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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 7 décembre 1999

• 0903

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons entamer l'examen du rapport du vérificateur général du Canada de 1999, chapitre 19, intitulé «Portefeuille de l'Industrie—L'investissement dans l'innovation».

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui des représentants du Bureau du vérificateur général du Canada. Sont avec nous M. Richard Flageole, vérificateur général adjoint, et M. Peter Simeoni, directeur principal, Opérations de vérification.

Messieurs, vous avez la parole.

M. Richard Flageole (vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada): Madame la présidente, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter les résultats de notre vérification des programmes de subventions et de contributions du portefeuille de l'Industrie qui appuient l'innovation dans l'économie.

Je crois comprendre que le comité entreprend une étude de la productivité, de l'innovation et de la compétitivité, et nous espérons que cet exposé et notre témoignage lui seront utiles dans ses travaux.

Je suis accompagné, comme vous l'avez dit, de M. Peter Simeoni, directeur principal responsable des vérifications de l'industrie, des sciences et des technologies dans notre bureau.

Je diviserai mes remarques de ce matin en deux parties. Tout d'abord, j'aimerais vous donner un aperçu des questions stratégiques qui sous-tendent les programmes que nous avons vérifiés. Deuxièmement, je présenterai les principales observations de notre rapport, ainsi que d'autres questions que le comité pourrait vouloir approfondir avec le gouvernement.

Comme nous en avons discuté dans des rapports précédents à la Chambre des communes et dans des témoignages devant le comité, le gouvernement fédéral s'est donné le rôle essentiel de constituer des systèmes nationaux et régionaux d'innovation. Par systèmes d'innovation, j'entends les institutions nationales et régionales et les liens institutionnels qui permettent de produire, de diffuser et d'appliquer des connaissances à diverses fins. Ainsi, le gouvernement a fait de l'établissement d'une économie plus innovatrice et, particulièrement, l'amélioration du rendement en matière d'innovation du pays, l'un des principaux objectifs de sa politique.

Selon certains rapports gouvernementaux récents, il y aurait un fossé de l'innovation au Canada, ce qui signifie que le pays n'est pas suffisamment innovateur comparativement à ses principaux partenaires commerciaux. Ces rapports indiquent que le faible rendement du Canada en matière d'innovation est au coeur de problèmes de rendement économique plus importants, notamment une productivité moindre que celle des États-Unis.

• 0905

Nous avons décidé d'examiner l'information qui existe sur le soi-disant fossé de l'innovation puisqu'il est souvent mentionné dans les rapports gouvernementaux au Parlement au sujet des programmes que nous avons vérifiés. Selon ce que nous avons appris, il est certain que l'innovation est un facteur important de la croissance économique, mais l'évaluation du rendement réel en matière d'innovation présente un défi complexe qui n'a pas encore été relevé. Bref, on peut probablement mesurer l'innovation, mais une évaluation équilibrée et utile du rendement de l'innovation devra tenir compte d'un ensemble complet de facteurs.

De plus, il semble que les principaux concurrents du Canada le devancent en regard de maints indicateurs. Cependant, la signification de ce retard n'est pas claire, et la majeure partie de l'information dont nous disposons porte sur les intrants de l'innovation (comme les dépenses de R-D) plutôt que sur le rendement de l'innovation directement.

Ce qui est plus important peut-être, des études récentes identifient un certain nombre de facteurs qui expliquent la faible productivité relative du Canada par rapport à celle des États-Unis, notamment la lenteur de la reprise économique par suite des deux crises de l'énergie, la faible accumulation du capital, un faible taux de croissance des dépenses de R-D et une concurrence insuffisante dans les marchés des produits et des intrants. Certains mentionnent aussi d'autres facteurs tels que les taux d'imposition relatifs, des échelles d'exploitation réduites et la faiblesse du dollar canadien qui protègent les entreprises moins productives.

Bien que les investissements en R-D jouent un certain rôle, aucun facteur à lui seul ne peut expliquer l'écart de productivité, et il n'existe par conséquent pas de solution unique.

S'il existe plus de questions au sujet de l'innovation que de réponses pour le moment, plusieurs éléments semblent assez clairs. L'évaluation du rendement de l'innovation au sein de l'économie présente un défi complexe, et on ne dispose présentement d'aucune information complète. Un meilleur rendement de l'innovation ne dépend pas exclusivement des investissements en R-D; il repose sur le soutien de la R-D par des activités propres à intégrer de nouvelles technologies à l'économie. Les investissements en R-D ne constituent plus le seul facteur déterminant du taux de croissance de la productivité de l'économie canadienne, ni même le plus important peut-être.

Cela dit, j'aimerais maintenant vous parler des résultats de nos travaux de vérification.

La promotion de l'innovation dans l'économie est l'un des principaux objectifs du portefeuille de l'industrie. Les programmes que nous avons vérifiés visent principalement à appuyer la R-D dans l'industrie et représentent la majeure partie des subventions et des contributions faites par le portefeuille de l'industrie à cette fin; plus de 1,3 milliard de dollars a été dépensé au cours des trois dernières années.

Nous avons vérifié les programmes suivants: le Programme d'aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches du Canada; le Programme de partenariats de recherche du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada; les Réseaux de centres d'excellence, également du CRSNG; et enfin Partenariats technologiques Canada d'Industrie Canada.

[Français]

Nous avons vérifié si les gestionnaires avaient une stratégie expliquant à quelles améliorations du rendement de l'innovation on s'attend des investissements consacrés par programme ou par projet. Nous nous attendions à ce que ces programmes soient fondés sur une bonne compréhension des problèmes et des possibilités de l'innovation, car investir sagement dans l'innovation veut dire beaucoup plus que mettre de l'argent sur la table. Cela veut dire connaître le bon fonctionnement des systèmes d'innovation, leurs forces et leurs faiblesses, et prendre des décisions d'investissement afin d'obtenir de meilleurs résultats.

Aucun des programmes de subventions et de contributions ne possède une telle stratégie ou un tel cadre de gestion, et la direction n'a pas non plus exprimé les résultats attendus en fonction des effets recherchés sur les systèmes d'innovation. La conception et la gestion saines des programmes, de même que la mesure et l'interprétation des résultats atteints doivent s'appuyer sur un énoncé clair des résultats escomptés.

• 0910

Nous avons également tenté de savoir si ces programmes étaient bien administrés et si les gestionnaires s'étaient assurés qu'il y aurait optimisation des ressources. Nous avons conclu qu'il existait beaucoup d'occasions d'améliorer l'exercice d'une diligence raisonnable au moment de l'approbation des contributions en vertu du PARI et des subventions en vertu du Programme de partenariats de recherche. De fait, nous n'avons pu établir avec certitude qu'il y a eu un soutien adéquat dans le cas de nombreuses contributions et subventions accordées en vertu de ces deux programmes.

Nous avons constaté que seulement 15 p. 100 des décisions de financement se fondaient sur une évaluation de l'ensemble des critères du projet, notamment parce que le besoin de soutien du PARI n'avait pas été pris en considération. Nous avons également noté un éventail de pratiques d'évaluation des autres critères, notamment de la façon dont les projets pourraient améliorer les compétences techniques des bénéficiaires. Selon nous, l'évaluation de nombreux projets n'a pas été suffisamment exhaustive.

Nous avons constaté que le mérite scientifique des projets que nous avons examinés au Programme de partenariats de recherche avait été bien évalué, ainsi que leurs possibilités de formation. Cependant, le mérite scientifique concerne l'originalité et la qualité de la recherche proposée, et non pas son importance éventuelle pour l'industrie et pour les autres partenaires, ni le renforcement de la capacité d'innovation. Nous avons constaté que les dossiers renfermaient souvent peu d'information sur l'importance des retombées éventuelles pour l'entreprise partenaire ou sur le besoin de l'aide financière de l'État.

Pour ces deux programmes, nous avons de plus cerné des questions importantes de rendement à propos desquelles les gestionnaires disposaient de peu de renseignements.

Il faut que les gestionnaires du PARI puissent recueillir de l'information fiable sur les résultats des projets financés et sur leurs services de consultation, et examiner dans quelle mesure leur financement soutient des projets qu'on aurait entrepris de toute manière. Selon nous, il faut bien expliquer et nuancer les données liées à la création d'emplois grâce au programme.

Nous avons également constaté que l'information recueillie sur les résultats des projets financés en vertu du Programme de partenariats de recherche se limitait à l'atteinte des objectifs de recherche. Il y a peu de renseignements sur la réussite des projets en ce qui a trait aux avantages commerciaux et précommerciaux.

Nous avons conclu qu'une diligence raisonnable avait été exercée en ce qui a trait aux subventions en vertu du programme des Réseaux de centres d'excellence. Selon une évaluation du programme effectuée en 1997, celui-ci a réussi à atteindre l'ensemble de ses objectifs, et tout porte à croire qu'il procurera d'importants avantages économiques nets.

Nous avons également conclu que les gestionnaires de Partenariat technologique Canada avait exercé une diligence raisonnable à l'égard des contributions que nous avons vérifiées, à quelques exceptions près. Il y aurait toutefois lieu d'améliorer la surveillance des projets et le suivi des résultats ainsi que les rapports présentés au Parlement relativement au rendement escompté.

[Traduction]

Enfin, la surveillance exercée par le Parlement est essentielle pour garantir que les investissements du gouvernement dans l'innovation industrielle procurent le plus d'avantages possible au Canada. Dans cet esprit, permettez-moi de suggérer au comité, lorsqu'il étudiera les enjeux importants de la productivité, de l'innovation et de la compétitivité, de demander au gouvernement des réponses aux questions suivantes. Qu'entend-on par rendement de l'innovation au sein de l'économie? Quels problèmes particuliers en matière de rendement de l'innovation les programmes du portefeuille de l'industrie sont-ils censés régler? Quels résultats précis attend-on des programmes d'amélioration du rendement des systèmes d'innovation, et les résultats escomptés sont-ils obtenus?

Madame la présidente, voilà qui conclut le commentaire d'introduction du Bureau. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Schmidt, vous avez la parole.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Merci beaucoup, Richard et Peter, de vous être déplacés et de nous avoir donné votre bref exposé. J'aimerais vous poser quelques questions.

La première a trait à la diligence raisonnable et au fait que vous vous interrogez sur l'exercice d'une diligence raisonnable dans la mise en oeuvre des programmes PTC et PARI. Vous semblez un peu plus sévères à l'égard du programme PARI qu'à l'égard du programme de Partenariats technologiques. Quoi qu'il en soit, dans chaque cas, l'exercice d'une diligence raisonnable pose problème. J'aimerais donc vous demander quels genres de changements devraient être apportés afin d'assurer l'exercice d'une diligence raisonnable?

M. Peter Simeoni (directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada): Deux changements simples. Le premier, établir des critères clairs pour évaluer les demandes de financement public. Plus ils seront précis, plus il sera facile pour les agents de programme de déterminer si le projet est rentable.

• 0915

Deuxièmement, il faut que ces évaluations soient étayées. Si quelqu'un prétend que son projet se traduira par la création de 20 ou 100 nouveaux emplois, l'agent de programme ne doit pas se contenter de cette affirmation et doit chercher des éléments d'information qui montrent que ces 20, 100 ou 1000 emplois sont susceptibles de se matérialiser et en fait examiner l'analyse de rentabilisation du projet que l'entreprise propose de réaliser.

M. Werner Schmidt: D'accord. Est-ce que cela signifie par conséquent que lorsqu'une demande de financement est présentée, on se contente de la justification de l'interprétation du demandeur?

M. Peter Simeoni: Oui. Dans le cas du PARI, les demandes ne font pas l'objet d'une enquête très approfondie. Dans le cas de PTC, nous avons conclu que les contributions étaient fondées sur l'exercice d'une diligence raisonnable dans la grande majorité des cas, mais le PARI et le CRSNG nous préoccupent.

M. Werner Schmidt: Il me semble qu'il s'agit d'une accusation plutôt grave, et je crois qu'il incombe manifestement au ministre de s'expliquer.

Madame la présidente, je crois qu'il serait opportun que la présidence écrive au ministre à ce sujet pour lui suggérer d'apporter les mesures correctives nécessaires le plus rapidement possible.

J'aimerais passer à un autre sujet, à savoir le Programme de partenariats de recherche et une phrase en particulier que vous avez lue, je crois, il y a un instant, sur laquelle j'aimerais m'attarder:

    Cependant, le mérite scientifique concerne l'originalité et la qualité de la recherche proposée et non pas l'importance éventuelle pour l'industrie et pour les autres partenaires, ni le renforcement de la capacité d'innovation.

C'est une phrase très convaincante. J'aimerais vous demander comment exactement le Bureau du vérificateur général envisage que le ministère de l'Industrie, ou tout autre groupe, en fait, énonce clairement quels avantages scientifiques devraient avoir les programmes financés soit par le PARI ou par les partenariats technologiques, ou par l'entremise des autres programmes?

M. Peter Simeoni: Nous ne voulons pas sous-estimer la tâche des organisations comme le CRSNG qui doivent financer les projets qui représentent le meilleur investissement possible vu les ressources limitées dont elles disposent. Elles essaient de combiner deux critères difficiles, à savoir la qualité scientifique de l'activité proposée ainsi que les retombées économiques éventuelles du projet de recherche de même que l'innovation espérée.

Je crois que ma réponse me ramène à votre question antérieure. Elles doivent faire preuve de plus de clarté.

Laissez-moi revenir un peu en arrière. Le CRSNG évalue bien le mérite scientifique des projets. C'est ce qu'il fait depuis sa création. Ces dernières années, il affecte une partie de ses ressources à des projets qui combinent débouchés scientifiques et débouchés commerciaux. Nous estimons qu'il pourrait faire un meilleur travail du côté des débouchés commerciaux. Il doit établir des critères plus clairs en ce qui concerne l'analyse de rentabilisation, et il doit consacrer plus de temps à l'évaluer au lieu de simplement accepter les demandes.

Cela nous ramène à votre première question sur la diligence raisonnable. Il y en a beaucoup du côté scientifique et très peu du côté commercial.

M. Werner Schmidt: Mais je crois vous avoir demandé si vous pouviez recommander des critères qui résisteraient à une vérification et qui répondraient aux exigences que vous avez établies. Je crois que vous avez présenté un bon argument. La question est de savoir comment vous pourriez mesurer tout cela?

M. Peter Simeoni: Nous cherchons dans les dossiers et dans leurs critères d'évaluation une indication du marché éventuel pour l'innovation proposée. C'est donc une sorte d'analyse de rentabilisation. Qui seraient les acheteurs? Combien en achèteraient-ils? Quel serait le coût de fabrication? Y a-t-il un marché à l'exportation? C'est le genre de renseignements que vous vous attendez à obtenir de quelqu'un qui vous demande d'investir dans son projet. C'est le genre de choses que le CRSNG doit intégrer à son processus d'évaluation, en plus des critères scientifiques déjà employés. Ce n'est qu'à ces conditions que l'on pourra dire que ces projets et que les fonds qu'il y affecte sont susceptibles d'entraîner des retombées commerciales pour l'industrie canadienne et le Canada.

• 0920

M. Werner Schmidt: D'accord. J'aimerais aborder une question tout à fait différente, soit les préavis d'adjudication de contrats. Je crois que le Bureau du vérificateur général a fait des observations à ce sujet, qui visaient en particulier les ministères de l'Industrie, de la Défense nationale et du Développement des ressources humaines. Mais nous traitons ce matin de l'Industrie.

À ce sujet, le ministère de l'Industrie a accordé des contrats à des fournisseurs exclusifs, et le vérificateur général a fait des commentaires plutôt critiques à cet égard. Je me demandais si vous pouviez nous dire dans un premier temps quelles étaient les entreprises qui ont bénéficié de ces contrats auxquels vous trouvez tant à redire.

La présidente: Je ne crois pas que ce soit dans le chapitre 19, que nous étudions ce matin, monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Non, ça n'y est pas, mais cela concerne directement le Bureau du vérificateur général ainsi que le ministère de l'Industrie.

La présidente: Je comprends, mais notre comité a convenu d'étudier le chapitre 19. Si M. Flageole veut y répondre...

M. Werner Schmidt: Eh bien, s'il le peut, j'en serais ravi.

M. Richard Flageole: Madame la présidente, je ne connais pas les détails de ce chapitre, mais nous serons heureux de vous faire parvenir l'information si vous le désirez.

La présidente: Certainement.

M. Werner Schmidt: C'est directement lié à l'étude que vous avez sous les yeux en ce moment.

La présidente: Mais monsieur Schmidt, nous parlons aujourd'hui du chapitre 19. Si quelqu'un voulait parler d'un autre chapitre, il aurait dû me le signaler, car le Bureau du vérificateur général a des gens responsables de chaque chapitre.

M. Werner Schmidt: D'accord.

La présidente: Personne ne l'a fait, avec tout le respect que je vous dois.

M. Werner Schmidt: D'accord, mais cela traite directement du prochain ministère que nous sommes censés examiner plus tard ce matin.

La présidente: Nous n'allons pas étudier le ministère plus tard ce matin. Nous entendons des témoins du secteur privé.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Madame la présidente, j'invoque le Règlement. Il me semble que c'est pertinent. Le comité étudie toute la question de la productivité, et la productivité ne s'applique pas qu'au secteur privé mais également au secteur public.

La présidente: Cela ne fait aucun doute, monsieur Penson.

M. Charlie Penson: Mon collègue soulève un point important. Une partie du problème de la productivité, si l'argent n'est pas bien dépensé...

La présidente: Monsieur Penson...

M. Charlie Penson: ... si les ministères ne s'acquittent pas efficacement de leur mandat...

La présidente: Ce n'est pas un point de discussion.

M. Charlie Penson: Si, car c'est dans...

La présidente: Monsieur Penson, vous avez soulevé...

M. Charlie Penson: Je soulève la question de la partie B.

La présidente: Vous avez invoqué le Règlement. En réponse à la question de M. Schmidt...

M. Charlie Penson: Eh bien, lisez la partie B et vous allez voir que cela figure à l'ordre du jour ce matin.

La présidente: Pouvez-vous me laisser terminer?

M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Monsieur Penson, ils ont déjà dit qu'ils n'avaient pas les détails, et ils nous fourniront l'information plus tard.

La présidente: Monsieur Pickard, merci.

M. Charlie Penson: Peut-être que non, mais cela est à l'ordre du jour de notre réunion de ce matin.

La présidente: Monsieur Penson, s'il vous plaît. Non, en fait nous sommes ici pour étudier le chapitre 19 de 9 heures à 10 h 30. Si vous voulez que notre comité étudie un autre chapitre, nous demanderons volontiers au personnel compétent du Bureau du vérificateur général de témoigner. Ce n'est pas un problème, s'il y a un autre chapitre. Avec tout le respect que je vous dois, personne n'a mentionné d'autres chapitres à la réunion du comité directeur. Vous ne l'avez pas mentionné.

M. Werner Schmidt: Je ne fais que me fier à l'ordre du jour.

La présidente: L'ordre du jour est très clair. De 9 heures à 10 h 30, au sujet du chapitre 19, vous pouvez poser toutes les questions que vous voulez. M. Flageole a déjà dit qu'ils n'avaient pas rédigé l'autre chapitre. Ainsi, au lieu d'entrer dans un débat, nous allons passer à M. Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Puis-je aussi prendre leur temps?

La présidente: Certainement.

M. Walt Lastewka: Messieurs, je comprends ce que vous avez dit au sujet des partenaires technologiques et de la diligence raisonnable et de la paperasserie nécessaire. J'aimerais que vous me donniez plus de détails au sujet du PARI, lorsque vous avez parlé de la stratégie et de la paperasserie nécessaire, et ainsi de suite. Où avez-vous examiné le PARI lorsque vous avez procédé à la vérification? Où cela a-t-il été fait? Ici? D'un bout à l'autre du Canada? Dans les petites collectivités?

M. Peter Simeoni: Nous avons sélectionné un échantillon aléatoire représentatif de toutes les contributions du PARI effectuées entre 1997 et le début de 1999. Cet échantillon est représentatif du travail effectué partout au Canada.

