratégie très prudente vis-à-vis de l'augmentation de la productivité en cherchant à protéger nos membres, mais non sans laisser une certaine marge de manoeuvre au patronat. Cette stratégie a donné d'excellents résultats dans des usines comme celle de Windsor, où nous avons négocié un nouvel horaire des quarts de travail qui a laissé une certaine latitude à la société, mais sans menacer le gagne-pain de nos membres. Par conséquent, les stratégies actives d'un syndicat de cette industrie ont favorisé le cycle de productivité dont j'ai parlé tout à l'heure.

La quatrième chose dont je voudrais parler est la politique à l'égard du commerce et de l'investissement dont on parle de nouveau aujourd'hui dans les médias. Le Pacte de l'automobile de 1965, qui permettait un libre-échange réglementé des pièces et du montage automobiles, a été le moteur de la création de l'industrie du montage automobile au Canada. La question n'a pas été abordée directement dans les années 90, mais le Pacte de l'automobile stipule que les sociétés doivent construire au Canada autant d'automobiles qu'elles en vendent dans le pays, et les fabricants dépassent cette exigence depuis un certain temps.

Il ne faut pas oublier que le Pacte de l'automobile a permis et favorisé l'investissement tout au long des années 80 et 90 et qu'il a été maintenu lorsque les règlements commerciaux ont changé dans le cadre de l'Accord de libre-échange et de l'ALENA. L'imposition d'une réglementation à l'industrie a contribué à favoriser l'investissement dans l'industrie canadienne.

Récemment, l'OMC a jugé que le Pacte de l'automobile violait certaines dispositions des règles du commerce international. Le gouvernement fédéral a annoncé qu'il interjetterait appel de cette décision, et il a d'excellentes raisons de le faire. J'en aborderai brièvement quelques-unes.

À l'heure actuelle, il y a une capacité excédentaire énorme dans l'industrie mondiale, ce qui menace l'industrie canadienne à long terme. D'autres pays, dont ceux de l'Union européenne et les États-Unis, continuent d'imposer de lourds droits de douane. Le Canada est actuellement la cible des exportations en provenance d'Asie, même si la grippe asiatique est en train de perdre du terrain. Néanmoins, le Canada demeure une cible pour les exportations. Je ne m'étendrai pas trop sur le sujet, mais le gouvernement a d'excellentes raisons d'en appeler de la décision de l'OMC.

Comme vous pouvez le voir, l'un des facteurs à l'origine de la forte productivité au Canada a été la politique du gouvernement en matière de commerce et d'investissement. À plus long terme, en plus de maintenir une structure tarifaire de base pour répondre à la décision de l'OMC, les décideurs politiques du Canada, de même que les entreprises et les autres intervenants de l'industrie, feraient bien d'examiner d'autres moyens de favoriser l'investissement dans l'industrie.

Ces quatre éléments soulignent donc quelle a été la croissance de la productivité au Canada et certains des facteurs qui y ont contribué. Il s'agit donc, pour les décideurs politiques qui donneront suite aux travaux de votre comité, de voir quelles sont les conclusions à en tirer. Je crois que cela nous conduit à deux hypothèses.

D'abord, il faudrait peut-être revoir certaines hypothèses fondamentales que nous entendons ces jours-ci quant à l'origine de la productivité et la façon de l'améliorer. D'autre part, il faudrait réexaminer et préciser le rôle que le gouvernement joue dans la réglementation de l'industrie, de même que sa participation directe.

Pour ce qui est de revoir certaines hypothèses, la réussite du Canada sur le plan de la productivité est assez étonnante, étant donné l'insistance que l'on met actuellement sur la productivité et certaines choses comme la réforme du marché, telles que la déréglementation, l'assouplissement du marché du travail, et même des baisses d'impôts. En fait, l'industrie automobile est l'une des plus réglementée de l'économie. Les producteurs et les vendeurs doivent faire face à toutes sortes d'interventions gouvernementales dans des domaines comme le commerce, la sécurité et l'environnement.

Nous avons constaté que la faiblesse du dollar n'a pas servi de béquille à une industrie faible, mais qu'elle a plutôt favorisé l'investissement et permis à cet investissement de stimuler la productivité.

• 0935

Encore une fois, pour ce qui est des baisses d'impôt, la médecine socialisée qui a été financée par des impôts moyens plus élevés qu'aux États-Unis a soutenu la productivité au Canada au lieu de lui nuire.

Par conséquent, à en croire certains des principes traditionnels du libre marché—dont le comité a certainement entendu parler au cours de ses travaux—l'industrie de l'automobile devrait être une catastrophe sur le plan de la productivité. Au contraire, c'est l'un des secteurs qui ont obtenu les meilleurs résultats alors que, par ailleurs, la décennie a été décevante pour l'économie.

Il s'agit ensuite de voir quelle est la leçon que doivent en tirer les décideurs. Ils ne devraient surtout pas conclure qu'étant donné sa réussite il faut laisser l'industrie se débrouiller seule. Si l'on examine certains des facteurs de sa réussite, on doit au contraire conclure que le gouvernement a un rôle très clair à jouer à l'avenir.

Un certain nombre de menaces se profilent à l'horizon pour l'industrie canadienne, et j'en ai mentionné certaines.

Le taux de change du dollar canadien confère une certaine vulnérabilité à l'industrie à plus longue échéance. La productivité de l'industrie mexicaine, qui accuse un net retard, a toutefois augmenté, et le Mexique a récemment signé avec l'Union européenne un nouvel accord commercial qui va certainement stimuler l'investissement dans son industrie automobile. C'est un nouvel exemple d'accord commercial qui apporte des investissements et qui contribue à la productivité.

Par ailleurs, la crise asiatique se poursuit dans une certaine mesure. Le Canada est la cible des exportations japonaises, et la Corée envisage d'accroître largement ses capacités de production au cours des années qui viennent.

Un certain nombre de signes permettent donc de croire qu'il ne serait pas dans l'intérêt à long terme de l'industrie de laisser tomber le rôle que le gouvernement joue dans la réglementation ou l'établissement des politiques.

Comme je l'ai dit, par le passé, un travail bien fait a contribué à la croissance de la productivité, mais maintenant nous avons besoin de politiques efficaces et de choix stratégiques de la part du gouvernement, des entreprises, des travailleurs et de leurs syndicats. L'économie canadienne leur doit son succès, de même que ses emplois, ses revenus et ses exportations. Nous devrions chercher avant tout à moderniser et mettre à jour les outils et les stratégies qui seront importants pour le succès futur de l'industrie.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Murnigham.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci beaucoup, madame la présidente, et merci, messieurs, d'être venus témoigner.

Il est toujours instructif d'écouter les opinions que vous formulez à partir de vos points de vue respectifs.

Je voudrais essayer d'éclaircir la contradiction apparente entre ces deux exposés.

D'un côté, le dollar canadien favorise peut-être l'exportation d'un grand nombre de véhicules, surtout dans le secteur de la construction aéronautique, tout en contribuant à la productivité de l'industrie. Mais il y a aussi des gens qui disent très clairement que le dollar canadien dissuade l'industrie d'investir dans de l'équipement neuf et l'incite à poursuivre des pratiques désuètes ou inefficaces simplement parce qu'elle n'a pas à soutenir la concurrence, vu que c'est le dollar qui l'avantage.

Je me demande si vous pourriez tous les deux répondre à cette question.

M. Peter Smith: Je peux peut-être commencer. Je ne vois pas de contradiction dans ce que mon collègue des TCA ou moi-même avons pu dire, si ce n'est que nous craignons, si l'on insiste trop sur le pouvoir d'attraction du dollar canadien, que cela ne puisse avoir de graves répercussions sur le productivité. En ce moment, nous profitons pleinement de la différence dans le taux de change, et, comme mon collègue l'a mentionné, je crois que les coûts de main- d'oeuvre, si l'on tient compte du taux de change, peuvent certainement être avantageux pour le Canada, tant dans le secteur de l'automobile que dans celui de l'aérospatiale.

Néanmoins, si c'est le seul indicateur de productivité, les choses vont bien mal. Je crois que dans l'industrie de l'automobile comme dans celle de l'aérospatiale, que nous représentons ce matin, c'est l'investissement dans la formation de capital qui a le plus contribué à la croissance de la productivité.

• 0940

Par conséquent, monsieur Schmidt, si l'industrie vous affirme catégoriquement que c'est le seul avantage par rapport à la concurrence, il faut se montrer très prudent, étant donné la volatilité du taux de change. L'écart est actuellement de 35c. à 40c. au dollar. Cet écart présente une certaine élasticité. Toutefois, en cas de changement radical, il faudra comparer notre dollar avec le dollar US ou l'eurodollar. Selon moi, il est ridicule de s'imaginer que nous resterions aussi concurrentiels, sinon plus, si notre dollar valait la même chose.

M. Bill Murnigham: Oui, je suis d'accord avec un certain nombre des arguments de M. Smith. Il y a beaucoup à dire sur le rapport de cause à effet, de même que sur les répercussions de la faiblesse de notre dollar sur l'industrie canadienne. Ce n'est pas ce qu'a constaté l'une des principales industries de l'économie canadienne, l'industrie automobile et les autres maillons de la chaîne. Ce n'est pas ce que nous avons constaté.

En fait, un certain nombre de mesures plus détaillées servent à évaluer les niveaux de productivité. Si vous laissez le dollar de côté, selon certaines études des usines de montage d'automobiles, même avec une monnaie d'égale valeur, nos niveaux de productivité égalent ou surpassent ceux des États-Unis, du moins en ce qui concerne les coûts de main-d'oeuvre et la productivité de la main- d'oeuvre. Ce n'est donc pas nécessairement ce qui s'est passé, mais je suis d'accord avec Peter pour dire qu'il faut se méfier de ceux qui voient là le seul facteur à considérer lorsqu'on parle de la productivité.

Et il faut également faire preuve de prudence... L'industrie n'investit pas uniquement pour gagner quelques cents sur le dollar. Elle fait des investissements à très long terme. Lorsqu'elle construit une nouvelle usine, c'est seulement au bout de cinq ans, 10 ans, ou plus, qu'elle obtiendra le plein rendement de son investissement. Je suis certain que lorsque les décideurs investissent au Canada, ils tiennent compte des fluctuations possibles du dollar, mais que cela ne les empêche pas d'investir.

C'est une question dont il faut tenir compte et qu'il faut bien comprendre. Mais je n'y accorderais pas une importance exagérée.

M. Werner Schmidt: Je ne voulais certainement pas lui accorder trop d'importance, mais j'ai remarqué que vous insistiez beaucoup sur ce point, de même que M. Smith, dans votre exposé. Je ne crois pas que nous puissions en faire abstraction. Ce n'est pas un facteur déterminant au sens absolu. Ce n'est pas le seul, j'en suis bien conscient.

Je voudrais maintenant aborder une question totalement différente, celle de la recherche, et plus particulièrement la R-D. Les deux industries, surtout l'aérospatiale, jouent un très grand rôle dans l'innovation et la recherche. Dans ce domaine, quel rôle le gouvernement devrait-il jouer dans la R-D? Cette recherche est très axée sur une industrie particulière et contribue certainement à la compétitivité et à la productivité. Mais ce rôle incombe-t-il au gouvernement ou à l'industrie? Quel est le rapport entre le gouvernement et l'industrie en ce qui concerne la recherche?

Et cette recherche devrait-elle se faire au Canada ou dans d'autres pays peut-être mieux en mesure de s'en charger? Peut-être devrions-nous, dans le marché mondial, se dire que nous sommes bons dans tel domaine, l'Allemagne dans tel autre et le Japon dans tel autre. Ne devrions-nous pas conclure ce genre de partenariat?

M. Peter Smith: Je peux peut-être commencer en vous présentant le point de vue de l'industrie aérospatiale. À notre avis, le gouvernement a très certainement un rôle à jouer pour ce qui est d'investir dans la R-D en partenariat avec l'industrie. Je dis cela tout d'abord parce que le rendement sur les investissements dans ce domaine est très important. Si vous avez l'occasion de feuilleter de nos publications, vous constaterez que, si modeste soit-il, l'investissement que représente le seul programme qu'a le gouvernement canadien pour venir en aide à l'industrie de l'aérospatiale, le programme Partenariat technologique Canada, est entièrement remboursable. Je sais qu'il y a une multitude de sceptiques et de critiques qui prétendent que ce programme a profité à de grandes entreprises, comme Bombardier, Pratt et CAE. Il est toutefois malheureux que ces personnes ne prennent pas le temps de faire, comme je l'ai dit, l'analyse comparative avec d'autres pays.

• 0945

Le Canada a malheureusement, tout d'abord, un marché intérieur tellement petit et, deuxièmement, un marché du matériel de défense si insignifiant que la plupart des produits de l'industrie aérospatiale ne sauraient être concurrentiels sur le plan commercial s'ils n'étaient pas le fruit de la R-D pour le marché du matériel aérospatial militaire. C'est pourquoi, aux États-Unis, par exemple, où les importants budgets de la défense favorisent la mise au point d'avions de chasse, toute la technologie liée à ces appareils, depuis le moteur à propulsion jusqu'à la cellule, en passant par le train d'atterrissage, peut ensuite se retrouver sur le marché commercial sans que les fabricants aient à payer les frais non périodiques. Ainsi, les fabricants de matériel de défense aux États-Unis peuvent transférer la technologie au secteur commercial, si bien que leurs prix sont bien plus compétitifs que ceux d'une entreprise canadienne qui doit tout mettre au point du début jusqu'à la fin pour le marché commercial, sans avoir l'avantage d'avoir mis le matériel au point pour un autre marché.

Il n'en reste pas moins que le secteur canadien se porte bien à ce chapitre. Nous sommes très contents de ce que le gouvernement ait pu, même dans des périodes très difficiles, continuer à soutenir le secteur de l'aérospatiale grâce au programme Partenariat technologique Canada. Nous bénéficions aussi d'autres programmes, comme le PARI et le PTC, et nous recevons aussi des fonds du CRSNG.

Le problème qui se pose quand il s'agit d'expliquer cela au public, monsieur Schmidt, tient au fait que la plupart des gens auraient tendance à dire: «Si l'industrie aérospatiale se porte aussi bien que vous le dites depuis 10 ans, monsieur Smith, pourquoi diable le gouvernement devrait-il lui venir en aide?» Le fait est que notre succès résulte très certainement de l'investissement dans la R-D. Il n'y a qu'à voir l'exemple de Bombardier, qui a mis en marché chaque année, au cours des huit dernières années, un nouveau produit. D'abord le Global Express, puis le Dash 8 400, puis l'avion à réaction régional—tous ces appareils sont d'une importance cruciale pour pouvoir offrir la gamme de produits nécessaires pour répondre aux besoins de ces marchés spécialisés.

Si on n'investit pas dans la R-D, on n'a pas cet avantage compétitif. Je dirais qu'il y a là un lien inextricable. Le gouvernement fédéral doit, dans ce cas en particulier, continuer à investir dans la R-D pour soutenir cette croissance.

M. Bill Murnigham: Oui, je suis d'accord pour dire que le gouvernement fédéral doit très certainement continuer à jouer un rôle pour ce qui est de soutenir la R-D. Pour ce qui est de faire des comparaisons avec d'autres secteurs, notamment celui de l'automobile, il y a une légère différence, à mon avis—et je prendrai un moment pour vous en parler—entre le secteur aérospatial et celui de l'automobile.

Le fait est que l'industrie américaine exerce une très forte domination sur nos usines de montage d'automobiles. Ainsi, l'investissement dans la R-D dans les usines canadiennes de montage qui ont des attaches si importantes avec les États-Unis ne s'est pas fait sans difficultés. Il ne faut pas conclure pour autant qu'il n'y a pas eu de réussites. Il y en a eu dans des usines de la région de Windsor qui se sont associées à des universités, si bien qu'on a créé dans la région un terrain fertile pour le développement technologique.

Là encore, cependant, quand on voit ce qui s'est passé dans le cas, par exemple, de l'aérospatiale, l'aide à la R-D est vraiment une histoire de réussite, parce qu'elle a permis de renforcer la capacité, car l'industrie aérospatiale canadienne, au lieu qu'elle ait un port d'attache ailleurs, est tout à fait, du moins pour ce qui est de certaines de ses composantes, de chez nous.

M. Smith pourrait peut-être compléter ce que j'ai à dire, mais il me semble que c'est là une réussite incroyable. L'argent investi, par rapport à ce que nous en obtenons au bout du compte, est de toute évidence un facteur clé qui explique la vitalité et le dynamisme de cette industrie à productivité élevée.

• 0950

Pour ce qui est de l'orientation future, notamment du maintien de cette aide, il y a peut-être des problèmes structurels à encourager l'investissement dans la R-D dans les usines de montage, mais les circonstances des usines canadiennes de montage de pièces sont tout autres. La relation avec les États-Unis a évolué. Il y a 20 ou 30 ans, on importait au Canada la plupart des pièces des États-Unis pour monter les véhicules ici, puis on retournait les véhicules aux États-Unis pour qu'ils y soient vendus, mais, depuis, le secteur canadien des pièces a acquis un dynamisme vraiment incroyable et s'est développé à une vitesse phénoménale; il est devenu vraiment canadien et a profité de l'aide accordée au titre de la R-D.

