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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 29 février 2000

• 0907

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): À l'ordre s'il vous plaît. Conformément au mandat du comité, en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement, nous faisons une étude sur la productivité, l'innovation et la compétitivité.

Ce matin, nous accueillons Mme Sally Rutherford, de la Fédération canadienne de l'agriculture, ainsi que M. David Adams, vice-président des Politiques à l'Association canadienne des constructeurs de véhicules.

Je vous propose d'écouter d'abord vos deux exposés, puis d'enchaîner avec les questions.

À moins que vous n'ayez prévu autre chose, nous commencerons par Mme Rutherford.

Mme Sally Rutherford (directrice générale, Fédération canadienne de l'agriculture): Je vous remercie beaucoup de me donner la possibilité de comparaître devant vous aujourd'hui.

Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, la Fédération canadienne de l'agriculture est le plus grande organisation agricole générale du Canada. Nos membres sont les organisations agricoles générales de chacune des provinces, sauf la Saskatchewan, qui n'en a pas, et beaucoup des grandes organisations nationales spécialisées sur certains produits. Nous avons donc des membres d'un océan à l'autre et dans tous les secteurs de l'agriculture.

Nous voulons surtout vous parler aujourd'hui de certains maux qui affligent l'agriculture au Canada en raison d'un manque de compétitivité en grande partie attribuable à des facteurs comme le recouvrement des coûts des services, la mise en oeuvre des programmes et la façon dont se prennent les décisions. Cependant, nous sommes tous conscients qu'il nous faut faire des rajustements majeurs pour répondre aux normes mondiales et tirer notre épingle du jeu sur les marchés mondiaux. Nous devons nous assurer que les rapports réciproques entre l'industrie et le gouvernement ne nuisent pas aux possibilités dont peut se prévaloir l'agriculture canadienne.

Je pourrais peut-vous donner quelques exemples. Si on prend les intrants, on peut trouver certains aspects positifs et certains aspects négatifs. Il y a aussi les pesticides, qui sont depuis quelques années un de nos pires cauchemars. Il serait cependant juste de dire que l'utilisation des pesticides s'améliore. Les agriculteurs en utilisent moins et ils ont accès à de meilleurs produits qu'autrefois.

• 0910

Le processus d'harmonisation avec les États-Unis se fait assez bien, quoi qu'il y ait des retards. Cependant, dans le cas de l'harmonisation avec l'UE, de plus en plus de questions surgissent, notamment à l'égard des produits disponibles là-bas et du moment où ils deviennent disponibles sur le marché canadien.

Le recouvrement des coûts des services est un des problèmes les plus sérieux lorsque l'on parle d'accès. À mesure que le marché se transforme, les entreprises sont de moins en moins intéressées à dépenser de l'argent pour enregistrer leurs produits au Canada. Jusqu'à maintenant, cela n'a pas eu de grandes répercussions, mais elles commencent à se faire sentir. Les fusions de grandes entreprises créent des géants pour qui le marché canadien est très petit et qui jugent bien souvent que dépenser de l'argent au Canada n'en vaut tout simplement pas la peine. C'est une affirmation que nous entendons de plus en plus souvent et nous ne pensons pas qu'il s'agisse seulement d'une tactique d'intimidation. Je crois que c'est la vérité. J'ajouterais que cette position ne vaut pas uniquement pour les produits chimiques utilisés en agriculture, mais également pour les produits pharmaceutiques et toutes sortes d'autres produits qu'il faut obligatoirement enregistrer en payant des droits qui servent à couvrir les coûts administratifs afférents.

Le recouvrement des coûts reste un sérieux sujet de préoccupation dont on ne s'est pas occupé dans le budget d'hier soir. Entre 1995 et 1998, les droits exigés à ce titre ont augmenté de 28 p. 100. Il y a plus ou moins eu un moratoire sur ces droits, mais dans le domaine agricole seulement, ils ont fait grimper les coûts de cinq millions de dollars, ce qui veut dire que le gouvernement s'est délesté de ces cinq millions de dollars, en plus de l'augmentation de 28 p. 100, sur le secteur privé. La tendance se poursuit et, je le répète, cela devient un problème de plus en plus sérieux au fur et à mesure que le contexte général se transforme et que les exigences changent. Par exemple, de plus en plus, les producteurs doivent payer eux-mêmes les frais de certification de conformité aux normes de salubrité des aliments et de respect de l'environnement. Ces frais commencent à peser lourd.

En outre, étant donné la structure des programmes, les producteurs essaient d'intégrer leurs activités, mais c'est très difficile et bientôt il est fort probable qu'ils aient à payer certains services trois fois lorsqu'ils ne devraient les payer qu'une fois. Il y a bien d'autres aspects qu'il faut examiner à fond à mesure que nous avançons.

Nous restons convaincus qu'il nous faut réinvestir dans la R-D. Le budget d'hier soir s'attaquait à certaines de ces questions. Nous attendrons de voir quelles en seront les répercussions sur la R-D en agriculture. Il y aura de l'argent pour la biotechnologie, mais la répartition entre de nombreux centres diluera beaucoup les fonds. Il est évident que cet argent aura des retombées positives, mais si nous voulons être concurrentiels, je crois qu'il nous faut dépenser beaucoup plus en R-D et aussi en éducation. L'élément le plus déterminant pour l'agriculture dans le budget d'hier soir pourrait très bien être le financement de chaires dans les universités, mais tout dépendra de la formule qui sera adoptée.

Il y a encore d'autres secteurs d'intervention, par exemple à l'égard de la biodiversité. Je sais que nous essayons d'établir un système qui permettra au Canada de protéger son patrimoine biologique, tant animal que végétal. Nous n'avons cependant pas assez de taxonomistes au Canada pour même songer à entreprendre tout le travail qu'il y a à faire. Nous n'avons même plus les gens qu'il faut pour former la main-d'oeuvre pour faire le travail. Si nous voulons former des taxonomistes canadiens, il nous faudra envoyer les intéressés acquérir leur formation au Mexique. Ce pays a beaucoup investi pour se doter du corps enseignant nécessaire pour former des taxonomistes, ce qui est admirable. À certains égards ce n'est pas un problème, mais il y a bien d'autres secteurs où nous avons de sérieuses lacunes.

Trop souvent, nous voyons la R-D comme étant la mise au point d'un nouveau produit chimique ou le développement d'une nouvelle caractéristique chez un animal, que cela se fasse par la méthode traditionnelle des croisements ou par des méthodes biotechnologiques. Il reste que, si nous n'avons pas la main-d'oeuvre voulue pour faire le travail scientifique de base, nous sommes dans un cul-de-sac. Ce n'est qu'une question de temps avant que nous devenions de simples acheteurs de techniques mises au point à l'étranger. Puisque nous parlons de coûts, disons qu'ils risquent dans ce cas de monter en flèche, ce qui nous ferait perdre tout avantage concurrentiel.

• 0915

Un autre grand élément du budget d'hier soir était la technologie du sans fil et l'utilisation de l'Internet par le gouvernement. Il reste que, pour beaucoup d'agriculteurs des régions rurales, l'infrastructure n'existe tout simplement pas. Il y a encore beaucoup de gens qui n'ont même pas une ligne téléphonique privée. Il y en a même beaucoup qui n'ont pas encore accès au téléphone. Des gens qui seraient pourtant prêts à payer cher pour le service ne peuvent même pas avoir une deuxième ligne pour se relier à l'Internet ou utiliser un télécopieur. Tant que l'infrastructure n'existe pas, le gouvernement fédéral peut dépenser tout l'argent qu'il veut pour élargir la gamme des services offerts à ceux qui sont déjà branchés, cela ne changera rien pour ceux qui n'ont pas encore accès aux réseaux. À mon avis, c'est un aspect auquel il faudrait certainement s'intéresser.

Ces quinze dernières années, au fur et à mesure que l'industrie et le monde se transformaient, les gouvernements fédéral et provinciaux se sont retirés du secteur des services consultatifs, qu'il s'agisse des agronomes ou des agents des stations de recherche, qui sont passés aux mains du secteur privé. Encore là, il y a eu des fusions et le nombre d'organismes a diminué. Les gens comptent donc beaucoup plus sur l'Internet et les services semblables pour accéder à l'information dont ils ont besoin pour prendre leurs décisions. Ne pas tenir compte du fait que ces gens n'ont pas l'infrastructure nécessaire c'est, à mon avis, comme si on refusait de reconnaître qu'ils peuvent fonctionner efficacement.

Je crois que cela a également d'énormes répercussions sociales pour les gens, surtout dans les régions qui n'ont même pas un accès facile à l'éducation de niveau secondaire. En ce moment même, en Saskatchewan, il y a des endroits où on compte sur l'Internet pour dispenser les cours de niveau secondaire. Si cette situation devait s'étendre à davantage de régions du Nord, ce qui risque fort de se produire, nous serons confrontés à un grave problème.

Du point de vue commercial, les problèmes sont les mêmes depuis longtemps, au moins depuis la dernière série de négociations du GATT. Pour des raisons financières, le Canada a réduit son soutien bien au-delà de ce qu'exigeait l'accord de l'Uruguay Round et bien au-delà de ce d'autres pays ont fait. Par exemple, en 1995, notre soutien pour les produits de la catégorie verte était de 8,1 p. 100 tandis qu'il était de 24 p. 100 aux États-Unis et de 9 p. 100 dans l'UE. Quant aux produits de la catégorie bleue, le niveau de soutien était encore de 30,5 p. 100 de la limite de la catégorie ambrée aux États-Unis et de 26,5 p. 100 de cette catégorie en Europe. Rien n'oblige à réduire ces pourcentages.

En matière de soutien, le Canada tire de l'arrière. Bien sûr, le soutien apporté ces derniers mois est bienvenu, mais il ne remédie pas aux problèmes permanents dont d'autres pays s'occupent, particulièrement au sein de l'UE. La semaine dernière, lors de notre réunion annuelle, nous avons eu un atelier sur la multifonctionnalité. Le vice-président de l'Association des céréaliculteurs de France est venu nous entretenir de ce sujet. Il était très intéressant d'entendre parler de l'aide que la France apporte à ses agriculteurs. Je ne veux pas dire ici que nous devons adopter le modèle français, mais tout simplement qu'il est de plus en plus difficile pour les agriculteurs canadiens de soutenir la concurrence.

Quant aux subventions à l'exportation, elles représentent encore un problème de taille pour le Canada. L'an dernier, les États-Unis ont annoncé qu'ils verseraient entre 500 et 600 millions de dollars de plus aux pays qui ont besoin d'aide alimentaire, mais selon la définition que les États-Unis donnent à ce type d'aide. Dans les pays qui ont véritablement besoin d'une aide alimentaire, cela ne pose pas de problème, mais dans les pays où les États-Unis utilisent l'aide alimentaire simplement pour s'imposer sur le marché et accroître leurs exportations, c'est un problème. Le Canada envoie aussi de l'aide alimentaire, mais nous donnons beaucoup plus d'argent pour l'achat de nourriture sur place que pour acheter ici de la nourriture qui est ensuite expédiée à l'étranger. Je crois que cela démontre bien la différence d'approche des deux pays et la façon dont les États-Unis utilisent leur programme d'aide alimentaire.

• 0920

Il y a aussi l'administration des contingents tarifaires qui demeure un problème, particulièrement pour ce qui est de l'accès au marché européen, où certaines lignes tarifaires, par exemple sur la viande, sont nettement exagérées. Cela entrave sérieusement notre capacité d'exporter vers l'Europe, ce qui, encore une fois, se répercute sérieusement sur notre capacité de produire et de réaliser des produits. Ce sont des sujets qui doivent demeurer prioritaires. Je crois que nous ne devons pas perdre de vue que, si les négociations du GATT, ou de l'OMC, ne sont pas parmi les grandes préoccupations des gens—elles ont perdu de l'importance depuis décembre—elles n'ont pas été évacuées pour autant.

Les barrières non tarifaires qui limitent l'accès aux marchés sont probablement une question qui prend de plus en plus d'importance et pourraient même devenir la plus importante. On touche ici à tout, de la santé jusqu'à la sécurité en passant par les questions d'environnement. Il est indéniable que ces barrières se répercutent sur la compétitivité du Canada et d'autres pays.

Un autre atelier de notre réunion de la semaine dernière portait sur le principe de précaution. L'UE invoque maintenant couramment ce principe. Toutes les organisations d'agriculteurs et de consommateurs d'Europe appuient ce principe. C'est un principe pratiquement inattaquable et un moyen d'empêcher l'arrivée d'un produit sur un marché pratiquement infaillible.

Il est très difficile de gagner lorsqu'on lutte contre des ombres. Dans une certaine mesure, nos ennemis sont justement cela, des ombres. Il sera très difficile d'élaborer des règles acceptables à tous si on a affaire à quelqu'un qui peut tout simplement changer d'idée du jour au lendemain et décider de refuser nos produits. Il est très difficile de répondre aux normes dans une telle situation et le problème n'est pas que les normes soient trop élevées, mais plutôt qu'elles changent constamment. C'est un aspect auquel nous devrons nous attaquer avec beaucoup de doigté.

Encore là, nous ne nions pas l'existence de questions de santé et de sécurité ou de questions environnementales, mais tout le monde a besoin de points de référence et il est évident qu'il nous faut des normes auxquelles nous pouvons nous fier.

Sur ce, je cède la parole à mon collègue.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Adams, vous avez la parole.

M. David C. Adams (vice-président des Politiques, Association canadienne des constructeurs de véhicules): Merci beaucoup de me donner la possibilité de me présenter devant le comité.

L'Association canadienne des constructeurs de véhicules compte parmi ses membres DaimlerChrysler Canada Inc., Ford du Canada ltée, General Motors du Canada, Navistar International Corporation, qui est devenue la semaine dernière International Truck and Engine Corporation Canada, et Volvo Canada ltée.

Je parle aujourd'hui au nom des entreprises membres de notre association, mais je crois pouvoir dire que d'autres fabricants de véhicules à moteur au Canada ont des vues très semblables aux nôtres sur beaucoup des sujets que j'aborderai. On pourrait dire, je crois, que nous sommes tous dans le même bateau. Nous sommes tous confrontés aux mêmes défis.

J'ai pensé commencer en vous présentant quelques chiffres. Je vous ai remis un bref document PowerPoint qui contient quelques statistiques, aussi je n'entrerai pas dans le détail, mais je crois que, si vous lisez un peu les journaux, vous savez que l'industrie automobile a eu une excellente année l'an dernier, tant du point de vue de la production que des ventes.

Nous avons eu une production record de 2 987 000, presque 2 988 000, camions légers et automobiles, ce qui représente environ 18,5 p. 100 de plus qu'en 1998. Nous avons aussi enregistré notre plus gros volume de ventes au Canada depuis 1988, avec 1 501 000 unités. Notre production au Canada représentait 19,2 p. 100 de la production totale Canada-États-Unis, tandis que nos ventes n'y représentaient que 8,8 p. 100 de cette production.

Je ne voudrais cependant pas vous donner l'impression que la période de prospérité que connaît l'industrie automobile durera toujours. Je crois que cette industrie est au sommet de son cycle économique et je pense qu'il est important que le Canada adopte des politiques qui ne bénéficient à l'industrie automobile uniquement en période de prospérité, mais également au creux du cycle.

Cela étant dit, il semble que l'industrie connaîtra une autre bonne année en 2000. Si on se fie à des rapports récents, les ventes aux États-Unis pourraient atteindre entre 16,5 et 17 millions d'unités, voire plus. Au Canada, nos ventes en janvier 2000 ont augmenté de 8,4 p. 100 par rapport à 1999. On peut donc dire que les choses s'annoncent bien, ce qui va dans le sens des prévisions d'année de vente record au Canada.

• 0925

Toutes proportions gardées, le Canada pourrait même faire meilleure figure que les États-Unis. Je crois que c'est parce que, aux États-Unis, la demande de véhicules neufs est plus ou moins satisfaite, environ 60 p. 100 des ménages ayant des véhicules de quatre ans ou moins, tandis qu'au Canada ce pourcentage n'est que de 40 p. 100. L'âge moyen des véhicules sur les routes du Canada est d'environ 8,3 ans, ce qui veut dire qu'il y a une demande latente de véhicules neufs.

Si vous regardez les statistiques, sur la production notamment, vous arrivez probablement à la conclusion que la faiblesse du dollar est une des raisons du succès du Canada. Cependant, il y a beaucoup d'autres pays où les coûts sont bas qui produisent des véhicules dans une industrie véritablement mondialisée. Si nous comparons nos statistiques sur la main-d'oeuvre, qui n'est qu'une petite composante des facteurs de production, avec celles des États-Unis seulement, nous avons une image faussée de la concurrence dans l'industrie automobile. Il y a d'autres facteurs qui influent sur la productivité et la compétitivité de l'industrie automobile au Canada.

Souvent, on amalgame l'industrie automobile à d'autres industries manufacturières et on la perçoit en quelque sorte comme faisant partie de la vieille économie. Aujourd'hui, il est de bon ton d'insister sur la nouvelle économie, la haute technologie, la technologie de l'information et le commerce électronique, mais le Canada ne devrait jamais perdre de vue l'importance d'une industrie automobile forte. La plupart d'entre vous êtes conscients, je pense, du rôle majeur de l'industrie automobile comme moteur de l'économie au Canada, particulièrement vous, madame la présidente.

Cela étant dit, si nous y regardons de plus près, nous constatons que l'industrie automobile fait bel et bien partie de la nouvelle économie, qu'elle a recours à la haute technologie, et à la technologie de l'information pour réinventer les processus de fabrication. Mais il y a plus puisque la technologie de l'information est en train de réinventer les entreprises du domaine de l'automobile elles-mêmes.

Du point de vue de la productivité, sujet qui intéresse le comité ce matin—et je crois que vous l'avez déjà entendu dire la semaine dernière lorsque les représentants des TCA ont témoigné devant vous—la norme dans l'industrie est le rapport Harbour.

Ce rapport est produit par la firme Harbour & Associates. Celle-ci se rend dans une usine d'assemblage d'automobiles, de moteurs ou de transmissions ou encore une usine d'emboutissage aux États-Unis, au Canada ou au Mexique et y évalue la productivité en comptant le nombre de travailleurs qu'il faut pour produire un véhicule. Récemment, la firme a modifié sa méthode et se fonde plutôt sur le nombre réel d'heures qu'il faut pour produire un véhicule. Cela donne une formule où les extrants sont divisés par les intrants.

Les chiffres sont dans le document que je vous ai remis. Ils portent, au moins dans le cas de nos membres, c'est-à-dire les trois grands, sur les années 1979 à 1992, je crois—il s'agit de chiffres sur l'Amérique du Nord—. L'autre graphique, qui est une comparaison entre 1992 et 1998, présente des chiffres sur tous les fabricants d'automobiles au Canada. Je n'entrerai pas dans le détail, mais je crois que ces tableaux donnent une bonne idée générale et montrent que la productivité a beaucoup augmenté au Canada.

L'utilisation de la capacité est évidemment un autre indicateur de la productivité. Il s'agit fondamentalement d'essayer de produire le nombre de véhicules qu'une usine avait été construite pour produire à l'origine. Il est évident que la productivité d'une usine qui ne fonctionne pas à pleine capacité est inférieure à ce qu'elle devrait être. J'imagine que l'inverse est aussi vrai, c'est-à-dire que, à moins que les bonnes structures soient en place, une usine qui produit plus qu'elle devait produire à l'origine, par le recours au temps supplémentaire et le reste, a des frais qui peuvent faire chuter sa productivité.