M. Walt Lastewka: Une de mes préoccupations en ce qui concerne le PARI, c'est les petites entreprises qui font de la recherche. Elles font véritablement du marketing de créneau lorsqu'elles effectuent de la recherche, car ce sont de petites entreprises. D'énormes formalités administratives sont requises, ce qui limite la recherche effectuée par les petites entreprises. Avez-vous constaté cela—que parfois nous allons dans l'autre sens, et que nous limitons la recherche et l'innovation dans la petite entreprise? Par conséquent, il n'est pas étonnant que la petite entreprise soit celle qui améliore le moins sa productivité. Je n'ai aucune inquiétude en ce qui concerne Nortel et les grosses entreprises. Je m'en fais davantage au sujet des entreprises de 100 employés ou moins, les PME, où l'écart de productivité est le plus grand. Vous êtes-vous penchés sur l'impact du PARI sur ces petites entreprises?

• 0925

M. Peter Simeoni: Le PARI vise surtout les entreprises de moins de 500 employés. Je crois que dans notre échantillon, à peu près la moitié des contributions que nous avons examinées ont été accordées à des entreprises de cette taille ou plus petites. Certaines entreprises étaient très petites. J'étais étonné, dans les quelques dossiers que j'ai examinés moi-même, de voir qu'autant de documents avaient été réunis. Dans tout cela, les bonnes réponses n'étaient pas évidentes.

Je crois que le PARI pourrait réduire la quantité de renseignements qu'il demande aux entreprises et s'assurer que ce sont les bons renseignements. J'estime que les entreprises ont formulé une proposition raisonnable. Le PARI est conçu de manière à être efficace. Il dispose de gens sur le terrain. Je crois que ces gens sont autorisés à verser des contributions de moins de 10 000 $, sur-le-champ si c'est indiqué. Mais ils doivent poser une demi-douzaine de bonnes questions sur les résultats attendus du projet et être convaincus que celui-ci est sensé et qu'une participation du gouvernement est justifiée. Cela ne devrait se traduire que par très peu de paperasserie.

M. Walt Lastewka: J'ai bien dit moins de 100, pas de 100 à 500.

M. Peter Simeoni: Oui.

M. Walt Lastewka: J'ai précisément parlé des entreprises de moins de 100 employés, et votre recommandation ne dit pas qu'il y a un trop grand nombre de documents administratifs et que nous devrions nous concentrer sur les bonnes questions, une somme minimale qui permettrait aux petites entreprises de mettre en oeuvre leurs projets.

D'après ce que je vois—et j'ai l'impression que nous essayons de trop en demander aux représentants du PARI et ainsi de suite—ils doivent avoir trois pouces de documents administratifs pour justifier les contributions. Entre temps, les petites entreprises disent «j'abandonne». C'est pour cette raison que le Canada, aujourd'hui, dans le secteur de la petite entreprise, connaît un important déficit en matière d'innovation. C'est la différence entre le Canada et les États-Unis.

Lorsque je compare la région de Niagara—Hamilton à celle de l'ouest de New York au chapitre de la recherche, je note que l'approche employée pour soutenir l'innovation dans les petites entreprises est très différente. Si vous ne l'avez pas examinée cette fois-ci, je vous demanderais de le faire la prochaine fois, car je crois que nous handicapons les petites entreprises. Je vous saurais gré d'examiner ce problème et de contribuer à simplifier les questions, à élaborer les bonnes, afin que les petites entreprises puissent faire preuve d'innovation. Nous cherchons tous à savoir pourquoi les petites entreprises enregistrent le plus grand écart de productivité au Canada.

M. Richard Flageole: Si je peux ajouter quelque chose à ce sujet, comme Peter l'a signalé, le PARI—et je le crois sincèrement—est un programme bien conçu. Ce n'est peut-être pas suffisamment clair pour ce qui est des documents administratifs, mais je crois que nous insistons réellement sur le besoin de poser les bonnes questions. Au cours des discussions que nous avons eues avec les représentants du PARI pendant la vérification, je crois que nous avons vraiment insisté sur le besoin de faire aussi simple que possible. Le programme doit être très accessible pour les petites entreprises.

Nous prenons bonne note de votre commentaire au sujet du besoin de réduire la paperasserie et de s'assurer que c'est un programme facile d'accès.

M. Walt Lastewka: En ce qui me concerne, c'est la même chose. Et ce n'est pas à ce comité, mais vos collègues dans le secteur du crédit d'impôt... Le secteur du crédit d'impôt est plus que handicapé. En fait, les petites entreprises nous ont dit d'oublier ça au Canada, tandis qu'aux États-Unis, c'est plus simple et les petites entreprises ont droit à des crédits d'impôt plus importants que les entreprises canadiennes. J'ai l'impression que notre système n'incite pas les petites entreprises à être plus novatrices, à faire ce qu'on aimerait qu'elles fassent parce qu'elles ont le plus grand écart à combler.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka.

• 0930

[Français]

Monsieur Brien, s'il vous plaît.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Je voudrais poser des question au sujet du PARI, qui a fait l'objet de vos critiques et où vous avez relevé maintes lacunes. Il y a plusieurs façons de procéder à une évaluation. Vous nous disiez qu'on avait relativement bien évalué la valeur scientifique des projets et déterminé avec justesse s'ils représentaient réellement une innovation. Vous nous avez beaucoup parlé du potentiel commercial, dont l'évaluation devrait être améliorée.

L'autre dimension est la capacité financière des entreprises à s'engager seules à réaliser un projet ou la nécessité pour elles de recourir au financement public pour y parvenir. Vous disiez qu'un grand nombre de ces projets auraient probablement quand même vu le jour en l'absence de financement de la part du gouvernement. Comment cette dimension pourrait-elle concrètement être mieux mesurée à l'avance? Il arrive souvent qu'il n'est pas facile de la mesurer et de prévoir si un projet aurait quand même été entrepris.

M. Richard Flageole: Madame la présidente, on vient de soulever un très bon point. Il est toujours un petit peu plus facile de faire cette évaluation après le fait qu'au début.

Par contre, il est important que les gestionnaires du programme se dotent de mécanismes pour faire cette évaluation en tenant compte de la capacité de la firme de le faire au point de vue de sa situation financière et de l'intérêt qu'on pourrait démontrer à le faire.

Dans le cas du PARI, on offre deux types de services relativement différents: des services de consultation et un volet financement. Il est, à mon avis, extrêmement important qu'au moyen des services de consultation, qui sont souvent la première façon dont on aborde le client, on essaie de mettre un petit peu plus d'accent sur la capacité de la firme à effectuer ces projets. Il va toujours y en avoir.

Par contre, ce qui nous inquiétait était l'ampleur de tout cela. Je crois me souvenir qu'on indique dans le chapitre que, dans plus de 80 p. 100 des cas, on n'avait pas fait une analyse suffisamment approfondie pour prendre ce genre de décisions. Des études menées par le PARI auprès des clients indiquent que jusqu'à 60 p. 100 de ces projets auraient été réalisés de toute façon. Il s'agit là de clients qui ont dit: «Oui, on l'aurait fait quand même.» Nous estimons que ces chiffres sont beaucoup trop élevés et que les gestionnaires devront mettre un petit peu plus l'accent sur l'aspect commercial et la capacité financière des firmes à effectuer le projet. Les services-conseils qui sont offerts sont probablement un excellent moyen de le faire à ce niveau-là.

M. Pierre Brien: Est-ce que vous faites un lien entre le fait que le financement s'obtient relativement facilement, sans qu'on doive démontrer le potentiel commercial d'un projet, et le fait qu'il y a peu de données sur la valeur commerciale de l'innovation, tandis qu'on a démontré que des partenaires privés auraient peut-être mis en oeuvre leur projet sans appui de la part du gouvernement?

M. Richard Flageole: Je pense qu'il y a un lien assez étroit entre les deux.

M. Pierre Brien: D'accord. J'aimerais vous poser une dernière question au sujet d'un paragraphe qui figure à la page 5 de votre commentaire d'introduction. On y lit:

    Il faut que les gestionnaires du PARI puissent recueillir de l'information...

La dernière phrase se lit comme suit:

    Selon nous, il faut bien expliquer et nuancer les données liées à la création d'emploi grâce au programme.

Cette phrase n'est pas très claire. Que veut-elle dire?

M. Richard Flageole: Il s'agit d'un problème qu'on a noté lors de la vérification de plusieurs types de programmes de subventions et contributions. Nous avons constaté de façon globale qu'il y avait très, très peu de pièces justificatives pour appuyer le nombre d'emplois qui auraient été créés. Je souligne encore une fois que ce commentaire s'applique à de nombreux autres programmes dont l'un des objectifs est la création d'emplois. Je pense qu'on devrait s'attendre à ce qu'on appuie ces chiffres d'une analyse un peu plus rigoureuse avant de les présenter. Nous ne considérons pas qu'il soit suffisant de simplement demander à une entreprise de nous dire combien d'emplois elle va créer, d'inscrire sur la liste le nombre huit, par exemple, et de communiquer ce nombre au Parlement.

Je pense qu'on s'attend à un peu plus de rigueur.

M. Pierre Brien: Et on inscrirait 10 ou 12 dans les communiqués de presse.

M. Richard Flageole: On s'attend à un peu plus de rigueur au niveau de la mesure et de la communication. Encore une fois, ce n'est pas toujours chose facile. Par contre, il ne suffit pas d'arriver avec des chiffres fermes qui reposent sur des données peu approfondies. Je crois qu'on est en droit de s'attendre à un peu mieux dans le cas de ces programmes.

M. Pierre Brien: D'accord. Merci.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Malhi, vous avez la parole.

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Merci, madame la présidente.

Quelles mesures le gouvernement fédéral devrait-il prendre pour accroître l'innovation?

• 0935

M. Peter Simeoni: C'est une question très vaste. Laissez-moi vous donner un aperçu général.

D'après nos études, c'est avant tout dans les entreprises que l'innovation se manifeste le mieux, et deuxièmement, dans les entreprises exploitées dans un cadre réglementaire et économique qui favorise l'innovation. Le gouvernement fédéral peut utiliser toute une gamme de politiques, dont certaines n'ont pas encore été adéquatement déterminées, car la promotion de l'innovation est encore une question de politique publique relativement nouvelle.

Différents moyens peuvent être employés pour aider les entreprises individuelles, les groupes d'entreprises, aider les entreprises à mieux collaborer entre elles et améliorer la conjoncture économique générale dans laquelle évoluent ces entreprises. Nous ne pouvons pas vous dire quels moyens sont les plus efficaces. Nous ne croyons pas qu'il soit possible de le faire.

Si nous avons passé tant de temps au début de notre rapport à parler de l'innovation et de la politique publique, c'est entre autres parce que nous étions d'avis que des solutions trop simples étaient proposées au Parlement. Les ministères s'accrochaient aux renseignements disponibles, affirmant qu'ils indiquaient d'une certaine façon la solution éventuelle à nos problèmes de rendement en matière d'innovation.

À défaut de mieux, nous espérons avoir fait comprendre au comité et à la Chambre des communes que l'innovation est une notion complexe et que nous devrions nous méfier des solutions miracles et de quiconque, en particulier de tout ministère, qui dirait au Parlement qu'il suffit de lui donner plus d'argent afin qu'il puisse investir dans la R-D et que l'innovation s'en trouvera améliorée, que la productivité va s'accroître, et que le revenu des Canadiens va se relever. Vous devriez vous méfier de ce genre de politique car rien ne prouve qu'il en est ainsi.

La présidente: Merci, monsieur Malhi.

Monsieur Jones, je vous cède la parole.

M. Jim Jones (Markham, PC): Oui. Merci, madame la présidente.

J'aimerais revenir à l'article 12 où vous dites:

    une bonne compréhension des problèmes et des possibilités de l'innovation, car investir sagement dans l'innovation veut dire beaucoup plus que de mettre de l'argent sur la table.

Que voulez-vous dire par savoir comment les systèmes d'innovation fonctionnent?

M. Peter Simeoni: Lorsque nous avons dernièrement accepté le défi d'essayer de vérifier les investissements du portefeuille de l'industrie dans l'innovation—car de nombreux programmes, comme vous pouvez le constater, essaient plus ou moins de contribuer à l'atteinte de cet objectif de politique publique—nous avons dû nous renseigner nous-mêmes sur ce que signifiait investir dans l'innovation. Nous avons trouvé une masse considérable de documents, internationaux, publiés sous l'égide de l'OCDE, au sujet des systèmes d'innovation, selon lesquels l'innovation ne voit pas le jour en vase clos.

L'idée qu'un chercheur en laboratoire va faire une découverte bouleversante qui va créer de nouvelles industries est assez farfelue. Cela peut encore se produire. Cela se produit. Mais en général, l'innovation se fait graduellement et est largement le fruit d'un échange de renseignements. Les systèmes d'innovation visaient à aider les institutions existantes à échanger davantage entre elles, à partager leur savoir et à collaborer si cela est conforme au bon sens économique.

C'est dans ce contexte-là, et il s'agit d'un thème... nous avons témoigné devant votre comité au printemps dernier sur la question de la stratégie gouvernementale en matière de sciences et de technologies. Dans cette stratégie, le gouvernement indique à plusieurs reprises qu'il doit mieux jouer son rôle de partenaire dans les systèmes d'innovation au Canada. Le meilleur moyen de le faire était, disait-il, de comprendre comment ces systèmes fonctionnent et de sélectionner ensuite les leviers les plus prometteurs pour y investir son argent, puisqu'il ne peut pas tout financer, bien entendu.

C'est précisément ce que nous nous attendions à retrouver dans ces programmes. Nous prenions le gouvernement au mot quand il disait qu'il allait investir de façon optimale par l'entremise du PARI, du CRSNG et de PTC, mais nous avons constaté que la direction s'interrogeait très peu sur la façon d'optimiser les investissements. Ces derniers se font plutôt en fonction des demandes de financement qui sont reçues et des évaluations qui en sont faites, parfois pas toujours comme elles devraient l'être, selon nous, et les fonds sont répartis en conséquence. On se soucie très peu de savoir quelles en seront les conséquences pour le rendement de l'entreprise au chapitre de l'innovation, encore moins pour le système d'innovation auquel participe l'entreprise.

M. Jim Jones: J'ai du mal à comprendre ce qu'est un système d'innovation. J'ai du mal à comprendre ce que vous entendez par là.

M. Peter Simeoni: Comme il s'agit d'un concept abstrait, je comprends tout à fait que vous ayez du mal à en saisir le sens. Cela a été aussi un problème pour moi, et ce l'est toujours.

• 0940

Il s'agit d'un outil théorique pour nous permettre de comprendre la façon de créer une valeur économique par de nouvelles utilisations des connaissances existantes...

M. Jim Jones: Permettez-moi de reformuler ma question. Voulez- vous parler d'un milieu d'innovation? Le terme système suppose l'existence d'une organisation quelconque. Je ne comprends pas ce que c'est qu'un système dans le cas qui nous intéresse.

M. Peter Simeoni: Le mieux serait sans doute de vous donner un exemple. Prenons l'aérospatiale. À Montréal, il y a deux grandes entreprises d'aérospatiale, qui fabriquent des moteurs et des aéronefs. Autour d'elles gravitent une multitude de petites entreprises qui fabriquent des organes d'aéronef. Les universités, quant à elles, font des recherches pour essayer d'en arriver à un meilleur modèle d'aéronef. Toutes ces institutions travaillent ensemble, échangent des informations, afin de créer de nouveaux produits que nous pouvons ensuite vendre chez nous et à l'étranger.

On pourrait donc dire qu'il existe un système d'innovation en aérospatiale à Montréal, tout comme il existe un système d'innovation en technologie de l'information de pointe dans la partie ouest d'Ottawa. On trouve des systèmes d'innovation semblables à l'échelle régionale, locale et nationale aussi bien au Canada que dans les autres pays du monde.

M. Jim Jones: Vous parlez finalement d'un milieu d'innovation.

M. Peter Simeoni: Le terme est tout aussi valable.

M. Jim Jones: Ou d'un secteur industriel.

M. Peter Simeoni: Oui, bien sûr. J'aime bien le terme «système» parce qu'il suppose beaucoup d'interaction entre les acteurs, tandis que le terme «secteur» sert simplement à les classer à l'intérieur d'un groupe.

M. Jim Jones: D'accord.

Je voudrais maintenant passer à votre point 18. Vous dites que la surveillance exercée par le Parlement est essentielle. Qu'entendez-vous par là? Que devrait faire le Parlement?

M. Peter Simeoni: Cela nous ramène à une de nos premières pistes d'interrogation quand nous avons entrepris ce travail. Nous étudiions les documents budgétaires d'Industrie Canada de 1997 et 1998 environ, et nous avons aussitôt été intrigués par cette notion de déficit d'innovation qu'on y abordait—on en parlait comme d'un grave problème économique que les programmes d'Industrie Canada et du portefeuille de l'industrie visaient à corriger. Cela nous a intrigués. Nous avons posé des questions au sujet de ce déficit, et nous avons constaté qu'il n'existe pas de déficit d'innovation. Il existe plutôt une multitudes de déficits, et leur signification n'est pas claire, pas plus que celle des activités dont nous parlons dans le chapitre.

Le Parlement exerce son droit de regard quand des comités comme le vôtre demandent aux hauts fonctionnaires du ministère ce qu'ils ont voulu dire quand ils ont parlé de «fossé de l'innovation». Que voulaient-ils dire au juste? Le fossé rapetisse-t-il ou s'agrandit-il? En quoi leurs programmes s'attaquent-ils à ce présumé problème dont ils viennent parler aux parlementaires?

Ils se présentent devant le Parlement pour dire: «Nous avons cet énorme problème. Donnez-nous les fonds que nous vous demandons pour que nous puissions le corriger». Nous estimons qu'ils devraient pouvoir boucler la boucle pour la Chambre des communes et dire: «Voici le problème et voici ce que nous faisons pour le régler, et la situation s'améliore, ou bien elle ne s'améliore pas.» Vous verrez d'après les recommandations que nous avons faites que nous ne croyons pas qu'ils soient en mesure de faire cette évaluation à ce moment-ci.

Nous pouvons bien sûr formuler des recommandations, mais les recommandations d'un comité permanent ont bien plus de poids que les nôtres.

La présidente: Merci, monsieur Jones.

Madame Jennings, vous avez la parole.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Je vous remercie de votre présentation. À la suite de la question de mon collègue Jones, vous avez soulevé un point important au sujet des systèmes d'innovation. Dans certains secteurs commerciaux ou industriels, on innove de façon régulière et on a mis en place des systèmes où il y a concertation entre les institutions d'enseignement, dont les universités, les sous-traitants, les grandes compagnies, etc.

Lors de votre vérification du programme PARI, avez-vous relevé l'absence de tels mécanismes d'innovation dans certains secteurs commerciaux ou industriels au Canada où les PME sont prédominantes?

Je connais une petite compagnie qui compte une cinquantaine d'employés et que j'ai visitée dernièrement. On y prépare des produits alimentaires qu'on vend. Il y a des années que cette compagnie fait sa propre recherche en vue d'améliorer la qualité de ses produits, cela sans aucune subvention du gouvernement. Elle a donc dû faire beaucoup d'économies pour demeurer concurrentielle. La compagnie a développé de nouveaux procédés qui rendent ses produits différents des autres qui sont sur le marché. Si je donnais les noms des produits concurrents, tout le monde la reconnaîtrait.

• 0945

Cette société a connu une grande expansion parce que la qualité de ses produits les met au-dessus de ce que nous sommes habitués d'acheter. Elle connaît une expansion, d'abord au Canada, et commence à étendre le champ de ses exportations en Amérique du Nord et même en Asie. Elle a, en 12 mois, doublé sa main-d'oeuvre, et son plan d'affaires est censé au moins quadrupler d'ici cinq ans. Quant à ses profits ou revenus,

[Traduction]

ils devraient quintupler ou sextupler. Voilà donc un exemple.

Il s'agit d'une industrie où le degré d'innovation n'est peut-être pas aussi élevé que dans le secteur de la technologie de pointe, par exemple. J'aimerais savoir quels sont les mécanismes dont dispose le PARI, le cas échéant, pour déterminer quels sont les secteurs où l'on a un déficit d'innovation par rapport à d'autres secteurs, et j'aimerais savoir si le PARI, tel qu'il est conçu, est en mesure d'encourager les entreprises à innover, à faire des recherches qui pourraient se traduire par un procédé ou un produit commercialement viable. Il y aurait là un problème selon moi.