Je le répète, il y a des différences structurelles entre les industries, mais l'aide à la R-D a fait ses preuves et a manifestement un rôle à jouer.

La présidente: Monsieur Smith, avez-vous quelque chose à ajouter, brièvement?

M. Peter Smith: Je voulais simplement ajouter que le gouvernement a été obligé, dans le cadre de l'examen de programme visant à réduire le déficit, d'éliminer en 1995 un programme qui s'appelait Programme de productivité de l'industrie du matériel de défense. Il y a eu un effet direct sur la quantité de R-D qui s'est faite depuis, de même que pendant la période où l'industrie n'avait pas accès à ce programme.

Il est d'ailleurs attristant de noter que, pendant l'année où l'industrie n'a pas pu bénéficier de ce programme, plus particulièrement l'industrie aérospatiale, la valeur ajoutée que représente l'industrie aérospatiale canadienne est tombée de 66 p. 100 à 54 p. 100. Aussi l'industrie a dû chercher à l'étranger les fonds dont elle avait besoin pour poursuivre le travail de R-D nécessaire pour mettre en marché les produits dont nous avons parlé tout à l'heure. La situation est graduellement en train de se rétablir grâce à l'initiative que le gouvernement a prise l'an dernier d'étendre le programme Partenariat technologique Canada. Je peux toutefois vous dire qu'il ne faut pas se reposer sur ses lauriers, surtout pas dans notre secteur, parce que les compétiteurs ne cessent d'introduire de nouveaux produits sur le marché. Ainsi, à moins qu'il n'y ait un moyen d'assurer un lien entre le travail de R-D qui se fait au Canada et l'introduction de nouveaux produits sur le marché, nous nous retrouverons de toute évidence face à un problème qui aura de graves conséquences pour l'industrie aérospatiale canadienne.

La présidente: M. Penson souhaite obtenir un éclaircissement.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur Smith, pourriez-vous aider le comité en nous disant quelle est la part des dépenses de R-D de l'industrie aérospatiale qui provient du gouvernement par rapport à celle qui provient de l'industrie elle- même?

M. Peter Smith: Très minime. La part du gouvernement est tout au plus de 1 $ par rapport à environ 4,50 $ du côté de l'industrie. En tout cas, le rapport est de un à quatre et demi pour ce qui est des fonds accordés dans le cadre de PTC. C'est que l'importance des subventions est réglementée par l'Organisation mondiale du commerce, qui stipule essentiellement que l'aide gouvernementale ne peut pas dépasser 50 p. 100 du total des fonds consacrés à la mise au point d'un produit. Il n'est jamais arrivé dans le cas de l'industrie aérospatiale canadienne, du moins à ma connaissance, que la part du gouvernement dépasse 30 p. 100. Le plus souvent, le rapport est de un à quatre.

La présidente: Merci, monsieur Smith, monsieur Penson.

Monsieur Malhi, vous avez la parole.

J'inviterais les députés et les témoins à essayer d'être un peu plus succincts. Nous allons manquer de temps.

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Merci, madame la présidente.

M. Smith a dit dans son exposé que notre succès est dû aux coûts de production peu élevés au Canada. Si c'est le cas, pourquoi certaines entreprises sont-elles allées s'installer aux États-Unis?

M. Peter Smith: C'est très simple: c'est à cause de cette barrière tarifaire que constitue la réglementation du trafic international des armes, qui n'autorise pas, à la suite des changements qui se sont produits en avril 1999, le transfert de technologies ou de données techniques vers le Nord, c'est-à-dire vers le Canada, où on pourrait y travailler. Pour réussir, pour pouvoir maintenir leurs opérations, ces entreprises vont donc s'installer aux États-Unis, où elles s'associent à des entreprises américaines.

M. Gurbax Singh Malhi: Est-ce aussi pour cette raison qu'on accorde des marchés de services à d'autres pays étrangers?

M. Peter Smith: À d'autres pays étrangers?

M. Gurbax Singh Malhi: Oui.

M. Peter Smith: Non, dans ce cas-là la situation est un peu différente. Si vous prenez, par exemple, l'aile du Global Express, dont la fabrication est assurée par Mitsubishi au Japon, ce marché a été attribué essentiellement par suite de la décision du gouvernement japonais d'investir fortement dans l'industrie aérospatiale. Le gouvernement japonais a ainsi payé le montant intégral du coût de la mise au point de l'aile, qui est la composante la plus exigeante de cet avion sur le plan technique.

• 0955

M. Gurbax Singh Malhi: Deuxièmement, êtes-vous d'avis que le système scolaire canadien assure à l'industrie aérospatiale des travailleurs qui possèdent les connaissances et les compétences voulues?

M. Peter Smith: Nous avons un système scolaire de premier rang. Le problème tient au fait que nous n'arrivons tout simplement pas à recruter assez de travailleurs qualifiés qui ont l'expérience voulue. Naturellement, avec la croissance vertigineuse que connaît notre industrie, nous recrutons autant de diplômés que nous le pouvons, mais nous avons aussi besoin de travailleurs d'expérience.

Le problème tient au fait que, quand nous donnons des conseils et de l'aide aux conseils scolaires pour qu'ils produisent les travailleurs dont nous avons besoin, nous ne pouvons pas toujours embaucher les diplômés à cause de l'évolution de notre industrie. Ainsi, au bout des quatre ou cinq années qu'il faut pour former un ingénieur aéronautique, il se peut bien que nous tournions un peu au ralenti.

Nous tentons donc de jouer un rôle modeste auprès du système scolaire, qui produit d'excellents diplômés dont nous pouvons mettre à profit les compétences. Nous devons toutefois compléter notre effectif en important des travailleurs d'autres pays où l'embauche est peut-être moins bonne. Cette combinaison de talents de chez nous et de l'étranger est très heureuse; nous avons ainsi embauché 23 000 personnes depuis quatre ans et demi.

M. Gurbax Singh Malhi: À votre avis, que peut faire le gouvernement ou l'industrie pour encourager les travailleurs canadiens au lieu d'importer des travailleurs spécialisés de l'étranger?

M. Peter Smith: Nous avons perdu un grand nombre de travailleurs que nous n'aurions peut-être pas dû perdre au profit de nos voisins du Sud, et ce, pour plusieurs raisons. La première est que Boeing, quand sa production est entrée dans une courbe ascendante, s'est mise à recruter énergiquement au Canada. Les travailleurs sont vraiment attirés par la rémunération plus élevée aux États-Unis, et plus particulièrement par le taux de change plus favorable et les impôts plus faibles. Dans les deux cas, nous avons perdu, tout comme le secteur de la technologie de l'information, beaucoup de nos travailleurs au profit des États-Unis.

Il faut se rendre à l'évidence que le niveau de vie est différent au Canada par rapport à ce qu'il est aux États-Unis. Nous avons donc perdu des travailleurs. Certains sont revenus, mais pour maintenir nos niveaux de production nous avons dû recruter à l'étranger.

M. Gurbax Singh Malhi: Quel est le pourcentage de la production de l'industrie aérospatiale canadienne qui est vendu sur le marché intérieur et quel est le pourcentage qui est vendu sur le marché étranger?

M. Peter Smith: Nous vendons très peu de notre production sur le marché intérieur, commercial ou militaire, à l'heure actuelle; c'est seulement 20 p. 100 de notre production, comparativement aux 80 p. 100 que nous exportons.

M. Gurbax Singh Malhi: Pouvez-vous nous dire combien d'autres secteurs industriels canadiens profitent de l'activité et de la production de l'industrie aérospatiale?

M. Peter Smith: Il y en a au moins trois ou quatre autres. Dans ma déclaration, j'ai parlé de l'application de notre technologie dans le domaine médical. Dans le secteur de l'automobile il y a des applications très complémentaires de la technologie dans les domaines de l'aérodynamique et de la vitesse, et il en va certes de même dans le secteur de l'environnement. Il y a toutes sortes d'applications de notre électronique et de notre avionique dans toutes sortes de produits que nous fabriquons.

M. Gurbax Singh Malhi: Merci.

M. Peter Smith: Je vous en prie.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Malhi.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Lorsqu'on regarde les chiffres que vous nous avez présentés ce matin, monsieur Smith, on constate que depuis 1993, les ventes ont doublé, le taux de croissance est trois fois plus élevé que le PIB canadien moyen et 20 000 nouveaux emplois ont été créés. La progression de l'emploi ne semble pas avoir suivi les deux autres indicateurs. Quelle en est la raison? Est-ce à cause de la technologie?

[Traduction]

M. Peter Smith: Vous avez tout à fait raison de faire remarquer qu'il n'y a pas de lien direct de cause à effet entre la croissance de l'emploi et la croissance de nos ventes. C'est attribuable à deux facteurs. Le premier est dû à des investissements dans l'industrie aérospatiale qui ont permis de faire progresser la productivité.

• 1000

L'autre différence majeure, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, c'est que des années 1995 à 1999, la valeur ajoutée canadienne dans l'industrie aérospatiale est passée de 66 p. 100 à 54 p. 100. Donc, même si nous vendions des produits, ils n'étaient pas forcément fabriqués au Canada. L'incidence sur la croissance de l'emploi a été très négative.

[Français]

M. Antoine Dubé: Parmi les priorités d'action pour l'innovation que vous avez identifiées, vous parlez de l'importance de réduire les impôts des sociétés et des particuliers et les impôts sur les gains de capitaux. Pourriez-vous préciser ce que vous souhaitez?

[Traduction]

M. Peter Smith: Nous avons témoigné devant le Comité des finances dans le contexte de ses délibérations prébudgétaires. Le budget doit être déposé la semaine prochaine. Nous avons tout particulièrement insisté sur les anomalies associées aux divers seuils de l'impôt sur les particuliers quand on fait la comparaison avec les États-Unis. Nous espérons que le budget contiendra des mesures de réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers.

L'impôt sur le revenu des sociétés est légèrement plus élevé au Canada qu'aux États-Unis, et nous disons simplement que dans l'industrie aérospatiale en particulier d'aucuns semblent ignorer qu'environ 60 p. 100 de nos compagnies sont des filiales de compagnies étrangères implantées au Canada. Dans la grande majorité, ce sont des compagnies américaines. Par conséquent lorsque leurs directeurs des finances font une comparaison de rendement des investissements entre les deux pays, c'est l'évidence même, comparativement à beaucoup d'autres secteurs. Nous disons simplement que le volume d'échange entre les États-Unis et le Canada milite en faveur d'une harmonisation de notre fiscalité, tant pour les sociétés que pour les particuliers.

[Français]

M. Antoine Dubé: À la dernière page de votre mémoire, vous traitez des entraves provinciales au commerce. J'aimerais que vous précisiez également votre point de vue à cet égard.

[Traduction]

M. Peter Smith: Nous trouvons vraiment bizarre qu'il y ait autant de barrières pratiquement tarifaires entre les provinces au Canada tant pour la main-d'oeuvre que pour les biens et marchandises. Nous avons l'expérience du commerce mondial, puisque nous vendons nos produits à 54 ou 55 pays, et souvent il est plus facile d'expédier des biens et des services vers ces nations que de les faire circuler d'une province à l'autre chez nous.

Nous avons encouragé le ministre, M. Manley, et ses homologues et les premiers ministres à faire en sorte que ces barrières sautent. Je vous dirai franchement que notre pays a un énorme potentiel de croissance supplémentaire, mais ces barrières qui se sont mises en place avec le temps sont devenues un obstacle à cette croissance. Nous devrions tout faire pour encourager une plus grande mobilité et une accréditation universelle de la main- d'oeuvre.

Nous avons réussi à mettre d'accord le Conseil canadien de l'entretien des aéronefs avec le Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile à propos de l'accréditation des ouvriers d'entretien pour que leurs qualifications soient reconnues de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique. Il faut encourager encore plus ce genre d'initiative. Que les biens et les personnes puissent se déplacer le plus facilement possible d'un bout à l'autre du pays ne peut qu'améliorer d'une manière radicale notre productivité.

[Français]

M. Antoine Dubé: J'aimerais poser une dernière sous-question, bien qu'elle soit peut-être délicate. Avez-vous observé des difficultés plus grandes dans certaines provinces que dans d'autres?

[Traduction]

M. Peter Smith: Je n'ai aucun mal à répondre à cette question. Je n'ai nullement voulu dire qu'il y avait plus de problèmes au Québec ou en Ontario. Il y a des barrières entre les provinces, et je crois que les premières que j'ai vues s'ériger concernaient l'industrie de la brasserie. Il est beaucoup plus facile de vendre de la bière à nos voisins du Sud qu'à une autre province. Je ne montre pas du doigt une province plutôt qu'une autre.

• 1005

[Français]

M. Antoine Dubé: Pourriez-vous nous parler plus particulièrement de votre secteur?

[Traduction]

M. Peter Smith: C'est un problème qui concerne plus le secteur des transports, et il faudrait déterminer s'il y a des moyens permettant de faciliter le transport des produits entre provinces, et plus particulièrement le transport des personnes.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Dubé.

Monsieur Murray, je vous prie.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente. Nous sommes pressés par le temps, et j'essaierai d'être bref. Je n'ai qu'une question. Malheureusement, elle s'adresse encore à M. Smith. Nous ne lui laissons vraiment pas le temps de souffler ce matin.

Ce qui m'intéresse, c'est la qualité de la gestion. Vous en avez parlé ce matin quand vous avez évoqué les risques de perte de compétitivité du Canada. On nous a déjà dit qu'améliorer la productivité est plus un problème dans les petites entreprises que dans les grandes entreprises. Il y a maintenant ce modèle qui modifie les transactions en OEM et qui est de plus en plus adopté.

Quant à l'idée d'un intégrateur de systèmes au milieu de vos plates-formes futures, comme vous le montrez dans votre tableau, considérez-vous cela comme une chance pour le Canada ou comme un gros facteur de risque? Est-ce que vous voyez des compagnies au Canada qui pourraient opter pour ce modèle et en faire une grande réussite?

M. Peter Smith: C'est une énorme chance pour le Canada. Je vous concède volontiers qu'un des problèmes, c'est la qualité de gestion de nos petites et moyennes entreprises. C'est un des domaines sur lesquels notre association travaille le plus. Créer de nouvelles entreprises de deuxième catégorie maintenant ne servirait pas à grand-chose, puisque le temps que vous les créez et les montez au Canada, il sera trop tard.

Ce qu'il nous faut faire—et c'est ce que suggérait mon exposé—c'est trouver des moyens novateurs pour attirer les entreprises de deuxième catégorie d'autres nations pour qu'elles travaillent de concert avec nos compagnies canadiennes en se regroupant. Nous avons vu le regroupement des entreprises de première catégorie, le marché de l'équipement d'origine, et à de nombreux égards au niveau des intégrateurs de systèmes de deuxième catégorie. Le défi aujourd'hui est de regrouper une masse beaucoup plus critique de petites et de moyennes entreprises de sous- traitance pour répondre aux souhaits de fonctionnement des fabricants de systèmes.

Il est évident que moins le nombre d'interfaces est élevé, que ces interfaces soient réelles ou virtuelles, plus le coût est petit. Ils essaient de l'imposer à tous les maillons de la chaîne d'approvisionnement. C'est une énorme chance, mais aussi un énorme défi.

M. Ian Murray: Y voyez-vous un rôle pour le gouvernement? Y a- t-il un avantage, par exemple, à ce que les grosses sociétés aient un programme très intensif de développement des fournisseurs, bien qu'il semble évident que cela soit de l'intérêt de ces grosses sociétés?

M. Peter Smith: Industrie Canada a collaboré avec notre association à l'identification de ces problèmes dans le contexte d'une étude financée conjointement et qui a été publiée l'année dernière. Nous sommes en train de réfléchir avec le ministère, car il y a moyen d'appliquer le programme Partenariat technologique Canada à la R-D. Mais transférer la technologie d'une entreprise de deuxième catégorie d'un pays étranger au Canada, juxtaposé à un regroupement de compagnies, peut être considéré comme une forme de développement de fournisseurs.

Nous espérons pouvoir présenter d'ici l'été de six à huit recommandations, tant à l'industrie qu'au gouvernement. Nous collaborerons avec John Manley et son personnel pour les mettre en place.

M. Ian Murray: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Murray.

Monsieur Penson.

M. Charlie Penson: J'aimerais poursuivre sur la question du programme Partenariat technologique Canada et des implications des décisions rendues par l'Organisation mondiale du commerce.

Monsieur Smith, vous en avez parlé en disant qu'il y avait certaines limites quant au volume de R-D autorisé. Il me semble que la R-D fera l'objet de plus en plus de pressions dans le contexte des discussions sur le commerce mondial, certains ayant tendance à la considérer comme une subvention indirecte. C'est la même chose pour les facilités de crédit offertes par la Société pour l'expansion des exportations.