Chaque usine a pris des initiatives destinées à rationaliser et le nombre et le type d'unités qu'elle peut produire. Un de nos membres a investi environ 500 millions de dollars dans des ateliers de tôlerie à chacune de ses usines, lesquelles produisent chacune un type particulier de véhicule.

• 0930

De simples changements dans la programmation permettent d'assembler dans ces ateliers des variations d'un même véhicule, qu'il s'agisse d'une camionnette, d'un véhicule loisir-travail ou de tout autre véhicule. C'est dire qu'il est possible de conserver la même productivité sans devoir acheter de la machinerie différente pour chaque modèle de véhicule.

Lorsque l'on combine cette nouvelle souplesse au nouveau type d'usine d'assemblage où les chaînes de montage traditionnelles sont remplacées par des véhicules guidés qui peuvent abaisser ou élever le véhicule en cours d'assemblage à la hauteur idéale pour le travailleur je crois que l'on se rend bien compte que la productivité des travailleurs aussi peut être maximisée. De plus, ce système réduit les risques de blessures puisque chaque travailleur peut placer le véhicule sur lequel il travaille à la hauteur et dans la position qui convient le mieux compte tenu de la tâche à exécuter.

En plus des initiatives visant les chaînes de montage, il y a les autres dont vous avez peut-être entendu parler récemment dans les journaux. Un de nos membres vient de s'associer à United Parcel Service, mieux connu par le sigle UPS, pour essayer de réduire le temps de livraison des véhicules chez les concessionnaires. Le délai est actuellement d'environ 15 jours et on voudrait le ramener à six jours.

Cela pourrait bien accroître la productivité des concessionnaires puisqu'ils n'auraient pas besoin d'avoir un grand nombre de véhicules en inventaire et pourraient donner aux consommateurs une date de livraison plus précise. Grâce aux numéros d'identification des véhicules, les vendeurs pourront vérifier sur Internet où sont rendus les véhicules qu'ils ont commandés.

Vous avez peut-être lu dans les journaux de la fin de semaine que trois sociétés membres, soit DaimlerChrysler, Ford et General Motors, ont conclu une alliance stratégique en vue d'établir sur l'Internet un système leur permettant de rationaliser les commandes qu'ils passent chez leurs 30 000 fournisseurs et qui totalisent 240 milliards de dollars. Le nouveau système pourrait leur faire économiser entre 90 $ et 100 $ sur chaque bon de commande rempli.

Je dirai donc que l'industrie automobile, qui est souvent vue comme une industrie n'utilisant que d'anciennes techniques, a recours à la nouvelle technologie, ou participe à la nouvelle économie, de façon très innovatrice.

La conception et la fabrication assistées par ordinateur ont permis aux ingénieurs de construire des prototypes virtuels des véhicules, ce qui réduit le temps nécessaire à la conception de véhicules entièrement nouveaux. Les communications par satellite et, encore une fois, l'Internet, permettent à des équipes de design situées à plusieurs endroits de la planète de travailler toutes ensemble à la conception d'un même prototype virtuel.

Il n'y a pas si longtemps, il fallait entre deux et quatre ans pour concevoir un nouveau modèle. Aujourd'hui, on pourrait dire que la norme universelle est de deux ans et certains fabricants essaient de ramener ce délai à environ 15 mois.

À cet égard, les fabricants de véhicules ont aussi raffiné les simulations numériques pour la mise à l'essai des dispositifs de sécurité obligatoires de leurs véhicules. Je crois que ces techniques pourraient entraîner des gains appréciables d'efficience en abrégeant le cycle de conception, ce qui réduirait beaucoup les coûts pour les fabricants. Ceux-ci bénéficieraient beaucoup d'une modification à la Loi sur la sécurité des véhicules automobiles permettant les essais de collisions simulés sur ordinateurs plutôt que les essais réels sur un certain nombre de véhicules.

Différents facteurs se répercutent sur la productivité de l'industrie automobile au Canada. On pourrait parler des investissements de capitaux, quoique ce ne soit pas le seul. Au cours de la dernière décennie, nos membres ont investi plus de 22 milliards de dollars dans leurs installations. Il s'agit essentiellement d'investissements dans les installations existantes, c'est-à-dire que les installations sont reconstruites de l'intérieur, par opposition à la construction de nouvelles installations. Lors de ces transformations, les innovations les plus récentes dans les processus de production sont intégrés dans les usines, ce qui accroît la productivité.

• 0935

Une population active instruite est également un élément clé et le Canada a une population active en général instruite. Malheureusement, nous connaissons des pénuries de travailleurs qualifiés et d'ingénieurs dans toutes les spécialités dans notre industrie. Je crois d'ailleurs que d'autres vous en ont parlé avant nous. Cette pénurie s'explique en partie par le fait que les entreprises d'assemblage confient le développement de produits à des sous-traitants, ce qui oblige les fournisseurs de premier niveau à investir dans le capital intellectuel. Il y a tout simplement trop d'emplois et pas assez d'ingénieurs.

Des travailleurs instruits savent facilement tirer le meilleur parti de la nouvelle machinerie et des nouveaux processus de fabrication, ce qui permet d'atteindre les objectifs d'accroissement de productivité visés par les initiatives de modernisation. Le niveau d'instruction de la main-d'oeuvre au Canada pourrait bien être, à mon avis, un des facteurs déterminants lorsqu'il faut décider, tous les trois ou quatre ans, à quelles installations confier la production d'un nouveau véhicule.

Quant à la recherche scientifique et à l'élaboration de concepts expérimentaux, je crois que, en dépit des excellentes qualités du système de crédits d'impôt pour la R-D du Canada, des questions se sont posées ces dernières années au sujet de la définition des projets et de la certitude de recevoir les crédits. L'ensemble de l'industrie canadienne, et surtout l'industrie automobile, travaille de concert avec Revenu Canada et avec tous les ministères visés pour mettre en place le meilleur programme au monde.

Dans une industrie mondialisée, les fruits de la R-D se répandent rapidement dans toute l'entreprise, peu importe où les travaux ont eu lieu et je dirais que c'est pour cette raison que, jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu beaucoup de travaux de R-D dans l'industrie automobile au Canada. Toutefois, le Canada bénéficie des travaux de R-D faits ailleurs. Pour que le Canada attire des projets de R-D, il nous faut un système de crédits d'impôt comparable à celui des autres pays. Dans notre cas, notre système est comparable à celui des États-Unis. C'est là que se trouvent les sièges sociaux de nos membres. Cependant, ce système doit être nettement amélioré si nous voulons attirer des activités de R-D loin des bases traditionnelles des sociétés mères.

Il convient de souligner que chacun de nos membres a le mandat d'entreprendre des recherches spécialisées notamment sur les carburants de remplacement, les piles à combustible, les moulages d'aluminium et la conception de moteurs, ce qui démontre, à mon avis, que notre expertise dans ces secteurs a été un facteur déterminant dans la décision de certains membres de notre association d'établir au Canada des installations de recherche de plusieurs millions de dollars qui créeront 300 nouveaux emplois de haute technologie, en plus de nous permettre de garder au Canada des ingénieurs et des techniciens canadiens parmi les plus brillants.

Pour ce qui est des politiques commerciales stratégiques, l'industrie automobile du Canada est devenue...

La présidente: Monsieur Adams, pourrais-je vous demander de prendre les 60 prochaines secondes pour conclure?

M. David Adams: Mais bien sûr.

Il y a trois points que j'aimerais mentionner brièvement. Tout d'abord, il y a la politique commerciale stratégique. Je crois que vous savez tous que le Pacte de l'automobile fait présentement l'objet d'un examen. Ce pacte est à la base de l'industrie automobile au Canada. Il nous a permis d'avoir des usines ici et, une fois les usines construites, il nous a permis d'attirer un flux constant d'investissements. Il est donc important de ne pas perdre de vue le fait qu'il nous faut des politiques commerciales stratégiques pour préserver la productivité de l'industrie automobile au Canada. En deuxième lieu, je reviendrai à la politique fiscale, car elle a des répercussions sur la productivité. Il est évident que le Canada ne peut pas avoir un régime fiscal complètement déphasé par rapport à celui d'autres pays.

Enfin, je tiens à mentionner très brièvement les changements climatiques. Nous ne pouvons absolument pas ratifier le protocole de Kyoto avant les États-Unis et je crois que, lorsque nous le ratifierons, nous devrons surveiller de très près ses répercussions pour nous assurer qu'il n'a pas d'effets négatifs plus sentis sur l'industrie canadienne que sur l'industrie d'autres pays. Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Adams. Nous passons maintenant aux questions.

Monsieur Penson, vous avez la parole.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Je remercie nos deux témoins et je leur souhaite la bienvenue parmi nous ce matin.

• 0940

Monsieur Adams, j'ai lu votre mémoire et j'aimerais certainement vous poser quelques questions si j'ai une autre occasion. Cependant, je veux profiter de la présence de la représentante de la Fédération canadienne de l'agriculture parce que je crois qu'aucune autre industrie ne vit une crise plus grave que l'agriculture. J'aimerais aborder quelques aspects de la crise agricole avec Mme Rutherford.

Madame Rutherford, nous parlons de l'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis, de la définition de la productivité et de la direction que le Canada prend à cet égard. Il est assez ironique que les agriculteurs canadiens soient très productifs mais ne réussissent pourtant pas à survivre. Pour beaucoup de gens, la productivité est directement liée au niveau de vie. En agriculture, comme vous le savez, le niveau de vie n'est pas très bon ces temps-ci en raison de la crise.

Étant donné, comme vous l'avez dit, que les discussions commerciales ne semblent pas prendre l'orientation que nous pourrions souhaiter et étant donné que le Canada ne peut probablement pas accorder le niveau de subvention qu'accordent les Européens et les Américains, j'aimerais vous demander si vous préconiseriez que le gouvernement du Canada adopte, au nom des agriculteurs, une attitude beaucoup plus ferme dans d'autres secteurs du commerce pour amener ses partenaires commerciaux à la table des négociations.

Je ne sais pas si vous serez d'accord avec moi, mais il me semble qu'il sera très difficile pour les agriculteurs canadiens de survivre et pour le gouvernement du Canada de leur accorder un niveau suffisant de subventions. Par conséquent, il nous faut trouver d'autres moyens pour ramener un semblant d'ordre sur le marché mondial.

Je crois que nous devrions peut-être nous présenter à la table des négociations un peu comme des scouts et dire à nos partenaires que s'ils détruisent notre industrie agricole, nous cesserons de collaborer avec eux dans des organisations comme l'OTAN ou le NORAD. Que pensez-vous de cette idée?

Mme Sally Rutherford: Je pense que ce serait équitable. Cependant, je crois qu'il est très difficile d'obtenir ainsi des concessions lors de telles négociations. Il est très clair que si nous... À certains égards, le léger report des négociations commerciales nous donne le temps de repenser notre position et notre stratégie de négociation.

Il est vrai qu'il aurait été vraiment bien de pouvoir s'attaquer dès maintenant à certains éléments, mais je crois que l'expérience de l'an dernier, des deux dernières années en fait, sert à nous faire prendre conscience que le secteur céréalier n'est pas le seul touché. Il y a deux ans, il a fallu réagir devant le risque d'anéantissement de l'industrie du porc.

Nous souhaitons des changements radicaux dans la façon dont le monde fonctionne et le fait que le Canada soit dans l'impossibilité d'accorder des subventions comparables à ce qu'accordent d'autres pays crée un problème grave. Il nous faut trouver des moyens de remédier à cela dans le cadre des prochaines négociations.

M. Charlie Penson: Je suggère, madame Rutherford, que nous sortions du cadre rigide des négociations commerciales et entamions des négociations bilatérales avec d'autres pays ou d'autres groupements de pays, comme l'Union européenne, parce qu'il me semble que la voie dans laquelle nous sommes engagés mène à la dévastation complète de notre industrie agricole.

Nous avons accordé, par exemple, une aide de 240 millions de dollars à la Saskatchewan et au Manitoba. Nous savons qu'une somme de 1,7 milliard de dollars est destinée aux agriculteurs dans le cadre du programme ACRA, mais qu'ils n'ont pu obtenir que 25 p. 100 de cette somme jusqu'à maintenant. Mais même s'ils pouvaient toucher toute la somme, vous savez qu'un chèque de 10 000 $ ne mène pas loin sur une exploitation céréalière de l'ouest du Canada. Un agriculteur m'a dit qu'il avait des paiements de 270 000 $ à effectuer, qu'il ensemence ou pas ses 3 000 acres. Ne risquons-nous pas de perdre toutes ces exploitations agricoles si nous ne changeons pas de stratégie?

Ce que je dis, c'est que, en tant que défenderesse des agriculteurs, ne devriez-vous pas exercer des pressions pour que le Canada adopte cette approche et demande sérieusement à ses partenaires comment il peut continuer de les aider, comment il peut augmenter le budget de la défense pour rester un membre exemplaire de l'OTAN pendant que certaines de leurs politiques détruisent de larges pans d'un de nos secteurs industriels?

Mme Sally Rutherford: Je vous dirai bien franchement que nous n'avons pas examiné cette question sous l'angle de l'OTAN, de NORAD et des autres programmes et échanges. En fait, je ne crois pas que cela ferait une grande différence à ce moment-ci. Les subventions qui sont accordées en Europe ne sont pas interdites en vertu du GATT. Ils ne feront rien pour régler cette question. Ils n'y mettront pas fin uniquement parce que nous les menaçons de quitter NORAD.

M. Charlie Penson: Qu'est-ce que vous proposez alors ?

Mme Sally Rutherford: Il n'y a pas de solution magique. Personne d'autre n'a rien proposé de tel non plus. Donner de l'argent aux agriculteurs, c'est bien beau, mais ça ne peut pas être une solution à long terme. Vous avez tout à fait raison à ce sujet. Je crois qu'il faut considérer sous un angle complètement nouveau la façon dont nous allons promouvoir cette industrie à l'avenir.

• 0945

Je vais vous donner un tout petit exemple qui pourra vous sembler stupide, mais qui est révélateur à mon avis. À l'heure actuelle, il ne reste presque plus de fabricant de machinerie agricole au Canada. Ils n'ont même plus de bureaux ici. Seulement des concessionnaires. Même John Deere a fermé ses portes l'été dernier. Vous ne pouvez même pas obtenir de commandite pour la sécurité agricole. Le Canada est maintenant inscrit sur la liste américaine.

C'est le genre de situation que l'on retrouve à l'heure actuelle. Si l'on ne fait rien et que l'on ne tient pas compte des répercussions que cela peut entraîner pour le Canada, nous aurons alors de graves problèmes. Les fusions dans l 'industrie chimique commencent également à avoir des conséquences sur les produits disponibles et leur prix.

M. Charlie Penson: Madame Rutherford, qui pourrait bien vouloir investir dans l'industrie agricole canadienne dans les circonstances actuelles ?

Mme Sally Rutherford: Oh, je crois qu'il y a des gens qui seraient intéressés à se pencher sur la question à long terme.

M. Charlie Penson: Combien de temps encore croyez-vous que les agriculteurs canadiens, les producteurs de céréales par exemple, qui subissent directement les conséquences de cette guerre des subventions, pourront survivre si des mesures draconiennes ne sont pas prises pour leur venir en aide ?

Mme Sally Rutherford: Pas très longtemps, j'en conviens. Mais pour ce qui est des changements draconiens dont vous parlez, je ne crois pas que le simple fait de quitter NORAD puisse changer quoi que ce soit aux programmes européens de subventions de l'exportation ou de production de céréales.

M. Charlie Penson: Mais vous n'êtes pas prête à considérer d'autres solutions que...

Mme Sally Rutherford: Monsieur Penson, je n'ai pas dit que la FCA n'était pas prête à se pencher sur la question. J'ai dit que nous ne l'avions pas encore étudiée. Ce que j'ai dit, c'est qu'à mon avis, ce n'est pas là la solution magique que vous semblez chercher. C'est une solution, mais je crois qu'il y en a plusieurs autres.

Je voulais également soulever la question des crédits d'impôt pour la R-D. Nous avons le même problème dans le domaine agricole, c'est-à-dire que nos gains sont parfois modestes. Ils peuvent être modestes en ce qui touche les nouvelles semences et les nouvelles techniques sur la ferme, mais le système de crédit d'impôt pour la R-D est très restrictif, particulièrement en ce qui a trait aux organismes sans but lucratif.

M. Charlie Penson: Oui, je comprends.

La présidente: Ce serai votre dernière question, monsieur Penson.

M. Charlie Penson: Je comprends ce que vous dites et je comprends également votre commentaire en ce qui a trait à la biotechnique et à certains des progrès qui pourraient être réalisés dans ce domaine, mais il me semble que l'accroissement de la production et les meilleures possibilités dans ce domaine ne soit pas la solution à notre problème à l'heure actuelle.

Les agriculteurs canadiens sont très efficaces. Leurs entrepôts sont pleins. Ils ont des grains à ne plus savoir qu'en faire, mais ils crèvent tout de même sur leurs fermes parce que le cours des denrées a atteint un plancher historique.

Mme Sally Rutherford: Je n'ai pas parlé de produire davantage des mêmes produits. Les agriculteurs cherchent plutôt des solutions de rechange et il y a des possibilités à ce niveau.

M. Charlie Penson: Donnez-moi un exemple.

Mme Sally Rutherford: Les voitures. Le chanvre pour les portières de voiture. Il y a là d'importantes possibilités de diversification des cultures, si nous pouvons compter sur des politiques gouvernementales pertinentes. C'est ce genre de choses qu'il faut examiner.

Nous ne vendrons pas de grains sur des marchés qui ne sont pas intéressés à les acheter ou en mesure de le faire ou encore sur des marchés auxquels nous n'avons pas accès. Le fait de nous retirer de ces ententes ne nous permettra pas de régler la situation d'un seul coup. C'est une question sur laquelle nous devrons nous pencher plus sérieusement et nous sommes prêts à le faire.

La présidente: Merci.

Je vous remercie beaucoup, monsieur Penson.

Monsieur Malhi, vous avez la parole.

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Je vous remercie madame la présidente.

Dans le rapport que nous avons reçu de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules, vous soulignez que cette industrie manque actuellement de gens de métier qualifiés d'expérience et d'ingénieurs de toutes sortes. Qu'est-ce que l'industrie fait pour améliorer la situation et, à votre avis, qu'est-ce que le gouvernement devrait faire à ce sujet ?

M. David Adams: C'est une bonne question.

Nous essayons par exemple de donner aux ingénieurs les connaissances particulières dont ils ont besoin pour travailler ici. L'annonce faite récemment par GM en est un bon exemple, tout comme la décision de Chrysler, il y a environ quatre ans, d'ouvrir des centres d'ingénierie.

Ce n'est peut-être pas grand-chose, mais c'est un départ. Je crois que cela peut nous montrer que nous pouvons faire le travail et bien le faire et servir aux fins de la R-D. Si le Canada peut faire preuve de ses compétences, je crois que nous pourrons obtenir davantage.