Les grandes entreprises, dans le domaine de la fabrication automobile ou dans celui de l'aérospatiale, ont déjà leurs systèmes en place, de sorte qu'elles sont tout à fait à même de profiter du PARI. S'agissant toutefois des petits secteurs qui n'ont pas de ces systèmes en place, en quoi le PARI les aide-t-il? S'il ne les aide pas, que peuvent faire le Parlement et le gouvernement pour mettre en place les mécanismes nécessaires pour venir en aide à ces secteurs qui ne sont pas productifs afin qu'ils le deviennent davantage?

[Français]

M. Richard Flageole: J'aimerais répondre à votre question. Peut-être M. Simeoni voudra-t-il ajouter certains commentaires sur des aspects particuliers.

Je pense que vous avez bien illustré le degré de complexité de ce qu'on désigne par innovation. Quand on en parle, de quoi parle-t-on? Dans le cas des petites entreprises, il existe certainement un potentiel incroyable de croissance économique. On en revient un peu au rôle du PARI. Encore une fois, le PARI comporte deux volets: il sert de conseiller technique et de consultant pour d'autres services.

Il est certain que la plupart des petites entreprises ne fonctionnent pas de façon aussi systématique ou organisée que le secteur de l'aéronautique. Dans certains cas, il est souvent beaucoup plus important de les initier à la façon de faire des affaires. Souvent le produit est là et il peut être amélioré au moyen d'un petit investissement sur le plan technologique. Cependant, les grandes questions qui se posent tournent autour de la façon de commercialiser la bonne idée qu'elles ont. De ce point de vue, les besoins sont extrêmement importants.

Une des choses qu'on mentionne dans le chapitre, c'est qu'il serait important pour le PARI de peut-être mieux définir ses services de consultation. Dans certains cas, l'octroi de ces services pourrait leur apporter une valeur ajoutée de beaucoup supérieure aux 15 000 $ qu'on leur donnerait pour réaliser un petit projet technologique.

Avoir un produit qu'il ne s'agit plus de fabriquer mais de vendre, améliorer les relations avec des partenaires sur les marchés internationaux, explorer les possibilités d'exportation, tout cela comporte un potentiel très important qui peut donner des résultats relativement intéressants. Il serait important que le PARI cible bien quel type d'intervention sera le plus efficace. Encore une fois, je pense que le programme est conçu en fonction de cela. Il y a des choix stratégiques à faire et il sera important que la gestion fasse le bon choix.

Mme Marlene Jennings: Mais le programme n'est pas conçu pour résoudre le problème créé par l'absence, dans certains secteurs d'activité commerciale, de système d'innovation, soit de concertation entre les sociétés de ce secteur, entre institutions de formation, universités, collèges, etc. À ce que j'en comprends, le PARI n'est pas conçu pour aider les secteurs à se doter d'un tel système.

• 0950

Donc, je m'interroge. On donne déjà de l'argent à certains organismes—non pas Industrie Canada mais Développement des ressources humaines Canada—tels que, dans l'Ouest, Community Futures et Development Corporation; au Québec, ce sont les SADC. Je me demande si ces organismes, qui ont un mandat de développement économique dans leur localité ou dans leur communauté ne pourraient pas, d'une certaine façon, servir d'agents de liaison. Je me demande s'ils ne pourraient pas repérer les secteurs qui, dans leur territoire, manquent de système d'innovation et les aider à en établir un.

Par la suite, comme ils connaissent très bien le PARI, ils pourraient établir la liaison avec ce programme au moment où les choses seraient mûres pour que ce soit possible.

Il est certain que ce n'est pas le PARI qui va aider un secteur à se doter d'un système d'innovation. Il y a donc une véritable faille. Jusqu'à maintenant, je ne vois pas de concertation s'établir entre les différents programmes gouvernementaux, du moins au niveau fédéral. Il n'est pas nécessaire de créer un nouveau programme, car il en existe déjà. Ce qui manque, c'est une meilleure concertation entre les programmes existants.

[Traduction]

La présidente: Votre question, madame Jennings?

[Français]

Mme Marlene Jennings: Je n'ai pas de question. Je voulais seulement faire valoir ce point de vue. Merci.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Flageole, avez-vous quelque chose à dire en réponse?

[Français]

M. Richard Flageole: Je pense que vous soulevez une question très importante. Encore une fois, je reviens à la conception du programme. Le programme est conçu de façon à ce que les gens qui y travaillent soient très près des entreprises. Dans plusieurs cas, il s'agit d'interventions individuelles.

Je reviens toujours à la question des services-conseils offerts par le PARI. Je pense qu'ils peuvent, dans les diverses communautés, jouer un rôle de liaison entre entreprises ou entre programmes gouvernementaux. Je crois sincèrement que le PARI est équipé pour le faire, pour au moins référer des clients, à cause des relations privilégiées et étroites que ses intervenants ont avec les petites entreprises. Je crois qu'ils sont en mesure de fournir ce service-là. Encore une fois, c'est au PARI qu'il appartient de déterminer quelle sera l'intervention la plus efficace à faire auprès de ces entreprises.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie.

[Français]

Monsieur Brien, est-ce que vous avez des questions? Non? Monsieur Jones? Non?

[Traduction]

Monsieur Cannis, vous avez la parole.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente. Je ferai tout d'abord quelques observations, puis je poserai une question.

Je veux poursuivre là où mon collègue Jim Jones s'est arrêté en parlant du mot «innovation». Je voudrais essayer de disséquer ce mot, si vous voulez, pour en arriver à le définir.

Dans votre exposé, au point 4, vous parlez de systèmes nationaux et régionaux d'innovation, et vous poursuivez en parlant du fossé de l'information qui indique que le Canada n'est pas suffisamment innovateur comparativement à ses principaux partenaires commerciaux. Vous poursuivez toutefois au point 7 en disant que la signification de ce retard n'est pas claire. Puis, un peu plus loin, vous dites au point 8 qu'il n'y a pas de facteur qui explique à lui seul cet écart de productivité et que, par conséquent, il n'existe pas de solution unique.

Cela fait beaucoup d'affirmations générales, bien que nous ayons obtenu une réponse de M. Simeoni. Quand on lui a demandé des précisions, il a parlé de la politique économique et du contexte économique, si je peux me permettre de le citer.

Ma question concerne la fin du point 9, à la page 3. Pour qu'un particulier, une entreprise ou un milieu deviennent innovateurs, que faut-il faire quand on a une nouvelle idée ou un niveau système en tête, comme vous l'avez dit, monsieur Simeoni? Comment peut-on faire pour concrétiser cette nouvelle idée si l'on ne nous donne pas les outils voulus? Bien souvent, les outils voulus, ce ne sont pas des outils traditionnels, mais bien le soutien financier nécessaire pour mettre au point un système pour un secteur en particulier, quel qu'il soit.

• 0955

Je suis d'accord avec vous. Quelqu'un a dit que ce ne sont pas toutes les idées qui sont menées à terme et qui donnent des résultats concrets. En ce qui a trait aux mesures de soutien à la R-D, pouvez-vous nous dire quelles sont les activités qui nous permettraient d'améliorer notre technologie, d'améliorer notre société? Vous venez de faire une déclaration ouverte. L'appui à la R-D nécessiterait des activités susceptibles de conduire à l'intégration des nouvelles technologies dans notre économie. Quelles sont les activités que nous devrions soutenir selon vous? Si quelqu'un a une idée novatrice, que devons-nous faire pour l'appuyer. Suffit-il qu'on le félicite? Faudrait-il que l'ambassade lui donne son aval? Faudrait-il l'aider à obtenir son certificat de conformité? Est-ce ainsi que l'appui doit se manifester?

M. Peter Simeoni: Il y a deux dimensions à l'innovation, ce qui contribue à expliquer le problème que nous avons quand il s'agit de discuter de politique gouvernementale. L'innovation demeure généralement difficile à définir, et les meilleures définitions sont pour la plupart très générales; c'est le cas de la définition que nous avons utilisée dans le chapitre, à savoir l'application de l'information à une nouvelle fin. C'est la meilleure définition que nous ayons pu trouver. On pourrait aussi dire que l'invention et la mise en marché font partie de la créativité, mais il faut aussi pouvoir vendre le produit. Enfin, les avis sont partagés quant aux formes que prend l'innovation.

Pour revenir au début de mon propos, il y a deux façons de l'aborder. Il y a l'innovation au niveau de l'entreprise. Le Conference Board du Canada a publié récemment les résultats de travaux fort intéressants sur les caractéristiques des entreprises qui ont fait preuve d'innovation récemment et sur les pratiques exemplaires qu'elles ont suivies de même que les mesures qu'elles ont prises et qui pourraient servir de modèles à d'autres entreprises.

Quand nous parlons, dans notre exposé préliminaire et dans le chapitre, d'intégrer l'innovation à l'économie, nous l'abordons du point de vue systémique. L'innovation, c'est plus que les bonnes idées et les nouveaux produits mis au point par des entreprises individuelles. C'est prendre ces nouvelles technologies et les diffuser à l'échelle de l'économie tout entière, car c'est ainsi que nous pouvons améliorer le rendement du Canada au chapitre de l'innovation. S'il y a une entreprise qui est particulièrement novatrice et qu'il n'y en a pas d'autre... cela n'est guère intéressant pour nous.

Cela m'amène à vous parler d'un autre problème auquel nous nous sommes heurtés. Le Canada n'a tout simplement pas les moyens de faire tout le travail de R-D et tout le travail d'innovation dont il a besoin. Il devra importer des idées d'autres pays et les acheter. Le gouvernement fédéral pourrait notamment avoir pour rôle de faciliter ce transfert d'information à partir d'autres pays.

M. John Cannis: Pour ce qui est de partenariat, les échanges internationaux dont vous avez parlé...

M. Peter Simeoni: Exactement. Nous entendons souvent dire que les entreprises canadiennes du secteur manufacturier ne sont peut- être pas aussi avancées sur le plan technologique que certains de nos compétiteurs. Comment expliquer ce retard et comment faire pour que les entreprises canadiennes aient cette technologie à leur disposition? Voilà une autre dimension de l'innovation qui a très peu à voir avec la R-D mais qui pourrait en fait être tout aussi importante. C'est pour cette raison que nous avons fait cette déclaration générale selon laquelle l'innovation, c'est plus que le simple travail de R-D. Si nous mettons tous nos oeufs dans le même panier, nous n'en serons peut-être pas plus compétitifs. Nous avons beaucoup d'idées, mais il faut plus que des bonnes idées. Il faut que ces idées puissent être appliquées de façon générale chez les petites entreprises, par exemple.

La présidente: Merci, monsieur Cannis.

À vous, monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Je veux revenir au système d'innovation, car je crois que vous avez raison. Il est très difficile de définir cette notion et de l'expliquer parce que nous n'y avons pas consacré assez de temps. C'est peut-être ce qui explique que nous ayons un déficit.

Dans la dernière partie de ce que vous avez dit, par exemple, vous avez évoqué le rôle de l'innovation dans la transformation. Il ne s'agit pas toujours nécessairement de nouveaux produits ou de nouvelles choses. Il peut s'agir d'innovation dans la transformation. Il peut s'agir d'innovation dans les services. Nous n'avons pas assez étudié ces aspects-là.

J'aimerais essayer d'approfondir un peu plus avec vous les raisons pour lesquelles nous n'avons pas défini notre système d'innovation. D'après les travaux que vous avez effectués pour votre rapport, est-ce parce que, par le passé, l'innovation ne dépassait pas le périmètre des universités et de divers bâtiments, parce qu'on n'en parlait pas aussi ouvertement qu'on aurait dû? Pouvez-vous nous parler de ce que vous savez à ce sujet? Il nous faut pouvoir en arriver à une définition objective pour que nous puissions assurer une plus grande diffusion au Canada.

• 1000

Prenons le cas de l'innovation dans le domaine agricole. On en voit les résultats à Saskatoon. On les voit dans diverses régions du pays, mais quand on va parler d'innovation avec les gens, dans certaines collectivités, les gens n'arrivent pas à comprendre. Vous pourriez peut-être nous faire part de vos constatations à cet égard.

M. Peter Simeoni: Au cours des travaux que nous avons faits pour préparer la vérification et au cours de l'étude comme telle qui est présentée en introduction, nous nous sommes penchés, comme je le disais tout à l'heure, sur cette question de l'innovation.

Je tiens à dire, à la décharge du ministère, qu'il s'agit d'une idée assez nouvelle. Le concept des systèmes d'innovation, en tant qu'outil d'analyse des politiques gouvernementales, remonte tout au plus, en fait, à 1994. Ce n'est qu'en 1995 que le Canada a été pris à partie dans un rapport de l'OCDE pour son déficit d'innovation. L'idée est donc encore relativement nouvelle.

Ce qui nous préoccupe dans une certaine mesure, c'est qu'il n'a pas fallu beaucoup de temps pour que l'innovation commence à figurer dans les rapports présentés au Parlement. Voilà maintenant que l'innovation est devenue une activité au même titre que les anciens programmes—alors qu'elle ne figurait pas au nombre des activités du ministère auparavant—voilà maintenant que le ministère se met à faire la promotion de l'innovation. Quand nous avons poussé l'analyse un peu plus loin, nous avons constaté qu'il n'y avait pas eu beaucoup de travail sur lequel ces affirmations pouvaient être fondées. On ne savait pas vraiment ce qu'il fallait entendre par innovation, comme vous le disiez justement. Il faut donc faire un retour en arrière en quelque sorte pour essayer de préciser quels sont les problèmes qu'on cherche à régler et quels sont les moyens qu'on a décidé d'utiliser pour ce faire.

On a sauté des étapes. On a cerné un problème sans avoir fait une analyse complète pour en déterminer la nature exacte. On dit qu'on travaille à des solutions qui étaient déjà en place quand le problème a été repéré, et ces solutions étaient là pour des raisons différentes.

Le PARI n'a pas été conçu à l'origine comme un programme destiné à favoriser l'innovation. Il n'avait pas été conçu à cette fin. Or, voilà qu'il est maintenant censé être utilisé à cette fin. Il est censé être utilisé pour régler ce problème-là aussi. Il en est de même pour le programme des PTC, qui est maintenant censé favoriser l'innovation.

Je ne pense pas qu'il s'agisse simplement de changer d'étiquette. Il faut que le ministère fasse plus que cela. Comme vous pouvez le constater dans notre chapitre, on a omis de faire une analyse de base des politiques, laquelle, à notre avis, est essentielle. On y travaille. Je ne veux pas être trop critique. On a commencé à faire du bon travail là-dessus à Industrie Canada.

M. Walt Lastewka: La semaine dernière, on est venu nous dire que 2 p. 100 seulement de l'innovation au Canada est d'origine canadienne, alors qu'il s'agit de transferts dans 98 p. 100 des cas. J'estime que l'objet initial du PARI était d'aider les entreprises à transférer des technologies et à les appliquer chez nous au lieu d'essayer de réinventer la roue. Il semble maintenant qu'on veuille changer le but, comme vous l'avez dit, qu'on veuille devenir des innovateurs, et il va falloir un certain temps pour que cela se fasse, si tant est que c'est ce qu'il convient de faire.

Il nous faut faire plus de travail pour ce qui est de définir ce qui constitue un système d'innovation. Nous devrions pouvoir définir ce qu'est un système d'innovation, de manière à pouvoir dire qu'il faut passer par telle ou telle étape. Il n'y a rien de sorcier là-dedans.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka.

À vous, monsieur Pickard.

M. Jerry Pickard: N'étant pas expert en innovation, je me dois de vous demander ce dont vous parlez vraiment. Il faut que je puisse faire le lien avec mon vécu, avec mon expérience, pour pouvoir comprendre ce que vous dites. Au lieu qu'on nous présente 30 ou 50 points au sujet de ce qui se passe, je crois qu'il faut nous donner des exemples pour nous montrer ce qui se passe et comment cela se passe.

Je vais faire le lien avec l'industrie des cultures de serre dans ma région. Il y a 10 ans, on a mis au point un type de tomate qui a entraîné une révolution dans l'industrie des cultures de serre. Cette percée scientifique a conduit à de nouveaux types de serre, à de nouvelles méthodes de distribution chimique, à de nouveaux mécanismes de contrôle, à de nouvelles méthodes de vente, à de nouveaux débouchés aussi dans toute l'industrie grâce aux accords que le Canada avait réussi à conclure.

Aussi l'innovation n'est pas quelque chose de nébuleux pour moi. La recherche dans les universités... Le Centre de recherche Harrow dans ma région... Cette révolution dans l'industrie des cultures de serre a eu un effet tel que tous les intéressés se sont regroupés. Ils ont recours au même type de personnel de vente. Ils ont tous des produits à mettre en marché.

Le type de tomate qui a été mis au point peut maintenant être vendu à prix compétitif par rapport à celui des produits venant de la Californie ou de la Floride. Quand la Floride a été secouée par un ouragan il y a de cela quelques mois, une vingtaine de camions de tomates d'une entreprise de ma circonscription s'y sont rendus.

• 1005

Selon moi, il faut qu'on puisse dire: «Voici les compétences qu'il faut avoir, voici la recherche qui doit être faite, voici les méthodes par lesquelles on peut accroître la productivité, et voici comment il faut s'y prendre pour y arriver.»

Il me semble qu'il suffit d'analyser un cas comme celui-là pour que tout devienne très clair. Il n'y a qu'à aller au centre de biotechnologie de Saskatoon pour faire une analyse semblable et savoir comment toutes ces entreprises qui étaient en concurrence les unes avec les autres ont su se concerter avec un objet en tête, à savoir mettre au point un ensemble de compétences, un ensemble de technologies, un ensemble d'informations, pour ensuite faire la commercialisation à l'échelle du pays tout entier. C'est le commerce à grande échelle qui se pratique là. Ce que l'on voit n'est pas l'effet d'un effort isolé.

Selon moi, ce n'est pas ce qui ressort des propos d'aujourd'hui—on ne parle pas de se rendre sur place pour aller voir ce qui se passe, pour aller déterminer si telle chose marche ou pas, on ne parle pas de se rendre tout simplement dans les différentes entreprises pour voir ce qui s'y passe.

D'après ce que je vous entends dire ce matin, il me semble que tout est tellement nébuleux, si peu concret. Il y a pourtant quelque chose de concret à ce phénomène, et il y a un ensemble de compétences qui sont nécessaires; il faut que les choses soient très claires pour que la moyenne des gens, comme moi, puissent les comprendre et appliquer ces informations. Pourquoi cela ne se fait- il pas?

M. Peter Simeoni: Cela se fait, mais depuis très peu de temps seulement. Le rapport du Conference Board dont j'ai parlé tout à l'heure a été publié le mois dernier seulement. Il fait état d'études de cas d'entreprises novatrices, et on essaye d'en tirer des leçons pour d'autres.

Cela revient à ce que je disais tout à l'heure au sujet de la nécessité de revenir en arrière et de remplir les vides. En tant que gouvernement, nous voulons faire la promotion de l'innovation. Quelles formes prend l'innovation? Car elle existe bel et bien, on en voit chaque jour les signes. Il y a une multitude d'entreprises différentes qui font de l'innovation aux quatre coins du pays. Elles travaillent ensemble et il existe des systèmes d'innovation. Le rôle du gouvernement doit être d'essayer de mieux comprendre ce qui se passe pour pouvoir mieux cibler ses interventions et optimiser l'utilisation de ses ressources limitées.

J'aime bien l'exemple que vous nous avez donné, celui de ce nouveau type de tomate, car il semble évident qu'il y avait là une pensée qui dépassait le champ scientifique. On n'a pas mis au point la tomate pour se demander ensuite ce qu'on allait en faire. Je suppose qu'on avait déjà prévu que, si on arrivait à mettre au point ce type de tomate, on pourrait lui trouver un marché. Voilà le genre d'analyse qui aurait dû être faite, selon nous, pour les projets auxquels le gouvernement a apporté sa contribution financière et qui n'existait pas dans la plupart des cas.

M. Jerry Pickard: Ce que M. Lastewka a souligné tout à l'heure est tellement important. Les petites entreprises ne se contentent pas d'attendre le résultat des recherches scientifiques dans un domaine donné; c'est là quelque chose qui est loin de leurs préoccupations quotidiennes et du fonctionnement de l'entreprise. Nous devons réunir toutes ces informations pour en tirer un modèle d'application pratique, afin que les entreprises puissent s'en servir.