Je me demande s'il est bien sage de bâtir une partie importante de cette industrie sur ce genre de politiques, qui sont de plus en plus contestées. Vous êtes mieux au courant que quiconque de la lutte entre le Brésil et le Canada à propos des subventions pour la construction d'avions, et vous en connaissez les conséquences. Et je crois que ce n'est pas fini.

• 1010

Vous nous avez dit tout à l'heure que les dépenses consacrées par le gouvernement à la R-D par opposition à l'industrie se montent à 25 p. 100 ou 30 p. 100. Je vous ai peut-être mal compris, mais vous semblez avoir dit que c'était assez insignifiant.

M. Peter Smith: Comparativement à d'autres pays, oui.

M. Charlie Penson: Je crois que beaucoup de gens penseraient que ce n'est pas du tout insignifiant du point de vue des contribuables.

Monsieur Smith, je peux le comprendre pour une compagnie indigène comme Bombardier, mais pourquoi donner cet argent à des compagnies comme Pratt & Whitney? Ne vous attendriez-vous pas à ce qu'elles fassent leurs recherches dans leur pays de base? Si vous subventionnez leurs recherches ici, où cet argent va-t-il atterrir? Restera-t-il ici? Sera-t-il utilisé ailleurs? Est-ce que nous subventionnons indirectement une compagnie qui va peut-être exporter certains de nos emplois?

M. Peter Smith: Permettez-moi de répondre à une ou deux de vos questions. Premièrement, je veux qu'il soit bien clair que les règles de l'Organisation mondiale du commerce autorisent tout à fait les pays à subventionner leur industrie aérospatiale. C'est catégoriquement...

M. Charlie Penson: C'est ce qu'ils nous ont déjà dit, la dernière fois.

M. Peter Smith: Non, c'est tout à fait clair. La question contestée est que toute subvention accordée à une industrie, l'industrie aérospatiale en l'occurrence, ne peut être subordonnée aux exportations.

La raison pour laquelle le programme Partenariat technologique Canada a été jugé non conforme est l'incapacité dans laquelle nous sommes de fournir des renseignements qui ne soient pas commercialement confidentiels. Par conséquent le comité a conclu que l'argent désigné comme faisant partie du financement de la R-D était en fait subordonné aux exportations. Comme je vous l'ai dit, nous sommes très fiers de dire que 80 p. 100 de nos produits sont exportés. C'est donc la conclusion à laquelle ce comité est arrivé. Mais cette conclusion a été modifiée.

M. Charlie Penson: Monsieur Smith, je m'excuse de vous interrompre, mais nous n'avons pas beaucoup de temps. Je suis d'accord avec vous, mais savez-vous bien que l'objectif original du GATT et l'objectif de l'Organisation mondiale du commerce visait justement à supprimer les subventions et les barrières douanières à l'échelle mondiale? Il y a une tendance générale à leur suppression progressive. C'est ça l'objectif.

M. Peter Smith: Je suis d'accord avec vous, monsieur, mais l'autre facteur que vous semblez oublier est que dans l'industrie aérospatiale en particulier, comme je l'ai mentionné, la R-D génère ses avantages non récurrents par le biais de programmes militaires que nous n'avons pas. Si des pays comme le Canada veulent être présents dans l'industrie aérospatiale, il faut qu'ils puissent compenser leur incapacité de faire de la R-D sans industrie de défense.

Pour répondre à votre question concernant Pratt & Whitney, la grosse Pratt & Whitney du Connecticut et la Pratt & Whitney du Canada sont des entreprises totalement différentes à cause de la méthode de propulsion associée à leurs avions. Le PT6, qui est né au Canada pour équiper les avions du tout-venant, correspond à une classe de propulsions différente de ce que vous pourrez jamais trouver aux États-Unis, où leurs moteurs équipent essentiellement des avions de 100 places et plus. La technologie pour les moins de 100 places et celle pour les plus de 100 places sont à des milles de distance. Il n'y a pas de transferts de technologie d'une Pratt Canada à une grosse Pratt américaine, puisque la poussée de l'une est de 15 000 et celle de l'autre de 4 000.

M. Charlie Penson: C'est exact, mais vous avez dit tout à l'heure que la technologie développée grâce aux contrats de l'industrie de défense avait des applications commerciales.

M. Peter Smith: Pratt & Whitney Canada a ouvert une usine aux États-Unis pour profiter du financement du ministère de la Défense pour la fabrication d'un avion d'entraînement, le JPATS, qui peut être appliqué à un contexte canadien dans les diverses ligues commerciales où cette société est présente. Il n'y a pas de transferts de technologie de Pratt Canada à Pratt Connecticut, mais il y a des transferts de technologie d'un côté à l'autre de la frontière dans le contexte des programmes militaires.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Penson.

Monsieur Cannis.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci, messieurs, de ces témoignages fort intéressants. J'avais quelques questions à poser, mais mes collègues les ayant déjà posées je ferai simplement un commentaire.

J'ai trouvé assez surprenant que vous recommandiez de ne pas investir. Je suis heureux que vous ayez signalé quand même ce qui s'était déjà fait. Contrairement à ce que certains pourraient penser, le gouvernement finance à presque 80 ou 90 p. 100 la recherche...

Je trouve assez étrange qu'un de vous estime que subventionner une compagnie étrangère comme Pratt & Whitney, pour prendre cet exemple, laquelle ferait la R-D ailleurs, risque de faire de notre pays une simple chaîne de montage. Pour moi, il n'y a pas de technologie. C'est l'exode des cerveaux assuré. Je veux dire que si nous n'investissons pas nous perdrons réellement tous nos scientifiques.

• 1015

Une voix: Et l'industrie automobile?

M. John Cannis: Dans ce secteur, General Motors n'aurait pas investi 58 millions de dollars pour faire faire le travail ici.

Je veux poser une question à M. Murnigham. Vous avez dit que notre système de santé était un de nos atouts compétitifs. Vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi ce système nous donne un avantage compétitif. Vous savez qu'à l'heure actuelle il y a débat sur la restructuration de ce système. J'aimerais avoir vos commentaires.

Monsieur Smith, vous avez parlé de capital patient et des petites et moyennes entreprises. Les gens semblent se plaindre de la difficulté de trouver des capitaux pour progresser. Que pourrait faire notre comité? Que pouvons-nous faire pour réduire certains de ces obstacles?

Je sais que le temps nous manque, madame la présidente, mais je tiens à dire combien je suis heureux d'avoir entendu certaines des statistiques concernant nos atouts sur le plan de la compétitivité et de la productivité par rapport aux États-Unis et au Mexique, comme vous l'avez souligné, monsieur Murnigham.

Enfin, vous avez tous les deux parlé du taux de change entre le dollar canadien et le dollar américain, l'un y voyant des avantages et l'autre des inconvénients. Je crois que c'est inévitable; ce qu'on gagne d'un côté on le perd de l'autre. Mon collègue, M. Penson, a parlé des avantages et des inconvénients des investissements dans la R-D.

La présidente: Monsieur Murnigham.

M. Bill Murnigham: Permettez-moi de répondre à certaines de ces questions.

Au chapitre de la santé, je pourrais vous renvoyer à une étude réalisée en 1998 par Industrie Canada et intitulée Examen de la compétitivité de l'industrie automobile, qui rapportait les résultats de nombreuses recherches sur les questions de santé. En particulier, on entend souvent dire que les employeurs américains offrent d'excellents régimes de santé à leurs employés. Grâce à leur longue tradition de syndicalisation, les employés des chaînes de montage automobile aux États-Unis bénéficient de régimes de santé équivalents à ceux du Canada, mais ils coûtent beaucoup plus cher. Ils leur coûtent en moyenne 4 $ de plus l'heure en dollar équivalent, c'est-à-dire le tiers de leur supériorité productive. C'est donc un avantage incroyable, et ce n'est pas un phénomène nouveau. Un régime de santé fondé sur la responsabilité partagée des contribuables plutôt qu'un régime individuel fondé sur la philosophie du profit coûte beaucoup moins cher. Il est intéressant de noter qu'une autre étude vient de révéler que de 60 à 70 p. 100 des conflits de travail aux États-Unis—et j'entends par là des grèves—sont la conséquence de conflits concernant les régimes de santé.

M. John Cannis: Je me permets de vous interrompre. Prétendez- vous que si nous options pour un régime de santé de type américain, nous perdrions cet avantage compétitif?

M. Bill Murnigham: Oui, absolument, et je crois que nombre d'études le confirment, et pas seulement celles réalisées par les syndicats, mais aussi celles de l'industrie et des chercheurs universitaires.

Quant à l'incidence de la différence de valeur entre le dollar canadien et le dollar américain, la réponse est tout aussi confuse que controversée. Il est également possible que le gouvernement n'ait en fait aucun contrôle là-dessus. Donc, bien que son incidence sur la productivité puisse être importante, en fin de compte le taux de change ne dépend pas entièrement de nous, même si nous voulions y faire quelque chose. Je crois qu'il faut quand même reconnaître que oui, son incidence a été importante, puisqu'elle a encouragé des investissements, mais il ne faudrait pas l'exagérer. Je crois que c'est aussi ce qu'a dit M. Smith.

La présidente: Monsieur Smith.

M. Peter Smith: Mon collègue a consacré un temps considérable au couplage entre les investissements en capital fixe et la productivité.

Pour répondre à votre question sur le capital patient, malheureusement, lorsque le Programme de productivité de l'industrie du matériel de défense a été supprimé et remplacé par le programme Partenariat technologique Canada, un élément de l'ancien programme, à savoir l'investissement en biens de production, a été écarté parce que c'est purement un poste de financement de R-D.

Il y a actuellement un obstacle majeur à surmonter pour les petites et moyennes entreprises au niveau de l'investissement en biens de production pour améliorer leur productivité. Donc si vous me demandiez ce que votre comité pourrait vouloir envisager, ce serait la capacité pour les petites et moyennes entreprises en particulier d'accéder à des capitaux à des taux très intéressants afin de pouvoir procéder à ces améliorations des biens de production pour améliorer leur productivité et regrouper leurs activités.

• 1020

Encore une fois, au chapitre des comparaisons, il ne faut pas avoir inventé la poudre pour comprendre, comme mon collègue l'a indiqué, les différences entre les États-Unis et le Canada, les soins de santé en étant une. Il suffit de regarder ce qui se passe en Europe, par exemple, pour constater la longueur des vacances et le nombre de jours fériés qui sont offerts et les régimes sociaux qui sont imposés. Faire faire une partie du travail au Canada est très intéressant parce que les frais généraux sont beaucoup moins élevés.

M. John Cannis: Vous achetez un produit parce qu'il est bon marché ou parce qu'il est de bonne qualité?

M. Peter Smith: Parce qu'il est de première qualité.

M. John Cannis: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Cannis.

Avant de conclure, j'aimerais poser une ou deux questions. Monsieur Smith, vous avez peut-être déjà en partie expliqué la situation, mais en pourcentage combien y a-t-il de compagnies étrangères par opposition aux compagnies canadiennes? Avez-vous ce chiffre?

M. Peter Smith: Notre industrie appartient à 100 p. 100 à des capitaux canadiens, mais, comme je l'ai mentionné, environ 60 p. 100 de nos compagnies sont des filiales de compagnies étrangères.

La présidente: C'est ce que je voulais savoir.

M. Peter Smith: La distinction dans l'industrie aérospatiale, contrairement à beaucoup d'autres secteurs, c'est que la majorité de ces compagnies, comme Honeywell et Pratt & Whitney Canada, fabriquent des produits en exclusivité mondiale. Ce sont donc des établissements uniques, qui, à titre de filiales de compagnies américaines, exportent les produits qu'ils fabriquent. Le Canada tire un énorme avantage de ce genre de privilège.

La présidente: Monsieur Murnigham, une simple précision. À propos de la compétitivité du Canada, vous avez mentionné les soins de santé et l'avantage que notre système confère.

À dollar égal, quelles sont les différences de salaires entre le Canada et les États-Unis?

M. Bill Murnigham: Mettons-nous d'accord sur le dollar.

La présidente: Le dollar américain.

M. Bill Murnigham: En dollars américains, il n'y en a pratiquement pas. Le taux salarial actuel pour les monteurs aux États-Unis, est, je crois, d'environ 23 $ l'heure, et au Canada la dernière convention a été signée aux alentours de 24 $ l'heure. Il n'y a donc pratiquement pas...

La présidente: Vos deux chiffres sont en dollars américains?

M. Bill Murnigham: Non. Je m'excuse, en dollars canadiens. Si on ne tient pas compte du taux de change, c'est le même niveau de dollar.

La présidente: Soyons clairs. Aux États-Unis, ils gagnent 23 $ américains l'heure et au Canada 24 $...

M. Bill Murnigham: Au Canada, c'est 24 $ canadiens. Donc 16 $...

La présidente: Ce n'est donc pas sur la base du même dollar. Les travailleurs canadiens sont en réalité moins payés que les travailleurs américains si vous...

M. Bill Murnigham: Oui, si vous faites entrer en ligne de compte le taux de change.

La présidente: Certains économistes disent qu'en réalité nos travailleurs financent ces avantages avec leurs salaires. J'essaie simplement de déterminer comment cela nous rend plus compétitifs si en réalité nos travailleurs gagnent moins d'argent.

M. Bill Murnigham: Encore une fois, vous ne pouvez attribuer toute la différence au taux de change.

Si vous voulez parler de questions de productivité plutôt que de questions du coût de la main-d'oeuvre, les questions de productivité se démontrent d'elles-mêmes quand on les mesure sur la base de facteurs comme les heures et les travailleurs, qui sont une devise universelle, et non pas en dollars canadiens ou en dollars américains. Si vous voulez suggérer que c'est notre devise plus faible qui protège en quelque sorte notre industrie, c'est le contraire de ce que disent la majorité des études dans ce domaine.

En ce qui concerne les avantages au niveau des coûts, toutes choses étant égales, si les Canadiens sont aussi productifs ou plus productifs que les Américains, être ici quelle que soit la valeur de la devise reste séduisant.

La présidente: Mais ne devrions-nous pas gagner plus d'argent si nous sommes plus productifs? Les travailleurs ne devraient-ils pas...

M. Bill Murnigham: C'est ce que nous ne cessons de répéter à la table de négociation et je crois qu'on a fini par nous entendre. Il y a donc à l'évidence des raisons de partager ces gains de productivité.

Mais les travailleurs des États-Unis n'empochent pas forcément cet argent supplémentaire. Les avantages sociaux coûtent beaucoup plus chers à l'employeur. Une partie de la différence dont vous parlez finit par se retrouver en réalité dans la poche des services de santé à but lucratif.

La présidente: Donc vos 23 dollars américains et vos 24 dollars canadiens représentent simplement le salaire horaire.

M. Bill Murnigham: C'est le salaire.

La présidente: En plus il y a les avantages sociaux.

M. Bill Murnigham: Oui, le coût total de la main-d'oeuvre. Je n'ai pas ces chiffres avec moi. L'étude d'Industrie Canada parle de deux d'entre eux et conclut qu'il y a un avantage d'un tiers. Maintenant, si on prend en compte la différence du taux de change, on pourrait supposer que sur ce tiers, peut-être de 15 à 20 p. 100 correspondraient au taux de change et le reste serait attribuable à des choses comme la productivité, la santé et d'autres avantages.

La présidente: Vous pourriez peut-être nous communiquer ces renseignements—une petite lettre d'explications—, afin de préciser tout cela.

M. Bill Murnigham: Oui, certainement. Je vous enverrai des copies de l'étude d'Industrie Canada. Tout cela y est clairement indiqué.

La présidente: Merci.

Je tiens à vous remercier tous les deux d'être venus ce matin. La discussion a été très intéressante. Notre comité étant à la recherche de réponses, il est évident que votre témoignage fera beaucoup pour nous aider.

Nous avons maintenant un autre groupe de témoins de prévu. Nous suspendons la séance pour environ deux minutes. Nous ne pouvons perdre de temps car il est possible qu'il y ait un vote ce matin.

• 1025




• 1028

La présidente: Nous reprenons.

C'est avec grand plaisir que j'accueille notre groupe suivant de témoins.

Une petite explication. Il devrait y avoir un vote à un moment ou un autre ce matin, ce qui perturbera légèrement notre travail. Je m'en excuse d'avance car cela signifiera qu'il faudra nous rendre à la Chambre, voter et revenir—vous serez tranquilles pendant ce temps-là.

C'est ce que nous prévoyons. La sonnerie durera 30 minutes; avec l'accord du comité, nous continuerons à travailler pendant environ 15 minutes. Lorsqu'il ne restera plus que 15 minutes, nous suspendrons la séance, nous irons voter et nous reviendrons. Cela nous fera perdre environ une demi-heure et je m'en excuse à l'avance.

Nous sommes très heureux d'accueillir ce matin un certain nombre de témoins dont les représentants de la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé: M. Barry McLennan, son président, et M. Charles Pitts, son directeur général; BIOTECanada: Paul Hough, son vice-président; et Theratechnologies: Dr André de Villers, son président et chef de la direction. À titre personnel, nous entendrons également M. John Oliver, le président de Maple Leaf Bio-Concepts.