• 0950

Pour ce qui est des crédits d'impôt, on m'a déjà souligné à quelques occasions que la certitude était un élément important pour l'obtention de crédits d'impôt. En effet, il est un peu délicat de tenter de faire approuver des projets de R-D à l'extérieur de sa propre juridiction parce que si, pour une raison ou une autre, les choses ne tournent pas comme prévu, il devient alors beaucoup plus difficile de faire une nouvelle demande.

En ce qui a trait au problème des ouvriers de métier et des ingénieurs qualifiés, je crois que le secteur des pièces le ressent de façon encore plus aiguë que nos membres parce qu'une bonne partie du travail dépend des niveaux inférieurs. Le développement des nouveaux produits dépend des fournisseurs des pièces de première catégorie et ainsi de suite.

L'AFPA, l'Association des fabricants de pièces d'automobile du Canada, a mis sur pied un programme intéressant qui vise les écoles secondaires et primaires dans le but d'informer les participants à ce programme ainsi que les responsables de DRHC des possibilités de carrière et de faire connaître les ouvertures dans le secteur de l'automobile pour que l'on ne soit pas obligés de faire appel à des solutions de dernière minute pour trouver du personnel parmi des gens qui n'ont jamais été sensibilisés à notre industrie avant de sortir de l'école.

M. Gurbax Singh Malhi: Y a-t-il d'autres initiatives que celle-là qui s'adresse aux étudiants de tous les niveaux ?

M. David Adams: Je sais que tous nos membres ont établi des alliances stratégiques avec les collèges communautaires qui sont situés près de leurs installations ou de leurs bureaux administratifs au Canada. Il y a d'autres organismes, comme le Georgian College, qui s'intéresse plus particulièrement à l'aspect de la commercialisation, ou le Southern Alberta Institute of Technology, où des partenariats ont été mis sur pied dans le but de former le genre de techniciens et de gens de métier dont l'industrie a besoin.

Mais, je suis bien d'accord avec vous pour dire que nous devons faire plus. Je crois que tous les intervenants du domaine de l'industrie automobile sont d'ailleurs prêts à le reconnaître.

Pour ce qui est de ce que le gouvernement peut faire pour aider dans ce domaine, je crois que j'aimerais d'abord y réfléchir un peu avant de vous en parler.

M. Gurbax Singh Malhi: Deuxièmement, j'aimerais savoir quelles répercussions a notre politique fiscale sur la productivité de l'industrie et ce que le gouvernement devrait faire à votre avis pour aider à ce niveau.

M. David Adams: Les capitaux sont continuellement en mouvement, particulièrement dans une industrie de capital comme l'industrie automobile. Des budgets de milliards de dollars semblent faramineux et on peut croire qu'ils seront là pour toujours, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Ils existent pour un seul mandat de production et ça ne va pas plus loin.

Dans la mesure où la structure fiscale du Canada peut faire preuve de suffisamment de flexibilité pour répondre aux besoins de l'industrie et favoriser les investissements, je crois que les perspectives d'avenir sont assez bonnes au chapitre du maintien des investissements.

En ce qui a trait aux taxes et aux impôts qui pourraient avoir des répercussions sur les installations de fabrication plus que sur d'autres installations au pays, je crois qu'il serait utile qu'on se penche sur la question.

M. Gurbax Singh Malhi: Merci.

La présidente: Je vous remercie beaucoup, monsieur Malhi.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je m'intéresse à l'aspect productivité. Je m'adresse d'abord à la représentante de la Fédération canadienne de l'agriculture.

Je regarde la page 29, les indices de prix, le coût des intrants, tout ça. Finalement, selon les chiffres des années 1986 à 1996, l'augmentation de la productivité fait juste vous maintenir au même niveau. Ce sont les chiffres qu'on connaît. Mais on voit que dans l'Ouest notamment, à cause de mauvaises températures ou d'autres aspects, la situation a empiré. On peut imaginer que présentement, c'est pire que ce que les chiffres nous indiquent.

Avez-vous l'impression que l'augmentation de votre productivité suffit tout juste à vous maintenir? Ce n'est pas un message porteur de beaucoup d'espoir.

[Traduction]

Mme Sally Rutherford: C'est vrai. Ces chiffres ont été tirés en grande partie du dernier recensement et de statistiques financières établies il y a deux ans.

Il est évident que les chiffres ont changé au cours des deux dernières années. Bien sûr, il y a eu une importante diminution au niveau des sommes qui ont été consacrées aux intrants, mais en même temps, les frais d'exploitation ont continué d'augmenter. Au cours de l'année dernière, les agriculteurs ont dépensé environ 120 millions de dollars de moins au chapitre des intrants, mais leurs frais d'exploitation généraux se sont accrus de 200 à 300 millions de dollars.

• 0955

Je crois qu'il faut réellement faire preuve de prudence dans notre façon de traiter de la question de la productivité. Comme M. Penson l'a mentionné, il faudrait peut-être inclure dans notre définition de la productivité des données qui vont au-delà des données économiques de la production globale. En ce qui a trait au nombre de produits agricoles fabriqués au pays, nous atteignons des sommets record, sauf dans les secteurs qui ont été touchés par les intempéries, et cela ne compte pas. Mais dans les autres secteurs, les productions ont été plutôt bonnes. Les prix sont toutefois déplorables. En fait, cela nous démontre bien qu'il n'y a pas de problème au niveau de la gestion. Si on dépense moins pour les intrants, cela signifie que la gestion est bonne. Nous avons également obtenu des productions record au chapitre de l'élevage d'animaux. Nous ne semblons toutefois pas arriver à obtenir l'argent nécessaire pour les produits dont nous avons besoin. C'est vraiment une question difficile.

À mes débuts dans cette industrie à Ottawa il y a vingt ans, je m'occupais d'un autre secteur du développement d'une entente internationale sur le blé. Ça n'a pas fonctionné. Ce n'était pas la première fois qu'on s'y essayait. Il ne semble pas y avoir beaucoup d'espoir à ce chapitre maintenant. Je crois que c'est un dossier dont nous allons devoir commencer à nous occuper très sérieusement.

Il est évident que l'une des choses qui importe le plus pour les agriculteurs, c'est la poursuite et l'amélioration d'un programme de soutien du revenu à long terme qui leur permettrait de savoir ce à quoi ils font face et sur quoi ils peuvent compter, ce qui ne veut pas dire que les gens préfèrent aller chercher leur argent dans leur boîte aux lettres plutôt qu'au marché. Toutefois, nous devons trouver un moyen d'établir un programme qui durerait plus de neuf ou douze mois. Je crois que les gens en seraient très heureux.

Ces derniers temps, les gens réclament de plus en plus qu'on adopte une politique agricole qui s'étendrait sur une période de cinq ans. La question a été soulevée à de nombreuses reprises. Les agriculteurs exigent du gouvernement un engagement de principe qui leur permettrait de prendre les décisions qu'ils doivent prendre sur leurs productions, sur la façon dont ils vont s'y prendre et sur les changements qu'ils doivent faire pour faire face à l'augmentation des coûts des intrants et à d'autres problèmes comme les gaz de l'effet de serre dans leur exploitation, la récupération du fumier et les sommes que les agriculteurs doivent investir au chapitre de l'infrastructure pour faire face à tous ces nouveaux éléments dont on doit tenir compte dans toute opération industrielle.

Nous parlions un peu plus tôt des problèmes les plus importants et M. Adams soulignait qu'à son avis, le principal problème à l'heure actuelle était le rejet de gaz à effet de serre. Ce sera également le cas pour l'agriculture.

Si nous voulons pouvoir échapper à ce cercle vicieux, nous devrons prévoir suffisamment à l'avance et donner aux agriculteurs le temps de prendre les décisions qui s'imposent sur la façon dont ils peuvent modifier leur gestion. Cela ne veut pas dire que leur gestion n'est pas bonne à l'heure actuelle, mais il faudra y apporter des modifications pour tenir compte de tous ces facteurs.

Il ne s'agit pas simplement de déterminer la meilleure façon de fournir des subventions. Il faut également s'assurer que les gens disposent des connaissances fondamentales dans leur secteur et qu'ils peuvent compter sur un programme de soutien du revenu, mais également qu'il y a en place des politiques qui leur permettront de s'adapter aux réalités de la nouvelle économie.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Dubé, une dernière question, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé: Je suis un peu désolé. Étant un fils d'agriculteur, je suis très sympathique à ce que vous dites. Je sais que dans le secteur agricole, ce n'est pas facile. J'ai une question pour vous deux: avez-vous l'impression que le budget d'hier va dans le sens de vos préoccupations, ou si ça n'a rien changé?

[Traduction]

La présidente: Madame Rutherford.

• 1000

Mme Sally Rutherford: Je crois qu'il y a certaines choses positives. Comme je l'ai souligné plus tôt, les sommes qui doivent servir à aider plus de gens à fréquenter l'université pour être mieux en mesure de faire leur travail peuvent être considérées comme des investissements à long terme. À mon avis, les budgets qui seront consacrés à la recherche sur les gaz à effet de serre sont également très importants. Je ne crois pas que nous sachions quoi faire à ce sujet à l'heure actuelle. Si nous décidons de consacrer beaucoup d'argent à la mise en «uvre d'un projet à ce niveau, je ne suis pas certain que nous dépenserons cet argent de façon judicieuse, mais nous devrons être prêts à le faire bientôt.

Nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour nous pencher sur la question, mais en ce qui a trait aux répercussions fiscales, et cela pourra vous sembler un peu étrange, pour les gens de la classe moyenne, dans le cas où l'un des conjoints, homme ou femme, travaille à l'extérieur de la ferme, le fait de pouvoir économiser ces impôts sera un avantage important.

Nous espérions d'autres annonces reliées plus particulièrement à l'agriculture, mais nous nous pencherons sous peu sur les prévisions dans ce domaine pour voir ce qui devrait se passer dans le domaine de l'agriculture en ce qui a trait à la programmation et à d'autres questions.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Adams.

M. David Adams: Le budget a tenu compte de certaines des préoccupations relatives aux crédits d'impôt pour la R-D. Pas précisément celles dont nous avons parlé ici, mais je crois que le gouvernement est sensible au fait qu'il faut insister sur les mesures de prévisibilité, la transparence et la disponibilité pour que notre système soit le meilleur au monde.

Le budget prévoit également une diminution des impôts frappant les sociétés, ce qui est à mon avis une bonne chose. Pour faire suite aux propos de Mme Rutherford, le fait de redonner de l'argent aux consommateurs canadiens entraîne des effets psychologiques et assure un résultat tangible en ce qui a trait au réinvestissement de ces sommes. Ce ne sont pas de gros montants, mais c'est un pas dans la bonne direction. Certaines personnes feront des économies alors que d'autres dépenseront cet argent. On peut par exemple s'attendre à ce que certains songent à acheter un nouveau véhicule, ce qui viendrait certainement en aide à notre industrie. Je crois que c'est un point très important au Canada. À mon avis, la capacité financière est certainement l'un des facteurs qui explique le retard de notre industrie par rapport à nos voisins du Sud. Les gens n'ont tout simplement pas les moyens d'acheter de nouveaux véhicules.

La présidente: Merci. Je dois rappeler aux témoins et aux membres que les périodes sont limitées à cinq minutes. Il faudra donc tenter de limiter et les questions et les réponses. De plus, nous aurons de nouveaux témoins à 10h30.

Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente. Je vais tenter d'être brève.

Je vous remercie tous les deux de vos présentations.

Madame Rutherford, vous avez parlé de certains des éléments qui ont été annoncés dans le budget d'hier en disant espérer qu'il pourraient servir non seulement à soutenir notre secteur agricole, mais également à y venir en aide. Vous avez également souligné que le budget d'hier n'avait pas tenu compte de certaines choses que vous espériez y voir et qu'elles pourraient peut-être faire partie du budget des dépenses à venir. Pourriez-vous nous donner des précisions ?

Je poserai en même temps une question à M. Adams. Vous pourrez ainsi répondre chacun à la question qui vous concerne. Vous semblez plutôt satisfait de bon nombre des annonces faites dans le budget et je ne me pencherai donc pas sur cet aspect. Vous avez parlé de certaines des innovations apportées, par exemple le fait de pouvoir faire des essais en ayant recours à des simulations par ordinateur, et de l'inefficacité de notre Loi sur la sécurité des véhicules automobiles. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet ? Pourriez-vous également nous dire si les fabricants d'automobiles sont actuellement en discussion avec le gouvernement pour apporter des modifications à cette loi ?

Mme Sally Rutherford: Je crois que notre principale préoccupation avait trait à un engagement à long terme en ce qui a trait à un programme de soutien au revenu en cas de désastre. À l'heure actuelle, c'est un programme de deux ans. Nous voulions obtenir un engagement à plus long terme qui donnerait un meilleur sentiment de sécurité aux agriculteurs et leur permettrait de mieux planifier. Je crois qu'on leur a un peu fait faux bond. Alors j'espère que cela se produira bientôt et nous continuerons d'ailleurs de le rechercher activement.

Mme Marlène Jennings: Croyez-vous que les provinces sont prêtes à participer et à s'engager à un programme de soutien du revenu en cas de désastre ? En général, ils y participent également.

Mme Sally Rutherford: C'est là l'une de ces magnifiques questions d'ordre constitutionnel. En fait, certaines provinces sont prêtes à le faire et d'autres non. Mais les agriculteurs désirent de plus en plus que le gouvernement fédéral prenne la direction et assume le rôle qui, à notre avis, lui revient et qu'il offre une certaine aide. On pourrait mettre sur pied un programme qui permettrait aux provinces de participer et d'apporter leur contribution. Mais il faut s'assurer que le gouvernement fédéral participe également et qu'il ne fait pas que tenir les agriculteurs en otage.

• 1005

Mme Marlene Jennings: Merci.

M. David Adams: Pour répondre à votre question, nous avons discuté de la situation avec les représentants de Transports Canada. Ils poursuivent leurs démarches et nous espérons que nous obtiendrons finalement une bonne réponse. Mais je crois que vous avez raison de dire que tout ce processus est un peu archaïque et nous essayons de nous adapter à la façon dont les tests peuvent être effectués de nos jours.

Mme Marlene Jennings: Il est évident que cela aurait des répercussions sur la productivité parce que si l'on peut faire une simulation par ordinateur du profil du consommateur pour répondre aux tests réglementaires, si cette mesure est acceptée, cela signifie que nous pourrons livrer la marchandise beaucoup plus rapidement au consommateur. On pourrait réduire le délai de développement du produit et tout le reste, comme l'octroi de permis, etc. Dans certains cas donc, c'est le gouvernement qui ralentit la productivité.

M. David Adams: C'est exact. Même les coûts reliés à une simulation d'accident sont très élevés.

La présidente: Merci, madame Jennings.

Monsieur Pickard, je vous prie.

M. Jerry Pickard (Chatam—Kent Essex, Lib.): Je vous remercie beaucoup madame la présidente.

Les deux industries que vous représentez sont très importantes pour moi et pour ma région du sud de l'Ontario, mais ma question portera plus particulièrement sur le domaine agricole. Monsieur Adams, vous pouvez prendre une petite pause pour l'instant.

Sally, je suis heureux de vous voir. Je sais que vous vous êtes vraiment portée à la défense de l'agriculture et vous êtes sans contredit une personne équilibrée qui s'est penchée sur les problèmes dans le domaine de l'agriculture depuis des années. Je crois que grâce à vous, la Fédération fait un excellent travail et c'est très important à mon avis.

Je vais vous dire comment je vois les choses maintenant. J'ai rencontré plusieurs agriculteurs de ma région qui m'ont dit qu'ils faisaient face à de nombreux problèmes. Bon nombre d'entre eux ont des problèmes immédiats qui revêtent une grande importance à court terme. Ils ne croient pas que le programme ACRA puisse répondre à leurs besoins. Deuxièmement, compte tenu de la situation actuelle au niveau des coûts et des prix, ils ont bien peur de ne plus être en mesure, d'ici un an ou deux, de faire face à la faiblesse des prix et aux difficultés qu'ils ont en ce moment.

Ils m'ont clairement fait savoir qu'à leur avis, nous devons adopter deux programmes distincts. Tout d'abord un programme à court terme qui comprendrait l'aide en cas de désastre et les marges d'imprévu en prévision des désastres qui pourraient survenir plus tard. Puis, un autre programme à plus long terme. Je crois que vous avez travaillé de près avec le ministre fédéral de l'Agriculture aux cours des ans pour examiner notre politique commerciale et ce que vous considérez comme important dans nos relations avec les autres pays. Il s'agit là d'une solution à long terme plutôt qu'à court terme, mais je crois qu'il est très important que nous la comprenions.

Où voulez-vous être à long terme ? Très franchement, je suis prêt à croire ce que vous nous avez dit plus tôt, c'est-à-dire qu'il existe des fonds et qu'il y en aura de nouveaux pour nous assurer que l'agriculture prospérera pour ceux qui ont de l'argent. Ces derniers peuvent résister aux situations difficiles à court et à long termes et cela peut devenir favorable. Mais pour ce qui est de ceux qui ont du mal à court terme, nous entendons très clairement leur message dans divers secteurs de l'agriculture au pays. Selon vous, que devrions-nous faire pour eux ?

Mme Sally Rutherford: Il me semble clair que des ajustements ont été apportés au programme ACRA en particulier au cours des derniers mois, dans le but de tenter de l'améliorer. Vous avez parlé de ma longue expérience. Je me souviens des programmes sur la sécheresse et sur les grains. Ils n'étaient pas parfaits ni l'un ni l'autre. Nous sommes tous humains. Je n'ai jamais vu un programme qui ait pu satisfaire tout le monde, tout particulièrement en ce qui a trait à leur application. Toutefois, je crois que nous pouvons continuer d'améliorer la façon dont le programme ACRA est appliqué.

Nous devons pouvoir compter sur un programme d'aide au revenu agricole en cas de désastre, quel que soit le nom que nous lui donnerons, et nous devons nous assurer que les règles qui régissent les programmes à plus court terme, ou les programmes les plus courants, le Compte de stabilisation du revenu net par exemple, fonctionnent mieux. Je crois que certaines améliorations ont déjà été apportées à ce programme. On a annoncé des nouvelles mesures au cours des quelques derniers jours. J'en ai entendu parler la semaine dernière je crois, au cours de ma rencontre annuelle, et j'espère que ces nouvelles mesures auront des effets positifs.

Il revient aux provinces de déterminer comment elles veulent dépenser les fonds connexes. Les agriculteurs devront s'entendre avec leur gouvernement provincial pour décider de la façon dont ces budgets seront dépensés et de la meilleure façon de le faire dans chaque cas. Je crois que c'est bien réel.

• 1010

Très franchement, je trouve un peu inquiétant de constater que nous en revenons à la situation qui prévalait au cours des années 80 en ce qui a trait à la concurrence entre les provinces au niveau des subventions—les provinces riches ont plus d'argent à dépenser que les autres—et de voir où tout cela nous a mené. Toutefois, je considère que la nécessité d'améliorer les programmes de soutien du revenu est une question très importante. De même, il est également très important que nous continuions de nous pencher sur la question des coûts des facteurs de production et de voir à ce que la situation soit concurrentielle à ce chapitre sur les marchés et à ce que la récupération des coûts n'entraîne pas trop de conséquences négatives sur le revenu des agriculteurs.