Le succès que nous avons connu dans ma région est en grande partie dû au rôle du Centre de recherches Harrow et de plusieurs autres mécanismes qui ont permis de conjuguer les efforts d'une multitude de personnes ayant des compétences des plus actuelles. D'autres petites entreprises novatrices sont ensuite venues se joindre à eux à cause du dynamisme qui était si apparent. Le gouvernement a toutefois très peu de choses à voir avec des expériences comme celle-là.

M. Peter Simeoni: Je suis entièrement d'accord avec vous. Le gouvernement cherche à promouvoir l'innovation dans l'économie, mais son rôle devrait être de chercher à comprendre la nature de cette innovation. Ce que vous venez de décrire est à mon sens un système d'innovation.

Si ce système d'innovation venait lui demander des fonds, le gouvernement aurait l'obligation de déterminer quelle serait la meilleure façon de s'y prendre pour financer les activités du système étant donné ce qu'il essaie de faire. Nous ne disons pas que le gouvernement fédéral doit mettre sur pied des systèmes d'innovation. Ce qu'il doit faire, c'est comprendre comment fonctionne ce qui existe déjà au pays, car il en existe déjà de ces systèmes, et il devrait prendre les 500 millions de dollars par an dont nous parlons et les investir dans ces systèmes d'innovation de manière à obtenir le plus grand effet de levier possible. Or, le gouvernement investit déjà dans des activités comme celles-là sans faire d'analyse systémique. Voilà ce qui nous préoccupe énormément.

• 1010

M. Jerry Pickard: Ainsi, vous êtes d'avis qu'il faudrait envoyer des gens voir ce qui se passe dans le cas de ces expériences réussies et en revenir avec des leçons qui pourraient être appliquées ailleurs.

M. Peter Simeoni: Il faut essayer de comprendre ce qui fait le succès des expériences d'innovations au Canada et voir s'il n'y a pas moyen de faire la même chose ailleurs.

M. Jerry Pickard: Vous voulez parler de faire cela à l'échelle du Canada ou du monde?

M. Peter Simeoni: Il vaudrait peut-être mieux commencer chez nous et élargir notre rayon d'action au besoin. La situation ailleurs n'est pas toujours comparable à celle que nous avons au Canada. Si nous voulons étendre notre rayon d'action à l'extérieur du Canada, il faudrait que ce soit dans des pays qui ont une structure économique semblable à la nôtre, pas nécessairement aux États-Unis.

M. Jerry Pickard: Il y a quelque chose qu'on a dit tout à l'heure qui me laisse perplexe.

On a dit que le Canada avait un certain retard à ce chapitre. Pourquoi alors ne pas aller voir ce qui se passe chez eux dans des domaines où ils sont des chefs de file, des références? Si nous suivons le même raisonnement, il y a divers endroits où l'innovation est manifeste, qu'il s'agisse de la Silicon Valley ou de Dallas, au Texas, où nous pouvons nous rendre observer les diverses manifestations de l'innovation et en analyser les composantes. Ce genre d'enquête serait-il utile?

M. Peter Simeoni: Je suis sûr qu'il le serait. Je ne veux pas dissuader le comité ni le gouvernement de manière générale de faire exactement ce que vous proposez. Nous pouvons certainement tirer des leçons des réussites des autres.

Nous devons aussi, cependant, être le plus au fait possible de ce qui se passe chez nous, car il semble peu probable que les leçons que nous pourrons tirer d'ailleurs conviendront parfaitement ici au Canada. Il faudra les adapter à notre situation particulière. Cherchons donc à tirer des leçons des réussites des autres et cherchons aussi à comprendre ce qui se passe ici, pour ensuite mettre au point des solutions qui conviennent à nos circonstances particulières. J'estime que tout ce travail de recherche doit être fait—le plus tôt sera le mieux.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Pickard.

Je veux continuer brièvement sur la lancée de M. Pickard. Vous avez dit deux ou trois choses tout à l'heure au sujet de vos attentes quant aux critères qui permettraient d'évaluer les programmes. Je crois que M. Pickard nous a donné un excellent exemple d'une réussite extraordinaire que personne n'aurait pu prévoir et à laquelle personne ne pouvait s'attendre non plus.

La taille de l'industrie en question n'a pas simplement doublé. Auparavant, une entreprise de culture de serre de deux à cinq acres était considérée comme une grosse entreprise, alors que ce type d'entreprise s'étend maintenant sur plus de 25 acres, et il y en a même une qui a une superficie de 40 acres. L'industrie a aussi attiré de nouveaux participants. Il ne s'agit plus—nécessairement—de producteurs traditionnels, à cause de l'ampleur des entreprises, des dépenses et des capitaux qu'elle nécessite.

Quand vous parlez donc de l'importance de la recherche et des fonds du PARI et des attentes que vous avez... Il me semble qu'il n'est pas toujours possible de mesurer ce qui se fait et, si vous fixez des critères trop stricts ou si vous avez des exigences ou des attentes trop élevées, il ne sera pas toujours possible de les atteindre et ces critères et ces attentes ne seront jamais exactement ce qu'ils doivent être.

Prenons l'exemple de l'industrie du colza canola. Il est impossible de quantifier l'argent qui a été investi dans la recherche ni l'argent que cela a rapporté. C'est tout simplement impossible. S'il était possible de le faire, toutes les recherches dans le domaine agricole seraient financées à tout jamais. C'est ainsi.

Nous reconnaissons une chose cependant. Je n'accepte toujours pas ce que vous avez dit au sujet du fait que la recherche n'est pas l'élément le plus important. Nous avons entendu le témoignage d'experts en économique qui nous ont dit, à l'aide de graphiques, comment nous nous comparions aux États-Unis.

Nous continuons de faire des comparaisons entre le Canada et les États-Unis sur le plan de la productivité. Or quant on compare la productivité et les montants qu'ils ont continué de consacrer à la R-D en comparaison des montants que nous dépensons à ce chapitre, et si l'on tient compte du fait qu'ils ont équilibré leur budget et que nous avons équilibré le nôtre, il ressort que la R-D est l'un des domaines auxquels ils ont continué de consacrer d'importantes sommes.

Pourtant, leur taux de productivité a continué d'augmenter tandis que le nôtre n'a pas bougé. Il faut qu'il y ait un lien de cause à effet. Il ne peut pas en être autrement. On ne peut pas se contenter de dire qu'il n'y a aucun lien, ce n'est pas si simple. Il faut que ce soit l'un des facteurs qui entrent en ligne de compte.

• 1015

La meilleure attitude serait peut-être de dire que c'est une possibilité, mais que ce n'est pas nécessairement le cas. On ne sait pas. Mais nous savons par contre que nous avons du retard à ce chapitre. Nous savons que nous continuons de perdre du terrain à cet égard, et nous savons que nous continuons à nous comparer aux États-Unis. J'ignore si vous avez des observations à faire là- dessus.

M. Richard Flageole: Je ne suis pas sûr que nous soyons en désaccord là-dessus. Je pense que le message principal... nous sommes tout à fait conscients que la R - D est l'un des nombreux facteurs en cause. Vous avez donné de très bons exemples. Il y a beaucoup de réussites éclatantes au Canada.

Si l'on pouvait indiquer dans un tableau, en termes très simples, ce qui doit se passer, depuis la naissance d'une idée jusqu'à la fabrication d'un produit et à sa mise en marché, si l'on voulait aligner toutes les activités qui doivent avoir lieu, je suis certain que l'on pourrait trouver un certain nombre d'intervenants dans l'économie canadienne qui n'ont besoin d'aucune aide ou qui auraient seulement besoin d'un coup de pouce du gouvernement pour connaître énormément de succès. Nous en avons de bons exemples. Dans d'autres cas, peut-être que d'autres intervenants auraient besoin de l'aide du gouvernement à différentes étapes. C'est pourquoi il est extrêmement important de comprendre quelles sont ces étapes et quelles sont les conditions du succès à chacune de ces étapes.

Je songe à l'ensemble du portefeuille de l'Industrie, et aussi à d'autres ministères. Je suis certain que si l'on examinait un tel tableau, on pourrait trouver des programmes gouvernementaux qui visent à intervenir à chacune des étapes. Il y a des considérations fiscales dont il faut tenir compte. Le financement est aussi un dossier important. Je songe à d'autres programmes comme le Programme des prêts aux petites entreprises et le rôle de la Banque de développement du Canada, et il y a aussi la promotion des exportations qui est une autre question.

Je pense qu'en comprenant mieux tout cela, le gouvernement serait mieux placé pour s'assurer que toutes ces interventions se font au point le plus efficace. Dans certains secteurs, la R - D est la clé. Dans d'autres, ce n'est peut-être pas le cas; peut-être que l'aide devrait être concentrée ailleurs.

La présidente: Mais il arrive aussi parfois qu'il faut davantage.

Je pense que l'exemple de M. Pickard, celui de la culture en serre, est intéressant parce qu'il faut parfois faire preuve de jugement. Si l'on remonte aux années 60, quand l'industrie des cultures de serre était en difficulté, si le gouvernement n'était pas intervenu à ce moment-là, elle n'aurait pas survécu, même si certains disaient que c'était de l'ingérence politique. Nous n'aurions pas aujourd'hui cette industrie de plusieurs millions de dollars dans le comté d'Essex si quelqu'un n'avait pas eu il y a 30 ans la clairvoyance d'intervenir pour sauver les éléments de cette industrie qui survivaient à l'époque.

Sauf votre respect, je trouve parfois que les rapports sont un peu trop critiques à l'égard de ce que j'appellerais des décisions qui sont affaire de jugement. Parfois, il faut décider et agir. Nous ne serons pas là dans 30 ans pour dire si ces décisions étaient fondées ou non, mais je trouve que c'est un bon exemple, parce que si l'on revient en arrière, il serait intéressant de voir ce qui s'est passé et quelle analyse on faisait à la fin des années 60 des décisions qui ont été prises à cette époque, et de faire la comparaison avec la situation actuelle.

Il serait intéressant de suivre le cheminement de cette industrie, car je pense qu'à la fin des années 60, personne n'aurait pu en prédire l'avenir. Comme M. Pickard l'a déjà dit au sujet de l'essor de la culture des tomates en serre et de la culture hydroponique, personne n'avait prévu que l'on passerait de cinq acres à 25 puis à plus de 40 acres quasiment du jour au lendemain, et il y a même une exploitation qui atteint presque 60 acres. C'est extraordinaire. Je signale simplement cela en passant.

Le comité vous est reconnaissant d'être venus témoigner. La réunion a été très intéressante. J'ignore si vous avez d'autres réflexions dont vous voulez nous faire part, monsieur Flageole. Le mot de la fin?

M. Richard Flageole: Nous avons fait pas mal de travail sur le portefeuille de l'Industrie ces deux ou trois dernières années et nous avons examiné différents aspects. Je songe au travail que nous avons fait sur le programme des prêts aux petites entreprises, la stratégie fédérale des sciences et de la technologie, et d'autres études que nous prévoyons de faire sur divers programmes de subventions et contributions.

Le message général est que c'est un domaine très important pour le Bureau. Nous espérons vraiment que le travail que nous faisons pour le comité et pour le Parlement sera utile. C'est probablement l'un des défis les plus importants que le Canada doit relever d'ici quelques années; en fait, on peut même dire qu'il y a un sentiment d'urgence, car tout s'accélère.

Je répète que nous poursuivrons nos efforts pour essayer de vous fournir la meilleure information possible. Si, en tant que comité, vous avez des suggestions à faire, si vous pensez que notre Bureau pourrait faire du travail supplémentaire ou peut-être travailler différemment, nous sommes certainement ouverts à toute suggestion.

• 1020

La présidente: Nous vous remercions tous les deux d'être venus ce matin. Nous vous sommes reconnaissants pour le bon travail que vous faites et nous comptons avoir le plaisir de vous revoir bientôt.

Nous allons maintenant faire une pause d'environ cinq minutes, après quoi nous entendrons les témoins suivants.

Merci.

• 1021




• 1029

La présidente: Nous allons poursuivre nos travaux, si tout le monde est prêt. Je demande à chacun de prendre place.

Nous avons le plaisir d'accueillir comme témoin M. Terry O'Toole, de TCA Canada. Je tiens simplement à préciser qu'il est le président de la section 3 de la Fédération des travailleurs de construction navale. Nous accueillons également M. Robert Chernecki, adjoint du président; et M. Gary Marr, qui est président de la Fédération des travailleurs de construction navale.

Êtes-vous aussi président d'une section, ou de la Fédération?

M. Gary Marr (président, Fédération des travailleurs de construction navale, Travailleurs canadiens de l'automobile): De la Fédération.

• 1030

La présidente: Très bien.

Nous accueillons aussi M. Bern Hardy, vice-président de la Fédération des travailleurs de construction navale; et M. Les Holloway, directeur général de la Fédération. Enfin, du Syndicat des travailleurs du chantier maritime de Lauzon, nous accueillons M. Richard Gauvin, qui en est le président.

Je propose d'entendre d'abord les déclarations liminaires, dans l'ordre dans lequel les témoins figurent sur la liste. Nous allons donc commencer par les TCA.

M. Robert Chernecki (adjoint du président, Travailleurs canadiens de l'automobile): Merci, madame la présidente.

Nous vous sommes reconnaissants de nous accorder du temps pour témoigner devant le Comité de l'industrie. Quel que soit l'angle sous lequel on l'aborde, cette question est cruciale pour les gens que vous avez devant vous.

Premièrement, je tiens à vous signaler le document que nous vous avons remis. Chacun a reçu un document bleu intitulé «A Shipbuilding Strategy for Canada» et des documents supplémentaires traitant d'autres questions qui seront abordées pendant le processus.

Je veux d'abord vous dire que le document que vous avez sous les yeux est unique à bien des égards. Je crois que c'est la première fois dans l'histoire de l'industrie que l'on a réuni les employeurs et les divers groupes de travailleurs d'un bout à l'autre du pays, y compris, bien sûr, nos bons amis du Québec qui sont membres de la CSN et le groupe maritime de la Colombie- Britannique.

Il y a deux ou trois ans que nous avons décidé dans notre industrie... Et je suis fier de dire «nous», parce que les employeurs ont bien sûr donné leur appui. Ils comprennent le problème tout comme nous au bout de la table. Nous le vivons au quotidien et nous avons été témoins du déclin de notre industrie, à notre avis à cause de l'absence de politiques. Ce document reflète les points de vue et les opinions de tous les groupes que je viens de mentionner et nous croyons que c'est véritablement un plan d'action pour l'avenir de notre industrie.

Pour revenir au mandat du comité, nous voulons essayer d'aborder le problème de la compétitivité; les problèmes de l'avenir; la productivité passée, actuelle et future; et certaines idées novatrices que nous avons à offrir pour essayer de faire débloquer les choses dans ce dossier important.

Aujourd'hui, l'industrie navale emploie environ 40 000 personnes. Nous manutentionnons plus de 200 tonnes de fret par année. Environ 75 p. 100 des biens transportés aujourd'hui sont transportés par mer et sur les divers lacs qui parsèment notre grand pays. Nous ajoutons environ 2 milliards de dollars par année au produit intérieur brut du Canada. Les questions qui se posent, bien sûr, sont celles-ci: dans quel état est cette industrie et comment préparer l'avenir ?

Nous croyons que cette industrie a actuellement une réelle occasion de croissance, mais il faut provoquer un changement d'attitude chez ceux qui s'imaginent que cette industrie est désuète, qu'elle est archaïque. C'est le contraire qui est vrai. Mes collègues vous en donneront des exemples précis, mais nous croyons que le Parlement du Canada, vous, ici dans cette pièce, membres de cet important comité, et nous, tous ensemble, pouvons faire progresser cette industrie de manière qu'elle devienne très compétitive face à tous les gens avec qui nous devons rivaliser, c'est-à-dire le monde entier.

Au printemps 1999, environ 2 500 navires étaient inscrits sur les carnets de commande dans le monde. Je pense qu'il est très important de ne pas perdre cela de vue pour la suite de notre examen. Si l'on jette un coup d'oeil sur notre industrie dans les années 90, par rapport au passé et face à l'avenir, nous sommes en très sérieuse difficulté. Notre industrie a subi un déclin marqué. Plusieurs milliers d'emplois ont disparu ces dix dernières années, la plupart dans les coins les plus durement touchés du pays: l'Atlantique, le Québec et la Colombie-Britannique.

Ce que nous essayons d'exprimer très clairement, c'est la question suivante: quelle est actuellement la politique du gouvernement ? Nous ne croyons pas que l'on ait une idée claire de ce que cela veut dire pour les travailleurs du pays ni pour l'industrie dans son ensemble.

• 1035

Certains soutiennent qu'il était important de rationaliser et de faire des compressions dans les années 80 et au début des années 90. Nous avons beaucoup souffert à cette époque, tout comme les collectivités où étaient situés les chantiers navals. Beaucoup ont fermé leurs portes. Il y a eu beaucoup de rationalisation. Certains soutiennent que le gouvernement a injecté 148 millions de dollars, je crois, dans la rationalisation de l'industrie et que cet argent était censé instaurer une nouvelle compétitivité, un niveau plus élevé de productivité. L'hypothèse était qu'en faisant des compressions, on se retrouverait au bout du compte avec une industrie beaucoup plus solide qui émergerait des décombres. Eh bien, on peut dire que ce n'est pas arrivé. On a beau dire, ça n'est pas arrivé.

Nous avons travaillé dur avec les employeurs pour être compétitifs et pour relever notre productivité qui a atteint un niveau record. Nous avons subi un déclin, comme je l'ai dit tout à l'heure. En dépit de tous les efforts des syndicats et de l'industrie, à notre avis, nous avons eu très peu ou même pas du tout d'aide gouvernementale. Je suppose que l'on peut soutenir que nous avons... J'ai lu les déclarations de M. Manley, j'ai lu ses articles, et j'essaie de comprendre son point de vue. Mais quand on voit l'aide que reçoivent nos concurrents dans d'autres pays, par exemple au Japon, ou encore aux États-Unis—et je dirai un mot tout à l'heure de l'archaïque Loi Jones—ou encore en Corée...

D'aucuns diront que nous avons la SEE et que nous avons le crédit d'impôt pour la R-D. Tout cela est censé aider. Eh bien, je suppose que ça aide en effet dans une certaine mesure, mais il est clair qu'à l'heure actuelle, tout cela ne suffit pas. Les règles du jeu ne sont pas uniformes. On entend toujours dire que nous sommes compétitifs par rapport aux autres pays. Nous avons tous lu les déclarations qui émanent des autres pays. Nous comprenons la situation. Mais la question, c'est de savoir si vous nous donnez en tant qu'industrie les outils dont nous avons besoin pour être compétitifs. Nous soutenons que vous ne le faites pas.

Il y a un dossier qui nous saute au visage à nous tous ici présents—et le comité en a d'ailleurs parlé à huis clos et à d'autres tribunes—je veux parler de l'OMC et de la Loi Jones. Où en sommes-nous dans ces dossiers aujourd'hui? Je pense que nous tous ici dans cette pièce devront faire preuve de franchise. C'est bien beau de dire que nous irons à Seattle ou je ne sais où la prochaine fois... je pense que Seattle n'invitera plus jamais personne.

La question fondamentale qui se pose, c'est de savoir si, oui ou non, le gouvernement en place dans notre pays a les moyens de confronter le gouvernement des États-Unis au sujet de la Loi Jones. Notre sentiment à ce sujet—et nous avons tout un bagage autour de cette table—c'est que nous n'avons pas l'ombre d'une chance. Cette loi existe depuis à peu près 1936 et il est clair qu'elle donne aux États-Unis bien des longueurs d'avance et que nous avons beaucoup de chemin à faire pour être sur un pied d'égalité.

Je ne pense pas qu'on puisse soutenir aujourd'hui que l'on peut faire confiance au gouvernement et croire qu'il pourra travailler avec quiconque pour amener l'OMC à faire disparaître la Loi Jones. Le gouvernement ne le peut pas. Il y a un puissant lobby aux États-Unis dans ce dossier. C'est ressorti clairement pendant les pourparlers sur le libre-échange et encore plus clairement à Seattle. Le ministre Pettigrew n'a même pas abordé le dossier des chantiers navals, semble-t-il. Il n'y est jamais parvenu et je crois qu'il n'y parviendra jamais. Ils sont très protectionnistes et, je vous le dis franchement, je ne les blâme pas. Ils protègent le noyau de leur industrie dans leur pays et il est grand temps que nous en fassions autant.