Je propose d'entendre les exposés de tous les témoins, après quoi nous passerons aux questions dans le cadre d'une table ronde. À moins que quelqu'un ait des objections, je vais donner la parole aux témoins selon l'ordre de la liste, en commençant par le Dr McLennan.

M. Barry D. McLennan (président, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Merci, madame la présidente. Merci d'avoir invité la coalition à participer à cette table ronde sur la biotechnologie. Je crois que l'on a remis à votre comité des exemplaires de notre mémoire.

• 1030

Je veux d'abord rappeler à tous que la coalition est une entreprise à but non lucratif qui représente un très large éventail de chercheurs en santé au Canada. Notre mandat est double: premièrement, favoriser l'accroissement du financement des activités de recherche biomédicale, clinique et en santé au Canada, et deuxièmement, activité très importante, informer le grand public et les représentants gouvernementaux des progrès et de la valeur des activités de recherche en santé pour ce qui est d'améliorer la qualité de vie des Canadiens et de renforcer notre économie.

En avril dernier, dans un exposé devant le comité, j'ai décrit la biotechnologie en disant que c'était une technologie habilitante qui est rapidement en train de devenir l'une des technologies les plus importantes en termes de création d'emplois. J'ai insisté sur le fait que la biotechnologie recoupe de nombreux secteurs industriels au Canada, mais qu'elle est dominée par le secteur de la santé.

En plus du soutien fédéral explicite à ce secteur, presque toutes les provinces du Canada ont reconnu officiellement que la biotechnologie était un élément primordial de l'économie de haute technologie fondée sur le savoir. Ma propre province, la Saskatchewan, ainsi que le Québec et l'Ontario en sont d'excellents exemples. Manifestement, l'essor de la biotechnologie peut contribuer et contribue effectivement à enrayer l'exode des cerveaux, à créer de l'emploi et à améliorer la santé physique et économique des Canadiens.

Toutefois, madame la présidente, il y a un malaise de plus en plus accentué parmi les chercheurs canadiens qui ont de plus en plus de difficultés à se mesurer aux autres dans la course mondiale au développement biotechnologique—car il s'agit bien d'une course. La conjoncture favorable permettant au Canada de rivaliser avec succès ne durera pas longtemps. La coalition croit qu'à cause de la faible participation du secteur public et de l'absence de volonté politique, le Canada pourrait se retrouver sur la touche, une situation qu'aucun d'entre nous ne souhaite.

Aujourd'hui, madame la présidente, je veux mettre l'accent sur quelques éléments clés qui préoccupent la communauté des chercheurs en santé.

Le soutien à la recherche en santé: Il y a un an, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d'accroître son soutien à la recherche en santé en appuyant le concept de l'IRSC. Ce sigle désigne simplement les instituts de recherche en santé du Canada. Je peux vous dire, madame la présidente, que la communauté des chercheurs a accueilli cette initiative avec beaucoup d'enthousiasme. Si je peux me permettre une observation personnelle, j'ai pu déceler concrètement—c'était palpable—la remontée du moral et le regain d'enthousiasme dans les corridors des bâtiments de recherche de notre université, et je suis certain que c'était la même chose dans tout le pays.

C'était vraiment une mesure très positive de la part du gouvernement fédéral. L'IRSC a le potentiel de contribuer considérablement à l'essor de la biotechnologie au Canada. Comme l'honorable Allan Rock, ministre de la Santé, l'a déclaré en février dernier: «Ces investissements rapporteront des dividendes à long terme pour la qualité de vie des Canadiens».

En dépit de ce financement accru, nous sommes confrontés à une concurrence féroce de la part de nos partenaires commerciaux. Même si l'on se reporte à l'horizon 2002, année où l'engagement de l'IRSC sera pleinement réalisé, on estime que les États-Unis consacreront quatre fois plus d'argent à la recherche, par habitant, que nous le faisons au Canada. Je dis bien quatre fois plus d'argent par habitant. Par conséquent, l'une de nos principales recommandations est que le gouvernement s'engage spécifiquement à investir 1 p. 100 du budget de la santé au Canada dans la recherche sur la santé. Pour chaque tranche de 100 $ que nous consacrons aux soins de santé, mettons de côté 1 $, un seul dollar, pour la recherche en santé. Si nous faisons cela, je crois que nous pouvons devenir compétitifs.

Conserver nos meilleurs éléments: La coalition a soutenu à maintes reprises devant les parlementaires que l'exode de nos plus brillants cerveaux est à la fois réel et de plus en plus coûteux pour notre économie et pour notre société. La coalition souscrit sans réserve à la déclaration qu'a faite il y a quelques jours, le 16 février, l'honorable John Manley, ministre de l'Industrie, quand il a dit que «ce sont les possibilités qui attirent les gens vers les États-Unis» et que «nous devons adopter des politiques qui vont enrichir les possibilités offertes ici même au Canada».

Je suis entièrement d'accord avec lui. Il faut opérer des réformes fondamentales dans le régime fiscal, le cadre réglementaire, le marché du capital de risque et la politique gouvernementale pour que le Canada devienne compétitif et devienne un endroit où les gens talentueux veulent rester ou revenir. Il y a déjà des signes d'un renversement, d'un retour des cerveaux, mais nous n'en avons pas de preuves scientifiques pour le moment.

La coalition a fait plusieurs recommandations, qui se trouvent aux pages 8 et 9 de notre mémoire, et qui décrivent précisément ces réformes qui sont nécessaires. Par exemple, nous demandons au gouvernement fédéral de mettre en place des programmes complets de stimulants fiscaux pour les investisseurs désireux d'investir des fonds dans le secteur de la technologie de la santé. De plus, nous recommandons de créer un organisme distinct de la Direction générale de la protection de la santé qui sera chargé d'étudier et d'approuver les produits de la biotechnologie.

• 1035

Ce matin, le National Post publie un article qui tombe à pic et qui porte justement sur cette question. Le titre de cet article souligne les lenteurs de l'approbation des médicaments au Canada. D'après les données, l'objectif du Canada, c'est-à-dire de Santé Canada, était de 355 jours. En fait, entre 1996 et 1998, le Canada a pris 518 jours pour approuver de nouveaux médicaments, soit un retard de 160 jours. C'est tout simplement inacceptable.

Nous sommes loin derrière les États-Unis qui en sont à 365 jours, le Royaume-Uni, à 308 jours et la Suède, à 371 jours. Ce sont nos concurrents. Le temps c'est de l'argent. Nous ne pouvons pas nous permettre d'accuser pareil retard. Cet article paru dans le numéro de ce matin du National Post est donc très opportun.

La promotion des avantages des organismes génétiquement modifiés est une autre question. C'est une question d'actualité et je suis certain que vous avez entendu d'autres intervenants vous en parler. Autant un financement suffisant est essentiel en biotechnologie, il n'en existe pas moins une menace plus insidieuse et plus dangereuse qui pèse sur tout le secteur du développement de la biotechnologie.

Cette menace, c'est que le grand public est mal renseigné sur l'incidence de l'application de certaines biotechnologies.

Dans la «Stratégie canadienne en matière de biotechnologie», rapport publié par notre propre gouvernement en 1998, on décrit les applications et les produits qu'on espère encourager et l'on en décrit les principaux avantages pour tous les Canadiens. Le génie génétique a déjà aidé des millions d'êtres humains. L'insuline humaine n'en est qu'un exemple et je pourrais en donner bien d'autres.

Malheureusement, les aspects positifs de l'histoire n'ont pas été communiqués au grand public. Je cite M. Peter Morand: «Les médias exploitent la peur de l'inconnu et prennent plaisir à créer des monstres». M. Peter Morand est un ancien président du CRSNG.

Madame la présidente, l'étendue de l'ignorance est incroyable. Je vous renvoie à un article publié dans notre journal il y a quelques jours:

    D'après un sondage sur les manipulations génétiques des aliments effectué au Québec et en Ontario, 60 p. 100 des consommateurs croient

—écoutez bien ceci—

    que si l'on pulvérise des produits chimiques ou un agent hormonal sur des cultures, on obtient des aliments génétiquement modifiés.

Quelle absurdité !

    D'après le même sondage, les consommateurs croient que les aliments irradiés sont également génétiquement modifiés.

C'est véritablement de l'ignorance crasse. C'est absolument incroyable. Par conséquent, nous voudrions suggérer et recommander, madame la présidente, que l'on demande au gouvernement, en collaboration avec les intervenants du secteur, de fournir au grand public une information accessible et complète sur tous les domaines des découvertes biotechnologiques, y compris leurs retombées éventuelles sur le développement économique.

En terminant, madame la présidente, la coalition félicite le gouvernement d'avoir adopté une approche intégrée face à la recherche en santé dans ses récentes initiatives. Je veux évidemment parler des instituts canadiens de recherche en santé, de la Fondation canadienne pour l'innovation et, bien sûr, du dernier en date de ces programmes, nommément le programme des chaires de recherche du XXIe siècle annoncé par le premier ministre il y a quelques mois.

Deuxièmement, la coalition réitère son opinion de longue date que le gouvernement du Canada a un rôle clé à jouer pour ce qui est de jeter les bases qui permettront au Canada de devenir un chef de file mondial dans le secteur de la biotechnologie. En encourageant le risque et en récompensant le succès dans le secteur de la biotechnologie en santé, le gouvernement renforcera la productivité du Canada et nous permettra d'être compétitifs sur le marché mondial.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, docteur McLennan.

Nous entendrons maintenant le Dr Paul Hough, vice-président de BIOTECanada. Docteur Hough

M. Paul Hough (vice-président, BIOTECanada): Merci beaucoup, madame la présidente. C'est un plaisir pour moi que de prendre la parole ce matin au nom de BIOTECanada. C'est notre présidente, Joyce Groote, qui devait à l'origine être présente, mais elle est malheureusement malade et transmet ses excuses de ne pouvoir comparaître devant vous.

Comme vous le savez probablement, BIOTECanada est une organisation non gouvernementale qui est la voix de l'industrie et de la communauté des chercheurs en biotechnologie dans notre pays. Ses membres viennent de l'industrie, du secteur des services, des universités et de toutes les associations régionales. Par l'entremise de ces groupes, nous représentons environ 85 p. 100 de la communauté de la biotechnologie.

C'est une association technologique, c'est-à-dire qu'elle recoupe divers secteurs, notamment les soins de santé, l'agriculture, l'environnement, l'aquaculture, etc. Notre principal objectif est en fait de favoriser la mise en place d'un environnement favorable à l'essor de la biotechnologie dans l'ensemble de ces secteurs.

Nos membres ont aussi en commun un certain nombre d'intérêts, non seulement dans le domaine de la commercialisation, mais aussi en ce qui a trait à la réglementation, le financement de leurs activités, les ressources humaines et le domaine de la politique publique. C'est vraiment dans cette optique que je comparais ce matin.

• 1040

Comme le docteur McLennan l'a dit, la biotechnologie est vraiment une technologie habilitante; c'est un outil. Ce n'est pas une technologie unidimensionnelle. Vous en trouverez une définition plus complète dans le mémoire qui vous a été remis, mais il s'agit essentiellement de l'utilisation d'organismes vivants de façon novatrice pour produire des biens ou pour améliorer des procédés existants.

Je vais vous en donner quelques exemples concrets. Dans le domaine de l'environnement, par exemple, il y a ici même à Ottawa une entreprise locale appelée Iogen, qui utilise la technologie des enzymes pour transformer des déchets agricoles et forestiers en de l'éthanol de haute qualité que l'on mélange à l'essence, réduisant ainsi les émissions de CO2.

Dans le domaine de la santé, il y a des compagnies un peu partout au pays qui sont aujourd'hui sur le point d'identifier les sources de la diversité génétique des êtres humains, ce qui permettra vraiment de tailler sur mesure les médicaments en fonction des besoins et des réactions propres à chacun. Comme vous le savez probablement pour l'avoir lu dans une foule d'articles, un médicament donné conçu pour traiter une maladie donnée ne provoque pas la même réaction chez tout le monde, et nous sommes maintenant sur le point de comprendre le mécanisme de cette réaction.

Enfin, dernier exemple, dans le domaine agricole, il y a à Montréal une compagnie qui s'appelle Nexia Biotechnologies, qui a mis au point la technologie lui permettant de fabriquer de la soie d'araignée en utilisant des chèvres transgéniques. Pour vous donner un exemple de l'utilité de ce matériau, on a calculé qu'une corde d'un pouce de diamètre fabriquée avec ce matériau pourrait résister à la charge d'un avion 747 en plein vol; c'est en fait le matériau le plus solide que l'on connaisse. Il y a donc beaucoup de possibilités d'application, notamment pour les vêtements pare-balles, et dans beaucoup d'autres domaines.

J'essaie de vous faire comprendre que le monde de la biotechnologie débouche sur des produits qui sont vraiment extraordinaires.

La réalité canadienne est que la biotechnologie est un élément très important de l'économie, et je donne dans le mémoire quelques statistiques qui démontrent que le Canada est déjà au deuxième rang dans le monde pour le nombre de compagnies et d'emplois, après les États-Unis. Nous avons près de 300 compagnies de biotechnologie dans les divers secteurs, et il faut ajouter à cela une centaine d'entreprises émergentes. Maintenant, les trois quarts sont de petites entreprises qui emploient moins de 50 personnes chacune et, comme le docteur McLennan l'a dit, le secteur des soins de santé domine certainement non seulement du point de vue du nombre de compagnies, mais aussi du point de vue des effectifs, et surtout des investissements de ces entreprises en R-D.

Des grappes d'entreprises de biotechnologie existent un peu partout, non seulement au Canada mais aussi dans d'autres pays. Saskatoon est peut-être le meilleur exemple de ce que l'on peut réaliser quand tous les niveaux de gouvernement travaillent de concert avec l'industrie et les milieux universitaires pour créer une grappe très dynamique, en l'occurrence dans le domaine agricole, qui est reconnue à ce titre partout dans le monde.

Cette situation qui existe au Canada n'est pas due au hasard. Un certain nombre de facteurs ont joué, notamment une aide soutenue du gouvernement. Le gouvernement reconnaît depuis longtemps que la biotechnologie est un secteur habilitant ou stratégique, depuis la stratégie nationale de la biotechnologie qui a été lancée en 1983, jusqu'à la stratégie canadienne actuelle en matière de biotechnologie et un certain nombre d'autres activités.

Le fait de disposer d'une forte capacité de réglementation qui est reconnue comme l'une des meilleures au monde est un facteur très important et le gouvernement en a d'ailleurs pris acte. Il est absolument essentiel de pouvoir compter sur un environnement réglementaire fiable et prévisible pour assurer le développement industriel, en tout cas dans le secteur de la biotechnologie, et cela donne aussi au public l'assurance et la confiance que tout produit qui en résulte est non seulement sûr mais efficace.

Le financement à long terme de la recherche et plus récemment de l'infrastructure, en particulier pour l'embauche de nouveaux professeurs, dont certains ont été attirés au Canada en provenance d'autres pays, est un autre facteur important. Et il y a encore d'autres programmes, par exemple le programme d'aide à la recherche industrielle, le programme Partenariat technologique Canada, et le programme de crédits d'impôt à la recherche scientifique et au développement expérimental, qui sont tous importants pour le secteur de la biotechnologie et qui nous ont aidés à progresser. Les provinces, comme le Dr McLennan l'a dit, mettent sur pied leurs propres programmes; c'est assurément le cas au Québec, en Ontario, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique.

Cela dit, il y a des obstacles qui nuisent au progrès de la biotechnologie, à sa productivité et à sa compétitivité. On ne peut pas parler d'un produit ou même d'une compagnie «typique» dans le domaine de la biotechnologie, puisqu'il n'existe rien de tel, mais dans tous les cas, il faut beaucoup de temps pour mettre un produit en marché. Par conséquent, l'accès au capital est une préoccupation fondamentale; les compagnies en ont besoin pour continuer de fonctionner, pour faire de la recherche, pour faire les essais nécessaires et ensuite pour modifier le produit avant de faire encore d'autres tests et essais.

• 1045

D'après le rapport que nous avons publié l'année dernière, les produits relativement peu nombreux qui ont été mis au point et mis en marché au fil des années représentent des ventes d'environ 1,1 milliard de dollars en 1997, mais cinq entreprises représentent 60 p. 100 de ces ventes et un total de 50 entreprises se partagent la quasi-totalité de ces ventes. Cela veut dire qu'il faut absolument mettre d'autres produits en marché.

L'an 2000 a assurément tout ce qu'il faut pour devenir l'année de la biotechnologie. Les investisseurs semblent s'être dotés des outils nécessaires pour mieux évaluer les compagnies du secteur et ils reconnaissent le besoin d'investissements à long terme. À titre d'exemple de ce qui se passe dans le milieu de l'investissement, la valeur en bourse des actions de QLT Phototherapeutics, de Vancouver, est passée de 16 $ l'année dernière à 200 $ cette année. La compagnie a actuellement une capitalisation boursière de près de 6 milliards de dollars, même si ces ventes s'élèvent à seulement 1,6 million de dollars actuellement. Je pourrais vous en donner d'autres exemples.