Les choses reviennent sans cesse. Nous avons étudié pendant un certain temps la question de l'étiquetage biotechnologique. Nous ne rejetons pas l'idée de l'étiquetage, mais nous aimerions bien savoir qui finira pas en défrayer les coûts. En réalité, il est très rare que ce soit le consommateur qui paie pour tout cela. L'agriculteur doit absorber une bonne partie des coûts.

L'une des choses que j'ai remarquées en me préparant à la rencontre d'aujourd'hui, c'est que les agriculteurs retirent généralement une moins grande partie du prix d'un repas pris au restaurant que ce que le serveur reçoit en pourboire. Je crois que cela peut vous donner une bonne idée de la situation actuelle et des genres de problèmes sur lesquels nous devons nous pencher.

La présidente: Monsieur Pickard, je vous prie.

M. Jerry Pickard: Pour rectifier un peu les données en ce qui a trait au programme ACRA, bon nombre de gens ont affirmé que même si on y avait apporté des changements, ce programme avait été conçu au départ pour l'industrie de la viande rouge et qu'il ne permet pas de régler certains des problèmes aigus que l'on constate un peu partout en ce qui a trait au faible prix des grains et des oléagineux. Que pourriez-vous faire dans votre collectivité pour adapter ou améliorer ce programme de soutien pour qu'il soit utile à une bonne partie des gens de l'industrie ? Si ce comprends bien, cela ne se fait pas à l'heure actuelle.

Mme Sally Rutherford: Je crois que ça commence. On a annoncé certains changements au cours des dernières semaines et il y en aura d'autres. De plus, le comité consultatif sur le filet de sécurité doit voyager au pays au cours des six prochaines semaines je crois pour entendre ce que les Canadiens ont à dire sur les changements précis qu'ils aimeraient voir. On tiendra une série de rencontres techniques dans le but de recueillir des recommandations de modifications qui pourraient aider à régler ces problèmes.

Nous devons entre autres nous rendre compte qu'il y a des ententes commerciales qui ont été conclues et qui doivent être respectées, et je ne crois pas qu'il y ait de différence à ce chapitre entre l'industrie de l'automobile, celle de la haute technologie ou l'agriculture. Que nous soyons d'accord ou pas, nous devons respecter ces règles ou en subir les conséquences, du moins pour le moment. Je ne suis pas certain d'ailleurs que nous soyons prêts à en subir les conséquences puisque cela pourrait entraîner de graves mesures de représailles. Les règles régissant tout programme de soutien au revenu en cas de désastre doivent être préparées de façon à ne pas donner lieu à des contestations ou des droits compensateurs.

Comme je l'ai déjà souligné, la situation évolue et les gens savent un peu mieux maintenant qu'il y a six mois ce que ces règles pourraient comprendre. Je suis persuadé que les gens feront tout en leur pouvoir pour rendre ce programme le plus efficace possible. Nous savons qu'il sera impossible de rejoindre tout le monde. Nous savons qu'il y a des gens qui en seront malheureusement écartés. Cela arrive dans tous les programmes. Dans cette optique cependant, il faut se pencher sérieusement sur ce que nous pouvons faire pour ces gens qui ne répondent pas aux critères. L'une des résolutions adoptées au cours de notre rencontre annuelle de la semaine dernière prévoit de demander au gouvernement fédéral de commencer à étudier la possibilité d'accorder le droit de retrait à ceux qui le souhaitent.

D'après moi, l'une des choses qui a changé depuis le début des années 80, c'est que les gens n'attendront pas nécessairement d'être au bord de la faillite pour se retirer. Ils prendront la décision de partir alors qu'ils ont encore une certaine valeur en main, mais ils auront toujours besoin d'une certaine aide. L'un des principaux problèmes, c'est que les agriculteurs sont des travailleurs autonomes et qu'une bonne partie des programmes d'assurance-emploi, de formation et autres ne s'appliquent pas à eux. Nous devons trouver une façon de régler ce problème pour leur garantir le même genre de filet de sécurité auquel les autres travailleurs ont droit.

La présidente: Nous devons passer à autre chose M. Pickard.

M. Jerry Pickard: Sally, je crois vraiment qu'il est important de comprendre que vous avez travaillé de près avec le gouvernement du Canada. Je vous félicite de tous vos efforts et je considère que c'est un important partenariat. Je vous remercie de vos efforts.

• 1015

La présidente: Je vous remercie monsieur Pickard.

Monsieur McTeague, la parole est à vous.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente. Monsieur Adams, voici la fin de votre récréation. J'ai quelques questions pour vous. Toutefois, si Mme Rutherford a quoi que ce soit à ajouter, qu'elle ne se gêne pas.

En ce qui a trait à la question générale de la productivité et des conséquences négatives de l'augmentation des coûts de l'énergie pour votre industrie, tout particulièrement si l'on tient compte de la nature et de l'importance de l'industrie automobile au Canada, si je regarde ce qui se passe dans nos principales usines, celle de St. Thomas où l'on produit les Crown Victoria, celle de Brampton, où l'on produit l'Intrépide, l'usine de camions d'Oshawa, celle d'Oakville qui produit des Windstar ou celle de Windsor qui produit des Caravan, il me semble, du moins au premier coup d'«il, que vous construisez des véhicules de plus grande plate-forme, qui sont très affectés par les problèmes dont vous avez déjà parlé au chapitre de la capacité financière et de l'argent dont les consommateurs disposent.

Certaines usines ont été la scène de manifestations la semaine dernière de la part des propriétaires de camions diesel qui protestaient contre l'augmentation des coûts énergétiques. Nous ne construisons pas la Focus, la Neon, ou la Cavalier, et ces usines de montage qui vous font concurrence construisent la Corolla, la Civic et la Sidekick ici en Ontario. Je crois que cela résume ce que j'avais à dire.

J'aimerais que vous nous fassiez part de vos commentaires sur les répercussions que tout cela entraînera pour votre industrie, quelles que soient les mesures que vous preniez et ce que vous pouvez réclamer, relativement à vos cinq conditions. Tout d'abord, il faut tenir compte de l'augmentation des coûts énergétiques qui ne sera probablement pas réglée de sitôt. J'aimerais que vous nous disiez quelles conséquences cela peut entraîner pour votre industrie dans le contexte de ce qui s'est passé dans l'industrie de Mme Rutherford lorsque le coût du propane a augmenté en flèche.

M. David Adams: En ce qui a trait aux coûts énergétiques, je crois qu'on peut dire que personne n'aime voir le coût de l'essence augmenter. Par contre, il y a une façon de modifier le comportement des consommateurs au niveau de leurs habitudes de conduite. Vous avez raison, nos sociétés ont tendance à construire des mini-fourgonnettes, des berlines intermédiaires et des camions. Ma réponse à cela, c'est que puisque nous opérons dans le contexte de la mondialisation des marchés, environ 90 p. 100 de la production, quel qu'en soit le fabricant ou qu'il s'agisse de Corollas ou de Civics, se retrouve aux États-Unis. Nous exportons donc toutes sortes de véhicules.

Cela pourrait vouloir dire, je suppose, si l'on voulait mettre au point un scénario dans lequel les prix de l'essence resteraient élevés pendant une longue période de temps, je ne sais pas exactement combien de temps cela pourrait prendre, que les consommateurs pourraient commencer à dire «Je ne veux pas continuer de payer 60 $ pour remplir mon réservoir d'essence, j'ai donc besoin d'un véhicule plus petit et plus économique.» Cela pourrait effectivement avoir des conséquences au niveau des mandats de production qui sont confiés à ces installations ou à la possibilité d'obtenir un nouveau mandat de production.

Pour ce qui est de la productivité, si cela ce produisait, cela pourrait entraîner un ralentissement des opérations des usines, parce que si la demande vient à faiblir, il est inévitable que la productivité s'en ressentira. Je crois qu'on pourra voir des usines qui sont actuellement parmi les meilleures en Amérique du Nord au chapitre de la productivité, perdre quelques plumes.

M. Dan McTeague: C'est très intéressant. Je suppose que votre association surveillera la situation de près.

Puisque je n'ai pas beaucoup de temps, j'aimerais passer rapidement à vos préoccupations en matière de changements climatiques. Bien que vous n'en ayez pas fait officiellement mention, je présume que, dans l'environnement commercial dans lequel fonctionne votre industrie, il est important de reconnaître que toute mesure unilatérale qui pourrait être prise pour ratifier le protocole de Kyoto avant les États-Unis pourrait avoir d'importances conséquences négatives sur l'industrie automobile canadienne.

C'est à mon avis un point très intéressant. C'est particulièrement intéressant dans le contexte des discussions que j'ai eues avec l'un de vos partenaires, M. Mark Nantais. Quand j'ai soulevé la même question en rapport avec le soufre, il m'a dit que ce n'était vraiment pas la même chose.

En ce qui concerne le soufre, pouvez-vous me dire pourquoi votre association a décidé d'agir avant les États-Unis, si nécessaire, mais que, pour la question plus générale de Kyoto, vous estimez important que le Canada assure une harmonisation avec les États-Unis?

M. David Adams: Ce que nous avons tenté de faire au Canada, c'est d'adopter une démarche pour vendre le plus rapidement possible sur le marché le carburant le plus propre possible. Tout le monde sait comment nous nous sommes pris au sujet du MMT. Il faut maintenant s'attaquer à la question du soufre dans le carburant.

Si je devais faire un commentaire sur un aspect dont j'aurais aimé que le budget traite, mais qu'il n'a pas fait, ce serait sur la réduction de la taxe d'accise sur le carburant propre, carburant privilégié par les fabricants de véhicules que nos sociétés affiliées ont présenté comme programme fondé sur le marché. Elles l'ont offert aux producteurs de pétrole et ont dit qu'il s'agissait de la norme et que s'ils respectaient cette norme, elles vendraient ce carburant sur le marché. Jusqu'ici, seule la société Irving Oil a accepté, mais nous discutons avec d'autres sociétés pétrolières. C'est un aspect dont nous aurions voulu que traite le budget. Je pense que cela rejoint également votre autre question au sujet des coûts élevés du carburant.

• 1020

La présidente: Merci beaucoup, monsieur McTeague.

Monsieur Murray, veuillez prendre la parole.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je voudrais prendre le relais sur la question du changement climatique. J'ai été frappé par le fait que vous proposiez que le Canada ne ratifie pas unilatéralement le protocole de Kyoto avant les États-Unis. Lorsque nous regardons ceux qui font preuve de leadership dans les lois sur les émissions, nous nous tournons habituellement vers la Californie. Je me demande pourquoi, dans le cas qui nous occupe, la Californie n'est pas déjà à la tête du mouvement et peut-être même plus qu'il n'est nécessaire. Je ne possède pas les connaissances de M. McTeague dans ce domaine, mais je sais que les législateurs de la Californie semblent tout disposés à imposer des restrictions très sévères sur les émissions. Pourquoi le Canada ne pourrait-il pas ratifier l'accord de Kyoto sans attendre les États-Unis, où la Californie montre habituellement la voie à suivre?

M. David Adams: C'est une bonne question. Je crois qu'il faut examiner les particularités de la Californie. Elle éprouve un problème environnemental particulier avec le smog, et le Canada est en passe d'affronter le même problème. Une grande partie de notre problème de smog ou de pollution vient des États-Unis et non du Canada. Si vous regardez la question de l'environnement en Californie, vous constaterez que ses règlements visent à s'attaquer au problème qui existe dans cet État.

Si vous examinez la question du changement climatique dans le protocole de Kyoto, et si vous avez lu certains articles parus dans la presse récemment, vous verrez qu'on y parle des conséquences pour toutes les industries dans n'importe quel pays. Oublions notre industrie. Eh bien, je présume qu'il faut songer à notre pays en particulier, en raison de ce qu'il a convenu. Ce n'est pas moins six, mais plutôt environ moins 25 ou moins 30.

Vous parlez des conséquences économiques non seulement pour notre industrie, mais également pour toutes celles du Canada. Cela n'est pas faire preuve de leadership. Ce serait une sorte de suicide économique que d'agir sans suivre de près au moins les États-Unis.

M. Ian Murray: En ce qui concerne l'industrie automobile, serait-il très difficile d'accepter essentiellement les lignes directrices californiennes au sujet des émissions, si les véhicules sont déjà construits selon ces normes?

M. David Adams: Je présume que la question revient à la quantité. Avez-vous la quantité voulue pour alimenter tout le marché? Je ne pense pas qu'il s'agisse de disposer de la technologie pour le faire. Il s'agit peut-être uniquement de la capacité de production nécessaire pour le faire et de savoir si cela est absolument nécessaire ou non au Canada.

M. Ian Murray: Je vous remercie.

La présidente: Merci, monsieur Murray.

J'ai quelques points à soulever.

Monsieur Adams, vous avez mentionné dans votre mémoire que les politiques fiscales d'un pays ont également un effet sur la productivité d'une chaîne de montage. Des discussions ont eu lieu, même hier soir, après la présentation du budget, puis aux informations et aux émissions qui suivent les informations. On a discuté d'une autre question. Vous dites que la structure d'imposition des entreprises n'est pas concurrentielle. Bien que notre impôt sur le revenu des entreprises soit peut-être plus élevé que dans d'autres pays, nos charges sociales sont moins élevées. Est-ce à dire que nous pouvons espérer la création d'un plus grand nombre d'emplois de toutes sortes au Canada?

M. David Adams: Je crois que vous avez raison. Il faut avoir une vue d'ensemble de la structure fiscale dans n'importe quel pays. Tout ce que je peux dire, c'est que le Canada doit être conscient de ce que font d'autres pays sur le plan global de la structure fiscale, pour veiller à ce que sa structure soit propice à des investissements dans les valeurs mobilières.

La présidente: Mais si nous réduisons les impôts sur les entreprises et que nos charges sociales sont déjà peu élevées, cela ne signifie-t-il pas que plus de Canadiens devraient avoir un emploi?

M. David Adams: Si vous regardez la série d'investissements qui ont été effectués ces quelques dernières années, vous verrez qu'ils ont peut-être un rapport avec ces questions. Des investissements ont été effectués non seulement dans nos sociétés affiliées, mais aussi chez certains autres fabricants au Canada, pour agrandir les installations existantes, pour élaborer de nouveaux mandats sur les produits et pour fonctionner par trois quarts de travail au lieu de deux. Cela rejoint peut-être les questions que vous soulevez.

• 1025

La présidente: Ensuite, dans vos diapositives, vous montrez les prévisions dans l'industrie automobile. Prévoyez-vous que les nouvelles budgétaires annoncées hier modifieront ces statistiques, de sorte que les ménages canadiens pourront également acheter de nouveaux véhicules?

M. David Adams: Pour être honnête, je crois que c'est en grande partie psychologique. Si on demande au consommateur ordinaire ce que les mesures annoncées dans le budget d'hier soir représentent pour lui en termes d'argent, j'ignore s'il pourra répondre. Mais je pense que c'est en grande partie psychologique, en ce sens qu'il sait désormais que le gouvernement réduit les impôts, ce qui est positif par rapport à une hausse d'impôts. Donc, qu'il s'agisse d'automobiles, de livres ou de tout autre produit de consommation, j'estime que le consommateur aura l'impression de disposer de plus d'argent pour acheter des produits et des services.

La présidente: Merci, monsieur Adams.

Je ne sais pas si Mme Rutherford pourrait répondre à cette brève question. Lorsque nous parlons des exportations de produits agricoles et de l'augmentation des revenus, selon certaines analyses, une augmentation des exportations de 1 milliard de dollars ferait automatiquement accroître le revenu agricole net d'environ 300 millions de dollars au Canada. Est-ce exact?

Mme Sally Rutherford: Je ne peux confirmer les chiffres exacts. Si on vend un produit, on obtient un profit. La question est de savoir en premier lieu combien la fabrication de ce produit a coûté. S'il a fallu payer 400 millions de dollars pour le fabriquer et qu'on l'exporte pour seulement 300 millions de dollars, il y a perte de revenu net.

La présidente: C'est là où je veux en venir. Actuellement, dans le secteur des grains et des oléagineux, nos exportations sont-elles rentables?

Mme Sally Rutherford: Je crois que cela dépend des produits qu'on essaie de vendre et où l'on cherche à les vendre. Les ventes de bétail sont acceptables, mais celles des grains sont très risquées.

Une des choses qui a rendu très difficile la tâche d'élaborer des programmes efficaces pour les gens, c'est que la situation de chacun diffère de celle des autres. On peut tenter d'élaborer un programme qui sera efficace dans l'ensemble, mais pour deux personnes qui possèdent la même quantité de terres et qui cultivent les mêmes récoles, il fonctionnera différemment, car ces personnes sont différentes et prennent des décisions différentes. Ce n'est pas une excuse. C'est simplement la réalité.

J'estime que les grains posent un vrai problème, et il ne disparaîtra pas. Comme je l'ai déjà dit, il est peut-être avantageux pour nous que les pourparlers à l'OMC soient quelque peu dans une impasse.

À mon avis, toute la dynamique change radicalement. Nous ne devrons pas simplement concurrencer les États-Unis et l'Europe. Il faudra rivaliser également avec l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud. Nous devrons concurrencer un grand nombre de pays auxquels nous exportions nos produits. La quantité de grains vendue sur le marché international est assez faible. Ces pays seront bientôt en mesure de vendre suffisamment de grains sur le marché que les choses commenceront à changer. Ce n'est pas mauvais. C'est juste différent. Il est bien de tenter de s'en prendre uniquement aux subventions accordées en Europe, mais nous devons admettre que cela n'est pas la solution à long terme et que nous devrons nous plier à différentes sortes de règles et les appliquer d'une manière différente de celle que nous avons connue par le passé. La vie devient de plus en plus complexe. Cela rendra peut-être les choses plus intéressantes pour ceux d'entre nous qui devront composer avec cela sur le plan administratif, mais cela rendra également la tâche beaucoup plus difficile pour les gens qui essaient de produire des récoltes et de gagner leur vie.

La présidente: De toute évidence, je suis d'accord sur bon nombre de vos observations.

Vous avez parlé plus tôt dans votre exposé de l'accès à Internet et aux lignes téléphoniques. Je me demande si la fédération saisit l'occasion de présenter des instances à Industrie Canada, qui est chargé des licences dans ce domaine. Je sais que certaines décisions seront prises vers le mois prochain, et qu'une grande question est à l'étude. Certains partisans ont proposé le remplacement des systèmes téléphoniques d'aujourd'hui par des systèmes de demain, entièrement numériques, ce qui serait avantageux pour les localités rurales éloignées. Participez-vous à cette étude pour tenter d'expliquer comment cette initiative pourrait aider votre industrie?

• 1030

Mme Sally Rutherford: Nous l'avons fait de temps à autre par le passé. Nous ne sommes pas inscrits sur la liste des gens avec qui communiquer. Un des autres aspects à cet égard, c'est que, effectivement, ces systèmes sont numériques et offrent des possibilités, mais, en ce moment, il faut encore se doter d'une tour pour capter le faisceau de rayonnement du satellite et le réorienter afin qu'ils fonctionnent. Personne ne veut investir dans ce genre d'infrastructure pour tenter de la faire fonctionner. Il existe encore bien des régions du pays, par exemple, les régions rurales éloignées, où il est impossible d'utiliser un téléphone cellulaire, tout simplement parce qu'on ne dispose pas de la technologie nécessaire. Les gens ne veulent pas investir dans des systèmes qui dépendent de satellites, car c'est trop coûteux.