Nous ne pouvons pas être compétitifs de la façon dont le jeu se joue aujourd'hui. Nous aurons beau actionner tous les leviers, hausser notre productivité à la hauteur de la leur, accroître notre compétitivité, travailler d'arrache-pied dans les chantiers navals jour et nuit pour améliorer notre qualité, nous ne serons jamais compétitifs parce que, je vous le dis franchement, vous ne nous permettez pas de l'être. S'il y a une politique des chantiers navals au Canada, il faudra que quelqu'un me dise en quoi elle consiste. Quand on regarde ce qui se fait au Japon, ce qui se fait aux États-Unis ou encore en Corée, il est clair que ces gens-là protègent le noyau de leurs propres industries navales dans leurs pays.

Je vais m'arrêter là et céder la parole à M. Les Holloway, qui est directeur général de la Fédération des travailleurs de construction navale, après quoi nous entendrons M. Richard Gauvin.

Merci.

M. Les Holloway (directeur général, Fédération des travailleurs de construction navale; Travailleurs canadiens de l'automobile): Je fais miens les commentaires du dernier intervenant et je remercie le comité de nous donner l'occasion de comparaître devant lui au sujet de ce qui est sans nul doute un dossier très important pour les gens qui vous font face.

• 1040

Je voudrais dire, en guise de préambule, que quand on y songe, c'est vraiment une situation unique dans notre pays pour ce qui est des appuis envers la question dont nous allons vous entretenir aujourd'hui.

Nous avons l'appui de la Chambre de commerce du Canada; c'est ce qui est ressorti de son dernier congrès tenu il y a quelques mois, à savoir qu'il y a lieu de rassembler tous les intervenants et de mettre en place une politique dans ce secteur.

Nous avons eu l'appui des premiers ministres provinciaux du Canada en 1997 et nous avons encore leur appui en 1999. Ils s'entendent tous pour dire qu'il faut agir dans ce dossier. Dans leur déclaration, il est fait mention de l'OMC. On sait ce que cela a donné. L'intervenant précédent l'a bien expliqué. Personne n'a à se creuser les méninges pour savoir si l'on a réalisé des progrès quelconques. La question n'a même pas été abordée, à notre connaissance.

Nous avons en outre l'appui des municipalités.

Pour la première fois, nous avons un document qui a l'appui des travailleurs des chantiers navals d'un bout à l'autre du pays et l'appui de l'Association de la construction navale du Canada, les employeurs et les syndicats représentant les travailleurs s'étant réunis et ayant mis au point une position commune énonçant à quoi devrait ressembler une politique nationale dans ce secteur.

Je voudrais d'abord passer en revue le document à couverture blanche que nous vous avons remis, qui comprend la partie intitulée «Atlantic Canada: Catching Tomorrow's Wave» d'un document sur la construction navale datant de septembre 1999. C'est le document qui vient d'être déposé par un comité du caucus libéral fédéral de l'Atlantique.

Plus précisément, il y a dans ce document une section sur l'industrie de la construction navale et nous vous en avons remis copie. On y insiste beaucoup sur la nécessité d'une intervention du gouvernement fédéral. Comme vous le savez, ce caucus est représentatif du Parti libéral qui est au pouvoir.

Je cite le dernier paragraphe:

    Nous sommes d'accord: le temps est venu pour le Canada d'adopter une politique nationale de la construction navale, une politique qui créerait le climat permettant à nos chantiers navals non seulement de survivre, mais aussi d'être compétitifs afin de pouvoir saisir les occasions qui émergent dans le domaine de la construction navale au Canada et à l'étranger, dans la foulée des projets de mise en valeur du pétrole et du gaz au Canada atlantique.

C'est une déclaration énergique, et nous y souscrivons, naturellement. On y réclame ce que nous attendons toujours, à savoir que le gouvernement fédéral du Canada envisage de rassembler tous les intervenants pour examiner sérieusement nos propositions, de déposer les siennes et voir si nous pouvons en arriver à une politique qui créera des emplois au Canada, au lieu de la situation que mon collègue vient de décrire, à savoir que l'emploi dans le secteur a chuté de quelque 70 p. 100 dans les années 90. C'est arrivé après la rationalisation qui était censée nous rendre beaucoup plus compétitifs, mais qui a été un échec lamentable.

Le point suivant que je voudrais aborder est également tiré de ce même document blanc. Il s'agit de la déclaration des premiers ministres provinciaux du Canada dans laquelle on aborde effectivement la question de l'OMC, mais aussi le besoin de mettre en place au Canada une politique de la construction navale qui permettrait aux chantiers navals canadiens d'être compétitifs.

Enfin, vous trouverez à la toute dernière page le texte de la résolution adoptée par la Chambre de commerce du Canada au congrès dont j'ai parlé tout à l'heure, et dans laquelle on réclame une réunion des intervenants et l'élaboration d'une politique pour l'industrie de la construction navale.

Dans notre document bleu, je vous renvoie à la page 6, où nous énumérons les éléments qui semblent nécessaires pour l'industrie.

Au point a), nous traitons du financement dans le cadre du programme Title XI, c'est-à-dire une politique de financement au Canada et à l'exportation qui permettrait aux chantiers navals canadiens d'être concurrentiels et d'obtenir bien des contrats qui sont actuellement accordés à d'autres pays.

Ce programme a beaucoup de succès aux États-Unis. Le taux de réussite est très bon. La compagnie Secunda Marine de la Nouvelle- Écosse est l'un des meilleurs exemples de l'efficacité de cette politique. Cette compagnie a construit deux navires dans un chantier naval du Mississippi en 1997. La compagnie a construit ces navires, qui sont destinés à l'exploitation pétrolière extracôtière dans le Canada atlantique, grâce au financement obtenu dans le cadre du programme Title XI, qui lui a consenti 87,5 p. 100 du coût du navire, garanti pendant 25 ans.

• 1045

Au Canada, nous avons ce que le ministre même qualifie de très bon programme de financement, mais il vaut seulement pour l'exportation. En fait, Secunda Marine, la même compagnie qui a construit ces navires au Mississippi, n'aurait pas réussi à avoir accès à ce même financement; il faut exporter les bateaux que l'on veut construire. Même si l'on peut avoir accès à ce financement, c'est seulement pour 12 ans et seulement 80 p. 100 du navire.

Pas besoin d'être un grand savant pour comprendre que si vous devez hypothéquer votre maison demain et que vous empruntez 87,5 p. 100 du coût amorti sur une période de 25 ans, votre coût sera considérablement moindre que si vous devez l'hypothéquer à hauteur de 80 p. 100 sur une période de 12 ans. Par conséquent, la réalité c'est que nous détournons les contrats vers les États-Unis.

Le comble, c'est qu'aux termes de l'ALENA, ils peuvent ensuite importer ces mêmes bateaux sans aucun droit de douane, c'est-à-dire qu'ils sont exemptés du tarif de 25 p. 100. On voit donc bien clairement que nous ne sommes absolument pas compétitifs et l'on comprend pourquoi les compagnies vont ailleurs pour construire des bateaux pourtant destinés à notre marché intérieur.

Le point suivant porte sur l'exonération des navires neufs construits par des chantiers navals canadiens aux termes des règlements actuels de Revenu Canada en matière de crédit-bail. Notre point b) traite de ce qui devrait être à notre avis un élément de notre politique. La réalité, c'est qu'aujourd'hui, la dépréciation du navire que l'on achète est très bonne. Le problème n'est pas là. Le problème, c'est que la plupart des gens utilisent maintenant le crédit-bail pour acheteur leur navire, de sorte qu'il faut envisager de modifier les dispositions relatives au crédit- bail pour accorder une meilleure dépréciation dans ce marché. Là encore, nous croyons que cela créerait un environnement susceptible d'encourager la construction navale au Canada.

Le point c) est le suivant:

    Création d'un crédit d'impôt remboursable aux armateurs canadiens titulaires d'un contrat de construction d'un navire ou d'un contrat de conversion impliquant un changement de vocation, un carénage de mi-vie ou un grand carénage dans un chantier naval canadien.

Il s'agit bien sûr d'un programme qui existe actuellement au Québec, créé par le gouvernement provincial. On a dit que c'était l'une des raisons pour lesquelles ils ont récemment complété un projet couronné de succès mettant en cause le Spirit of Columbus et c'est l'une des raisons pour lesquelles ils ont réussi à obtenir ce contrat.

Nous y voyons un élément qui ferait partie intégrante d'une stratégie pour cette industrie et qui créerait ce climat.

À l'alinéa d), nous traitons de l'élimination des aspects unilatéraux de l'ALENA. Là encore, le problème est que nous sommes empêchés de construire des navires destinés au marché américain tandis qu'eux ont le droit de construire des navires destinés à notre marché dans le cadre de l'ALENA. C'est absurde. Cela n'a aucun sens que l'on puisse construire des navires aux États-Unis et les exporter ici et profiter de nos ressources, alors que nous ne pouvons pas construire des navires destinés à leur marché.

Nous ne réclamons pas nécessairement l'équivalent de la Loi Jones au Canada, mais nous voulons que l'on envisage de se débarrasser des aspects unilatéraux de cet accord commercial qu'est l'ALENA.

Le paragraphe suivant traite de l'élaboration d'une clause sociale internationale régissant les normes de travail dans le domaine de la construction navale. Il n'y a aucun doute qu'aujourd'hui, beaucoup de pays qui font de la construction navale, notamment la Chine et l'Inde, ne reconnaissent pas les droits de la personne fondamentaux. Nous sommes d'avis que les normes de travail doivent être un point majeur dans ce dossier. Si l'on examine la définition de «subvention», nous estimons qu'il y a là dans l'industrie de la construction navale une importante subvention dans ces pays qui ne respectent pas les normes de travail et les droits de la personne. Nous disons que cela devrait faire partie des discussions.

De plus, nous signalons à l'alinéa c) la valeur des ressources canadiennes. Nous assistons à l'exportation continuelle de nos emplois. Il doit y avoir un élément de valeur ajoutée, de sorte que si les compagnies bénéficient de nos ressources, elles doivent s'efforcer de maximiser les avantages en ajoutant de la valeur à ces ressources.

De plus, nous réclamons des investissements dans l'infrastructure côtière pour préserver au Canada la capacité d'assurer la sécurité, la souveraineté, etc., le long de nos côtes.

• 1050

Ce sont là quelques-uns des principaux faits saillants de notre document de politique. Je répète que ce document a l'appui des employeurs. On m'a dit que les représentants de l'Association de construction navale du Canada comparaîtront ici même la semaine prochaine.

En deux mots, une partie du problème que nous connaissons actuellement tient à ce que, comme nous le constatons, Industrie Canada hésite à reconnaître l'importance de cette industrie et semble peu disposé à nous rencontrer pour discuter de tout cela.

J'ai ici un exemplaire du document d'information d'Industrie Canada. John Banigan, Ninon Charlebois et Brian Kissner ont tous trois témoigné à ce sujet.

Dès la toute première page de ce document, on peut lire ceci: «L'industrie de la construction navale au Canada montre virtuellement tous les symptômes classiques d'une industrie en déclin.» Voilà une affirmation assez étonnante lorsqu'on veut imprimer au dossier une attitude attentiste.

Vous le savez, plus de 75 p. 100 de tous les produits manufacturés au monde sont, à un moment ou à un autre, transportés par voie maritime avant d'arriver à leur destination ultime. Comment peut-on dire que cette industrie est en déclin? Plus de 2 500 unités garnissent les carnets de commande des chantiers navals du monde entier. Je crois comprendre le pourquoi de cette affirmation, mais elle laisse néanmoins sous-entendre une volonté d'attentisme.

Je voudrais vous parler de certaines tendances qui existent dans le monde réel et auxquelles l'industrie de la construction navale canadienne est appelée à faire face. Le Royaume-Uni vient d'annoncer un nouveau programme de soutien aux activités de radoub qui offre une subvention de 2,25 p. 100 de la valeur totale des réparations effectuées aux navires. Ce programme a été lancé en novembre 1999.

La Norvège a fait passer ses subventions de 7 à 9 p. 100 et, à partir de là, elle se prépare à recevoir une série de commandes, notamment du gouvernement. La Norvège a également affirmé son intention d'offrir une nouvelle subvention extraordinaire pour la construction de bateaux de pêche.

Les Pays-Bas ont laissé entendre que leur niveau d'appui à la construction navale augmenterait en l'an 2000.

L'Allemagne a rétabli ses subventions au niveau de 9 p. 100 et poursuivra son programme de crédit d'impôt jusqu'en 2001. Elle a déjà approuvé des garanties de crédit à l'exportation pour faciliter le financement de la vente de navires à l'Afrique du Sud.

La Commission européenne permettra à l'Espagne de dépenser 185 millions de dollars américains chaque année pour aider son industrie de la construction navale à survivre à une concurrence plus serrée.

La Grande-Bretagne a annoncé la prolongation du programme de garantie de crédit à la construction navale qui finance la construction des navires marchands produits par les chantiers navals britanniques.

L'Australie a prolongé jusqu'à la fin de l'an 2000 sa politique de construction de nouvelles unités.

L'Inde envisage d'augmenter de 10 p. 100 la subvention de 30 p. 100 qu'elle octroie déjà à la construction de nouveaux navires; cette subvention représentera donc 40 p. 100 du coût total de chaque unité construite.

La Chine envisage de nouvelles exonérations fiscales. Au début de l'année, l'exonération qu'elle accordait à l'exportation des navires est passée de 9 à 14 p. 100.

Tout cela se produit alors même que l'OMC se réunit à Seattle et que notre pays va avancer pour position qu'il faut mettre un terme aux subventions. C'est cela, la réalité. C'est dans ce monde que nous devons vivre. Tous ces pays, de toute évidence, ne sont pas d'accord pour dire que l'industrie de la construction navale au Canada montre virtuellement tous les symptômes d'une industrie en déclin. Je ne le pense pas.

Nous abordons ensuite les questions qu'on suggère, j'imagine, de poser au comité auquel je m'adresse. Même si, en parcourant ce document, je trouve de nombreuses questions dont j'aimerais vous parler, celle-ci nous apprend que la productivité de la main- d'oeuvre canadienne dans le secteur de la construction navale dans les années 90 semble «dans le meilleur cas stagnante», et la question en l'occurrence parle des éléments auxquels il faudrait attribuer ce manque d'amélioration de la productivité de la main- d'oeuvre.

Nous avons ici un document qui a été composé par notre économiste, Jim Stanford...

La présidente: Excusez-moi, monsieur Holloway, mais pourrais- je vous demander de bien vouloir conclure? Les membres ont énormément de questions à poser, et nous devons passer maintenant à M. Gauvin afin de pouvoir terminer le tour de table.

M. Walt Lastewka: J'aimerais savoir de quel document il parlait dans son dernier élément.

M. Les Holloway: Je parle du document d'information d'Industrie Canada.

Je poursuis donc en disant que Jim Stanford, notre éminent économiste syndical—certains d'entre vous le connaissent peut- être—pourrait vous rappeler que la productivité de la main-d'oeuvre dans les chantiers navals a augmenté de 46 p. 100 depuis 1991. Les salaires réels n'ont quant à eux augmenté que de 3 p. 100. Il pourrait également vous dire que le PIB par ouvrier travaillant dans les chantiers navals est de 84 000 $, c'est-à-dire 68 p. 100 de plus que la moyenne industrielle au Canada.

• 1055

Voilà donc le genre de statistiques dont nous devrions parler à mon avis. Nous pouvons vous les donner. Lorsqu'on dit que l'industrie n'a pas augmenté sa productivité, cette affirmation est fausse ou inexacte d'après les données dont nous disposons.

Je vais essayer de conclure, mais je tiens à dire qu'en réalité, le problème que nous connaissons dans l'industrie est que nous sommes appelés à livrer concurrence dans une économie mondialisée sans pouvoir bénéficier des mêmes avantages que ceux que les autres pays dotés d'une industrie de la construction navale donnent à leurs propres chantiers. Cela n'a aucun sens. On peut dire à juste titre que nous devons effectivement livrer concurrence dans une économie planétaire, mais on ne peut cependant pas affirmer que nous devons être compétitifs même si les règles du jeu ne sont pas uniformes, ce qui est exactement notre situation actuelle.

Je voudrais maintenant céder la parole à mon ami mais j'espère que, pendant la période des questions, je pourrai faire valoir les autres éléments que je voulais vous signaler. Je demanderais au comité de prendre sérieusement en compte ce voeu que nous formulons, en substance que la crise que connaît l'industrie de la construction navale canadienne soit au moins reconnue. Il est impossible qu'il y ait une diminution de 70 p. 100 du niveau d'emploi depuis le début de 1990 sans...

À défaut de nouvelles commandes, le plus important chantier naval de la région atlantique, celui de Saint John, devra envisager de mettre la clé sous la porte au début de l'année prochaine. Le chantier naval de Halifax lui emboîtera le pas. Si ce n'était des commandes pour les forages pétroliers en haute mer, le chantier naval de Marystown en serait également au même point.

Ce genre de situation n'existerait pas si nous avions une politique ambitieuse et un secteur industriel prospère. Manifestement, ce n'est pas le cas dans l'industrie de la construction navale.

Nous voulons discuter, débattre, de cette question et soumettre ce que nous pourrions être en mesure de faire pour l'industrie canadienne afin de renverser la vapeur et offrir de l'emploi aux gens des autres régions du pays.

Cela dit, je vais maintenant céder la parole à Richard.

La présidente: Monsieur Gauvin.

[Français]

M. Richard Gauvin (président, Syndicat des travailleurs du chantier naval de Lauzon): Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, nous avons préparé un mémoire sur l'impact économique de l'industrie navale, plus particulièrement dans notre région, à Lévis. Vous comprendrez que cela peut s'appliquer à l'ensemble des régions où il y a des chantiers maritimes.

Nous nous présentons devant vous aujourd'hui pour vous faire part de nos préoccupations quant à l'avenir de la construction navale au Canada. Nous souhaitons également vous démontrer que cette industrie a des impacts économiques importants et que l'ensemble de l'industrie navale canadienne souffrirait de la disparition ou encore de la réduction de l'activité qui y est reliée.

Nous représentons ici une coalition de partenaires socioéconomiques des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches réunis au sein du Comité permanent Industries Davie. Cet organisme créé il y a une quinzaine d'années a toujours fait valoir l'importance de cette industrie dans le milieu et ses impacts sur l'économie du pays tout entier.

C'est donc au nom des membres du Syndicat des travailleurs du chantier naval de Lauzon, de la ville de Lévis, de la Chambre de commerce de la rive sud de Québec, du Centre local de développement de la MRC de Desjardins et de plusieurs autres que nous nous adressons à vous aujourd'hui.

À eux seuls, ces organismes regroupent ou représentent l'ensemble des forces vives des milieux socioéconomiques des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches. Au cours des dernières années, le Comité permanent Industries Davie a été au coeur de toutes les luttes que le milieu a dû livrer pour assurer la survie de cette industrie et pour permettre à ceux qui y travaillent de mieux affronter les problèmes de chômage et de mises à pied.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que les syndicats et le Comité permanent Industries Davie réclament une intervention énergique des gouvernements pour assurer la survie de l'industrie navale au Canada et, par le fait même, du plus important chantier naval de l'est du Canada, à Lévis.

Déjà, en octobre 1996, notre comité se présentait devant le Comité permanent des transports dans le cadre du projet de loi C-58 et réclamait le respect des engagements électoraux du Parti libéral du Canada pris en 1993 à l'égard de ce dossier.

• 1100

Ces engagements visaient à convoquer un sommet national dès la première année du mandat du gouvernement actuel pour établir une politique maritime canadienne, à doter l'industrie maritime canadienne d'avantages comparatifs compétitifs et à favoriser la consolidation de la recherche et du développement dans ce secteur d'activité.

Presque sept ans plus tard, force nous est de constater que le dossier n'a pas beaucoup évolué et que ces engagements n'ont pas été réalisés.