Je le répète, il faut mettre tout en oeuvre pour amener un plus grand nombre de produits sur le marché, et il en résulte d'énormes pressions sur le système réglementaire qui doit être efficace. J'y reviendrai dans un instant, mais en particulier—et cela exige des ressources pour financer ce système—, nous sommes vivement préoccupés par le fait qu'un grand nombre de produits seront bientôt prêts et qu'il faudra les étudier. Dans cette conjoncture, que proposons-nous comme prochaines étapes?

Premièrement, nous devons reconnaître que le système de réglementation doit être efficace pour éviter que les entreprises canadiennes ne soient défavorisées. Les délais doivent être raccourcis, comme le Dr McLennan l'a dit, non seulement pour les nouveaux produits, mais aussi pour le lancement d'essais cliniques et l'examen d'installations de fabrication qui doivent se conformer aux règles de l'art. Il faut fournir des ressources. Comme dans le cas de Santé Canada, le remplacement du financement de base par la tarification des services ne donne pas les moyens de progresser.

Il faut également des moyens innovateurs de surmonter les problèmes de mobilisation du capital. Nous parlons tous beaucoup de la nécessité d'exploiter les résultats de la R-D, et nous sommes certainement d'accord sur ce point, mais les compagnies qui démarrent, en tout cas dans le domaine de la biotechnologie, ont beaucoup de mal à attirer du capital-risque à leurs débuts. Il y a également des lacunes au niveau des essais, des démonstrations et des étapes précommerciales du développement. Bref, il importe de trouver des solutions innovatrices pour combler ces lacunes.

Je suis tout à fait en accord avec ce que M. McLennan a dit au sujet de notre base scientifique: il faut en renforcer les assises. Nous savons que les ICRS vont être créés. Nous croyons savoir que la proposition en ce qui concerne Génome Canada va se réaliser, ou en tout cas, nous l'espérons vivement. Mais certains jugent d'autres activités nécessaires également, par exemple des efforts de recherche au niveau des résultats pour la santé, des procédés plus propres et la durabilité environnementale. Dans ces deux derniers cas, le rôle de la biotechnologie ne fait pas de doute.

Il importe vraiment d'allouer plus efficacement les ressources qui sont disponibles pour la R-D, le développement industriel et la collaboration commerciale internationale. Dans ces conditions, il serait certainement souhaitable de mettre en rapport plus étroit les expertises qui existent dans les universités, au sein du secteur public et dans l'industrie. Ainsi, ces divers secteurs pourraient faire connaître leur travail et encourager la collaboration.

Nous aimerions voir également un contrôle par les pairs des données scientifiques produites par le secteur public. Apparemment, Santé Canada est en train d'élaborer un tel programme, et c'est le premier ministère à le faire.

Enfin, si nous pouvions mettre en place un système de projection technologique, cela nous permettrait de prévoir d'avance les domaines où de nouveaux développements sont probables, les domaines les plus importants, et sur cette base, de mieux répartir les ressources. Le Japon et le Royaume-Uni ont un système en place depuis de nombreuses années, et cela leur a été très utile pour développer leurs capacités technologiques.

Enfin, le gouvernement devrait se vanter plus efficacement de son système réglementaire. Autrement dit, il faudrait parler du rôle de ce système, des excellents résultats obtenus par le passé, de l'expertise qui existe dans ce domaine et de sa réputation internationale, car en effet, c'est un modèle qui est imité dans d'autres parties du monde.

En conclusion, je tiens à dire que la biotechnologie fait partie intégrante de la scène économique canadienne, et son importance ne cesse de croître. C'est un domaine qui se trouve aujourd'hui où le secteur de la technologie de l'information se trouvait il y a 20 ans. Les avantages potentiels sont énormes, mais il existe encore des barrières au développement de ce secteur et les trois principaux intervenants, le gouvernement, les universités et l'industrie, doivent travailler en collaboration pour surmonter ces barrières.

• 1050

Le système réglementaire est très efficace et il assure la sécurité et l'efficacité des produits examinés, mais cela ne suffit pas, il doit être également constant, prévisible. Cela exige des ressources. De plus, le gouvernement doit mieux faire connaître son travail de réglementation et la façon dont le système fonctionne. Enfin, les fondements scientifiques doivent être renforcés, exactement comme l'industrie le fait depuis des années, et a l'intention de continuer à le faire.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Hough.

Nous passons maintenant au Dr de Villers, de Theratechnologies.

[Français]

M. André de Villers (président et chef de la direction, Theratechnologies): Merci, madame la présidente. Puis-je m'exprimer en français?

Je suis ici à titre de médecin et d'entrepreneur en biotechnologie. J'exploite une compagnie de biotechnologie qui compte un petit peu moins de 100 employés, dont la plupart détiennent un PhD ou un MD. Je suis également le président du conseil d'administration du Comité biopharmaceutique R et D, qui était autrefois le PMAC. Puisque mes confrères vous ont déjà parlé des technologies de l'environnement, je ciblerai la biopharmaceutique.

Nous croyons que la biotechnologie au point de vue pharmaceutique va connaître, au cours des prochaines années, une explosion qui va radicalement changer les données du jeu au niveau des systèmes de santé et des nouveaux produits.

L'accélération des connaissances du corps humain, la génomique, qui nous donne la clé de plusieurs problèmes, la thérapie cellulaire, qui nous permet de remplacer des cellules par d'autres cellules, et la biologie moléculaire, qui nous fait comprendre beaucoup mieux le corps, sont des facteurs qui appuient nos dires. Nous aurons à notre disposition des médicaments beaucoup plus efficaces et dont les effets secondaires seront réduits à zéro.

De petites compagnies deviendront rapidement de grandes compagnies parce qu'elles posséderont ces nouvelles technologies qui vont remplacer rapidement tout ce qu'on connaît actuellement. Pour le Canada, c'est une occasion extraordinaire que d'avoir des compagnies canadiennes ayant leur siège social ici, au pays, qui vont pouvoir exporter leurs nouveaux produits et leurs nouvelles technologies. À l'heure actuelle, la plupart des compagnies sont des multinationales étrangères qui ont des succursales ici, au Canada.

Si le Canada, en termes du nombre d'entreprises de biotechnologie, est le deuxième au monde, ce n'est pas le fruit du hasard. Le Canada a créé, grâce à la politique fiscale qu'il a adoptée il y a plusieurs années, un environnement qui lui est propice. Nous avons un capital de risque qui est diversifié et qui est réparti dans toutes les régions du pays. Nous avons d'excellentes universités qui ont su faire leurs preuves au cours du dernier siècle. Nous avons des maisons de courtage, des banques, des organismes de recherche, des CRO et des parcs technologiques. La situation de base est excellente.

Comme l'indiquait le Dr Hough, plusieurs compagnies dépassent le milliard de dollars en termes de capitalisation. On pense entre autres à Biochem au Québec, à Biovail à Toronto et QLT à Vancouver, qui ont permis au Canada d'établir sa crédibilité à l'échelle mondiale.

Nos exportations dépassent maintenant 1 milliard de dollars. Dix mille employés travaillent dans ce secteur et nous dépensons entre 500 et 600 millions de dollars en R et D ici, au pays.

L'Europe—en particulier la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France—a commencé à accélérer son développement en biotechnologie. On remarque le même phénomène en Asie, particulièrement à Singapour et au Japon.

Le Canada a réussi, par un concours de circonstances, à devenir la deuxième force au point de vue de la biotechnologie et il doit continuer à accélérer ses découvertes et ses investissements pour garder ce poste.

J'aimerais formuler ce matin des recommandations fort simples sur deux sujets de la plus haute importance pour les compagnies de biopharmaceutique: la question du financement et l'accès à notre marché naturel qu'est le Canada.

À la différence des premières compagnies de biotechnologie, nous aimerions garder la production de nos matières premières ici, au Canada, et acquérir une expertise en marketing. Si une compagne de R et D ou une université licencie à l'étranger une technologie alors qu'elle est très jeune, les bénéfices pour le Canada seront sous forme de royautés temporaires et la plus-value sera à l'étranger. Donc, il est important que nos compagnies gardent le contrôle de la production et une partie du marketing de leurs nouvelles inventions.

Au point de vue du financement, il est bien connu qu'il faut environ 10 ans pour développer une nouvelle molécule. Le coût est énorme, soit environ 500 millions de dollars. Pour arriver à cela et pour garder la molécule le plus longtemps possible, il faut qu'on ait accès à du financement.

• 1055

Selon mon expérience, pour les financements de premier étage ou les financements de seed money, la situation est relativement bonne au Canada en ce moment. Dans toutes les provinces, il y a beaucoup de capitaux de risque qui sont disponibles. Il y a aussi énormément de choses qui ont été faites dans les centres d'excellence, à l'institut canadien et au Conseil de recherches médicales. Il y a maintenant beaucoup d'institutions qui travaillent avec le privé. Ce qui est plus difficile, c'est d'obtenir du financement lorsqu'on commence la phase clinique d'un médicament. C'est la phase la plus coûteuse et la plus importante pour les compagnies canadiennes.

La semaine dernière, dans des revues spécialisées, par exemple dans BioWorld Today, on disait que la compagnie Abgenix levait 630 millions de dollars U.S. pour développer ses nouveaux produits, que Celgene faisait une offre de 303 millions de dollars pour développer ses études sur la thalidomide et que Sangamo déposait un IPO de 103 millions de dollars. Ce sont des chiffres impossibles à atteindre pour les compagnies canadiennes.

On nous demande régulièrement de déménager nos entreprises aux États-Unis, où les marchés financiers sont beaucoup plus réceptifs à genre d'entreprises. Si le Canada veut conserver une certaine compétitivité, il doit trouver des façons créatives de garder ses compagnies ici.

J'aimerais attirer votre attention ce matin sur une initiative d'Industrie Canada qui s'appelle Partenariat technologique Canada et qui existe depuis environ trois ans. Une solution serait de consentir aux compagnies de biotechnologie des prêts à redevances qui leur serviront de levier pour aller chercher le financement nécessaire au développement technique de leurs molécules.

Le processus est très rigoureux. Il y a un due diligence scientifique qui est fait par le Conseil de recherches nationales du Canada et il y a des due diligences au point de vue du marketing, ce qui fait que, pour le Canada, l'investissement est justifié et a un effet de levier incroyable pour nos sociétés. Si le médicament est un succès commercial, le Canada se trouve remboursé avec intérêts. Donc, un programme accéléré de financement de nos entreprises devrait être instauré.

Donc, pour le financement, nous vous recommandons de nous conserver nos crédits d'impôt, d'améliorer certaines lacunes qu'il y a présentement et de mettre l'accent sur le programme PTC d'Industrie Canada tel qu'il est présentement.

Le deuxième sujet dont j'aimerais vous entretenir est l'accès de nos innovations canadiennes au marchés canadien. Les grandes compagnies pharmaceutiques se plaignent évidemment de la longueur du délai nécessaire pour faire approuver leurs médicaments. On a dit que cette approbation prenait quasiment deux ans et qu'il fallait ensuite attendre un an avant que les médicaments soient admis aux formulaires provinciaux.

Le temps de réaction des Américains, des Suédois et des Britanniques est beaucoup plus court. Si c'est difficile pour une grande pharmaceutique, c'est une question de vie ou de mort pour une petite compagnie comme la nôtre. Si nous avons réussi à passer toutes les épreuves de développement clinique de notre molécule, notre santé financière dépendra de nos ventes. S'il y a un délai de trois ans entre notre validation et l'acceptation par les autorités réglementaires, ce délai peut causer la disparition de plusieurs de nos entreprises.

Je pense qu'il serait à propos que le Canada, un peu comme le font les États-Unis et différentes autre nations, permette aux innovations canadiennes d'emprunter le fast track pour qu'elles aient accès à leur propre marché. En plus d'avoir un impact sur l'économie de la biotechnologie, cela aurait un impact direct sur le système de santé. Par exemple, nous développons une molécule pour retarder certains aspects du vieillissement, c'est-à-dire la baisse de la force musculaire et du pouvoir de récupération. Si ce médicament est un succès, vous pouvez vous imaginer facilement l'impact qu'il pourra avoir sur l'actuelle population vieillissante du Canada et sur notre système de santé.

Nous aimerions qu'on crée un comité fédéral-provincial qui réunirait les ministères de l'Industrie et de la Santé et qui pourrait permettre d'accepter rapidement un médicament s'il passe toutes les épreuves, afin que nous puissions avoir accès à notre propre marché, qui est le marché canadien.

Merci, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, docteur de Villers.

Monsieur Oliver, nous écoutons votre déclaration.

M. John P. Oliver (témoignage à titre personnel): Madame la présidente, mesdames et messieurs, c'est un plaisir d'avoir cette occasion, ce matin, de parler de la biotechnologie agricole.

Pour vous donner une idée de ma situation, je continue à exploiter activement une ferme dans l'est de l'Ontario, mais j'ai été associé étroitement avec des compagnies comme Eli Lilly et Dow, dans leurs branches agricoles.

• 1100

Mon objectif dans la vie est de contribuer à la prospérité du Canada en créant des compagnies sur la base de la recherche universitaire. Je deviens fou à la pensée de l'exode des cerveaux. Je ne peux pas croire que nous vendons notre pétrole et notre gaz pour l'équivalent de 2 $ le baril et qu'en même temps nous permettons à nos jeunes de quitter le pays. À mon avis, le moyen de renverser cette marée, c'est de créer des débouchés ici même.

Si je suis ici, c'est pour vous parler de la biotechnologie agricole, et par cela, j'entends l'amélioration et la modification génétiques des récoles et des animaux de production.

Grâce au génie génétique, nous avons la possibilité de produire, pour les êtres humains et pour les animaux, des aliments plus sains et plus nutritifs, et également d'améliorer la qualité et la durabilité de l'environnement.

Certains d'entre vous ont peut-être assisté au dîner d'honneur du symposium annuel du Conseil bioscientifique d'Ottawa au début de décembre. Si c'est le cas, vous avez entendu le discours de Mme Julia Levy, qui est PDG de QLT Phototherapeutics, à Vancouver. Comme Paul l'a mentionné, c'est la plus grosse compagnie biopharmaceutique au Canada, et c'est une des dix principales au monde. Mme Levy est à QLT depuis 1981, elle est donc un véritable pilier de l'industrie biotechnologique.

À cette occasion, elle a fait quatre prévisions en ce qui concerne la thérapie génétique pour le nouveau millénaire dans le domaine des sciences de la vie et de la santé. Toutefois, c'est la dernière de ses prévisions qui est la plus importante. J'ai pensé que ses prévisions vous intéresseraient peut-être: premièrement, la thérapie génétique éliminera les défauts congénitaux; deuxièmement, les êtres humains disposeront d'une quantité illimitée d'organes grâce aux animaux transgéniques; troisièmement, nous réussirons à interrompre le processus du vieillissement et, quatrièmement, les êtres humains auront la possibilité de vivre bien au-delà d'un siècle.

Mme Levy a ensuite résumé, et c'est une observation que nous ne devons pas oublier. Elle a dit: «La croissance et l'espérance de vie dans le monde développé permettent de prévoir une espérance de vie moyenne de 90 à 100 ans», et dans ces conditions, si vous avez 50 ans aujourd'hui, vous avez 30 p. 100 de chance de vivre jusqu'à 105 ans. Cette dernière observation n'était pas d'elle, mais je l'ai prise en note. Cela dit, si une espérance de vie de 90 à 100 ans est possible, si on ajoute à cela la croissance de la population dans le monde sous-développé et en voie de développement, à cause de ces deux facteurs, notre planète va se trouver réduite à deux options seulement: soit nous contrôlons la population, soit nous augmentons énormément la quantité de nourriture disponible.

Mesdames et messieurs, je suis convaincu que la biotechnologie agricole peut nous permettre d'augmenter la quantité, la qualité et le caractère nutritif des aliments dont nous disposons sur cette planète.

Je fais également partie de ceux qui, en dépit des prix très bas qui ont cours actuellement en agriculture, pensent que l'ère du Titanic est maintenant arrivée dans le secteur alimentaire. Si nous faisons le calcul, en prenant le nombre d'habitants dans le monde en 1900 et en y ajoutant la population mondiale tous les 12 ou 13 ans, le 12 octobre 1999, la population de la planète a dépassé les six milliards. Autrement dit, la population a doublé dans les 39 années qui se sont écoulées depuis 1960, ce qui représente une augmentation de 75 p. 100 par rapport au début des années 70.

Si vous ajoutez à ces données les deux autres facteurs qui dominent dans le secteur agricole, vous comprendrez que je sois pessimiste en ce qui concerne l'alimentation de la planète, et peut-être même l'alimentation, ici même, au Canada. À l'heure actuelle, un tigre carnivore est en train de se réveiller en Asie, et je veux parler du développement économique auquel on assiste et qui pourrait produire quatre milliards de consommateurs. C'est quatre fois la population de l'Amérique du Nord. Ces quatre milliards de consommateurs consomment aujourd'hui moins de 20 grammes de protéines animales par jour. Au Japon, en Europe occidentale et en Amérique du Nord, la consommation quotidienne de protéines animales se situe entre 65 et 70 grammes par jour.