Nous sommes un peu éloignés... pour les localités et les entreprises urbaines, c'est possible, car la quantité de services rend un tel investissement abordable. Les problèmes que nous avons à obtenir de bonnes routes, de bonnes écoles et de bons soins de santé dans les régions rurales valent également pour de bonnes lignes téléphoniques. Lorsque la population est très peu nombreuse, le coût par habitant augmente considérablement, la capacité de recueillir des profits diminue, et le problème persiste. Si nous avons l'occasion de nous entretenir avec les responsables d'Industrie Canada, nous serons heureux de le faire.

La présidente: Merci. Je vous remercie tous deux d'être venus ce matin. Nous avons bien aimé votre exposé. Si vous avez d'autres observations à faire, à la lumière du budget d'hier—et nous savons qu'il est tout nouveau—, sur la façon dont il pourrait toucher votre productivité ou votre compétitivité à l'avenir, nous aimerions vous entendre de nouveau.

Nous sommes très heureux d'accueillir notre prochain groupe de témoins. De l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, nous accueillons Jayson Myers, vice-président principal et économiste en chef. De l'Association canadienne des pâtes et papiers, nous accueillons Fiona Cook, vice-présidente, commerce international et relations gouvernementales; et Steve Stinson, directeur, questions de finances et d'affaires.

Je propose que vous fassiez tous deux vos déclarations liminaires, puis nous passerons aux questions. Je vais commencer dans l'ordre indiqué, avec M. Myers, à moins que vous ne vous soyez entendus autrement.

M. Jayson Myers (vice-président principal et économiste en chef, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente. J'ai pensé aujourd'hui tenter de vous expliquer, du point de vue des entreprises, comment les sociétés voient la question de la productivité et de la compétitivité, et parler un peu de la restructuration qui s'opère dans l'industrie canadienne. Je ne crois pas que la population ni bon nombre de gouvernements le comprennent.

• 1035

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada représente 3 500 entreprises à la fine pointe de la compétitivité et de l'innovation sur les marchés internationaux.

Nous avons des membres dans tous les secteurs d'activité et du milieu de l'exportation, et dans toutes les provinces du pays. Nous représentons les plus importantes entreprises canadiennes, mais plus de 85 p. 100 de nos membres sont de petites et moyennes entreprises. Ensemble, elles fournissent 75 p. 100 de la production industrielle du Canada et 95 p. 100 des exportations canadiennes et effectuent 90 p. 100 de la R-D dans le pays. Ces chiffres vous donnent une bonne idée du dynamisme de nos sociétés membres, qui s'intéressent de très près à tout ce qui touche à l'innovation, à la compétitivité et à l'amélioration de la productivité. Elles doivent s'y intéresser pour rester en affaires.

Pour parler au nom du secteur manufacturier en particulier, je dois dire que bien des critiques du libre-échange estimaient il y a 10 ans que ce secteur disparaîtrait. Beaucoup de gens ont dit que le Canada n'avait pas les moyens de s'offrir un secteur manufacturier, que l'ouverture des marchés à la concurrence, dans le cadre du libre-échange, entraînerait la disparition d'importants secteurs de l'industrie: les meubles, les vêtements, les textiles, les distilleries, la fabrication de vins et de bières, certains secteurs courants. En outre, bien des gens craignaient la disparition d'un grand nombre de secteurs de pointe.

Je suis très heureux de dire que toutes ces prédictions se sont révélées fausses. Même les économistes qui ont dit cela étaient dans l'erreur. En fait, le secteur manufacturier est le secteur le plus dynamique de l'économie canadienne, ayant créé plus de 400 000 emplois ces six dernières années. C'est le secteur où les activités de R-D et les investissements de capitaux sont les plus élevés. Nous voulons poursuivre sur cette voie.

L'amélioration de la productivité doit faire partie intégrante de toute stratégie commerciale du secteur industriel canadien d'aujourd'hui. À la suite de l'ouverture des marchés, de la vive concurrence internationale et de la surcapacité qu'affichent de nombreux secteurs dans le monde, il est tout simplement impossible pour les entreprises d'augmenter leurs prix à mesure qu'ils accusent une hausse de leurs coûts de production. C'est pour cette raison que l'inflation est relativement faible, mais que les coûts augmentent malgré tout. Dans ce contexte, la survie des entreprises passe obligatoirement par une croissance de la productivité.

L'industrie canadienne s'est justement engagée sur cette voie depuis 10 ans, en prenant deux mesures. La première a été la recherche d'un meilleur rapport coût-efficacité. Ainsi, les entreprises cherchent à réduire les frais généraux sous toutes leurs formes, en réduisant leurs stocks, en sous-traitant à moindre coût la production de biens et la livraison de services de plus grande qualité, en automatisant leurs systèmes de production et en réduisant les déchets, les défauts et le besoin de retravailler le produit, ainsi que les temps de mise au point.

Selon le jargon qu'emploient beaucoup d'entreprises, il faut accélérer la production. Cela signifie tout simplement qu'elles veulent accélérer le plus rapidement possible les procédés de production pour concevoir et fabriquer les produits et les livrer à leurs clients le plus tôt possible, avant la concurrence. Les entreprises réduisent également l'espace nécessaire pour fabriquer des produits en adoptant des systèmes d'automatisation très souples.

Pour réduire les défauts, bon nombre d'entreprises visent à atteindre le niveau «six sigma», soit un taux de perte de trois parties par million. Cet objectif change toute la perspective sur le rapport coût-efficacité et sur l'amélioration de la productivité, toute la façon dont les entreprises exploitent leurs procédés manufacturiers et font des affaires. Pour atteindre ce niveau, les entreprises doivent révolutionner le rendement de leur production.

Un deuxième élément s'ajoute à cela. Les entreprises estiment qu'il est facile de réduire les coûts, mais qu'il est beaucoup plus difficile de réinvestir pour prendre de l'expansion, ce qui s'impose dans toute entreprise. Les entreprises canadiennes ont pu réinvestir pour accroître la valeur de leurs produits, essentiellement grâce à la spécialisation.

Devant la concurrence effrénée des producteurs de masse américains et la faiblesse des coûts des producteurs du Mexique et d'autres pays en développement, les manufacturiers canadiens ont dû se spécialiser pour être concurrentiels sur les marchés mondiaux.

• 1040

Ils ont ajouté de la valeur en développant de nouveaux produits et de nouvelles technologies, en adaptant leur design, en mettant au point des produits comportant des applications plus spécialisées, en intégrant des services à leur mélange de produits et en visant les marchés à créneaux.

À mon avis, c'est ce type d'amélioration de la productivité qui explique la forte croissance que le secteur manufacturier du Canada a connue au cours des six dernières années. C'est ce qui explique que le secteur de la fabrication de meubles est considéré aujourd'hui comme un des plus importants secteurs à l'échelle mondiale. C'est ce qui explique que le secteur de la fabrication de meubles est devenu un des secteurs de l'industrie canadienne qui croît le plus rapidement. Et c'est un des secteurs qui, selon bien des critiques du libre-échange, allait disparaître.

Je ne veux pas trop parler des secteurs de fabrication types, parce que, bien sûr, nous assistons aussi à une forte croissance dans d'autres secteurs secondaires, notamment la technologie automobile et électronique ainsi que les télécommunications. C'est aussi extrêmement important, de nos jours. La croissance se fonde cependant sur la même idée d'innovation, de mise au point de nouveaux produits et d'adaptation des produits aux besoins des utilisateurs finals. C'est ce qui a permis cette croissance des emplois et de la fabrication. Comme je le disais, depuis 1994, on dénombre 400 000 nouveaux emplois nets.

Comme nous parlons de valeur ajoutée et de spécialisation, je dois aussi dire que beaucoup de personnes ont tendance à mettre l'accent sur la nouvelle économie, sur les nouveaux secteurs de nouvelle technologie dans le domaine de la fabrication, et ce sont certainement des secteurs très importants, surtout ici, à Ottawa. Mais c'est l'application de la nouvelle technologie qui a vraiment fait une différence pour l'ensemble du secteur de la fabrication canadienne, des pâtes et papiers au vêtement en passant par l'industrie automobile, le matériel électronique et les produits chimiques. C'est l'application de ces nouvelles technologies qui compte. Si vous voulez voir les effets de la nouvelle économie, il suffit de regarder sous le capot d'une voiture. C'est là que se trouvent les pièces électroniques, les systèmes de pointe, et c'est le produit par excellence comme exemple d'amélioration de la productivité et de l'application de nouvelles techniques de production de pointe.

L'industrie canadienne est réellement parvenue à un succès considérable dans ses efforts de restructuration en réponse aux défis du marché mondial, au cours des dix dernières années. Les entreprises ont accru leur productivité. Nous avons ajouté de la valeur aux produits que nous fabriquons. Nous nous sommes taillé un créneau sur le marché des exportations, du moins aux États-Unis.

Mais le problème que connaissent beaucoup d'entreprises est dû au fait que nos concurrents font encore mieux que l'industrie canadienne. Des études ont révélé que l'écart de productivité entre les industries canadiennes et américaines s'élargit. Elles ont révélé un écart grandissant dans deux industries, l'électronique et la fabrication de pièces d'électronique. Ce sont deux secteurs où l'écart s'élargit de plus en plus vite. Je pense que l'une des raisons de cela, c'est que ce sont deux secteurs des États-Unis où les investissements dans de nouveaux systèmes d'automatisation et de technologie de l'information ont été notablement plus élevés qu'au Canada. Le rythme de l'innovation est plus rapide aux États-Unis qu'au Canada.

Nous pourrions passer un certain temps à examiner les divers niveaux d'amélioration de la productivité secteur par secteur, mais l'essentiel de cet argument, c'est que, peu importe si nous sommes en retard ou en avance sur le plan de l'amélioration de la productivité dans les secteurs de fabrication, le défi, pour les fabricants canadiens, c'est de continuer à améliorer la productivité. C'est un but que nous devrions toujours viser, peu importe si nous sommes en avance, c'est-à-dire si nous acquérons davantage de parts de marché, ou en arrière, c'est-à-dire si nous devons livrer concurrence à des entreprises à la fine pointe du progrès sur les marchés mondiaux. Donc, de notre point de vue, l'amélioration de la productivité doit être une question prioritaire tant pour l'industrie que pour le gouvernement.

Il n'y a pas que sur le plan de l'amélioration de la productivité que nous tirons de l'arrière. Beaucoup d'autres indices de rendement industriel montrent un rendement qui tend à être moins bon qu'aux États-Unis ou dans plusieurs des autres grandes économies industrielles.

À la dernière page de mon exposé se trouve un diagramme. Je suis désolé de la piètre qualité de la reproduction, mais c'est tiré d'une série de diapositives que j'utilise assez souvent dans mes exposés sur le rendement industriel.

• 1045

L'idée, ici, est de représenter le rendement du Canada en relation avec les meilleurs du G-7, les grandes économies industrielles du monde, selon un certain nombre critères de rendement, sur une période de cinq ans, de 1994 à 1999. Il y a la croissance de la production industrielle, la croissance des exportations industrielles, la réduction du coût unitaire de la main-d'oeuvre, la réduction ou la croissance des prix de vente, l'amélioration de la productivité, la commercialisation de la technologie mesurée en nombre de brevets déposés par l'industrie canadienne sur les marchés extérieurs, les investissements dans la machinerie et l'équipement mesurés en pourcentage du PIB et le rendement en matière de R-D, encore une fois mesuré en pourcentage du PIB représenté par la R-D.

Le pays du G-7 ayant le meilleur rendement est représenté par la ligne extérieure de ce graphique. Le rendement du Canada, sur les cinq dernières années, relativement à chacun de ces critères, est représenté par la zone ombragée du centre.

Comme vous pouvez le voir, au cours des cinq dernières années, le Canada a fait des gains importants sur le plan de la productivité ainsi que pour la réduction du coût unitaire de la main-d'oeuvre. Bien sûr, c'est en grande partie attribuable à la chute du dollar. Nous enregistrons des gains importants au chapitre des exportations et de la production, mais nous tirons de l'arrière sur le plan de l'innovation, de l'investissement ainsi que de l'adoption et de la commercialisation de la nouvelle technologie. Je pense que c'est là où l'industrie canadienne doit vraiment se donner les moyens.

C'est instructif de demander à l'industrie elle-même quelles sont les principales barrières à l'amélioration de la productivité et aux efforts pour stimuler l'innovation et accroître la capacité de production.

Nous avons demandé à nos membres dans notre dernier sondage sur les questions de gestion quels étaient ces problèmes. Près des deux tiers des 504 entreprises qui ont répondu parlaient de ressources limitées, de contraintes financières comme étant leur plus grosse barrière à l'investissement dans l'innovation et l'amélioration de la productivité. Je pense qu'elles aussi se rendent bien compte qu'elles doivent faire ces investissements.

C'est plein de bon sens. Après tout, les bénéfices, c'est l'argent que les entreprises devront soit réinvestir dans la nouvelle technologie, les changements organisationnels, les cours de recyclage et la croissance des actifs, soit payer aux investisseurs qui ont déjà investi dans cette amélioration de la productivité, et je pense que c'est important.

Voyons notre rendement par rapport à celui des États-Unis. Les marges bénéficiaires de l'industrie après impôt sont actuellement plus élevées aux États-Unis de quelque 30 p. 100, par rapport au Canada. Les entreprises américaines investissement environ 33 p. 100 de plus dans les nouvelles technologies, la machinerie et l'équipement, par rapport au PIB, comparativement à leurs homologues canadiennes. C'est particulièrement vrai dans les deux secteurs clés où nous tirons de l'arrière en matière d'amélioration du rendement.

Ce ne devrait donc pas être surprenant que notre amélioration du rendement ait tiré de l'arrière d'environ 25 p. 100, au cours des cinq dernières années, et personne ne devrait être surpris non plus que les entreprises canadiennes semblent craindre davantage les risques que leurs concurrents des États-Unis.

Le deuxième obstacle majeur à l'amélioration du rendement, que 50 p. 100 de nos entreprises ont mentionné, c'est l'insuffisance de personnel qualifié et spécialisé. Il ne s'agit pas seulement de compétences traditionnelles dans le secteur de la fabrication, mais des compétences et de l'expertise en gestion de la fabrication, en ingénierie, en design, en marketing et en marketing international. Ce sont les nouvelles compétences en demande—la mise au point de logiciels et la technologie de l'information. Ce sont des compétences recherchées dans tous les secteurs de la fabrication au Canada, et pas seulement dans la fabrication de produits de haute technologie, mais aussi dans le domaine du traitement de haute technologie.

Le problème est dû en partie au fait que nous ne formons pas suffisamment de gens dans nos universités, collèges et programmes d'apprentis qui auront les compétences nécessaires dans le monde moderne de la fabrication, mais c'est aussi, encore une fois, bien sûr, une conséquence des restrictions financières des entreprises; elles n'ont pas les moyens d'augmenter aussi la formation au sein de l'entreprise.

• 1050

Comme je le disais, je ne veux pas donner l'image d'une industrie où rien ne se passe, parce que beaucoup de nouvelles très positives proviennent de ce secteur, mais nous avons des défis majeurs qui nous attendent, surtout que de plus en plus de nos clients dans le monde envisagent de s'approvisionner à l'échelle internationale. Nous devons nous assurer que nos plus petits fournisseurs ont la capacité de répondre aux nouveaux besoins, en fait de technologie et de nouvelles exigences, si l'on pense aux ressources en ingénierie et en design dont ils auront besoin.

L'industrie a beaucoup à faire pour se donner les moyens. Je ne veux pas dire que c'est entièrement un problème qui échappe à l'industrie. À dire vrai, je ne connais aucune entreprise qui ne considère pas l'amélioration de son rendement comme un élément extrêmement important. Je ne connais aucune entreprise qui ne fasse pas d'efforts pour accroître sa productivité en augmentant à la fois sa rentabilité et son niveau de spécialisation.

Mais ce n'est pas qu'un problème d'industrie. En réponse à ces deux contraintes majeures mentionnées par l'industrie, je pense que le gouvernement a un rôle à jouer en réduisant les impôts, qui font partie des frais généraux inévitables—en réduisant les impôts aujourd'hui, les impôts sur le capital qui pénalisent les entreprises quand elles investissent dans la technologie qui est nécessaire de nos jours pour accroître la productivité. Avec le régime fiscal, et même avec le budget d'hier, les taux d'impôt sur les sociétés et les taux d'impôt pour les fabricants demeurent au Canada beaucoup plus élevés que ceux de nos concurrents au Royaume-Uni, en Irlande, en Allemagne et dans beaucoup d'États des États-Unis, où il n'y a tout simplement pas d'impôt d'État. C'est un problème qui persiste, et c'est un problème avec lequel il faut toujours composer.

L'autre élément...

La présidente: Monsieur Myers, je vais devoir vous demander de conclure.

M. Jayson Myers: Je vais le faire.

L'autre élément, c'est l'infrastructure du savoir, l'éducation et le développement des compétences. C'est extrêmement important que le Canada, d'une part, forme des jeunes qui verront le secteur de la fabrication comme un secteur grandement prioritaire où ils pourront avoir une carrière intéressante et, d'autre part, forme des gens ayant les compétences et les connaissances requises dans le monde moderne de la fabrication, non seulement au Canada, mais dans le monde entier.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Myers.

Nous passons maintenant à l'Association canadienne des pâtes et papiers. Madame Cook, c'est à vous.

Mme Fiona Cook (vice-présidente, Commerce international et relations gouvernementales, Association canadienne des pâtes et papiers): Merci beaucoup, madame la présidente.

Tout d'abord, nous tenons à remercier le comité de nous donner la chance de témoigner aujourd'hui. Ce que nous espérons faire aujourd'hui, c'est convaincre les membres du comité que l'avenir est vraiment brillant pour l'industrie des produits forestiers canadiens, à condition que des politiques économiques tenant compte de la dimension internationale de notre milieu d'affaires soient en place.

Nous représentons une industrie qui exporte les trois quarts de sa production hors du Canada. La concurrence internationale est donc un élément clé pour l'avenir de l'industrie.

Nous voulons mettre l'accent sur trois domaines que nous jugeons essentiels pour le succès futur de l'industrie.

Premièrement, au sujet du régime fiscal, nous félicitons le gouvernement pour ses efforts de réduction des impôts, surtout quant à l'impôt des particuliers. Toutefois, nous nous opposons en faux à l'affirmation dans le budget que le régime fiscal canadien est concurrentiel à l'échelle internationale dans les secteurs des ressources et de la fabrication. Nous aborderons cette question plus tard. Je passerai la parole à mon collègue Steve Stinson à ce sujet.

Nous voulons aussi parler de la question du commerce. Compte tenu que nous avons un accès relativement libre au plus grand marché du monde, juste au sud de la frontière, on peut en arriver à croire que le libre-échange est pratiqué dans le monde entier, mais ce n'est pas le cas.

Troisièmement, nous voulons défendre l'efficience des marchés et faire valoir que des facteurs connexes et les liens qu'entretient cette industrie avec ce qu'on appelle la nouvelle économie doivent être reconnus. Jayson en a parlé tout à l'heure quand il a mentionné que c'est très bien de faire du Canada un endroit de choix en matière de haute technologie, mais qu'il faut aussi prendre en considération la base d'utilisateurs de cette technologie, parce que c'est elle qui permet à cette technologie d'exister.