Récemment, le député de Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, M. Antoine Dubé, avec qui nous travaillons depuis plusieurs années en étroite collaboration et qui a, à maintes reprises, sensibilisé la Chambre et le gouvernement à l'état de situation plutôt critique de cette industrie, déposait et présentait le projet de loi privé C-213 visant à encourager la construction navale au Canada.

Par ce projet de loi, le député cherchait à faire valoir que l'ensemble des chantiers maritimes du Canada étaient derrière lui et derrière les représentants du chantier de Lévis et des différents partenaires régionaux, qui ont appuyé la démarche pour réclamer une véritable politique de construction navale de façon à ce qu'on puisse concurrencer efficacement les autres chantiers maritimes dans le monde.

Ce projet de loi a reçu l'appui de l'Association de la construction navale du Canada et des autres grands syndicats représentant les travailleurs des chantiers maritimes canadiens: la Fédération de la métallurgie CSN au Québec, la Fédération des travailleurs de construction navale du Canada/TCA—Canada, et la Fédération des travailleurs des chantiers maritimes de la Colombie-Britannique.

Nous ne reviendrons pas de façon explicite sur les éléments de ce projet de loi puisque le député de Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière a eu l'occasion de vous les exprimer clairement au cours des dernières semaines. Mais nous croyons important de profiter de l'occasion qui nous est offerte, dans la foulée des travaux de ce comité qui découlent de la présentation de ce projet de loi, pour mieux vous faire comprendre les questions de productivité, d'innovation et de compétitivité de l'industrie navale et les véritables retombées économiques de cette industrie, en partant de l'exemple du chantier des Industries Davie, à Lévis.

Permettez-nous d'abord de rappeler que les données qui suivent proviennent d'une étude réalisée par le Groupe de consultation pour le maintien et la création d'emplois au Québec, à la demande du Syndicat des travailleurs du chantier naval de Lauzon, à l'hiver 1999. On voulait ainsi obtenir une analyse des retombées économiques liées au maintien en opération des Industries Davie, le plus important employeur du secteur de la transformation dans la région de Québec, qui, au cours de la dernière décennie, a atteint un effectif de plus de 3 500 travailleurs.

Avant même de consulter les données de l'étude, il est important de comprendre que les experts concluent que la fermeture du chantier des Industries Davie ne permettrait aucune récupération des activités de construction navale et des emplois qui y sont reliés par un autre employeur québécois, puisque Davie n'a aucun concurrent de son envergure au Québec. Les gains et les coûts reliés au maintien en opération du chantier sont donc totaux et nets.

Il en va de même pour les activités économiques générées chez les fournisseurs canadiens et québécois de Davie. Dans l'éventualité de la fermeture du chantier, les activités de Davie seraient reprises par des concurrents étrangers. Il semble donc raisonnable de prévoir que les fabricants d'acier et les autres fournisseurs canadiens et québécois de l'entreprise perdraient aussi des marchés importants et subiraient également des coupures d'emplois.

Selon les hypothèses de fonctionnement fournies par le vice-président aux finances des Industries Davie, les experts du Groupe de consultation ont pu évaluer les retombées suivantes de la présence du chantier maritime de Lévis. Ses effets directs sont: une activité économique apportant chaque année 300 millions de dollars de revenus à l'entreprise; une valeur ajoutée annuelle de 170 millions de dollars pour l'économie québécoise; le paiement annuel d'une masse salariale de 77 millions de dollars, comprenant les avantages sociaux; et la création ou le maintien de 1 650 emplois.

De plus, au chapitre des retombées fiscales, les activités du chantier entraînent annuellement, pour les deux paliers de gouvernements: des entrées fiscales de 19,2 millions de dollars perçues sur les salaires; des entrées nettes de parafiscalité de 11,5 millions de dollars; des entrées de taxes de vente de 830 000 $ reliées à la consommation des travailleurs; par ailleurs, puisque la majorité de la production est destinée à l'exportation, les taxes à la valeur ajoutée de l'entreprise sont estimées nulles; donc, on parle de revenus gouvernementaux globaux annuels de 36,6 millions de dollars, soit 11 p. 100 des dépenses totales et 48 p. 100 des salaires payés, sans compter que la poursuite des activités du chantier peut faire économiser en prestations d'assurance-emploi et d'aide sociale environ 45 millions de dollars en quatre ans.

Si on parle des retombées économiques indirectes, on peut mentionner la création de 2 475 emplois et des revenus gouvernementaux de 20 millions de dollars, nous disent les experts consultés. Au total, le maintien en opération du chantier entraînerait, sur une période d'un an, les retombées économiques suivantes: 4 125 emplois; 92 millions de dollars en valeur ajoutée; et 82 millions de dollars en revenus gouvernementaux.

• 1105

L'hypothèse sur laquelle s'appuient ces données est basée sur 1 650 emplois. J'ouvre une parenthèse. Dans les années 1987 à 1993, il y a eu une moyenne annuelle, chez MIL Davie, à Québec, de 2 700 emplois qui généraient une masse salariale de 125 millions de dollars. Comme vous le voyez, il y a d'énormes retombées. On parle d'un revenu annuel moyen de 39 333 $, ce qui inclut les salaires des administrateurs et des professionnels, avec une indexation annuelle de 1,5 p. 100, et d'un taux d'imposition moyen de 16,1 p. 100 à Québec et de 13,5 p. 100 à Ottawa, ce qui entraîne des perceptions fiscales de 10,5 millions de dollars par Québec et de 8,5 millions de dollars par Ottawa. Avec le maintien et la création de 1 650 emplois chez Industries Davie, on peut tenir pour acquis que le gouvernement du Canada obtiendrait en impôts, parafiscalité et taxes de vente un montant de 70 millions de dollars en cinq ans. Selon les analyses d'experts, chaque emploi des Industries Davie génère 1,5 emploi périphérique, incluant les emplois indirects, ce qui ajoute aux effets multiplicateurs qui influencent ces statistiques.

Nous pouvons donc affirmer, à la lumière de ces résultats, que les gouvernements bénéficieraient certes de retombées importantes si le chantier maritime des Industries Davie était relancé. De la même façon, on peut conclure qu'il y aurait un coût social et économique important et un manque à gagner significatif s'il devait mettre fin à ses opérations.

L'exemple du chantier des Industries Davie de Lévis est donc éloquent. Dans l'esprit de ses dirigeants, du syndicat et des travailleurs, et des intervenants socioéconomiques du milieu et de la grande région de Québec, il ne fait aucun doute que la présence de ce chantier a un apport économique vital au maintien de l'économie locale et régionale. Il en va de même pour l'ensemble des milieux où sont implantés des chantiers maritimes au Canada. La démarche actuelle fait partie d'une stratégie à laquelle souscrivent l'ensemble des partenaires de l'industrie navale canadienne. Il ne s'agit pas d'une démarche isolée. Bien au contraire, nous parlons ici d'une approche concertée, qui aura pour effet de servir les intérêts et les préoccupations de l'ensemble des partenaires. Les autres organisations, plus particulièrement l'Association de la construction navale du Canada, auront l'occasion de faire valoir leur vision des choses devant vous au cours de vos travaux.

L'adoption d'une politique canadienne de construction navale aura certainement des effets bénéfiques sur l'ensemble de l'économie du pays et sur celle des régions où elle se pratique. Le cas des Industries Davie à lui seul est des plus éloquents. Plus de 700 navires et 13 plate-formes de forage y ont été construits. Récemment, le contrat de transformation de la plate-forme de forage brésilienne Spirit of Columbus, rebaptisée depuis Petrobras 36, a démontré hors de tout doute que la haute technologie de l'entreprise, associée à la qualité des ressources humaines, en fait un élément exceptionnel, capable de se démarquer dans tous les segments du marché mondial.

Les tendances actuelles du marché de la construction navale démontrent que les 10 prochaines années seront principalement celles du offshore. On affirme que 90 p. 100 des ressources énergétiques en hydrocarbure pour 2010 ne sont pas encore découvertes. Voilà qui est éloquent. Les régions du golfe du Mexique, des côtes du Brésil, de l'Afrique du Nord et de l'Europe du Nord sont les plus prometteuses en cette matière. Elles sont donc toutes à la portée du chantier des Industries Davie et des chantiers maritimes canadiens.

La marine marchande compte actuellement sur une flotte mondiale d'environ 40 000 navires de 2 000 tonnes et plus. L'âge moyen de cette flotte est de 19,5 ans. Sachant que la durée de vie d'un navire est de 23 ans, on peut affirmer que la flotte mondiale est passablement âgée. Il se construit, bon an mal an, de 1 400 à 1 800 bateaux dans le monde. La réglementation est de plus en plus sévère quant à la qualité des navires, et les doubles coques deviendront obligatoires pour les pétroliers à partir de 2005.

Les coûts de production des navires au Canada sont relativement bas, et la productivité des chantiers y est accrue. Ainsi, le coût moyen de construction chez nous est de 55 $ l'heure. Au Japon, on parle de 95 $ l'heure, alors qu'en Europe, il faut compter 110 $ l'heure.

En Corée, en Roumanie, en Pologne, en Estonie, en Allemagne et en Chine, la tendance est aux investissements massifs dans le développement des chantiers maritimes. Si le Canada ne veut pas devenir un joueur minoritaire dans ce domaine, il importe qu'il les dote rapidement d'une véritable politique de construction navale.

• 1110

Le syndicat et les organismes que nous représentons ici aujourd'hui n'ont pas la prétention de détenir ou de maîtriser l'ensemble des éléments devant permettre de mettre en place une telle politique et de sauver cette industrie qui se porte plutôt mal par les temps qui courent. Mais nous avons la conviction que l'adoption d'une telle politique, soutenue par des investissements gouvernementaux et par l'encouragement à l'innovation technologique, ne peut que donner des résultats bénéfiques pour l'ensemble de l'industrie et pour les gouvernements, qui en tirent des revenus importants.

À notre avis, les chantiers canadiens n'ont rien à envier aux grands chantiers américains et à ceux de Taiwan, par exemple. Ceux qui les ont visités affirment sans hésitation que les installations de nos chantiers maritimes, plus particulièrement celles des Industries Davie, sont technologiquement à point, sinon en meilleure position que leurs concurrents à l'étranger.

La construction assistée par ordinateur fait partie de la routine chez Industries Davie. Les plans en trois dimensions permettent une qualité accrue des procédés de production. À titre d'exemple, les frégates canadiennes construites à Lévis et à Saint-Jean contiennent plus d'ordinateurs conçus et assemblés dans ces chantiers que les avions les plus imposants.

Il faut admettre que l'un des éléments trop souvent négligés lors des débats entourant ce genre de question est l'aspect humain des décisions que prennent les leaders politiques et économiques. Si l'industrie navale canadienne est encore vivante aujourd'hui, et nous pouvons en témoigner plus particulièrement en ce qui concerne notre chantier, c'est en grande partie en raison des efforts consentis par les travailleurs, sans parler des concessions financières, et par les divers intervenants concernés pour assurer le maintien d'un maximum d'emplois et conserver la qualité des ouvrages tout en assurant la compétitivité et la productivité. Nous nous devons, pendant toutes ces discussions, de garder constamment à l'esprit cet aspect non négligeable de la question, puisqu'il s'agit de maintenir en vie non seulement des entreprises qui, comme vous avez pu le voir, contribuent de façon significative à l'économie des régions et du pays tout entier, mais également des communautés sociales et humaines qui risquent de se détruire et de subir des torts irréparables à long terme.

Mesdames et messieurs les députés, nous vous remercions de l'attention que vous nous avez accordée et nous vous invitons à envisager l'adoption d'une politique canadienne de construction navale comme un élément fondamental de l'avenir du développement économique du pays et de plusieurs de ses régions. Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Gauvin.

Nous allons maintenant passer aux questions. Je voudrais rappeler à tous les membres ainsi qu'à nos témoins que cette période de questions et réponses est divisée en tranches de cinq minutes et nous demandons donc aux membres comme aux témoins de faire en sorte que les questions, comme les réponses, soient succinctes. Nous siégerons jusqu'à midi.

Monsieur Penson, la parole est à vous.

M. Charlie Penson: Merci, madame la présidente. Je voudrais souhaiter la bienvenue à nos témoins qui sont venus nous parler ce matin de l'industrie de la construction navale, de ses perspectives et d'une éventuelle politique nationale.

Un certain nombre d'entre vous ont fait valoir assez vigoureusement que l'industrie navale canadienne était défavorisée par rapport à plusieurs pays, dont le Japon et la Corée, qui subventionnent leurs chantiers navals. Je pense que vous avez même été encore plus loin que cela en disant qu'un certain nombre de pays viennent tout juste de lancer une nouvelle série de subventions, c'est le cas par exemple de la Norvège et des Pays- Bas, pour essayer d'augmenter leur production navale.

Étant donné que cela pose problème pour l'industrie canadienne, j'imagine qu'il y a deux pistes à suivre. À mon sens, la meilleure des deux, au lieu de céder à notre tour au jeu des subventions, ce qui est toujours difficile à suivre et tend à s'accélérer parce que les autres pays, à leur tour, voudront augmenter les leurs pour conserver leur part du marché... J'aurais cru que les organismes que vous représentez auraient appuyé la position du Canada à l'OMC—même si la ronde de négociations actuelle ne donne rien, ou du moins pas grand-chose à mon avis—en exigeant que les conditions du marché deviennent plus uniformes grâce à une réduction de ces énormes subventions. Il me semble que cette piste-là est de loin la meilleure.

Avant de siéger au Comité de l'industrie, je faisais partie du Comité du commerce qui, l'an dernier, a tenu des audiences partout au Canada en demandant aux Canadiens, aux entreprises canadiennes et aux syndicats canadiens quelle devrait être la position du Canada à ces négociations. J'ai été très étonné d'entendre un bon nombre de syndicats préconiser que le Canada cesse de négocier et ne participe plus à de nouvelles négociations à l'Organisation mondiale du commerce. J'ai également été surpris de constater que les syndicats y avaient été pour beaucoup dans les manifestations qui ont tant entravé les négociations à Seattle. Est-ce cela, la piste privilégiée, demander des subventions et ne pas négocier une solution pour nous? J'aimerais savoir ce que nos témoins en pensent.

La présidente: Monsieur Chernecki.

• 1115

M. Robert Chernecki: Je vous remercie.

Personne ici n'est venu demander de subventions. Vous avez lu notre mémoire. Nous ne parlons nulle part de subventions. Nous disons simplement qu'il faut uniformiser les règles du jeu. Quant à la façon d'y parvenir, comme notre document le signale à juste titre, il faut un entendement, une communauté d'esprit entre tous les intervenants dans l'industrie.

J'ignore ce que vous avez à l'esprit au sujet de l'autre question concernant les syndicats et la réunion de l'OMC à Seattle. Nous ne faisons nullement un secret de ce que nous pensons en tant que mouvement syndical dans le cadre de ces discussions. Nous estimons que le libre-échange a été une catastrophe pour notre pays, pour sa trame sociale. Mais je ne vais pas me lancer dans de longues arguties philosophiques avec vous ce matin. J'ai lu les comptes rendus de séance et je comprends fort bien votre position et ce que vous pensez de l'industrie. Tout ce que je puis vous exhorter à faire, c'est de réunir les parties prenantes—vous nous devez bien cela—pour une bonne discussion sur l'évolution des choses. Il ne faut rien exclure pour l'instant. C'est cela que nous voulons faire valoir aujourd'hui.

La présidente: Monsieur Holloway, voulez-vous répondre à cela?

M. Les Holloway: Je voudrais en effet le faire très brièvement en vous parlant de la Chambre de commerce du Canada, un organisme qui a pour position bien arrêtée de ne rien promouvoir qui appelle des subventions. On n'arrête pas de nous balayer du revers de la main parce qu'on nous accuse de vouloir des subventions. À notre avis, le financement aux termes du titre XI... Nous avons au Canada un régime de financement. Le problème est que ce régime n'est pas favorable à la construction navale. Il ne suffit pas. Ce programme ne peut être utilisé que dans le cas de navires construits pour l'exportation.

Je vais vous donner un exemple: l'association des armateurs s'est prononcée en principe sur le fait que le Canada devait se doter d'une politique, et elle vous dira par ailleurs que d'ici cinq ou six ans, 60 à 70 p. 100 des unités les plus grosses qu'elle possède vont être remplacées ou modifiées. Ce travail pourrait être effectué par les chantiers navals canadiens à condition que nous ayons des politiques sensées.

Je vais vous lire cette résolution et j'encouragerais tous et chacun à la lire; elle se trouve dans le dossier qui a été composé par la Chambre de commerce du Canada à l'issue de son congrès. Elle se lit comme suit:

    Que le gouvernement fédéral appuie les industries de la construction navale, du radoub et de l'extraction pétrolière en mer, ainsi que les industries apparentées, en réunissant immédiatement les ressources desdites industries afin d'élaborer et de mettre en oeuvre une politique qui assure la viabilité à long terme d'une industrie canadienne de la construction navale qui soit concurrentielle, et que cette politique soit conforme à l'orientation et à l'intention de la résolution adoptée en 1998 par la Chambre de commerce du Canada sous le titre «Réduction des subventions à l'entreprise».

La position de la Chambre de commerce du Canada est donc claire. Nous avons parlé à un grand nombre de ses membres depuis l'adoption de cette recommandation, et ces gens nous ont affirmé que l'une des raisons pour lesquelles ils pourraient effectivement appuyer notre position, celle que nous énonçons dans notre document, c'est que nous ne demandons pas de subventions; nous demandons plutôt un débat.

M. Charlie Penson: Je pense que dans ces conditions, si vous ne demandez pas de subventions et si vous ne voulez pas utiliser la piste des négociations commerciales pour faire ce que d'autres pays font dans ce domaine pour sortir de l'impasse, vous devez nous dire quels sont les recours qui peuvent être utilisés.

Je constate maintenant que vous demandez certains changements à caractère fiscal, et le traitement fiscal de la R - D pourrait être de cela.

Juste avant votre comparution, et vous avez peut-être entendu la fin de cet échange, nous avons entendu le vérificateur général. Le service du vérificateur général nous déclare que dans le meilleur des cas, le recours aux crédits d'impôt à la R - D est un coup de dés, et il critique vertement le ministère de l'Industrie parce qu'il n'a jamais réussi à en évaluer pleinement l'efficacité. Est-ce vers cela que vous tendez, c'est-à-dire des crédits d'impôt sous couvert de R-D? Est-ce cela votre principale piste de solution?

M. Les Holloway: Non.

Nos principales initiatives consistent à faire mettre en place au Canada un train de mesures de financement qui aient du sens et qui se comparent à ce qu'ont fait nos amis américains. Quand je regarde le document d'Industrie Canada, je constate qu'il compare notre industrie à l'industrie américaine. C'est de cette façon que le ministère voit notre industrie. La construction navale au Canada de ce côté-ci et la construction navale aux États-Unis de ce côté-là. Eh bien, faisons de même avec la politique. Pourquoi n'avons-nous pas au Canada une politique comparable à la politique des États-Unis?

Ici encore, si le financement accordé à la SEE n'est pas une subvention—et à en juger d'après le ton adopté par le gouvernement, ce n'en est pas une—pourquoi ne pas introduire un programme de financement aux termes du titre XI qui, par ailleurs, affiche un excellent palmarès et qui a créé aux États-Unis une industrie navale extrêmement dynamique? Il y a un chantier naval au Mississippi qui construit deux traversiers. C'est un contrat qui vient d'être donné il y a quelques mois aux Industries Litton, et ce contrat représentera plus d'un milliard de dollars d'activité. Et les premiers paquebots de croisière construits par les Américains depuis plus de 30 ans... Vous savez quoi, on n'arrête pas de nous demander des renseignements et nous allons dire à nos gens d'aller aux États-Unis pour travailler sur ces chantiers.

M. Charlie Penson: Monsieur Holloway, vous avez demandé si le financement à l'exportation accordé par l'entremise de la SEE constituait ou non une subvention, et j'imagine que nous avons bien dû constater qu'effectivement, c'est possible—nous l'avons constaté dans le cas de l'industrie aérospatiale, puisque l'OMC a déclaré que, dans certaines conditions, ces facilités de financement équivalaient effectivement à des subventions.