Chaque fois que vous augmentez de 10c. le revenu disponible d'un citoyen d'une nation en voie de développement, ce citoyen s'empresse de faire une chose: il diversifie son régime alimentaire, il s'écarte des produits à base d'amidon pour les remplacer par des huiles végétales et des protéines animales. Voilà ce qui se produit en Asie. En plus de cela, les Asiatiques ne dépendent plus du poisson de mer pêché sur une petite échelle depuis que le Japon a industrialisé cette source de protéines animales après la Seconde Guerre mondiale.

Le facteur le plus important dans le secteur agricole de l'avenir, ce sera la demande de protéines animales en Asie et la rareté des bonnes terres agricoles. Si nous faisons de la place aux consommateurs d'Asie, sans pour autant les amener au même niveau de consommation que nous, mais disons à mi-chemin, environ 50 grammes de consommation au cours des 20 prochaines années, nous aurons besoin de deux fois et demie des terres agricoles dont nous disposons actuellement dans le monde, simplement pour la production de fourrage. Un des meilleurs moyens de faire face à cette exigence, ce sont les technologies comme la biotechnologie. Sur le plan de la production alimentaire, je suis convaincu que nous sommes sur le point de frapper notre iceberg.

À mon avis, nous n'avons que deux options: soit nous augmentons considérablement les prix, soit nous nous résignons à une pénurie dans certaines parties du monde.

• 1105

Le second facteur majeur qui confirme l'importance de la biotechnologie agricole et du génie génétique, c'est le vieillissement de la population dans le monde développé. Comme je l'ai dit, les baby-boomers, ceux qui ont 50 ans, ont 30 p. 100 de chance de vivre jusqu'à 105 ans. En ce moment même, au Canada et aux États-Unis, toutes les sept secondes un baby-boomer célèbre son 50e anniversaire. En 2001, il y aura au Canada et aux États-Unis 80 millions de personnes âgées de plus de 46 ans. Cette génération est éduquée, technologiquement avancée, elle dispose de beaucoup d'argent, et elle héritera de quelque chose comme 12 à 41 billions de dollars de la génération précédente.

Si on considère l'éducation, les capacités et l'argent dont disposent tous ces gens-là, il est certain qu'ils vont parvenir à leur objectif, et cet objectif c'est de vivre plus longtemps, en meilleure santé, et d'améliorer leur qualité de vie. Ils vont vouloir une assurance-vie, et cette assurance-vie, ils vont la trouver, c'est un régime alimentaire plus sain, plus perfectionné, plus nutritif. Mesdames et messieurs, c'est précisément ce que nous pouvons leur donner avec des aliments fonctionnels et les produits nutraceutiques de la biotechnologie agricole.

Si vous tenez compte de tous ces facteurs, la croissance démographique, la demande de protéines animales en Asie, le vieillissement de la population des pays développés, tout cela indique une chose: nous avons besoin de meilleurs produits alimentaires, d'aliments plus sains, et en plus grandes quantités. Or, je suis convaincu que la biotechnologie agricole et le génie génétique sont en mesure de nous donner cela.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions pendant la période des questions. Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Oliver.

M. Penson sera le premier.

M. Charlie Penson: Merci, madame la présidente. C'est un groupe de témoins très intéressants que nous recevons ce matin. Merci messieurs pour vos exposés.

Je reconnais avec vous que votre secteur est particulièrement passionnant. Tous les objectifs que vous avez cités sont excellents, que le gouvernement et votre secteur consacrent plus de ressources à la R-D, et la nécessité de trouver plus de capital- risque, mais je crains fort que vous ne vous heurtiez à un obstacle insurmontable tant que vous n'aurez pas réglé le problème dont M. McLennan a parlé, et peut-être d'autres également, la question des OGM.

Quelqu'un a dit que le gouvernement avait un rôle à jouer en matière d'éducation. À mon avis, vous devez, vous aussi, jouer un rôle dans ce domaine. En effet, c'est vous qui connaissez le mieux votre industrie, c'est vous qui êtes le mieux à même de surmonter ce problème. Vous savez où en sont les choses, et le principe de la précaution s'est répandu dans le monde entier.

Dans ma propre exploitation, 2 000 acres en Alberta, nous avons utilisé des OGM. J'ai donc eu l'occasion de voir à quel point cela permettait de réduire les herbicides. En Europe et en France, les agriculteurs utilisent environ sept fois plus d'herbicides que nous. Grâce à la production d'OGM, nous avons réussi à réduire cela considérablement.

Quoi qu'il en soit, tant que le public n'acceptera pas les OGM et les organes génétiquement modifiés pour les greffes, cette crainte subsistera. Tant qu'on n'aura pas réglé ce problème, je ne pense pas qu'on réussisse à attirer des investissements suffisants dans votre secteur, même en s'adressant au gouvernement ou aux sources privées de capital-risque. À mon avis, c'est le principal défi à relever. Quelle solution voyez-vous?

La présidente: À qui vous adressez-vous?

M. Charlie Penson: À n'importe quel membre du groupe.

La présidente: Monsieur Hough.

M. Paul Hough: Merci, madame la présidente.

C'est effectivement un défi, et je pense que M. McLennan l'a très bien expliqué, tout comme M. Oliver.

Je suis absolument convaincu que l'industrie doit expliquer un peu mieux ce que signifie cette technologie, expliquer ce que cela comporte, et expliquer en particulier les avantages que cela représente pour les consommateurs et pour les producteurs du secteur agricole, et les avantages certains pour les consommateurs dans d'autres domaines. Le gouvernement doit également montrer son nez un peu plus et expliquer le processus réglementaire, un élément fondamental si nous voulons suffisamment rassurer les gens. L'industrie aura beau parler du système réglementaire, si le gouvernement n'intervient pas, s'il ne démontre pas clairement à la population l'importance de ce rôle, cela ne servira à rien.

Cela dit, vous avez raison, tout le monde a un rôle à jouer. Je ne pense pas qu'on se heurte à un mur, car les signes au niveau de l'investissement sont encourageants, du moins pour l'instant, dans le secteur biotechnologique. Il y a certains aspects qui entrent en ligne de compte, certains aspects dont il faut s'occuper, mais en même temps, il faut s'assurer que personne ne perd de vue les avantages évidents et importants de ce secteur.

• 1110

La présidente: M. McLennan a également des observations, monsieur Penson.

M. Barry McLennan: Merci, madame la présidente.

Pour commencer, j'ai oublié de mentionner que mon collègue, Charles Pitts, notre directeur exécutif de la CRBS, se fera un plaisir, lui aussi, de répondre à vos questions.

Charles, vous m'excuserez de ne pas l'avoir mentionné plus tôt.

Effectivement, je suis d'accord avec vous, nous avons tous une responsabilité collective. En fait, dans notre recommandation en haut de la page 9, nous demandons au gouvernement, à tous les intéressés, aux chercheurs, aux universitaires... Collectivement, nous devons assumer la responsabilité de ce programme, mais pour l'instant, les seuls qui s'en occupent sont les médias et les quelques personnes qui aimeraient pouvoir arrêter le train. Nous devons reprendre la responsabilité de ce programme, je suis tout à fait d'accord avec vous.

En fait, j'essayais de faire comprendre à quel point cette action est urgente, cette action collective dont je parle. Il ne servira à rien que je vous encourage à vous en charger pendant que, de votre côté, vous nous encouragez à nous en charger nous-mêmes. Nous devons nous mettre d'accord, et le plus rapidement possible. J'enseigne la biochimie, et je n'en reviens pas. Les étudiants ont une bonne connaissance des avantages et des réalités de la modification génétique, etc., mais ils représentent une toute petite proportion de la population.

Moi aussi, je viens d'une ferme, et comme vous l'avez dit, il y a des décennies que les agriculteurs modifient les produits destinés à l'alimentation. Ils sélectionnent les meilleurs bouvillons, les meilleures vaches, les meilleurs taureaux, et tout cela permet d'élever des bêtes qui produisent plus de viande chaque mois ou chaque année, quel que soit le critère utilisé. Nous modifions les produits destinés à l'alimentation depuis des décennies. Pourquoi les gens se mettent-ils à hurler soudain? C'est parce qu'on a mentionné le terme «OGM» et, comme je l'ai dit plus tôt, c'est un terme dont on abuse beaucoup. On l'utilise pour brouiller les choses, et je ne parle pas de nous, mais des gens qui résistent. Je suis donc d'accord avec vous, nous devons travailler ensemble.

La présidente: Merci, monsieur McLennan.

Monsieur Oliver.

M. John Oliver: Il y a une chose que vous devez savoir au sujet de la controverse sur les OGM, c'est qu'elle n'a rien à voir avec les données scientifiques. La controverse sur les OGM est une question de mode de vie, d'opportunisme politique, un argument pour mobiliser des fonds et une façon pour les sociétés de contrôler la vie des citoyens. Cette controverse n'a rien de scientifique.

D'autre part, il faut voir les choses en contexte et déterminer exactement où se situent les avantages. La première phase de la biotechnologie agricole—et c'est ce dont il est question avec les OGM du secteur de l'alimentation—se situe dans l'exploitation agricole même.

Je vais vous donner une idée des avantages et de la valeur que cela représente. Le marché des pesticides en Amérique du Nord représente environ 10 milliards de dollars. Si vous supprimez 50 p. 100 de ce marché grâce à des solutions génétiques, grâce à de nouvelles semences, cela représente cinq milliards de dollars. Si vous changez les caractéristiques des plantes, par exemple pour qu'elles tolèrent mieux la sécheresse, le sel, et également pour prolonger la saison de culture, cela permet de créer une valeur de 20 milliards de dollars. Si vous ajoutez à cela les aliments nutraceutiques et fonctionnels et si vous donnez aux produits alimentaires des caractéristiques qui ont une incidence positive sur la santé, cela représente 80 milliards de dollars.

La grosse question est de savoir quelle voie le Canada doit suivre. C'est une affaire de stratégie pour le Canada. La grosse question, c'est que si nous choisissons la voie de l'énergie verte, si nous faisons le genre de choses qu'on commence à voir avec Iogen, si nous remplaçons de 15 à 20 p. 100 des combustibles fossiles destinés à nos usines pétrochimiques, cela représente 125 milliards de dollars.

Nous sommes en fin de parcours et malheureusement nous avons affaire à un milieu qui a su multiplier les gains d'efficacité. À l'heure actuelle, les agriculteurs ne représentent plus que 2 à 3 p. 100 de la population alors qu'au début du siècle, de 40 p. 100 à 50 p. 100 des Canadiens venaient du milieu agricole.

En ce qui a trait aux agriculteurs, l'industrie et le gouvernement estimaient que c'était un argument d'ordre scientifique, intellectuel et économique. Nous avons oublié que pour le consommateur, l'argument est davantage d'ordre émotif. Nous devrons trouver de meilleurs moyens de communiquer avec les consommateurs, mais à longue échéance, la création de valeurs est un énorme enjeu pour un pays comme le Canada.

La présidente: Docteur de Villers, vous voulez ajouter quelque chose?

M. André de Villers: L'observation ne s'applique peut-être pas autant au secteur biopharmaceutique qu'à l'aspect humain. Par exemple, si je mets au point des médicaments, je n'ai pas à me préoccuper du concept d'OGM en ce qui a trait aux capitaux de risque, aux investissements ou aux courtiers.

Je suis d'accord avec mes collègues. Ce que j'ajouterais, c'est qu'on a commis des erreurs. Les gens qui s'opposent aux OGM ont raison sur certains points. Je conviens également de ce que les avantages de ces organismes ne sont pas bien expliqués. Il faudrait, dans ce domaine, prouver scientifiquement que les modifications apportées aux récoltes ou aux animaux ne vont pas bouleverser l'univers.

Dans notre domaine, celui de la santé humaine, il est extrêmement difficile de franchir toutes les étapes. Les mêmes étapes s'appliquent également à l'agrobiotechnologie: les modifications apportées à des semences ne vont pas changer l'environnement et le cycle de la nature.

• 1115

C'est un gros problème. Vous avez raison, il faut que ces changements s'appuient sur la science et les communications.

La présidente: Monsieur Murray, s'il vous plaît.

M. Ian Murray: Merci, madame la présidente.

M. Penson m'a enlevé les mots de la bouche, si ce n'est pour ma question, du moins pour mes idées sur ce sujet.

Tout d'abord, permettez-moi quelques observations sur vos exposés. C'est intéressant de voir un groupe de théoriciens parler comme des hommes d'affaires endurcis; c'est pourtant le cas. C'est même assez sain, compte tenu de l'urgence du sujet dont nous discutons aujourd'hui. Ce dont je veux parler, c'est de ce problème d'acceptation par le public.

Lorsque le Comité de l'industrie a examiné le projet de loi C-91, sur la protection des brevets des produits pharmaceutiques, j'ai été frappé par l'antagonisme exprimé envers les sociétés pharmaceutiques dites de marque. Bon nombre de Canadiens sont contre ces sociétés. C'est aussi simple que cela.

Ce qui me frappe également lorsque j'entends des exposés sur la biotechnologie, c'est à quel point c'est un domaine intéressant; je fais toutefois partie des gens qui reçoivent des appels de commettants qui se disent effrayés de ce genre de travaux qu'ils estiment être à la Frankenstein.

Les entreprises de technologie de l'information sont considérés au Canada comme des superstars. Les gens sont prêts à investir dans toutes ces entreprises. Je crois savoir qu'un grand nombre de gens investissent également dans la biotechnologie, mais bien d'autres s'en abstiennent à cause de cette crainte de l'avenir. Je suis peut-être naïf, mais je suis absolument persuadé que nos scientifiques ne mangeraient pas et ne feraient pas manger à leurs enfants des aliments qui seraient mauvais pour eux. J'ai tendance à faire confiance aux scientifiques canadiens dans ce domaine.

Permettez-moi donc de réitérer la préoccupation exprimée par M. Penson. Je ne sais pas si les politiques peuvent fournir la solution. C'est un problème que nous ne pouvons pas régler à nous seuls.

Comme le sait M. Hough, j'ai participé à la mise sur pied d'un programme intitulé Les Têtes à Papineau, au Parlement. Une fois par mois, nous invitions d'éminents scientifiques à venir prendre le petit déjeuner et à discuter avec des députés et des journalistes de la tribune de la presse. Il était très important d'inviter des journalistes de la tribune de la presse. Leur petit déjeuner est gratuit, comme celui des politiques. Tous les autres paient 10 $. Nous essayons de faire savoir qu'il se passe au Canada des choses intéressantes.

Ce que je dis est décousu, je sais. Je n'ai pas vraiment de question. Je cherche seulement une solution. J'en reviens au groupe Les Têtes à Papineau. Cette initiative est née en fait lors d'une réception à laquelle se trouvaient il y a quelques années des membres de la Société royale, en particulier des membres du Partenariat pour les activités en science et en génie. J'étais là, et ils étaient tous là à dire que personne ne comprend la valeur de la science au Canada. C'est un débat qui dure depuis bien des années. Je leur ai dit essentiellement ceci: «On a réuni ici dans cette salle des personnes qui comptent parmi les meilleurs esprits du Canada, et vous me dites que vous ne savez pas comment plaider votre cause auprès du public canadien?»

Comme je l'ai dit, vous avez des choses fascinantes à dire. Vous devez parler aux équipes éditoriales des journaux et trouver un moyen de les faire connaître. J'ai la certitude que nous serions également heureux de vous donner un coup de main de ce côté.

J'imagine que ce qui me préoccupe, c'est que si on a des entreprises qui valent 6 milliards de dollars et dont les revenus sont d'un million de dollars par année, il doit y avoir des situations semblables aux États-Unis et dans d'autres pays, et je crains que de grandes sociétés étrangères fortement dotées de capitaux permanents ne viennent avaler un grand nombre de petites entreprises canadiennes. Je crois que ce serait dangereux. Si nous avons tant de talents chez nous et que nous sommes reconnus à ce titre partout dans le monde, nous devons nous prémunir contre ces entreprises qui pourraient simplement gober toutes ces petites entreprises canadiennes de biotechnologie qui apparaissent ici et là et qui font un travail formidable.

Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps. C'était beaucoup plus une observation qu'une question. Je vous lance ça comme ça.

M. Barry McLennan: La diffusion du savoir est une chose extrêmement importante. L'une des choses qui résultera des nouveaux IRSC, c'est bien sûr toute l'attention que l'on va porter à la diffusion du savoir. La création de ces instituts n'est qu'un début. Le conseil d'administration obligera entre autres les instituts à communiquer non seulement entre eux mais avec le public aussi. Donc, côté recherche en santé, ça va certainement se faire. Mais ce n'est qu'un tout petit élément de cet ensemble.

Je suis d'accord avec vous. Nous tous, dans le milieu universitaire, chaque fois qu'on en a l'occasion... Je ne refuse jamais de parler de la science et des bienfaits de la science en public.

• 1120

Comme je l'ai dit plus tôt, le problème en ce moment, c'est qu'on a permis à d'autres instances ayant des intérêts différents des nôtres de prendre l'initiative, et il nous faut reprendre cette initiative. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui au juste comment faire cela collectivement, mais nous devons le faire, et agir rapidement.