Tout d'abord, je veux survoler quelques faits, juste pour insister sur l'importance de cette industrie dans l'économie canadienne. Les produits forestiers engendrent des ventes annuelles de plus de 50 milliard de dollars canadiens. C'est la plus grosse contribution dans la balance commerciale du Canada. En fait, sans cette industrie, la balance commerciale serait toujours déficitaire. C'est une industrie qui fournit plus d'un million d'emplois directs et indirects et qui fait vivre plus de 300 collectivités rurales d'un bout à l'autre du pays.

• 1055

Je veux souligner que, contrairement à la croyance populaire qui veut que les produits forestiers représentent une industrie déclinante, nous constatons que la demande mondiale de pâtes et papiers et d'autres produits forestiers continue à croître parallèlement à la croissance économique globale dans le monde. Avec l'avènement d'Internet et de ses différentes applications commerciales, on a entendu beaucoup de prédictions pessimistes, comme ce fut le cas lorsque l'ordinateur et les télécopieurs se sont répandus. En fait, Internet se révèle un complément à la demande de papier, plutôt qu'un substitut.

On le constate si l'on fait un survol des journaux nationaux ou locaux. La plupart des entreprises «.com» achètent des pages complètes de publicité pour inciter les gens à consulter leur site Web. Pour le commerce électronique, il faut plus d'emballage lors de la livraison des produits aux clients. Pour le moment, c'est donc un atout de plus pour l'industrie.

Donc, la question clé, ici, consiste à se demander si l'industrie des produits forestiers canadiens est en bonne position pour tirer parti de cette croissance future. En tant que plus gros exportateur de pâtes et papiers au monde, le Canada détient depuis toujours une part de 10 p. 100 de la demande mondiale.

Comme je l'ai déjà mentionné, avec le taux de croissance annuelle de 3 p. 100 attendu pour les 10 prochaines années, nous devrions voir la demande mondiale de papier s'accroître de 300 millions de tonnes par année. Elle devrait donc dépasser les 400 millions de tonnes par année. Cela voudrait dire que, si le Canada maintient sa part de toujours, nous devrons accroître notre capacité de son état actuel jusqu'à 30 ou 40 millions de tonnes. Nous ne croyons pas qu'une telle croissance soit probable, mais nous croyons que, malgré les faibles taux de rendement et les brèches que se sont taillées nos concurrents des autres pays, le Canada devrait être capable de s'approprier une partie de cette croissance future. Pour ce faire, il faudra faire certains changements fondamentaux à l'orientation de la politique économique du Canada.

J'ai déjà mentionné l'importance du maintien de l'accès à certains marchés à forte croissance du monde. Malgré la mondialisation des marchés, les producteurs de pâtes et papiers canadiens doivent toujours surmonter des barrières tarifaires aux États-Unis, et les marchés ayant le plus de potentiel de croissance sont l'Asie et l'Amérique latine. En fait, près de 10 millions de tonnes, ou le tiers de la production du Canada, sont toujours destinées à des régions où les droits de douane demeurent un problème. Nous croyons que, en moyenne, ces droits ajoutent un coût estimé à 20 $ la tonne aux cargaisons à destination de l'Asie, et de 50 $ la tonne aux cargaisons à destination de l'Amérique latine. Ces sommes représentent en fait toute la marge bénéficiaire de l'industrie.

Il s'agit là d'une estimation prudente, parce que cela ne tient pas compte du coût de renonciation, c'est-à-dire des ventes qui n'ont pas été conclues en raison de ces droits de douane.

Non seulement ces droits nuisent actuellement au commerce, mais il y a peut-être pire: ils permettent à des pays concurrents de développer une capacité importante grâce aux protections tarifaires, en particulier pour les produits à valeur ajoutée. Au fur et à mesure que de nouveaux concurrents envahissent les nouvelles économies émergentes et que la capacité européenne continue de croître, ce qui amène les producteurs européens à faire affaire sur les marchés internationaux, l'industrie canadienne doit faire de plus en plus d'efforts pour demeurer concurrentielle sur un marché mondial en rapide évolution.

Par conséquent, malgré l'échec de Seattle, nous encourageons le gouvernement du Canada à conserver la libéralisation des échanges au haut de sa liste de priorités et à continuer à prendre des initiatives, bilatérales ou multilatérales, au moyen de tribunes comme le Forum de coopération Asie-Pacifique et la Zone de libre-échange des Amériques, qui est actuellement en voie de développement.

Le deuxième point que nous voulons aborder est la question des impôts, et je laisse cette question à Steven Stinson.

M. Steve Stinson (directeur, Questions de finances et d'affaires, Association canadienne des pâtes et papiers): Bonjour. L'un des éléments fondamentaux qu'il faut examiner en vue d'améliorer l'attrait du Canada en tant que base d'investissement et d'augmenter constamment sa productivité, c'est le régime fiscal. Nous constatons que c'est l'un des moyens que nous pourrions employer pour créer un avantage fondamental pour l'économie canadienne—un régime fiscal concurrentiel à l'échelle internationale.

Le ministre des Finances l'a reconnu dans son budget d'hier. Il a offert de multiples réductions d'impôts, tant pour les particuliers que pour les sociétés. Malheureusement, nous avons l'impression que l'industrie des produits forestiers et le secteur de la fabrication en général ont été laissés pour compte. Il y avait bien peu de choses pour eux dans ce budget.

C'est une erreur de faire fi de l'importance d'avoir un régime fiscal concurrentiel pour les industries capitalistiques axées sur les exportations comme les pâtes et papiers.

• 1100

Notre rapport renferme un tableau où sont comparés les taux d'imposition des producteurs de papier par pays. Le fait est que nous sommes les plus taxés. Nous sommes confrontés à un taux d'impôt réel de 73 p. 100. C'est le résultat combiné du régime fiscal pour les entreprises et du régime fiscal pour les particuliers. La question est donc de savoir comment s'y prendre pour améliorer la compétitivité de notre régime fiscal en général et plus particulièrement en faveur des industries manufacturières capitalistiques comme celle des pâtes et papier.

Ce n'est pas la première fois que nous attirons l'attention sur l'impôt des particuliers. Ce qui nous préoccupe ici, c'est que les taux d'impôt marginaux élevés, surtout dans le cas des employés qui gagnent le plus, constituent un facteur essentiel dans le coût du capital. Selon l'étude dont il est question dans notre rapport, l'écart de près de 11 p. 100 qui nous sépare des États-Unis comme lieu d'investissement s'explique par les différences observées en ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers. Certes, certains changements prévus dans le budget nous réjouissent, notamment les mesures visant à réduire le taux d'imposition intermédiaire ou touchant la réintroduction de l'indexation, mais rien n'a été fait au chapitre des taux d'impôt marginaux élevés. Voilà qui ne va pas améliorer notre coût du capital.

Le deuxième point a trait à la réduction des impôts non fondés sur le bénéfice. Lorsqu'il s'agit d'évaluer le fardeau fiscal des sociétés, on fait fausse route si on se limite aux taux d'impôt des sociétés. Ils ne représentent qu'une infime partie du fardeau fiscal total, qui s'élève à 26 p. 100 en ce qui nous concerne. Par conséquent, il faut également prendre en compte tout ce que nous versons en plus aux divers ordres de gouvernement—les provinces, les municipalités et le gouvernement fédéral—puisque c'est là que réside en grande partie de notre problème.

Ainsi, on parle beaucoup du taux censément préférentiel dont bénéficie le secteur manufacturier en vertu de la réduction de l'impôt pour bénéfices de fabrication et de transformation. En revanche, on parle peu de l'incidence ou de l'impact négatif des impôts sur le capital sur les industries capitalistiques comme celle des pâtes et papiers. Étant le secteur qui a les immobilisations les plus élevées au pays, l'industrie des pâtes et papiers écope davantage. En outre, le fait qu'une bonne partie de ces impôts soient fixes, qu'ils ne soient pas fonction du revenu, accentue le caractère cyclique de la rentabilité de l'industrie des produits forestiers et empêche celle-ci de maintenir des emplois en périodes de ralentissement à cause des problèmes de liquidités. On n'a pas besoin de cela.

Un mot sur les efforts de recouvrement des coûts du gouvernement fédéral. Nous déplorons que cette mesure ne soit appliquée qu'aux services sur lesquels on peut facilement prélever un droit. Il faudrait examiner la situation de plus près. De plus, le programme, dans sa forme actuelle, n'est pas des plus efficace et ne correspond pas aux attentes des utilisateurs. Il nous faut reconnaître que les services de qualité offerts par le gouvernement comptent pour beaucoup dans la capacité de notre pays de demeurer compétitif et d'améliorer sa productivité.

Notre troisième point a trait à l'élimination des impôts sur le capital. Nous constatons que les impôts sur le capital sont inutiles et constituent un frein à l'innovation.

Le secteur des produits forestiers, comme je l'ai mentionné, est l'industrie qui a les immobilisations les plus élevées au pays. En fait, le quart des dépenses en capital annuelles en machinerie et en équipement au Canada lui reviennent. Or, l'innovation dans le secteur forestier passe surtout par l'acquisition de technologie. Il est donc essentiel que les niveaux d'investissements voulus soient là, puisque que notre capacité de soutenir la croissance et le maintien des emplois dans le secteur forestier en dépend.

Le type d'investissement choisi par l'industrie revêt également une importance capitale. À l'heure actuelle, les encouragements favorisent une approche extrêmement prudente et progressive du capital-actions en main. Il nous faut cesser de copier ce que les autres font et créer un avantage durable quelconque en effectuant de nouveaux investissements dans de nouvelles technologies.

Il nous faut donc nous pencher les encouragements actuels. Selon nous, la restructuration de ces encouragements serait une bonne façon d'encourager de nouveaux investissements. Nous suggérons des mesures telles que l'amortissement fiscal accéléré ou des crédits d'impôt à l'investissement. Car il faut bien reconnaître que de tels investissements jouent un rôle capital dans le maintien de notre compétitivité certes, mais ils constituent également un facteur clé du développement de nos industries de la technologie de pointe.

• 1105

Enfin, au chapitre de la politique économique globale, je dirais qu'il est très dangereux de choisir des préférés. Nous sommes passablement préoccupés par le fait que l'on parle constamment de la nouvelle économie sans s'efforcer de trouver un équilibre entre les secteurs traditionnels et les secteurs axés sur la nouvelle économie. J'estime que la négligence des secteurs de ressources et leur déclin relatif expliquent en grande partie le piètre rendement de certains secteurs de haute technologie qui sont fortement axées sur la connaissance.

En ce qui concerne l'approche adoptée par le gouvernement, le soutien accordé à ces industries porte essentiellement sur les facteurs liés à la demande. Le budget d'hier soir prévoit, entre autres, des crédits d'impôt à la R-D fort généreux. De nouvelles dépenses ont également été prévues au chapitre de la R-D. Mais, à mon avis, il nous faut également prendre en compte les facteurs liés à la de demande et nous demander qui achète cette technologique. Si personne ici n'achète la technologie, pourquoi ces industries voudraient-elles s'installer chez nous?

Comme je l'ai mentionné, une bonne façon d'encourager le développement de ces industries, ce serait d'abaisser le coût du capital pour les secteurs capitalistiques comme celle des pâtes et papiers, et cela, en éliminant les impôts sur le capital et en introduisant de nouveaux encouragements destinés à attirer des investissements.

Si l'industrie forestière est en bonne posture, la nouvelle économie ne s'en portera que mieux, de même que le niveau de vie des collectivités qui en dépendent pour vivre. Pour cela, il nous faut renforcer ces liens en instaurant une politique qui vise à faire du Canada un endroit privilégié pour les entreprises de produits forestier du monde.

La présidente: Je vous remercie beaucoup. Nous passons maintenant aux questions.

Monsieur Penson, vous avez la parole.

M. Charlie Penson: Merci. Je souhaite la bienvenue aux membres du groupe. Je suis heureux de vous revoir.

Plusieurs thèmes très forts ressortent du groupe ce matin: au chapitre de la compétitivité, le Canada est en retard par rapport à ses principaux partenaires commerciaux, les grandes économies des autres pays membres du G-7; notre taux d'imposition doit être concurrentiel si nous voulons pouvoir soutenir la concurrence; et il faut cesser de choisir les éventuels gagnants et perdants sur le marché. L'industrie minière nous tient à peu près le même langage. On a l'impression que le gouvernement canadien a décidé que l'industrie minière était irrécupérable. Or, l'industrie affirme qu'elle se porte bien et qu'elle se porterait encore mieux si la politique du gouvernement ne venait pas lui causer du tort dans bien des domaines.

Vous avez touché un mot d'un budget d'hier. Étant donné que vous avez fait valoir ce matin que nous étions loin derrière certains de nos concurrents et que vous avez eu l'occasion de jeter un coup d'oeil à ce budget, j'aimerais avoir une évaluation. La Chambre de Commerce du Canada a publié un communiqué à ce propos ce matin. Je vais lire ici quelques extraits. Voici ce qu'a écrit la Chambre de Commerce du Canada:

    Bien que le gouvernement fédéral mérite les félicitations du pays pour avoir enfin jeté un regard sérieux sur [...] le fardeau fiscal, les Canadiens devraient s'inquiéter du fait que les dépenses constituent la première priorité du budget [...]

Elle ajoute:

    Le budget comprend de nombreuses mesures positives, mais il échoue dans l'établissement d'une réorientation fondamentale de la politique budgétaire [...]

Vu qu'une bonne partie des problèmes auxquels nous sommes confrontés en matière de réinvestissement et de compétitivité semblent avoir trait à des facteurs liés à la confiance—la nécessité de se doter d'une quelconque orientation pour attirer de nouveaux investissements dans nos industries—quelle évaluation faites-vous—et je ne veux parle pas de la projection quinquennale parce cela rappelle trop les plans de l'ex-Union soviétique—des résultats des prévisions budgétaires pour le prochain exercice financier? En quoi, selon vous, tout cela va-t-il aider votre industrie qui est nettement désavantagée sur le plan de la concurrence, comme vous l'avez expliqué ce matin?

Le président suppléant (M. Ian Murray): Qui veut commencer?

M. Jayson Myers: Je vais répondre à la question, mais il faut savoir qu'à certains égards il est difficile de dissocier ce que le gouvernement a annoncé pour le prochain exercice financier de son plan quinquennal. Je pense que l'industrie et le monde des affaires dans leur ensemble souhaitent que le gouvernement modifie immédiatement son régime fiscal certes, mais ils souhaitent également qu'il les renseigne sur l'orientation qu'il entend prendre.

• 1110

En exposant cette orientation, je pense que le budget contribue à renforcer la confiance des entreprises. Nous avons été surpris de voir jusqu'où le gouvernement était prêt à réduire le taux général de l'impôt sur le revenu des sociétés. Une réduction de sept points de pourcentage du taux général, échelonnée sur cinq ans, c'est beaucoup plus que ce que nous espérions. La réduction d'un point de pourcentage au cours du prochain exercice est une bonne chose. Je pense que c'est le genre de chose qui permet d'espérer d'autres réductions à venir. Bien entendu, ces mesures s'étendent sur cinq ans et il peut se passer bien des choses dans l'intervalle.

Si vous me demandiez quel impact ces réductions immédiates auront pour les industries manufacturières dans leur ensemble, je vous répondrais qu'il sera minime. Il existe quatre grands économiques où une politique fiscale doit intervenir pour renforcer le rendement. Le premier, c'est l'érosion du revenu du consommateur. Il n'est pas surprenant que plus de 65 p. 100 de la production manufacturière de notre pays soit aujourd'hui exportée. C'est en partie en raison de la présence d'un fort marché américain, mais cela s'explique également par la faiblesse de notre marché intérieur. Le revenu moyen au Canada, après impôt, après inflation, a baissé de 10 p. 100 depuis 1989.

La politique fiscale doit viser à stimuler la dépense de consommation. C'est un facteur très important pour le maintien des entreprises canadiennes au Canada. Il faut se doter d'un bon marché intérieur et non pas toujours lorgner le marché américain, car à ce compte-là nos entreprises vont préférer aller s'implanter aux États-Unis. On ne saurait sous-estimer le pouvoir d'attraction actuel du marché américain. Je considère la politique fiscale comme un levier très important pour lutter contre cet attrait qui s'exerce sur le marché et les investissements.

Le budget fait état de mesures visant à réduire les taux d'imposition des contribuables à revenu moyen en relevant les seuils. Nous aurions aimé que les seuils soient relevés encore davantage, mais cette mesure finira par se faire sentir sur le revenu des consommateurs et devrait contribuer à atténuer certains des problèmes en présence dans ce dossier.

Je suis préoccupé quant aux trois autres problèmes. C'est notamment le cas de la fuite des cerveaux qui se traduit davantage par l'exode de notre capital d'entreprise et de nos entrepreneurs vers les États-Unis. Le deuxième problème a trait à notre capacité d'attirer des investissements au Canada. Notre part des investissements étrangers directs dans le monde est passée de 11 à 4 p. 100 au cours des 15 dernières années, alors même que la part des Américains a augmenté.

Le troisième problème est celui invoqué par Steve. Quel genre d'encouragements les secteurs capitalistiques de l'industrie—ceux-là même qui créent le plus d'emplois au pays—reçoivent-ils pour investir dans les nouvelles technologies, la nouvelle économie? C'est là que sera utilisée toutes ces technologies. Je pense que c'est là que le budget laisse à désirer.

Steve a raison quand il dit que le taux d'imposition des sociétés reste non concurrentiel pour les industriels. Rien n'a été fait en ce qui concerne les impôts sur le capital, et les impôts provinciaux sur le capital restent beaucoup plus élevés qu'au palier fédéral. Pour la Colombie-Britannique, taxer les investissements effectués dans les nouvelles technologies n'a aucun sens dans un monde où les investissements dans ces technologies constituent un facteur déterminant.

Tels sont, à mon avis, les trois grands dossiers auxquels ce budget ne s'attaque pas.

La présidente: Monsieur Penson, vous avez posé une question et on met beaucoup de temps à obtenir une réponse complète, je vais donc céder la parole aux représentants de l'industrie des pâtes et papiers.

M. Steve Stinson: Comme je l'ai mentionné, nous avons été déçus par le budget parce que la réforme de l'impôt des sociétés se fait en catimini et n'implique pas le secteur manufacturier.

• 1115

En ce qui concerne vos observations sur les prévisions de dépenses, je dirais que chaque budget nous a appris à prendre tout cela avec un grain de sel. C'est là une de nos préoccupations face au processus budgétaire et c'est pour cette raison que nous doutons que les réductions d'impôt finissent un jour par se faire sentir dans le secteur manufacturier.

À chaque budget, les dépenses ont tendance à être rajustés à la hausse. Je ne connais pas les détails, mais je suis sûr que les dépenses engagées au cours de l'exercice écoulé seront supérieures à ce qui avait été prévu. Les dépenses prévues pour le prochain exercice afficheront une augmentation modérée jusqu'à ce que les chiffres réels soient disponibles. Il nous faut veiller à ce que les dépenses que le gouvernement consent servent à renforcer la capacité de l'économie canadienne de soutenir la concurrence sur le marché international.