• 1120

Je vous dirais quant à moi que le financement de la construction navale—si c'est cela que vous voulez dire—est probablement un genre de subvention. Il est possible que d'autres pays le fassent, mais ce n'est peut-être pas un domaine accessible au Canada. Nous avons une dette publique de 573 milliards de dollars qui nous coûte environ 40 milliards de dollars en intérêts, et beaucoup de gens nous disent que la raison pour laquelle nous nous sommes retrouvés à ce point, c'est en partie parce que nous avons donné trop de subventions à l'entreprise.

La présidente: Votre question, je vous prie.

M. Charlie Penson: Je vous demande si, à votre avis, c'est bien la piste que nous devons conserver...

M. Les Holloway: Voici comment je vous répondrai.

Vous parlez du «financement de la construction navale»—c'est ainsi que vous vous êtes exprimé. Mais ce financement va à l'armateur. Vous devriez lire le document concernant le titre XI. Vous comprendriez mieux ce dont nous parlons. Il s'agit d'un financement donné à l'armateur pour qu'il puisse acheter un navire à un chantier naval canadien. Il ne s'agit pas de financer le chantier naval, il s'agit de créer un environnement qui permet aux armateurs de s'adresser à nous.

Je pense qu'il serait plus logique que Secunda Marine fasse construire ses bateaux dans un chantier naval canadien que de donner le contrat au Mississippi. Et même si, dans son rapport, M. Banigan laissait entendre que c'est un meilleur endroit pour faire construire ses bateaux, la réalité est qu'il a donné ce contrat au Mississippi parce qu'il pouvait obtenir 87,5 p. 100 du financement sur 25 ans et qu'il pouvait ensuite importer les navires en franchise de droits de douane de 25 p. 100. À ce moment- là, il pourrait profiter également de ce que nous avons sur la côte Est.

M. Charlie Penson: Est-ce qu'il a obtenu cela du secteur privé?

M. Les Holloway: Donnez-nous la même chose.

M. Charlie Penson: Vous ne réussissez pas à obtenir ce financement dans le secteur privé?

M. Les Holloway: Pourquoi cela existe-t-il aux États-Unis?

M. Charlie Penson: Je vous pose la question, pouvez-vous obtenir ce genre de financement dans le secteur privé?

M. Les Holloway: Non. Ce que nous vous disons, c'est que c'est impossible pour notre industrie.

M. Charlie Penson: Mais pourquoi?

M. Les Holloway: Vous aurez l'occasion de leur poser la question, mais les États-Unis—avec lesquels nous aimons faire la comparaison, cela soit dit en passant—ont compris déjà il y a longtemps que ce genre de financement pose pas mal de problèmes, de sorte qu'ils ont créé un programme pour permettre précisément à l'industrie navale américaine d'obtenir le financement nécessaire. Si c'est assez bon pour les États-Unis, nous aimerions pouvoir nous en inspirer pour l'essentiel, ce que nous disons même dans nos mémoires au comité, après quoi nous devrions même envisager la possibilité d'adopter au Canada certaines des politiques américaines qui ont déjà produit d'excellents résultats là-bas.

La présidente: Je vous remercie.

Merci, monsieur Penson.

Madame Jennings, je vous en prie.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup de vos présentations. Je m'excuse de m'être absentée pendant un certain temps, mais je peux vous assurer, monsieur Gauvin, que j'avais lu tout votre mémoire avant même que vous ne nous le présentiez.

Premièrement, j'aimerais savoir quel pourcentage du marché l'industrie de la construction navale américaine a capté ici, au Canada. On dit que le Canada n'a presque pas de barrières et permet facilement que des navires construits dans d'autres pays viennent ici. J'aimerais savoir si vous avez ces données.

Deuxièmement, compte tenu de tous les programmes politiques d'aide à la construction navale qui existent dans les autres pays et du fait qu'il ne semble pas que ces pays aient l'intention d'éliminer leurs politiques et programmes d'aide financière et d'encouragement, le Canada a-t-il quelque chance de convaincre l'OMC de forcer les autres pays à éliminer ces choses?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Holloway.

M. Les Holloway: J'aurais très peu à dire.

Il y avait à l'OCDE un texte d'accord sur l'élimination des subventions dans l'industrie navale. Cet accord avait été piloté par les Américains afin qu'ils n'aient pas à abandonner la Loi Jones qui représente pour leur industrie une subvention directe. La réponse est donc à notre avis très peu.

Je ne pense pas qu'il faille être très grand clerc pour comprendre qu'alors même que les négociations se déroulent à l'OMC, tous les autres pays que je vous ai énumérés, et la chose est bien du domaine public, augmentent déjà leurs subventions à leur propre industrie.

Ce que je veux faire valoir, c'est que notre politique et notre position consistent à ne pas dire que nous voulons déclencher la guerre des subventions. Au contraire, nous disons qu'il faut essayer de mettre en place des politiques propices à la création d'un environnement dans lequel, à notre avis, nos chantiers navals ont déjà réussi à augmenter suffisamment leur productivité et leur qualité, et dans lequel ils ont la technologie nécessaire pour être compétitifs, étant donné certains éléments plus fondamentaux comme le financement aux termes du titre XI qui, à notre avis, n'est nullement une subvention, et d'autres initiatives que nous réclamons dans notre énoncé de politique.

• 1125

[Français]

Mme Marlene Jennings: Je peux vous assurer que je ne partage pas l'opinion de notre collègue Penson, qui dit que c'est donner de l'argent, que ce sont des subventions, mais je veux quand même comprendre.

Personne n'a répondu à ma première question. Vous ne l'avez pas? Si vous êtes en mesure de nous le fournir, vous pourrez le faire par écrit plus tard.

M. Richard Gauvin: Madame Jennings, vous pourrez sûrement avoir la réponse à votre question la semaine prochaine. Je pense qu'ils auront à ce moment-là toutes les données et qu'ils seront mieux en mesure de vous donner ces réponses.

Mme Marlene Jennings: Parfait. Merci beaucoup.

Ma deuxième question a trait à la productivité. Vous dites que depuis le début des années 1990, le taux de productivité dans l'industrie a augmenté d'au-delà de 60 p. 100. Avez des données comparatives sur l'industrie canadienne et l'industrie américaine? Notre industrie est-elle aussi productive que l'industrie américaine quand il s'agit de construire le même genre de navires ou de structures? Le Canada est-il aussi compétitif que les États-Unis au niveau de la productivité?

[Traduction]

M. Les Holloway: Ici encore, nous n'avons pas ce renseignement particulier, mais nous pouvons l'obtenir.

Notre syndicat national a procédé à une analyse sectorielle et c'est de cela que je parlais dans le document que j'ai évoqué. Dans notre analyse de la situation, la productivité dans le secteur de la construction navale au Canada a augmenté de 46 p. 100 depuis 1991.

Bien sûr, toute statistique est discutable. Nous sommes tout à fait disposés à ouvrir le débat. Nous savons que la productivité a augmenté notablement dans le secteur de la construction navale au Canada, et cela alors même que nous ne recevons que très peu d'aide sous forme de politiques axées sur notre industrie, de sorte que cette augmentation est assez remarquable.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Merci et bonne chance, monsieur Gauvin.

J'ai également été impliquée dans le dossier de Dominion Bridge, à Lachine. J'ai donc participé...

M. Richard Gauvin: [Note de la rédaction: Inaudible].

Mme Marlene Jennings: Oui, oui. Je vous souhaite bonne chance.

La présidente: Merci, madame Jennings.

[Traduction]

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je suis réjouis de vous revoir tous.

Dans un autre lieu, il y a un an presque jour pour jour, vous siégiez à un comité informel. Vous vous souvenez sans doute que le 8 décembre 1998, vous étiez ici et aviez rencontré les députés de façon informelle. Aujourd'hui, dans un cadre plus officiel, vous nous demandez essentiellement les mêmes choses.

Je ne vois pas d'objections à vos trois demandes. Je précise, pour la gouverne de M. Penson, qu'aucune de ces demandes n'est une demande de subvention.

Dans le premier cas, c'est un programme de prêts. Il en existe un actuellement au Canada, à la Société pour l'expansion des exportations, mais on parle de 80 p. 100, alors qu'on demande ici 87,5 p. 100. Il s'agit donc d'un programme de prêts remboursables.

Vous demandez aussi un crédit d'impôt qui, lui aussi, serait remboursable. J'attire l'attention des collègues là-dessus parce que je sais qu'on est au Canada. Je vous ferai remarquer que personne n'a demandé de subventions ce matin. Personne.

Ce matin, on étudie la question de la productivité, qui englobe la main-d'oeuvre. Dans votre exposé, monsieur Gauvin, vous nous avez fourni des graphiques qui viennent de Statistiques Canada. On y constate qu'il y a une diminution de l'emploi, mais aussi une augmentation de la productivité. M. Gauvin et les autres témoins ont dit que le problème n'était au niveau de la technologie ou de l'équipement. La technologie existe au Canada.

Le troisième élément est la question du capital. À mon avis, c'est vraiment là que se trouve le problème. Les bateaux exigent de gros investissements, et les constructeurs et les armateurs n'en bénéficient pas toujours.

Monsieur Gauvin, je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, mais j'aimerais que vous me parliez un peu des péripéties du financement de la plate-forme Petrobras 36, qui a duré trois ans. La garantie de financement a été accordée en juillet de cette année, trois ans après le début des travaux. J'aimerais que vous nous en parliez pour illustrer les difficultés de financement auxquelles on doit faire face. On a fini par obtenir du financement, mais il a fallu beaucoup de temps. J'aimerais que vous nous expliquiez cela.

• 1130

M. Richard Gauvin: Les travaux du Spirit of Columbus ont débuté au mois de septembre 1997. À ce moment-là, les discussions étaient déjà entreprises avec la Société pour l'expansion des exportations en vue d'obtenir du financement pour ce projet. Il a fallu tout près de deux ans avant que ne se finalise le financement de la plate-forme Petrobras 36, qu'on appelait à l'origine Spirit of Columbus.

C'est sûr qu'il y a des complications, ce qui crée des éléments de stress et des difficultés énormes pour les entreprises, qui ont du mal à survivre dans ces conditions. C'est ce que nous avons vécu chez nous du mois d'août 1998 jusqu'à ce jour. Nous sommes toujours sous la protection de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Les choses se déroulent assez bien au niveau de la vérification diligente, car une proposition a été faite aux créances par un consortium et a été acceptée. Donc, il reste toute la question de la vérification diligente.

Pour revenir à la question de M. Dubé, ces choses sont difficiles à vivre, et pour les employés et pour les travailleurs, tant que le financement d'un contrat donné n'est pas obtenu.

M. Antoine Dubé: Ma deuxième question s'adresse à tous les témoins. Vous êtes tous venus l'autre jour au Comité des finances, et j'y étais. On met souvent l'accent sur l'aspect des subventions. La plupart des pays qui ont des chantiers les subventionnent, mais il y a une autre dimension qui, elle, est peu étudiée: c'est que dans beaucoup de pays, il n'y a pas d'imposition. Dans certains cas, les chantiers navals sont des sociétés d'État et ne paient pas d'impôts. Dans d'autres cas, ils sont pratiquement exemptés d'impôts. Les armateurs eux-mêmes ne sont pas encouragés à faire construire leurs navires au Canada parce que l'imposition au Canada est normale à cet égard. Elle n'est pas plus élevée qu'aux États-Unis, mais dans d'autres pays, les chantiers navals sont totalement exemptés d'impôts. N'est-ce pas le principal problème sur lequel il faudrait se pencher au plus vite? C'est toute la question des évitements fiscaux, car c'est comme cela qu'il faut les appeler.

M. Richard Gauvin: On peut comparer cela à ce qu'on a vécu ici, au Canada. La compagnie Fednav a fait construire quatre vraquiers en Chine, au coût de 25 millions de dollars chacun. Les soumissions de Davie, seulement au niveau du matériel, de l'acier, étaient supérieures à 25 millions de dollars. Donc, il est à peu près impossible de faire la concurrence à des chantiers comme ceux-là. Leur gouvernement leur vient en aide de façon très importante. On ne peut pas faire la concurrence dans ces conditions. Nos armateurs se tournent vers les pays étrangers pour faire construire leurs navires, puisque la politique du Canada n'est pas assez efficace à cet égard. C'est la situation qu'on vit actuellement au Canada. Il faudrait qu'il y ait une politique assortie de mesures énergiques pour contrer cette exportation de contrats à l'étranger.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Holloway.

M. Les Holloway: À notre avis, les problèmes que nous avons dans notre industrie intègrent beaucoup d'éléments, des éléments dont nous n'avons peut-être même pas parlé dans notre document. Pour l'essentiel, tout revient à ceci: voulons-nous ou non une industrie navale au Canada? C'est une question très grave et je pense qu'il appartient au comité de s'en saisir.

Nous prétendons qu'il y a, à notre avis, des solutions à nos problèmes et qu'il nous est possible de créer une stratégie industrielle ciblée qui revêtirait la forme d'une politique susceptible de nous aider véritablement. Cela ne veut pas dire qu'il faille subventionner l'industrie, cela veut dire plutôt que nous pouvons mettre en place des politiques qui pourraient assurer la pérennité de l'industrie et lui conserver sa prospérité.

C'est ce débat que nous voulons ouvrir. Le gouvernement fédéral doit piloter ce débat alors qu'il dit actuellement qu'il ne veut pas le faire. Il ne veut pas reconnaître les problèmes que nous avons, et à l'heure où nous nous parlons, l'industrie dépérit.

• 1135

Lorsque nous parlons des propositions particulières qui seraient mises sur la table et qui seraient ainsi discutées, je pense qu'il y en a beaucoup. Je pense que tout est possible. En voulant que l'industrie survive et continue à contribuer à l'économie, surtout dans certaines régions du Canada comme celle dont je suis originaire dans l'Atlantique—et il y a des gens ailleurs dans notre pays qui nous considèrent comme une cause perdue—nous venons vous dire en fait qu'il y a chez nous des milliers et des milliers de travailleurs spécialisés qui veulent pouvoir construire des navires et que nous avons peut-être certaines solutions à proposer pour résoudre ces problèmes.

Le gouvernement fédéral et d'ailleurs n'importe quelle autre partie prenante dans ce dossier peuvent mettre sur la table n'importe quel élément, n'importe quelle question qu'ils jugent important dans le débat, mais ce débat doit avoir lieu si nous voulons que l'industrie continue à exister. Je pense que cela regroupe bien des choses.

La présidente: Monsieur Chernecki.

M. Robert Chernecki: Je voudrais intervenir ici quelques instants, si vous voulez bien, parce que c'est un élément fondamental du débat et du discours qu'on entend partout au Canada. J'ai lu très attentivement le compte rendu de votre séance du 16 novembre qui a donné lieu à un échange très sain et d'une très bonne tenue.

Je tiens à vous rappeler en particulier les questions posées à cette occasion par M. Nelson Riis, au sujet notamment du Japon, et qui étaient celles-ci: Comment pouvons-nous être compétitifs? Si les Japonais font tout bien, qu'est-ce que nous ne faisons pas bien? C'était essentiellement cela, la question. Pourquoi ne pouvons-nous pas être compétitifs?

La réponse donnée par M. Banigan à cette question a été intéressante. Il ne savait pas trop s'ils connaissaient la bonne réponse et pourquoi le Japon était aussi concurrentiel. Il n'a pas donné de réponse claire ou péremptoire, mais il a dit ceci, et il faut absolument que je vous lise sa réponse parce qu'il a parfaitement mis le doigt sur le problème:

    En outre, je pense que leur succès s'explique partiellement par le fait que dans les années 60 et 70, l'État a joué un grand rôle dans la planification industrielle [...]

Qu'avons-nous fait, nous? Très peu, ou rien du tout en fait de planification.

Je vais vous donner un exemple qui interpelle déjà le gouvernement. À Terre-Neuve et au Labrador, la question des traversiers fait l'objet d'un débat serré. Le transport des marchandises est difficile. Et que fait le gouvernement fédéral? Eh bien le gouvernement fédéral—c'est-à-dire vous—est en Europe, il est à la recherche d'un traversier pour desservir Terre-Neuve et le Labrador. Mais où donc étiez-vous il y a deux ou trois ans lorsqu'il était encore possible de faire construire un traversier à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse ou au Nouveau-Brunswick? C'est de cela que nous parlons ici.

Si vous ne prenez pas ce secteur au sérieux, ayez le courage d'envoyer un représentant du gouvernement fédéral dire à tout le monde que le dossier est mort, il est moribond et nous baissons les bras. Voilà le genre d'attitude de M. Penson à ce sujet.

Mais c'est tout le contraire, et nous allons faire le maximum pour que le dossier ne soit pas mis en veilleuse mais reste bien à l'avant-plan.

M. Les Holloway: Puis-je ajouter...?

La présidente: Non, monsieur Holloway. Il ne nous reste que 20 minutes et il faut poursuivre. Vous pourrez livrer vos commentaires dans les réponses. Excusez-moi.

Monsieur Murray, je vous prie.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.

Au moins, dans ce débat, j'appellerais un chat un chat. Je pense que je vais revoir cette résolution de la Chambre de commerce dont vous avez parlé une ou deux fois, monsieur Holloway. Je pense que nous pouvons être francs entre nous. Nous avons dans le secteur de la construction navale une belle palette de dirigeants syndicaux. Ce ne sont pas les danseurs du Ballet Royal de Winnipeg qui comparaissent devant nous et qui tournent autour des problèmes en faisant des pointes.

On nous dit sans arrêt qu'il faut des politiques. Ce mot «les politiques» a été mis à toutes les sauces. Vous qui aimeriez voir au Canada une industrie navale en plein essor, il faudrait que vous m'expliquiez ce que devraient contenir ces politiques.

Revenons à cette résolution de la Chambre de commerce. La Chambre de commerce dit à un endroit donné que «ce n'est pas économique»—je pense que c'est cela qu'elle veut dire—«de construire des navires au Canada». Plus loin, elle parle des «subventions, subsides, prêts privilégiés et autres concessions fiscales» que d'autres pays offrent à leur industrie. Ensuite, dans la recommandation proprement dite, qui me semble assez embrouillée lorsque je la lis, la Chambre de commerce du Canada préconise que le gouvernement fédéral organise une réunion des représentants «des industries de la construction navale, du radoub et de l'extraction pétrolière en mer, ainsi que des industries apparentées» pour arriver à une «politique»—nous y arrivons—qui garantira «la viabilité à long terme» de cette industrie sans offrir quelque subvention que ce soit, parce que c'est cette option que privilégie la Chambre de commerce.

Alors pourquoi donc ne pas cesser tout simplement de parler de politiques pour vous entendre plutôt nous dire exactement de quelles subventions vous avez besoin? Si vous voulez de l'aide au niveau du financement, parfait, parlons-en. Acceptons le fait que cela va coûter de l'argent au Trésor public et que peut-être le gouvernement doit décider s'il veut ou non avoir au Canada une industrie navale viable. Et à ce moment-là disons oui, cela va coûter de l'argent. Pour le moment, je suis partie prenante dans un débat sur la question de savoir s'il faut intervenir pour que les Sénateurs d'Ottawa restent à Ottawa, pour qu'il continue à y avoir des équipes de hockey au Canada. C'est le même genre de choses. Les gens nous disent sans arrêt que cela ne va pas coûter un sou. Pas du tout, cela va coûter de l'argent.

Si vous voulez les politiques—et je pense que vous venez de nous expliquer ce que vous souhaitez—il faut accepter que cela coûtera quelque chose. Ce qu'il faut déterminer c'est si nous sommes ou non prêts à payer. Comme l'a demandé M. Chernecki, le gouvernement a-t-il décidé que cette industrie est morte ou non? Je pense qu'il suffit que nous soyons convaincus qu'avec une aide raisonnable, ce secteur est viable.

La présidente: Monsieur Holloway, je vous en prie.

• 1140

M. Les Holloway: Nous ne pourrons pas trouver de solutions tant que nous n'aurons pas reconnu que nous avons deux problèmes. D'abord, le gouvernement fédéral ne reconnaît pas qu'il y a un problème dans l'industrie. J'ai écouté le député John Cannis parler de la politique en matière de construction navale lors du débat en première lecture à la Chambre. Manifestement, il croit que l'industrie n'a aucun problème dans ce pays. Je peux vous dire qu'il faut avoir des oeillères pour en venir à cette conclusion.