Comme l'a dit M. Oliver, il n'y a rien de mal du côté de la science. La science canadienne se porte bien. Elle est reconnue dans le monde entier. Mon Dieu, c'est justement l'une des raisons pour lesquelles nous perdons des gens; les autres pays savent que les scientifiques canadiens peuvent leur être très utiles. Malheureusement, il se trouve que les nôtres deviennent alors nos concurrents. Il n'y a rien de mal du côté de notre science ou de nos produits scientifiques, mais comme je l'ai dit, nous devons reprendre l'initiative et agir collectivement et rapidement.

La présidente: Monsieur Oliver.

M. John Oliver: J'aurais deux ou trois petites observations pour vous donner matière à réflexion.

Pour ce qui est de la biotechnologie, il faut se rappeler que ce que l'on fait en matière de soins de santé fait suite aux recherches que nous faisons sur les plantes et les animaux. La biologie moléculaire sera la science du XXIe siècle. La thérapie génique va s'étendre aux plantes et aux animaux. Je tiens à le dire, mais je veux aussi parler de ce problème que posent les grandes entreprises, les multinationales, la crainte qu'ont les Canadiens de perdre le contrôle de la situation, ce genre de chose.

Premièrement, aucun schéma directeur ne s'est encore dégagé dans cette industrie, et moi je suis un adepte des schémas directeurs. Nous n'en sommes qu'aux premiers balbutiements de la biotechnologie. Nous en sommes probablement là où se trouvait la technologie de l'information il y a 10 ou 15 ans. D'après ce que tout le monde aurait dit l'an dernier, Bill Gates et Microsoft constituaient le schéma directeur de la technologie d'information. Moi je ne crois pas. Je ne crois pas que nous en soyons encore là. C'est encore à venir. L'ardoise est encore vierge.

Pour ce qui est des premières prises de contrôle dont nous avons été témoins en biotechnologie végétale en particulier, où il n'y a que quelques grandes entreprises, celles-ci se sont donné les moyens financiers d'agir librement. Je crois que c'est le genre de chose qui fera l'objet d'un devoir de sciences de 10e année d'ici 2005. On ne sait pas encore ce qui va se passer de ce côté.

Je voulais vous parler aussi de confiance. Les chiffres que je vais citer sont concrets et d'origine canadienne.

Je siège entre autres choses au conseil d'administration de Foragen, qui est le fonds d'investissement en agrotechnologie avancée qu'a créé la Banque Royale. Nous cherchons à créer des entreprises dont les technologies proviendront des universités canadiennes. Nous n'avons pas encore suscité de propositions. Nous en avons reçues 56 de scientifiques ou de chercheurs universitaires qui offrent des technologies qui pourraient avoir, croit-on, un effet important sur l'agriculture et qui seraient suffisamment solides pour motiver la création d'une entreprise. Je crois que nous en avons entre 80 et 90 ici au Canada. Je pense qu'il y en a 300 ou 400 aux États-Unis.

Je pense que l'Amérique du Nord peut créer 500 nouvelles entreprises agrotechnologiques de pointe. Je crois que c'est le genre de possibilités qui existent. Nous pouvons exploiter ces possibilités au Canada.

La présidente: Monsieur Jones, s'il vous plaît.

M. Jim Jones, (Markham, PC): Monsieur Hough, vous avez dit dans votre exposé, je crois, que le marché vaut en ce moment environ un milliard de dollars. Cinq entreprises alimentent ce marché dans une proportion de 60 p. 100, et 50 compagnies monopolisent la quasi-totalité des ventes. À quoi ressemble le marché de la biotechnologie aux États-Unis en ce moment? Quelle sera la taille de ce marché dans 10 ans, à l'échelle mondiale?

M. Paul Hough: Ce sont là des questions difficiles. Honnêtement, je ne sais pas à quoi ressemble le marché américain en ce moment. C'est au moins 15 fois celui du Canada.

Divers analystes ont essayé de prédire où en seront l'industrie et la biotechnologie dans les 10 ans. Ils parlent de chiffres colossaux. Je pense que c'était 500 milliards de dollars dans 10 ans. C'était énorme. Mais j'ignore sur quoi ils se fondent pour avancer ces chiffres, je ne peux donc rien dire avec assurance.

• 1125

Vous pouvez voir les possibilités que ce marché offre d'après le genre de choses que M. Oliver a mentionnées et qui pourraient être générées rien qu'en Amérique du Nord. On ne peut vraiment aller que vers le haut.

M. Jim Jones: Que devons-nous faire? J'ai écouté M. Oliver, qui dit que nous en sommes au stade embryonnaire ici. Qu'est-ce qui empêcherait les entreprises américaines d'avaler tout simplement tout le monde et de tout rapatrier aux États-Unis, un peu comme elles l'ont fait dans l'industrie de la technologie, avec l'Internet, et tout cela? Avons-nous les outils ou les instruments qu'il nous faut maintenant pour nous assurer que cela n'arrivera pas si nous voulons faire fructifier cette industrie?

M. Paul Hough: Je pense qu'il y a toujours un danger dans ce genre de choses. L'une des réalités du monde biotechnologique, par exemple, c'est que certaines entreprises ont été à l'origine de crédits d'impôt auxquels elles n'ont pas eu droit elles-mêmes, à tel point qu'elles sont devenues des cibles pour des acquéreurs qui lorgnent les crédits d'impôt plutôt que la technologie elle-même; ce n'était pas vraiment la raison d'être du système de crédits d'impôt au départ.

Je pense que l'on va assister à plusieurs fusions et acquisitions au Canada et à l'étranger. C'est ce que nous avons vu dans tous les autres secteurs, et c'est ce qui va se produire dans le secteur de la biotechnologie. Comme je ne suis pas économiste et que je ne joue pas à ce genre de jeu, je suis bien la dernière personne qui vous dira que la biotechnologie va pâtir plus que tous les autres secteurs. Je pense qu'il va s'opérer des fusions importantes dans notre pays aussi, les divers groupes étant désireux de créer des synergies. Il n'est que logique de réunir ces divers groupes.

M. Jim Jones: Monsieur Oliver, vous avez parlé des possibilités que vous entrevoyez dans cette industrie. Avec toutes ces possibilités, quelqu'un va perdre. Ceux qui doivent perdre dans cette industrie vont se battre bec et ongles et peut-être tenir tête à l'adversaire. Que dites-vous de cela?

M. John Oliver: Je ne suis pas absolument sûr que quelqu'un va perdre parce que je pense que les possibilités sont trop grandes. Je ne crois pas qu'on reverra un jour le genre de possibilités que nous allons... Je ne crois pas que nous allons nécessairement perdre.

D'un point de vue du Canada, je pense qu'il y a trois choses que nous devons garder à l'esprit pour attirer... Dans mon esprit, le premier élément déterminant du développement économique de l'avenir sera la qualité de la vie. Voyez les sondages qui ont été réalisés récemment pour le compte de l'industrie de la technologie d'information; ils révèlent que les deux meilleurs endroits en Amérique du Nord où vivre et créer une entreprise sont Boston et Ottawa.

Il y a autre chose que nous avons au Canada. Rappelez-vous que j'ai dit que le premier handicap fondamental pour l'agriculture de l'avenir est l'accès à de bonnes terres pour le grain fourrager. Rien qu'en Saskatchewan, nous en avons 64 millions d'acres. Si nous arrivons à élargir l'application des récoltes, etc., nous tenons là une ressource énorme.

Je vais aussi parler d'une chose à laquelle on ne songe pas au Canada. C'est une chose dont je viens d'être témoin récemment à Calgary, où nous avons une entreprise de biotechnologie appelée SemBioSys Genetics, l'une des premières compagnies au monde. Nous n'arrivions pas à trouver le PDG que nous voulions au Canada et nous l'avons trouvé en Californie. Sa femme ne savait pas où était Calgary. Elle a consulté l'atlas, elle s'est rappelé les Jeux olympiques, et 45 jours plus tard, elle vivait là. Deux ans plus tard, les deux ne voulaient pas rentrer chez eux. Savez-vous pourquoi? Elle a dit que les gens ne comprenaient pas ce que c'est que la sécurité personnelle tant qu'on ne l'a pas perdue. Les deux venaient d'un endroit où ils ne pouvaient pas permettre à leurs enfants de jouer dehors. Ce monsieur est maintenant le plus grand promoteur du Canada que nous avons.

Il y a un tas d'avantages que nous pouvons offrir ici qui attirerons, je pense, les investisseurs. Rappelez-vous qu'en agriculture, nous avons une base beaucoup plus solide, nous avons des racines profondes, nous avons beaucoup de terres, et nous avons des ressources agricoles qui sont sans pareilles.

M. Jim Jones: Mais nous devons nous vendre.

M. John Oliver: C'est là le problème que pose l'agriculture; c'est une industrie impulsée par la production et qui se fixe un échéancier très restreint. C'est trois ans: la récolte de l'an dernier, la récolte de cette année et la récolte de l'an prochain. Il nous faut faire des projections sur 10 à 20 ans parce que c'est là que le rendez-vous nous attend.

Pensez-y un instant: la Chine et l'Inde compteront chacun trois milliards de consommateurs d'ici 2020. Voyez dans quel pays la biotechnologie a pris racine, c'est dans un pays où une part élevée du revenu disponible est consacrée à l'alimentation. Il y a trois grands pays dans le monde où la biotechnologie agricole est en plein essor aujourd'hui: les États-Unis, le Canada et l'Argentine. Le quatrième, c'est la Chine.

• 1130

On ne peut pas arrêter le train. Le navire a quitté le port. Le Titanic est en mer.

La présidente: D'autres observations?

Monsieur McLennan.

M. Barry McLennan: Les chiffres qu'on lance ici ce matin nous rappellent sans l'ombre d'un doute que nous avons au Canada une industrie biotechnologique très viable et en pleine expansion. Nous parlons maintenant des moyens qui s'offrent à nous pour nourrir ce mouvement, le renforcer et rendre le Canada plus compétitif. Un petit rappel, la plupart des emplois sont créés par les petites entreprises, comme vous le savez. Et un bon nombre des entreprises de ce secteur sont petites.

C'est là l'objet d'un bon nombre de nos recommandations. Nous devons créer et maintenir un environnement qui permettra à ces entreprises de prendre de l'expansion, en sorte que les emplois resteront au Canada, en sorte que nos jeunes n'iront pas aux États- Unis pour y devenir nos concurrents. M. Oliver nous a donné un excellent exemple de l'argument qui a trait à la qualité de la vie. Oui, il a raison.

Je veux donc simplement répéter cela. Je pense que nous sommes concurrentiels et que nous pouvons l'être davantage. Nous pouvons conserver ces emplois, créer des emplois et garder ces gens au Canada, et cesser de s'inquiéter que les États-Unis accaparent tout. Prenons fermement position et créons un environnement qui rendra le Canada concurrentiel.

Je suis d'accord avec mon collègue à l'autre bout de la table qui dit que le train a déjà quitté la gare. Nous avons un petit créneau ici pour réagir dans le secteur de la biotechnologie, qui va tellement vite. C'est l'une des choses que j'ai dites plus tôt: cela m'inquiète. Nous devons agir rapidement pour modifier le milieu réglementaire ainsi que la fiscalité pour nous assurer que nos entreprises pourront prendre de l'expansion et prospérer au Canada.

Merci.

M. Jim Jones: Ce que nous devons définir aussi, c'est cet environnement que nous voulons créer, parce qu'il y a l'argent, d'une part, et les belles paroles, d'autre part. Je pense que nous devons y songer parce que nous avons vu d'autres industries qui étaient au stade embryonnaire et qui ont été balayées par les technologies américaines. Même maintenant, sur l'Internet, on ne peut plus les rattraper. Et l'adaptation d'un...

La présidente: Toutes mes excuses, monsieur Jones. Nous devons suspendre nos travaux et revenir plus tard. Je vais demander aux députés de revenir le plus vite possible après le vote. Ça nous prendra environ 15 minutes, donc nos témoins peuvent faire une petite pause en attendant notre retour.

• 1132




• 1201

La présidente: Nous reprenons. Nous allons tâcher de conclure dans 15 ou 20 minutes, si c'est possible. Encore une fois, toutes mes excuses. Nous savons tous que vous avez aussi un horaire à respecter.

Avant la suspension, le Dr de Villers allait ajouter quelque chose. Je ne sais pas si vous voulez intervenir maintenant.

M. André de Villers: Oui, je voulais répondre à M. Jones, qui n'est malheureusement plus des nôtres. La question est de savoir ce qui va advenir des jeunes entreprises qui seront achetées par les grandes. Je pense qu'il y a ici quelques exemples. Biochem Pharma, par exemple, a mis au point le meilleur médicament antisida au monde. C'est encore une entreprise canadienne, et elle est appelée à croître. QLT et Biovail sont encore propriété canadienne. Chez Theratechnologies, nous avions le choix de vendre l'une des nos entreprises à Hewlett-Packard. Nous avons décidé de passer à la fabrication et de procéder à une R-D pour trouver un nouvel appareil médical ici même au Canada. Nous avons donc conclu un marché avec Hewlett-Packard et conservé la production ainsi que la R-D au Canada. C'était bon pour nous, et c'était bon pour Hewlett- Packard.

Donc même s'il s'agit d'une entreprise débutante, je suis persuadé pour une foule de raisons que nous sommes capables de bâtir quelque chose au Canada. Ce que je vous dis, mesdames et messieurs, c'est que si nous concluons un accord avec Industrie Canada pour le programme CPC, par exemple, si nous avons le Canada comme partenaire, il nous sera très difficile de déménager aux États-Unis parce que nous aurons un marché avec le gouvernement canadien.

Il y a donc des moyens innovateurs de conserver nos talents et nos ressources humaines. Je pense que nous sommes très compétents. Nous sommes extrêmement créateurs et nous avons le savoir scientifique qu'il faut ici, et c'est comme ça qu'on va garder ces gens et bâtir sur une base biotechnologique. La biotechnologie sera un succès, et je pense que le Canada peut encore rester à l'avant- plan.

La présidente: Merci.

Malheureusement, M. Picard doit aller présider une autre séance, et il y a encore quelques députés qui sont encore sur le chemin du retour.

Je voulais seulement poser une question au sujet des aliments transgéniques et des problèmes qu'ils suscitent. Il se passe des choses, et on a un tas de questions à ce sujet. Ce n'est pas que la fondation scientifique est mauvaise; c'est la question de savoir l'effet que cela aura sur la productivité et l'efficience. Je mentionnerai seulement l'agriculture à titre d'exemple.

On va bientôt rendre publique une étude qui porte sur un canola sauvage découvert en Alberta qui est devenu trois fois plus résistant. Qu'est-ce que cela signifie maintenant, et qu'est-ce que cela signifiera pour l'avenir? Tout ce qu'on veut, c'est trouver un canola qui nécessitera moins de pesticides, mais nous avons créé ces plantes qui sont maintenant plus fortes que jamais, si bien qu'il nous faudra maintenant recourir de nouveau aux pesticides pour nous en débarrasser. Où est l'efficience ici, ou le gain de productivité? Excusez-moi, mais il y a peut-être quelque chose que je n'ai pas compris.

Monsieur Oliver.

M. John Oliver: Je vais vous répondre, Susan. Bien entendu, c'est la version des environnementalistes.

N'oubliez pas que, lorsqu'on parle du canola, tout d'abord nous n'en ferions pas la culture sans les manipulations génétiques étant donné que le canola est une culture génétiquement modifiée. Le canola est un colza dont nous avons éliminé les bioglucosinolates et l'acide érucique pour en faire une culture comestible.

• 1205

C'est pendant la Seconde Guerre mondiale qu'on a commencé à faire pousser du colza au Canada pour remplacer le pétrole. C'est ainsi que nous nous sommes lancés dans la production de colza. C'était une source d'huile et nous l'avons modifiée pour en faire une source alimentaire. C'est maintenant la meilleure huile à faible teneur en graisses saturées que l'on produit dans le monde. C'est, aussitôt après le blé, l'exportation qui nous rapporte le plus et qui surpasse même parfois le blé.

Si vous prenez le canola, il a été modifié pour tolérer deux herbicides qui normalement le tueraient, soit Roundup de Monsanto et Liberty d'AgrEvo. Lorsque ces produits... Le canola est une plante de la famille des brassicas, c'est-à-dire la même famille que la moutarde et autres végétaux de ce type. Pour ceux qui s'y connaissent en agriculture, il suffit d'asperger un peu de 2,4-D près d'un plant de canola pour qu'il disparaisse. Tout le problème est là. Vous parlez des autres espèces qui arrivent par la suite et deviennent une mauvaise herbe super résistante, mais nous avons toujours fait la rotation des herbicides...

Il y a toujours un processus de sélection naturelle en agriculture. Si vous utilisez un produit comme le Treflan, par exemple, un certain pourcentage de mauvaises herbes y échapperont. Vous utilisez alors un herbicide différent comme l'alachlor ou Lasso. En fait, vous n'utilisez pas l'alachlor étant donné que nous l'avons radié de la liste... je veux parler du Dual. Les agriculteurs ont l'habitude de faire une alternance et je ne pense donc pas que cela poserait un sérieux problème.