Je pense que les Canadiens sont soucieux de l'efficacité et de la qualité des nombreux services gouvernementaux qui sont offerts, et ce n'est pas nécessairement une question d'argent. Il s'agit pour les instances politiques supérieures de déterminer quelles ressources seront contrôlées par le gouvernement et quelles ressources seront contrôlées par le secteur privé, mais il n'est pas certain que nous en ayons pour notre argent.

M. Charlie Penson: J'ai ici une autre petite question pour les deux groupes.

N'avons-nous pas également affaire à une cible mobile quand on réduit les impôts—la réduction annoncée est modeste, mais c'est mieux que rien—, d'autres pays ne sont-ils pas en train de réduire leurs taux d'imposition? À ce compte-là, n'est-ce pas plus difficile pour nous qui devons en faire davantage? Il nous faudra poursuivre dans cette voie si nous voulons rester dans le match.

M. Steve Stinson: À coup sûr, et à mon avis, le budget d'hier est une réponse à la situation qui prévalait il y a trois ans, à l'époque où a été publié le rapport sur l'impôt des entreprises. Il mentionnait que les taux d'imposition des industriels étaient essentiellement concurrentiels avec ceux des États-Unis et d'ailleurs. Mais vous avez raison, c'est un cible mobile.

Il y a plusieurs semaines, j'ai assisté à une conférence sur la politique fiscale où a pris la parole Jack Mintz. Selon lui, un écart important se creuse en ce qui concerne le traitement des secteurs manufacturiers et des sociétés en général. Voilà qui est préoccupant. On essaie ici de faire du rattrapage, et ce n'est pas ainsi qu'on va créer un avantage concurrentiel sur le plan fiscal pour l'économie canadienne.

La présidente: Merci, monsieur Stinson.

Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Myers?

M. Jayson Myers: Non.

La présidente: Je vous remercie beaucoup, monsieur Penson.

Madame Jennings, vous avez la parole.

Mme Marlene Jennings: Merci, madame la présidente.

Je vous remercie beaucoup de vos exposés. J'ai raté le début, mais j'ai lu les trois documents qui ont été distribués.

Vous avez signalé certains problèmes que vous auriez aimé que le budget d'hier aborde. Vous avez également signalé certains des problèmes abordés. Il y a, par exemple, le rétablissement de la pleine indexation à compter du 1er janvier 2000. Je pense que c'est une mesure qui nous aidera à combler le fossé entre les consommateurs canadiens et les consommateurs américains, si l'on se compare aux États-Unis, parce que nous étions de plus en plus en retard dans ce domaine. Il y a aussi l'abaissement du taux marginal d'imposition sur le revenu des particuliers; une réduction et l'élimination de la surtaxe de 5 p. 100; de même qu'un relèvement des niveaux de revenu au-delà desquels les taux marginaux d'imposition s'appliquent. Vous n'avez peut-être pas eu le temps de vous penchez sur les tables actuarielles et tout le reste, mais j'ai le sentiment que ce sont là des mesures très positives.

En ce qui concerne les entreprises, il y aura abaissement progressif et échelonné du taux d'imposition des sociétés. Mais une des choses dont vous avez parlé je pense—et d'autres l'ont fait également—concerne le fait que, dans certains cas, nos politiques fiscales et une quelconque de nos lois viennent freiner les progrès accomplis dans un domaine. À cet égard, vous avez invoqué la nécessité de taux d'amortissement plus rapides afin de tenir compte des changements qui interviennent et de la rapidité avec laquelle ils se produisent, qu'il s'agisse des avancées technologiques, des machines, etc, vu que la durée de vie d'une pièce est beaucoup plus courte que ne le prévoient les taux d'amortissement.

• 1120

Avez-vous du moins le sentiment que même s'il n'est en pas question expressément dans le budget, il y un domaine où le gouvernement peut intervenir, puisqu'il a clairement annoncé son intention de rendre nos entreprises, notre secteur privé, plus concurrentiels à court terme? Et par «court terme», j'entend d'ici cinq ans au maximum.

Souvent, une déclaration générale est faite. En fait, aucun programme n'est annoncé dans le budget, mais un an ou 18 mois plus tard, une nouvelle politique voit le jour. L'opposition se plaint parfois que cela ne figurait pas dans le budget, mais c'est parce que la mesure ne pouvait pas être annoncée dans une déclaration de principe générale. Donc, avez-vous le sentiment que ça pourrait être le cas et que nous, les simples députés, nous devrions faire en sorte que cela se réalise?

M. Jayson Myers: Je vous dirai d'abord que nous nous sommes étions très heureux des dispositions du budget concernant la déduction pour amortissement qui considèrent le matériel de fabrication comme étant une catégorie à part. Je pense que cette mesure conférera une plus grande flexibilité aux sociétés et qu'un taux d'amortissement plus rapide sera une bonne chose.

Dans toute l'industrie, vous trouverez des secteurs capitalistiques qui ont mis en place des processus de production. Les produits chimiques en sont une bonne illustration, les pâtes et papiers également, de même que les métaux primaires par exemple. La durée de vie de leurs machines est de beaucoup plus longue que celles que l'on trouve chez les fabricants de matériel électronique par exemple, où le taux d'obsolescence avoisine deux ans. Mais dans le secteur manufacturier, si on ne tient pas compte du taux d'obsolescence de la machine, le temps pendant lequel l'entreprise espère pouvoir faire assez d'argent pour compléter le remboursement, c'est deux ans et demi.

Je pense donc que tout ce qui pourrait accélérer le taux de radiation pour qu'il soit plus conforme à l'usage de l'appareil—l'obsolescence d'une machine n'est pas l'unique raison pour laquelle une entreprise peut cesser de l'utiliser—serait une bonne chose et encouragerait davantage les investissements productifs.

Mme Marlene Jennings: Tout à fait, et nous pourrions alors augmenter notre part des investissements étrangers directs.

M. Jayson Myers: Je n'en suis pas si sûr.

Mme Marlene Jennings: Vous n'êtes pas de cet avis.

M. Jayson Myers: Ce serait bien davantage un encouragement pour l'investissement des capitaux, pour l'investissement productif, pour les entreprises au Canada. Ce serait un bon argument pour convaincre les investisseurs étrangers de placer leur argent au Canada, mais ce n'est pas le seul. Cela aiderait, mais je ne crois pas que cela serait suffisant.

Mme Marlene Jennings: Dans notre société de plus en plus complexe, la solution ne se résume jamais à une seule chose. Il y a une série de solutions qui forment un tout et cela en ferait partie.

M. Jayson Myers: Cela aiderait.

Mme Marlene Jennings: Madame Cook.

Mme Fiona Cook: À propos de solutions, si on considère l'accélération des taux d'amortissement dans un contexte plus large—le protocole de Kyoto par exemple—, notre industrie a déjà réalisé des progrès importants en vue de réduire notre dépendance vis-à-vis les combustibles fossiles. Mais pour aller plus loin, pour boucler la bouche, si vous voulez, il nous faut disposer de taux d'amortissement plus rapides pour recourir à la nouvelle technologie.

Mme Marlene Jennings: Monsieur Stinson, vous avez des commentaires à faire?

M. Steve Stinson: Sur le plan macro, le Canada est en retard par rapport aux États-Unis en matière d'investissement commercial, et tout ce qui encouragerait cela serait le bienvenu. Un des défis que se posent à l'industrie des pâtes et papiers, ce sont les anciennes machines à papier qu'on a tendance à conserver longtemps. Il y a plusieurs raisons à cela. Il est, entre autres, très coûteux de monter une usine de pâtes et papiers de nos jours, de sorte qu'on essaie de conserver son capital, surtout que les cours n'ont pas été très favorables, du moins jusqu'à tout récemment. Il y a d'autres pressions qui s'exercent, outre le coût de l'investissement, notamment à l'échelon provincial. Il est très difficile de fermer une de ces installations pour la remplacer par une nouvelle.

• 1125

Parmi les moyens à mettre en oeuvre pour rendre l'industrie moins orientée vers les produits et plus concurrentielle, il y a l'encouragement à accélérer le cycle de remplacement de son capital-actions existant. L'introduction de taux d'amortissement plus rapides et l'octroi de crédits fiscaux à l'investissement pousseraient l'industrie dans cette direction, ce qui serait très bénéfique à mon avis.

Mme Marlene Jennings: Y a-t-il quelque chose que nous pourrions faire en matière de R-D qui ferait du Canada un endroit plus intéressant pour y investir dans ce domaine?

M. Steve Stinson: Oui. C'est là-dessus que nous voulons mettre l'accent dans le secteur des produits forestiers. Si nous affectons la plupart de nos investissements à la modernisation des usines existantes sans pousser l'aspect technologique, nous nous acquerrons le nécessaire de fournisseurs d'autres pays—vu que l'industrie d'approvisionnement en matériel appartient à des intérêts étrangers.

S'il y avait au Canada de nouvelles entreprises qui investissent dans ces nouvelles technologies, leur présence se ne se limiterait pas à la vente. Il y a également beaucoup d'autres technologies d'appoint, de contrôles de procédés, etc., dont les petits fournisseurs canadiens pourraient doter les grandes installations clés en main, mais c'est critique.

Cela vaut, je pense, pour la nouvelle technologie en général. Tant que nous ne réussirons pas à accroître la demande ici, tant que la masse critique fera défaut, ce développement se fera ailleurs. Dans le domaine du commercer électronique par exemple, on fait affaire aux États-Unis parce que c'est là que le marche se développe le plus rapidement. Il existe bien une présence ici, mais ces gens-là s'installent à proximité de leurs clients.

La présidente: Monsieur Myers.

M. Jayson Myers: Je voudrais faire écho aux propos que M. Stinson a tenus concernant la R-D. Un des facteurs les plus importants pour encourager le développement et la mise en oeuvre des nouvelles technologies au Canada est la constitution d'une forte base de clients ici. D'où l'importance de créer un bon environnement, non seulement pour attirer les investissements étrangers, mais également pour maintenir ici les investissements canadiens et pour encourager les investissements dans les biens d'équipement, où tout relève de la haute technologie aujourd'hui. Personne n'investit dans des technologies périmées.

L'autre aspect, c'est que nous avons un système de crédits d'impôt pour la R-D qui est un des plus attrayants au monde, et il y a eu une énorme amélioration dans ce domaine, mais même à cela nous sommes en retard par rapport à d'autres pays.

Un des problèmes liés au système de crédits d'impôt pour la R-D tient au fait qu'il y a beaucoup d'incertitude qui entoure les règles régissant ce système et ses modalités d'application. C'est un dossier auquel Revenu Canada—et maintenant la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada—s'est attaqué pendant deux ans, mais il reste encore beaucoup à faire parce que les entreprises ont de moins en moins confiance au système.

Je sais que bon nombre de petites entreprises ne réclament pas le crédit fiscal pour la R-D à cause des problèmes bureaucratiques auxquels elles sont confrontés, à cause des problèmes administratifs qu'elles rencontrent et aussi parce que les règles semblent changer tous les jours, si bien qu'elles ne savent pas où se situe le point zéro.

Mme Marlene Jennings: C'est vrai que la situation change constamment.

M. Jayson Myers: Tout à fait. Il faut que cela change si on veut que ce bon système de crédits d'impôt donne les résultats escomptés.

La présidente: Je vous remercie beaucoup.

[Français]

Monsieur Dubé, s'il vous plaît.

M. Antoine Dubé: D'abord, j'ai une question pour M. Myers. Vous dites que votre industrie a créé 400 000 nouveaux emplois, mais je n'ai pas vu quel était le nombre total d'emplois dans votre secteur. Quel est-il?

[Traduction]

M. Jayson Myers: Environ 2,4 millions de Canadiens travaillent dans le secteur manufacturier. Ce nombre est réparti à peu près comme ceci: la moitié en Ontario et le quart au Québec. Les provinces des Prairies, l'Alberta en particulier, possèdent une bonne assise manufacturière. Elles représentent environ 13 p. 100 du reste.

• 1130

[Français]

M. Antoine Dubé: Quelle est la provenance de ces 400 000 emplois? Est-ce surtout en Ontario? D'où est venue l'augmentation la plus rapide?

[Traduction]

M. Jayson Myers: La plus forte croissance dans ce... C'est difficile de considérer les tendances de l'emploi dans le secteur manufacturier au niveau régional ou sectoriel parce qu'il y a eu une très forte croissance à tous les niveaux. Il est plus important d'étudier des cas particuliers. Cela relève des décisions gestionnelles de chacune des entreprises.

Mais pour ce qui est des catégories d'emploi, la plupart des nouveaux emplois se situent dans ce qu'on pourrait qualifier de secteurs de la nouvelle économie: compétences techniques, technologie de l'information, génie, conception et commercialisation. Il y en a dans tous les secteurs. Bien sûr, les compétences techniques plus traditionnelles sont également très importantes ici, mais c'est au niveau de l'atelier, dans le secteur des emplois manufacturiers qu'il y a eu le plus de compressions de personnels.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je comprends que c'est difficile, mais pourriez-vous fournir au comité une ventilation par région?

Je m'adresse maintenant à l'Association canadienne des pâtes et papiers. À la page 4, vous avez un tableau qui indique le taux d'imposition des producteurs de papier, par pays. Évidemment, c'est une étude de PricewaterhouseCoopers. Ce qui me frappe, c'est que le Canada est à 73 p. 100, alors qu'on descend jusqu'à 33 p. 100 pour l'Indonésie. J'aimerais comprendre ce dont il s'agit. Pour que le Canada soit à 73 p. 100, il faut qu'on ait une échelle allant jusqu'à 100 p. 100. Est-ce qu'il y a des pays, même petits, où le taux d'imposition est supérieur à celui du Canada? C'est ma première question.

J'en ai une autre. Dans cette étude, est-ce qu'on tient compte de tout, c'est-à-dire des charges sociales et le reste? Par exemple, pour votre réflexion, les syndicats des travailleurs de l'automobile sont venus nous dire la semaine dernière ou il y a 15 jours que le salaire moyen au Canada était inférieur au salaire moyen aux États-Unis. La différence est de 6 $. Mais il en coûte 6 $ de plus aux entreprises américaines et aux individus pour l'assurance-santé. Souvent, on oublie de mentionner cela quand on regarde juste le taux d'imposition. On oublie les avantages au niveau des charges sociales. Or, en l'absence de tels avantages, il faut que ce soit les entreprises et les individus qui s'assurent.

Je voudrais savoir si on tient compte de cela dans cette étude.

[Traduction]

M. Steve Stinson: L'étude a été préparée par PricewaterhouseCoopers—son bureau à Washington—au nom de l'Association canadiens des pâtes et papiers. Nous avions été invités à y participer, mais nous étions un peu hésitants parce que nous pensions que le but était de prouver que les Américains avaient les taux d'impôt les plus élevés.

Nous avons réussi à nous en procurer une copie et voici les résultats. Comme l'étude se limite aux pays qui figurent sur la liste, j'ignore si, oui ou non, le taux d'imposition est supérieur chez nous, mais ça ne m'étonnerait pas du tout.

Je voulais également attirer l'attention sur le fait que nos concurrents ne sont pas seulement les pays développés mais également les pays en développement. Il faut prendre en compte la concurrence que nous livrent ces pays sur le plan fiscal, bien que, comme vous venez de le dire, il y a peut-être d'autres éléments à considérer tels les coûts des soins de santé par exemple.

• 1135

La méthodologie de cette étude repose sur l'investissement théorique des divers pays. On a étudié les impôts des entreprises et leur interaction avec les impôts des particuliers. Si une dividende était versée à l'investisseur, quel était le taux d'impôt global sur cet investissement? L'étude ne comprend pas les autres impôts et taxes qui figurent dans le diagramme circulaire de notre rapport, qui fait état de l'impôt foncier, des impôts provinciaux, des taxes sur le carburant, etc. Par conséquent, notre fardeau pourrait être plus lourd encore. En ce qui concerne les seules taxes professionnelles, nous aboutissons à 70 p. 100. Ce diagramme affiche un taux d'imposition de 70 p. 100.

Pour ce qui est des salaires, je ne pense pas que nos taux salariaux pratiqués dans le secteur forestier soient le moindrement inférieurs à ceux des États-Unis. Même si on tient compte du taux de change, je crois qu'ils sont même plus élevés. L'industrie est presque entièrement syndiquée au Canada, alors chez la plupart de nos concurrents, notamment nos voisins du Sud, ce n'est pas le cas et les salaires ont tendance à baisser.

Les coûts des soins de santé constituent à coup sûr un facteur. Il faut en tenir compte en comparant les divers régimes fiscaux et voir ce qui y est inclus et ce qui ne l'est pas. Vu que notre système de soins de santé fonctionne bien, il pourrait représenter un avantage concurrentiel.

La présidente: Je vous remercie.

[Français]

M. Antoine Dubé: Pouvez-vous me dire si le tableau de la page 5, où on voit la répartition, s'inspire des mêmes références que l'étude de PricewaterhouseCoopers qui figure à la page 4? Est-ce qu'il s'agit exactement des mêmes choses ou si c'est autre chose?

[Traduction]

M. Steve Stinson: Il s'agit d'une autre étude, qui vous a été distribuée, je l'espère. Elle s'intitule The Forest Industry in Canada in 1998. Les chiffres cités sont tirés de la base de données chronologiques réalisée pour cette étude. Ainsi donc, si vous jetez un coup d'oeil aux versements aux gouvernements, vous pourrez calculer cela. C'est de là que les chiffres ont été tirés.

La présidente: Je vous remercie.

[Français]

Merci, monsieur Dubé.

[Traduction]

Monsieur Murray, la parole est à vous.

M. Ian Murray: Je vous remercie.

L'impôt sur le capital semble assez pervers. Je voudrais simplement demander à l'un d'entre vous de mettre son bonnet d'avocat du diable, de s'imaginer qu'il travaille pour le ministère des Finances, et de m'expliquer pourquoi c'est une bonne chose—au-delà de la propension du gouvernement à taxer tout ce qui bouge. Nous entrons peut-être dans une nouvelle ère caractérisée par le fait que les gouvernements mettent la pédale douce sur certains impôts et taxes. Quelle est la raison d'être d'un impôt sur le capital? Vous pouvez ne rien dire si vous ne le savez pas, mais vous en savez sans doute plus long que moi à ce sujet.

M. Steve Stinson: Je pense que l'argument avancé est que l'imagination des fiscalistes des sociétés est infinie et que la capacité des percepteurs est limitée quand il s'agit de faire preuve de créativité en matière de fiscalité. On avait sans doute l'impression que les sociétés ne payaient pas leur juste part, alors on a songé à cet impôt minimum. Nous ne nous ferions pas tant de souci avec l'impôt sur le capital, s'il ne s'agissait que d'un impôt minimum—je ne suis pas trop comment ça fonctionne—mais il ne donne pas droit à un crédit pour les impôts à venir, et c'est là le problème. C'est devenu un impôt supplémentaire.

La présidente: Monsieur Myers.

M. Jayson Myers: C'est indéniable. Le phénomène est probablement attribuable au fait qu'étant donné que les capitaux ne peuvent pas fuir, ils sont beaucoup plus faciles à imposer. De toutes les industries qui, en raison des fortes immobilisations qu'elles doivent faire, sont incapables de déménager, c'est le secteur manufacturier plus particulièrement, plus capitalistique et axé sur la transformation des ressources, qui se prête le plus facilement à l'imposition de ces investissements. Comme tel, c'est toutefois le reflet d'un régime fiscal probablement plus axé sur la structure industrielle qui avait cours jusqu'en 1960 environ que sur toute nouvelle structure contemporaine. L'industrie a beaucoup changé depuis lors.