Donc il y a deux questions en jeu, comme je l'ai dit. Un, il faut reconnaître que nous avons de graves problèmes dans l'industrie. Ensuite, il faut réunir les intéressés pour discuter de leur situation. Est-ce que nous pouvons faire cela? Nous avons déposé ce que nous prétendons être les éléments d'une politique qui aiderait l'industrie au Canada, en nous inspirant dans la plupart des cas de ce qui est offert dans d'autres pays. Nous acceptons que nous ne voulons pas nous lancer dans une guerre de subventions. Nous en sommes déjà à ce point. Nous ne voulons pas demander d'argent. Mais y a-t-il des choses que nous pouvons faire au sein de l'industrie qui puissent améliorer la situation?

J'ai écouté le député John Cannis—je ne veux pas m'en prendre à lui—mais il en a parlé. Il a soulevé la question du traversier et il a mentionné tout d'abord que grâce à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, le gouvernement fédéral au Canada acquiert ses navires par voie de soumissions limitées à des fournisseurs canadiens. Eh bien, je ne sais pas où travaillent les Canadiens en Europe pour construire ce traversier ou si on construit le traversier en Europe avec des Canadiens, mais le traversier va venir ici de là-bas.

Le dernier traversier en service entre la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-Labrador, le Joseph and Clara Smallwood, a été construit par le chantier naval Davie. C'est donc possible, si nous adoptons le mode de gestion dont nous avons parlé, c'est-à-dire avec un bail à court terme pour faire face aux problèmes qui existent sur ce parcours et si nous prévoyons construire un traversier pour le XXIe siècle et après avec les travailleurs des chantiers maritimes du Canada. Je suppose toutefois que ce que nous disons, c'est reportons le tout.

Enfin, j'aimerais dire que lorsque le ministre John Manley a annoncé une rencontre avec les représentants des franchises canadiennes de la Ligue nationale de hockey afin de discuter de leurs problèmes, il a dit très clairement qu'il n'avait pas de réponses à leurs problèmes. Les représentants voulaient s'asseoir et discuter pour voir s'il y avait des réponses à leurs problèmes. Nous disons, c'est ce que nous voulons faire. Nous voulons faire admettre qu'il y a un problème et ensuite nous voulons nous asseoir et en discuter afin de déterminer s'il y a une solution, à la canadienne, à nos problèmes tout en maintenant une industrie qui a une importance vitale pour ce pays, et ce pour de nombreuses raisons.

La présidente: Merci.

Merci, monsieur Murray.

Monsieur Riis, je vous en prie.

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Merci, madame la présidente. Notre propre Jones ici m'a demandé de poser quelques questions en son nom, si vous le permettez. Donc si vous pouviez me donner une minute ou deux...

M. John Cannis: Nous allons vous donner plus de temps.

La présidente: Voulez-vous savoir si je m'y oppose?

M. Nelson Riis: Oui.

La présidente: C'est là une question?

M. Nelson Riis: Vous n'avez pas à répondre, faites simplement preuve de patience.

Ce matin me fait penser à un livre offert sur le marché. Je pense qu'il s'intitule «Men Are from Mars, Women Are from Venus». On y montre comment des gens qui tentent de communiquer se trouvent en fait sur des planètes différentes. Ils n'ont pas la moindre chance de communiquer.

Après l'exposé des représentants d'Industrie Canada sur l'industrie de la construction navale, j'avais l'impression que les choses s'annonçaient plutôt mal, que c'était fini. Il s'agissait d'une industrie en déclin à moins que nous ne trouvions un petit créneau ici ou là pour permettre à certains éléments de survivre. Mais voici que vous venez aujourd'hui et que vous nous dites qu'au cours des six dernières années, la productivité a augmenté de 46 p. 100 et vous nous donnez de nombreuses options de rechange en nous disant qu'il pourrait s'agir d'un secteur dynamique. Vous soulignez qu'il y a des commandes de par le monde pour 2 500 navires. Je ne connais pas la taille de ces navires, mais il s'agit, je suppose, d'une industrie qui vaut des trillions. Nous devrions, je suppose, tenter d'obtenir ces commandes.

Ensuite, vous parlez de l'OMC. Je nous vois partout comme des scouts. Nous avons éliminé toute une gamme de programmes agricoles de soutien et ensuite nous nous sommes présentés à l'OMC comme des scouts et nous avons dit, que ceux-là fassent maintenant la même chose. Essentiellement, on nous a dit d'aller nous faire voir, et nous sommes donc partis, disant que nous allions continuer à travailler. Le tableau que vous dressez est assez semblable. Nous sommes encore une fois des scouts. Nous ne voulons pas subventionner. Nous ne voulons pas avoir de programmes. Nous ne voulons même pas d'une stratégie ou d'une politique. Comme vous l'avez laissé entendre, monsieur Holloway, tous les autres soutiennent leur industrie.

Ma question est donc peut-être un peu bizarre, mais si ce que vous dites est le moindrement vrai, il s'agit d'une industrie dynamique et il faut que nous obtenions notre part. Nous pouvons le faire, comme vous l'avez suggéré par toute une gamme de propositions qui me semblent tout à fait raisonnables. La Chambre de commerce dit vouloir faire ceci. Les syndicats disent vouloir faire cela. Nous avons les premiers ministres provinciaux qui veulent faire ceci. Je suppose que nous aussi, du moins de ce côté-ci, voulons faire cela et même certains là-bas veulent faire quelque chose. Comment se fait-il que le gouvernement ne fasse rien? Je ne dirai pas seulement le gouvernement, mais pourquoi M. Manley ou quelqu'un d'autre ne formule-t-il pas une politique, une stratégie industrielle rentable de construction navale? Ces gens ne sont pas stupides, n'est-ce pas? Qu'est-ce qui nous arrête? Est-ce que vous pouvez mettre le doigt dessus?

• 1145

M. Robert Chernecki: Nous aimerions voir M. Manley mettre la politique de construction navale sur un pied d'égalité avec les équipes de hockey dont il se préoccupe tant. Je le dis un peu d'un ton pince-sans-rire, mais pour répondre directement à votre question, le gouvernement fédéral semble avoir l'impression, à raison, à tort, et nous pensons clairement que c'est à tort, que l'industrie se meurt. Ce n'est pas le cas. Nous pouvons le démontrer, mais il faut que quelqu'un nous écoute. Tout ce que nous demandons, depuis le départ, c'est de permettre aux parties intéressées de se réunir sous le leadership du gouvernement fédéral, non pas pour discuter de subventions, mais pour parler des difficultés de l'industrie et de ce que le gouvernement peut faire pour l'aider. Voilà tout ce que nous voulons.

Encore une fois, je pense qu'il faut dire que si les autres gouvernements à travers le monde appuient clairement leur industrie, pourquoi le gouvernement du Canada n'appuierait-il pas un secteur qui à une certaine époque était le plus productif au monde et le mieux coté? Ce secteur a permis de transporter des biens du nord au sud et d'est en ouest.

En fin de compte, on doit nous donner l'occasion de permettre aux gens de comprendre quels sont nos problèmes et ce dont on a besoin pour appuyer l'industrie.

M. Nelson Riis: Avec tout le respect que je vous dois, je comprends ce que vous dites. Ce que vous dites est parfaitement clair et ça fait des années que vous le dites, la question que je vous pose est la suivante: pourquoi pensez-vous que le gouvernement du jour—quelle que soit son affiliation politique—ne fait rien. Comme vous le dites, il suffit de convoquer une réunion de tous les intervenants—quelque chose que nous faisons tous les jours—pour voir s'il ne pourrait en sortir une politique. Pourquoi ne faisons- nous pas cela?

M. Les Holloway: De toute évidence, nous ne connaissons pas la réponse. Si nous la connaissions, c'est un gros morceau du casse- tête qui disparaîtrait. Nous ne savons pas pourquoi le débat ne peut même pas avoir lieu ni pourquoi on voudrait que l'industrie meure sur pied.

N'oublions pas ces arguments que nous entendons régulièrement. J'étais à la Chambre où l'on disait que l'industrie souffre d'une capacité excédentaire à l'échelle mondiale. Il nous suffirait d'obtenir 1 p. 100 de tout ce qui se fait à l'échelle mondiale au niveau de la construction de navires pour qu'il y ait trop de travail pour tous les travailleurs de chantiers maritimes du pays. Nos chantiers maritimes seraient débordés de travail si nous pouvions obtenir ce 1 p. 100. À l'heure actuelle, nous n'en obtenons que 0,04 p. 100, même pas 0,5 p. 100.

L'autre question dont il est important de tenir compte c'est qu'il ne faut pas oublier que les armateurs ont déjà dit qu'au cours des cinq à six prochaines années, les navires canadiens devront être remplacés ou réarmés de façon importante. On parle de 60 à 70 navires. Ils ont dit qu'adopter une politique aiderait à s'assurer qu'une bonne partie de ce travail puisse se faire ici. Mais pensez-y. Ils n'ont qu'à envoyer leurs navires aux États-Unis, faire faire le travail là-bas et obtenir un financement de 87,5 p. 100 pour une période de 25 ans. Nous n'avons aucun programme pour financer le réarmement d'un navire canadien de façon à ce que le travail se fasse dans un chantier naval canadien. Cela n'existe que pour l'aide à l'exportation. On est complètement à côté de la coche ici et à moins d'enfin reconnaître que...

Revenons à votre question. Je crois que c'est tout simplement parce qu'on ne veut pas reconnaître que notre industrie nationale connaît de sérieux problèmes. Réunir les intervenants pour trouver des solutions possibles pourrait aboutir à l'adoption d'une politique.

Donc, nous n'avons pas de réponse à cette question, mais nous espérons que grâce à notre campagne—et nous n'allons pas mettre fin à notre campagne; nous n'allons pas disparaître dans la nature. Tout le monde doit comprendre cela. Nous n'allons pas faire faux bond à des milliers de travailleurs qui chôment aujourd'hui parce qu'il n'y a pas de navires à construire parce qu'on les construit tous à l'étranger. Nous allons continuer de nous battre. Nous voulons que le gouvernement avoue enfin qu'il y a un problème et qu'il y existe des solutions. Nous en avons à proposer. Nous voulons que le débat ait lieu pour pouvoir offrir une solution canadienne à ce qui se passe au Canada à l'heure actuelle.

La présidente: Merci beaucoup.

M. Nelson Riis: J'ai une question à poser pour Jim.

La présidente: Une dernière question, toute courte, pour Jim.

M. Nelson Riis: Vous avez dit quelque chose à propos d'une augmentation d'activité pour les plates-formes de forage pendant les dix prochaines années. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce propos? Vos économistes pourraient-ils faire une petite étude pour nous donner une idée des possibilités de cette industrie pour le Canada?

C'est une question de pure forme.

La présidente: Merci.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka: Merci, madame la présidente.

• 1150

Monsieur Chernecki, je voudrais tout simplement revenir à certains des points que vous avez soulevés. Je ne vais pas m'attarder au point a), mais plutôt au point b), où vous parlez du règlement concernant le crédit-bail, avec des exemples à la fin du paragraphe.

À votre avis, est-ce que l'amortissement accéléré s'appliquerait à certains de ces cas?

M. Robert Chernecki: Comme je n'ai pas rédigé cette partie-là, je vais demander à Les d'y répondre.

M. Walt Lastewka: Vous me donnez l'impression que ces autres produits bénéficient de l'amortissement accéléré et du crédit-bail, et que la construction navale devrait en bénéficier, elle aussi. J'aimerais donc obtenir des précisions là-dessus.

M. Les Holloway: Nous disons que c'est effectivement le cas, en ce qui concerne le crédit-bail.

M. Walt Lastewka: Pourriez-vous me fournir des données pour confirmer que les wagons de chemins de fer et les camions bénéficient effectivement de cet amortissement accéléré et du crédit-bail?

Au point c), où vous proposez un crédit d'impôt que vous combinez avec la R-D, nos échanges de ce matin ont démontré que ce crédit d'impôt n'est pas accordé automatiquement, et c'est pour cette raison que vous essayez de le déguiser en R-D. Il s'agit en fait d'un montant déductible aux fins de l'impôt ou d'une subvention. Seriez-vous d'accord avec moi?

Si on bénéficie d'un dégrèvement automatique de 20 p. 100, de 15 p. 100, ou de 10 p. 100... il s'agit en réalité d'une subvention, d'une déduction, d'un crédit d'impôt. Je ne crois pas que vous ayez voulu l'inclure aussi dans la catégorie de la R-D.

M. Les Holloway: On pourrait bien débattre de ce que vous entendez par subvention et de ce que nous entendons, nous, par ce même terme. On nous dit que notre proposition revient à une demande de subvention globale, tandis que le gouvernement fédéral offre actuellement un montage de financement. Nous demandons un meilleur montage de financement, mais si le montage proposé fonctionne moins bien que celui qui est en place, celui-ci est également une subvention, même si le gouvernement fédéral ne le considère pas comme tel.

J'essaie de répondre à votre question en disant que nous sommes d'avis qu'il ne s'agit pas d'une demande de subvention. Comment peut-on créer des incitatifs pour que les armateurs fassent construire des navires au Canada? Selon nous, cela devrait faire partie de la politique. Le gouvernement du Québec a élaboré un programme semblable, qui connaît un certain succès, mais il faut mettre en place des initiatives fédérales.

M. Walt Lastewka: Je dois vous interrompre parce qu'il ne me reste plus beaucoup de temps et j'ai d'autres questions à vous poser.

Vous voulez mettre ça avec la R-D, mais le vérificateur général nous tomberait dessus, et voilà la difficulté que j'y vois. Si on essaie de faire cela, le vérificateur général va dire qu'on n'a pas le droit.

Certains d'entre vous ont dit que nous possédons déjà une politique, et d'autres que nous n'en avons pas. Votre document laisse entendre qu'il existe effectivement une politique. Avons- nous aujourd'hui une politique pour la construction navale?

M. Robert Chernecki: Pas une qui fonctionne bien.

M. Walt Lastewka: Vous dites que non.

Je vous demande s'il existe une politique, oui ou non. Qu'elle fonctionne bien ou non, qu'elle soit bonne ou mauvaise, qu'elle ait besoin d'être renforcée ou non, il existe aujourd'hui une politique. Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Robert Chernecki: Non, je ne suis pas d'accord.

M. Walt Lastewka: D'accord, il n'y a pas de politique.

Monsieur Gauvin, vous avez mentionné ce qui est arrivé au chantier Davie, etc. Si je comprends bien, pendant la période à laquelle vous faites allusion, le chantier Davie a reçu des contributions et des subventions d'environ 1,9 milliard de dollars. Êtes-vous d'accord avec moi?

[Français]

M. Richard Gauvin: Absolument pas. On appelle cela de la désinformation. Je vous dirai que le gouvernement du Canada, ayant besoin de faire construire des navires pour la marine canadienne, devient un entrepreneur au même titre que tous les clients que Davie a eus durant son existence. Quand le Brésil fait construire ou modifier une plate-forme de forage ou quand qui que ce soit d'autre fait construire un navire chez nous, ce n'est pas une subvention.

Le montant total des montants accordés à Davie par le gouvernement du Canada a pu friser 1,9 milliard de dollars pendant les 15 dernières années. C'est peut-être le cas. Je n'ai pas fait l'exercice. Mais ce ne sont pas des subventions. Ce n'est pas ce qu'on appelle des subventions. Quand un entrepreneur construit une maison, le propriétaire ne donne pas une subvention à l'entrepreneur; il lui donne un montant d'argent pour un service dont il avait besoin et qu'il a reçu. C'est ce qui se passe. Ce ne sont absolument pas des subventions.

• 1155

[Traduction]

M. Walt Lastewka: Dans votre rapport, monsieur Gauvin, vous avez parlé aussi du taux horaire, en disant que nous pouvons faire concurrence à cet égard. Je ne sais pas si, tout compte fait, nous sommes en mesure de concurrencer d'autres pays, mais mettons que c'est le cas pour le taux horaire et la technologie, comme vous l'affirmez. Si nous sommes capables de faire concurrence sur ces deux aspects, est-ce que vous prétendez que c'est seulement au niveau du financement que nous ne sommes pas compétitifs?

[Français]

M. Richard Gauvin: Effectivement, et vous en avez la preuve aujourd'hui. Les Industries Davie ont soumissionné, il y a environ deux ans, pour l'obtention de deux contrats de plate-formes de forage, les Amethysts. Il y avait en compétition la Corée et Halter Marine aux États-Unis. Davie en a obtenu deux, la Corée, deux et Halter Marine, au Missouri, deux aussi. C'est Davie qui vend la conception et l'ingénierie de ce contrat à Daewoo et à Halter Marine, aux États-Unis. En Corée, le chantier maritime emploie 14 500 travailleurs.

La semaine prochaine, vous serez en mesure d'en savoir un peu plus sur la technologie développée et la conception des navires. L'Association de la construction navale du Canada sera en mesure de vous donner le détail de ces éléments. C'est peut-être un élément qui vous échappe parce que vous n'êtes pas dans le milieu, et je pense que cette information vous sera très utile.

[Traduction]

M. Walt Lastewka: Je vais vous arrêter là. Mettons que vous êtes compétitifs sur le plan technique et sur le plan de la main- d'oeuvre; je voudrais donc savoir à quel niveau vous ne l'êtes pas.

La présidente: Nous allons devoir garder ces questions pour le prochain groupe de témoins, puisque je dois permettre à M. Cannis de faire une courte intervention.

M. John Cannis: J'aimerais remercier les témoins.

Je vais commencer en disant que, si je comprends le point de vue exprimé par Les, je dois toutefois y apporter un correctif, car je n'ai pas dit qu'il n'existait pas de politique de construction navale. Peut-être que votre organisme n'appuie pas la politique qui existe, comme l'a affirmé M. Chernecki, mais pour gagner du temps, je ne vais pas décrire les activités de la Société pour l'expansion des exportations et de la Corporation commerciale canadienne, et le facteur d'amortissement. Mon collègue, M. Walter Lastewka, en a déjà parlé.

On a dit que l'industrie ne voulait tout simplement pas en discuter avec nous. D'après les documents que j'ai sous les yeux—et je me trompe peut-être—le ministère, le ministre, le personnel et des représentants d'Industrie Canada auraient rencontré des représentants de l'industrie de la construction navale et du radoub à plusieurs reprises pour discuter de façons d'améliorer la situation. Pour ma gouverne, pourriez-vous me dire si c'est bien le cas?

M. Les Holloway: Si nous nous sommes rencontrés en tant que groupe? Non.

M. John Cannis: Je tiens à préciser qu'il y a deux côtés dans cette industrie. Je voudrais tout simplement savoir la vérité.

M. Les Holloway: La question que vous avez posée évite la réponse courte que vous cherchez, mais j'y répondrai comme suit. Il semble y avoir eu une réunion bidon avec les avocats, mais il faudrait plutôt poser la question aux représentants de l'Association des employeurs, qui comparaîtront ici la semaine prochaine.

M. John Cannis: Je ne sais pas s'il me reste encore du temps, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Cannis.

M. Robert Chernecki: J'ai quelque chose d'important à dire en réponse à la question, madame la présidente. Ce que nous avons demandé, c'est une réunion à laquelle participeraient toutes les parties prenantes. Cette réunion a-t-elle eu lieu? Non.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Chernecki.

On a posé beaucoup de questions ici aujourd'hui et, comme vous voyez, tous les membres du comité s'intéressent beaucoup à cette question et à cette industrie.

Pour mieux comprendre la situation, un des membres du comité a demandé de l'information, que vous pourrez envoyer au comité un peu plus tard, concernant les possibilités pour le Canada de faire concurrence à d'autres pays du monde sans accorder de subventions, puisque nous savons que d'autres pays donnent effectivement des subventions. Vous avez proposé l'élaboration d'un montage financier, mais si vous pouviez nous fournir certaines précisions à cet égard, peut-être par écrit quand vous aurez eu le temps de rédiger quelque chose, cela nous aiderait.

J'aimerais vous remercier tous d'avoir comparu devant le comité et je tiens à vous dire que le comité va poursuivre son étude de cette question. Nous allons entendre une autre série de témoins la semaine prochaine et nous verrons à ce moment-là ce qu'il y a à faire. Nous pensons bien que le comité sera en mesure plus tard de formuler certaines recommandations dans ce domaine.

La séance est levée.