L'efficacité de la modification génétique qui permet d'utiliser le Roundup nous apporte une meilleure récolte car toute la mauvaise herbe est éliminée. Cela permet également d'ensemencer plus tôt. Le problème, dans l'ouest du pays, n'est pas dû à la nature de votre récolte, mais plutôt à la brièveté de la saison agricole qui ne compte que 90 à 105 jours sans gelée. L'agriculteur a ainsi davantage de possibilités et c'est pourquoi il opte pour la technologie. Il sait exactement quels gains de productivité il en tirera. C'est toutefois difficile à faire accepter dans les rues du centre-ville de Toronto.

La présidente: C'est sans doute une partie du problème. On effectue des études et ce n'est pas pour faire peur aux gens, mais parce qu'on a besoin de réponses. Si l'on a créé ce canola que l'on cultive sans pesticides, c'était pour éviter d'utiliser le Roundup.

M. John Oliver: Il faut quand même l'utiliser. Les agriculteurs le vaporisent comme pesticide. Le canola tolère le Roundup, ce qu'il ne ferait pas normalement. Il a été génétiquement modifié pour tolérer ce produit si bien que vous n'avez qu'un seul herbicide à utiliser au lieu de deux ou trois comme cela se faisait auparavant.

La présidente: On a prédit que les mauvaises herbes allaient acquérir la même tolérance et qu'il faudrait recommencer à utiliser un produit qu'on n'est pas censé ou qu'on ne veut pas employer.

M. John Oliver: Vous pourriez prendre une culture génétiquement modifiée comme le canola qui tolère le Roundup sans avoir nécessairement à utiliser ce produit. Vous pourriez en employer plusieurs autres. Il s'agit seulement d'une variété de canola dont la caractéristique est de tolérer le Roundup. Vous pourriez vous servir du Treflan, du Edge, du Poast ou de divers autres herbicides.

La présidente: Monsieur McLennan, avez-vous quelque chose à ajouter? Non?

Monsieur Murray.

M. Ian Murray: J'ai seulement une question que j'essaierai peut-être encore une fois de relier plus ou moins à l'augmentation de la productivité.

Monsieur Oliver, l'avenir de la ferme familiale dans l'Ouest du pays soulève d'autres questions de politique publique importantes comme celle du prix du blé. Apparemment, ce prix ne semble pas vouloir monter avant un certain temps. Je siège également au Comité de l'agriculture et c'est ce qu'on nous dit. Pensez-vous qu'un bon nombre d'agriculteurs de l'Ouest peuvent reprendre s'ils se tournent vers des produits dont nous n'avons pas entendu parler, ou est-ce beaucoup trop tôt pour y penser.

M. John Oliver: Si vous voulez examiner les possibilités d'accroître la productivité de la ferme familiale, vous trouverez un exemple dans la région de Winchester, en Ontario. Un groupe d'agriculteurs a formé un consortium qui va produire des récoltes dont la qualité correspondra à la norme ISO-9000 ou ISO-9002 pour l'industrie pharmaceutique, l'industrie cosmétique ou peut-être la production d'aliments spéciaux bénéfiques pour la santé.

Prenez le canola, dont la valeur à la ferme atteint environ 2,5 milliards de dollars au Canada. Je crois qu'à l'avenir cette culture couvrira environ 15 millions d'acres dont trois millions d'acres seront réservées à des versions modifiées à diverses fins industrielles. La valeur de ces trois millions d'acres équivaudra à celle des 12 millions d'acres destinées aux utilisations traditionnelles pour le fourrage et l'alimentation.

• 1210

Je peux vous donner un exemple précis. Si vous prenez le canola, votre bénéfice brut à l'acre s'élève normalement entre 280 $ et 300 $. Nous avons produit un anticoagulant lors d'une expérimentation dans une des prisons agricoles de Colombie-Britannique, car nous voulions nous soustraire à tout contrôle commercial. Rhône-Poulenc est en train de mettre au point cette substance, tirée de la sangsue, comme anticoagulant pour la chirurgie cardiaque. Une récolte contenant cet ingrédient actif vaut 1,1 million de dollars l'acre. C'est ce que nous envisageons.

La ferme familiale qui fait partie d'un consortium de production en cultivera plusieurs acres, car ce sont ces gens-là qui connaissent la terre. L'agriculture fait peur à toutes ces sociétés, car pour cultiver la terre, il faut s'y connaître.

M. Ian Murray: Le gouvernement dépense des milliards de dollars. Nous offrons un milliard et on nous demande encore un milliard pour aider les agriculteurs. Il existe peut-être une façon plus économique d'utiliser cet argent de façon à orienter les agriculteurs dans une voie différente.

M. John Oliver: Le problème est que le Canada est coincé entre une agriculture socialiste européenne où vous avez 7,3 millions d'agriculteurs qui cultivent des terres d'une moyenne de 47 acres et les États-Unis où 2 millions d'agriculteurs cultivent en moyenne 467 acres. La situation est différente. Malheureusement, le Canada est pris entre les deux, entre un gouvernement américain qui s'efforce d'assurer la survie de ses agriculteurs, et les agriculteurs européens qui tentent de garder les cultivateurs à la campagne et en dehors des villes.

M. Ian Murray: Je comprends. Je voudrais savoir s'il est possible de changer totalement de politique en acceptant le fait que nous ne pourrons pas battre les Américains ou les Européens dans la guerre des subventions et en les devançant en changeant ce que nous cultivons dans nos fermes?

M. John Oliver: Ce sera possible quand nous nous lancerons dans les aliments fonctionnels qui ont des répercussions sur la santé. Une autre chose qui pourrait beaucoup nous aider—et je vais vous citer un exemple précis en ce qui concerne l'Accord de Kyoto... la société Iogen, le lien entre Industrie Canada et Petro- Canada... ce qu'il faut faire en ce qui concerne les crédits pour le carbone.

J'ai regardé les chiffres de Petro-Canada, sur ce qu'il y avait à faire. Si vous avez une culture dense de maïs-fourrage ensilé, modifié génétiquement pour en augmenter la teneur en sucre, semé au printemps, et que vous ne récoltez qu'à l'automne ou à l'hiver suivant, en laissant la récolte sécher dans les champs, vous auriez une biomasse, un nouveau procédé de production d'éthanol. On ferait baisser les coûts de production de l'éthanol, qui passerait de 4 $ le gallon à environ 1,25 $ le gallon. Je pense qu'on peut même abaisser ces coûts sous la barre d'un dollar, mais pour ce faire, il faudrait de 1,8 à 2 millions d'acres de maïs- fourrage ensilé. Or, on n'en cultive que 2,6 millions d'acres en Ontario. La contrainte, ce sont les terres nécessaires à cette culture.

Malheureusement, nous sommes dans une période de transition de cinq ou sept ans par rapport à la situation actuelle. Tout allait assez bien jusqu'à la crise économique asiatique. En effet, nous exportions beaucoup de porc et de boeuf, notamment, vers le marché asiatique, et c'était bon pour les céréales fourragères. Nous sommes en période de transition. Nous ne pouvons pas nous en sortir simplement avec une subvention. Je doute que ça puisse marcher.

La présidente: J'aimerais des éclaircissements. Peut-être me suis-je mal exprimé, plus tôt; j'aimerais simplement m'assurer qu'on m'a bien compris et, moi-même, je veux comprendre ce que vous dites au sujet du canola et des gains de productivité et d'efficience. On présumait que le canola tolérerait ces pesticides. Le problème, désormais, c'est que les mauvaises herbes peuvent maintenant tolérer les mêmes herbicides.

M. John Oliver: Les mauvaises herbes doivent être de la famille des brassicas, il doit donc s'agir de mauvaises herbes comme la moutarde des champs ou des ressemis de canola.

Ces mauvaises herbes sont particulièrement vulnérables aux herbicides du type phénoxy, qui sont la référence. Les herbicides de type phénoxy sont employés depuis près de 50 ans. Leur prix à l'acre est relativement faible et ils détruisent radicalement un champ de brassica. Si ces mauvaises herbes se manifestent, on peut les éliminer très facilement.

• 1215

La présidente: Comment peut-on les éliminer très facilement si elles se manifestent?

M. John Oliver: Par pulvérisation. Ce qui les préoccupe, c'est le croisement avec le canola résistant au Roundup. Ils n'ont aucune crainte au sujet des mauvaises herbes qui pourraient pousser dans un champ de canola résistant au Roundup, mais ils en ont au sujet de croisements éventuels avec la moutarde des champs, avec des ressemis de canola ou ce genre de choses, dans un champ. Si on plantait par la suite d'autres cultures transgéniques résistantes au Roundup, alors, ces espèces de brassica deviendraient de mauvaises herbes.

Actuellement, on ne fait pas de modification génétique des monocotylédones. On y travaille, mais il n'y a pas sur le marché de produits pour le blé transgénique. Si ce genre de mauvaises herbes poussaient dans un champ de blé, après la culture du canola, comme une culture d'orge qui suivrait une culture de canola, on pourrait simplement pulvériser du 2,4-D, qu'on pulvériserait probablement de toute façon. Ce n'est pas un vrai problème. Ça peut sembler l'être, mais pas vraiment.

La présidente: Tant que le message ne sera pas reçu, les gens se poseront des questions et en poseront à d'autres.

M. John Oliver: Nous ne sommes pas de très bons communicateurs.

La présidente: Nous avons déjà perdu des parts de marché. Ainsi, pour certaines choses, l'Union européenne nous a fermé ses portes. Qu'est-ce que cela signifie pour la productivité et l'efficience en agriculture?

M. John Oliver: L'Union européenne nous a fermé ses portes par souci de protéger ses programmes de soutien à l'agriculture.

La présidente: Je le comprends, mais qu'est-ce que cela signifie pour la productivité et l'efficience au Canada?

M. John Oliver: C'est une perte de marché. Ce n'est pas un très gros marché pour le canola, dont le principal marché est l'Asie, particulièrement le Japon. C'est tout de même préoccupant. Cela créé des incertitudes. Cela ralentit le progrès scientifique.

Plus que toute autre chose, les pressions exercées par les Européens... et les Européens sont partout dans le monde, à poser des questions et à parler. C'est un client qu'il nous faut servir.

Bob Church, de l'Université de Calgary, peut être cité. Il dit qu'en biotechnologie agricole, la perception est la réalité et que les faits sont négociables. C'est ce qui se passe en biotechnologie agricole. L'annonce faite la fin de semaine dernière par Loblaws accroît l'incertitude. Les agriculteurs se préparent pour les semences. Avec ces inquiétudes dans l'air, ils se demandent s'ils doivent ou non planter des aliments transgéniques.

M. Barry McLennan: J'aimerais formuler un commentaire sur un autre sujet.

Je veux simplement répondre à la question posée par M. Jones avant la pause et se rapportant à la façon de créer au Canada un environnement qui permettra aux entreprises de prospérer ici plutôt que de déménager chez nos voisins du Sud. J'aimerais revenir à un commentaire formulé par M. Hough au sujet du programme Partenariat technologique Canada.

Ce programme a fait des efforts très importants récemment, à mon avis, pour encourager et soutenir le secteur de la biotechnologie. Il le fait en partie en collaboration avec les bureaux de transfert de technologie des universités. Permettez-moi de vous présenter le contexte.

Beaucoup d'universités du Canada ont enfin décidé de consacrer du temps et de l'attention au transfert de technologie; autrement dit, on crée des entreprises pour exploiter les recherches effectuées par les scientifiques universitaires. Il y a une très belle synergie entre cette activité et les possibilités offertes par PTC. Je profite de cette occasion pour demander à Industrie Canada de continuer sur cette voie. D'ailleurs, nous en parlons dans une de nos recommandations; nous encourageons PTC à continuer sa réorientation et à s'occuper du secteur émergent de la biotechnologie, parce qu'il y a là une incroyable occasion de profiter de la synergie et d'encourager l'expansion de l'activité économique au Canada.

M. Paul Hough: Je suis d'accord avec vous. Je pense toutefois qu'il serait bon de revoir le mandat de PTC, parce que si j'ai bien compris, cet organisme est obligé de consacrer près de 80 p. 100 de ses ressources au secteur de l'aérospatiale. Bien que PTC ait fait des investissements importants dans le monde de la biotechnologie au cours des trois ou quatre derniers mois—et on espère que cela va continuer—le niveau de ressources disponibles pour ce faire est relativement faible, que ce soit en biotechnologie ou pour d'autres technologies mobilisatrices.

J'aimerais dire une autre chose, sur un autre sujet. Comme les Européens ont érigé des barrières non tarifaires pour interdire nos produits, on pourrait en conclure qu'ils ne s'intéressent pas à la biotechnologie. Pourtant, tant les gouvernements que les entreprises privées européennes consacrent des sommes très importantes au développement de la biotechnologie de tout type: agricole, pharmaceutique, et autre. Ils ne sont pas de simples observateurs, loin de là. Voilà une des raisons pour lesquelles le Canada doit vraiment maintenir tous ces programmes, et faire même davantage, de sorte que notre industrie et notre capacité de recherche ne soient en rien affaiblies.

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La présidente: Pour la gouverne du comité, certains d'entre vous se souviendront que nous avons écrit une lettre au ministre de l'Industrie après la publication du rapport du groupe sur la biotechnologie, en juin 1998, pour appuyer bon nombre de ses recommandations, mais aussi pour faire une mise en garde. Nous avions des préoccupations au sujet de la santé, qu'à notre avis on avait négligée, particulièrement pour ce qui touche l'information des consommateurs.

Sans vouloir nous faire passer pour des devins, il faut reconnaître que le comité avait compris que les consommateurs voudraient savoir, qu'il fallait que le groupe s'en préoccupe davantage et que cela transparaisse dans les résultats. Nous croyons que notre technologie, en agriculture comme dans d'autres secteurs, est là depuis bien longtemps et a servi de moteur... On ne trouverait rien dans ce qu'on mange qui n'ait été amélioré d'une façon ou d'une autre, avec le temps.

Cela étant dit, les consommateurs veulent savoir, ils ont le droit de savoir, et les problèmes de sécurité doivent être clairement énoncés. Ce n'est pas que ces choses-là ne soient pas sûres. C'est plutôt qu'il nous faut beaucoup mieux promouvoir les avantages de la biotechnologie et ce qu'elle nous réserve pour l'avenir. Nous pouvons évidemment en voir les avantages, et nous vous entendons dire aujourd'hui qu'il est nécessaire que le gouvernement favorise la productivité et l'efficacité que cela pourrait donner au Canada et participe à leur essor. Il sera intéressant de voir si nous serons ou non à l'avant-garde de cette évolution. Il sera intéressant de voir ce que l'avenir nous réserve.

Encore une fois, j'ai trouvé la discussion d'aujourd'hui très intéressante et...

M. Ian Murray: J'ai une brève question.

La présidente: Bien sûr, monsieur Murray.

M. Ian Murray: Vous aviez l'air de vous apprêter à...

La présidente: C'est que nous devons aller voter de nouveau.

M. Ian Murray: Oui, je sais. J'entends le timbre.

Étant donné que nous avons des spécialistes parmi nous, je me demande, au sujet de la perception qu'ont les gens du danger des aliments génétiquement modifiés, s'il y a des aliments génétiquement modifiés qui pourraient être dangereux pour les humains? J'imagine que le système digestif humain peut détruire toutes sortes de choses, mais pourrait-on créer un aliment qui serait dangereux? Je sais que je fais preuve d'ignorance, mais quelles sont les modifications qui présentent le potentiel d'une menace mortelle?

La présidente: Monsieur McLennan.

M. Barry McLennan: Actuellement, je ne connais aucun produit qui ne soit pas sûr. Ces aliments ne sont pas simplement produits et commercialisés sans avoir été éprouvés et sans qu'on se soit conformé à des normes rigoureuses. Je demanderais à quiconque se préoccupe de ces choses-là de me montrer qu'il existe un produit nuisible qui soit en vente.

À contrario, il y a une industrie médicale alternative qui se développe. Il y a également toutes sortes de produits dans les magasins d'aliments de santé. Il y a des produits que l'on peut acheter dans ces endroits et qui n'ont pas à respecter les normes rigoureuses de l'industrie pharmaceutique. Je dois donc répondre aux gens qui défilent dans la rue en brandissant des slogans qu'ils feraient mieux de me prouver qu'il existe un problème.

Toutefois, comme l'a dit la présidente, cela ne veut pas dire que nous n'avons pas de la difficulté à communiquer et à transmettre le point de vue positif. Nous avons de la difficulté et nous devons corriger cela. Mais il est absolument faux de prétendre que ces produits sont en vente sans avoir été testés. Ils sont rigoureusement contrôlés.

La présidente: Désolée, nous allons devoir mettre fin à la séance. Nous en sommes à trois tintements, ce qui signifie que nous votons dans moins de cinq minutes. Merci beaucoup d'avoir comparu devant nous.

La séance est levée.