Naturellement, tout le problème est maintenant d'attirer l'investissement, car des industries analogues se développent partout dans le monde. Naturellement aussi, un deuxième obstacle est le fait que les impôts sur le capital sont perçus sans égard, comme l'a dit M. Stinson, à la rentabilité des divers secteurs. Donc, il est relativement facile, malheureusement, de percevoir cet impôt.

• 1140

M. Ian Murray: Pour en revenir aux pratiques archaïques—nous en avons déjà parlé lorsqu'il a été question de la difficulté de fermer des usines désuètes de pâtes et papier—, thème du mémoire de l'industrie des pâtes et papier, le document mentionne que les entreprises ont souvent été persuadées de ne pas fermer par un apport de capitaux du gouvernement et que le gros de l'investissement dans l'industrie est allé à moderniser des usines désuètes.

Est-il question de gouvernements qui offrent un apport de capitaux que l'entreprise ne peut refuser en vue de la convaincre de demeurer sur place et d'essayer de moderniser l'usine? Est-ce ce dont il est question?

M. Steve Stinson: Je suppose que cela continue d'avoir un rapport avec la question des impôts sur le capital, en ce sens que les entreprises sont souvent les otages en quelque sorte de leurs investissements passés et que, lorsqu'une usine n'est plus compétitive, il faut que l'entreprise l'examine de près et voit ce qu'il faut faire pour lui rendre sa compétitivité. Est-il logique d'investir plus d'argent dans l'usine? Souvent, les réponses à ces questions ne sont pas le facteur déterminant de la décision finale d'investir, mais plutôt des préoccupations soulevées par la dépendance de la collectivité locale à l'égard de l'installation, du fait que l'usine est l'unique employeur.

C'est une question très épineuse. Toutefois, il arrive souvent que l'usine qu'il faudrait vraiment fermer—ses machines à papier datent peut-être du début du siècle—a été modernisée et spécialisée peut-être dans la fabrication d'un produit particulier où les économies d'échelle ne comptent pas vraiment. Elle aurait pu réaliser un profit. Mais ce n'est plus le cas...

M. Ian Murray: Êtes-vous en train de dire que le problème se situe au niveau des gestionnaires qui auraient le coeur trop tendre? Que disent les actionnaires? Je connais une entreprise de papier dont les actions ne valent que quelques sous, par exemple. Elle a une usine désuète au Canada. Quand prend-on conscience de la réalité?

M. Steve Stinson: Si vous examinez ce qui s'est passé ici, l'usine, quel qu'en soit le propriétaire, renaît de ses cendres. À de nombreux égards, ce genre d'usine n'est tout simplement pas viable comme investissement et elle engloutit les fonds publics—pour la plupart, des fonds provinciaux. Les gouvernements provinciaux disposent de plusieurs leviers en vue de persuader les propriétaires de revenir sur leur décision de fermer l'usine.

En la faisant renaître de ses cendres, que ce soit grâce à des prêts à redevance consentis par les travailleurs ou d'autres moyens, des fonds gouvernementaux ou un soutien implicite du gouvernement à l'égard de nouveaux emprunts, on maintient la production à cette usine désuète et moins compétitive, on exacerbe le problème de surcapacité et on fait baisser le prix pour tous les autres. Cela nuit aux autres.

La présidente: Madame Cook.

Mme Fiona Cook: Pour répondre directement à votre question, souvent, l'installation change de mains. Ce fut le cas en Colombie-Britannique lorsque le gouvernement est devenu le principal actionnaire d'une usine. Donc, en réponse à votre question, souvent, l'usine qui demeure ouverte change de mains. Les propriétaires changent, qu'il s'agisse d'employés qui deviennent actionnaires ou, comme dans le cas particulier dont il est question, du gouvernement provincial qui fait une offre.

La présidente: Monsieur Murray, je vous remercie beaucoup.

Monsieur Penson, suivi de M. Lastewka.

M. Charlie Penson: Ma question s'adresse au porte-parole de l'industrie des pâtes et papier. Je comprends pourquoi vous insistez sur certains points dans votre exposé, ce matin, mais je m'étonne un peu que vous n'ayez pas parlé de l'utilisation des terres et de la façon dont cela affecte aussi la compétitivité et la productivité. Je suppose que je vais simplement poser la question. Dans une très vaste forêt de la circonscription que je représente, Peace River, je sais qu'une des grandes usines a décidé de ne pas accroître sa capacité de production de papier en raison de la possibilité d'un litige soulevé par une revendication territoriale. D'autres entreprises de l'industrie minière, déménagées au Chili, nous ont dit essentiellement que plusieurs facteurs avaient joué dans leur décision, y compris la longueur et le coût des études d'impact sur l'environnement et les lois de protection des espèces menacées.

Cela ne vous préoccupe-t-il pas ou seriez-vous d'accord pour dire que cela affecte votre compétitivité également?

M. Steve Stinson: La question des terrains forestiers cultivables est très complexe. Dans le passé, ces terrains étaient de propriété publique. Il y a tous ces autres facteurs—les préoccupations d'ordre environnemental, les revendications territoriales des Autochtones—qui auront certes une influence sur la décision de s'implanter dans une région.

• 1145

L'incertitude qui découle du régime de propriété publique, conjuguée à l'incertitude au sujet des lois environnementales futures visant à protéger les espèces et à répondre à d'autres préoccupations d'ordre environnemental, de même que la propriété ultime des terres—est-ce une terre de l'État ou une terre autochtone?—engendrera le climat d'incertitude qui influe sur les investissements de l'industrie. À mon avis, le régime public nuit à notre compétitivité, mais il s'agit-là d'une question politique extrêmement délicate.

M. Charlie Penson: Vous avez mentionné la question de la propriété publique par opposition à la propriété privée d'un terrain forestier.

Je sais que le modèle est différent de celui des États-Unis, un de nos principaux concurrents. C'est un enjeu des accords de libre-échange et des accords visant le bois d'oeuvre. Il s'agit d'une préoccupation de longue date. Toutefois, si le Canada adoptait le modèle des États-Unis, ne faudrait-il pas que le gouvernement assure une certaine intendance pour faire en sorte que les problèmes d'ordre environnemental ne se multiplient pas?

Il en existe chez nous, où certaines bandes autochtones avaient une industrie forestière, par exemple, et ont... On pourrait croire qu'elles seraient réticentes à s'y installer dans ces conditions, mais certaines entreprises forestières et d'autres exploitants des ressources comme l'industrie du pétrole semblent plutôt heureux parce qu'ils n'ont pas à respecter le même genre de normes environnementales que vous, sous un régime de propriété publique. C'est là une préoccupation. Et nous devrions tous en être préoccupés, selon moi. Comment régleriez-vous cette question?

M. Steve Stinson: Je crois que l'industrie forestière a tout à gagner de faire une exploitation durable et responsable de nos ressources forestières, que ce soit sous un régime public ou un régime privé. Certes, sous un régime privé—et au Canada, il existe certes des terres à bois privées, particulièrement dans les provinces maritimes—, je ne crois pas que ce genre de préoccupation soit primordial, en termes de surexploitation de l'environnement, et même si on mettait en place un régime privé, le gouvernement fixerait les modalités d'accès aux ressources.

Quant à la façon dont les terres sont gérées, je crois parfois que certaines des plus mauvaises notes de l'industrie sont dues au contrôle provincial des terres et au fait que nous sommes locataires. Dans certaines régions fragiles, les entreprises sont tenues de couper des arbres ou de perdre leur droit de coupe. Voilà qui est carrément à l'opposé de ce que réclament les groupes environnementaux. Si les terres étaient gérées sous un régime privé, l'approche pourrait être fort différente. Donc, la propriété publique n'est pas forcément la solution.

Aux États-Unis, on se dirige vers des fiducies privées qui sont établies pour prendre les terres en charge, pour les établir comme des fiducies écologiques. Il faudrait donc se pencher sur toutes les options, sans se laisser aveugler par l'indignation que provoquent les critiques constantes de notre régime par les Américains. Il faudrait l'examiner et se demander s'il y a moyen de l'améliorer.

La présidente: Monsieur Penson, une dernière question.

M. Charlie Penson: Que le régime soit public ou privé, c'est essentiellement l'intendance qui compte. Il s'agit d'une industrie aux ressources renouvelables et il est dans notre intérêt à tous de faire en sorte qu'elles se renouvellent.

Mme Fiona Cook: C'est d'une importance cruciale et, comme vous le savez peut-être, toute cette question de la gestion durable des forêts et de la note obtenue à cet égard par le Canada ou d'autres pays est un facteur déterminant pour que nos produits soient acceptés sur les marchés mondiaux.

Les pratiques de l'exploitation forestière suscitent actuellement beaucoup de controverse, particulièrement au Canada. En dépit des règles complexes—fédérales et provinciales—que nous devons respecter, le Canada est qualifié, sur les marchés internationaux, de piètre intendant de ses forêts. À nouveau, étant donné le régime de propriété publique, nous soutenons que le gouvernement a aussi pour rôle de se porter à la défense de l'industrie et de dire que nous avons effectivement des politiques en place et qu'en tant que propriétaire des terres, il est convaincu que les locataires font une bonne intendance.

M. Charlie Penson: Avez-vous des études qui font état de l'impact d'un régime de propriété privée, comme aux États-Unis, par opposition au régime public de l'industrie canadienne, pour ce qui est de l'intendance?

• 1150

Mme Fiona Cook: Aucune ne me vient immédiatement à l'esprit, mais nous pouvons certes faire une recherche.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Lastewka, je vous prie.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Je m'excuse de mon absence durant votre exposé, mais je défendais votre industrie auprès du Comité de l'environnement.

Monsieur Myers, j'aurais plusieurs questions à vous poser. Votre organisme représente 3 500 entreprises environ. Combien d'entre elles satisfont à la norme ISO 9000 ou cherchent à obtenir la certification?

M. Jayson Myers: Je vous répondrais que leur nombre est loin d'être suffisant. La plupart des grandes entreprises le font, dans la mesure où elles en ont besoin. Bien sûr, certaines autres entreprises sont certifiées comme respectant d'autres normes, par exemple la QS 9000.

Le taux général de certification des petits manufacturiers canadiens est d'environ 5 000 établissements sur 30 000 environ. Donc, si nous voulons brasser des affaires partout dans le monde, nous avons en réalité encore beaucoup de chemin à faire pour encourager les entreprises à obtenir leur certification ISO.

Cela signifie simplement qu'elles ont un bon procédé en place, qu'elles l'ont documenté et qu'elles font ce qu'elles ont documenté. La certification n'a rien à voir avec la qualité du produit ou avec ce dont a besoin l'entreprise pour prendre de l'expansion. C'est donc en réalité le strict minimum dont ont besoin les entreprises actuellement pour pénétrer le marché et faire concurrence.

M. Walt Lastewka: C'est une de mes préoccupations à l'égard de bon nombre de vos manufacturiers.

M. Jayson Myers: C'est aussi une de nos préoccupations.

M. Walt Lastewka: Je ne sais pas trop ce que fait votre organisme pour en faire comprendre l'importance.

M. Jayson Myers: Nous avons en place trois programmes qui encouragent la certification ISO. En fait, un programme conjoint de certification vise les seules petites entreprises. Nous sommes donc très actifs dans ce domaine. Actuellement, toutefois, surtout en ce qui concerne l'efficacité énergétique et les changements climatiques, nous encourageons les entreprises à obtenir non seulement la certification ISO 9000, mais aussi la certification ISO 13000 et la certification environnementale, qui avec le temps prendra beaucoup d'importance.

M. Walt Lastewka: En dépit du fait que nous offrons d'excellents crédits d'impôt pour la R-D et plusieurs autres allégements fiscaux, quand on compare la situation au Canada et aux États-Unis, de nombreuses études révèlent que l'investissement des petites et moyennes entreprises en R-D est extrêmement faible. J'ai entendu ce que vous avez dit au sujet des problèmes posés par notre crédit d'impôt pour la R-D et j'y ai beaucoup travaillé au cours des sept dernières années. Toutefois, notre industrie refuse presque de faire de la R-D, par opposition aux entreprises américaines. Pouvez-vous m'en expliquer les raisons?

M. Jayson Myers: Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit-là d'un très important problème. On ne peut pas l'attribuer simplement à la taille des entreprises ou à une aversion pour le risque.

Une partie de l'explication se trouve dans la façon dont les petits fournisseurs canadiens mènent toujours leur exploitation. Ils produisent une gamme de produits plutôt standards pour leurs clients et, jusqu'à maintenant, ceux-ci leur fournissaient les spécifications. Cela est cependant en train de changer, et c'est un problème réel, particulièrement dans l'industrie automobile et l'aérospatiale, car on constate que les clients sont à la recherche d'intégrateurs de systèmes, qu'ils exigent des services de recherche en conception. Cela me préoccupe au plus haut point, car en toute franchise, sans R-D et sans capacité technique, bon nombre de ces entreprises seront incapables de répondre aux besoins de leurs clients.

Quand je visite beaucoup de ces petites entreprises, je remarque que celles qui font appel à la CAO, c'est-à-dire à la conception assistée par ordinateur, ont remplacé les dessinateurs en chair et en os par ces systèmes informatisés. Plutôt que de le faire sur papier, elles le font maintenant à l'écran, mais elles exploitent le système de CAO comme une machine de traitement de texte. Elles ne passent pas à l'étape suivante qui consiste à informatiser la conception, elles ne cherchent pas à intégrer la conception informatisée à la fabrication, au service, au commerce électronique qui permet aux entreprises de demeurer en liaison avec leurs clients et avec la chaîne d'approvisionnement.

Cela également pourrait changer, mais je suis extrêmement préoccupé par cette question.

• 1155

Vous pouvez en parler jusqu'à n'avoir plus de voix, donner tous les encouragements au monde, mais tant que... Le meilleur argument pour persuader ces entreprises est le client qui exige qu'elle lui fournisse le service, sans quoi elle perd le contrat. C'est alors qu'elle se décide. Je fais écho à votre préoccupation à cet égard également.

M. Walt Lastewka: Un point qui me préoccupe toujours en ce qui concerne la petite entreprise est la suffisance avec laquelle elle profite du dollar canadien actuellement, sans planifier ce qu'elle fera lorsque sa valeur remontera. J'ai posé les mêmes questions à la FCEI et à d'autres organismes et petites entreprises.

On semble accorder très peu d'attention aux groupes en vue de leur faire comprendre qu'il faut gérer... qu'il faut presque tenir une double comptabilité pour faire en sorte d'être compétitif et de ne pas dépendre...

M. Jayson Myers: C'est juste. Les entreprises canadiennes les plus avancées le font bien sûr. Surtout si elles exportent, elles fixent leurs prix en devises US, tout comme une bonne partie de leur comptabilité des coûts... Elles tiennent cette double comptabilité. En réalité, la plupart des petites entreprises canadiennes continuent d'écouler leurs produits sur le marché intérieur.

Je reconnais qu'une devise canadienne plus forte signifie que ces petites entreprises vont faire l'objet de plus en plus de pressions de la part de leurs clients étrangers en vue de faire baisser les prix. D'autre part, elles ne pourront pas profiter d'une baisse des coûts d'importation, car très peu d'entre elles importent. Elles vont se trouver coincées. C'est pourquoi la clé du succès des petites entreprises est la productivité.

Il est probable qu'elles pourraient absorber une augmentation graduelle de la valeur du dollar. Toutefois, je crains que toute augmentation rapide de la devise, comme nous l'avons vu vers la fin des années 80, n'ait de très lourdes conséquences sur l'industrie. Je ne suis pas sûr que nous pourrions éviter le genre de récession industrielle très profonde qu'a vécue le Canada à la fin des années 80, particulièrement au sein des petites entreprises.

M. Walt Lastewka: J'ai une dernière question. S'il y avait une seule chose que vous aimeriez que le gouvernement fasse pour aider votre industrie afin de la rendre plus compétitive, plus productive, que serait-ce?

La présidente: Monsieur Myers.

M. Jayson Myers: Il faudrait que le gouvernement agisse du côté des impôts en réduisant les frais généraux incontournables que les entreprises assument chaque année en impôts. Je me concentrerais donc sur les impôts sur le capital. J'accorderais aussi une attention particulière au niveau croissant des frais d'utilisation qui sont, dans la mesure où de nombreuses entreprises sont visées, des taxes déguisées. Si on n'offre pas d'autres services ou qu'on n'améliore pas les normes du service, c'est un gros problème, comme l'a dit Mme Cook.

La plus importante question n'a rien à voir avec le gouvernement. C'est une question de gestion, ce qui nous ramène à vos questions de tout à l'heure. Si l'on examine presque n'importe quel secteur, si on examine les entreprises qui ont réussi et qui prennent de l'expansion par opposition à celles qui ont dû fermer au Canada, la croissance du secteur manufacturier canadien s'explique du fait que les entreprises ont pris les bonnes décisions. Elles ont investi dans la nouvelle technologie. Elles ont bien géré la technologie. Elles ont abaissé leurs coûts et ainsi de suite.

Le plus grand problème actuellement est la gestion.

La présidente: D'accord. Madame Cook, suivie de M. Stinson.

Mme Fiona Cook: Compte tenu de l'observation faite par Jayson voulant que le gestionnaire canadien ait une aversion pour le risque, tout ce qui peut être fait pour atténuer cette aversion, pour encourager l'investissement soit par des réductions du coût du capital avec amortissement accéléré, comme nous en avons discuté tout à l'heure... Tout ce qui améliorerait le climat d'investissement au Canada serait le bienvenu.

La présidente: Je vous remercie beaucoup, monsieur Lastewka.

Avant d'ajourner la séance, j'aurais besoin de certaines explications, monsieur Myers. Je ne suis pas sûre que vous allez être capable de répondre à ma question. Quand il était question des règles fiscales s'appliquant à la R-D, vous avez dit qu'il y avait certes des problèmes. Pouvez-vous nous les nommer?

• 1200

M. Jayson Myers: De concert avec plusieurs autres associations, nous avons rédigé un document qui a été soumis à Revenu Canada à l'époque—il y a deux ans presque, je crois—et dans lequel nous décrivions avec précision tous les problèmes posés par le régime des crédits d'impôt pour la R-D. Je vous ferai parvenir ce document avec plaisir.

La présidente: Je vous en serais très reconnaissante.

M. Jayson Myers: Il existe aussi d'autres études dont je vous enverrai copie.

Nous avons préparé une étude en 1995 en vue d'évaluer les perspectives d'avenir du secteur manufacturier non seulement au Canada, mais dans le monde entier. Lorsqu'il est question de productivité et de perspectives d'avenir de l'industrie ainsi que du système d'éducation, il serait important d'examiner certains changements structuraux qui touchent actuellement le marché international de manière à pouvoir bien nous positionner, pas forcément aujourd'hui, mais dans 10 ou 20 ans. J'en fournirai donc un exemplaire également au comité.

La présidente: Je vous en remercie.

Je tiens à tous vous remercier d'être venus ici aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de vos exposés, de vos mémoires et, en fait, du débat. Si vous avez d'autres observations à faire au sujet du budget ou de quoi que ce soit au cours des prochaines semaines, n'hésitez pas à nous les communiquer par écrit.

La séance est maintenant levée.